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    Plan détaillé Texte intégral La décadence des institutions Progrès et déchéance morale Progrès et tradition Notes de bas de page Auteur

    Littérature et modernisation au Brésil

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Progrès et décadence dans le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado1

    José Leonardo Tonus

    p. 93-103

    Texte intégral La décadence des institutions Progrès et déchéance morale Progrès et tradition Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    O Estrangeiro foi um aviso
    Plínio Salgado

    1La décadence n’est pas un concept scientifique. C’est une notion subjective qui dans le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado se réfère à l’état des mœurs de la société brésilienne au début du XXe siècle, ainsi qu’aux aspects les plus visibles de ses mutations économiques, sociales et politiques. Écrit en 1926, mais se rapportant à des faits situés entre 1913 et 1923, ce roman reste très attaché à une vision post-romantique décadente utilisant la négation comme un moyen privilégié de représentation de l’univers. Ici, l’auteur dénonce les méfaits du progrès industriel et du développement urbain, met en scène l’échec du temps présent tout en le transformant en un objet esthétique à part entière. Le roman O Estrangeiro est révélateur de l’inquiétude de l’auteur face aux contradictions de la société brésilienne en pleine transition. Il constitue également le cadre d’élaboration de thèmes fondamentaux de l’idéologie intégraliste.

    La décadence des institutions

    2Le thème de la décadence structure le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado, qui tout au long de son récit s’applique à cataloguer les signes visibles de la « Chute » de la civilisation brésilienne moderne.

    3Au centre de ce débat se trouve la question des institutions juridiques et politiques brésiliennes, qui, selon le narrateur et protagoniste du roman, constituent les responsables du chaos dans lequel vit le pays depuis l’instauration de la République en 1889. Il ne s’agit pas d’y voir une apologie du système monarchique, d’ailleurs souvent critiqué tout au long de l’histoire. Le narrateur ne regrette pas la disparition de la couronne brésilienne. Il regrette uniquement la perte d’une certaine unité politique existant à cette époque. Car, pour lui, la démocratie mène à l’affaiblissement du pouvoir central et au développement des particularismes. Le système clientéliste régnant dans le village de Mandaguary, où se déroule une grande partie du récit, en est ainsi la preuve :

    Os cidadãos submetiam-se servilmente às injuncções do Diretório e este aos caprichos dos chefes regionais.
    O Estado era, assim, dividido em feudos, com senhores barões mandantes de assassínios.
    O quinhão da justiça correspondia à soma dos títulos eleitorais. O juri abria as portas aos criminosos mais terríveis, se havia nisso interesse político.2

    4Dans un tel système seul les plus astucieux réussissent. C’est le cas de Feliciano, personnage issu de l’ancienne oligarchie terrienne, qui, déchu socialement, essaie de trouver un nouveau moyen d’ascension sociale par le biais de la politique.

    5Feliciano profite de la fièvre nationaliste et xénophobe, à l’entrée du Brésil dans la Première Guerre mondiale, pour se faire connaître de son électorat. Il réorganise le parti d’opposition et s’engage dans la campagne pour le vote secret. Il fait également des discours enflammés sur les dangers de la présence massive d’immigrés européens au Brésil et parvient à embrigader quelques villageois dans la lutte armée. Mais à la fin du conflit mondial, coup de théâtre : Feliciano abandonne ses velléités démocratiques, quitte l’opposition et pour assurer son élection conclut un accord avec l’électorat immigré. C’est sans scrupules qu’il dévoile sa pensée politique dans une lettre adressée à son ami Juvêncio :

    Estando, como estou, com o diretório reconhecido, preciso agora cavar o meu, afim de recuperar o tempo perdido. Isso de voto secreto é muito ótimo quando se está na oposiçâo, apenasmente. Neste ponto estou de acordo.
    O que aconselho o amigo é que talentoso, como sendo, alias sem coincidência, procure aproveitar o cujo (talento), como de justo é. Procurando fazer carreira. Faça, como eu, o futuro nos pertence, e cada povo tem o governo que merece, consoante um escritor cujo nome nâo me lembro.3

    6Dans le roman O Estrangeiro, la décadence de la civilisation brésilienne est intimement liée à son choix politique. Pour le narrateur, la République a mis en place une société égalitaire, où seul compte l’individu, son existence et ses volontés. L’attitude des ouvriers d’Ivan au moment des grandes grèves des années 1917 et 1918 à São Paulo le démontre clairement. Egoïstes et dépourvus de tout esprit de classe, ils se désolidarisent des mouvements sociaux et continuent à travailler. Rien ne peut les arrêter dans leur recherche effrénée d’ascension sociale.

    Os operários de Ivan compareceram trêmulos, fiéis ao chefe. Ivan dirigiu-lhes a palavra, com a cara fechada. Julgava-os covardes e egoístas.
    – Estão resolvidos a trabalhar ?
    – Estamos.
    Entraram em turbilhão, pelo portâo escancarado [...]

    Voltou à fábrica. Os operários trabalhavam. Reuniu-os no pátio.
    – Não quero aqui ninguém mal satisfeito. Sejam francos. Desejam trabalhar ?
    Um jovem serralheiro adiantou-se :
    – Não abandonaremos o serviço. Os salários não são muito grandes e o horário é duro ; mas amanhã poderemos ser patrões. A nossa condição é passageira. Por isso, aqui estamos, e ficaremos.4

    7Dans les années 1920, le développement industriel du Brésil se poursuit, notamment à São Paulo, qui connaît un essor économique sans précédent. Le « Triangle », formé par les rues Direita, São Bento et 15 de Novembro, devient le centre névralgique de la capitale de l’Etat, vers où convergent tous les espoirs de ceux qui rêvent d’une vie meilleure.

    8Après la vente des terres du riche colonel Pantojo, Martiniano, son ancien régisseur, s’installe à São Paulo et finit par aimer la vie dissolue de la ville. Il dilapide la fortune de son patron et, pour arriver à ses fins, extorque de l’argent à son ancienne femme, qui se prostituait dans de sordides maisons closes :

    Martiniano ficou, em São Paulo, corretor da praça. Com as primeiras tacadas, grangeou considerações na roda fina. Ateou no coração um desejo forte de sensações novas – mulheres, música enchampanhada, volúpias vertiginosas do pano verde.
    Devorava os dias no borborinho do Triângulo, às portas dos Bancos e das Boisas, na investida contra o azar.5

    9L’argent et la réussite économique constituent les seules véritables motivations de l’univers peint par Plínio Salgado. Car pour lui, le libéralisme économique, avatar de la démocratie, a permis le développement d’une société ploutocrate, qui non seulement a accentué les écarts sociaux, désagrégé et fragilisé l’appareil étatique, mais surtout a corrompu les valeurs morales de la société brésilienne.

    Progrès et déchéance morale

    10Dans le roman O Estrangeiro, le thème de la décadence s’accompagne d’une vision pessimiste de l’histoire qui voit dans le progrès l’une des causes majeures de la dissolution des mœurs de la société traditionnelle brésilienne.6

    11Après avoir vendu ses propriétés, le colonel Pantojo s’installe à São Paulo. Secondé par Martiniano, il fréquente les cabarets et les maisons closes de la capitale pauliste. Dépourvu de toute conduite morale, il détourne des mineures et entraîne la jeune et pure ouvrière Marina – qui voulait devenir actrice de cinéma – dans une vie de débauche. Maria de Lourdes, la cadette du colonel, rêve d’être une femme libre. Elle se marie mais continue à fréquenter Ivan, dont elle tombera enceinte. A la fin du récit elle mourra des suites d’un avortement.

    12Presque toute la littérature décadente flétrit la licence sexuelle, qui du reste contribue à la dégradation génétique. Mais une mention particulière doit être réservée à la question de l’homosexualité, dont la visibilité, réelle ou imaginaire, est à coup sûr un signe de la décadence.

    13Dans le roman, le narrateur évoque avec mépris la féminisation de l’homme brésilien. Ses principales cibles sont les intellectuels et la société mondaine, fréquentée par Floriano et l’aîné de Pantojo. Celui-ci est obligé de quitter précipitamment le pays après avoir été découvert dans un hôtel en compagnie d’un autre homme.

    14En effet, au fur et à mesure qu’on avance dans le récit, les images de mort et de destruction envahissent la diégèse, notamment après la deuxième partie du roman, lorsqu’il s’opère un changement spatial de l’action de la campagne vers la ville.7

    15La plupart des écrivains de la première phase du modernisme brésilien décrivent la ville comme un espace euphorique, l’incarnation même d’un Brésil nouveau, métissé et moderne. Chez Plínio Salgado, en revanche, elle constitue un espace de dispersion, où l’être, fondu dans l’anonymat des foules, est confronté sans cesse à l’indifférence générale :

    Os dramas passados, ignorados, no turbilhão indiferente da cidade.
    Os industriais cuidavam de sua industria. Os políticos, da sua política. Os artistas, da sua arte. E, todos, do seu dinheiro, da sua ambição, da sua glória.
    Só os mendigos, extendiam as pernas ulceradas nos passeios ; e os suicidas, e os passionais, na praça pública dos « factos-diversos »
    Ninguém tinha tempo para ver as chagas.
    Nem para ler a crônica trabalhada do repórter.8

    16Dans le récit, les images de pourriture s’accompagnent souvent de métaphores médicales, contribuant ainsi à accentuer la vision « crépusculaire » de la société urbaine du Brésil. Le village de Mandaguary sera alors comparé à la cellule d’un corps infirme affaibli par une maladie chronique. D’ailleurs, c’est elle la responsable de l’envoie de troupes brésiliennes dans les tranchées de Verdun. Cette maladie a un nom : la transplantation des modèles culturels décadents :

    A caserna, instinto de conservaçâo ululante, açularia fibra antiga letalizada nas derrotas sucessivas dos ideais.
    E o Brasil, bacharel botocudo, picado de malaria e amolecido nos moles almofadôes das poltronas inglesas, surgiria soldado de farda, com banhos de chuveiro e concurso de tiro ao alvo.9

    17Le Brésil semble infecté depuis longtemps par le puissant virus du cosmopolitisme, dont les colonisateurs et les immigrants ont été les principaux vecteurs. Ainsi

    A civilização estrangeira é uma toxina secretada pelo adventício, para anular todos os meios de defesa do organismo nacional, como o fenômeno biológico das invasões mortais das bactérias... O Luxo de Paris amacia as arestas. Amolgam o granito codas as filosóficas céticas literaturas ressoantes dos gemidos e extentores dos povos decrépitos. À Sorbonne e aos cafés de Montmartre aliaram-se a rue de La Paix e o Maxim’s. Depois vieram os yankees e nos ofereceram um ideal de convencionalismos, que o pais ainda não entendeu ; e Comte traçou o lema da nossa bandeira. Os italianos encontraram cidades sem feição e um fundo desdém do brasileiro por tudo o que é seu.10

    18La pensée « décadente » de Plínio Salgado est nourrie, en effet, d’un sentiment d’angoisse devant l’éventuelle altération du groupe. L’auteur craint la dégradation de la Nation brésilienne et l’apparition d’une race adultère, résultantes de la modernisation du pays.

    19Mais en dénonçant l’échec de cette société, Plínio Salgado finit par annoncer sa reconstruction. Car, toute affirmation de nouveaux référentiels esthétiques, sociaux ou idéologiques passe par le constat de la faillite du temps présent.

    20Dans le roman O Estrangeiro, Plínio Salgado fait de la « dé-construction », de la négation et par conséquent de la notion d’échec un moyen privilégié de représenter le monde. Ses recherches sur les racines nationales lui permettent, enfin, d’élaborer une thèse sur l’idée de la nécessité de l’émergence d’une nouvelle civilisation à partir d’une base ethnique commune, à la fois moderne et traditionnelle : celle du Brésil caboclo.

    Progrès et tradition

    21Le caboclo constitue dans le roman O Estrangeiro la figure emblématique du projet de reconstruction d’identité nationale imaginé par Plínio Salgado.

    22Malgré ses origines métissées, le caboclo apparaît, dans le récit, comme un mythe stable, notamment en raison de son isolement. Eloigné du littoral et vivant à l’écart de la société moderne urbaine, le caboclo, incarné par le personnage Zé Candinho, s’est constitué en une race d’hommes virils, pures et forts, à l’instar des chevaliers médiévaux. Courageux, il ne craint pas les dangers. Généreux, il exprime un refus catégorique vis-à-vis de la société urbaine dissolue. Loyal, il n’abandonne jamais les engagements auxquels toute sa vie est soumise.

    23Zé Candinho s’oppose au type même du « Jeca-Tatu », le paysan malingre, ignare, symbole du peuple brésilien victime de sa naïveté et d’un système hégémonique culturel oppresseur. Il est l’antithèse du personnage Indalecio, dont le patronyme [Indalecio = indolence] suggère déjà l’état de léthargie dans lequel il vit.11 Ainsi:

    A conquista era fácil. Nos éramos o Jeca-Tatu acocorado e banzeiro ? Pobre caboclo ! Que culpa lhe cabe, se lhe não acenaram com o idealismo que ele não compreende ? Se os diretores da nacionalidade não souberam integrar o homem à onda exata do seu destino ?12

    24Pour décrire la magnificence du caboclo et son combat contre l’élément étranger, le narrateur utilise des métaphores sylvestres autour de l’image du palmier :13

    A guabiroba e o jerivá são irmãos do gavião-rei, viciados no amor do céu.
    [...]
    A última palma cai com o derradeiro sonho. O caule, sem fronde, é um desespero
    decepado. Lança negra de algum mistério. Quixote, investindo contra o céu.
    Coluna votiva.
    Obelisco da nacionalidade. »14

    25L’arbre est une métaphore traditionnelle de la rhétorique nationaliste traduisant à la fois la durée, l’authenticité, le sacré et l’enracinement.15 Dans le roman, buritis, bagüassus, jerivás, macaúbas, macumãs, indaiás, brejaúvas sont associés au destin du caboclo, descendant directe des Bandeirantes, les héros du sertão. Leurs formes en croix rappellent, en outre, le sacrifice du Messie sur lequel repose l’espoir du salut éternel, ici, celui de la naissance d’une nouvelle civilisation brésilienne :

    Partiu o outro aventureiro no seu cavalo resupino.
    A Maleita, saiu das âguas esverdinhadas e estendeu sobre o insensato o seu manto glacial. O cavalo tranformou-se num rio e o cavaleiro num bagüassú, a palmeira de fronde bipartida, à maneira de duas asas ameaçando o vôo interrompido.
    Foi por isso que o sertâo ficou triste.16
    [...]
    Os boritis fixam nas asas abertas a volada inicial da fuga vertiginosa. E os braços do caboclo sâo como as asas dos boritis agitadas pelo vento.17

    26Le palmier, en tant que symbole du génie sédentaire, s’oppose dans le récit à l’image maléfique des peuples nomades, auxquels le narrateur associe les immigrants et les juifs. C’est en tout cas l’interprétation proposée par Ivan sur sa destinée d’homme sans attaches :18

    Tal o grito de uma sentença, escutava no íntimo, do ser, a palavra látego, que enxotava o Judeu errante, até finalizar do caminho dos séculos :
    – Anda ! Anda ! Anda !
    – « Caminha, Estrangeiro, que não sabes falar a linguagem, de nenhuma terra, que nâo soubeste tomar uma paisagem para a tua moldura, nem um amor para o teu ócio ; que ficaste indeciso entre as mil formas de ser e não te deste inteiro senão ao ideal que brotou, vingativo e cruel, do teu coração, – destruindo-o. O homem é como as árvores : não vive sem raízes, lançadas nalguma terra... »19

    27A partir du thème de l’éternel voyageur, Plínio Salgado associe au mythe barrésien du déraciné, celui du juif errant, qui, dans le roman, forment une seule entité, nuisible à l’avenir de la Patrie.

    28La mort d’Ivan, le protagoniste de l’histoire, est alors nécessaire, et sera clairement annoncée dès le début du roman. A la fin du récit, Ivan décide de se suicider, mais aussi de tuer tous ses ouvriers. Par son acte rédempteur (et pathétique), il veut proclamer la victoire spirituelle sur le péché et dénoncer l’aveuglement de la société matérialiste moderne. Grâce a la métaphore de l’arbre et au thème de l’enracinement, l’auteur rend un véritable culte à la Terra Mater, qui dans le récit surgit comme la source de la sagesse. Selon lui, ce n’est qu’en se plongeant dans un espace éloigné du monde urbain que l’homme brésilien parviendra à retrouver le bonheur d’antan, celui d’une ère brisée par la modernité, perdue à jamais :

    – As grandes cidades, dizia, nâo possuem traços diferenciais. Que dissemelhança existe entre Sâo Paulo, Nova York, Paris ou Londres ?20
    [...]
    O Urbanismo, – escrevia, contemplando a figura ingênua e varonil do Zé Candinho
    – é a morte da nacionalidade. Porque é a morte do homem transformado no títere cosmopolita. O Homem degrada-se em contato corn o homem ; só a intima correspondência com a Natureza o eleva da condiçâo universal de simio.21

    29Au cosmopolitisme s’oppose le régional, à la grandeur et à l’indifférence des villes, la beauté et l’authenticité du village et de la campagne du sertão, espace mythique, situé en dehors de toute temporalité, dépourvu de l’élément néfaste étranger. Dans le récit, il y a tout d’abord le sertão de l’enfance de Zé Candinho, que le narrateur situe dans les terres du nord de l’Etat de São Paulo, déjà colonisées depuis quelques siècles. Il s’agit d’un espace ancré dans le passé, vivant dans une sorte de sommeil léthargique, auquel il associe l’image de la mère nourricière :

    Terra boa, Mãe-Velha, que deu de mamar à nação paulista... [...]
    Raro se ouvia por la sotaque estrangeiro. Nunca se alteravam um pormenor da paisagem. Apenas os casebres ficavam mais negros e esburacados, os brejos mais esverdinhados na moldura dos tufos de taboa.22

    30Ensuite, il y a l’autre sertão, celui des zones pionnières situées à l’ouest de l’Etat de São Paulo. Zé Candinho s’y installera, une fois rejeté par Concetta, la fille de Carmine. Juvêncio y sera transféré à la fin du récit, après ses déclarations virulentes contre la politique des partis locaux. Dans une lettre adressée à son ami Ivan, il lui raconte son émerveillement pour ces contrées, symboles de l’avenir du pays, où l’homme, en communion avec la terre découvre enfin sa valeur :

    É aqui que esta a Voz-que-chama ; o ímã do sertão, que irmana todo o país na unidade política e que o definirá na unidade futura de uma raça forte. [...] juvêncio exultou, ao vê-lo [Zé Candinho]. Como estuava, no caboclo forte, a vitalidade da raça, livre da contaminação dos grandes centres ! E como era diferente dos brasileiros urbanos, chocados, ao desequilíbrio das civilizações improvisadas !23

    31C’est à partir de la superposition de ces deux espaces, l’un féminin, maternel et ancré dans le passé, l’autre masculin, viril et tourné vers l’avenir, que le narrateur élabore son projet utopique de restructuration et de modernisation de la société brésilienne, où progrès devient alors synonyme de tradition.

    32Des liens étroits entre fiction et idéologie se tissent dans le roman O Estrangeiro, qui désormais sera toujours associé au mouvement intégraliste, l’un des principaux courants politiques du Brésil, à caractère fasciste.

    33Dans le diagnostic de la civilisation brésilienne, où se conjuguent l’antilibéralisme, l’anticommunisme et l’anticosmopolitisme, le thème du « mal urbain » surgit ici comme un axe central de la pensée politique de Plínio Salgado.

    34En effet, le rythme de l’urbanisation semble effrayer le jeune journaliste originaire de São Bento do Sapucaí, qui dans son premier roman dénonce les conséquences économiques de l’industrialisation capitaliste, les méfaits de l’hégémonie des villes sur la province et le rôle maléfique du cosmopolitisme sur la naïveté du peuple brésilien. Selon lui, la Nation brésilienne doit être plus forte et ne jamais « se laisser subjuguer » par ces forces obscures. Elle doit résister et être capable d’entraîner tout le peuple américain vers un nouvel ordre social, vers la construction d’une « quatrième humanité ».24

    35Mais le projet utopique d’éveil et de reconstruction nationale imaginé par l’auteur échoue et semble à jamais disparu. Seul nous reste son roman, O Estrangeiro, l’expression vivante d’une vision du monde mesquine, étriquée, rétrograde, xénophobe et « assimilationiste », s’appuyant uniquement sur l’immobilisme de la société, sur le mépris, l’élimination et la destruction de « l’autre » au profit du « même ».

    Notes de bas de page

    1 Plínio Salgado, O Estrangeiro. Rio de Janeiro : José Olympio, 1936.

    2 Plínio Salgado, op. cit., p. 103. « Les citoyens se soumettaient servilement aux injonctions des Partis et ces derniers aux caprices des chefs politiques régionaux. Ainsi, l’État se composait de fiefs, dont les seigneurs étaient des barons commanditaires de meurtres. La justice était à l’aune de la quantité des votes. Le jury acquittait les criminels les plus terribles, s’il y voyait un intérêt politique ».

    3 Id, Ibid., p. 237. « Maintenant, que le Parti me reconnaît, je dois faire de mon mieux pour rattraper le temps perdu. Cette histoire de vote secret n’est excellente que lorsqu’on est dans l’opposition. Je suis d’accord sur ce point. Ce que je te conseille, ami, talentueux que tu es, d’ailleurs ce n’est pas par hasard, c’est que tu en profites (du talent), comme tu en as le droit. En essayant de faire carrière. Fais comme moi, le futur nous appartient, et chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite, d’après un écrivain dont je ne me rappelle pas le nom ».

    4 Id., Ibid., pp. 127-129. « Les ouvriers d’Ivan se sont présentés en tremblant, fidèles à leur chef. Ivan leur adressa la parole, le visage renfrogné. Il les considérait dans son for intérieur, comme étant lâches et égoïstes. – Êtes-vous décidés à travailler ? – Oui. Ils sont entrés en tourbillon par la porte grande ouverte [...] ». « 11 est retourné à l’usine. Les ouvriers travaillaient. Il les a rassemblés dans la cour. – Je ne veux personne ici d’insatisfait. Soyez francs. Voulez-vous travailler ? Un jeune serrurier s’est avancé : – Nous ne quitterons pas le travail. Les salaires ne sont pas très élevés et la journée de travail longue ; mais demain nous pourrons devenir patrons. Notre condition est passagère. C’est pourquoi nous sommes là et là nous resterons ».

    5 Id., Ibid., p. 147. « Martiniano devint courtier sur la place de São Paulo. Avec ses premières affaires, il obtint la considération des cercles huppés. Son cœur s’enflamma d’un fort désir de sensations fortes – femmes, musique arrosée de champagne, voluptés vertigineuses du tapis vert. Il passait ses journées dans le brouhaha du Triângulo, aux portes des Banques et des Bourses, dans ses assauts contre le hasard ».

    6 Cette vision pessimiste de l’histoire domine toute la première moitié du XXe siècle au Brésil. Plínio Salgado se situe aux antipodes de l’exaltation nationaliste d’Afonso Celso (Cf. Porque me ufano de meu país, 1900). On pourrait le rapprocher de la pensée historique d’Alberto Torres (Cf. O problema nacional brasileiro) et d’une certaine façon de celle d’Oswald de Andrade (Cf. Os Condenados, 1922) et de Paulo Prado (Cf. Retrato do Brasil, 1928).

    7 Signalons la présence dans le récit de nombreuses métaphores bibliques centrées autour du thème de la destruction et de la décadence. Cf. José Leonardo Tonus, « O Estrangeiro » de Plínio Salgado : un roman sur l’immigration ?, Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies (dir. Jacqueline Penjon), Etudes portugaises, brésiliennes et de l’Afrique lusophone, Paris III, 2000.

    8 Plínio Salgado, op. cit., p. 250. « Les drames se déroulaient, ignorés, dans le tourbillon indifférent de la ville. Les industriels s’occupaient de leur industrie. Les politiciens, de leur politique. Les artistes, de leur art. Et tous de leur argent, de leur ambition, de leur gloire. Il n’y avait que les mendiants pour étendre leurs jambes gangrenées sur les trottoirs ; et les suicidés, les amoureux fous, sur la place publique des faits divers. Personne n’avait le temps de voir les plaies. Ni de lire la chronique laborieuse du reporter. »

    9 Id., Ibid., p. 138. « La caserne, instinct de conservation hurlante, exciterait l’ancienne fibre léthalisée dans les échecs successifs des idéaux. Et le Brésil, diplômé mal dégrossi, marqué par la malaria et avachi sur les coussins mous des fauteuils anglais, se transformerait en soldat en uniforme, prenant des douches et faisant des concours de tir. »

    10 Id., Ibid., p. 264. La civilisation étrangère est une toxine sécrétée par l’immigrant, pour annuler tous les moyens de défense de l'organisme national, comme le phénomène biologique des invasions mortelles des bactéries... Le luxe de Paris émousse les arêtes. Le granit a été écaché par toutes les philosophies sceptiques et les littératures qui résonnent des gémissements et des râles des peuples décrépits. La Sorbonne et les cafés de Montmartre se sont alliés à la rue de la Paix et au Maxim’s. Après les yankees sont arrivés et nous ont offert un idéal de conventionnalismes, que le pays n’a pas encore compris ; Comte a composé la devise de notre drapeau. Les Italiens trouvent des villes informes et le profond mépris du Brésilien pour tout ce qui lui appartient. »

    11 Les patronymes et sobriquets des personnages du roman suggèrent souvent leurs traits de caractère : Zé Candinho [l’ingénuité et la candeur du caboclo] ; Juvêncio [la jeunesse et son idéalisme] Mondolfi [un loup dévorant le monde entier. Le toponyme Mundolfo = Mundus : Monde + wolf loup].

    12 Id., Ibid., p. 264. « La conquête était facile. N’étions-nous pas le Jeca-Tatu accroupi et apathique ? Pauvre caboclo ! Quelle est sa faute, si on l’a amadoué par l’idéalisme qu’il ne comprend pas ? Si les dirigeants de la nationalité n’ont pas su intégrer l’homme dans la vague exacte de sa destinée ? »

    13 On trouve de nombreuses références au palmier dans la Bible et dans les écrits apocryphes. Le palmier est arbre sacré dans la tradition judéo-chrétienne. Il fut le seul à être transporté au paradis. Il symbolise également le combat entre le bien et le mal et est souvent associé à Yahvé, Israël, Abraham et Rebbeca. Cf. André-Marie Gerard, Dictionnaire de la Bible, Paris : Robert Laffont, 1989.

    14 Id., Ibid., p. 219. « La guabiroba et le jerivá sont frères de l’épervier-roi, ivres de l’amour du ciel. [...] Le dernier palmier tombe avec le dernier rêve. La tronc, sans ses feuilles, est un désespoir décapité. La lance noire de quelque mystérieux Quichotte, bravant le ciel. Colonne votive. Obélisque de la Nationalité ».

    15 L’arbre est une métaphore récurrente dans la littérature nationaliste française et brésilienne. Cf. Barrès, Drieux La Rochelle, Gonçalves Dias, Afonso Arinos et Olavo Bilac.

    16 Id., Ibid., p. 52. « L’autre aventurier est parti sur son cheval couché sur le dos. La Malaria est sortie des eaux verdâtres et a lancé sur l’insensé son manteau glacial. Le cheval s’est transformé en fleuve et le chevalier en baguaçu, palmier aux feuillages coupés en deux, comme deux ailes qui menacent le vol interrompu. C’est pour cela que le sertão est devenu triste. » [...].

    17 Id., Ibid., p. 29. « Les palmiers bâches fixent dans leurs ailes ouvertes le vol initial de la fuite vertigineuse. Et les bras du caboclo sont comme les ailes des palmiers bâches agitées par le vent. »

    18 On trouve dans le roman un sentiment antisémite latent et le personnage du juif est souvent décrit de façon caricaturale, soit comme un nomade dangereux à la sûreté nationale, soit comme un être cupide (souvent animalisé) ne songeant qu’à sa réussite personnelle.

    19 Id., Ibid., p. 273. « Tel le cri d’une condamnation, il écoutait aux tréfonds de son être le mot fléau, qui chassait le Juif errant jusqu’à la fin des siècles : – Marche ! Marche ! Marche ! – <Marche, Étranger, toi qui ne connais la langue d’aucun pays, qui n’as pas su prendre un paysage pour cadre de vie, ni un amour pour loisir ; toi qui es resté indécis entre les mille formes de l’être et ne t’es livré complètement que pour l’idéal qui a jailli, vindicatif et cruel, de ton cœur – en le détruisant. L’homme est comme les arbres : il ne vit pas sans racines plantées dans quelque contrée...> ».

    20 Id., Ibid., p. 51. « – Les grandes villes, disait-il, n’ont pas de traits différentiels. Quelle dissemblance y a-t-il entre São Paulo, New York, Paris ou Londres ? » [...].

    21 Id, Ibid., p. 263. « <L’Urbanisme>, – écrivait-il, en contemplant le visage ingénu et viril de Zé Candinho – <est la mort de la nationalité. Parce que c’est la mort de l’homme, transformé en marionnette cosmopolite. L’homme se dégrade au contact de l’homme ; seule la correspondance intime avec la Nature le hisse au-dessus de la condition universelle de singe> ».

    22 Id, Ibid., p. 33. « Bonne terre, Vieille-Mère, qui a allaité la nation pauliste... [...] Rarement on y entendait un accent étranger. Jamais un détail du paysage ne s’altérait. Seules les masures devenaient plus noires et les murs troués, les marécages plus verdâtres dans l’encadrement des touffes de taboa ».

    23 Id, Ibid., p. 218 et 263. « <C’est ici que se trouve la Voix-qui-appelle ; l’aimant du sertão qui fait fraterniser tout le pays dans l’unité politique et qui le définira dans l’unité future d’une race forte>. [...] Juvêncio se réjouit de le voir [Zé Candinho]. Comme elle bouillait, chez ce fort caboclo, la vitalité de la race, libre des contaminations des grands centres ! Et comme il était différent des Brésiliens urbains, frappés par le déséquilibre des civilisations improvisées ! »

    24 Plínio Salgado, « Palavras Novas dos Tempos Novos », 1955, cité par Hélgio Trindade, La tentation fasciste au Brésil dans les années 30, Paris : Editions de La Maison des Sciences de l’Homme, 1988, p. 129. « Nous sommes le dernier Occident. Et parce que nous sommes le dernier Occident, nous sommes le premier Orient. Nous sommes un monde nouveau. Nous sommes la quatrième humanité. Nous sommes l’aurore des temps futurs. Nous sommes la force de la terre [...] Aristote a pensé pour nous ; le Christ nous a donné l’âme ; César et Napoléon ont été nos précurseurs ; Simon Bolivar a été le prophète ; l’Amérique, le nouvel Empire ; et nous sommes le peuple longuement attendu ».

    Auteur

    José Leonardo Tonus

    Doctorant, Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle

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    1 Plínio Salgado, O Estrangeiro. Rio de Janeiro : José Olympio, 1936.

    2 Plínio Salgado, op. cit., p. 103. « Les citoyens se soumettaient servilement aux injonctions des Partis et ces derniers aux caprices des chefs politiques régionaux. Ainsi, l’État se composait de fiefs, dont les seigneurs étaient des barons commanditaires de meurtres. La justice était à l’aune de la quantité des votes. Le jury acquittait les criminels les plus terribles, s’il y voyait un intérêt politique ».

    3 Id, Ibid., p. 237. « Maintenant, que le Parti me reconnaît, je dois faire de mon mieux pour rattraper le temps perdu. Cette histoire de vote secret n’est excellente que lorsqu’on est dans l’opposition. Je suis d’accord sur ce point. Ce que je te conseille, ami, talentueux que tu es, d’ailleurs ce n’est pas par hasard, c’est que tu en profites (du talent), comme tu en as le droit. En essayant de faire carrière. Fais comme moi, le futur nous appartient, et chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite, d’après un écrivain dont je ne me rappelle pas le nom ».

    4 Id., Ibid., pp. 127-129. « Les ouvriers d’Ivan se sont présentés en tremblant, fidèles à leur chef. Ivan leur adressa la parole, le visage renfrogné. Il les considérait dans son for intérieur, comme étant lâches et égoïstes. – Êtes-vous décidés à travailler ? – Oui. Ils sont entrés en tourbillon par la porte grande ouverte [...] ». « 11 est retourné à l’usine. Les ouvriers travaillaient. Il les a rassemblés dans la cour. – Je ne veux personne ici d’insatisfait. Soyez francs. Voulez-vous travailler ? Un jeune serrurier s’est avancé : – Nous ne quitterons pas le travail. Les salaires ne sont pas très élevés et la journée de travail longue ; mais demain nous pourrons devenir patrons. Notre condition est passagère. C’est pourquoi nous sommes là et là nous resterons ».

    5 Id., Ibid., p. 147. « Martiniano devint courtier sur la place de São Paulo. Avec ses premières affaires, il obtint la considération des cercles huppés. Son cœur s’enflamma d’un fort désir de sensations fortes – femmes, musique arrosée de champagne, voluptés vertigineuses du tapis vert. Il passait ses journées dans le brouhaha du Triângulo, aux portes des Banques et des Bourses, dans ses assauts contre le hasard ».

    6 Cette vision pessimiste de l’histoire domine toute la première moitié du XXe siècle au Brésil. Plínio Salgado se situe aux antipodes de l’exaltation nationaliste d’Afonso Celso (Cf. Porque me ufano de meu país, 1900). On pourrait le rapprocher de la pensée historique d’Alberto Torres (Cf. O problema nacional brasileiro) et d’une certaine façon de celle d’Oswald de Andrade (Cf. Os Condenados, 1922) et de Paulo Prado (Cf. Retrato do Brasil, 1928).

    7 Signalons la présence dans le récit de nombreuses métaphores bibliques centrées autour du thème de la destruction et de la décadence. Cf. José Leonardo Tonus, « O Estrangeiro » de Plínio Salgado : un roman sur l’immigration ?, Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies (dir. Jacqueline Penjon), Etudes portugaises, brésiliennes et de l’Afrique lusophone, Paris III, 2000.

    8 Plínio Salgado, op. cit., p. 250. « Les drames se déroulaient, ignorés, dans le tourbillon indifférent de la ville. Les industriels s’occupaient de leur industrie. Les politiciens, de leur politique. Les artistes, de leur art. Et tous de leur argent, de leur ambition, de leur gloire. Il n’y avait que les mendiants pour étendre leurs jambes gangrenées sur les trottoirs ; et les suicidés, les amoureux fous, sur la place publique des faits divers. Personne n’avait le temps de voir les plaies. Ni de lire la chronique laborieuse du reporter. »

    9 Id., Ibid., p. 138. « La caserne, instinct de conservation hurlante, exciterait l’ancienne fibre léthalisée dans les échecs successifs des idéaux. Et le Brésil, diplômé mal dégrossi, marqué par la malaria et avachi sur les coussins mous des fauteuils anglais, se transformerait en soldat en uniforme, prenant des douches et faisant des concours de tir. »

    10 Id., Ibid., p. 264. La civilisation étrangère est une toxine sécrétée par l’immigrant, pour annuler tous les moyens de défense de l'organisme national, comme le phénomène biologique des invasions mortelles des bactéries... Le luxe de Paris émousse les arêtes. Le granit a été écaché par toutes les philosophies sceptiques et les littératures qui résonnent des gémissements et des râles des peuples décrépits. La Sorbonne et les cafés de Montmartre se sont alliés à la rue de la Paix et au Maxim’s. Après les yankees sont arrivés et nous ont offert un idéal de conventionnalismes, que le pays n’a pas encore compris ; Comte a composé la devise de notre drapeau. Les Italiens trouvent des villes informes et le profond mépris du Brésilien pour tout ce qui lui appartient. »

    11 Les patronymes et sobriquets des personnages du roman suggèrent souvent leurs traits de caractère : Zé Candinho [l’ingénuité et la candeur du caboclo] ; Juvêncio [la jeunesse et son idéalisme] Mondolfi [un loup dévorant le monde entier. Le toponyme Mundolfo = Mundus : Monde + wolf loup].

    12 Id., Ibid., p. 264. « La conquête était facile. N’étions-nous pas le Jeca-Tatu accroupi et apathique ? Pauvre caboclo ! Quelle est sa faute, si on l’a amadoué par l’idéalisme qu’il ne comprend pas ? Si les dirigeants de la nationalité n’ont pas su intégrer l’homme dans la vague exacte de sa destinée ? »

    13 On trouve de nombreuses références au palmier dans la Bible et dans les écrits apocryphes. Le palmier est arbre sacré dans la tradition judéo-chrétienne. Il fut le seul à être transporté au paradis. Il symbolise également le combat entre le bien et le mal et est souvent associé à Yahvé, Israël, Abraham et Rebbeca. Cf. André-Marie Gerard, Dictionnaire de la Bible, Paris : Robert Laffont, 1989.

    14 Id., Ibid., p. 219. « La guabiroba et le jerivá sont frères de l’épervier-roi, ivres de l’amour du ciel. [...] Le dernier palmier tombe avec le dernier rêve. La tronc, sans ses feuilles, est un désespoir décapité. La lance noire de quelque mystérieux Quichotte, bravant le ciel. Colonne votive. Obélisque de la Nationalité ».

    15 L’arbre est une métaphore récurrente dans la littérature nationaliste française et brésilienne. Cf. Barrès, Drieux La Rochelle, Gonçalves Dias, Afonso Arinos et Olavo Bilac.

    16 Id., Ibid., p. 52. « L’autre aventurier est parti sur son cheval couché sur le dos. La Malaria est sortie des eaux verdâtres et a lancé sur l’insensé son manteau glacial. Le cheval s’est transformé en fleuve et le chevalier en baguaçu, palmier aux feuillages coupés en deux, comme deux ailes qui menacent le vol interrompu. C’est pour cela que le sertão est devenu triste. » [...].

    17 Id., Ibid., p. 29. « Les palmiers bâches fixent dans leurs ailes ouvertes le vol initial de la fuite vertigineuse. Et les bras du caboclo sont comme les ailes des palmiers bâches agitées par le vent. »

    18 On trouve dans le roman un sentiment antisémite latent et le personnage du juif est souvent décrit de façon caricaturale, soit comme un nomade dangereux à la sûreté nationale, soit comme un être cupide (souvent animalisé) ne songeant qu’à sa réussite personnelle.

    19 Id., Ibid., p. 273. « Tel le cri d’une condamnation, il écoutait aux tréfonds de son être le mot fléau, qui chassait le Juif errant jusqu’à la fin des siècles : – Marche ! Marche ! Marche ! – <Marche, Étranger, toi qui ne connais la langue d’aucun pays, qui n’as pas su prendre un paysage pour cadre de vie, ni un amour pour loisir ; toi qui es resté indécis entre les mille formes de l’être et ne t’es livré complètement que pour l’idéal qui a jailli, vindicatif et cruel, de ton cœur – en le détruisant. L’homme est comme les arbres : il ne vit pas sans racines plantées dans quelque contrée...> ».

    20 Id., Ibid., p. 51. « – Les grandes villes, disait-il, n’ont pas de traits différentiels. Quelle dissemblance y a-t-il entre São Paulo, New York, Paris ou Londres ? » [...].

    21 Id, Ibid., p. 263. « <L’Urbanisme>, – écrivait-il, en contemplant le visage ingénu et viril de Zé Candinho – <est la mort de la nationalité. Parce que c’est la mort de l’homme, transformé en marionnette cosmopolite. L’homme se dégrade au contact de l’homme ; seule la correspondance intime avec la Nature le hisse au-dessus de la condition universelle de singe> ».

    22 Id, Ibid., p. 33. « Bonne terre, Vieille-Mère, qui a allaité la nation pauliste... [...] Rarement on y entendait un accent étranger. Jamais un détail du paysage ne s’altérait. Seules les masures devenaient plus noires et les murs troués, les marécages plus verdâtres dans l’encadrement des touffes de taboa ».

    23 Id, Ibid., p. 218 et 263. « <C’est ici que se trouve la Voix-qui-appelle ; l’aimant du sertão qui fait fraterniser tout le pays dans l’unité politique et qui le définira dans l’unité future d’une race forte>. [...] Juvêncio se réjouit de le voir [Zé Candinho]. Comme elle bouillait, chez ce fort caboclo, la vitalité de la race, libre des contaminations des grands centres ! Et comme il était différent des Brésiliens urbains, frappés par le déséquilibre des civilisations improvisées ! »

    24 Plínio Salgado, « Palavras Novas dos Tempos Novos », 1955, cité par Hélgio Trindade, La tentation fasciste au Brésil dans les années 30, Paris : Editions de La Maison des Sciences de l’Homme, 1988, p. 129. « Nous sommes le dernier Occident. Et parce que nous sommes le dernier Occident, nous sommes le premier Orient. Nous sommes un monde nouveau. Nous sommes la quatrième humanité. Nous sommes l’aurore des temps futurs. Nous sommes la force de la terre [...] Aristote a pensé pour nous ; le Christ nous a donné l’âme ; César et Napoléon ont été nos précurseurs ; Simon Bolivar a été le prophète ; l’Amérique, le nouvel Empire ; et nous sommes le peuple longuement attendu ».

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    Tonus, J. L. (2004). Progrès et décadence dans le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado. In J. Penjon & J. A. Pasta Jr. (éds.), Littérature et modernisation au Brésil (1‑). Presses Sorbonne Nouvelle. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9425
    Tonus, José Leonardo. « Progrès et décadence dans le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado ». In Littérature et modernisation au Brésil, édité par Jacqueline Penjon et José Antonio Pasta Jr. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2004. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9425.
    Tonus, José Leonardo. « Progrès et décadence dans le roman O Estrangeiro de Plínio Salgado ». Littérature et modernisation au Brésil, édité par Jacqueline Penjon et José Antonio Pasta Jr., Presses Sorbonne Nouvelle, 2004, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9425.

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    Penjon, J., & Pasta Jr., J. A. (éds.). (2004). Littérature et modernisation au Brésil (1‑). Presses Sorbonne Nouvelle. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9365
    Penjon, Jacqueline, et José Antonio Pasta Jr., éd. Littérature et modernisation au Brésil. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2004. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9365.
    Penjon, Jacqueline, et José Antonio Pasta Jr., éditeurs. Littérature et modernisation au Brésil. Presses Sorbonne Nouvelle, 2004, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.9365.
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