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    Plan détaillé Texte intégral Le siècle des Lumières, produit d’une sombre création La réaction du poète-prophète L’intégration de la part d’ombre Bibliographie Annexe Notes de bas de page Auteur

    La nuit

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Ombres et Lumières dans la poésie de William Blake

    Patrick Menneteau

    p. 243-276

    Résumés

    Aux yeux de William Blake, le siècle des Lumières, avec ses découvertes philosophiques, économiques, scientifiques et technologiques, est plutôt synonyme d’obscurité spirituelle : il oppose à ses contemporains ses illuminations sur la création et sur le monde des esprits.
    Pour atteindre sa lumière, il propose des moyens différents comme l’ouverture des sens, le retour aux idées innées, l’amour chrétien et la guerre intellectuelle. Eux seuls permettent en effet de confronter un dieu d’ombre et de lumière, et de vivre l’expérience de la recomposition de l’unité nouvelle d’Albion, la Fraternité Universelle.
    Lus à la lumière du discours de C.G. Jung sur l’inconscient, la poésie de Blake prend un relief particulier : les expériences subjectives qui l’informent se révèlent appartenir à l’inconscient collectif objectif, et symboliser un processus d’individuation exemplaire.

    In William Blake’s opinion, the Enlightenment and its philosophical, economic, scientific and technological inventions are rather a case of spiritual darkness. He confronts his contemporaries with his illuminations about the creation, and the world of spirits.
    In order to reach his light, he puts forward other means, such as the cleansing of the senses, the return to innate ideas, Christian love and intellectual war. Only through them can a God of light and darkness be confronted, and the experience of the re-composition of Albion’s new unity as Universal Brotherhood be felt.
    When read in the light of Jung’s statements on the subconscious, Blake’s poetry takes on a new dimension. Its founding subjective experiences turn out to belong to the objective collective subconscious, and symbolize an exemplary individuation process.

    Texte intégral Bibliographie Bibliographie Annexe Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Le regard que porte le poète William Blake sur son époque, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, comporte paradoxalement de larges parts d’ombre. À ses yeux, en effet, l’esprit de l’homme des « Lumières » se fourvoie dans l’empirisme, dans la révolution industrielle, et dans le système économique libéral théorisé par Adam Smith. À cette part d’ombre, il oppose ses propres lumières de nature visionnaire et spirituelle, et invite son lecteur à une véritable participation mystique. À travers celle-ci se reconnaît l’enjeu psychanalytique de l’intégration de la part d’ombre dans l’unité nouvelle du soi, objectif du processus d’individuation selon C.G. Jung.

    Le siècle des Lumières, produit d’une sombre création

    2Fort de ses visions, William Blake revendique un statut de poète-prophète et récrit le mythe de la création. Il s’inscrit par là dans la tradition gnostique selon laquelle la production de nouveaux récits mythologiques était l’indice de l’éveil spirituel de leur auteur. L’homme universel Albion, dont l’histoire commence au début de Vala, or the Four Zoas, au moment précis de son éclatement en quatre émanations, subit un processus de chute qui est à l’origine de la création de l’univers matériel. C’est l’émanation Urizen qui y remplit la fonction de dieu déchu et créateur.

    3Certes, les constructions de Urizen, affublé du titre d’architecte divin, semblent de prime abord impressionnantes :

    Then rose the builders; First the Architect divine his plan
    Unfolds, The wondrous scaffold reard all round the infinite
    Quadrangular the building rose the heavens squared by a line.
    Trigon & cubes divide the elements in finite bonds
    Multitudes without number work incessant : the hewn stone
    Is plac’d in bed of mortar mingled with the ashes of Vala
    Severe the labour, female slaves the mortar trod oppressed
    1. (E : 319.)

    4L’imagerie de ce nouveau récit de la création rappelle celle de l’Apocalypse et de sa description de Jérusalem, la cite céleste :

    Twelve halls after the names of his twelve sons composd
    The wondrous building & three Central Domes after the Names
    Of his three daughters were encompassed by the twelve bright halls
    Every hall surrounded by bright Paradises of Delight
    In which are towns & Cities Nations Seas Mountains & Rivers
    Each Dome opend toward four halls & Three Domes Encompassd
    The Golden Hall of Urizen whose western side glowd bright
    With ever streaming fires from his awful limbs.
    (E : 319.)

    5Au travers de ces constructions architecturales, c’est l’univers des étoiles lui-même qui prend progressivement forme :

    But infinitely beautiful the wondrous work arose
    In sorrow & care; a Golden World whose porches round the heavens
    And pillard halls & rooms recievd the eternal wandering stars
    A wondrous golden Building; many a window many a door
    And many a division let in & out into the vast unknown
    (E : 321.)

    6Et sur terre s’activent les entités qui ont la charge de la rendre habitable en créant fleuves, mers, lacs et montagnes :

    Sorrowing went the Planters forth to plant, the sowers to sow
    They dug the channels for the rivers & pourd abroad
    The seas & lakes, they reard the mountains & the rocks & hills
    On broad pavilions, on pillard roofs & porches & high towers
    In beauteous order, thence arose soft clouds and exhalations
    Wandering even to the sunny Cubes of light & heat
    (E : 321.)

    7Ainsi, de même que le Dieu de l’Ancien Testament contempla sa création avec satisfaction au septième jour, de même Urizen jouit dans un premier temps du spectacle du nouvel ordre :

    On clouds the Sons of Urizen beheld Heaven walled round
    They weighd & orderd all & Urizen comforted saw
    The wondrous work flow forth like visible out of the invisible
    (E : 321.)

    8C’est alors que sur cette terre maintenant habitée, les activités humaines peuvent s’épanouir. Le champ du récit s’élargit à une vision qui englobe tout l’espace-temps, avec en particulier les éléments qui évoquent les conquêtes coloniales qui ont débuté au XVe siècle : « First Trades & Commerce ships & armed vessels he builded laborious / To swim the deep. » (E : 360.) Dans le même temps, le système des étoiles et des planètes se caractérise par son ordre mathématique, dont l’astronomie de Newton, peu avant la naissance du poète, avait fait son objet de prédilection. C’est le règne des nombres, des orbites régulières, des poids et des mesures :

    In sevens & tens & fifties, hundreds, thousands, numberd all
    According to their various powers. Subordinate to Urizen
    And to his sons in their degrees & to his beauteous daughters
    Travelling in silent majesty along their orderd ways
    In right lined paths outmeasurd by proportions of number weight
    And measure. mathematic motion wondrous. along the deep
    In fiery pyramid. or Cube. or unornamented pillar
    Of fire far shining. travelling along even to its destind end […]
    Others triangular right angled course maintain. others obtuse
    Acute Scalene, in simple paths. but others move
    In intricate ways biquadrate. Trapeziums Rhombs Rhomboids
    Paralellograms. triple & quadruple. polygonic
    In their amazing hard subdued course in the vast deep
    (E : 322.)

    9Cependant, comme le lecteur le constate rapidement, ce compte rendu de la création comporte à l’évidence un nombre d’incohérences, d’inconséquences et d’impossibilités géométriques qui introduisent une distance ironique dans ce récit mythologique sur les origines. Les orbites des astres forment en effet des figures géométriques qui entrent en conflit avec les lois du mouvement. Même au plan formel, à l’intérieur de la description d’ordre s’immiscent des dysfonctionnements de ponctuation, d’emploi des majuscules là où on n’en attend pas, et de minuscules là où on attendrait des majuscules. Ces caractéristiques formelles et de fond annoncent la thématique gnostique de la création envisagée non pas comme acte divin positif et heureux, mais comme produit de la chute de Urizen. Son activité de bâtisseur d’univers matériel n’est en effet que permise par Jésus, afin de mettre un terme à la chute de l’homme qui, sans cela, (comme dans la vision de Jacob Boehme2) aurait été sans fin :

    For the Divine Lamb Even Jesus who is the Divine Vision
    Permitted all lest Man should fall into Eternal Death […]
    & the Divine Vision
    Walked in robes of blood till he who slept should awake
    Thus were the stars of heaven created like a golden chain
    To bind the Body of Man from falling into the Abyss
    (E : 321-322.)

    10Ainsi, dans The Book of Urizen, une version beaucoup plus sombre encore de cette création nous est donnée :

    I alone, even I! the winds merciless
    Bound; but condensing, in torrents
    They fall & fall; strong I repell’d
    The vast waves, & arose on the waters
    A wide world of solid obstruction
    (E : 72.)

    11Dans la continuité du parallèle avec le récit biblique, Urizen, dieu déchu mais créateur, livre ses commandements :

    Lo! I unfold my darkness: and on
    This rock, place with strong hand the Book
    Of eternal brass, written in my solitude,
    Laws of peace, of love, of unity:
    Of pity, compassion, forgiveness.
    Let each choose one habitation:
    His ancient infinite mansion:
    One command, one joy, one desire,
    One curse, one weight, one measure
    One King, one God, one Law.
    (E : 72.)

    12Dès lors, le travail de Los, le prophète éternel, consiste à contenir le produit de cette chute :

    And Los round the dark globe of Urizen,
    Kept watch for Eternals to confine,
    The obscure separation alone;
    For Eternity stood wide apart,
    As the stars are apart from the earth […] But Urizen laid in a stony sleep
    Unorganiz’d, rent from Eternity
    The Eternals said: What is this?
    Death
    Urizen is a clod of clay.
    (E : 73-74.)

    13La caractéristique de ce récit spirituel est qu’il renvoie constamment à l’actualité du XVIIIe siècle. Historiquement parlant, le siècle des Lumières a connu un prodigieux essor des sciences et techniques. Locke fonda le développement du savoir scientifique sur la méthode de l’empirisme, en s’inspirant du modèle de pensée newtonien, qui avait permis de dépasser les conceptions aristotéliciennes et géocentriques de l’univers. La meilleure compréhension des lois de la nature permit alors des découvertes techniques dont les applications, comme celle de la machine à vapeur, favorisèrent la révolution industrielle (par ailleurs largement financée grâce aux capitaux accumulés à travers le commerce colonial du siècle précédent). Au plan des idées, la musique des sphères étant enfin mise en partitions mathématiques, du spectacle ordonné de l’univers naquit une nouvelle religion naturelle, centrée sur la notion d’un dieu comparable à un grand architecte.

    14Cependant, en démontrant les limites intrinsèques de la méthode empiriste d’accumulation des connaissances, David Hume remit en cause cette idée dans ses Dialogues sur la Religion Naturelle (publiés de façon posthume en 1779), tandis que William Blake l’attaquait dans son poème « There is no Natural Religion », en 1788. À ses yeux issue d’une simple « philosophie des cinq sens » (Philosophy of Five Senses, E : 68), puisque fondée sur la perception sensorielle et le travail subséquent de la réflexion, elle manque en effet totalement d’inspiration selon le poète :

    Nul ne saurait posséder autre chose que des pensées naturelles et organiques, s’il n’avait que des perceptions par le biais des organes. […]
    Les perceptions de l’homme ne se limitent pas aux organes de perception ; il perçoit bien plus que les sens (si subtils soient-ils) ne peuvent découvrir. […]
    Le désir de l’Homme étant infini, la possession est infinie et lui-même infini3. (E : 2-3.)

    15Les étapes de la création de Urizen deviennent donc synonyme de processus d’enfermement de l’esprit dans un monde corporel de représentations limité par ses cinq sens :

    Like the linked infernal chain;
    A vast Spine writh’d in torment
    Upon the winds; shooting pain’d
    Ribs, like a bending cavern
    And bones of solidness, froze
    Over all his nerves of joy.
    A first Age passed over,
    And a state of dismal woe.
    (E : 75.)

    16Dans ce récit parodique de la création, chaque âge est constitutif d’une incarnation tragique : cœur et vaisseaux sanguins, os pour le deuxième ; cerveau et yeux (« fixed into two little caves », E : 76) pour le troisième ; oreilles (« Two ears in close volutions ») pour le quatrième ; narines (« two nostrils bent down to the deep », E : 76) pour le cinquième, système digestif pour le sixième ; et membres pour le septième, qui clôt cette tragédie sur le ton du désespoir. La figure de Urizen évoque alors celle du Christ en croix :

    Enraged & stifled with torment
    He threw his right Arm to the north
    His left Arm to the south
    Shooting out in anguish deep,
    And his Feet stampd the nether Abyss
    In trembling & howling & dismay.
    And a seventh age passed over:
    And a state of dismal woe.
    (E : 76.)

    17Mais à la notion chrétienne originelle de « fraternité universelle » (« Universal Brotherhood »), fondée sur une communion spirituelle, ont été substitués toute une série de maux caractéristiques de la société britannique du XVIIIe siècle, et qui constituent sa part d’ombre aux yeux du poète. D’abord, avec quelques décennies d’avance sur Marx, Blake en dénonce avec une vigueur presque révolutionnaire l’exploitation de l’homme par l’homme :

    Compell the poor to live upon a Crust of bread, by soft mild arts.
    Smile when they frown frown when they smile & when a man looks pale
    With labour & abstinence say he looks healthy & happy And when his children sicken, let them die
    (E : 355.)

    18C’est pourquoi la septième nuit de Vala, poème du nouveau récit de la Création, s’ouvre sur un tableau qui, après avoir évoqué le développement du commerce colonial (cf : ci-dessus), dénonce le trafic d’esclaves qui souvent l’accompagnait :

    & on the Land children are sold to trades
    Of dire necessity still labouring day & night till all
    Their life extinct they took the spectre form in dark despair
    And slaves in myriads in ship loads burden the hoarse sounding deep
    Rattling with clanking chains the Universal Empire Groans
    (E : 360-361.)

    19Dans ce tableau panoramique de la part d’ombre du siècle des Lumières défilent tour à tour les représentants des victimes et des laissés pour compte. Il s’agit, par exemple, du vagabond rejeté par la société d’abondance :

    It is an easy thing to triumph in the summers sun
    And in the vintage & to sing on the wagon loaded with corn
    It is an easy thing to talk of patience to the afflicted
    To speak the laws of prudence to the houseless wanderer
    (E : 325.)

    20Puis viennent l’esclave, le prisonnier, le pauvre, et le soldat, qui inspirent l’indignation du poète :

    Then the groan & the dolor are quite forgotten & the slave grinding at the mill
    And the captive in chains & the poor in the prison, & the soldier in the field
    When the shatterd bone hath laid him groaning among the happier dead
    It is an easy thing to rejoice in the tents of prosperity
    Thus could I sing & thus rejoice, but it is not so with me!
    (E : 325.)

    21À travers les poèmes prophétiques et ceux du recueil d’innocence et d’expérience se tisse un réseau d’échos qui amplifient ce thème de l’ombre : l’enfant ramoneur de « the Chimney Sweeper » évoque lui aussi, dès les Chants d’Expérience, la cruauté de cette société monarchique et le rôle de son Église d’État :

    Because I was happy upon the heath,
    And smil’d among the winters snow,
    They clothed me in the clothes of death,
    And taught me to sing the notes of woe.

    And because I am happy & dance & sing,
    They think they have done me no injury :
    And are gone to praise God & his Priest & King
    Who make up a heaven of our misery.
    (E : 23.)

    22On retrouve de nouveau cet enfant ramoneur ainsi que la figure du soldat dans le poème « London », dont la vision glauque se termine sur l’association institution du mariage et prostitution :

    How the Chimney-sweepers cry
    Every blackning Church appalls
    And the hapless Soldiers sigh
    Runs in blood down Palace walls.

    But most thro’ midnight streets I hear
    How the youthful Harlots curse
    Blasts the new born Infants tear
    And blights with plagues the Marriage hearse.
    (E : 27.)

    23Dans cette vision, et contrairement aux valeurs véhiculées par l’idéologie des Lumières, la capitale devient l’emblème de l’assombrissement idéologique et spirituel de la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle. Les lois et les prisons vont de pair avec la religion établie : « Prisons are built with stones of Law, Brothels with bricks of Religion » (E : 36). Cette dernière institution se fonde sur l’accusation de péché (accusation of sin, E : 112, E : 214, E : 215, E : 252, E : 275, E : 875, E : 876), et engendre une fausse morale dont s’accommode fort bien une société foncièrement inégalitaire :

    Pity would be no more
    If we did not make somebody Poor:
    And Mercy no more could be
    If all were as happy as we;
    (E : 27.)

    24Dans une société où le monarque est également chef spirituel, c’est évidemment l’Église elle-même qui porte la responsabilité de cette perversion morale : Blake dénonce la façon dont elle a récupéré les récits mythologiques premiers pour fonder son propre pouvoir usurpé :

    Les Poètes de l’Antiquité animaient tous les objets sensibles de Divinités, de Génies auxquels ils donnaient les noms des bois, des rivières, des montagnes, des lacs, des cités, des nations, et de tout ce que pouvaient percevoir leurs sens décuplés, ils les adoraient en leur attribuant leurs propriétés.
    Et en particulier, ils observaient le génie de chaque cité, de chaque pays, les plaçant sous leur divinité imaginaire.
    Et ainsi se forma un système qui étendit sa domination sur le commun des mortels réduits à l’esclavage, en essayant de comprendre ou d’abstraire les divinités mentales de leurs objets : ainsi naquit l’engeance des prêtres.
    Choisissant des formes d’adoration à partir de contes poétiques
    Et décrétant en fin de compte que les Dieux l’avaient voulu ainsi.
    Ainsi les hommes oublièrent que Toutes les divinités logeaient dans le cœur des hommes4. (E : 38.)

    25Au plan idéologique, les arts connaissent la même dégradation, par exemple en littérature, domaine où le poète s’insurge contre les carcans imposés par la société :

    Ceux qui veulent de l’Unité à tout prix chez Homère finissent avec une Morale mortifère […] Unité et moralité sont des considérations secondaires, de l’ordre de la Philosophie et non de la poésie, de l’Exception et non de la Règle, de l’Accident et non de la Substance. […] Les Classiques, ce sont les Classiques et non des Goths ou des Moines, qui ravagent l’Europe de leurs guerres5. (E : 269-270.)

    26La critique s’étend aux conceptions de Sir Joshua Reynolds, président de l’Académie royale de l’époque, que le poète épingle en marge de ses discours publiés : « Cet Homme a été engagé pour Abaisser l’Art » (« This Man was Hired to Depress Art », E : 635). Si Blake s’oppose aux idées de Reynolds, c’est parce qu’elles lui paraissent procéder de la même perspective erronée que l’empirisme, qui niait enthousiasme et idées innées :

    Reynolds considérait que le Génie Peut s’Enseigner et que toute Prétention à une Inspiration n’est que Mensonge et Duperie, à tout le moins. Car si c’est Duperie, alors toute la Bible est Folie. Cette Opinion vient de ce que les Grecs Disaient des Muses qu’elles étaient Filles de la Mémoire6. (E : 642.)

    27En réaction, le poète revendique l’existence de l’inné, qui fonde sa propre activité artistique :

    La Connaissance de la Beauté Idéale ne s’acquiert pas. Elle est en nous. Les Idées Innées sont en Chaque Être, à sa naissance, elles constituent son essence même. Celui qui déclare que nous n’avons pas d’Idées Innées doit être un Sot et un Coquin, dépourvu de toute Con-Science, de toute Science innée7. (E : 648.)

    28Cette dernière remarque vise bien entendu aussi bien Reynolds que Locke, ainsi que le confirme cette dernière note, dans laquelle le poète prend position contre les représentants de l’ombre idéologique qui pèse sur les arts :

    Le Traité de Burke sur le Sublime et le Beau est fondé sur les théories de Newton et de Locke ; sur ce Traité Reynolds a fondé nombre des assertions de tous ses Discours. J’ai lu le Traité de Burke lorsque j’étais très jeune ; en même temps, je lisais les ouvrages de Locke sur L’Entendement Humain et de Bacon sur l’Avancement du Savoir ; sur chacun de ces livres j’ai écrit mes Opinions et en les relisant, je constate que mes notes sur Reynolds dans cet Ouvrage sont tout à fait Semblables. J’ai ressenti à l’époque le même mépris, la même détestation qu’aujourd’hui. Ils tournent en dérision l’Inspiration et la Vision. L’Inspiration et la Vision étaient alors, sont aujourd’hui et, je l’espère, resteront à jamais mon Élément, mon Éternelle Demeure ; comment pourrais-je donc les voir dépréciées sans rendre Mépris pour Mépris8 ? (E : 476-477.)

    29C’est toujours sous l’influence de l’Église que l’art anglais du XVIIIe siècle se détourne par exemple des représentations trop fréquentes ou trop explicites du nu. Or pour Blake, « la nudité féminine est l’œuvre de Dieu » (« the nakedness of woman is the work of God », E: 36). La gratification du désir est le fondement même de la relation entre l’homme et la femme :

    What is it men in women do require
    The lineaments of gratified Desire
    What is it women do in men require
    The lineaments of gratified Desire
    (E : 474-475.)

    30Cette quête ne saurait donc être soumise au dogme de l’accusation de péché :

    Abstinence sows sand all over
    The ruddy limbs & flaming hair
    But Desire Gratified
    Plants fruits of life & beauty there.
    (E : 474.)

    31Au plan spirituel, la perte d’une relation saine à la beauté corporelle est précisément la marque du règne de Urizen. Ainsi, c’est alors même que Los se soumet à cette domination idéologique (« Our God is Urizen the King. King of the Heavenly hosts / We have no other God but he », E : 332) que Tharmas se lamente de la disparition du désir gratifié : « Je vois tout déformés, les traits du désir non satisfait » (« Deformd I see these lineaments of ungratified Desire »). Ainsi, William Blake, dans ses illustrations, prendra le contre-pied de nombre de ses contemporains et n’hésitera pas à représenter la nudité féminine de la façon la plus réaliste.

    32Cette démarche n’est sans doute pas étrangère à l’objectif du “réveil des sens” : « si les portes de la perception étaient nettoyées toute chose apparaîtrait à l’homme comme elle est : infinie » (« if the doors of perception were cleansed every thing would appear to man as it is : infinite », E : 39). Ce qui est visé n’est pas une quelconque beauté des corps qui appartiennent à un monde déchu, mais, à travers celle-ci, une beauté spirituelle ou idéale. Il convient de dépasser le cadre du monde matériel :

    L’Erreur est créée, la Vérité est Éternelle. Erreur et création seront livrées aux flammes, alors et alors seulement apparaîtront la Vérité ou l’Éternité. Les premières se consumeront dans les flammes dès l’instant où les Hommes cesseront de les contempler9. (E : 565.)

    33C’est, selon le poète, la clé du regard sur l’infini et sur le divin :

    La création tout entière se consumera et alors apparaîtra dans sa dimension infinie. Et sa sainteté, alors qu’elle apparaît aujourd’hui finie et corrompue.
    Ceci ne s’accomplira que par une amélioration de la jouissance des sens10. (E : 39.)

    34Les sens élargis seront en effet vecteurs d’une énergie nouvelle : « L’Énergie est la seule vie et elle vient du corps […] L’Énergie est Délice pour l’Éternité » (« Energy is the only life and is from the body […] Energy is Eternal Delight », E : 34). C’est pourquoi Oothoon chantera l’amour libéré de toute entrave:

    The moment of desire! the moment of desire! The virgin
    That pines for man; shall awaken her womb to enormous joys […]
    I cry, Love ! Love! Love! happy happy Love! free as the mountain wind! […]
    Arise and drink your bliss, for every thing that lives is holy!
    (E : 50-51.)

    35En regard de ces thèmes libérateurs, la réduction de l’esprit aux dimensions d’une philosophie des cinq sens et d’une idéologie de l’accusation de péché, le rejet de l’inné et les considérations de Reynolds sur l’art sont autant d’éléments qui participent d’une perte généralisée de la vision divine et de l’Imagination ou esprit poétique (Poetic Genius, E : 2). Placé sous le sceau du sombre règne de Urizen, le siècle qui se revendique des Lumières n’est, aux yeux du poète-prophète, qu’une suite de matérialisations d’erreurs : « Pétrifiant toute l’imagination humaine pour la réduire à l’état de pierre et de sable » (« Petrifying all the Human Imagination into rock & sand », E : 314). L’image d’un désespoir tragique et d’un chaos de principes contradictoires entre eux remplace alors celle de l’ordre initial sur lequel reposait la religion naturelle :

    We all go to Eternal Death,
    To our Primeaval Chaos in fortuitous concourse of incoherent Discordant principles of Love & Hate
    (E : 318.)

    36La notion d’amour chrétien, facteur d’unité de l’humanité, cède la place au nouveau système économique libéral qu’Adam Smith théorisa en 1776 dans The Wealth of Nations. Les concepts modernes sont ceux de la libre concurrence et du commerce :

    « What! are we terrors to one another? Come O brethren, where fore
    « Was this wide Earth spread all abroad? not for wild beasts to roam. »
    But Many stood silent, & busied with their families.
    And many said, « We see no Visions in the darksom air.
    « Measure the course of that sulphur orb that lights the darksome day;
    « Set stations on this breeding Earth & let us buy & sell. »
    (E : 318.)

    37Une nouvelle morale se met en place, fondée sur l’égoïsme de l’appât du gain et de l’intérêt personnel : « And mutual fear brings peace, / Till the selfish loves increase » (E : 27). En vertu des concordances ou parallélismes entre les plans spirituel et historique, l’épisode significatif correspondant dans la mythologie blakienne est celui lors duquel Ahania, la sagesse, se sépare de Urizen. La conscience de l’homme moderne se coupe de ses racines ; la création est une catastrophe spirituelle :

    When Urizen return’d from his immense labours & travels,
    Descending she repos’d beside him, folding him around
    In her bright skirts. Astonish’d and Confounded he beheld
    Her shadowy form now separate; he shudder’d & was silent
    Till her caresses & her tears reviv’d him to life & joy.
    Two wills they had, two intellects, & not as in times of old.
    This Urizen perciev’d, & silent brooded in dark’ning Clouds. (E : 320.)

    38En conséquence de cet assombrissement, l’amour est perverti :

    The joy of woman is the death of her most best beloved
    Who dies for Love of her
    In torments of fierce jealousy & pangs of adoration.
    (E : 324.)

    39Et le désespoir triomphe avec ce constat de l’homme universel : « Arrachés à la Fraternité Éternelle, nous mourons et ne sommes plus » (« Rent from Eternal Brotherhood we die and are no more », E : 328). À la notion de fraternité universelle, on préfère en effet maintenant celles de la libre concurrence entre les hommes et de la sélection naturelle dont Darwin devait faire au siècle suivant le moteur de l’évolution des espèces. « That Life lives upon death, & by devouring appetite / All things subsist on one another », déclare Enitharmon dans Vala or the four Zoas (E : 369), faisant ainsi écho au poème des Chants d’Expérience « The Clod and the Pebble », dans lequel à l’esprit d’amour de la motte de terre (« Love seeketh not itself to please ») s’oppose l’idéologie égoïste du galet, qui rappelle les égoïsmes moteurs du système d’Adam Smith :

    Love seeketh only Self to please,
    To bind another to Its delight,
    Joys in another’s loss of ease,
    And builds a Hell in Heaven’s despite.
    (E : 19.)

    40Ainsi les créatures de Urizen sont-elles à l’image de leur créateur, et les lamentations du dieu déchu s’opposent à la satisfaction du Dieu créateur de l’Ancien Testament au septième jour :

    For Urizen beheld the terrors of the Abyss wandering among
    The ruin’d spirits, once his children & the children of Luvah.
    Scar’d at the sound of their own sigh that seems to shake the immense
    They wander Moping, in their heart a sun, a dreary moon,
    A Universe of fiery woe beneath their feet, & round their loins
    Waters or winds or clouds or brooding lightnings & pestilential plagues.
    Beyond the bounds of their own self their senses cannot penetrate: […]
    His voice to them was but an inarticulate thunder, for their Ears
    Were heavy & dull, & their Eyes & Nostrils closed up. […]
    He knew they were his Children ruin’d in his ruin’d world.
    (E : 347.)

    41Et l’erreur de la science, qui participe de cette chute, consiste précisément à se tourner vers les objets de cet univers maudit :

    And the sciences were fix’d & the Vortexes began to operate
    On all the sons of men, and every human soul terrified
    At the turning wheels of heaven shrunk away inward, with’ring away. […]
    And the Web of Urizen stretch’d direful, shivering in clouds […]
    Within the dark horrors of the Abysses […]
    For every one open’d within into Eternity at will,
    But they refus’d, because their outward forms were in the Abyss; […]
    Weak & Weaker their expansive orbs began shrinking;
    Pangs smote thro’ the brain & a universal shriek
    Ran thro’ the Abysses rending the web, torment on torment. […]
    North stood Urthona’s stedfast throne, a World of Solid darkness
    Shut up in stifling obstruction, rooted in dumb despair.
    (E : 351.)

    42De même que Jung interprète les débats de la querelle des universaux en fonction de deux types psychologiques, de même on pourrait observer que l’attention aux choses de l’esprit et à l’expérience intérieure de l’inné, que Jung attribue au caractère de l’introverti, semble ainsi placer William Blake à contre-courant de son époque, laquelle est emportée au contraire vers l’observation du monde extérieur, propre à l’extraverti. En termes jungiens, la conscience scientifico-technologique est en train de se couper de ses racines : en particulier, elle ne reconnaît plus la part d’ombre en l’homme, qui, comme tout ce qui est refoulé, refait surface dans la société inégalitaire, injuste et cruelle de la Londres du XVIIIe siècle telle que l’a dépeinte le poète11.

    La réaction du poète-prophète

    43Face à cet état de fait spirituellement et historiquement tragique, William Blake réagit en se forgeant de nouvelles règles de l’art. Le poète devient prophète, son imagination Génie Poétique, ce qui lui vaut la défection de nombre de ses contemporains, l’indifférence de la majorité, et quelques accusations de folie par la suite… Ce sont d’abord les carcans de la poésie classique qu’il fait voler en éclats : dans un célèbre passage aux accents pamphlétaires de l’introduction au chapitre 1 de Jerusalem, il revendique haut et fort son besoin d’innover dans une liberté qui est aussi discipline :

    Au début, quand ce poème m’a été dicté, j’ai considéré qu’un Rythme Monotone comme celui qu’utilisent Milton, Shakespeare et tous les écrivains du vers blanc anglais, libéré de l’esclavage moderne de la Rime, constituait une partie nécessaire et indispensable de la poésie. Mais je me suis vite rendu compte que, dans la bouche d’un authentique orateur, une telle monotonie n’était pas seulement une maladresse, mais une servitude égale à celle de la rime. J’ai donc varié à chaque vers, tant les rythmes que le nombre de syllabes. Tous les mots, toutes les lettres ont été examinés et mis à la place qui leur convenait ; les rythmes terrifiants sont réservés aux passages terrifiants – doux et paisibles pour les passages doux et paisibles, prosaïques pour les passages de moindre importance : ils sont tous nécessaires les uns aux autres. Que la poésie soit enchaînée et c’est la Race Humaine qui est dans les Chaînes12 ! (E : 145-146.)

    44Torrents de mots, effets hypnotiques des répétitions et des échos thématiques, longueur démesurée des poèmes prophétiques et de leurs vers : les éléments de poétique ne signifient pas que William Blake cultiverait le langage comme fin en soi, la poésie pour sa forme, les références bibliques pour le jeu. Au contraire, les mots sont utilisés comme instruments propres à véhiculer ses inspirations et ses visions spirituelles. L’objectif est de révéler l’infini qui se cache dans la matière des mots, comme avec la technique d’eau forte qu’il utilise pour ses illustrations, et qu’il disait tenir de l’esprit de son défunt frère :

    Ceci, je le ferai en utilisant la méthode infernale de l’imprimerie, à l’aide de corrosifs, qui, en Enfer, jouent un rôle salutaire, médical, faisant fondre les surfaces apparentes pour donner à voir l’infini qui était dissimulé13. (E : 39.)

    45Révélation, ouverture, libération : la thématique des poèmes est radicalement transformée. Les accents tragiques, les lamentations, le désespoir font place à l’envol de l’alouette :

    Thou hearest the Nightingale begin the Song of Spring;
    The Lark sitting upon his earthly bed: just as the morn
    Appears; listens silent; then springing from the waving Corn-field! Loud
    He leads the Choir of Day! Trill, trill, trill, trill,
    Mounting upon the wings of light into the Great Expanse:
    Reecchoing against the lovely blue & shining heavenly Shell:
    His little throat labours with inspiration; every feather
    On throat & breast & wings vibrates with the effluence Divine
    All Nature listens silent to him & the awful Sun
    Stands still upon the Mountain looking on this little Bird
    With eyes of soft humility, & wonder love & awe.
    (E : 130-131.)

    46Ce sont ensuite les chaînes de l’esclave qu’il appelle à briser par la bouche de Tharmas :

    Let the slave, grinding at the mill, run out into the field ;
    Let him look up into the heavens & laugh in the bright air.
    Let the inchained soul, shut up in darkness & in sighing,
    Whose face has never seen a smile in thirty weary years,
    Rise & look out: his chains are loose, his dungeon doors are open ;
    And let his wife & children return from the oppressor’s scourge.
    (E : 53.)

    47Dans une alchimie poétique qui engendre des visions de type onirique, l’esclave devient le symbole de l’âme enchaînée dans la prison du corps, et l’éveil de celle-ci est évoqué dans une imagerie de Jugement dernier aux connotations sexuelles franches :

    Forth from the dead dust rattling bones to bones
    Join : shaking convuls’d the shriving clay breathes
    And all flesh naked stands : Fathers and friends ;
    Mothers & Infants; Kings and Warriors :

    The Grave shrieks with delight, & shakes
    Her hollow womb, & clasps the solid stem :
    Her bosom swells with wild desire :
    And milk & blood & glandous wine
    In rivers rush & shout & dance,
    On mountain, dale and plain.
    (E : 69-70.)

    48La libération de l’esprit des travers de l’accusation de péché donne lieu à une relecture inspirée de la Bible. Ainsi, l’épisode de la femme adultère devient l’emblème de la révolte du Christ contre les lois de l’Ancien Testament :

    Was Jesus chaste or did he
    Give any Lessons of Chastity
    The morning blushd fiery red
    Mary was found in Adulterous bed
    Earth groand beneath & Heaven above
    Trembled at discovery of Love
    Jesus was sitting in Moses Chair
    They brought the trembling Woman There
    Moses commands she be stoned to Death
    What was the sound of Jesus breath
    He laid his hand on Moses Law […]
    Good & Evil are no more
    Sinais trumpets cease to roar
    Cease finger of God to Write […]
    Mary Fear Not Let me see
    The Seven Devils that torment thee
    Hide not from my Sight thy Sin
    That forgiveness thou maist win
    Has no Man Condemned thee
    No Man Lord!
    Then what is he
    Who shall Accuse thee.
    (E : 521-522.)

    49Les paroles que Blake prête au Christ reprennent alors sa propre dénonciation des prêtres (priesthood), ainsi que sa louange de l’amour :

    […] they […] call a shame & Sin
    Loves temple that God dwelleth in
    And hide in secret hidden Shrine
    The naked Human form divine
    And render that a Lawless thing
    On which the Soul Expands its wing
    (E : 522.)

    50That on which the soul expands its wing est bien entendu le corps, qui, auparavant prison de l’âme, se métamorphose ici en tremplin de son essor spirituel… Le Jugement dernier, quant à lui, devient le symbole des expériences transformatrices nécessaires à la progression de l’âme à travers les états (states) : « Chaque fois qu’un Individu quelconque rejette l’Erreur pour embrasser la vérité, un Jugement Dernier est prononcé à l’égard de cet Individu » (« Whenever any Individual Rejects Error & Embraces truth, a Last Judgment passes upon that Individual », E : 613). En termes jungiens, ce qui est évoqué par cette image est la nécessité d’une expérience transformatrice, moment d’une défaite de l’ego. Dans les deux perspectives, celle de William Blake et celle de Jung, il s’agit là d’un passage obligé pour accéder à la plénitude.

    51En regard de ces enjeux capitaux, le poète définit lui-même les enjeux spirituels de la lecture de ses poèmes aux formes libérées du classicisme ambiant :

    Si le Spectateur pouvait pénétrer à l’intérieur de ces Images de son Imagination, s’en approchant sur le Chariot de Feu de sa Pensée Contemplative, […] alors il remonterait du Tombeau, alors il rencontrerait le Seigneur dans les Airs, et alors il serait heureux14. (E : 560.)

    52Alors, dans ce monde d’obscurité où la philosophie s’oppose à l’Imagination,

    A dark and unknown night, indefinite, unmeasurable, without end.
    Abstract Philosophy warring in enmity against Imagination
    (Which is the Divine Body of the Lord Jesus.
    Blessed for ever). [Jerusalem, E : 148.]

    53la lumière sera restaurée par l’amour et l’incarnation divine du Christ : « Mais la douceur de l’Amour réconforte la Nuit » (« But sweet Love is the Comforter of Night », « William Bond », E : 498). C’est en effet en référence à l’esprit de consolation biblique que le poète instaure un contrat de lecture avec son lecteur dans The Marriage of Heaven and Hell : « Ceci est montré dans l’Évangile où il [le Christ] prie le Père de lui envoyer le Consolateur, ou le Désir, afin que la Raison puisse avoir des Idées comme base à ses constructions » (« This is shewn in the Gospel, where he [Christ] prays to the Father to send the comforter, or Desire, that Reason may have Ideas to build on », E : 35). Il renvoie donc explicitement son lecteur au passage selon saint Jean (14 : 16-18) :

    Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point, mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai avec vous.

    54C’est ainsi que, dès les premières compositions poétiques de Blake où il apparaît, ce thème majeur devient l’enjeu de l’ensemble de l’œuvre et de sa lecture : à la fin de « the Couch of Death » sont évoquées les voix de consolation des anges, alors que l’enfant meurt dans les bras de sa mère : « Le couple éploré lève la tête, des Anges planent autour de lui, on entend des voix de réconfort au-dessus de la Couche mortuaire, et l’enfant dans un souffle rend son âme avec joie pour entrer dans l’éternité » (« The sorrowful pair lift up their heads, hovering Angels are around them, voices of comfort are heard over the Couch of Death, and the youth breathes out his soul with joy into eternity », E : 36).

    55L’esprit de consolation revient dans Vala, or the Four Zoas, pour révéler, à travers les Filles de Beulah, que la mort peut être vaincue par la foi :

    They wrote on all their tombs & pillars, & on every Urn
    These words: « If ye will believe, your Brother shall rise again »,
    In golden letters ornamented with sweet labours of Love,
    Waiting with patience for the fulfilment of the Promise Divine.
    And all the Songs of Beulah sounded comfortable notes,
    Not suffering doubt to rise up from the Clouds of the Shadowy female.
    (E : 367.)

    56C’est pourquoi, quelques vers plus loin, la figure du Christ est de nouveau convoquée dans le syncrétisme caractéristique de la poésie blakienne : Galaad, les Monts Hermon et Zion se retrouvent intégrés dans le paysage mythologique de « the Couch of Death » qui entoure Enitharmon :

    Then All in Great Eternity Met in the Council of God
    As one Man, Even Jesus, upon Gilead & Hermon,
    Upon the Limit of Contraction to create the fallen Man. […] The limit of Contraction now was fix’d & Man began
    To wake upon the Couch of Death ; […]
    Again he repos’d
    In the Saviour’s arms, in the arms of tender mercy & loving kind ness. […]
    And Enitharmon said : « I see the Lamb of God upon Mount Zion. »
    (E : 372.)

    57La rencontre des deux récits mythologiques, celui de Blake et celui de la Bible, met donc en relief le rôle de l’esprit de consolation du Christ : c’est à cette nouvelle connaissance que Blake fait référence lorsqu’il inscrit en marge d’un des discours de Reynolds : « Tout ce qu’il est de Précieux dans la Connaissance est Supérieur aux Démonstrations de la Science, qui n’est que Poids et Mesures » (« All that is Valuable in Knowledge is Superior to Demonstrative Science, such as Weighed or Measured », E : 659). De fait, grâce à cette perception génératrice d’un autre type de savoir, l’homme se hisse jusqu’au domaine divin, ce qui explique que Tharmas, en tant que dieu déchu plongé dans l’ombre des divisions de la chute d’Albion, dans la quatrième nuit de Vala, or the Four Zoas, en vient à envier le sort de l’homme :

    […] Tharmas
    Is God. The Eternal Man is seal’d, never to be deliver’d. […]
    O why did foul ambition sieze thee, Urizen, Prince of Light?
    And thee, O Luvah, prince of Love, till Tharmas was divided?
    And I, what can I now behold but an Eternal Death
    Before my Eyes, & an Eternal weary work to strive
    Against the monstrous forms that breed among my silent waves?
    Is this to be A God? far rather would I be a Man,
    To know sweet Science, & to do with simple companions
    Sitting beneath a tent & viewing sheepfolds & soft pastures.
    (E : 334.)

    58Et c’est encore à cet esprit que feront allusion les derniers vers de ce même poème prophétique, lorsque enfin, après confrontations, déchirements et séparations, l’Imagination reprendra le dessus et que la connaissance sera rétablie :

    Urthona rises from the ruinous Walls
    In all his ancient strength to form the golden armour of science
    For intellectual War. The war of swords departed now,
    The dark Religions are departed & sweet Science reigns.
    (E : 407.)

    59La guerre dont il est question est précisément celle que Blake mène depuis le début contre les tenants d’une vision exclusivement matérialiste de l’univers.

    60À l’époque, comme précédemment indiqué, le savant Isaac Newton venait de remporter une victoire idéologique considérable en parvenant à synthétiser toute les formules mathématiques que Kepler avait imaginées, pour rendre compte du mouvement apparent de chacune des planètes, en une formule simple et universelle qui définissait la force de gravitation entre deux corps comme le produit des masses de ces corps divisé par le carré de la distance qui les sépare (f = m1 × m2 / d2). Blake vise tous les héritiers de Newton, ceux pour qui tout savoir repose sur l’observation du monde physique, qu’ils soient partisans de l’empirisme lockien ou de la religion naturelle, car ils nient par là même l’esprit du Christ :

    For thus the Gospel Sir Isaac confutes :
    God can only be known by his Attributes ;
    And as for the Indwelling of the Holy Ghost
    Or of Christ & his Father, it’s all a boast
    And Pride & Vanity of the imagination,
    That disdains to follow this World’s fashion.
    (E : 519.)

    61C’est également en fonction de ces critères que le poète classera dans la même catégorie Dante, dont il a pourtant illustré les œuvres, et Swedenborg, qu’il a pourtant admiré un temps, ou encore Churchill, auteur satirique de Prophecy of Famine en 1763 :

    Tout, dans la Divine Comédie de Dante, montre que, dans un dessein tyrannique, il a fait de ce Monde les fondements de tout et la Déesse de la Mémoire Naturelle est sa source d’Inspiration et l’Imagination n’y représente pas le Saint-Esprit. Comme le disait ce pauvre Churchill : « Nature, tu es ma Déesse. » […]
    Swedenborg fait de même lorsqu’il déclare que dans ce monde réside l’Omega du Paradis. C’est là le mensonge le plus damné de Satan et de son Antéchrist15. (E : 785.)

    62Par contraste, idées-formes platoniciennes, idées innées, esprit de consolation et Esprit saint : telles sont les valeurs centrales de la poésie de William Blake. Il invoque la réminiscence tant dans le cas de ses personnages (« So spake Ololon in reminiscence » [E : 135]) que dans le sien propre, par exemple dans une des lettres qu’il adresse à John Flaxman :

    Mon Cerveau est plein d’esquisses et de Chambres remplies de livres et de tableaux d’antan, que j’ai écrits et peints dans les temps de l’Éternité, avant mon existence mortelle ; ces œuvres font les délices des Archanges et leur servent d’objets d’étude […] Je me retourne vers ces régions du Souvenir et contemple nos jours antiques, avant que la Terre n’apparaisse dans sa mortalité végétative, à mes Yeux de mortel végétatif16. (E : 710.)

    63Le seul critique à avoir tenu compte de ces principes essentiels à la lecture de la poésie blakienne est, à notre connaissance, Kathleen Raine, qui affirmait à propos d’un des poèmes prophétiques : « Ainsi le Milton de Blake, par le biais de l’anamnèse poétique, donne un corps sensible à des formes qui ont pour fonction de purifier l’âme par la connaissance spirituelle de soi-même17. » (Raine, 1968 : 262.) Cette remarque est tout à fait conforme au rôle du Christ à la fin du récit poético-mythologique de Jerusalem, lorsque réminiscence et esprit de consolation se rejoignent dans un syncrétisme remarquable pour manifester le même enjeu essentiel :

    And the Eternal Man Said Hear my words O prince of Light [Urizen]
    Behold Jerusalem in whose bosom the Lamb of God
    Is seen tho slain before her Gates he self renewd remains
    Eternal & I thro him awake to life from deaths dark vale
    (E : 391.)

    64Cet éclairage souligne de nouveau la grande cohésion thématique de l’œuvre entière, puisque dès les Chants d’Innocence, on peut lire la leçon de vie de la mère à son enfant dans « The Little Black Boy » :

    And we are put on earth a little space,
    That we may learn to bear the beams of love;
    And these black bodies and this sunburnt face
    Is but a cloud, and like a shady grove.

    For when our souls have learn’d the heat to bear,
    The cloud will vanish; we shall hear his voice,
    Saying, « Come out from the grove, my love & care,
    « And round my golden tent like lambs rejoice ».
    (E : 9.)

    65Dans Milton, le lecteur retrouve effectivement la figure centrale du Christ au moment de l’éveil spirituel d’Albion par réunification de ses quatre Zoas, dont Blake eut la vision dans son jardin de Felpham :

    Jesus wept & walked forth
    From Felphams Vale clothed in Clouds of blood, to enter into
    Albions Bosom, the bosom of death & the Four surrounded him
    In the Column of Fire in Felphams Vale ; then to their mouths the Four
    Applied their four Trumpets & them sounded to the Four winds.
    (E : 143.)

    66À ce moment resurgit d’ailleurs le symbole de l’alouette précédemment évoqué, lequel prend ici toute sa valeur significative et énergétique :

    Immediately the Lark mounted with a loud trill from Felphams Vale
    And the wild Thyme from Wimbledons green & impurpled Hills
    (E : 143.)

    L’intégration de la part d’ombre

    67C’est donc bien par référence à cet esprit de consolation du Christ que s’articulent toutes les critiques que le poète faisait des composantes idéologiques de son époque, qu’elles fussent religieuses, scientifiques, philosophiques ou économiques. La réminiscence, dans le christianisme blakien, est le vecteur privilégié de l’amour de la fraternité universelle. L’un des Éternels résume ainsi la conception de l’homme et de son existence qu’il s’agit pour le poète de restaurer :

    Man is a worm; wearied with joy, he seeks the cave of sleep
    Among the flowers of Beulah, in his selfish cold repose
    Forsaking Brotherhood & Universal love, in selfish clay
    Folding the pure wings of his mind, seeking the places dark
    Abstracted from the roots of Science; then inclos’d around
    In walls of Gold we cast him like a Seed into the Earth
    Till times & spaces have pass’d over him; duly every morn
    We visit him, covering with a Veil the immortal seed;
    With windows from the inclement sky we cover him, & with walls
    And hearths protect the selfish terror, till divided all
    In families we see our shadows born, & thence we know
    That Man subsists by Brotherhood & Universal Love.
    We fall on one another’s necks, more closely we embrace.
    Not for ourselves, but for the Eternal family we live.
    Man liveth not by Self alone, but in his brother’s face
    Each shall behold the Eternal Father & love & joy abound.
    (E : 402.)

    68Le Christ de Blake, proche de la tradition gnostique, est donc fort éloigné de celui de ses contemporains de l’Église anglicane. Sa Jérusalem repose sur un esprit antithétique à celui de la société de la révolution industrielle et d’Adam Smith. Sa vision implique un égalitarisme qui ne pouvait qu’apparaître dangereusement révolutionnaire à ses contemporains :

    To be inferiors or superiors we equally abhor :
    Superior, none we know : inferior, none : all equal share
    Divine Benevolence & joy ; for the Eternal Man
    Walketh among us, calling us his Brothers & his Friends
    (E : 204.)

    69C’est également ici que se trouve le fondement du rejet de l’institution du mariage tel qu’on l’a rencontré dans « London » :

    What is a Wife & what is a Harlot? What is a Church & What
    Is a theatre? Are they Two and not One? Can they Exist Separate?
    Are not Religion and Politics the Same Thing? Brotherhood is Religion,
    O Demonstrations of reason Dividing Families in Cruelty & Pride!
    (E : 207.)

    70Contre l’Église établie qui s’est alliée au pouvoir politique pour étouffer les aspirations spirituelles de l’âme, le poète renoue avec le Christ des gnostiques pour opposer Ancien et Nouveau Testaments, Dieu d’Ombre et Dieu de Lumière, Dieu créateur déchu et Dieu d’Amour du Christ. Dans les visions de Jacob Boehme, cette thématique trouvait son expression dans un mandala aux deux demi-cercles placés dos à dos, ainsi que l’analyse Jung :

    La vision géniale de Jacob Boehme a discerné la dualité intrinsèque de l’image de Dieu, et a ainsi œuvré à l’élaboration postérieure du mythe. Le symbole du mandala esquissé par Boehme représente le dieu dissocié ; son cercle intérieur, en effet, se scinde en deux demi-cercles qui se tournent réciproquement le dos.[…]
    La complexio oppositorum – la complémentarité des contraires – au sein de Dieu pénètre de la sorte dans l’homme, et cela non pas sous la forme d’une unité, mais sous celle d’un conflit, la moitié ténébreuse de l’image se heurtant à la représentation déjà reçue, que Dieu est « lumière ». (Jung, 1973 : 379.)

    71En termes jungiens, donc, le dieu à double visage constitue une expression réussie du paradoxe de l’âme humaine, dont l’essence est la différenciation que complète l’individuation, par sa rencontre de la conscience et de l’inconscient : l’enjeu central est celui de l’intégration nécessaire de l’Autre. Ainsi la part d’ombre de l’homme peut-elle être reconnue pour ce qu’elle est, intégrée, puis contrôlée. De la même façon, Enitharmon déclare à Los, dont elle est l’émanation dans un monde de séparation :

    Be assur’d I am thy real self,
    Tho’ thus divided from thee & the slave of Every passion
    Of thy fierce Soul. Unbar the Gates of Memory : look upon me
    Not as another, but as thy real self. […]
    If we unite in one, another better world will be
    Open’d within your heart & loins and wondrous brain,
    Threefold, as it was in Eternity, & this, the fourth Universe,
    Will be Renew’d by the three & consummated in Mental fires;
    (E : 368.)

    72À ce moment du drame mythologique se définit pour ainsi dire le programme spirituel de la création, que Blake fait sien à travers sa poésie. Grâce à une expérience transformatrice source de foi, Los reconnaît enfin Enitharmon ; l’altérité est intégrée à la conscience :

    Los furious answer’d : « Spectre horrible, thy words astound my Ears
    « With irresistible conviction. I feel I am not one of those
    « Who when convinc’d can still persist : tho’ furious, controllable
    « By Reason’s power. Even I already feel a World within
    « Opening its gates, & in it all the real substances
    « Of which these in the outward World are shadows which pass away.
    « Come then into my Bosom, & in thy shadowy arms bring with thee
    « My lovely Enitharmon. I will quell my fury & teach
    « Peace to the soul of dark revenge, & repentance to Cruelty. »
    (E : 368.)

    73Cependant, leur union prendra 6 000 ans (le temps donné à la création selon la Bible), et ne se fera qu’à travers l’expérience des principes de la vie terrestre auxquels le siècle des Lumières attachait tant d’importance, comme vu précédemment :

    But Los stood on the Limit of Translucence, weeping & trembling,
    Filled with doubts in self accusation, beheld the fruit
    Of Urizen’s Mysterious tree. For Enitharmon thus spake :
    « When in the deeps beneath I gather’d of this ruddy fruit,
    « It was by that I knew that I had Sinn’d, & then I knew
    « That without a ransom I could not be sav’d from Eternal death:
    « That Life lives upon death, & by devouring appetite
    « All things subsist on one another; thence forth in despair
    « I spend my glowing time; but thou art strong & mighty
    « To bear this Self conviction; take then, Eat thou also of
    « The fruit & give me proof of life Eternal or I die. »
    (E : 369.)

    74Dans une réminiscence du péché originel biblique, Los mange donc à son tour du fruit, et ne doit son salut qu’à l’esprit de consolation qui préside à la période temporelle :

    Then Los plucked the fruit & Eat & sat down in Despair,
    And must have given himself to death Eternal. But
    Urthona’s spectre in part mingling with him, comforted him,
    Being a medium between him and Enitharmon. But This Union
    Was not to be Effected without Cares & Sorrows & troubles
    Of six thousand Years of self denial and of bitter Contrition.
    (E : 369.)

    75Différenciation par expérience et visée d’une nouvelle unité entre le sujet et l’altérité : tels sont également les grands thèmes de la psychanalyse jungienne, depuis Les Sept sermons aux morts (« notre essence est différenciation [Jung, 1989 : 27] ») jusqu’à Aïon (« le soi est une véritable complexio oppositorum [Jung, 1983 : 246] ») : la finalité de l’homme est « de créer de la conscience [Jung, 1973 : 370] ». De nombreux autres parallèles thématiques entre William Blake et C.G. Jung sont facilement repérables. Ils manifestent par exemple les mêmes archétypes de définition de l’homme : Tharmas, Urizen, Luvah et Urthona, les quatre Zoas qui composent Albion dans son unité première, correspondent aux quatre facultés de la psyché telles que les définira Jung au XXe siècle :

    La sensation constate ce qui existe réellement. La pensée nous permet de connaître la signification de ce qui existe ; le sentiment, quelle en est la valeur ; et l’intuition enfin nous indique les possibilités d’origine et de but qui gisent dans ce qui existe présentement. (Jung, 1998 : 275.)

    76En fonction de sa vision de la progression de l’âme à travers des states, états ou étapes,

    Ces états existent cependant que l’Homme passe mais les états demeurent à jamais. Il les franchit comme le voyageur peut aussi bien imaginer que les lieux qu’il a traversés n’existent plus, de même l’Homme peut supposer que les états qu’il a traversés n’existent plus. Toute chose est éternelle18. (E : 556.)

    77Blake identifiait l’esprit des époques :

    Il est des États où tous les Visionnaires sont tenus pour Fous tels sont la Grèce et Rome. Tels sont l’Empire ou les Taxes. Voir saint Luc, ch. 2 v 1. (« There are States in which all Visionary Men are accounted Mad Men such are Greece & Rome Such is Empire or Tax See Luke Ch. 2 v I », E : 274.)

    78Le XVIIIe siècle, comme précédemment suggéré, était à ses yeux placé sous le sceau de Urizen (pour son culte de la raison) et de Tharmas (pour son culte des perceptions corporelles). Jung reprendra la même vision des states comme conditionnement mental :

    Si la conviction héréditaire dit que la science n’est pas un instrument mais un but et un objet en elle-même, on obéira au mot d’ordre qui depuis cent cinquante ans est considéré comme le seul valable et qui prévaut dans la pratique. Des isolés se sont opposés désespérément à cette façon de voir ; l’idée qu’ils se faisaient de la perfection et du sens de la vie culminait en la perfection de la personnalité humaine et non pas dans la multiplicité des moyens techniques qui aboutit à la différenciation unilatérale d’une tendance unique, celle du savoir, par exemple. Si la science est une fin en soi, l’homme a sa raison de n’être qu’un intellect. Si l’art est une fin en soi l’aptitude représentatrice est l’unique valeur humaine et l’intellect est mis au rancart. Si le gain d’argent est fin en soi, la science et l’art peuvent remballer leur bric-à-brac. Personne ne peut nier que la conscience moderne est presque désespérément disloquée entre ces « fins en soi ». Et ainsi les hommes ne cultivent plus que des qualités spécialisées : ils deviennent eux-mêmes des instruments. (Jung, 1998 : 972-973.)

    79Chez Jung, le dépassement d’un conditionnement mental (par la défaite de l’ego) constitue une crise nécessaire à la future réalisation du Soi, totalité englobant à la fois la conscience et l’inconscient. Si ces étapes sont de l’ordre du discursif, il n’en va pas de même de l’expérience finale de l’avènement du Soi :

    Il n’est pas rare qu’il s’agisse d’une expérience véritablement numineuse. Il est superflu de tenter d’en décrire le caractère intégral. Celui qui a vécu un tel événement sait ce dont je veux parler. Et, pour qui n’est pas passé par là, toute description demeurera insuffisante. (Jung, 2002 : 352.)

    80De même, l’aboutissement de la progression de l’âme, dans la poésie blakienne, relève de l’indicible : à la fin de Jerusalem, un nouveau type de langage apparaît :

    And they conversed together in Visionary forms dramatic which bright
    Redounded from their Tongues in thunderous majesty, in Visions
    In new Expanses, creating exemplars of Memory and of Intellect,
    Creating Space, Creating Time, according to the wonders Divine
    Of Human Imagination throughout all the Three Regions immense
    Of childhood, Manhood & Old Age…
    (E : 257-258.)

    81Le langage spirituel est d’un autre ordre que celui que nous connaissons sur terre. Nul mot, nul écrit, nulle parole ne saurait l’exprimer:

    When in Eternity Man converses with man, they enter
    Into each other’s Bosom (which are universes of delight)
    In mutual interchange, and first their Emanations meet
    Surrounded by their Children; if they embrace and comingle,
    The Human Four-fold Forms mingle also in thunders of Intellect ; […]
    When Souls mingle & join thro’ all the Fibre of Brotherhood
    Can there be any secret joy on Earth greater than this ?
    (E : 246.)

    82Dans son analyse des rapports entre discours philosophique et discours spirituel, Guy Lardreau revient sur le caractère significatif du silence des mystiques : le saisissement de l’Autre enfin accompli est découverte du « trésor des signifiants » :

    Dès lors, la logique à quoi la contemplation se soumet se laisse connaître comme une logique de point en point contraire à celle dont la philosophie règle son progrès : une logique de l’Autre. Ce qui ne doit d’aucune manière s’entendre comme l’exigence d’une « autre logique », mais bien comme l’épreuve, dans la logique, de ce qui la défait, l’effraction, au joint même où elle l’avait forclose, de la vérité qui la dissout, puisque la logique de l’Autre n’énonce rien que ceci, en dernière instance, que de ma pensée, je ne suis pas l’auteur. À l’assurance, qu’au philosophe donne son « instrument », où il trouve le courage de se servir de son propre entendement, qu’il n’y a pas d’indicible, pas de limite à l’exercice de la raison qu’elle ne puisse elle-même s’assigner – n’est-ce pas, à la fin des fins, la thèse ou se résume l’instrument ? –, le contemplatif oppose l’illumination silencieuse où l’Autre le saisit et le capture, l’enrôle, décide de sa place et de son nom, l’assujettit au trésor qu’il cherchait, et qui l’a trouvé : « trésor des signifiants ». (Lardreau, 1985 : 132.)

    83En conclusion, à l’heure où un célèbre structuraliste comme Todorov revient à la fin de sa carrière sur la pratique de la critique littéraire qu’il a largement contribué à développer pour en déplorer l’absence de sens,

    l’analyse des œuvres à l’école ne devrait plus avoir pour but d’utiliser les concepts que vient d’introduire tel ou tel linguiste, tel ou tel théoricien de la littérature, et donc de nous présenter les textes comme une mise en œuvre de la langue et du discours ; sa tâche serait de nous faire accéder à un sens – car nous postulons que celui-ci, à son tour, nous conduit vers une connaissance de l’humain, laquelle importe à tous. (Todorov, 2007 : 85.)

    84Il semble plus que jamais nécessaire de renouer avec le sens profond d’une œuvre. Dans le cas de Blake, la thématique de l’ombre permet, en référence à l’histoire des idées, de revoir et de nuancer notre vision d’un siècle trop souvent tenu pour synonyme d’avènement des « Lumières ». Une contextualisation plus large encore permet de mettre en rapport signifiant les thèmes de Blake et ceux de la psychanalyse jungienne pour aboutir à une vision qui définit des enjeux à la fois pour l’individu et pour la société, ou pour notre civilisation. Par leurs regards « éclairés » Blake et Jung nous invitent de concert à une stimulante révision de nos opinions susceptible de déboucher sur une expérience intérieure radicalement transformatrice. Selon Jung, le trésor des signifiants, la Jérusalem de l’incarnation divine, l’accès au Soi manifestent l’énergie nourricière de l’inconscient :

    Le caractère nourricier de la substance divine de la transformation se retrouve dans nombre de récits cultuels […] Le symbole du poisson le donne clairement à entendre : il s’agit de l’influence « nourricière » de contenus de l’inconscient qui, par un afflux constant d’énergie, entretiennent l’activité et la vie même de la conscience, laquelle ne produit pas elle-même sa propre énergie, comme on le sait. Ce qui est capable de transformer, c’est cette racine de la conscience, sans éclat, presque invisible ( = inconsciente), et de laquelle pourtant la conscience reçoit toute sa force. L’inconscient étant éprouvé comme quelque chose d’étranger, comme un non-moi, il est tout à fait normal qu’il apparaisse sous les traits d’une figure étrangère. Il est certes d’une part ce qu’il y a de plus insignifiant, mais, recelant en puissance cette totalité « ronde » qui manque à la conscience, il est aussi d’autre part ce qu’il y a de plus important. À très proprement parler, cette « chose ronde » est le précieux trésor enfoui dans la caverne de l’inconscient, dont l’incarnation est précisément cet être personnel que constitue l’unité supérieure de la conscience et de l’inconscient. (Lardreau, 1985 : 48.)

    85En tout état de cause, quelle que soit son appellation, elle entraîne selon Guy Lardreau, par le biais de l’expérience transformatrice que Blake opposait sous le terme de « Jugement Dernier » aux savoirs des « Lumières », l’avènement d’un nouveau sujet :

    Le discours spirituel est une même chose avec l’opération de subjectivisation par quoi le sujet advient, en tant que pensé par l’Autre, par Lui découpé comme irréductible singularité, et totalisé comme une âme, de Lui tenant son unité et son unicité, avant Son opération improbables. Son opération : l’expression est à prendre dans toute sa force, car c’est cela, plus radicalement, le caractère expérimental du discours spirituel : qu’un sujet y soit provoqué, qui ne préexistait pas à son énonciation. (Lardreau, 1985 : 140.)

    86Ainsi, depuis la dénonciation de la part d’ombre du siècle des lumières par le poète-témoin, en passant par ses visions spirituelles qui rendent compte de son origine, jusqu’à l’ouverture de la perspective du poète-prophète qui libère l’énergie symbolique de l’amour chrétien, l’enjeu central de la poésie de William Blake, lu à la lumière de la psychanalyse jungienne, est un véritable processus d’individuation qui aboutit à l’intégration de la part d’ombre dans la nouvelle unité du Soi, « unification du conscient (masculin) et de l’inconscient (féminin) » (Jung, 1983 : 288). Au-delà des mots, la poésie de Blake ne cesse de nous inviter à une expérience du sens qui repose sur la « faculté d’expérience » (the faculty which experiences), par opposition à l’expérience définie par l’empirisme lockien : « De même que la véritable méthode d’acquérir le savoir est l’expérimentation, la véritable faculté de savoir doit être la faculté d’expérience. C’est de cette faculté que je traite pour ma part. » (« As the true method of knowledge is experiment the true faculty of knowing must be the faculty which experiences This faculty I Treat of. », E : 1.)

    87Au XVIIIe siècle, la confrontation de cette part d’ombre conduit Blake à emprunter une citation à saint Paul, qu’il place en exergue de son poème Vala or the four Zoas : « For we wrestle not against flesh and blood, but against principalities, against powers, against the rulers of the darkness of this world, against spiritual wickedness in high places. » (King James version) [E : 300.] De même, au XXe siècle, l’ignorance et le refoulement de cette faculté fondée sur l’inné inconscient caractérise la part d’ombre de la conscience moderne, héritière des Lumières, selon Jung :

    C’est une règle psychologique que l’ombre augmente proportionnellement avec la lumière ; ainsi, plus la conscience se montrera rationaliste, plus l’univers fantomatique de l’inconscient gagnera en vitalité […] L’univers des primitifs notoirement peuplé d’esprits, est séparé de nous par quelques générations seulement, et les choses inouïes qui se sont produites et se produisent encore dans les états dictatoriaux nous ont enseigné et nous enseignent encore qu’il est toujours terriblement proche de nous. (Jung, 1990 : 229.)

    88L’enseignement de Jung sur les archétypes stipule qu’ils se manifestent à travers les époques, sous des formes différentes, dans différents discours. Aujourd’hui, l’archétype de la part d’ombre se retrouve sous la forme d’une critique littéraire inféodée au modèle scientifique, celle-là même contre laquelle Todorov propose de réagir :

    La littérature peut beaucoup. Elle peut nous tendre la main quand nous sommes profondément déprimés, nous conduire vers les autres êtres humains autour de nous, nous faire mieux comprendre le monde et nous aider à vivre. Ce n’est pas qu’elle soit, avant tout, une technique de soins de l’âme ; toutefois, révélation du monde, elle peut aussi, chemin faisant, transformer chacun de nous de l’intérieur. La littérature a un rôle vital à jouer ; mais pour cela il faut la prendre en ce sens large et fort qui a prévalu en Europe jusqu’à la fin du XIXe siècle et qui est marginalisé aujourd’hui, alors qu’est en train de triompher une conception absurdement réduite. Le lecteur ordinaire, qui continue de chercher dans les œuvres qu’il lit de quoi donner sens à sa vie, a raison contre les professeurs, critiques et écrivains qui lui disent que la littérature ne parle que d’elle-même, ou qu’elle n’enseigne que le désespoir. […] la littérature est pensée et connaissance du monde psychique et social que nous habitons. La réalité que la littérature aspire à comprendre est, tout simplement (mais, en même temps, rien n’est plus complexe), l’expérience humaine. (Jung, 1990 : 72-73.)

    Bibliographie

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    Jung, C. (2014). Aion (1–). Routledge. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315725543
    Raine, K. (2013). Blake and Tradition (1–). Routledge. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315020877
    Jung, C.G. Aion. []. Routledge, 2014. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315725543.
    Raine, Kathleen. Blake and Tradition. []. Routledge, 2013. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315020877.
    Jung, C.G. Aion. [], Routledge, 2014. Crossref, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315725543.
    Raine, Kathleen. Blake and Tradition. [], Routledge, 2013. Crossref, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4324/9781315020877.

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    Bibliographie

    Boehme, Jacob, 1982 [1682], De la triple vie de l’homme, Plan de la Tour, Éditions d’Aujourd’hui.

    Erdman, David (ed.), 1988, William Blake, the Complete Poetry and Prose of William Blake, New York, Doubleday.

    10.4324/9781315725543 :

    Jung, Carl Gustav, 1973, Ma Vie, Paris, Gallimard.
    —, 1983, Aïon, Paris, Albin Michel.
    —, 1989, La Vie symbolique, Paris, Albin Michel.
    —, 1990, L’Âme et le Soi, Paris, Albin Michel.
    —, 1995, Présent et avenir, Paris, Buchet Chastel.
    —, 1998, La Réalité de l’âme, Paris, le Livre de Poche.
    —, 2002, Mysterium Conjunctionis, Paris, Albin Michel.

    Lardreau, Guy, 1985, Discours philosophique et discours spirituel : autour de la philosophie spirituelle de Philoxène de Mabbourg, Paris, Seuil.

    10.4324/9781315020877 :

    Raine, Kathleen, 1968, Blake and Tradition, Princeton University Press.

    Todorov, Tzvetan, 2007, La Littérature en péril, Paris, Flammarion.

    Annexe

    Image 10000000000002DB000003D6968B5380.jpg

    Fig. 1 — And there was heard a great lamenting in Beulah
    William Blake (1757-1827), Jerusalem : The Emanation of the Giant Albion, 1804-1820, Pl. 25.
    Paul Mellon Collection, Yale Center for British Art

    Image 10000000000002D300000210877BEC84.jpg

    Fig. 2 — A naked man in flames walking to the left with outstretched hands with spikes in the palms looking backward at a woman in a long dress standing with her hands raised at waist level
    William Blake (1757-1827),
    Jerusalem : The Emanation of the Giant Albion, 1804-1820, Pl. 26.
    Paul Mellon Collection, Yale Center for British Art.

    Notes de bas de page

    1 Toutes les références textuelles concernant les écrits de William Blake renvoient à l’édition « Erdman » et sont précédées de la lettre « E » : David Erdman (ed.), 1988, William Blake, the Complete Poetry and Prose of William Blake, NewYork, Doubleday. C’est la pagination de cette édition qui est utilisée pour la concordance de la poésie blakienne du site de l’université de Georgia : www.english.uga.edu/wblake/home1.html Pour les textes en anglais, ne sont traduits, par l’éditeur, que les textes en prose, les vers sont laissés sous leur forme originelle.

    2 Voir par exemple : Jacob Boehme, 1982 [1682], De la triple vie de l’homme, Plan de la Tour, Éditions d’Aujourd’hui.

    3 “None could have other than natural or organic thoughts if he had none but organic perceptions […]
    Man’s perceptions are not bounded by organs of perception; he perceives more than sense (tho’ever so acute) can discover. […]
    The desire of Man being Infinite the possession is Infinite & himself Infinite”
    (Erdman, op. cit., p. 2-3).

    4 “The ancient Poets animated all sensible objects with Gods or Geniuses, calling them by the names and adoring them with the properties of woods, rivers, mountains, lakes, cities, nations, and whatever their enlarged & numerous senses could perceive.
    And particularly they studied the genius of each city & country, placing it under its mental deity.
    Till a system was formed, which some took advantage of & enslav’d the vulgar by attempting to realize or abstract the mental deities from their objects: thus began Priesthood. Choosing forms of worship from poetic tales.
    And at length they pronounced that the Gods had orderd such things.
    Thus men forgot that All deities reside in the human breast.”
    (Erdman, op. cit., p. 38.)

    5 “Those who will have Unity exclusively in Homer come out with a Moral like a sting in the tail. […] Unity and morality are secondary considerations & belong to Philosophy & not to poetry, to Exception & not to Rule, to Accident & not to Substance. […] The Classics, it is the Classics! & not Goths nor Monks, that desolate Europe with Wars.” (Erdman, op. cit., p. 269-270.)

    6 “Reynolds’s Opinion was that Genius May be Taught & that all Pretence to Inspiration is a Lie & a Deceit, to say the least of it. For if it is a Deceit, the Whole Bible is Madness. This Opinion originates in the Greeks Calling the Muses Daughters of Memory.” (Erdman, op. cit., p. 642.)

    7 “Knowledge of Ideal Beauty is Not to be Acquired. It is born with us. Innate Ideas are in Every Man Born with him, they are truly Himself. The Man who says that we have No Innate Ideas must be a Fool & Knave, Having No Con-Science or Innate Science.” (Erdman, op. cit., p. 648.)

    8 “Burke’s Treatise on the Sublime & Beautiful is founded on the opinions of Newton & Locke; on this Treatise Reynolds has grounded many of his assertions in all his Discourses. I read Burke’s Treatise when very Young; at the same time I read Locke on Human Understanding & Bacon’s Advancement of Learning; on Every one of these books I wrote my Opinions, & on looking them over find that my notes on Reynolds in this Book are exactly Similar. I felt the Same contempt & Abhorrence then that I do now. They mock Inspiration & Vision. Inspiration & Vision was then, & now is, & I hope will always Remain, my Element, my Eternal Dwelling place; how can I then hear it Contemned without returning Scorn for Scorn?” (Erdman, op. cit., p. 476-477.)

    9 “Error is Created Truth is Eternal Error or Creation will be Burned Up & then & not till then Truth or Eternity will appear It is Burnt up the Moment Men cease to behold it.” (Erdman, op. cit., p. 565.)

    10 “The whole creation will be consumed, and appear infinite. And holy whereas it now appears finite & corrupt. This will come to pass by an improvement of sensual enjoyment.” (Erdman, op. cit., p. 39.)

    11 Voir : C.G. Jung, 1998, La Réalité de l’âme, Paris, le Livre de Poche, p. 203-257 et C.G. Jung, 1995, Présent et avenir, Paris, Buchet/Chastel.

    12 “When this verse was first dictated to me I consider’d a Monotonous Cadence like that used by Milton & Shakspeare & all writers of English Blank Verse, derive from the modern bondage of Rhyming; to be a necessary and indispensable part of Verse. But I soon found that in the mouth of a true Orator such monotony was not only awkward, but as much a bondage as rhyme itself. I therefore have produced a variety in each line, both of cadences & numbers of syllables. Every word and every letter is studied and put in its fit place: the terrific numbers are reserved for the terrific parts – the mild & gentle, for the mild & gentle parts, and the prosaic, for inferior parts: all are necessary to each other. Poetry Fetter’d, Fetters the Human Race!” (Erdman, op. cit., p. 145-146.)

    13 “This I shall do, by printing in the infernal method, by corrosives, which in Hell are salutary and medicinal, melting apparent surfaces away, and displaying the infinite which was hid.” (Erdman, op. cit., p. 39.)

    14 “If the Spectator could Enter into these Images in his Imagination, approaching them on the Fiery Chariot of his Contemplative Thought, […] then would he arise from his Grave, then would he meet the Lord in the Air, & then he would be happy.” (Erdman, op. cit., p. 560.)

    15 “Every thing in Dante’s Comedia shews That for tyrannical Purposes he has made This World the foundation of All, & the Goddess Nature Memory is his Inspirer & not Imagination the Holy Ghost. As poor Churchill said: ‘Nature, thou art my Goddess.’ […]
    Swedenborg does the same thing in saying that in this World is the Ultimate of Heaven. This is the most damnable Falsehood of Satan & his Antichrist.”
    (Erdman, op. cit., p. 785.)

    16 “In my Brain are studies & Chambers fill’d with books & pictures of old, which I wrote & painted in ages of Eternity before my mortal life; & those works are the delight & Study of Archangels. […] I look back into the regions of Reminiscence & behold our ancient days before this Earth appear’d in its vegetated mortality to my mortal vegetated Eyes.” (Erdman, op. cit., p. 710.)

    17 “Blake’s Milton, therefore, through poetic anamnesis, brings into sensible embodiment forms whose function is to purify the soul through spiritual self-knowledge.”

    18 “These States Exist now Man Passes on but States remain for Ever he passes thro’ them like a traveller who may as well suppose that the places he has passed thro exist no more as a Man may suppose that the States he has passd thro Exist no more Every Thing is Eternal.” (Erdman, op. cit., p. 556.)

    Auteur

    Patrick Menneteau

    Actuellement professeur de littérature et d’histoire des idées du XVIIIe siècle britannique à l’université du Sud-Toulon-Var, P. Menneteau a enseigné dans les universités de Glasgow, d’Aberdeen, de Haute-Alsace (Mulhouse) et d’Aix-Marseille III. Agrégé et ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, il est membre de la Blake Society de Londres et du Centre francophone de recherche et d’information Carl Gustav Jung de Paris. Ancien directeur de l’UFR de lettres de l’université du Sud-Toulon-Var, il anime dans le cadre du Master « Imaginaires et genèses littéraires » des séminaires de recherche sur William Blake, sur Carl Gustav Jung, sur John Locke et David Hume.

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    Monica Charlot (dir.)

    1984

    La Transmission des valeurs par la télévision britannique

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    Monica Charlot (dir.)

    1989

    Religion et politique en Grande-Bretagne

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    Monica Charlot (dir.)

    1994

    Valeurs du privé secteur public

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    Dans l’Angleterre post-thatchérienne

    Monica Charlot (dir.)

    1997

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    Monica Charlot (dir.)

    2003

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    Dans l’Europe baroque (16e-18e siècles)

    Gisèle Venet, Tony Gheeraert et Line Cottegnies (dir.)

    2003

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    Élizabeth Durot-Boucé

    2004

    Médecins et médecine dans l’œuvre romanesque de Tobias Smollett et de Laurence Sterne

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    1748-1771

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    1 Toutes les références textuelles concernant les écrits de William Blake renvoient à l’édition « Erdman » et sont précédées de la lettre « E » : David Erdman (ed.), 1988, William Blake, the Complete Poetry and Prose of William Blake, NewYork, Doubleday. C’est la pagination de cette édition qui est utilisée pour la concordance de la poésie blakienne du site de l’université de Georgia : www.english.uga.edu/wblake/home1.html Pour les textes en anglais, ne sont traduits, par l’éditeur, que les textes en prose, les vers sont laissés sous leur forme originelle.

    2 Voir par exemple : Jacob Boehme, 1982 [1682], De la triple vie de l’homme, Plan de la Tour, Éditions d’Aujourd’hui.

    3 “None could have other than natural or organic thoughts if he had none but organic perceptions […]
    Man’s perceptions are not bounded by organs of perception; he perceives more than sense (tho’ever so acute) can discover. […]
    The desire of Man being Infinite the possession is Infinite & himself Infinite”
    (Erdman, op. cit., p. 2-3).

    4 “The ancient Poets animated all sensible objects with Gods or Geniuses, calling them by the names and adoring them with the properties of woods, rivers, mountains, lakes, cities, nations, and whatever their enlarged & numerous senses could perceive.
    And particularly they studied the genius of each city & country, placing it under its mental deity.
    Till a system was formed, which some took advantage of & enslav’d the vulgar by attempting to realize or abstract the mental deities from their objects: thus began Priesthood. Choosing forms of worship from poetic tales.
    And at length they pronounced that the Gods had orderd such things.
    Thus men forgot that All deities reside in the human breast.”
    (Erdman, op. cit., p. 38.)

    5 “Those who will have Unity exclusively in Homer come out with a Moral like a sting in the tail. […] Unity and morality are secondary considerations & belong to Philosophy & not to poetry, to Exception & not to Rule, to Accident & not to Substance. […] The Classics, it is the Classics! & not Goths nor Monks, that desolate Europe with Wars.” (Erdman, op. cit., p. 269-270.)

    6 “Reynolds’s Opinion was that Genius May be Taught & that all Pretence to Inspiration is a Lie & a Deceit, to say the least of it. For if it is a Deceit, the Whole Bible is Madness. This Opinion originates in the Greeks Calling the Muses Daughters of Memory.” (Erdman, op. cit., p. 642.)

    7 “Knowledge of Ideal Beauty is Not to be Acquired. It is born with us. Innate Ideas are in Every Man Born with him, they are truly Himself. The Man who says that we have No Innate Ideas must be a Fool & Knave, Having No Con-Science or Innate Science.” (Erdman, op. cit., p. 648.)

    8 “Burke’s Treatise on the Sublime & Beautiful is founded on the opinions of Newton & Locke; on this Treatise Reynolds has grounded many of his assertions in all his Discourses. I read Burke’s Treatise when very Young; at the same time I read Locke on Human Understanding & Bacon’s Advancement of Learning; on Every one of these books I wrote my Opinions, & on looking them over find that my notes on Reynolds in this Book are exactly Similar. I felt the Same contempt & Abhorrence then that I do now. They mock Inspiration & Vision. Inspiration & Vision was then, & now is, & I hope will always Remain, my Element, my Eternal Dwelling place; how can I then hear it Contemned without returning Scorn for Scorn?” (Erdman, op. cit., p. 476-477.)

    9 “Error is Created Truth is Eternal Error or Creation will be Burned Up & then & not till then Truth or Eternity will appear It is Burnt up the Moment Men cease to behold it.” (Erdman, op. cit., p. 565.)

    10 “The whole creation will be consumed, and appear infinite. And holy whereas it now appears finite & corrupt. This will come to pass by an improvement of sensual enjoyment.” (Erdman, op. cit., p. 39.)

    11 Voir : C.G. Jung, 1998, La Réalité de l’âme, Paris, le Livre de Poche, p. 203-257 et C.G. Jung, 1995, Présent et avenir, Paris, Buchet/Chastel.

    12 “When this verse was first dictated to me I consider’d a Monotonous Cadence like that used by Milton & Shakspeare & all writers of English Blank Verse, derive from the modern bondage of Rhyming; to be a necessary and indispensable part of Verse. But I soon found that in the mouth of a true Orator such monotony was not only awkward, but as much a bondage as rhyme itself. I therefore have produced a variety in each line, both of cadences & numbers of syllables. Every word and every letter is studied and put in its fit place: the terrific numbers are reserved for the terrific parts – the mild & gentle, for the mild & gentle parts, and the prosaic, for inferior parts: all are necessary to each other. Poetry Fetter’d, Fetters the Human Race!” (Erdman, op. cit., p. 145-146.)

    13 “This I shall do, by printing in the infernal method, by corrosives, which in Hell are salutary and medicinal, melting apparent surfaces away, and displaying the infinite which was hid.” (Erdman, op. cit., p. 39.)

    14 “If the Spectator could Enter into these Images in his Imagination, approaching them on the Fiery Chariot of his Contemplative Thought, […] then would he arise from his Grave, then would he meet the Lord in the Air, & then he would be happy.” (Erdman, op. cit., p. 560.)

    15 “Every thing in Dante’s Comedia shews That for tyrannical Purposes he has made This World the foundation of All, & the Goddess Nature Memory is his Inspirer & not Imagination the Holy Ghost. As poor Churchill said: ‘Nature, thou art my Goddess.’ […]
    Swedenborg does the same thing in saying that in this World is the Ultimate of Heaven. This is the most damnable Falsehood of Satan & his Antichrist.”
    (Erdman, op. cit., p. 785.)

    16 “In my Brain are studies & Chambers fill’d with books & pictures of old, which I wrote & painted in ages of Eternity before my mortal life; & those works are the delight & Study of Archangels. […] I look back into the regions of Reminiscence & behold our ancient days before this Earth appear’d in its vegetated mortality to my mortal vegetated Eyes.” (Erdman, op. cit., p. 710.)

    17 “Blake’s Milton, therefore, through poetic anamnesis, brings into sensible embodiment forms whose function is to purify the soul through spiritual self-knowledge.”

    18 “These States Exist now Man Passes on but States remain for Ever he passes thro’ them like a traveller who may as well suppose that the places he has passed thro exist no more as a Man may suppose that the States he has passd thro Exist no more Every Thing is Eternal.” (Erdman, op. cit., p. 556.)

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    Menneteau, P. (2009). Ombres et Lumières dans la poésie de William Blake. In S. Halimi (éd.), La nuit (1‑). Presses Sorbonne Nouvelle. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8612
    Menneteau, Patrick. « Ombres et Lumières dans la poésie de William Blake ». In La nuit, édité par Suzy Halimi. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2009. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8612.
    Menneteau, Patrick. « Ombres et Lumières dans la poésie de William Blake ». La nuit, édité par Suzy Halimi, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8612.

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    Halimi, S. (éd.). (2009). La nuit (1‑). Presses Sorbonne Nouvelle. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8522
    Halimi, Suzy, éd. La nuit. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2009. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8522.
    Halimi, Suzy, éditeur. La nuit. Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.8522.
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