Laïcité, pluralisme religieux et éducation au Québec à la fin du XXe siècle
p. 201-229
Résumés
Cet article analyse les événements les plus importants qui ont marqué l’histoire récente du monde de l’éducation au Québec jusqu’à la reconnaissance des principes de laïcité et du pluralisme religieux, qui ont entraîné la démobilisation de la structure confessionnelle et la laïcisation du système scolaire québécois. La profondeur du processus qui a transformé les rapports entre le pouvoir politique et l’Église catholique est mise en évidence par une comparaison des débats sur le rapport de la Commission Parent (1961-1963) avec les débats qui se sont déroulés pendant et après les travaux de la Commission Proulx (1997-1998).
The article analyses the most important events of the recent history of education in Quebec. The acknowledgement of the principles of laïcité and of religious pluralism have led to the demobilization of the confessional structure and to the secularisation of the school System of Quebec. The comparison between the debate on the final report of the Parent Commission (1961-1963) and the debate during and after the Proulx Commission (1997-1998) helps to understand the process that transformed the relationship between the political power and the Catholic Church.
Texte intégral
L’utopie directrice qui doit nous guider est de faire converger le monde vers plus de compréhension mutuelle, plus de sens de la responsabilité et plus de solidarité, dans l’acceptation de nos différences spirituelles et culturelles.
(L’éducation : un trésor est caché dedans, rapport à l’Unesco de la Commission internationale sur l’éducation pour le vingt et unième siècle présidée par Jacques Delors, Paris, Odile Jacob, 1996 : 50.)
Aux racines de la laïcité québécoise
1On a souvent décrit le Québec d’avant 1960 comme une réalité marquée par un cléricalisme fort et envahissant. Pourtant, comme Micheline Milot l’a rappelé récemment, on peut retrouver une « laïcisation silencieuse », qui apparaît en filigrane des choix politiques et juridiques qui ponctuent la période qui s’étend de 1840 à 1960. Une laïcité qui ne fait l'objet d'aucune explication juridique et qui ne deviendra apparente, du point de vue institutionnel, et explicite dans les discours officiels, qu’à partir de 19601.
2En effet, bien que la mise en place d’un système d’éducation confessionnel ait fait perdre de vue cette réalité, le Québec a représenté un autre mode d’aménagement de la laïcité, tout à fait spécifique, dont les origines remontent au XVIIIe siècle. Les premiers principes de neutralité de l’État, de tolérance et de liberté religieuse y ont d’ailleurs été appliqués, en précédant des décisions analogues prises en France, aux États-Unis ou en Angleterre. Par exemple, le traité de Paris, en 1763, octroie « aux Habitans du Canada la liberté de religion catholique », laquelle ne sera pas remise en question ultérieurement. Les catholiques disposeront d’ailleurs des moyens nécessaires à l’exercice de cette liberté de culte, puisque le droit de prélever la dîme est maintenu et que l’évêque conserve une reconnaissance civile par l’Acte de Québec de 1774. Aussi les restrictions imposées aux catholiques de Terre-Neuve et des Maritimes furent enlevées en 1786, sauf pour l’exclusion du procès politique. Il faudra plusieurs années avant qu’en France, en Angleterre et aux États-Unis l’on reconnaisse la liberté de culte à un groupe religieux politiquement minoritaire.
3De plus, une distanciation des pouvoirs politique et religieux apparaît déjà au XVIIIe siècle. En effet, l’Église catholique ne peut pas jouir de statut d’Église établie et l’Église anglicane, en pratique, ne se trouve pas liée au gouvernement colonial de manière organique comme en Angleterre. En outre, l’article XXI de l’Acte constitutionnel de 1791 rendait inadmissibles au statut de membres des chambres d’assemblée les ministres de l’Église anglicane. Enfin, il faut aussi rappeler que la Constitution de 1867, bien qu’accordant des privilèges à l’Église catholique et aux Églises protestantes en éducation, n’avait pas institué de religion d’État et avait ainsi rendu possible une gestion politique de la diversité religieuse.
4Dans l’expérience québécoise, la laïcité n’est donc pas une reproduction de la laïcité française et surtout de l’image de la laïcité républicaine qui ignore le fait religieux, véhiculé en Québec après la laïcisation de l’école primaire publique qui a lieu en France avec la loi de 18822.
5Dans le domaine de l’éducation, la mise en place, entre 1856 et 1869, du Conseil de l’instruction publique – composé d’un comité protestant et d’un comité catholique où siègent d’office les évêques – donne à l’Église catholique le contrôle du réseau scolaire francophone. De plus, l’Église possède de nombreux établissements d’enseignement depuis le primaire jusqu’à l’université.
6Cette situation ne change pas beaucoup jusqu’aux années soixante du XXe siècle, qui représentent pour le Québec une période de transition et un moment de grands ferments politiques, sociaux et culturels, qui provoquent un changement de valeurs dominantes. Les institutions chrétiennes se trouvent dans une véritable crise de crédibilité et l’Église perd ses fonctions d’encadrement de la culture. Les principes de laïcité et du pluralisme religieux, qui s’imposent graduellement dans la société québécoise, entraînent la démobilisation de la structure confessionnelle et la laïcisation du système scolaire québécois et des structures de l’État qui en assuraient le fonctionnement. Il y avait donc les conditions pour mettre en œuvre une réforme de l’éducation, dont on discutait dès le milieu des années 1950.
La Commission royale d’enquête sur l’enseignement
7La profondeur de ce processus de laïcisation qui a transformé les rapports entre l’État et l’Église catholique émerge très clairement quand on compare les débats sur le rapport de la Commission Parent (1961-1963) avec les débats qui se sont déroulés pendant et après les travaux de la Commission Proulx (1997-1998).
8L’enquête Tremblay sur les problèmes constitutionnels (1953-1956) avait mis en évidence les difficultés financières des commissions scolaires, des collèges et des universités. Dans leur rapport, publié au printemps de 1956, les commissaires avaient déclaré que l’enseignement leur était apparu comme le problème le plus urgent du Québec et avaient même proposé la création d’une commission royale d’enquête consacrée exclusivement à cette question.
9Au cours des années 1956-1957, les problèmes liés au système scolaire et à l’enseignement universitaire prirent beaucoup d’importance dans tout le Canada. Au Canada anglais, une « Conférence canadienne sur l’éducation » se tint à Ottawa du 17 au 29 février 1958. Quelques jours avant, du 7 au 9 février, une « Conférence provinciale sur l’éducation » s’était tenue à l’université de Montréal, organisée par les sociétés Saint-Jean-Baptiste, chambres de commerce, associations d’étudiants et plusieurs autres groupements. Le compte rendu des résolutions adoptées mentionne que la Conférence n’avait pas eu le temps d’examiner plusieurs sujets, dont les suivants : « la promotion de l’éducation nationale, civique et démocratique, l’attention à accorder aux protestants de langue française ». Sa principale recommandation était « d’instituer le plus tôt possible une commission royale d’enquête sur les problèmes d’éducation à tous les niveaux et sur les problèmes connexes »3.
10Pour les élections du 22 juin 1960, le parti libéral dirigé par Jean Lesage inscrit à son programme la « Création d’une commission royale d’enquête sur l’éducation » (art. 9). Neuf mois après son élection, le 24 mars 1961, le nouveau gouvernement libéral instituait une Commission royale d’enquête sur l’enseignement (mieux connue comme Commission Parent, du nom de son président, Mgr Alphonse-Marie Parent, vice-recteur de l’université Laval) pour examiner tous les problèmes liés à l’organisation et au financement du système éducatif au Québec.
11Les membres de la Commission Parent reçurent plus de 300 mémoires et ils visitèrent plusieurs institutions éducatives hors du Québec.
12Pour la première fois, dans le débat qui accompagna et suivit les travaux de la Commission la laïcité fut prise sérieusement en considération. Le “Mouvement laïque de langue française”, fondé le 8 avril 1961 par un groupe d’intellectuels de Montréal, revendiquait « l’établissement d’un secteur scolaire laïque, c’est-à-dire non confessionnel, égal en droit et parallèle au secteur multiconfessionnel déjà existant » (art. 4 de sa constitution)4. Le pasteur protestant Jacques Beaudon déclara que
nous [protestants du Québec] désirons que nos enfants et nos petits-enfants puissent dans l’avenir, quelles que soient nos différences religieuses ou philosophiques, se retrouver dans le même esprit de fraternité et de compréhension. Seul un système non confessionnel, laïque ou neutre, permettra cet œcuménisme dans toute son ampleur5.
13Au début des années 1960, l’éducation était sous la direction du Département de l’instruction publique ayant à sa tête un surintendant, et du Conseil de l’instruction publique. Ce conseil était formé de deux comités : le comité catholique, composé de tous les évêques de la province et d’un nombre égal de laïcs nommés par le gouvernement, et le comité protestant, avec un nombre de membres égal à celui du comité catholique. Ces comités étaient totalement indépendants quant à la direction administrative et pédagogique de leurs écoles.
14À cette époque, l’éducation était dispensée par le système des écoles publiques et par celui des collèges privés. Le système d’éducation public fournissait l’éducation au niveau primaire tandis que le cours secondaire était privé et se donnait sous la direction des communautés religieuses masculines et féminines.
15Une première tranche du rapport de la Commission Parent, remis en avril 1963, proposait des recommandations très importantes pour la restructuration du système éducatif, surtout l’abolition du Département de l’instruction publique et la création d’un ministère de l’Éducation, assisté par un conseil consultatif : « C’est au Conseil supérieur de l’éducation que reviendra la responsabilité de maintenir le système d’enseignement en contact avec l’évolution de la société et celle d’indiquer les changements à opérer et d’inspirer des plans à long terme.6 »
16Les évêques catholiques et les partisans de la confessionnalité s’étaient fortement opposés à la création d’un tel ministère depuis le milieu du XIXe siècle parce qu’ils craignaient que le principe de la majorité appliqué dans les débats démocratiques finisse par entraîner la laïcisation du système scolaire.
17Pour donner à tous les habitants de la province la même possibilité d’accéder au système éducatif, le gouvernement approuvait une série de mesures législatives appelée alors « la grande charte de l’éducation ».
18Un projet de loi, le bill 60 (loi créant le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation), prévoyait que l’éducation publique, largement sous la gouverne des Églises depuis plus d’un siècle, passerait sous la juridiction étatique par la création d’un ministère de l’Éducation.
19L’Assemblée des évêques (A.É.Q.), s’adressant directement au Premier ministre Jean Lesage, avait d’ailleurs réussi à faire retirer le bill 60 (le 8 juillet 1963) qui, selon elle, ne garantissait pas suffisamment la confessionnalité et le rôle de l’Église dans l’éducation. Le nouveau bill 60, déposé six mois plus tard (le 14 janvier 1964) par le gouvernement à l’Assemblée législative, dessinait une configuration institutionnelle qui était le fruit d’un compromis préalablement agréé par Mgr Maurice Roy, président de l’A.É.Q., entre les prérogatives de l’État et les intérêts de l’Église catholique7.
20D’ailleurs, le ministre Paul Gérin-Lajoie reconnaissait explicitement que les suggestions de l’A.É.Q. avaient été prises en considération dans la version finale du projet de loi :
Certaines de ces suggestions [de l’A.É.Q.] ont permis une formulation plus heureuse de quelques articles ; d’autres visent à préciser certains pouvoirs ou attributions qui étaient implicites dans l’ancien texte ; d’autres, enfin, tendent à donner satisfaction, notamment en ce qui touche la constitution et les pouvoirs des Comités confessionnels, aux désirs exprimés par les autorités religieuses catholiques et certains groupements protestants8.
21Selon l’analyse de Léon Dion,
c’était là, au moins de façon implicite, reconnaître à l’Assemblée des évêques une prérogative quasi législative ou, mieux peut-être, quasi judiciaire et nationale. C’était en même temps lui procurer un accès tout à fait exceptionnel auprès du gouvernement. Celui-ci donnait l’impression de se placer dans une position de subordination, de requérir une « permission », un « droit de procéder » à une autorité jugée supérieure ou tout au moins concurrente9.
La position des églises protestantes
22Les églises protestantes étaient satisfaites des privilèges obtenus pour leurs écoles, même s’il y avait des voix dissidentes, surtout parmi les Canadiens français protestants du Québec qui subissaient les conséquences de la division de l’enseignement public en secteurs franco-catholique et angloprotestant : « Ils se voyaient refuser l’entrée à l’école française parce que non catholiques, et se trouvaient par conséquent contraints de faire leurs études en anglais, parce que protestants.10 » Si la plupart des protestants de langue française avaient voulu un secteur francophone protestant, il y en avait aussi qui souhaitaient un système d’éducation tout à fait différent. Cette position était bien représentée par le pasteur Joseph-Elzéar Boucher de l’Église Unie. Déjà en 1928, Boucher avait prononcé un discours qui exprimait bien l’aspiration à un genre d’école ouvert à tous et dégagé des ambiguïtés confessionnelles :
Notre province a besoin d’écoles où catholiques et protestants pourront se coudoyer, étudier ensemble, afin que, quand ils seront lancés dans le grand tourbillon de la vie, ils reconnaissent comme frères ceux qui, avec bonne volonté, s’efforcent d’accomplir leur devoir de citoyens11.
23Dans leur mémoire présenté à la Commission Parent en 1964, un groupe de pasteurs protestants francophones se déclarait en faveur d’une école laïque mais en même temps demandait la création d’écoles protestantes de langue française12.
24Avec le bill 60, le réseau scolaire public demeurait bi-confessionnel, catholique et protestant. Les deux confessions se trouvaient intégrées administrativement à la structure de l’État jusqu’à ses plus hauts niveaux, dont le Conseil supérieur de l’éducation. Les membres de ce conseil étaient choisis en fonction de leur appartenance confessionnelle déclarée. Deux comités confessionnels étaient rattachés à ce conseil : un comité catholique (dont les membres étaient tous nommés ou agréés par les évêques) et un comité protestant. Ces deux comités exerçaient une fonction normative sur les décisions gouvernementales en matière de reconnaissance des écoles catholiques ou protestantes, de définition et d’élaboration des programmes d’enseignement religieux de même que sur la qualification des maîtres pour l’enseignement de cette matière. En outre, deux sous-ministres associés, l’un de foi catholique et l’autre de foi protestante, étaient prévus par la loi comme membres d’office de l’appareil du ministère de l’Éducation.
25En 1965, l’Opération 55 vise à doter le Québec d’équipements scolaires adéquats pour donner l’enseignement secondaire à tous. L’opération doit conduire à la formation de 64 commissions scolaires régionales au Québec (il s’agit de 55 commissions scolaires pour catholiques et de neuf pour protestants).
26Après ces événements de 1964 et de 1965, d’autres changements importants ont encore marqué le paysage confessionnel. Tout d’abord, l’adoption, en 1967, des premiers règlements du comité catholique et du comité protestant du Conseil supérieur de l’éducation. Ces règlements définissaient les normes générales permettant à ces deux organismes de « reconnaître » comme catholiques ou protestantes, selon le cas, les écoles désireuses d’obtenir une telle reconnaissance.
27Mais, situation paradoxale, en 1974 aucune école n’avait encore sollicité une telle reconnaissance. Aussi, le comité catholique a-t-il procédé d’office, comme la loi lui permettait de le faire, en reconnaissant juridiquement comme catholiques les écoles qui relevaient alors des commissions scolaires « pour catholiques ». Il a justifié à l’époque son geste par le fait que ces écoles étaient communément réputées catholiques et perçues comme telles par l’ensemble de la population, que l’épiscopat les considérait toujours comme catholiques et que le gouvernement lui-même avait toujours tenu compte du caractère confessionnel des écoles publiques. Néanmoins, les nouvelles écoles créées à partir de cette date seraient tenues d’entreprendre une démarche auprès du comité catholique pour obtenir cette reconnaissance. De son côté, le comité protestant n’a jamais procédé autrement que par reconnaissance d’office jusqu’en 1988 ; le règlement de ce comité interdisait d’ailleurs aux écoles protestantes d’offrir un enseignement religieux confessionnel.
Les années 1970 et 1980
28La décennie des années 1970-1980 en est surtout une de consolidation et d’évaluation des réformes instaurées dans la période précédente. Cependant, les dimensions linguistique et confessionnelle de l’éducation deviennent des enjeux majeurs. En 1971, le projet de loi 27 propose le regroupement des 800 commissions scolaires du Québec (sauf celles de l’île de Montréal réduites à huit l’année suivante) pour n’en former que 254, soit 224 pour les catholiques et 30 pour les protestants. Cette loi établit aussi le suffrage universel pour l’élection des commissaires et crée les comités d’école et de parents. En 1977, un livre vert sur l’enseignement primaire et secondaire est largement diffusé, alors que plus de 400 mémoires et la tenue d’audiences nationales y font suite. L’année suivante, c’est un livre blanc sur les collèges du Québec qui est publié. En 1979, par le projet de loi 77, le gouvernement instaure les services de garde à l’enfance. La même année, la publication du livre orange intitulé L’école québécoise : Énoncé de politique et plan d’action conduira aux régimes pédagogiques de 1981.
29En relation avec l’enseignement religieux il faut aussi mentionner deux autres événements. Le premier est l’adoption en 1975 de la « Charte québécoise des droits et libertés de la personne » ; la Charte reconnaissait que « [l]es parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d’exiger que, dans les établissements d’enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi »13. Avec la proclamation de la Charte, l’aménagement du monde de l’éducation apparaissait manifestement discriminatoire puisque seuls les catholiques et les protestants disposaient de droits et de privilèges particuliers. Les législations en cause ne conservaient alors leur légalité qu’en vertu de « clauses dérogatoires » aux chartes canadienne (la Déclaration des droits promulguée en 1960) et québécoise des droits de la personne. Dans ces conditions, même si l’action politique générale de l’État pouvait être considérée tacitement neutre, cette neutralité n’était évidemment pas appliquée dans le domaine scolaire.
30En plus du problème de discrimination que soulevait l’aménagement confessionnel eu égard aux droits fondamentaux, celui-ci ne correspondait pas au degré de sécularisation de la société québécoise ni aux orientations politiques générales déjà existantes en ce qui concerne la diversité culturelle, l’intégration sociale et l’égalité des citoyens. En effet, on peut facilement identifier dans les diverses politiques adoptées au Québec depuis les années 1970 une ferme volonté de se définir comme une société ouverte au pluralisme, respectueuse de la diversité et soucieuse de préserver la cohésion sociale sur la base de valeurs communes. Ainsi, le système scolaire public confessionnel apparaissait-il de moins en moins en concordance avec les orientations politiques générales du gouvernement.
31Le deuxième événement, en réalité une extension du premier, c’est la décision prise par le gouvernement du Parti québécois (et confirmée dans la Loi sur l’instruction publique de 1987) de préserver les privilèges des communautés catholiques et protestantes par l’inclusion dans la Loi sur l’enseignement primaire et secondaire public de décembre 1984 (Loi 3)14 d’une clause dérogatoire15 à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour prévenir des actions en justice contre les réformes prescrites par la nouvelle loi. La décision était une réponse à l’A.É.Q., qui avait demandé que le système scolaire laisse place « à des écoles officiellement reconnues comme catholiques, chaque fois qu’une majorité de parents dans un milieu réclame de telles écoles »16.
32Le processus de restructuration scolaire qui s’est terminé en 1984 par l’adoption de la Loi 3 a été de courte durée. Bien que cette loi soit issue d’un large consensus entre les différents acteurs du système d’éducation, elle a toutefois été contestée sur le type de commissions scolaires qu’elle propose.
33Ainsi, les commissions scolaires protestantes et la Commission des écoles catholiques de Montréal se sont opposées à cette loi qui remplaçait les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques et ramenait les territoires de la Commission des écoles catholiques de Montréal et de Québec à celles établies en 1967. Portée en Cour supérieure, la loi est jugée non constitutionnelle en juin 1985 et ne peut être mise en application, parce qu’elle rend impraticable le droit à la dissidence constitutionnellement garanti et rétrécit les droits garantis des Montréalais et des Québécois.
34Les élections provinciales de décembre 1985 permettent au Parti libéral de Robert Bourassa de reprendre le pouvoir après huit ans d’absence. Claude Ryan devient le nouveau ministre de l’Éducation et poursuit la réforme en proposant le projet de loi 107, Loi de l’instruction publique, pour remplacer la vieille législation qui portait ce nom, codifiée pour la première fois en 1899. Ce projet, adopté en décembre 1988, mais non appliqué17 suite aux recours des commissions confessionnelles devant les tribunaux, prévoyait notamment que l’élève « a le droit de choisir, à chaque année, l’enseignement moral et religieux d’une confession autre que catholique ou protestante, lorsqu’un tel enseignement est dispensé à l’école ». Cette disposition a été très durement critiquée par certains :
la multiplication, en cadre scolaire, de ghettos religieux, où l’on évite par le fait même la prise en compte de la différence, et où chaque tradition religieuse peut transmettre ses croyances sans introduire un processus d’acquisition relativisant son propre système, ne constitue certainement pas la voie éducative la plus propice pour l’ouverture à l’altérité18.
35Cette loi est jugée constitutionnelle en 1990 par la Cour d’appel puis en juin 1993 par la Cour suprême.
36La nouvelle loi prolonge notamment la fréquentation scolaire obligatoire jusqu’à 16 ans et prévoit la division du territoire québécois en commissions scolaires linguistiques19.
37La Loi sur l’instruction publique de 1988, en vertu du paragraphe 16(7), garantissait à tous les étudiants des écoles québécoises la possibilité de choisir entre trois options. Les écoles primaires et secondaires devaient offrir un enseignement moral et religieux, catholique ou protestant, et un enseignement moral. Selon cette loi, les parents pouvaient choisir le programme d’instruction religieuse au moment de l’inscription de leurs enfants. Dans le cas où les parents n’exerceraient pas leur droit d’option, le directeur de l'école avait la responsabilité de choisir le programme. Les étudiants des derniers trois ans de l’école supérieure décidaient par eux-mêmes.
38La même loi donnait aux élèves, à chaque année, la possibilité de choisir l’enseignement moral et religieux d’une confession autre que catholique ou protestante, s’il était disponible. Enfin, cette loi arrêtait les critères que les comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l’éducation devaient suivre pour reconnaître une école comme confessionnelle.
39Tous ces changements ne se sont pas produits sans débats publics de différente intensité. Pendant ces années, plusieurs individus ont mis en discussion la légitimité et l’adéquation de l’éducation religieuse confessionnelle dans l’école publique, sur la base des droits fondamentaux individuels et du pluralisme religieux toujours plus répandu. Le débat, pour une large part, était lié à la question linguistique et, à travers elle, à la question de l’identité nationale. La religion et la langue ont constitué et demeurent, à l’évidence, quoique à des degrés différents selon les époques, deux valeurs culturelles structurantes de la société québécoise.
40Il vaut la peine de rappeler ici le problème des protestants de langue française qui ont demandé pendant plusieurs années au Protestant School Board of Greater Montreal (PSBGM) de leur accorder, à eux aussi, le même régime que celui dont jouissaient les Irlandais d’expression anglaise dans le secteur catholique20. Ni le comité protestant ni le PSBGM ont voulu accéder à leur requête jusqu’à la reprise de la lutte pour des classes françaises au secondaire dans les années soixante. Grâce à une campagne de presse en faveur des revendications des protestants francophones et des Juifs de langue française, le PSBGM décida la création d’un secteur scolaire protestant de langue française21.
Les années 1990
41Parmi les premières mesures de la décennie 1990-2000, qui veut favoriser la réussite éducative, se retrouvent celles qui visent le problème du décrochage scolaire chez les jeunes et la refonte du régime pédagogique du collégial.
42En 1995, donc trente ans après le rapport Parent, un vaste mouvement de réflexion est amorcé afin de redéfinir le « contrat éducatif québécois ». Ainsi, des États généraux sur l’éducation sont convoqués en vue de faire le point sur l’état de la situation et de définir les orientations et les besoins du système d’éducation pour les prochaines années et pour examiner la question de la confessionnalité sous l’angle de l’évolution culturelle et démocratique de la société québécoise. Dans un premier temps, des audiences publiques sont tenues dans toutes les régions du Québec, où partisans de la laïcité et de la confessionnalité s’affrontèrent, suivies d’assises régionales et nationales. L’année suivante, la Commission des États généraux dépose son rapport et détermine dix chantiers prioritaires d’intervention pour rénover le système d’éducation22.
43Le rapport insiste sur la nécessité de recentrer la mission de l’école, d’actualiser l’égalité des chances en éducation, de viser à un meilleur encadrement des élèves, de consolider la formation professionnelle et technique et la formation continue, de favoriser la restructuration des curriculums et d’établir une politique intégrée de la petite enfance.
44Sur la question de la confessionnalité, la Commission concluait qu’il fallait « déverrouiller » la confessionnalité garantie par l'article 93 de la Loi constitutionnelle canadienne :
Il faut poursuivre la déconfessionnalisation du système d’éducation, ou, en d’autres termes, achever la séparation de l’Église et de l’État. Il n’y a plus de raison, autre qu’un empêchement de nature historique, pour contraindre un système d’éducation public à cause de privilèges confessionnels23.
45L’invitation à déconfessionnaliser complètement le système scolaire public du Québec provoqua réactions contrastantes, qui représentent des opinions divergentes sur les droits des parents, le sens et la valeur du concept de majorité, l’identité culturelle et le rôle de l’éducation publique dans la transmission des valeurs religieuses. Dans un mémoire présenté à la Commission pendant les consultations, le comité exécutif de l’A.É.Q. avait défendu le système confessionnel en soulignant que « l’éducation religieuse confessionnelle [...] éclaire sur les repères et les convictions qui ont fait durer ce pays »24.
46Le 24 octobre 1996, dans la foulée de la publication du rapport de la Commission des États généraux et en réponse à ses conclusions, le ministre de l’Éducation, Mme Pauline Marois, rend publiques les grandes orientations de sa réforme. Elle souligne qu’il est urgent de rénover le système d’éducation, mais sans qu’il faille pour autant repartir à zéro. La société québécoise dans son ensemble, et non seulement le monde scolaire, est dès lors invitée à relever un défi de taille : « faire prendre à l’éducation le virage du succès. » Le coup de barre à donner consiste à passer de « l’accès du plus grand nombre au succès du plus grand nombre »25.
47Parmi les actions prises pour réaliser ce plan il y avait la création d’un groupe de travail (mis sur pied en janvier 1997 et présidé par M. Paul Inchauspé) chargé de réexaminer le curriculum de l’enseignement primaire et secondaire, le programme de l’éducation préscolaire, la politique de la formation permanente, de l’intégration interculturelle et de l’instruction universitaire. Le 23 juin 1997 le groupe de travail sur la réforme du curriculum soumit son rapport, Réaffirmer l’école26, et trois mois plus tard le ministre de l’Éducation a rendu public son énoncé de politique éducative, « L’école, tout un programme ».
48Le rapport final des États généraux sur l’éducation avait aussi recommandé au gouvernement provincial d’« entreprendre les démarches pour l’abrogation de l’article 93 de la Loi constitutionnelle canadienne, en vue de l’abolition des structures et des mécanismes actuels en matière de confessionnalité du système scolaire »27. Jacques Brassard, ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes, avait reçu le mandat d’évaluer la possibilité de « procéder rapidement et de façon bilatérale [entre l’Assemblée nationale et le Parlement fédéral] à une modification de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne le Québec »28, sur la base de la possibilité d’amender la Constitution du Canada « in relation to any provision that applies to one or more, but not all provinces »29.
49Cela entraîna un débat politique sur l’opportunité de la modification proposée. Certains groupes catholiques traditionalistes s’opposaient à la proposition puisqu’ils ne voulaient pas que les commissions linguistiques remplacent les commissions scolaires confessionnelles30. Les évêques catholiques, au contraire, déclaraient leur soutien aux commissions linguistiques31. De son côté, l’Alliance Québec, l’organisation qui représentait les intérêts de la communauté anglophone, avait pris une attitude critique32.
50En novembre 1997, le gouvernement fédéral amenda la section 93 pour permettre au Québec de passer d’un système d’éducation fondé sur la religion à un système structuré selon des lignes linguistiques33. L’amendement a abrogé les droits et les privilèges confessionnels dont les communautés catholique et protestante de Québec et Montréal bénéficiaient sous la Loi constitutionnelle de 1867 et a rendu possible le remplacement, le 1er juillet 1998, des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques, francophones et anglophones. Ainsi, toutes les commissions scolaires sont désormais établies sur une base linguistique, celles ailleurs en province l’étant déjà légalement depuis 1988, avec l’adoption de la Loi 107.
51En même temps, les pouvoirs et les territoires des commissions scolaires furent redéfinis. Il y avait aussi un autre changement très important : tous les statuts du Québec et toutes les dispositions qui concernent la religion à l’école furent soumis à la Charte des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution canadienne en 1982, et par conséquent toute discrimination religieuse était non constitutionnelle34. Depuis l’introduction de la Charte, le gouvernement du Québec doit invoquer la clause dérogatoire et il doit le faire tous les cinq ans, pour protéger les écoles confessionnelles des contestations juridiques qui s’appuieraient sur la Charte.
52Les gouvernements libéraux suivants demandaient à l’Assemblée nationale d’introduire les clauses dérogatoires dans la législation scolaire pour rendre inefficaces les dispositions des Chartes du Québec et du Canada. Ces clauses ont été reconduites en 1989 et 1994. En juin 1999, la clause était reconduite encore pour une période de deux ans, afin de laisser suffisamment de temps pour que le débat public sur la laïcité de l’école puisse se faire.
Une perspective nouvelle : « la laïcité ouverte »
53Les événements les plus importants qui ont marqué l’histoire récente du système scolaire du Québec, soit la modification constitutionnelle de 1997 et la conversion subséquente des commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques, francophones et anglophones, à partir de juillet 1998, appelaient à poursuivre le débat de fond sur la place de la religion à l’école lancé par les États généraux sur l’éducation en 1996. Les changements du contexte culturel et démographique ainsi que les problèmes d’organisation soulevés par la confessionnalité scolaire incitaient d’ailleurs à reprendre ce débat.
54Dans ce contexte, en octobre 1997, le ministre de l’Éducation, Mme Marois, créa le « Groupe de travail sur la place de la religion à l’école », avec le « mandat général d’examiner la question de la place de la religion à l’école, de définir les orientations pertinentes et de proposer des moyens en vue de leur mise en œuvre »35. Ce groupe de travail, qui était présidé par le professeur Jean-Pierre Proulx du Département d’études en éducation de l’université de Montréal et comprenait un Juif et un musulman, produisit son rapport sur la réforme de l’éducation, intitulé Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise, le 31 mars 1999. Le rapport recommandait au gouvernement du Québec d’annuler le statut confessionnel des 3 300 écoles de la province, pour la plupart catholiques. Selon le rapport, le système d’éducation religieuse courant enfreignait la liberté et l’égalité individuelles codifiées dans la Charte parce qu’il excluait les autres groupes religieux dans une société désormais pluraliste.
55Le groupe de travail sur la place de la religion à l’école a soumis ses conclusions sous la forme d’une brève série de recommandations pour servir à la discussion publique36. Ces recommandations représentent « indubitablement une rupture avec la tradition plus que séculaire du Québec. » Elles proposent que
notre système éducatif soit, à l’avenir, fondé sans équivoque sur le respect de ces droits fondamentaux que sont l’égalité de tous et la liberté de conscience et de religion. En 1975, l’Assemblée nationale les a inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne. Nous croyons également qu’ils constituent, avec les autres droits, le « fondement de la justice et de la paix ». Pour assurer pleinement l’exercice de ces droits, nous en sommes venus à la conclusion qu’il fallait dorénavant compter sur un système scolaire public laïque en heu et place du système confessionnel actuel, et, en conséquence, réaménager dans une nouvelle perspective la place de la religion à l’école. Cette perspective est celle de la laïcité ouverte37.
56Dans le cadre d’une école inspirée par les valeurs communes des citoyens, cette perspective fait place à un enseignement culturel des religions et des visions séculières du monde ; elle reconnaît la dimension spirituelle de la personne et permet donc aux écoles qui le souhaitent de se doter d’un service d’animation de la vie religieuse et spirituelle commune à tous. Elle accepte aussi que, dans le cadre de sa mission de service à la communauté, l’école puisse, en dehors des heures d’enseignement et compte tenu de ses priorités, mettre ses locaux à la disposition des confessions désireuses d’organiser elles-mêmes des services pour leurs membres.
57Le 9 avril 1999, au cours d’une rencontre organisée par l’Office de l’éducation de l’archidiocèse de Montréal, Proulx a réaffirmé que le système courant des écoles confessionnelles était discriminatoire puisque les catholiques et les protestants seulement avaient le droit d’avoir des écoles confessionnelles. De plus, Proulx a soutenu que le maintien de la condition actuelle était en contradiction avec la transformation de la société québécoise, qui a de plus en plus adopté le principe de la neutralité de l’État dans les affaires religieuses d’une société pluraliste et a cherché à promouvoir une cohésion sociale fondée sur le respect individuel réciproque et la liberté de conscience38.
58Dans son communiqué préliminaire après la publication du rapport Proulx, l’A.É.Q. a déploré la recommandation du rapport de démanteler « le droit des parents de choisir le type d’école qui correspond le mieux à leurs convictions religieuses, ce qui fait partie d’une longue tradition chez nous »39, et elle a réitéré l’appui des évêques à une extension des droits aux parents qui ne sont pas catholiques ou protestants. Cette option avait été examinée dans le rapport Proulx et puis rejetée parce qu’elle était impraticable logistiquement et contraire au genre de milieu social commun que l’école publique devrait encourager40.
59Le débat occasionné par le rapport a continué devant la Commission de l’éducation de l’Assemblée nationale du 9 juin au 30 novembre 1999.
60À l’époque du bill 60, selon Léon Dion, « le rôle du gouvernement fut prioritaire, l’influence de l’Assemblée des évêques, prépondérante, et la force de pression des agents sociaux, insignifiante »41. En 1999, le rôle important joué par les groupes de pression indiqua la profondeur des transformations survenues dans les rapports de force entre l’État et l’Église : l’État ne semblait plus disposé à partager sa compétence dans le domaine de l’éducation alors que l’Église, en perte d’autorité, paraissait une institution dans la société civile au même titre que d’autres institutions ou organismes.
61Si 254 mémoires furent soumis à la commission parlementaire, environ 60 groupes ou associations furent invités à y présenter leur point de vue, y compris l’A.É.Q., quelques associations traditionalistes catholiques, différentes églises protestantes et des groupes religieux, musulmans et juifs. Cette égalité de traitement est en soi un fait reflétant une reconnaissance du pluralisme religieux par l’appareil étatique. En outre, les associations professionnelles et syndicales du monde scolaire ont été largement représentées.
62À la fin des auditions législatives, le ministre d’État à l’Éducation et à la Jeunesse, M. François Legault, a déclaré : « [...] je garde comme impression globale qu’une grande majorité des Québécoises et des Québécois s’attendent à une évolution de la réalité confessionnelle dans notre système d’éducation.42 » Par ailleurs, le ministre lui-même, selon la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire (qui regroupe 51 organisations québécoises, parmi lesquelles la Ligue des droits et libertés, la Fédération des femmes du Québec, la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ainsi que la CEQ, la FTQ et la CSN), a ralenti cette évolution pour contenter l’église catholique43.
La Loi 118
63Le 10 mai 2000, le ministre Legault a déposé à l’Assemblée nationale son projet de loi 118 modifiant diverses dispositions législatives concernant la confessionnalité scolaire44. Ce projet de loi prenait appui sur les orientations gouvernementales sur la place de la religion à l’école, publiées le 10 mai 2000 après un an de débat public qui a permis à de nombreux organismes et individus de faire entendre leur point de vue.
64Les changements les plus importants insérés dans le projet ont été : l’abolition des comités confessionnels catholique et protestant du Conseil supérieur de l’éducation, l’abolition de la position de sous-ministres catholique et protestant de l’éducation, la création d’un comité sur les affaires religieuses, un organe consultatif sur toute question touchant la place de la religion à l’école. Le projet de loi maintint les droits, pour les élèves de l’école primaire et du premier cycle de l’école secondaire, de choisir entre l’enseignement moral et religieux (catholique et protestant) et l’enseignement moral. Le ministre a décidé la reconduction de la clause dérogatoire encore pour cinq ans pour protéger les privilèges jouis par les catholiques et les protestants d’une contestation de légalité45.
65Dans la foulée de ce projet de loi, le gouvernement a rendu public un document d’orientation intitulé Dans les écoles du Québec : une réponse à la diversité des attentes morales et religieuses46. Le projet de loi a déçu tant les promoteurs de la laïcisation complète que ceux de l’école confessionnelle47.
66Pour l’A.É.Q., l’abolition du statut confessionnel prévue dans le projet de loi constitue une option « prématurée et peu respectueuse de la volonté des parents ». Les évêques ont reconnu toutefois la « difficulté » que constitue le maintien du statut confessionnel après l’adoption de la Charte des droits et libertés, ce qui s’est traduit jusqu’à maintenant par un recours répété aux clauses dérogatoires48.
67« On dirait que le ministre veut faire plaisir à tout le monde », déplorait la porte-parole de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, Mme Louise Laurin, qui qualifiait la réforme de « statu quo avec de petits changements ». Le 17 mai 2000, la Coalition a demandé au ministre de l’Éducation d’apporter un amendement majeur au projet de loi :
Si le ministre souhaite véritablement que la confessionnalité scolaire évolue au rythme de la société, il doit retirer de la loi fondatrice de l’éducation de base, la Loi sur l’instruction publique, toute référence à l’enseignement religieux confessionnel. [...] En maintenant, à l’article 5 de cette loi, le droit des parents des élèves du primaire et du premier cycle du secondaire de choisir entre l’enseignement religieux confessionnel catholique ou protestant et l’enseignement moral, le ministre condamne toute évolution rapide vers l’école laïque49.
68Les membres de la Coalition ont estimé qu’il n’y avait désormais plus aucune raison d’établir une distinction entre l’enseignement catholique et protestant ni de recourir aux clauses dérogatoires si l’enseignement religieux se conforme aux orientations énoncées par le ministre dans le projet de loi. En effet, dans le document intitulé Dans les écoles publiques du Québec : une réponse à la diversité des attentes morales et religieuses, les quatre repères retenus par le ministre (social : une société pluraliste et ouverte ; culturel : perspective éducative, culturelle et historique ; juridique : liberté de conscience et de religion ; pédagogique : démarche évolutive) et les orientations qui en découlent abolissent de fait l’opposition qui existait entre l’enseignement culturel et l’enseignement dit catholique et protestant.
69Dans ce document, on peut lire que les enseignements religieux « sont donc distincts des pratiques ecclésiales et familiales d’initiation à une religion », que ce cours doit favoriser « le développement d’une conscience commune et citoyenne », sans viser « ni l’embrigadement ni l’endoctrinement »50. Le même document précise que c’est là une « initiation culturelle et de socialisation qui n’est pas du tout étrangère à la mission de l’école »51. Même si les membres de la Coalition n’ont pu que se réjouir de tels propos tout en reconnaissant, comme le fait le document soumis par le ministre, « l’importance philosophique, culturelle et politique » du fait religieux pour pouvoir déchiffrer certaines caractéristiques de notre civilisation, ils ont constaté avec étonnement que les dispositions de la loi concernant les privilèges sur une base confessionnelle et le recours aux clauses dérogatoires sont maintenus. « Les orientations privilégiées et clairement exprimées dans le projet de loi rendent ces dispositions non pertinentes, non souhaitables et non nécessaires » a soutenu la porte-parole de la Coalition, Mme Laurin.
70Afin de rendre l’offre de services éducatifs conforme à ces orientations, la Coalition a demandé au ministre :
- d’abolir l’article 5 de la Loi sur l’instruction publique qui maintient le choix entre l’enseignement moral d’une part et l’enseignement religieux catholique ou protestant d’autre part ;
- d’abolir le recours aux clauses dérogatoires qui ne sont plus nécessaires si l’enseignement religieux n’est plus fondé sur des privilèges accordés à deux groupes précis de citoyens (catholiques et protestants) ;
- que l’approbation des programmes soit soumise au même processus que les autres programmes du curriculum, ce qui évitera la constitution d’un comité sur les affaires religieuses tel que prévu dans le projet de loi ;
- de s’assurer que d’ici un an, il n’y ait plus qu’un seul programme d’enseignement culturel des religions réellement conforme aux orientations énoncées ;
- que l’application de ce programme se situe à l’intérieur de la réforme actuelle et qu’il soit obligatoire pour tous ;
- qu’une éducation civique de qualité soit introduite dans le programme d’enseignement moral et que ce programme soit également obligatoire pour tous.
71Si le ministre Legault maintient une forme de statu quo dans les enseignements catholique et protestant offerts de même que le recours à la clause dérogatoire sur le fondement des orientations, par ailleurs très claires, énoncées dans le document précité, « nous devrons conclure que ce document n’est qu’un écran de fumée pour maintenir un système qui ne correspond nullement à l’évolution de la société québécoise » a conclu Mme Laurin52.
72Dans une lettre aux journaux du 27 mai 2000, un groupe de personnalités québécoises a demandé au ministre de l’Éducation d’amender le projet de loi 118 concernant la confessionnalité scolaire, « afin de mieux répondre à l’évolution présente de la société québécoise et de favoriser la transition que le ministre dit lui-même souhaiter. » Ils ont pressé le ministre d’avancer résolument « sur la voie d’une éducation laïque », à partir d’une sécularisation complète de l’école secondaire53.
73Les parents aussi ont réagi de façon différente. Gary Stronach, président de la Fédération des comités de parents du Québec, a exprimé immédiatement son appréciation favorable : « C’est un compromis très acceptable qui correspond à la volonté de la majorité des parents sur la liberté de choix à l’égard des valeurs religieuses et spirituelles à l’école. » Il a aussi déclaré être satisfait et rassuré par la déclaration que le ministre a faite au moment de la présentation du projet de loi :
M. Legault promet de maintenir les services et ressources nécessaires pour favoriser le développement spirituel et moral des enfants. Il garantit ainsi aux parents la poursuite de la tradition de nos croyances et l’ouverture aux demandes différentes du peuple québécois en fonction du contexte d’aujourd’hui54.
74Au contraire, l’Association des parents catholiques du Québec a fortement critiqué la loi :
Avec l’annonce de l’abrogation du statut confessionnel des écoles, dès le 1er juillet 2000, nous constatons avec stupeur que votre gouvernement a décidé de retirer à l’immense majorité des Québécoises et des Québécois un droit reconnu, non seulement par des Chartes internationales, mais aussi, ici même au Québec, par la Charte québécoise des Droits et Libertés. Ce droit est actuellement complètement bafoué dans les orientations du projet de loi 118 que vous proposez. [...] Tout en reconnaissant l’importance de l’enseignement religieux dans la formation des jeunes et en déclarant que le projet éducatif devra être « cohérent », votre gouvernement ne permet pas aux parents qui le désirent le choix d’un contenu qui réponde à leurs attentes et à leurs valeurs55.
75Malgré les critiques et les demandes d’une révision supplémentaire, le ministre a décidé qu’« il était temps de passer à l’action »56 et le projet de loi 118, « loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l’éducation concernant la confessionnalité », a été sanctionné par l’Assemblée nationale le 16 juin 2000.
76Le secrétariat aux affaires religieuses (S.A.R.) a été ensuite mis sur pied le 1er juillet 2000. Le S.A.R. a la responsabilité de permettre au ministre de l’Éducation d’exercer ses responsabilités sur toute question relative à la religion en éducation et de donner au comité sur les affaires religieuses (C.A.R.) le soutien nécessaire à l’exercice de son mandat auprès du ministre57.
77Le C.A.R. est composé de treize membres issus de divers groupes. Il s’agit de quatre parents d’élèves fréquentant, pour deux d’entre eux, une école primaire et, pour les deux autres, une école secondaire ; de deux membres du personnel enseignant, l’un du primaire et l’autre du secondaire ; d’une personne faisant partie du personnel professionnel ; d’une personne exerçant des fonctions de cadre scolaire ; ainsi que de quatre spécialistes issus du milieu universitaire, deux d’entre eux étant du champ de la théologie, un du champ de la philosophie et un du champ des sciences religieuses. Un treizième membre est choisi parmi les employés du ministère de l’Éducation. Le C.A.R. a pour mandat de conseiller le ministre de l’Éducation sur toute question touchant la place de la religion dans les écoles. Il a commencé ses travaux en février 2001, après la nomination, le 20 décembre 2000, de ses membres et du président, M. Jean-Marc Charron58.
Les changements apportés par la Loi 118 sanctionnée le 16 juin 2000
78Depuis le 1er juillet 2000, le statut confessionnel des écoles du Québec a été aboli. L’article 37 de la Loi sur l’instruction publique (L.R.Q., ch. I-13.3) a été modifié par l’adjonction de l’assertion : « Le projet éducatif de l’école doit respecter la liberté de conscience et de religion des élèves, des parents et des membres du personnel de l’école ».
79Les comités confessionnels catholique et protestant du Conseil supérieur de l’éducation ainsi que la position de sous-ministre catholique et protestant de l’éducation ont subi le même sort. Les fonctions des comités et des sous-ministres sont remplacées par le C.A.R., qui devient responsable de l’approbation des aspects confessionnels des programmes scolaires.
80Toutefois, l’éducation publique du Québec n’a pas perdu complètement sa dimension confessionnelle, du moment que les parents des étudiants de l’école primaire et du premier cycle des écoles secondaires gardent la possibilité de choisir entre l’enseignement moral et religieux (catholique et protestant) et l’enseignement moral.
81La loi a aussi décidé que les services d’animation pastorale catholique et d’animation religieuse protestante seront transformés en service non confessionnel d’animation spirituelle et d’engagement communautaire. De plus, les orientations gouvernementales ont ouvert la porte à une diminution de 40 % du temps alloué à l’enseignement moral et religieux, au primaire et au secondaire.
82Quelques mois après l’adoption de la Loi 118, l’A.É.Q. a pris une attitude pragmatique, s’adaptant à la nouvelle situation :
Jusqu’à présent, au Québec, l’école a été un partenaire majeur de l’Église pour l’éducation religieuse des jeunes. Il faut lui être reconnaissant pour cette importante contribution à une formation religieuse bien intégrée à l’histoire et à la culture d’ici. La situation créée par la Loi 118 dans un contexte sociologique en constante évolution amène l’Église à assumer désormais une plus grande part de sa responsabilité en dehors du réseau des écoles publiques59.
83Le dernier acte des comités catholique et protestant a été la publication d’un document conjoint. Après un examen critique de la nouvelle situation, le document souligne qu’il présente aussi des chances de renouvellement. Il obligera à des choix plus délibérés, à des engagements personnels et collectifs mieux définis.
84La loi ne suffira jamais à garantir l’avenir d’un service comme l’éducation religieuse, encore moins sa vitalité. Il y faut surtout la détermination d’adultes convaincus de l’importance de ce service pour les jeunes qu’ils ont la mission d’accompagner au départ de leur vie. C’est d’abord entre leurs mains que repose l’avenir de la religion à l’école60.
85La nouvelle loi représentait un compromis, probablement la meilleure solution possible au contraste prolongé entre une « laïcité ouverte », qui insiste sur les droits et les libertés individuelles, et une « confessionnalité ouverte », qui défend les droits des parents catholiques et protestants. Après des années de débat, il semble que les « sécularistes » ont accepté une place limitée pour la religion dans l’éducation publique, tandis que les Églises et les parents religieux ont assumé leurs responsabilités pour la transmission de croyances et valeurs religieuses.
86Toutefois un compromis ne satisfait jamais toutes les positions. Ceux qui attendaient la réalisation des recommandations du rapport Proulx ont manifesté leur désappointement61 comme ceux qui défendaient la confessionnalité scolaire.
87Direction chrétienne, une coalition d’Églises évangéliques, s’est opposée à la laïcisation des écoles. Dans un sondage récent (2003) sur « l’éducation morale et religieuse à l’école publique »62, les témoignages cités reflètent aussi ces positions « évangéliques ». Ce qui est frappant dans ces témoignages, c’est que les évangéliques sont tout aussi conservateurs que l’Église catholique officielle sur la plupart des dossiers et qu’il existe plus de parenté entre eux qu’avec l’Église Unie par exemple (les évangéliques étant pro mariage, anti-avortement, contre le mariage des personnes de même sexe, peu engagés pour la justice sociale, se contentant de la « charité » le plus souvent). La position de l’Église Unie francophone en éducation rejoignait celle de la faculté des sciences religieuses de l’université de Montréal et de plusieurs écoles de théologie : il vaut mieux actuellement laïciser complètement l’école et accompagner les élèves dans leur connaissance de la dimension religieuse à tous les niveaux.
88À son assemblée plénière des 5 et 6 avril 2003, tenue à Québec, le consistoire laurentien de l’Église Unie du Canada a maintenu la résolution adoptée à son assemblée plénière de l’année précédente de se retirer de la Table de concertation protestante sur l’éducation :
[...] nous vous demandons de rayer à partir du 6 avril 2003 le nom de notre consistoire de tout écrit ou document rattaché à la Table. C’est après mûre réflexion que notre Consistoire en est venu à cette décision. Les orientations de la Table ne correspondent pas à nos attentes parce qu’elles visent la défense des écoles confessionnelles religieuses. Nous croyons toujours que les écoles ne doivent pas être confessionnelles et que l’enseignement qui devrait s’y donner à tous les niveaux est celui de la culture religieuse qui est celle des IVe et Ve secondaires actuels. Quant à la formation spirituelle et religieuse proprement dite, elle doit relever de la famille et de la communauté ecclésiale, pas de l’école publique qui doit convenir à tous les citoyens sans exception. Nous ne souhaitons pas non plus que la dérogation actuelle à la Charte canadienne des droits et libertés soit maintenue en 2005, mais qu’au contraire le Québec s’aligne sur le Canada sur ce point63.
89L’article 41 de la Charte québécoise reconnaît aux parents le droit à une éducation religieuse pour leurs enfants dans l’école publique. Cependant, le cadre défini par la Loi 118 présente des risques de fragilisation réels, mais aussi des chances de renouvellement. Il oblige à des choix plus délibérés, à des engagements personnels et collectifs mieux définis.
90Au Québec, la confrontation entre la « laïcité ouverte », qui souligne les droits et les libertés individuels et la « confessionnalité ouverte », qui défend les droits des parents catholiques et protestant, continue.
91Il sera intéressant d’observer comment évoluera la réalité de l’enseignement confessionnel au sein de cette nouvelle configuration du système scolaire, substantiellement laïque. Le régime d’option obligatoire entre trois enseignements (catholique, protestant et moral) constituera un véritable casse-tête administratif, tant pour ce qui est de l’aménagement de la grille horaire, de la tâche des enseignants que de la possibilité de satisfaire les demandes de tous les parents, surtout quand ils se retrouvent en minorité. Ces difficultés risqueraient d’atténuer la volonté des acteurs scolaires qu’une éducation confessionnelle soit maintenue dans l’école. On verra également en 2005 si l’État québécois entend renouveler ou non les clauses dérogatoires aux chartes des droits contenues dans la Loi sur l’instruction publique. Quelles que soient les raisons invoquées pour maintenir de telles clauses, ce recours constitue une entrave à la reconnaissance de l’égalité de tous devant la loi. Bien sûr, le débat sur la place de la religion dans le système scolaire québécois n’est pas terminé.
Notes de bas de page
1 Micheline Milot, Laïcité dans le Nouveau Monde. Le cas du Québec, Turnhout, Belgique, Éditions Brepols, 2002.
2 Cf. Jean Baubérot, Histoire de la laïcité en France, Paris, PUF, 2000, p. 47-62.
3 « Conférence provinciale sur l’éducation », Michel Brunet, Histoire du Canada par les textes, tome 2, Montréal, Fides, 1963, p. 245.
4 Gaétan Rochon, Le Mouvement laïque de langue française (MLF) et la question scolaire : 1961-1969, Montréal, Département de science politique, Université de Montréal, 1971. Il ne faut pas confondre le Mouvement laïque de langue française, qui s’est sabordé en 1969, avec le Mouvement laïque québécois. Le MLQ est issu de la transformation, au début des années 1980, d’un mouvement qui luttait pour la reconnaissance du droit à l’exemption de l’enseignement religieux catholique.
5 Jacques Mackay, et al., L’École laïque, Montréal, Éditions du Jour, 1961.
6 Rapport de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec [Rapport Parent], 5 vol., Québec, 1963-1966, tome 1 (1963), no 176. Voir Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, L’éducation pour tous : une anthologie du Rapport Parent ; choix de textes et présentation par Claude Corbo ; préf. de Guy Rocher. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « PUM corpus », 2002.
7 « Lettre des évêques au Premier ministre de la province de Québec, le 29 août 1963 », in Maurice Roy, L’enseignement confessionnel. Textes de l'épiscopat du Québec, Montréal, Fides, 1983.
8 Communiqué général émanant du bureau du Premier ministre, le 14 janvier 1964, lors du dépôt du bill révisé, cité dans Léon Dion, Le bill 60 et la société québécoise, Montréal, HMH, 1967, p. 141.
9 Dion, Le bill 60, p. 128. En 1985, le ministère de l’Éducation était divisé en deux ministères. Le nouveau ministère de l’Éducation est responsable pour l’instruction préscolaire, élémentaire et secondaire et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie pour les collèges et l’université et pour la recherche scientifique. Huit ans plus tard, en 1993, le gouvernement a décidé de réunir les deux ministères et le ministère de l’Éducation est reconstitué en 1994.
10 Jean-Louis Lalonde, Des loups dans la bergerie. Les protestants de langue française au Québec, 1534-2000, Montréal, Fides, 2002, p. 237.
11 Ibid., p. 240.
12 Ibid., p. 285.
13 Charte québécoise des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12, a. 41 : « Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d exiger que, dans les établissements d’enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi. »
14 Cette loi (bill 3 de 1984), contestée par la Commission scolaire catholique de Montréal et la Quebec Association of Protestant School Boards, était abrogée par la Cour supérieure du Québec en juin 1985. La Cour avait jugé la loi non constitutionnelle selon l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cf. Norman Henchey and Donald Burgess, Between Past and Future : Quebec Education in Transition, Calgary, Detselig Enterprises, 1987.
15 La Charte canadienne des droits et libertés (1982) et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (1975) contiennent des clauses qui permettent à une autre législation d’abroger une clause, à condition que l’abrogation soit explicitement indiquée dans la législation subordonnée. La validité de l’abrogation de la Charte canadienne est déterminée dans la législation, mais en tout cas ne peut pas dépasser cinq ans ; à moins qu’elle soit renouvelée, elle s’écoule à la fin de cette période. L’abrogation de la Charte québécoise reste en vigueur tant qu’elle n’est pas abrogée par un autre acte législatif. Une clause pour l’abrogation de l’application d’une Charte est connue comme “clause dérogatoire”, parce qu’elle est généralement introduite par le mot “dérogation”.
16 Assemblée des évêques du Québec, Le système scolaire et les convictions religieuses des citoyens, Montréal, 18 mars 1982, p. 8.
17 Les articles du projet de loi 107 sur ce sujet n’ont pas été mis en application jusqu’au projet de loi 109 adopté en 1997 sous le titre de Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique.
18 M. Milot, « L’enseignement religieux à l’heure du pluralisme. Une distinction nécessaire entre “contenus” et “processus” » in F. Ouellet et M. Page (dir.), Plurietbnicité et société : construire un espace commun, Québec, IQRC, 1991, p. 425.
19 Les dispositions du projet de loi 107 sur les comités linguistiques n’étaient pas réalisées jusqu’à l’approbation du projet de loi 109.
20 L’Église catholique avait adopté dès le début de l’immigration irlandaise catholique une politique de création de paroisses ethniques à Montréal afin de préserver l’immigrant des dangers du protestantisme. Cette politique sera maintenue par la suite au XXe siècle avec l’arrivée de l’immigration cosmopolite.
21 Denis Remon (dir.), L’identité des protestants francophones au Québec : 1834-1997, ACFAS, « Les Cahiers scientifiques », no 94, Montréal, 1998.
22 Commission des États généraux sur l’éducation. Rapport Final/Commission for the Estates General on Education. Final Report, Rénover notre système d’éducation : dix chantiers prioritaires / Renewing Our Education System : Ten Priority Actions, Québec, Ministère de l’Éducation, 1996.
23 Rapport final de la Commission des États généraux sur l’éducation, p. 53 [http://www.meq.gouv.qc.ca/etat-gen/rapfinal/s2-9.htm].
24 Pour un effort culturel nouveau, Mémoire présenté à la Commission des États généraux, 1995, p. 14, cit. in Jacques Palard, « La confessionnalité scolaire en débat », in Solange Lefebvre (dir.), Religion et identités dans l’école québécoise. Comment clarifier les enjeux, Montréal, Fides, 2000, p. 121.
25 Prendre le virage du succès. Plan d’action ministériel pour la réforme de l’éducation, 1996 [www.meq.gouv.qc.ca/REFORME/reforme.htm].
26 Groupe de travail sur la réforme du curriculum, Réaffirmer l’école. Prendre le virage du succès, Québec, Ministère de l’Éducation, 1997.
27 Rapport final de la Commission des États généraux sur l’éducation, p. 82, [www.meq.gouv.qc.ca/etat-gen/rapfinal/ann2.htm].
28 Jacques Brassard, Avis au média – Modification de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, ministère des Relations intergouvemementales canadiennes, Communiqué de presse, 7 février 1997.
29 Constitution Act, 1982 (art. 43). Cf. Déclaration de Mme Pauline Marois, ministre de l’Éducation, à l’Assemblée nationale (26 mars 1997), [www.meq.gouv.qc.ca/REFORME/religion/html-fr/fr/texte/anx2.htm].
30 Paul Cauchon, « Commissions scolaires linguistiques. Un appel à la résistance des catholiques. La Coalition pour la confessionnalité scolaire prétend jouir de l’appui de 235 000 Québécois », Le Devoir, 14 février 1997.
31 André Gaumond, Oui aux commissions scolaires linguistiques !, Montréal, Assemblée des évêques du Québec, communiqué de presse, 19 mars 1997.
32 Paul Cauchon, « Alliance Québec veut plus de garanties pour les droits scolaires des anglophones », Le Devoir, 11 février 1997.
33 La législation controversée est adoptée à la chambre des Communes en novembre par 204 votes contre 59 et approuvée définitivement au Sénat le 15 décembre 1997.
34 Charte canadienne des droits et libertés, 15 (1) : « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »
35 Rapport du groupe de travail sur la place de la religion à l’école, Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise, « Mandat du Groupe de travail », [www.meq.gouv.qc.ca/REFORME/religion/html-fr/fr/texte/anx3.htm].
36 Rapport du groupe de travail sur la place de la religion à l’école, Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise, « Conclusions et Recommandations », [www.meq.gouv.qc.ca/REFORME/religion/html-fr/fr/texte/concl.htm].
37 Ibid.
38 “Quebec parents battle to keep religion in classrooms”, Christian Week, April 27, 1999, p. 1-4.
39 Judith Lachapelle, « Les évêques sont inquiets pour les droits des parents », Le Devoir, 2 avril 1999, [www.ledevoir.com/edu/1999a/reli020499.html],
40 Michel Venne, « Le petit pas des évêques », Le Devoir, 14 juillet 1999 [www.ledevoir.com/que/1999b/eveql40799.html].
41 Dion, Le bill 60, p. 147.
42 Valérie Dufour, « Écoles publiques : moins de religion... mais pas pour demain », Le Devoir, 1er décembre 1999 [www.ledevoir.com/edu/1999b/reli011299.html],
43 Valérie Dufour, « François Legault est accusé de céder à l’Église », Le Devoir, 3 décembre 1999 [www.ledevoir.com/edu/1999b/egli031299.html].
44 Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l’éducation concernant la confessionnalité (Projet de loi no 118) Lois du Québec, 2000, c. 24 (Gazette officielle, 12 juillet 2000, no 28). Les lois à modifier étaient : Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel (L.R.Q., chapitre C-29) ; Loi sur le Conseil supérieur de l’éducation (L.R.Q., chapitre C-C-60) ; Loi sur l’enseignement privé (L.R.Q., chapitre E-9.1) ; Loi sur l’instruction publique (L.R.Q., chapitre I-13.3) ; Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis (L.R.Q., chapitre 1-14) ; Loi sur le ministère de l’Éducation (L.R.Q., chapitre M-15).
45 Cf. Michèle Laferrière, « Pas encore l’école laïque », Le Soleil, 11 mai 2000, p. A7 ; Martin Pelchat, « L’enseignement religieux garde ses privilèges », La Presse, 11 mai 2000, p. B1.
46 http://www.meq.gouv.qc.ca/REFORME/place_rel/index.htm
47 Stéphanie Bérubé, « Le projet de loi sur l’enseignement religieux est sévèrement décrié », La Presse, 18 mai 2000, p. B8.
48 « Les évêques et la religion à l’école », Le Devoir, 12 mai 2000, p. A10.
49 « La Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire demande un amendement majeur à la Loi sur l’instruction publique et la fin du recours aux clauses dérogatoires », Montréal, 17 mai 2000, http://www.cdss.montreal.qc.ca/
50 Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation, Dans les écoles publiques du Québec : une réponse à la diversité des attentes morales et religieuses, mai 2000, p. 10.
51 Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation, Dans les écoles publiques..., op. cit., p. 11.
52 « La Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire demande un amendement majeur à la Loi sur l’instruction publique et la fin du recours aux clauses dérogatoires », Montréal, 17 mai 2000, http://www.cdss.montreal.qc.ca/
53 La lettre était signée par Rachida Azdouz, Antoine Baby, Daniel Baril, Françoise David, Pierre De Bellefeuille, Pierre Graveline, Raymond Laliberté, Jacques Languirand, Louise Laurin, Daniel Lauzon, Gérald Larose, Marc Laviolette, Lucie Lemonde, Norma Lopez, Henri Massé, Pierre Patry, Joaquina Pires, Monique Richard, Louis Rousseau, Bruno Roy, Patrick Samfat, Arthur Sandborn, Monique Séguin, Arlindo Vieira.
54 « Réactions de la FCPPQ sur le document d’orientation concernant la confessionnalité » [http://www.newswire.ca/releases/May2000/10/c3755.html].
55 L’Association des parents catholiques du Québec, Réactions au dépôt des orientations du ministre de l’Éducation, 26 mai 2000 [http://www.parousie.com/sagesse/presse/apcq.htm].
56 Marie-Andrée Chouinard, « Assez consulté sur la religion à l’école », Le Devoir, 30 mai 2000, p. Al.
57 http://www.meq.gouv.qc.ca/affairesreligieuses/sar.htm
58 En mars 2003, le comité sur les affaires religieuses a présenté un Avis au ministre de l’Éducation. Rites et symboles religieux à l’école. Défis éducatifs de la diversité.
59 L’Assemblée des évêques du Québec, « Le tournant en éducation religieuse des jeunes un nouveau défi », 18 octobre 2000 [http://www.eveques.qc.ca/aeqdoc_aeq_2000_10_18_f_0.html].
60 Comité catholique et comité protestant, Une place nouvelle pour la religion à l’école, Conseil supérieur de l’éducation, Québec, septembre 2000, p. 14.
61 Georges Leroux et Louis Rousseau, « Religion et morale dans l’école pluraliste. Le détournement du Rapport Proulx », Le Devoir, 20 juin 2000, p. A7.
62 http://www.direction.ca/annonces/sondage.pdf
63 Lettre de Jean-Louis Lalonde, secrétaire exécutif du consistoire laurentien, à Monsieur Glenn Smith, directeur, Table de concertation protestant sur l’éducation, Montréal, 8 avril 2003. Je remercie M. Lalonde pour m’avoir envoyé une copie de cette lettre.
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