Astérix chez les anglophones
p. 151-158
Note de l’éditeur
Ce qui suit est le texte de la conférence plénière donnée par Anthea Bell en ouverture du colloque. Les marques d’oralité ont été atténuées mais on a conservé le format général du discours.
Texte intégral
1En cette année 2009, comme chacun sait, Astérix célèbre son anniversaire. Ce petit Gaulois est né (sinon vraiment en cinquante avant Jésus-Christ) dans les pages du journal Pilote en 1959, ainsi c’est son cinquantième anniversaire. Dans les pays anglophones, ce n’est que le quarantième. Néanmoins, il me faut admettre qu’aujourd’hui je me sens un peu comme Agecanonix, en anglais Geriatrix (je vais parler des noms des personnages un peu plus tard).
2Bien que très populaire en France, Astérix a dû attendre dix ans avant de faire la traversée de la Manche. Les maisons d’édition anglaises avaient des doutes, des doutes sérieux, quant au succès de l’aventure. Les éditeurs jugeaient le petit Gaulois trop français pour amuser les anglophones. Une maison d’édition courageuse s’est enfin lancée : c’était Brockhampton Press, qui faisait paraître les livres d’enfants édités chez Hodder & Stoughton, et je crois que cette maison n’a jamais regretté sa décision. Pendant les dernières années, les albums anglais ont paru chez Orion, mais à présent ces maisons appartiennent toutes les deux au groupe Hachette.
3C’est à ce moment-là, il y a tant d’années, que j’ai reçu, avec un ami, Derek Hockridge, des propositions pour traduire les premiers albums. Il me faut dire un mot sur cette collaboration, parce qu’on me demande assez souvent comment elle a fonctionné exactement. Les éditeurs ont pensé qu’une équipe de deux personnes serait la meilleure méthode pour faire ces traductions, Derek étant professeur de français, tandis que moi, j’étais traductrice de livres de l’allemand et du français en anglais, et que j’avais déjà traduit plusieurs livres d’enfants pour Brockhampton Press. Derek était, pour ainsi dire, consultant sur les références à l’actualité française, pendant que moi, je faisais les traductions. Ou plutôt, ce qui était très souvent le cas, non pas les traductions mais les équivalents anglais, parce que si on traduit littéralement un calembour, évidemment, ce n’est plus un calembour. Quand la traduction anglaise d’Astérix a commencé, il y avait tous les albums datant de la dernière décennie à traduire, et René Goscinny était encore en vie. La collaboration entre lui et Albert Uderzo était vraiment remarquable. À la triste occasion de la mort de René Goscinny, Olivier Todd a écrit dans L’Express : « À partir des années soixante, la BD devient dans toutes les classes sociales un besoin, une mode… C’est Astérix qui devient vraiment populaire. »
4Ensemble, Goscinny et Uderzo ont créé vingt-quatre albums des aventures d’Astérix. C’est juste après avoir achevé le scénario d’Astérix chez les Belges (Asterix in Belgium) que René Goscinny est mort d’une crise cardiaque pendant qu’il subissait un examen médical dans un centre à Paris. Albert Uderzo a choisi de ne pas collaborer avec un nouveau scénariste mais de continuer seul la série Astérix. Et les traductions anglaises ont continué comme avant.
5En ce qui concerne sa popularité dans le monde anglophone, après trois ans environ les ventes sont devenues bonnes, ce qui a encouragé les éditeurs anglais à continuer. Astérix en traduction anglaise a ensuite voyagé dans d’autres pays anglophones, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud… bien qu’il faille admettre que les Gaulois n’ont jamais tout à fait vaincu les États-Unis. Mes amis américains protestent que non, qu’ils aiment bien Astérix, leurs enfants aussi, mais ce sont des gens du monde littéraire ou des milieux universitaires, etc. Les Gaulois n’ont jamais trouvé le même grand intérêt populaire aux États-Unis qu’en Europe. Après quelques années, la maison d’édition française de Dargaud a essayé cinq albums traduits dans un anglais plus américain, mais les ventes ne sont pas montées3.
6La raison, je crois, est que nous avons en Europe une histoire plus longue que celle des États-Unis. Par exemple, c’est vrai que les lecteurs anglophones ne savent guère ce que signifie la locution « nos ancêtres les Gaulois ». Mais les Anglais, eux aussi, aiment l’humour de l’anachronisme. Et je pense que cela peut expliquer le succès d’Astérix dans les pays anglophones à l’exception des États-Unis. Je dirais que l’humour d’Astérix est européen et pas seulement français. Peut-être ne parlons-nous pas beaucoup en Grande-Bretagne de nos ancêtres les Bretons, mais le livre 1066 and all that de Sellars et Yeatman est toujours aussi populaire. Le titre fait allusion à la bataille de Hastings où Guillaume le Conquérant, Guillaume de Normandie, a vaincu le roi Harold. C’est la seule date, dit-on, connue de tous les Anglais sans exception, et l’idée fondamentale de ce livre est très semblable au thème d’Astérix. Tout à fait comme les Français, nous aimons notre histoire mais nous nous amusons aussi à en rire un tout petit peu. Les Américains, eux, n’ont pas autant d’histoire.
7Et évidemment, c’est dans l’humour que réside l’intérêt principal d’Astérix. Ce sont les plaisanteries, les jeux de mots, les calembours qui font à la fois la difficulté et le plaisir de ces traductions. Comme traductrice, cela va sans dire, il me faut admettre que c’est là aussi que se trouvent les problèmes… Pour commencer, il y a les noms, presque quatre cents à la date d’aujourd’hui. Quand les auteurs, après cinq albums des aventures de l’indien Oumpapah, ont considéré que leur inspiration s’était tarie, ils ont cherché un nouveau sujet, un autre héros, et c’est en passant en revue les périodes de l’histoire qu’ils ont eu l’idée des Gaulois. Au début, Uderzo avait envisagé un Gaulois vraiment héroïque, comme le guerrier historique Vercingétorix. Mais René Goscinny pensait que ce serait plus drôle si le héros était petit, l’air très insignifiant, mais en réalité bien malin. C’est ensuite Uderzo qui a trouvé qu’on pourrait néanmoins dépeindre un grand, même un gros Gaulois, Obélix, qui n’est pas très intelligent.
8Les gens du village résistent aux Romains grâce à la potion magique préparée par le druide, le vénérable Panoramix. Et c’est avec ce druide qu’il a fallu se confronter à ce qui a constitué le premier vrai problème de traduction : comment traduire les noms des Gaulois, des Romains, etc. ? Tous les noms gaulois se terminent en -ix, comme Vercingétorix, tous les noms romains en -us, mais à quelques exceptions près ce ne sont pas, bien sûr, de vrais noms, mais des allusions ou des mots français composés. Que faire donc de ces noms en anglais ? Pour Astérix et Obélix, pas de problème, parce qu’en anglais on a aussi les mots Asterisk et Obelisk. Nous avons aussi l’adjectif panoramic et on aurait pu retenir ce nom pour le druide. Mais la locution to get a fix s’est présentée spontanément, comme d’elle-même. Il y a des gens qui se disent choqués et on me demande quelquefois si je regrette ce nom de Getafix. Ce n’est pas le cas car le nom n’implique pas nécessairement une allusion à la drogue. En outre, il existe une théorie selon laquelle les anciens druides des îles Britanniques ont utilisé Stonehenge comme observatoire astronomique to get a fix on the stars, pour déterminer une position en relation avec les étoiles.
9Un autre personnage important dans le village, c’est Abraracourcix, le chef de la tribu. La traduction de ce nom était naturellement beaucoup plus difficile. En traduction, « à bras raccourcis » ne signifie rien du tout aux lecteurs anglais. On a observé que ce personnage a tendance à l’embonpoint, sans doute par manque d’exercice physique, et on l’a rebaptisé en anglais Vitalstatistix (mensurations).
10Enfin, il y a le barde Assurancetourix, dont on ne pouvait ni garder ni traduire le nom français. Comprehensive ou All risk insurance ne ressemble pas à un nom en anglais, mais parce que la musique du barde est si affreuse, on l’a rebaptisé Cacofonix. Vous noterez sans doute que nous n’avons pas autant de possibilités en anglais qu’en français de faire des jeux de mots avec les mots composés. C’est en partie lié à la différence d’ordre des noms et des adjectifs en anglais. On en a trouvé quelques-uns, comme par exemple, deux légionnaires romains qui sont devenus en anglais Sendervictorious et Appianglorious, en citant l’hymne national britannique, mais en général on a utilisé des adjectifs qui semblaient appropriés aux personnages, et il y a beaucoup d’adjectifs anglais qui se terminent en -us.
11Outre les noms des Gaulois et des Romains, il y a les noms des personnages d’autres nationalités. Dans Astérix en Corse, on avait des problèmes avec les références à Tino Rossi et à ses chansons, pas très connues en Grande-Bretagne. Par exemple, un guerrier corse, très fier, prend son nom du titre d’une chanson de Rossi, Ocatarinetabellachichix. La solution anglaise fut de faire usage d’une chanson de marins pas très polie envers Napoléon et de le baptiser Boneywasawarriorwayayix à partir de Boney was a warrior, Way-ay-ah. Bien que nous, les Anglais, ne connaissions pas bien la Corse, nous savons que c’est le lieu de naissance de l’empereur, ou comme on disait à cette époque en Grande-Bretagne, du Corsican Ogre, l’Ogre corse.
12Le problème le plus difficile est la traduction des jeux de mots, des calembours, allusions culturelles, chansons, etc. On trouve dans les albums d’Astérix des plaisanteries qui n’ont pas de texte, où l’humour existe seulement dans les images, qui ne donnent d’ordinaire aucun problème de traduction4. Prenons les belles parodies visuelles des œuvres de quelques peintres, par exemple dans Le Devin (Asterix and the Soothsayer), où ce charlatan rend visite au village gaulois et demande à lire les entrailles de quelque petite bête. Il commence par menacer le petit chien d’Obélix, Idéfix (en anglais Dogmatix) mais il doit finalement se contenter d’un poisson, un poisson pas très frais, comme la plupart de ceux du stock du poissonnier Ordralfabétix (Unhygienix) et de sa femme Iélosubmarine (Bacteria, pour faire un beau couple avec son mari). Mais cette image est aussi une parodie très fidèle de la Leçon d’anatomie du docteur Tulp, de Rembrandt. Pas de mots ici, et pas de problème, à condition que l’œuvre soit connue (et reconnue) des deux côtés de la Manche.
13Ce fut beaucoup plus difficile de traduire les mots qui accompagnent la parodie du Radeau de la Méduse de Géricault dans Astérix légionnaire (Asterix the Legionary), où les pirates, personnages secondaires qui reviennent cependant dans beaucoup d’albums à la demande générale, remplacent les passagers de la frégate Méduse historique. Encore une fois, les pauvres pirates ont perdu leur bateau. Le grand problème verbal concerne leur capitaine, qui s’exclame : « Je suis médusé. » On a trouvé enfin une solution : We’ve been framed, by Jericho. J-E-R-I-C-H-O, comme calembour avec Géricault, parce que by Jericho est un juron démodé anglais, et puis framed pour suggérer une peinture. Il y a aussi une note supplémentaire, Ancient Gaulish Artist, qui ne se trouvait pas dans l’original français, pour donner une indication quant à la référence artistique. On ne pouvait pas changer les dessins de l’original, mais c’était quelquefois possible d’ajouter une note de bas de page.
14Les accents locaux sont difficiles. En général, substituer un accent britannique ou américain n’est pas la solution juste. Pour des gens jouant aux boules à Massilia, aujourd’hui Marseille, le choix d’une traduction recourant par exemple au patois du Yorkshire peut détruire l’illusion. Or l’essence même de toute traduction est l’illusion. Mais l’accent britannique posa de grandes difficultés dans Astérix chez les Bretons (Asterix in Britain), où les Bretons ont cette façon étrange de parler. En français, par exemple, quand deux Bretons regardent la flotte qui s’approche et disent : « Bonté gracieuse ! Ce spectacle est surprenant ! » « Il est, n’est-il pas ? », il me faut admettre que c’était absolument impossible de traduire cet accent britannique en anglais… On a donc pensé à une sorte de compromis : on utiliserait un anglais que personne n’a jamais vraiment parlé, ce qu’on appellerait en anglais la langue d’un upper-class twit, comme dans les romans de P.G. Wodehouse par exemple, avec beaucoup de locutions comme, Oh, I say, what!, Old boy, Old fruit, etc. Et les deux Bretons se disent en anglais : « Goodness gracious! This is a jolly rum thing, eh, what? » « I say, rather, old fruit! » René Goscinny lui-même a approuvé cette solution, mais jusqu’à aujourd’hui, je n’en suis pas vraiment satisfaite.
15En ce qui concerne les jeux de mots, dans le premier album, le tout premier, on a regretté un peu qu’il n’y en ait pas plus. À cette époque, René Goscinny insistait beaucoup, en plaisantant, sur le fait que les Romains parlaient latin. Plus tard, il a trouvé d’autres sources d’humour plus subtiles, mais sur la première page du premier livre, il y a un jeu de mots qui était assez difficile à traduire en anglais. Des légionnaires, assommés par les Gaulois, ont oublié comment parler leur langue maternelle. « Les Romains, dit la légende, y perdent leur latin. » Or, cette locution n’existe pas en anglais, contrairement à l’allemand. Notre équivalent anglais est It’s all Greek to me, mais le grec n’est pas le latin. Alors, on a traduit par Accidence will happen, jeu de mots sur accidence comme en morphologie flexionnelle, et la phrase proverbiale Accidents will happen. On a continué avec We decline, pour un petit calembour grammatical et aussi une allusion au titre de l’œuvre célèbre d’Edward Gibbon, The Decline and Fall of the Roman Empire, titre qui s’est montré très utile plusieurs fois dans ces traductions.
16Quelquefois, il y avait ce qu’on pourrait appeler un don en anglais, et, avec l’accord des éditeurs français, cela va sans dire, on a pu ajouter quelque chose, comme dans La Rose et le glaive (Asterix and the Secret Weapon), où le pauvre Assurancetourix est remplacé comme barde et comme professeur à l’école du village par une femme, Maestria (Bravura). Il y a un dessin dans lequel Maestria donne un bon coup de balai dans la maison du barde avant de s’y installer et des tas de notes de musique tombent sur le sol5. Pour Uderzo, je trouve cette image exceptionnellement surréaliste, mais très réussie. Le pauvre Astérix, enterré sous ce tas de notes, nous dit : « Je savais que la musique d’Assurancetourix n’était pas légère, mais pas à ce point-là. » On peut le traduire presque littéralement, mais en anglais on a aussi la locution, a man of great note, pour décrire un personnage important, et cette locution a été ajoutée. En conséquence, Astérix dit en anglais : I knew Cacofonix didn’t compose light music, but I had no idea he was a man of so much note!
17Il faut aussi trouver des chansons anglaises pour remplacer des chansons elles-mêmes adaptées de vraies chansons françaises. En anglais, on a inventé par exemple des chansons comme I’m dreaming of a white Solstice (en remplaçant Christmas), Wonderful, wonderful Durovernum (pour Copenhagen), etc. L’album Le Fils d’Astérix (Asterix and Son) a posé des problèmes. En effet, un centurion romain, pour des raisons un peu compliquées, se déguise en bonne d’enfant gauloise et chante des berceuses qui sont adaptées de chansons militaires. Les chansons militaires sont certes nombreuses en anglais, mais elles sont en général impubliables dans un livre pour enfants (entre autres). Il a fallu utiliser des chansons de la Première Guerre mondiale, extraites du spectacle Oh What a Lovely War.
18Quant aux calembours en particulier, comme déjà dit, il faut trouver des équivalents plutôt que des traductions en anglais. Prenons, par exemple, l’entrée des athlètes dans Astérix aux Jeux olympiques (Asterix at the Olympic Games). Il y avait deux cases dans lesquelles il m’a fallu repenser les calembours presque entièrement. Voici les légendes de ces deux cases en français :
Les athlètes entrent dans le stade. Cela commence par le défilé des Thermopyles. Ils sont suivis par ceux de Samothrace, sûrs de la victoire ; ceux de Milo sont venus aussi… Ceux de Cythère viennent de débarquer ; ceux de Marathon entrent en courant ; ceux de Macédoine sont très mélangés ; les Spartiates sont pieds nus.
19Et en anglais :
The athletes enter the stadium. The men from Thermopylae are the first to pass by. Everyone is back in training; the athletes from Magnesia are on a milk diet, the team from Cos is on lettuce, and even the men of Salamis have gone vegetarian… and there is a Spartan assortment who are barefoot. But a few of the athletes are late; the Marathon team has had to come a long distance, and some of the competitors from Attica are mysteriously eleusive.
20L’allusion à Thermopylae et pass est semblable en anglais, mais il a fallu omettre les athlètes de Milo qui sont venus aussi, calembour très réussi en français. On les a remplacés par ceux de Magnesia, avec référence au remède contre l’indigestion Milk of Magnesia. Avec Salamis, le jeu de mot fait allusion, évidemment, à la charcuterie. Quant au Spartan Assortment, quand cet album a été traduit, c’était le nom d’une boîte de bonbons fourrés avec des noix, des caramels, etc. Pour Marathon, évidemment on fait allusion à la course en anglais comme en français, et comme substitution pour les athlètes de Milo, on a ajouté the competitors from Attica [who] are mysteriously eleusive, faisant allusion aux mystères très connus d’Eleusis en Attique. Et il a fallu faire attention que celui qui ajoutait le texte anglais aux images françaises ne corrige pas l’orthographe de eleusive.
21Un vrai défi est constitué par les références culturelles développées, comme celle de l’album Le Cadeau de César (Asterix and Caesar’s Gift), où Astérix se bat en duel avec un soldat romain en citant le passage de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, où Cyrano compose une ballade en se battant. Le résultat est remarquable en français, mais qu’en faire en anglais ? J’ai pensé au duel d’escrime entre Hamlet et Laërte car je suppose que c’est le duel le plus célèbre de la littérature anglaise, et on a utilisé des citations tirées de cette pièce de Shakespeare, en commençant avec la femme de l’aubergiste qui, en anglais, conseille à son mari, à propos du Romain, Treat him with disdain. Auquel le Romain peut répondre, avec exactitude, I am more an antique Roman than a Dane, citation de Hamlet, et ils continuent ainsi pendant presque une page entière.
22De même, l’album Astérix chez les Belges (Asterix in Belgium) contient un running gag où Goscinny cite longuement Victor Hugo, écrivant dans Les Châtiments sur la bataille de Waterloo. On aurait pu penser qu’un grand poète anglais aurait écrit quelque chose de comparable. Mais non, seul lord Byron a écrit des vers sur la nuit avant Waterloo (There was a noise of revelry by night) mais il n’y avait pas assez de Byron pour les besoins de la traduction. C’est vrai que sir Walter Scott – sans doute le poète idéal pour cette fonction – a écrit un poème intitulé The Field of Waterloo. Hélas, il semble que ce soit aussi mauvais que les compositions du barde gaulois. Il m’a fallu par conséquent remplacer les citations de Hugo par ce qu’il y avait de lord Byron, en ajoutant d’autres citations prises dans Shakespeare et Milton.
23Un autre trait commun entre l’humour français et l’humour anglais dans ces albums, c’est qu’ils ne cherchent pas vraiment à blesser. Les Romains sont assommés par les Gaulois, ils ont des bosses spectaculaires, mais on ne voit jamais d’effusion de sang. Le personnage de César illustre très bien cette attitude. Il devient presque un ami des Gaulois, comme on le voit à la fin du Fils d’Astérix. Le village gaulois a été réduit en cendres, mais les Gaulois eux-mêmes ont sauvé la vie du bébé, qui est en réalité le fils de César et de Cléopâtre (Césarion, personnage historique), et les parents montrent leur reconnaissance. En tant que traductrice, je suis moi-même reconnaissante aux Gaulois, qui m’ont donné tant de plaisir, mais en conclusion, j’ai toujours considéré que le prix qu’il faut payer pour ce plaisir, c’est de ne plus pouvoir apprécier le vrai Jules César comme il faut. On sait que c’était un grand général, un écrivain, un homme d’État, etc., mais aujourd’hui, si j’entends le nom de César, je ne peux pas m’empêcher de sourire. C’est un prix que j’accepte volontiers de payer, grâce à Astérix et ses amis.
Notes de bas de page
3 Pour des explications du phénomène, voir les contributions de Bernard Cros et de Jean-Paul Gabilliet dans le présent ouvrage.
4 La chose est en fait plus complexe. Voir à ce sujet la contribution de José Yuste Frías dans ce volume.
5 Élément déjà présent dans la vignette d’ouverture de l’album Astérix chez les Goths.
Auteur
Anthea Bell est traductrice littéraire, notamment de littérature de jeunesse, à partir du français, de l’allemand, du danois et du polonais. Elle a reçu de nombreuses récompenses et reste surtout connue pour sa traduction d’Astérix, réalisée en collaboration avec Derek Hockridge.
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