1989 en RDA, une révolution protestante ?
p. 167-188
Texte intégral
Pas de grand dessein, mais un ensemble de valeurs
1Les événements de 1989 ont une spécificité. Mais rien ne dit que cette spécificité ne soit pas seulement de l’ordre de la détermination. La spécificité, ce serait qu’il existe, pour comprendre 1989, un code qui, une fois décrypté, ferait apparaître en quelque sorte une grille, un schéma dans lequel ces événements trouveraient leur place tout en renvoyant à une signification plus profonde. La détermination, ce serait de constater que 1989/1990 n’a réalisé qu’une possibilité parmi d’autres. La spécificité prétend identifier dans les événements un message qui incite à l’action. La détermination révèle ce dont les hommes sont capables, les limites qui leur sont imposées et comment ils essaient de les dépasser.
2La spécificité requiert des concepts qui permettent d’inscrire les événements dans une structure qui leur donne un sens. Elle comporte un risque de récupération. Mais elle interdit à coup sûr de considérer 1989 comme dépourvu de signification. Le concept de révolution implique cette signification et donne aux faits une légitimation. Il a cet effet, même lorsqu’on le refuse. Si 1989 n’a pas été une révolution, mais seulement deux mouvements1 qui auraient manqué leur cible, c’est-à-dire la révolution, une telle hypothèse implique a contrario la possibilité de distinguer une vraie révolution d’une fausse.
3Si légitime et nécessaire que soit, pour préciser la signification du terme, une recherche comparative sur les révolutions et une confrontation des diverses théories en présence, l’interprétation de 1989 et de sa spécificité dépendra sans doute toujours des intérêts politiques en jeu. La difficulté apparaît déjà dans les nombreuses dénominations qu’on applique à cette révolution, révélatrices de l’espoir qu’on a mis en elle ou de la déception qu’elle a suscitée. On dit parfois, avec beaucoup de prudence, qu’elle « rattrape un retard », même si cette interprétation ne comble pas l’écart qui existe entre les résultats de 1989 et les intentions des acteurs de l’époque.
4Toute théorie de la révolution ou presque a, à un moment ou à un autre, des difficultés avec le cours réel des événements. C’est pourquoi la conscience historique est tentée de déceler dans cette révolution une sorte de rendez-vous manqué : elle serait restée inachevée, elle aurait été accaparée, interrompue, occupée par l’Ouest. Ce sont des idées similaires qu’on retrouve dans les expressions telles que « tournant » ou « effondrement ». Pour de vieux militants communistes, la révolution peut apparaître comme un complot ourdi par le ministère de la sécurité, la Stasi ou même comme ... eh oui ! un putsch fasciste. Beaucoup invoquent l’esprit de 1989. Même un historien objectif comme Stefan Wolle parle à propos de la révolution de « fascination de l’histoire » et déplore que la chute du mur ait banalisé la révolution : « l’Esprit, le Weltgeist, avait aussi vite disparu qu’il était apparu »2. D’autres, contemplant le résultat, se laissent aller au contraire à l’euphorie. Un participant de 1989 y voit le triomphe du bien : « Cela laisse augurer de révolutions futures »3.
5Beaucoup d’interprétations de la révolution se lisent comme une invitation à faire endosser à la société civile l’habit d’agent de l’histoire universelle. À dire vrai, cela devrait être passé de mode depuis l’Aufklärung, le siècle des Lumières. Mais à peine celui-ci avait-il réalisé la distinction entre histoire profane et histoire sacrée que ses héritiers ne supportèrent pas que l’histoire fût ainsi démythifiée et se lancèrent dans la quête d’un nouveau havre qu’ils trouvèrent dans les lois, les mobiles et les explications métaphysiques de toute sorte.
6Ce n’est pas la voie que nous avons choisie. Pour saisir la réalité de 1989, il faut débarrasser les mots de leur gangue. Bien qu’il ne soit pas facile de dépouiller celui de révolution des voiles dont on l’a enveloppé, nous garderons le terme. Nous ne l’emploierons qu’au conditionnel en lui ajoutant, même si cela prête à contestation, le qualificatif de « protestante ». Nous n’avons pas l’ambition d’expliquer ce qu’est une révolution. Nous partirons d’une réalité que personne ne conteste : un système politique en a remplacé un autre. Le SED s’est vu privé de son pouvoir, sans que dans cette épreuve de force il y ait eu la moindre ligne directrice. Si on utilise le mot révolution sans l’encombrer d’images ou d’analogies historiques, on voit se dessiner plus nettement ceux qui en furent les protagonistes. C’est pourquoi les événements politiques doivent être examinés dans une configuration triangulaire : société, opposition, SED. Les données du conflit s’étaient cristallisées pendant l’histoire de la RDA. Elles marquèrent le déroulement de la révolution. Aussi convient-il de s’interroger sur les questions suivantes : Quel était le pouvoir de décision des protagonistes et jusqu’où avaient-ils choisi d’aller dans leur action ? Comment s’est faite la communication entre les protagonistes du conflit ? Les résultats obtenus sont-ils en rapport avec la volonté politique affichée ?
7La lutte pour le pouvoir fut essentielle. Si, au début, le rapport de forces était inégal et l’appareil répressif fort puissant, les crises internes, jusque là continuellement masquées et notamment la situation économique, bénéficièrent à la partie adverse, l’opposition et la population. La paralysie de la puissance tutélaire, l’URSS, joua également son rôle. La conjonction de trois facteurs, actions de l’opposition, exode massif de la population et manifestations de rues fit que le SED se trouva confronté à une contestation croissante. Vouloir apprécier l’importance réciproque de ces divers facteurs est assez vain. Le processus de constitution d’une opposition organisée commença avant les grandes vagues d’émigration, mais celles-ci l’accélérèrent. L’opposition n’était certes pas toujours en mesure de contrôler ces manifestations, mais pour qu’elles puissent prendre de l’ampleur, il fallait qu’elles se cristallisent autour d’un certain nombre de noyaux. La population réagissait assez spontanément aux tentatives du SED pour reprendre en mains la situation en étoffant sa présence aux manifestations. Mais les manifestants avaient besoin de porte-parole et d’intermédiaires. Les opposants pouvaient s’appuyer à leur tour sur la colère qui s’exprimait dans les rues ainsi que sur les grèves et les menaces de grève. La contestation avait besoin d’une expression et d’un équilibre politiques. En même temps il fallait contrecarrer toutes les stratégies que le SED mettait en œuvre pour ne pas lâcher le pouvoir. C’est grâce à tout cela que le SED finit par trébucher. L’effritement du SED et de son appareil coercitif, les dysfonctionnements à l’intérieur du parti, le manque de coordination entre le Ministère pour la sécurité (MfS) et le SED, la décomposition de toutes les structures et organisations contrôlées par l’État, tout cela fut le résultat d’une volonté politique et d’une méthode à laquelle le SED n’eut pas le loisir de se soustraire.
8Cela ne signifie nullement qu’il ait eu un plan de bataille arrêté et que l’opposition ait mis en œuvre des stratégies définies longtemps à l’avance. Les méthodes politiques choisies résultèrent du développement de la crise et comblèrent un vide politique. Il en était allé autrement lors du soulèvement du 17 juin 1953. La protestation sociale avait alors pris tout de suite un tour politique et avait eu une visée manifeste : unité et liberté politique. Les revendications étaient plus claires mais en même temps vouées davantage à l’échec, car elles heurtaient de front les intérêts politiques de l’URSS. Les buts de l’automne 1989 étaient moins évidents. Si la révolution finit par revendiquer la démocratisation et l’unité de l’Allemagne et aboutir à ce résultat, ce fut au terme d’un processus de mûrissement. Il suffit de comparer les programmes de septembre des groupes d’opposition avec les revendications de la Table Ronde en décembre et enfin avec la politique de la Chambre du peuple en 1990 pour voir que les buts s’élargirent en fonction des possibilités.
9Dans ses déclarations, l’opposition proposait bien, depuis septembre 1989, des programmes demandant, entre autres, une démocratisation de la vie politique, mais ceux-ci pouvaient aussi se lire comme de simples offres de dialogue. Il n’y avait pas de visées stratégiques. De plus au milieu de cette confrontation politique dont le nœud était en définitive la question du pouvoir, l’opposition mettait sur le tapis des questions marginales puisées dans l’arsenal de la contestation des années précédentes. Beaucoup d’énergie fut ainsi dépensée à débattre de questions telles qu’importations d’ordures en provenance de l’Ouest, non-respect des normes en matière écologique, ou encore légalisation de groupes marginaux. À cela s’ajouta, venant de ces opposants, une sorte de surenchère idéologique. Certains voulaient voir réglés tous les problèmes du tiers-monde avant de s’attaquer aux affaires de la RDA. Une foule de résolutions émanant de groupes de base bloquaient en réalité la discussion publique des questions importantes. On se disputait à l’envi autour de projets de société oubliant que les questions de l’heure demandaient qu’on fasse preuve de pragmatisme politique. Les luttes sans merci qu’on se livrait dans le camp de l’opposition pour se différencier du concurrent freinaient l’action politique.
10L’opposition manquait au départ totalement de programme et de stratégie. Elle n’était pas non plus structurée. Ne parlons pas de son professionnalisme politique : elle en était complètement dépourvue. En revanche elle avait un certain nombre d’orientations de nature religieuse ou éthique, dans lesquelles se marquait l’empreinte reçue depuis des années dans l’espace de l’Église protestante. Là s’étaient élaborés des thèmes qui conditionnaient aussi certaines modalités d’action. Le peu de portée politique de ces orientations explique pourquoi cette opposition, après une ascension foudroyante, s’effondra brutalement. Dans les premiers mois de la révolution, elles suffirent néanmoins à développer des méthodes politiques propres à permettre d’arracher la société à l’emprise du SED. Toutes ces méthodes étaient dans le droit-fil des expériences que, durant des années, l’opposition avait faites et qu’elle avait acquises pour l’essentiel à l’intérieur de l’Église.
11À l’automne 1989, l’opposition se trouva donc en terrain connu. Ce qui sembla être action ciblée des révolutionnaires, qui eut également une efficacité face au SED et qui revêtit, un bref laps de temps, une importance sociale, n’était en réalité que valeurs et modes d’action ramenés à un commun dénominateur politique. Les opposants n’étaient donc pas réduits uniquement à improviser, il suffisait qu’ils suivent leur propre jugement. C’est pourquoi, malgré le manque de communication entre les groupes et l’absence parfois de concertation, on aboutit à divers endroits à des manières de procéder identiques ou similaires.
Révolution et méthodes politiques
12Les méthodes propres à arracher progressivement le pouvoir des mains du SED et que l’opposition avait choisies, étaient au nombre de cinq.
1. Création d’un espace public
13L’opposition réussit, malgré tous les obstacles, à créer un certain espace public. Elle commença par utiliser pour cela l’espace offert par l’Église et, avec précaution, les médias occidentaux. Ajoutons à cela aussi la constitution de structures et d’organisations propres, issues des groupes liés durant des années aux institutions religieuses et aux communautés de fidèles. À l’été 1989, les opposants quittèrent l’espace protégé de l’Église, s’aventurant ainsi au-delà des limites qui leur avaient été imparties.
14Des années durant, l’Etat-SED avait fait pression sur les Églises, pour que celles-ci contrôlent et encadrent les groupements d’opposition. Mais ceux-ci réussirent néanmoins à s’affirmer, car beaucoup d’entre eux avaient leur ancrage dans l’Église, que ce soit comme salarié ou en tant que fidèle. Les raisons de ces liens étroits venaient du rôle joué par Église comme substitut de la société. Pratiquement, les Églises étaient tout ce qui restait d’une société indépendante et elles étaient le truchement par lequel des groupes sociaux pouvait s’auto-organiser. Les Églises étaient un point de convergence des initiatives sociales et culturelles refusant la mise au pas. Les Églises n’étaient pas seulement pour ces opposants un succédané d’espace public. Dans leur approche, aspects politiques et aspects religieux étaient étroitement mêlés. Ce qui facilitait les choses, c’est que, dans le protestantisme, sur le plan théologique, les frontières entre communauté de citoyens et communauté des chrétiens n’étaient guère marquées. Quand des conflits existaient au sein de l’Église, il était admis que l’on invoquât sa responsabilité de citoyen majeur face à la société. Dans la confrontation avec le SED, le rapport Église, opposition, SED joua, en 1989 également, un rôle important. Le SED chercha encore longtemps à s’assurer du concours de l’Église pour brider l’opposition. Néanmoins les Églises devinrent rapidement l’intermédiaire entre cette dernière et le SED.
2. La révolution pacifique
15La révolution « pacifique » est le résultat d’un processus. Le SED a commencé par user de violence. Dans de nombreuses villes, les manifestations furent dispersées par la force, de nombreuses personnes furent arrêtées, conduites au poste de police et molestées. À Dresde, il eut même des affrontements dans la rue. Le SED menaça de recourir à la force armée. Des opposants furent empêchés d’agir par le MfS, la police politique ; des membres du SED dévoués au régime entravèrent la tenue de rassemblements et de services religieux.
16Ce n’est que le 9 octobre, à Leipzig, que les autorités renoncèrent à faire usage de la violence. L’ampleur de la manifestation était telle que le SED se trouva totalement débordé. Seul un bain de sang lui eût encore permis d’endiguer la vague de protestation. Honecker avait donné des instructions pour les 9 et 13 octobre : user de tous les moyens, sauf des armes à feu, pour « tuer dans l’œuf les manifestations »4. On doit à de hauts responsables du SED, soucieux de préserver la possibilité de solutions politiques, que ces ordres n’aient pas été mis à exécution.
17Parce qu’il avait peur de perdre totalement sa légitimité, le SED tenta de négocier avec des représentants de l’Église pour que ceux-ci mettent un terme aux prières pour la paix à Leipzig et ailleurs ou fassent en sorte qu’elles n’aient pas de caractère politique. Mais cette diplomatie échoua parce que les gens d’Église n’étaient plus en mesure de satisfaire à de telles attentes ou se refusaient à intervenir dans ce sens. Les campagnes de désinformation qui imputaient aux manifestants des actes de violence, furent également un coup d’épée dans l’eau.
18L’opposition misait sur la non-violence et en appela aux manifestants pour qu’ils renoncent à toute forme de violence afin de ne pas livrer d’argument au SED. À Leipzig et dans d’autres villes, on distribua, à partir de septembre, lors des offices pour la paix, des « règles de conduite pour l’action non-violente »5. Dans toute la RDA, les manifestants scandèrent « pas de violence » et descendirent dans la rue avec des cierges. Les opposants organisèrent des marches de protestation, des services religieux de solidarité, des actions de jeûne, des veilles, aidèrent les familles des personnes arrêtées dans leurs premières démarches et rassemblèrent des témoignages sur les opérations de répression. Ils déposèrent des cierges à l’entrée des centres de pouvoir, tels que les bâtiments de la Stasi, pour prévenir les risques d’escalade. Ils s’entendirent avec les forces de police pour assurer la sécurité et mirent en place leur propre service d’ordre lors des manifestations. Cette contre-culture politique représentait une force morale défiant le SED.
19La renonciation à la violence était le plus petit commun dénominateur à tous les participants. Il offrait aussi au SED la chance de tenter un rétablissement dans une situation apparemment sans issue. L’appel, lancé le 9 octobre à Leipzig, par des artistes et de hauts responsables du SED en est l’illustration. Ils annonçaient un dialogue avec le gouvernement et invitaient les citoyens à faire preuve de « pondération »6. Une exhortation qui n’avait pas lieu d’être, mais qui prenait tout son sens dans la mesure où la méthode proposée, celle du dialogue pacifique, évitait au SED de perdre la face.
20Ce recours à la méthode de la résistance non-violente, qui fit ses preuves à l’automne 1989, avait déjà été expérimentée par les opposants depuis une dizaine d’années. Le mouvement d’opposition en faveur de la paix a sans cesse investi le champ du politique en le marquant du sceau du religieux, que ce soit au niveau des symboles ou des formes d’action.
3. Refus de la récupération
21Depuis septembre, l’opposition avait réclamé l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement et le peuple. Lorsque le SED se rendit compte qu’il s’était enferré dans une situation dont il ne pouvait sortir en recourant à la force, il proposa, et ce à partir du 11 octobre – Honecker était alors encore au pouvoir - d’ouvrir le dialogue. Certes il continua à menacer les contre-révolutionnaires, mais en proclamant : « Nous sommes prêts à discuter »7, il se montrait déjà sur la défensive. Le successeur de Honecker, Egon Krenz, poursuivit sur cette lancée pour tenter de récupérer sa marge de manœuvre. Mais ce dialogue ne pouvait plus se dérouler aux seules conditions dictées par le SED. Il était trop évident qu’on cherchait à rééditer une mise en scène éprouvée, celle des grands débats publics qui ne mènent à rien. On cherchait à chasser le peuple de la rue et à le faire rentrer dans les églises et les salles de réunion. La manœuvre échoua totalement, l’opposition, tout comme la population, ayant rapidement compris qu’il s’agissait d’une manœuvre récupératrice, d’une stratégie destinée à revenir au point de départ.
22Ceux qui avaient déjà envisagé ce « tournant », et qui constituaient l’aile dite réformatrice au sein du SED, avaient déjà déclaré :
« Il faut cantonner l’action des prétendus groupes ‘d’opposition’ dans le champ de la discussion publique afin d’éviter toute action concertée contre le socialisme »8 .
23Ce but devait à nouveau être atteint avec l’aide des Églises. Mais, pour les opposants, un dialogue devait nécessairement déboucher sur une participation politique ouvrant un champ d’action légal. Le dialogue proposé devait conduire à cela. Les grands forums de discussion organisés par le SED dans les lieux publics fermés et les mairies débouchèrent sur de véritables règlements de compte avec les autorités locales et échappèrent au contrôle du parti.
24Après l’échec, fin octobre, de cette politique du dialogue, le SED assista, fin novembre, à l’effondrement de ses structures. Certes, les tentatives pour réintégrer l’opposition dans le système politique afin de mieux la ligoter, ne manquèrent pas après cela. Mais refuser un dialogue asymétrique n’était pas non plus pour les opposants une nouveauté. Ils étaient depuis des années entraînés à défendre leur indépendance et à s’affirmer. Le terrain sur lequel ils s’étaient exercés, c’était l’Église. Tandis que les autorités religieuses poursuivaient une politique visant à établir des rapports non-conflictuels avec l’Etat-SED et se laissaient ainsi entraîner vers un dialogue asymétrique, les opposants recherchaient, eux, le dialogue d’égal à égal. Cela aboutissait, au niveau de la conception du travail politique, à des conflits entre la hiérarchie ecclésiastique et les opposants les plus actifs. Tandis que les Églises entendaient situer leur engagement pour la paix, qualifié de « travail autonome pour la paix », dans le contexte général de la politique en faveur de la paix menée par le pouvoir, les groupes pacifistes et leurs réseaux se définissaient comme « mouvement de la paix indépendant ».
25À l’automne 1989, l’opposition refusa, par principe, de se soumettre au mode d’organisation communiste de la société et décida de se soustraire à son schéma intégrateur qui avait pour but de canaliser dans le sens du SED les intérêts des divers groupes sociaux.
4. Table ronde - une méthode pour détrôner le SED
26À l’automne 1989, il fallait trouver un moyen qui offrît les meilleures garanties pour toutes les parties et rendît le processus de démocratisation irréversible. Il fallait de surcroît offrir au SED un partenaire suffisamment crédible. À Berlin s’était créé, dès septembre, un groupe de contact composé de représentants des diverses organisations d’opposition qui annoncèrent le 4 octobre la constitution d’un pacte électoral. En octobre encore, certains membres du groupe proposèrent d’organiser une Table ronde, selon le précédent polonais. Lors des rencontres qui suivirent, le groupe s’entendit pour que toutes les activités soient prioritairement concentrées sur un objectif : ôter au SED son rôle dirigeant. Le 10 novembre, le groupe de contact déclara :
« étant donné la situation de crise dans notre pays, qui ne peut plus être maîtrisée avec les structures de pouvoir et de responsabilité actuelles, nous demandons que des représentants de la population de RDA s’assoient autour d’une même table pour créer les conditions d’une réforme constitutionnelle et celle d’élections libres »9.
27Le SED voulait, au cours de ces journées, situer les réformes qu’il proposait dans le cadre de la constitution existante, qui attribue au SED un rôle dirigeant. Les partis du bloc se virent proposer un « gouvernement de coalition », tandis qu’était garantie aux groupes d’opposition une coopération « sur la base de la constitution ». Le mot « dialogue » étant usé, on inventa une autre enveloppe pour le même contenu : celui de « consensus »10. Les tentatives de consolidation s’étant révélées vaines, c’est la base du parti elle-même qui prit le large. L’opposition redoubla d’ardeur combative, appela à de nouvelles manifestations contre Krenz, l’homme du soi-disant « tournant ».
28Le SED réussit un coup majeur en faisant élire, le 13 novembre, Hans Modrow ministre-président par la Chambre du peuple. Tandis que le SED vacillait de plus en plus et que la séparation du parti et de l’État devenait inévitable, l’État, colonisé par les cadres du SED, restait le dernier bastion du pouvoir. Il fallait empêcher que le gouvernement Modrow et ses partenaires de la coalition, les partis du bloc, ne s’installent durablement et n’apparaissent au-dehors comme les représentants d’une RDA démocratique. De plus, le risque existait que la Chambre du peuple, qui n’avait aucune légitimité populaire, ne se donne pour un parlement démocratique et ne prenne la tête de la révolution.
29Le 17 novembre, le groupe de contact berlinois décida d’inviter le SED et les partis du bloc à la Table ronde prévue. Les Églises étaient appelées à jouer le rôle d’intermédiaire. Le gouvernement ne pouvait plus se dérober face à l’énorme pression politique qu’il subissait ; il essaya seulement de prendre de vitesse le groupe de contact en diffusant, par le canal de ses médias, l’information selon laquelle c’était à lui que revenait le mérite de cette initiative.
30Avant même que la Table ronde ne se réunisse, les manifestants et les forces d’opposition dans le pays ne laissèrent subsister aucun doute quant à la solution politique qui devait prévaloir. Lors des manifestations, on s’en prit au SED de façon plus véhémente que jamais. Il y eut des appels à la grève en Saxe. Lorsque la Table ronde se réunit le 7 décembre, elle déclara : « Il est prévu que son activité se poursuive jusqu’à la tenue d’élections libres, démocratiques et secrètes ». Malgré ce succès fondamental, les déficiences de la Table ronde sont évidentes. Il s’agissait certes d’une solution de fortune, étant donné les contraintes imposées par les dispositions réglementaires. La faiblesse fondamentale venait de ce qu’on continuait à vivre dans l’idée qu’il fallait à tout prix rechercher le consensus. Du moins du côté des modérateurs de l’Église et de beaucoup d’opposants, la recherche de l’unanimité communautariste reprenait davantage d’importance que l’acceptation du conflit comme règle de base de la démocratie. Dans sa phase finale, la Table ronde s’autonomisa et perdit de son importance au fur et à mesure que grandissait l’harmonie qui régnait en son sein. En invitant les partis du bloc démocratique à y participer, l’opposition avait à cet égard déjà commis une erreur. Elle se sacrifia elle-même en entrant finalement dans le gouvernement Modrow.
5. Le démantèlement des organes de sécurité.
31Dès le début, la révolution s’en prit spontanément à un organisme honni, le Ministère de la sécurité (MfS). Pour le mouvement des citoyens, il s’agissait de donner une expression politique à cette volonté, afin de rendre la démocratisation irréversible. La véritable épreuve de force entre l’opposition et le SED fut la bataille pour la dissolution du MfS et de ses organismes successeurs. La série d’occupations d’administrations régionales de la Stasi, le 4 décembre, en fut le fait marquant. Le ministère public et la police, représentants légitimes de l’autorité publique furent associés, au sein de comités dits de partenariat pour la sécurité, à la dissolution du MfS qui se déroula sans la moindre violence. Ces instances étaient, comme chacun sait, entièrement soumises au SED. Néanmoins, l’opposition, anticipant sur la légalité future, reconnut à ces organismes, bras droit du SED, la qualité d’instruments de l’État de droit et créa donc ainsi une obligation réciproque. Sans doute était-ce un peu à contrecœur. Mais ce que cherchaient les opposants alors, c’était à mettre en place des procédures claires anticipant sur l’État de droit. Les groupes d’opposition avaient une longue pratique en ce sens : depuis des années ils s’efforçaient d’élargir leur marge d’action en s’appuyant toujours sur la légalité.
32L’énergie déployée dans la lutte contre le MfS était davantage qu’un bras de fer engagé avec l’un des organismes armés. Ce qu’était la Stasi, l’opposition et l’Église en avaient fait l’expérience depuis des années. Elles savaient quelles actions démoralisatrices et paralysantes elle était capable de mener. C’était un pouvoir sans visage qui opérait par derrière, tissait sa toile, entravait les actions, faisait circuler des rumeurs, créait des situations de conflit. La lutte se concentra finalement, au cours des événements, sur les dossiers de la Stasi. Ceux qui menaient l’action voulaient comprendre ce qui avait été leur vie et plus généralement se réapproprier l’histoire contre les mythes véhiculés par le SED. Il s’agissait d’élucider le passé.
Sécularisation du communisme
33Les dimensions prises par la lutte pour le pouvoir entre SED et opposition étaient telles que, malgré tout le dilettantisme politique manifesté par l’opposition, cet affrontement devait nécessairement se solder par la défaite du SED. Les méthodes utilisées par la révolution étaient ces valeurs d’inspiration protestante qui servaient de maxime pour l’action. Ainsi le déroulement des événements à l’automne 1989 s’inscrivit dans le cadre d’une confrontation plus ancienne et en reprit les formes. Eu égard à l’évolution historique de la RDA, il ne restait quasiment plus au SED qu’un rival : le protestantisme. En raison de l’homogénéisation de la société, à laquelle la politique communiste avait abouti, au début des années soixante-dix, par suite de la liquidation de tous les milieux traditionnels, bourgeois aussi bien que prolétaire, une opposition politique pouvait difficilement encore être l’expression d’intérêts catégoriels spécifiques. Comme il n’y avait plus de base sociale permettant la constitution d’une force politique opposée au SED, toute manifestation d’indépendance idéologique et intellectuelle ayant une assise institutionnelle suffisait pour donner naissance à un courant d’opposition.
34Le conflit entre l’Etat-SED et le protestantisme était quelque chose de programmé, étant donné que le communisme, idéologiquement et historiquement, était focalisé sur la question religieuse. Cette construction théorique voulant qu’il y ait un sens de l’histoire garantissant le bonheur collectif et individuel, dès l’instant où les contradictions sociales seraient résorbées, restait prisonnière de schémas de pensée religieux, en dépit de son point de départ, qui se voulait une critique de la religion. La religion marqua doublement le destin du marxisme politique. D’une part, il prit lui-même une forme quasi-religieuse et porta ainsi les traits de ce qu’il prétendait dépasser. Cette vision du monde enfermant toute expérience dans un système moniste d’interprétation de l’univers et prétendant détenir la vérité absolue, nécessitait, dans la mise en œuvre concrète du socialisme, que ce monde fictif univoque soit mis en scène et ritualisé pour être perceptible. Ce faisant, le rapport entre les moyens et les fins dans l’action politique ne pouvait plus être analysé en termes rationnels ou examiné sous l’angle éthique. Quand des marxistes osaient disserter sur des formes de pensée bloquant la rationalité, ils étaient condamnés à être poursuivis. Robert Havemann en est l’exemple plus frappant : pour avoir critiqué une science subordonnée à l’idéologie, il devint dissident politique presque malgré lui. L’hypothèque qui pesait constamment sur le système politique, c’était ce hiatus entre rationalité et idéologie.
35C’est pourquoi la mort institutionnelle de cette idéologie est du même coup une véritable sécularisation. Le marxisme politique fut lui-même victime du sort qu’il entendait réserver initialement à la religion. Ce bloc monolithique associant idéologie et politique se fracassa sur les antagonismes d’intérêts, le pluralisme intellectuel, la réfutation pratique du dogme de l’invincibilité du socialisme. Cet effondrement de la métaphysique communiste représenta de ce fait le triomphe de la raison face à l’affirmation irrationnelle, selon laquelle le monde pouvait être sauvé grâce à une connaissance subordonnée à l’idéologie. En enfermant la rationalité dans un système d’explication de l’univers de nature moniste et en construisant un monde fictif univoque privant l’individu de sa liberté et de sa responsabilité, le socialisme était une forme de refus de la sécularisation.
36L’absence de rationalité contribua à la décomposition croissante du socialisme est-allemand. Mais il fallait que des individus prennent conscience de cette érosion rampante du système qui le privait de sa légitimité et de sa force de cohésion et qu’ils lui opposent une autre réalité. Ces individus étaient principalement issus du protestantisme. Ils pouvaient s’appuyer sur les institutions de l’Église et s’inspiraient de valeurs qui contribuèrent à précipiter le déclin du socialisme d’État. L’expérience menée par le SED visant à substituer à la société un État prétendument investi d’une mission historique, mobilisa des forces intellectuelles à l’endroit même où rien ne pouvait remplacer la société, là où l’État était lui-même dépassé par son propre projet, là où il existait encore une société résiduelle et des reliquats d’espace public. Toutefois, le rival de l’Etat-SED, le protestantisme, n’était pas lui-même une force homogène. Les différents courants protestants agissant dans le champ politique n’étaient pas uniformes et n’incarnaient pas tous l’idéal d’un contre-modèle démocratique face à la dictature.
37Bien au contraire. Le protestantisme allemand a eu, dans son histoire, quelque difficulté avec la démocratie. Pendant la République de Weimar, de nombreux théologiens prêchèrent contre un pluralisme qui leur était étranger et tempêtèrent contre le déclin de l’autorité de l’État. Ils appelèrent de leurs vœux un sursaut moral du peuple. Lorsque celle-ci fut au rendez-vous, sous les traits de la dictature nazie, plus d’un fut surpris du monstre qu’il avait contribué à engendrer. En RFA, le protestantisme n’a fait que tardivement la paix avec la démocratie. En RDA, il y eut rapidement nombre de théologiens pour réorienter au profit du SED leur traditionnel attachement à l’État, adopter la conception spécifique du droit véhiculée par le socialisme et accepter le mythe antifasciste propagé par le SED comme forme de pénitence protestante. Ainsi de nombreuses catégories de pensée propres au protestantisme purent trouver des affinités avec le socialisme réel et se reconnaître en lui. Les valeurs communautaires propres au protestantisme, ce goût exacerbé pour la confrérie, facilitèrent son retrait de l’espace public, comme le souhaitait le SED. Le protestantisme était d’autant moins disposé à entrer en conflit avec l’État, qu’il accordait traditionnellement une grande valeur à cette entité. L’éthique sociale protestante pouvait, sur la question de la paix, rejoindre le socialisme dans sa prétention à se vouloir justement synonyme de paix. Dans un même temps, la tradition antimoderniste existant au sein du protestantisme était sensible à une critique du capitalisme qui se focalisait, par la force des choses, sur une seule réalité, celle de l’Ouest.
38Mais il existait également d’autres traditions protestantes qui venaient nourrir la contestation. Pour simplifier, nous distinguerons deux courants majeurs. Les adversaires les plus résolus du SED étaient les apôtres du droit et ceux qui se réclamaient de la tradition des droits de l’homme. L’émergence de ce courant remonte aux années cinquante. À son actif la défense du droit contre l’État-SED et les loyalistes au sein de l’Église protestante, c’est-à-dire ceux pour qui le respect de l’autorité politique passait avant toute chose. Certains de leurs représentants tiraient de la théologie réformatrice des arguments pour défendre les droits de l’homme et une certaine idée de la démocratie et de l’État de droit d’inspiration chrétienne. Ils pouvaient le faire en s’appuyant sur la doctrine protestante de la justification par la foi qui accorde à l’individu une dignité particulière. À partir de ce courant, qui ne lassait pas d’en découdre avec le totalitarisme et de critiquer l’idéologie SED, se développèrent des éléments d’une éthique de la résistance qui se réclamaient de Dietrich Bonhoeffer et des textes majeurs de l’Église confessante.
39L’autre courant important, c’était celui des tenants d’une nouvelle éthique sociale dont la fonction critique prit tout son sens dès l’instant où ils dénoncèrent le manque d’éthique politique des communistes. Avec des conceptions telles que celles d’un socialisme démocratique ou « réformable », ils entrèrent en concurrence avec le socialisme réellement existant et jetèrent les bases des divers mouvements d’opposition : objection de conscience et sauvegarde de la paix, protection de l’environnement et défense des droits de l’homme. Ces mouvements qui comportaient une dimension antimoderniste et anticapitaliste dirigeaient aussi régulièrement leurs critiques contre l’État industriel est-allemand.
40Dans le camp protestant il y avait, au-delà de ces deux courants, un fourmillement de projets alternatifs, plus variés les uns que les autres : les anarchistes chrétiens libertaires, les démocrates les plus radicaux, les apôtres de l’émancipation individuelle et les champions de l’intégration des minorités, minorités de jeunes, minorités sexuelles, minorités culturelles. Ils ont joué un rôle subversif vis-à-vis de l’Etat-SED, même si bon nombre de leurs théories n’étaient que moyennement compatibles avec la démocratie. Leur mérite aura été d’avoir été pionniers dans l’établissement d’une micro-culture alternative.
Ce qui était commun à tous ces courants, c’était la défense de leur indépendance et de leur autonomie religieuse. Mais il y avait peu de compatibilité entre eux et leur seul point commun, c’était leur hostilité à l’Etat-SED. Ils étaient tous l’objet de persécutions ou de mesures de relégation et l’Église se désolidarisait fréquemment de leurs actions. On ne comprend rien à l’évolution et à l’action de l’opposition en RDA si on ne tient pas compte de ces différences internes.
41Les insuffisances de l’opposition religieuse en matière de démocratie ont conduit un certain nombre d’auteurs tels que Christoph Klessmann, Sigrid Meuschel ou Martin Jander à considérer cette opposition de façon globale comme utopique, pas assez tournée vers le monde profane, voire même à la rapprocher du SED du point de vue idéologique. Ces jugements renvoient à tout ce qui dans l’opposition est-allemande revêt un aspect religieux, visionnaire, moral, ou relève d’une nouvelle utopie socialiste. Mais ils n’atteignent pas l’essentiel. L’essentiel, c’est cet affrontement permanent, ce combat mené pendant des dizaines d’années pour créer, dans le contexte d’une dictature, les conditions de l’action politique. Il fallait d’abord ouvrir la voie à la contestation, à la création d’un espace public, à l’existence d’une légalité. Le subterfuge, c’était le recours à des moyens qui ne soient pas immédiatement politiques, des moyens éthiques, moraux, religieux, des moyens qui préparent la réalité de demain. Ceux-ci devaient être vecteurs de l’action politique. C’est par ce truchement qu’on allait pouvoir être à même d’agir politiquement et de s’imposer en tant que sujet agissant de l’histoire, contrairement à ce que prétendait le marxisme et sa métaphysique du devenir historique. Ainsi fut ouvert un champ dans lequel l’indépendance intellectuelle, les prémices de la participation politique et l’émancipation sociale trouvèrent publiquement à s’exercer. Cela a marqué des vies et permis à certains de garder la tête haute. Cela a été acquis grâce à la dimension religieuse de l’opposition en RDA, mais aussi grâce à tout ce que la résistance durant la révolution a emprunté à la tradition religieuse. L’interpénétration de l’opposition et des Églises protestantes créa un authentique contrepoids au totalitarisme intellectuel et politique du SED et c’est par ce biais que la réalité fut rationalisée et le mirage socialiste démystifié. Pour cela il fallait affronter le pouvoir en place, l’Église officielle et institutionnalisée, la couche des intellectuels privilégiés qui se contentaient de renâcler et une population dépolitisée. Ce ne sont pas n’importe lesquels des intellectuels qui ont constitué la substance de l’opposition, ce furent des intellectuels bien précis, dont un certain nombre, il faut le dire, ne se réclamaient pourtant pas du protestantisme.
42La confrontation entre communisme façon SED et protestantisme est-allemand reste marquée d’une ambiguïté qui traverse toute la révolution. Cette ambiguïté a ses racines dans la différenciation interne du protestantisme, qui se manifesta aussi bien dans les divers camps protestants que dans les actions contradictoires de certains protestants. Cette contradiction, interne au protestantisme, vient de ce que le protestantisme est partagé entre deux tendances antinomiques : artisan d’une interprétation rationnelle du monde, il ne peut en même temps accepter une rationalité qui serait autonome. Il voit en elle une force destructrice, sapant les fondements mêmes de la religion. C’est pourquoi le protestantisme est-allemand représentait tout à la fois l’esprit du capitalisme et sa critique du point de vue théologique. D’une part, il impulsait le mouvement pour la liberté, mais de l’autre, refusant une liberté débridée, se battait pour lui imposer des règles, afin qu’elle reste fondement de la responsabilité et de la morale. Démocratisation et libéralisation, il n’y avait rien qui n’allât mieux au protestantisme : n’était-il pas en effet à la source même de la tradition des droits de l’homme en Europe ? Mais la peur des conséquences déclencha aussi des sentiments de culpabilité, comme seuls les protestants en sont capables. On vit donc à nouveau plus d’un protestant se rabattre sur l’idée de socialisme, alors en déshérence.
43Quand on a peur de la liberté, on rechigne aussi à endosser des responsabilités. On cherche alors à tout prix à se dérober – c’est le cas chez de nombreux protestants – en se réfugiant dans la mauvaise conscience. Aussi ceux-là eurent-ils du mal à accepter, quand ils ne la refusèrent pas, l’unité allemande. Aussi bien pour Manfred Stolpe, président du consistoire et adversaire déclaré de l’opposition, que pour le pasteur Markus Meckel, un opposant coriace et sans concession, cette unité resta, jusqu’au mois d’octobre 1989, impensable, à cause de de la culpabilité allemande, c’est-à-dire du sentiment de leur propre faute. La raison de ce refus, ça n’était pas d’éventuelles expériences positives faites du temps de la RDA, mais un besoin d’expier qui conduisait à accepter en repentance l’œuvre destructrice menée par Hitler contre l’Allemagne ainsi que l’appétit dévorant de Staline. Cela avait bien peu de choses à voir avec une politique responsable. C’était l’expression d’un sens politique limité, nourri de l’idée de servir le bien, la raison dût-elle en faire les frais.
44Voilà en définitive pourquoi, sans s’en rendre compte, plus d’un révolutionnaire protestant se retrouva, poussé par la population, du même côté des barricades que le SED. Le malaise éprouvé par les protestants critiques du monde moderne face à leur propre apport à la civilisation s’était toujours exprimé à travers une profusion de métaphores renvoyant à l’idée de péché. Pendant la révolution, cela revint avec une force accrue. Parallèlement aux conflits intellectuels et éthiques opposant protestantisme et socialisme, on vit apparaître et se renforcer une autre ligne d’opposition socio-culturelle. Cette ligne de partage se situait entre la société est-allemande d’une part et les révolutionnaires protestants avec leurs adversaires socialistes de l’autre.
45La société est-allemande était culturellement marquée par le protestantisme depuis des siècles. Même si les couches sociales les plus porteuses des valeurs protestantes avaient disparu et même si la déchristianisation était forte, il subsistait de ces valeurs, de façon rudimentaire et banalisée, un certain nombre de bribes. Comme les tentatives de développement d’une culture socialiste pour remodeler la société dans un sens socialiste, avait totalement échoué et n’avaient jamais réussi qu’à étaler un vernis sur la tradition, il était resté un fond de valeurs particulièrement stable. Dans une société déstructurée et coupée de ses traditions, le système de valeurs s’était replié dans la sphère privée.
46Encore aujourd’hui les Allemands de l’Est attachent « davantage de prix à l’ordre et à l’observation des principes », chez eux « les normes sont plus contraignantes » , ce sont des gens « sur qui on peut davantage compter », ils sont « plus économes », ont « moins soif d’aventures », sont « moins instinctifs ». La conclusion qui peut en être tirée, c’est que « les gens de l’Est sont les ‘plus Allemands’ des Allemands. Ils sont davantage imprégnés des « vertus allemandes » traditionnelles ; Ils sont plus conservateurs dans leur échelle de valeurs, tandis que les Allemands de l’Ouest attribuent une plus grande place à la réalisation et la jouissance individuelles »11. Lutz Niethammer arrive, dans ses enquêtes, à des résultats identiques.12 Cette continuité « allemande », elle apparaît dans les comportements et les positions qui, en dépit de toutes les ruptures dans les parcours individuels, traversent sans difficulté les époques, nazisme, puis communisme. Jusqu’à aujourd’hui, les représentants du régime SED, lorsqu’on les presse de se justifier, argumentent en « bons allemands ». Ils n’ont fait que leur devoir. Si les vertus classiques que sont l’ordre, le devoir, la modestie, le travail, sont de nature et d’origine protestantes, ils seraient alors aussi « les plus protestants des protestants ». Ces valeurs « protestantes » conservatrices ont pu se maintenir en RDA, parce que le socialisme est-allemand a été lui-même incapable de fonder et de développer des valeurs éthiques, une morale de la responsabilité individuelle, étant donné que l’idéologie et le droit politique assignaient à l’État le soin de réguler toutes les relations sociales.
47En outre l’éthique protestante du travail et du devoir restait vivante. Même dans cette société sécularisée, le travail continuait à être l’unique sens de la vie. Cette éthique du travail reposait sur un esprit d’entreprise devant beaucoup à la rationalité et qui se nourrissait d’ascèse protestante. L’idéologie socialiste du travail en revanche n’avait apporté rien d’autre que démotivation et sentiment frustrant d’être une machine réduite à une simple fonction. Le SED profita encore d’un reste de conscience protestante qu’il tenta de mobiliser en 1983, lors de l’année Luther. Mais en même temps il consuma ces dernières ressources morales. Non seulement les Allemands de l’Est derrière le mur étaient, pour cette raison, fascinés par l’Ouest et le capitalisme décrié par la propagande, ils ressentaient aussi une affinité profonde avec un système social qui était en RDA formellement dépassé. Sous le vernis donc, la société est-allemande était profondément marquée par le protestantisme et l’ancrage de celui-ci dans le capitalisme. Pour le dire de façon un peu familière : alors que l’idéologie socialiste, il fallait péniblement l’inculquer, les comportements capitalistes, eux, étaient dans les tripes.
48Pendant la révolution, c’est ce système de valeur qui servit également de filtre aux intentions et aux décisions politiques. Il élimina tout ce qui se proposait de reconstruire le socialisme, que cela vînt du SED ou de l’opposition. Et c’est ainsi que le SED ne fut pas seul à être rejeté par le peuple, les révolutionnaires protestants aussi, qui se virent alors entourés de bananophages.
49Ainsi donc, 1989 fut une révolution protestante, dans laquelle on retrouva toute l’ambivalence du rapport entretenu par le protestantisme vis-à-vis de la démocratie. C’est à l’intersection du protestantisme et de la société que se situa la marge d’action politique.
Des révolutionnaires égarés par la révolution
50C’est au moment où les adversaires des protestants perdaient le pouvoir qu’ils s’approprièrent, avec une rapidité remarquable, les thèmes mêmes de la révolution protestante. Ils découvrirent que l’esprit critique qui animait l’opposition et avait conduit le régime à sa perte pouvait être utilement récupéré. Le SED/PDS hérita de la révolution alors même qu’elle était encore en cours. On vit ainsi les mêmes officiers de la Stasi qui s’étaient acharnés pendant des années contre les homosexuels prendre fait et cause pour cette minorité. Du jour au lendemain, des communistes qui n’avaient eu de cesse de militariser la société se transformèrent en ardents pacifistes. Punks et autonomes, que le SED au pouvoir avait persécutés sans merci, devinrent d’un coup la nouvelle avant-garde du Parti, pendant que d’anciens « indicateurs » de la Stasi, des geôliers de ses sinistres prisons ou encore des garde-frontières n’hésitaient pas à créer des groupes de défense des Droits de l’homme.
51On serait donc tenté de penser que le parti se serait en quelque sorte rallié a posteriori aux thèses de son opposition pendant les années 80. De fait, il n’a finalement pas fallu attendre bien longtemps – jusqu’en 1996, avec la « déclaration d’Erfurt » – pour voir un certain nombre de ténors de la révolution protestante comme Heino Falcke, Edelbert Richter ou Friedrich Schorlemmer faire front commun contre le capitalisme avec leurs anciens adversaires déclarés.
52Doit-on penser en retour que ces protestants ont renié leurs convictions ? Ou, au contraire, qu’ils leur sont justement restés fidèles ? Nombre d’entre eux ont été rapidement dépassés par les événements. Les transformations politiques opérées à partir de 1990 et au cours des années suivantes ont répondu à une logique du possible et non à celle du souhaitable, loin des rêves visionnaires des protagonistes de la révolution. La politique est un sale boulot, et c’est bien de réponses politiques et non de belles spéculations idéologiques dont le pays avait besoin. Seuls les projets concrets et réalisables avaient leur chance. Toutes les illusions entretenues autour du rêve d’une RDA indépendante, exemplaire d’une « troisième voie » politiquement idéale, n’en avaient en revanche aucune. Rien ne pouvait arrêter la marche du capitalisme.
53Parmi les anciens protagonistes de la révolution protestante, en particuliers les tenants d’une nouvelle éthique sociale, beaucoup découvrirent avec effroi que la révolution qu’ils avaient initiée avait finalement accouchée d’un monstre. Ils n’étaient en aucun cas prêts à en assumer la responsabilité. Le malaise qu’ils éprouvèrent dès lors à l’égard de cette révolution et de ses conséquences n’était pourtant rien d’autre que la traduction du conflit jamais résolu qu’ils portaient en eux-mêmes, celui du rapport entre le protestantisme allemand et la liberté. Ils avaient osé franchir le premier pas, mais se refusaient maintenant à franchir le second, réactualisant par là un vieux syndrome protestant : à peine Luther avait-il proclamé la liberté de l’homme dans la foi chrétienne qu’il s’empressa de l’enchaîner à nouveau avec la conscience. Ce scrupule de Luther n’est cependant pas sans justification : il s’agissait, par le truchement de la conscience, d’obliger l’individu à faire face à la responsabilité que lui conférait sa liberté. Mais les militants politiques protestants, dans l’après-révolution de 1989/90, ont cru devoir lire dans cette doctrine un appel à agir, au sein de la communauté civile, en missionnaires d’un nouvel ordre susceptible d’assurer le bonheur social. C’est pourquoi un certain nombre d’entre eux poursuivent encore aujourd’hui la révolution sur le plan théorique. Je le sais d’expérience. J’ai émis en 1990 l’hypothèse d’une révolution protestante, proposant comme piste d’analyse ce malaise que je viens d’évoquer, soulignant dans cette perspective le double visage de cette révolution – à la fois facteur de progrès civilisationnel et entreprise de démolition critique. Cette dimension critique était pour moi, à l’époque, la plus belle. Aujourd’hui, je la trouve idéologiquement dépassée. Je préfère jouer pleinement la carte de la liberté, quitte à admettre qu’elle ne garantit pas la pérennité du lien de l’individu au politique. Pendant ce temps, mes amis protestants s’efforcent, sans que cela n’ait plus la moindre efficacité politique tangible, d’interroger encore et toujours le sens théologico-historique de la révolution. Heino Falcke, l’un des plus importants théologiens opposant au régime, prophète d’une union œcuménique à travers le monde entier en faveur de la justice, de la paix et de la protection de la planète, voit ainsi dans la révolution une « libération inachevée »13 . Il faudrait, à en croire ses toutes dernières déclarations, un pouvoir associant sociaux-démocrates, ex-communistes et verts pour la poursuivre.
54Edelbert Richter, quant à lui, avait tenté depuis le début des années 80 de faire une synthèse entre libéralisme et socialisme, ces deux frères ennemis enfantés par l’histoire allemande. Sa démarche a produit un monstre idéologique dont le mérite est d’avoir permis à de nombreux opposants en RDA de penser l’unité allemande, mais en dehors de tout réalisme politique. Pour lui, la révolution a finalement débouché sur une identité ratée14.
55D’une manière générale, la pensée de nombreux révolutionnaires protestants tourne aujourd’hui autour de la construction a posteriori d’une identité est-allemande, dont on peut pourtant douter qu’elle ait existé à l’époque où ces mêmes protestants étaient l’objet des persécutions de la Stasi et où des millions d’Allemands de l’Est choisissaient de quitter le pays. Pour éviter que resurgissent ces vieilles divisions, il leur faut aujourd’hui développer tout un arsenal éthico-théologique de la réconciliation, faisant appel aux catégories et aux idéaux religieux de la communauté. L’un des grands protagonistes de cette réconciliation générale est Friedrich Schorlemmer, qui prêche avec des accents quasi apocalyptiques en faveur de « l’ultime libération »15. Schorlemmer a également qualifié de « grande expérience humaniste » le renoncement à poursuivre pénalement les crimes et délits du régime est-allemand, espérant par là que leurs auteurs les reconnaîtraient sincèrement « hors de la menace »16 d’une peine. La « grande expérience socialiste » à peine terminée, le temps de nouvelles « grandes expériences » semble donc déjà venu.
56Le modèle de réconciliation développé par Hans-J. Misselwitz17, autre grande figure protestante, vise lui aussi à construire une identité est-allemande. Pour Misselwitz, la logique profonde des événements de l’automne 89 réside moins dans l’établissement de la démocratie et de l’État de droit que dans un « réajustement » entre les deux expériences allemandes, c’est-à-dire entre « les traditions irréconciliables de la gauche et de la droite en Allemagne », lesquelles parviendraient finalement à se rencontrer en un « point d’intersection » politique qu’il situe dans « l’expérience partagée du combat contre Hitler » – celui mené par les communistes et celui mené par un certain nombre de conservateurs. La liberté acquise en 1989 devrait dès lors déboucher sur « quelque chose de véritablement nouveau », « un projet politique entièrement neuf, à la hauteur des défis globaux ». On voit ici renaître, dans une rhétorique plus soft, l’idée socialiste : récusant la validité pour l’Est du modèle de société occidental et de son système économique, Misselwitz souhaite que s’établisse « dans et pour la communauté » une alliance entre « ceux qui produisent et ceux qui possèdent ».
57Pour les révolutionnaires, et particulièrement pour ceux qui en ont fait un sacerdoce ou un métier, la fin de la révolution est forcément douloureuse. À force de vouloir faire tourner la roue de l’histoire, on risque de finir par se retrouver au point d’où l’on est parti. C’est ainsi qu’une révolution contre le socialisme peut basculer finalement dans le socialisme, et que des révolutionnaires protestants d’hier peuvent devenir les contre-révolutionnaires protestants d’aujourd’hui.
58Un tel renversement n’a pu se produire chez certains révolutionnaires protestants que parce qu’ils ont succombé à une forme de fascination pour eux-mêmes, pour leur propre expérience révolutionnaire. À l’automne 89, une utopie était brutalement devenue réalité, et ce contre toute attente, y compris et peut-être d’abord celle des protagonistes. On ne saurait sous-estimer l’impact émotionnel de cette expérience, et ses conséquences sur ses acteurs. Subitement, un avenir s’ouvrait devant eux, et il était inévitable qu’ils n’aient pu alors penser cet avenir autrement que dans la logique de leur action. Au fur et à mesure qu’elle se déroulait, la révolution se découvrait et se pensait depuis elle-même, tendant à devenir en elle-même son propre avenir, se forgeant à tout le moins une identité propre. Juste après la chute du mur, l’évêque Leich, sensible à ce phénomène, parla de « nouvelle identité née de l’expérience du mouvement populaire »18. Il n’en reste pas moins que la dimension psychologique d’une révolution ne constitue pas sa dimension politique.
59Les révolutionnaires se sont donné eux-mêmes l’illusion d’avoir inventé quelque chose de nouveau. En connaisseur des milieux d’opposition en RDA, Timothy Garton Ash propose une explication bienveillante de ce phénomène :
« Quel peut être [ … ] l’apport de ces enthousiastes dans la nouvelle Europe ? Si mon analyse est juste, ils ne peuvent apporter aucune idée fondamentalement nouvelle à propos des grandes questions politiques, économiques, juridiques ou internationales. Les idées qui sont actuellement à l’ordre du jour ne sont pas nouvelles, ce sont bien au contraire des idées connues et éprouvées depuis longtemps (ce sont plutôt les idées nouvelles qui ont fait leur temps). [ ... ] Se pourrait-il cependant qu’ils recèlent encore, sous leurs manteaux élimés, quelques trésors cachés à nous offrir ? Au cours de mes voyages dans cette région pendant les dix dernières années, j’en ai découvert de nombreux : des exemples remarquables de courage moral et d’intégrité intellectuelle, des liens d’amitié très profonds, un sens de la vie de famille, des qualités de discussion [ ... ] J’ai pu découvrir des gens vivant dans une éthique chrétienne sous sa forme la plus authentique et la plus pure, découvrir la qualité des relations humaines que savaient entretenir des hommes et des femmes d’origines les plus différentes ou de confessions jadis irréductiblement ennemies – bref, j’ai pu découvrir une véritable éthique de la solidarité. » 19
60C’est peut-être parce que la révolution protestante fut enthousiasmante, qu’il faut aujourd’hui d’autant plus se garder de prendre au sérieux ses derniers zélateurs, bardés de bonnes intentions par trop protestantes et d’une foi aveugle dans leur propre cause. La politique n’a plus besoin d’eux et il y a longtemps qu’une bonne partie de leurs fidèles aimeraient enfin les entendre prêcher à nouveau sur des sujets théologiques. On restera toutefois bienveillants à leur égard : leurs discours sont tellement surannés que c’est finalement ce qui fait leur charme, et ils sont dans le fond bien plus bourgeois qu’ils ne veulent l’admettre. À l’heure où l’Internet administre la preuve de la contingence de l’histoire, leur missionarisme politique est plus touchant que dangereux. Tant qu’il y aura des élections libres, il n’y aura heureusement pas de vainqueurs de l’histoire, tout au plus des vainqueurs d’élections.
Notes de bas de page
1 cf. John Torpey, « Two Movements, Not an Revolution : Exodus and Opposition in the East German Transformation, 1989 – 1990 », in : German Politics and Society, 26, 1992.
2 Stefan Wolle. Der Weltgeist zu Fredersdorf ... ZdF 1997, Nr. 4, p. 106.
3 Christian Sachse, Die Revolution und ihre Folgen, ZdF 1997, Nr 4, p.100.
4 Ordre 9/89 du président du Conseil national de défense de RDA concernant les mesures de maintien de l’ordre à Leipzig (Befehl 9/89 des Vorsitzenden des nationalen Verteidigungsrates der deutschen Demokratischen Republik über Massnahmen zur Gewährleistung der Sicherheit und Ordnung in Leipzig) reproduit dans : Thomas Auerbach, BStU, Abteilung Bildung und Forschung, Reihe B, Analysen und Berichte, Vorbereitung auf den Tag X. Die geplanten Isolierungslager des MfS, p. 139 et suiv.
5 Christian Dietrich, Uwe Schwabe (Hg), Freunde und Feinde. Dokumente zu den Friedensgebeten in Leipzig zwischen 1981 und dem 9. Oktober 1989, mit einem Vorwort von Harald Wagner, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt 1994, p. 422.
6 Reinhard Bohse, Grit Hartmann, Ulla Heise, Matthias Hoch (Bild), Josef Kurz, Ameli Möbius, Rolf Spring (Hg.), Neues Forum Leipzig, Jetzt oder nie - Demokratie ! Leipziger Herbst ‘89, Forum Verlag Leipzig 1989, p. 82.
7 Déclaration du Bureau Politique du CC du SED en date du 11.10.1989 (Politbüro des ZK der SED, Erklärung vom 11.10.1989), in : Neues Deutschland du 12.10. 1989
8 Projet de recherche « questions philosophiques concernant l’élaboration d’une conception pour un socialisme moderne ». La situation actuelle de la RDA et ses conséquences pour la définition d’une politique du SED (Forschungsprojekt « Philosophische Fragen der Erarbeitung einer Konzeption der modernen Sozialismus ». Zur gegenwärtigen Lage der DDR und Konsequenzen für die Gestaltung der Politik der SED) Sektion Marxistisch-leninistischen Philosophie an der Humboldt Universität, Berlin 8.10.1989, manuscrit, 16. p.
9 Gemeinsame Erklärung, Berlin 10.11., unterzeichnet von Gerhard Bächler (GI Grüne Partei), Gutzeit und Hilsberg (SDP), Heinz Küchler (Dj), Klaus Ihlau (VL) und Neubert (DA).
10 ZK der SED, 10. Tagung 8.-10.11.1989, « Was tun ? Schritte zur Erneuerung, Aktionsprogramm der SED, Sonderdruck, 28 pages.
11 Peter Becker, « Ostdeutsche und Westdeutsche auf dem Prüstand psychologischer Tests », in : APuZ, B 24/1992, SD. 23
12 Cf. Lutz Niethammer, Alexander von Plato, Dorothee Wierling, Die volkseigene Erfahrung. Eine Archäologie des Lebens in der Industrieprovinz der DDR, Rowohlt, Berlin 1991, p. 29f.
13 Heino Falcke, « Die unvollendete Befreiung, die Kirchen, die Umwälzung in der DDR und die Vereinigung Deutschlands », in : Ökumenische Existenz heute Nr.9, Chr. Kaiser Verlag München 1991
14 Edelbert Richter, Erlangte Einheit – Verfehlte Identität. Auf der Suche nach den Grundlagen für eine neue deutsche Politik, Berlin 1991
15 Friedrich Schorlemmer, « Neue Herrn, neue Kriecher - und manchmal sind es dieselben. Ein FR-Streitgespräch zwischen Scholemmer und Wolgang Templin », in FR vom 7.12.1996, p. 20
16 Friedrich Schorlemmer, Was ich denke, München 1997, p. 115.
17 Les citations suivantes sont tirées de : Hans-J. Misselwitz, Nicht länger mit dem Gesicht nach Westen - Das neue Selbstbewusstsein der Ostdeutschen, Dietz Bonn, 1996
18 Gerhard Besier, Der SED-Staat und die Kirche 1983-1991, Höhenflug und Absturz, Propyläen, Frankfurt/M./Berlin 1995, p. 455
19 Timothy Garton Ash, Ein Jahrhundert wird abgewählt. Aus den Zentren Mitteleuropas 1980-1990, Carl Hanser Verlag, München Wien 1990, p. 473 f.
Auteurs
Chercheur Berlin
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