Chapitre 5. Informer : un geste politique
p. 167-197
Texte intégral
1Certains textes classificateurs ont de plus une autre fonction, celle d’apporter des informations sur la situation en Allemagne – suivant en cela le modèle fourni par les réponses de Kisch et Weiskopf à Gottfried Benn. Nous distinguerons entre des textes dans lesquels la fonction classificatrice est dominante, et des textes dans lesquels la fonction d’information prend le dessus ; entre ces deux extrêmes, nous trouvons aussi des textes dans lesquels ces deux fonctions sont également représentées. Cette zone de coexistence mérite une attention particulière, dans la mesure où elle constitue une charnière entre deux démarches au fond très dissemblables ; la manière dont s’articulent classification et information est révélatrice de la manière dont s’opère le passage du champ intellectuel au champ politique à proprement parler. Or, si nous constatons que certains textes opèrent ce passage en s’inscrivant dans le modèle de la "lettre ouverte", cette évolution reste très restreinte, et le discours classificateur-excluant reste dominant durant un certain temps.
2Les textes classificateurs sont-ils également informatifs, et si c’est le cas, de quelle nature sont les informations apportées, comment celle-ci sont-elles présentées ? Nous distinguerons ici selon que les informations apportées ont pour fonction de démasquer ("entlarven"), révéler ("enthüllen") ou de décrire ("darstellen").
3Dans les textes classificateurs, l’information n’est pas un but en soi, mais un argument, un élément justifiant l’exclusion et l’ex-communication, puisque le texte établit le répertoire des faits et gestes de sa cible, ce qui constitue l’acte d’accusation menant à l’exclusion ; il ne s’agit pas réellement de révéler, dévoiler une forfaiture mais de formuler cette accusation et, en revenant sur un certain nombre de faits retenus à la charge de l’accusé, d’en tirer les conséquences. En ce qui concerne les intellectuels renégats, il n’y a pas désaccord sur les faits entre la presse nazie et la presse des émigrés : des deux côtés de la frontière, on dresse la liste des défections et des ralliements. C’est dans l’interprétation et l’évaluation de ceux-ci que les avis diffèrent, et les textes classificateurs répètent en leur donnant une interprétation négative les informations données par la presse nazie, qui ne se prive pas d’exhiber les nouvelles recrues du régime.
4Cependant, il y a bien dans ces textes des informations visant à démasquer, signalées par les contrastes temporels visant à "rappeler" à la cible son passé. Dans ce cas, cette information ne s’adresse pas tant aux autres émigrés, pour lesquels ces informations ne sont pas nouvelles, qu’à un public qui ignore le passé de celui dont il est question ; mais il ne s’agit en aucun cas de contre-propagande au sens propre, dans la mesure où le discours nazi n’est pas réfuté en tant que tel, et il s'agit surtout d'un rappel de faits concernant l’attitude d’un individu ou d’un collectif d’intellectuels. L'arrière-plan de la mise au pas de la culture par les nazis est bien présent mais rarement de manière explicite, d’autant plus que les textes classificateurs tendent à présenter le comportement des intellectuels dont ils traitent comme délibéré, comme une mise au pas volontaire, ne tenant pas compte de ce que cette mise au pas pouvait avoir d’inévitable. On ne trouve dans ces textes que peu d’indications sur les pressions exercées sur les intellectuels en Allemagne, sur les persécutions dont ils sont victimes, si ce n’est pour accuser les intellectuels dont il est question de s’être faits les instruments de ces persécutions. L’absence d’informations sur les conditions de vie des intellectuels en Allemagne va de pair avec une vision dans laquelle la mise au pas est un choix délibéré et donc impardonnable ; nous verrons d’ailleurs que l’apparition de textes décrivant la dictature nazie s'accompagne d'un abandon progressif du modèle classificateur-excluant au profit de textes décrivant les intellectuels en Allemagne comme opprimés et contraints de s’intégrer au système nazi.
I. LES "LETTRES OUVERTES" : UNE DESCRIPTION INDIRECTE DU CONTEXTE
5Cependant, quelques textes dont la fonction classificatrice est indéniable remplissent également nettemement une fonction d’information, comme Lettre ouverte à l'écrivain allemand Johannes Urzidil, Gerhart Hauptmann ! Pouvez-vous garder le silence ? de Stefan Grossmann, Méprisez-les !, L'argent n'a pas d'odeur de O. M. Graf ou encore Discours au Congrès du PEN-Club à Raguse de Toller1. Classification et information y sont interdépendantes, ce qui justifie d’en faire un sous-type, à la fois des textes classificateurs et des textes informatifs, et ce même si ces textes ne sont pas très nombreux, ce qui est d’ailleurs significatif quant à l’attitude de la plupart des émigrés par rapport à la fonction du texte.
6La première caractéristique commune à ces textes est la prédominance du mode vocatif, qui n’est cependant pas exhortatif, puisqu’il n’a pas pour fonction de ramener l’interlocuteur à la raison. Toutefois, cette concordance dans le mode signale qu’il a une fonction spécifique, et il est intéressant de constater que presque tous ces textes à double fonction se présentent sous la forme de lettres ouvertes ("Offener Brief"), comme c'était le cas dans les "réponses" de Kisch et Weiskopf à Benn. Nous considérerons ces textes comme relevant du type "lettre ouverte", mais en définissant celui-ci de manière restrictive. Le critère essentiel n’est en effet pas l’inscription, par le vocatif, dans le genre textuel de la "lettre ouverte", mais le fait que cette inscription, par la prédominance du vocatif, s’accompagne d’une démarche informative, qui distingue ces textes du type purement classificateur. Dans les textes de type "lettre ouverte", le vocatif vise à maintenir l’apparence d’une polémique, permettant ainsi d’énoncer un certain nombre d’informations en feignant de s’adresser à l’allocuté. L’exclusion est gommée, mise en sourdine au profit d’une fiction de dialogue qui permet finalement d'atteindre un autre public, même s'il s’agit bien là aussi de textes visant à disqualifier l’intellectuel thématisé. Confronter l'allocuté à son discours ou à ses positions précédentes permet d’introduire un certain nombre d’informations concernant en particulier les persécutions en Allemagne.
7D’ailleurs, le choix même de l’allocuté est significatif et révèle une démarche qui dépasse la simple classification-exclusion. Par exemple, Emmy Sonnemann-Göring2, comédienne épouse de Göring, se situe à mi-chemin entre le champ artistique et "intellectuel" et le champ politique, puisque Göring est lui aussi attaqué par son biais. Cette position particulière est typique de ces textes à double fonction, puisqu’elle permet d’associer une disqualification de l’allocuté en tant qu'intellectuel ou assimilé à une attaque des nazis et de leur propagande, voire à une réfutation de celle-ci.
8Dans ces textes, si l’information vient se greffer sur la classification, elle n’est pas ouvertement assumée par l’énonciateur, comme dans Lettre ouverte à l'écrivain allemand Johannes Urzidil :
"Oh, nous n'avons pas l'intention de parler des écrivains qui vivent maintenant à l’étranger, dont on a pillé l’appartement, dont on a brûlé les livres, dont la vie a été menacée et que l’on a pourchassés d’un endroit à l’autre, jusqu’à ce qu’ils parviennent enfin à s’enfuir en passant la frontière[...]."3
9La prétérition (qui se traduit dans des structures dont le modèle est : "refus de dire + contenu objet du refus") est très caractéristique de ces textes, de même que les questions, très fréquentes et qui semblent justifier l’usage du mode vocatif. Ces questions, mettant en relation le comportement de l'allocuté avec le contexte, permettent de décrire ce contexte. Elles sont en général orientées et visent au premier abord à faire partager l’étonnement et l’indignation du locuteur : les questions "Il n’y a rien qui vous dérange ?" ou "Vous n’avez donc jamais la nausée ?"4, qui ne sont que quelques exemples extraits de la lettre ouverte de Klaus Mann à Emmy Göring, relèvent de la même intention que "Vous n’avez donc jamais honte ?" chez Graf5, "Il ne vous bouleverse pas, ce jeune ouvrier dont vos poèmes ont autrefois éveillé l’élan révolutionnaire et qui maintenant est en train de mourir sous les matraques des SA, les reins fracassés ?" chez Abusch6. C’est aussi la fonction des nombreuses interro-négatives tournant autour de l’opposition entre "savoir" et "ignorer", la structure la plus courante étant du type : "Vous ne savez donc pas que [...] ?", dans laquelle est sous-entendu le fait que "l’autre", l’allocuté, feint d’ignorer des données qu’il connaît parfaitement. On confronte ainsi l’attitude et/ou le discours de "l’allocuté" à une réalité qui est ainsi révélée, sortie du non-dit, comme le fait Bodo Uhse, ancien national-socialiste ayant rejoint le KPD en 1931, dans Lettre ouverte vers l'Allemagne :
"Vous taire, voilà quelle est votre fonction principale. Vous ne dites rien des morts du 30 juin, vous ne dites rien de l’enfer des camps de concentration [...]."7
10Cette démarche, qui consiste à opérer une disqualification par la description du contexte, diffère de celle des textes uniquement classificateurs puisqu’elle implique une volonté de communiquer en même temps des informations sur la situation en Allemagne.
11Chez Bodo Uhse, comme dans de nombreux autres textes de ce type, l’allocuté acquiert progressivement un nouveau statut : il n’est plus seulement un renégat, mais aussi un porte-parole de la propagande nazie et les informations ne servent plus seulement à démasquer l’individu mais également à dénoncer les falsifications opérées par les nazis dans l’image qu’ils propagent de la réalité. Dans ce contexte, des procédés typiquement classificateurs comme la disqualification par association aux nazis prennent une valeur supplémentaire. En établissant qu’il s’est "vendu" aux nazis, on établit que l’allocuté n’est que "la voix de son maître", ce qui permet d’opérer par son biais une contre-propagande visant à confronter la propagande nazie à la réalité, et à la dénoncer comme un mensonge. Ce procédé est particulièrement évident dans Lettre ouverte à l'écrivain allemand Johannes Urzidil, où Urzidil est d’emblée présenté à la fois comme écrivain et comme rouage de la propagande nazie aux ordres de Goebbels :
"Vous tendez la main pour attraper un papier à en-tête officiel sur lequel nous répondre ? Nous n’avons pas besoin que vous confirmiez ce que nous disons en publiant un démenti officiel."8
12Cependant, cet allocuté appartient bien au champ intellectuel, et le texte insiste sur ce statut : "Mais vous continuez à vous considérer comme un écrivain", se situant ainsi explicitement dans le modèle classificateur. Les informations apportées sont d’ailleurs en rapport avec l’identité de l’allocuté et son statut comme intellectuel : elle portent la plupart du temps sur la mise au pas de la culture, les persécutions des intellectuels en Allemagne, les conditions d’émigration et les sévices infligés à des intellectuels. Mais si la plupart de ces textes décrivent indirectement la manière dont les nazis persécutent les intellectuels opposés au régime, ce tableau n’a en aucun cas pour fonction d’excuser par la terreur nazie le comportement des intellectuels "renégats" ; il s’agit au contraire d’opposer l’attitude de ces renégats à celle des véritables héros que sont ceux qui n’ont pas sacrifié leurs convictions. En outre, seuls les "politiques" et les "précurseurs" (comme Bredel, Toller, K. Mann) mettent en relation les persécutions des intellectuels opposés au régime avec ce qu’ont à subir d’autres opposants hors du champ intellectuel. On constate alors une certaine politisation de l’information, puisque celle-ci s’étend à la vie politique à proprement parler ; mais cette politisation est limitée même dans ces textes, et leur quantité assez limitée montre par ailleurs la difficulté qu’éprouvent la plupart des intellectuels "indépendants" à quitter le champ intellectuel pour le champ politique.
13La fonction de l’allocuté comme porte-parole de la propagande nazie peut être tout à fait explicite, comme c’est le cas chez Münzenberg qui traite Paul Scheffer de "Tintenkuli von Rosenberg"9, le jeu de mots entre "stylo" et "coolie" servant à indiquer que Scheffer est à la fois l’esclave et le porte-parole de Rosenberg et donc de la propagande nazie. De même, dans son discours de Raguse, Ernst Toller associe les délégués allemands à la propagande nazie. Leur disqualification en tant qu’intellectuels va de pair avec une dimension de contre-propagande ; toutefois, cette contre-propagande ne se fait pas par réfutation du discours de "l’autre", mais par sa disqualification en tant que personne et/ou qu’intellectuel. Cette caractéristique est particulièrement nette chez Klaus Mann : dans sa lettre ouverte à Emmy Goring, celle-ci ne tient pas – comme ce serait le cas dans un texte uniquement classificateur – le rôle d’un énonciateur dont il faudrait réfuter les propos ; d’ailleurs, le seul pré-texte cité est attribué à Göring lui-même et pas du tout à sa femme, qui est pourtant désignée explicitement comme la cible du texte. L'allocuté perd de sa substance en tant qu’énonciateur pour devenir la cible d’une attaque visant un discours qui le dépasse et existe indépendamment de lui. Si le texte de Klaus Mann est un cas extrême sur ce plan, puisque l’allocutée n’est pas représentée comme sujet parlant, on retrouve cependant le même phénomène à un degré moindre dans de nombreux autres textes, par exemple chez Willi Münzenberg qui vise à la fois l’énonciateur Paul Scheffer et d’autres propagandistes du national-socialisme, s’attaquant en fait à plusieurs pré-textes10.
14Cette coexistence dans les textes de divers pré-textes, qui ne sont pour la plupart que des émanations et des incarnations d’une sorte "d’arché-pré-texte", celui de la propagande nazie, signale que l’allocuté perd de son caractère individuel pour devenir représentatif non plus seulement de la démission des intellectuels en Allemagne mais aussi et surtout du discours officiel en Allemagne. L’intellectuel thématisé est accusé de propager un discours dont il connaît le caractère mensonger, ce qui permet indirectement d'accuser les nazis de mentir et de présenter une vision déformée de la réalité.
II. DU CHAMP CULTUREL AU CHAMP POLITIQUE
1. Goebbels comme point charnière
15Il n’est pas étonnant que la plupart de ces textes à double fonction soient des lettres ouvertes adressées à des journalistes, lesquels se trouvent à mi-chemin entre le champ intellectuel et le champ de la propagande dont ils sont bon gré mal gré les vecteurs. Ces lettres ouvertes s’adressent d'ailleurs de moins en moins à des individus mais plutôt à des organes de la presse nazie, comme le Stürmer ou le Völkischer Beobachter, comme en témoigne la série de textes de divers auteurs publiée le 3 octobre 1934 par le Gegen-Angriff sous le titre générique de Réponse au Völkischer Beobachter. On voit cependant à cette occasion que, là où les "indépendants" comme Klaus Mann ou Alfred Kerr11 publient des réponses qui ont tout d’un texte classificateur-excluant, les émigrés "politiques" attaquent les journalistes du Völkischer Beobachter dans le but de contrer la propagande nazie au sujet des émigrés et au sujet du référendum en Sarre. Ainsi, le pamphlétiste et cabarettiste communiste Erich Weinert cherche surtout à dénoncer les journalistes du Völkischer Beobachter comme propagandistes, et à réfuter leurs propos sur les émigrés :
"Il est vrai que cela ne vaut pas la peine de discuter avec cette pègre déchaînée, de s'en préoccuper vraiment. Mais comme le Gegen-Angriff est beaucoup lu dans le Troisième Reich, je ne voudrais pas passer à côté de l’occasion de montrer aux lecteurs que même les quelques misérables reproches que nous fait cette presse, et dont elle pense qu’ils suffiront à nous dévaloriser aux yeux du peuple allemand, sont complètement infondés."12
16L’allocuté fonctionne alors de manière plus ou moins explicite comme un intermédiaire entre l’auteur et les nazis, ainsi qu’entre l’auteur et son public.
17Ces textes à double fonction visent plusieurs publics sous couvert d’un unique destinataire affiché. Ces divers publics sont d’une part le grand public en Allemagne (et à l’étranger) en ce qui concerne toutes les informations, les nazis pour ce qui est de la démonstration de combativité que représentent ces textes et enfin les autres émigrés auxquels ces textes ont aussi pour fonction de fournir un modèle d’attitude ainsi qu’un modèle textuel. Toutefois, ces textes à fonctions et destinataires multiples sont finalement assez rares, et contiennent en germe divers types de textes associés chacun à une unique fonction. Considérés sous l’angle du degré de politisation des intellectuels émigrés, ils représentent une charnière dans la mesure où ils visent le grand public en Allemagne, même si ce n’est qu’indirectement, alors que dans les textes classificateurs, ce grand public n’était pas exclu mais pas non plus pris en compte. Mais le grand public n’est visé dans les lettres ouvertes que par le biais d’un allocuté qui fait plus ou moins partie du champ intellectuel ; il semble cependant que s’annonce dans ces textes une confrontation directe avec les nazis. On constate en effet un déplacement en ce qui concerne les "destinataires" de lettres ouvertes, lesquelles "s’adressent" de manière croissante non plus aux vecteurs de la propagande nazie mais à ses initiateurs, et ce déplacement des allocutés du champ intellectuel au champ politique signale également une évolution dans le public réellement visé, qui est de plus en plus le grand public en Allemagne. Le passage du champ intellectuel au champ politique s’opère donc, sur le plan du genre textuel, par le passage de textes de type classificateur à des textes de type "lettre ouverte", dans lesquels la fonction classificatrice, devenue inutile lorsque l'allocuté appartient au champ politique proprement dit, disparaît progressivement.
18On peut d'ailleurs situer avec précision l’endroit où s’opère ce passage ; il s'agit d'un certain nombre de textes consacrés et/ou "adressés" à Goebbels, qui représente la frontière entre champ intellectuel et champ politique, puisqu’il est considéré comme à la fois le type même de l’intellectuel "raté", l’instigateur et l’auteur de la propagande nazie, et enfin un homme politique assimilé au reste des nazis. Ce triple statut lui confère une importance particulière, et nous pouvons considérer les textes "adressés" à Goebbels comme la charnière entre textes à dominante classificatrice et textes à dominante informative, ainsi que comme la charnière entre champ intellectuel et champ politique (voir schéma 4 ci-dessous) :

Schéma 4 : Évolution des types de textes selon leur fonction et leur champ d’action
19D'une manière générale, l'évolution chronologique suit une ligne qui va du modèle classificateur au modèle informatif ; cette évolution n'est cependant pas toujours aussi linéaire, ni valable pour chaque auteur. Il ne s’agit que d’une représentation schématique et nécessairement simplificatrice, et ces divers types de textes peuvent aussi exister simultanément. D’ailleurs, si certains émigrés "indépendants" comme Klaus Mann pratiquent le modèle de la "lettre ouverte", les informations qu’ils transmettent ainsi portent essentiellement sur le domaine culturel ; le fait que ces textes soient assez peu nombreux montre les limites de ce passage de la classification à l’information. Si l’on peut considérer qu’il y a eu une influence des émigrés "politisés" sur le plan des modèles textuels, il s’agit surtout d’une influence à retardement, qui ne se fera en fait sentir qu'une fois que les "indépendants" seront passés par une phase de reconstruction, par le biais de textes uniquement classificateurs, de leur identité individuelle et collective.
20Les textes consacrés à Goebbels témoignent eux aussi de ce phénomène : les "politiques" comme Ernst Toller ou le communiste Willi Bredel13 (libéré en 1934 de camp de concentration) pratiquent la lettre ouverte à fonction informative et dénonciatrice, alors que des "indépendants" comme Balder Olden consacrent à Goebbels des textes qui ont l’apparence de "critiques littéraires". Goebbels est très souvent considéré comme l’archétype du faux intellectuel, de l’intellectuel raté – c’est pourquoi Balder Olden traite de ses "œuvres" littéraires dans un texte portant le titre symptomatique de L'écrivain Goebbels14. En tant que "arché-intellectuel dévoyé", il fait l’objet de procédures de classification et d’exclusion ; considéré sous son autre facette, celle du ministre de la propagande, il est une sorte d’"arché-locuteur" de la propagande nazie, la voix qui parle par la bouche de tous ceux (intellectuels et journalistes mis au pas) qui se mettent au service de cette propagande. Cette relation est particulièrement nette dans un texte au titre éloquent, Sieburg et Goebbels, de Maximilian Scheer. Dans ce texte, Scheer démonte tout d’abord le discours de Sieburg sur la France et le parodie pour arriver à la conclusion :
"Sortez Sieburg de son emballage et vous vous trouverez face à un impertinent petit Goebbels."15
21Ces textes relèvent par certaines de leurs caractéristiques du type classificateur ; cependant, cette classification n’est pas gratuite, d’autant plus qu’établir que Goebbels appartient au camp ennemi ne peut être considéré que comme une confirmation d’une donnée connue de tous. Les textes consacrés à Goebbels relèvent principalement d'une contre-propagande, et les procédés classificateurs sont au service de cette intention. Comme dans tous les textes de type "lettre ouverte", il s’agit de confronter le discours officiel et la réalité, comme le fait par exemple Toller :
"Vous prétendez sauver la culture allemande, et vous détruisez ce que la culture allemande a produit de plus noble."16
22Mais contrairement aux lettres ouvertes adressées à des intellectuels, le contraste discours/réalité se fait à l'échelle de la propagande nazie tout entière et les questions ont été remplacées par des assertions qui servent à dénoncer un mensonge permanent. Face à Goebbels s’impose la fonction d’accusation, une accusation démonstrative dont le mode privilégié est le vocatif fictif. Si, dans les textes consacrés à des intellectuels "véritables", il pouvait encore subsister un doute quant à la réalité du dialogue mis en scène, il n’y a aucune ambiguïté dans les lettres ouvertes adressées à Goebbels ou à d’autres nazis. Tous les émigrés sont d’accord sur le fait qu’il ne saurait y avoir de dialogue avec eux ni avec les organisations qu’ils ont mises en place.
23L’accusation vise désormais non plus les "collaborateurs passifs", les "suiveurs" ("Mitläufer") mais les responsables, et contrairement au phénomène de dépersonnalisation qui faisait des intellectuels thématisés dans les textes classificateurs autant de symptômes, on constate dans les textes adressés à Goebbels – ou à d’autres dignitaires nazis – une "surpersonnalisation", au sens où l’allocuté est alors accusé d’être directement et presque exclusivement responsable de tous les crimes dénoncés par ces lettres ouvertes, qui lui sont ainsi attribués.
24Enfin, on retrouve dans ces textes l’aspect performatif et démonstratif qui caractérisait également les textes purement classificateurs : Toller met en scène son accusation de Goebbels au profit de ses collègues émigrés, qu’il exhorte par là même à l’exemple qu’il leur donne :
"Nous vous jurons que vos persécutions vont nous rendre plus durs, votre haine nous rendre plus mûrs, votre combat nous rendre plus combatifs."
25Cette phrase montre à quel point l’attitude des émigrés est conditionnée par celle des nazis ; mais indépendamment de cela, il est intéressant de constater que coexistent dans ce texte une fonction d’information qui ne vise pas le public des autres émigrés, et une fonction d’accusation et d’exhortation qui par contre les vise directement, ce qui confirme que ce texte est à mi-chemin entre des textes purement classificateurs et des textes à dominante informative.
2. Évolution chronologique
26Traitant des intellectuels en Allemagne, la majeure partie des "indépendants" se cantonne à un discours à usage interne, alors que l’on peut considérer les textes de type "lettre ouverte" comme des textes adressés indirectement au public allemand, visant à informer celui-ci, à dénoncer à son intention le caractère mensonger de la propagande nazie, ainsi qu’à disqualifier ceux qui s’en font les vecteurs, les intellectuels mis au pas. On trouve dans ces textes quelques éléments qui révèlent que le public allemand est tout particulièrement visé, et qui montrent qu’ils ne sont qu’une étape vers un discours explicitement tourné vers ce même public, ainsi lorsque la contre-propagande porte sur le décalage entre les promesses électorales des nazis et la réalité du "Troisième Reich". Il faut considérer les informations transmises dans ces textes comme faisant partie d’une stratégie visant à éclairer le peuple allemand ("aufklären") afin de le pousser à se débarrasser de ses tyrans. L’appel à l’action et à la résistance n’est ni direct ni explicite, mais il est visible par exemple dans la manière dont on parle de la résistance souterraine. De même, des expressions comme "ceux qui gouvernent actuellement l’Allemagne", "ceux qui ont actuellement le pouvoir en Allemagne", "ceux qui règnent actuellement"17, qui impliquent que cette situation ne durera pas éternellement et peut être modifiée, peuvent être considérées comme à la fois l'expression de l'espoir et un encouragement indirect à la résistance. Un certain nombre de prédictions ont la même valeur :
"Mais la classe ouvrière va bientôt se débarrasser de ce cadavre [le capitalisme]. Et cela va se produire bientôt",
27écrit Bodo Uhse, qui conclut par un détournement d’un slogan nazi
"les millions de gens que vous avez encore les moyens de forcer à chanter le Horst-Wessel-Lied, ressentent sa dernière ligne comme une promesse à prendre au sérieux : ‘L’esclavage ne durera plus bien longtemps.’"18
28Ces textes contiennent en germe une exhortation du public allemand à agir et à se rebeller, mais celle-ci est encore discrète et surtout indirecte. Ces textes sont une étape sur un chemin qui mène de textes cantonnés au champ intellectuel à des textes réellement politiques, c'est-à-dire des interventions directes dans la vie publique, textes dont la réalisation extrême est ce que nous appelons les textes de type "discours aux Allemands", adressés explicitement et directement au public allemand. Or il semble que le déplacement de l’allocuté-thématisé, du champ intellectuel vers le champ politique, corresponde à un affleurement progressif du public allemand vers la surface du texte, affleurement qui aboutit finalement à des textes dans lesquels ce public est désigné comme tel. Les textes du type "lettre ouverte" sont en fait des "discours aux Allemands" médiats, dans lesquels l’apostrophe du public allemand a lieu par le biais, par l’intermédiaire et sous couvert d’un allocuté-écran.
29Ces textes remplissent plusieurs fonctions qui ne visent pas le même public ; cette multifonctionnalité explique pourquoi ils sont finalement peu nombreux, même s’il y en suffisamment pour pouvoir les considérer comme un groupe à part ; ils seront rapidement remplacés par divers types de textes monofonctionnels et surtout mono-publics (voir schéma 5 ci-dessous pour une représentation globale de cette évolution), entre autres des textes de type "Discours aux Allemands". Ces textes s’adressent soit à l’ensemble de la population sans indication plus précise, soit à des sous-groupes de celle-ci, qui sont alors clairement définis (mères, soldats, étudiants, jeunes etc.)19. Cependant, alors que l'on trouve des textes de ce type dès les années 1935-36, on n'en trouve adressés – de manière non-fictive – à des intellectuels en Allemagne que dans les dernières années avant la guerre (1938-1939)20. Il semble qu’il y ait un décalage entre l’évolution du rapport des émigrés aux Allemands d’une part et de leur rapport aux intellectuels allemands d’autre part, ce dernier étant longtemps dominé par le modèle classificateur-excluant (schéma 5 ci-dessous, case 3).

Schéma 5 : Évolution générale des textes vers une reprise du dialogue avec les intellectuels en Allemagne
30Si le modèle "lettre ouverte" (schéma 5, case 2) est bien une étape vers un dialogue affiché avec le public allemand, et entre autres avec les intellectuels en Allemagne, il produit cependant deux types de textes distincts au départ, et l’évolution vers une reprise du dialogue avec les intellectuels allemands ne passe pas tant par le modèle du "discours aux Allemands" que par un autre type de textes, un type intermédiaire qui permet aux émigrés de se libérer progressivement du modèle classificateur-excluant (schéma 5, case 5), en passant par une description des conditions de vie en Allemagne, ce qui implique de replacer la "trahison" des intellectuels dans son contexte de terreur et donc de nuancer ce jugement, ouvrant la voie vers une reprise du dialogue.
31Dans le schéma 5, c’est la branche de droite (cases 5, 7 et 8) qui nous intéresse le plus, puisqu’elle représente comment s’opère le passage de textes fictivement adressés à des "intellectuels" allemands à des textes s’adressant réellement à ceux-ci comme à un sous-groupe de la population allemande.
32Les textes qui mènent à cette dernière étape et que nous rapportons à un type que nous nommons "reportage culturel", n’ont plus pour fonction affichée de classer-exclure un ou des intellectuels allemands, et l’information n’y passe plus par ce biais. La fonction d’information est alors affichée, et elle concerne le champ de la culture. On trouve dans la production de cette époque de nombreux textes ouvertement informatifs, consacrés à divers domaines de la vie en Allemagne nazie, et ces textes informatifs-descriptifs-explicatifs portant sur la vie culturelle en Allemagne en constituent un sous-groupe. Ils réalisent ouvertement ce que les textes de type "lettre ouverte" ne faisaient que sous couvert d’un allocuté fictif, c’est-à-dire opposer la propagande nazie à la réalité, afin d’opérer une contre-propagande.
33Par ailleurs, nous avons représenté sur le schéma ci-dessus un groupe de textes qui relève à la fois du modèle classificateur et du modèle informatif (case 6) : il s’agit des textes consacrés aux "intellectuels martyrs", c’est-à-dire à un certain nombre d'intellectuels emprisonnés en Allemagne pour lesquels les émigrés se mobilisent.
III. LA CANONISATION DES "INTELLECTUELS MARTYRS"
34Toute prise de position en faveur d’un intellectuel emprisonné en Allemagne implique l’intégration de celui-ci dans le "bon" camp ; sur ce plan, ces textes sont l’exact négatif des textes excluants. Cependant, cette fonction incluante n'est pas la fonction essentielle de ces textes car là où l’exclusion restait toute symbolique, les textes consacrés aux intellectuels martyrs ont un but bien concret : il s’agit d’obtenir à plus ou moins court terme la libération par exemple de Ossietzky, ancien rédacteur en chef de la Weltbühne, le poète anarchiste Erich Mühsam, tous deux arrêtés lors de l'incendie du Reichstag le 28 février 1933, l'écrivain prolétarien Willi Bredel, en camp de concentration jusqu'en 1934, l'écrivain communiste et ancien officier Ludwig Renn (de son vrai nom Arnold Friedrich Vieth von Golßenau), libéré de prison en 1935. Les textes consacrés à ce but doivent avant tout informer sur le sort de ces intellectuels ; l’information y accompagne inévitablement l’action, et l’efficacité exige que cette information soit nettement perceptible et compréhensible.
1. Information et appel à la mobilisation
35L'information porte presque exclusivement sur le sort de l’individu dont il est question et est donc nécessairement limitée21. Il s’agit de décrire, en particulier dans le cas de Ossietzky, les tortures et mauvais traitements qu’il subit et ce afin de contrer le discours nazi sur ses conditions de détention (Ossietzky doit creuser sa tombe, A propos du Prix Nobel de Kurt R. Grossmann22). De même, après le "suicide" de Erich Mühsam en 1934, les textes s’attachent à réfuter la version officielle et à démontrer qu’il s’est agi en fait d’un assassinat23. Pour ce faire, ils utilisent de nombreux témoignages, en particulier d’anciens compagnons de détention de Ossietzky ou Mühsam, qui font le récit des tortures subies par les martyrs et témoignent également de leur résistance morale24. Lorsque les textes décrivent plus généralement les traitements infligés aux opposants en Allemagne, comme le fait Rudolf Leonhard dans Pour Ossietzki25, c’est pour rendre plus concrètes les menaces pesant sur un individu précis.
36Dans ces textes, les émigrés semblent renoncer à dénoncer le système de terreur établi en Allemagne et font preuve de pragmatisme, appelant à une action non pas tant politique que "humanitaire", s’adaptant à leur public, qui est avant tout l’opinion publique internationale. Ils espèrent en effet obtenir une libération des divers intellectuels emprisonnés en Allemagne par le biais de pressions de l’opinion publique et des gouvernements étrangers sur le gouvernement allemand. Ils informent le public étranger en l’appelant à se mobiliser, comme le fait Klaus Mann dans un texte consacré à Mühsam : "Ralliez-vous à notre combat ! Protestez ! Aidez-nous !"26. De même, durant la campagne organisée à partir de 1934 afin de faire attribuer à Ossietzky le Prix Nobel de la Paix27, plusieurs articles appellent à une mobilisation de l’opinion publique internationale pour soutenir ce projet28. Ces appels s’adressent d’ailleurs de plus en plus directement au Comité Nobel lui-même, l’appelant à distinguer Ossietzky en tant que pacifiste persécuté à cause de ses convictions29. Dans Le Prix, Heinrich Mann s’adresse indirectement mais clairement au Comité Nobel :
"Tous ceux qui insistent pour que le Prix soit décerné à Ossietzky espèrent que le comité d’Oslo fera son devoir avant qu’il ne soit trop tard. La prochaine fois, ils ne se contenteraient plus d’insister, ils accuseraient."30
37Enfin, après l’attribution du Prix Nobel à Ossietzky le 23 novembre 1936, les appels à l’opinion publique internationale se poursuivent afin d’obtenir enfin la libération de Ossietzky (il ne sera jamais libéré et mourra le 4 mai 1938 après des années de tortures et sévices). C’est le sens en particulier des textes publiés par Die Neue Weltbühne à l’occasion des 50 ans de Ossietzky, comme Le Martyr dans lequel Heinrich Mann en appelle explicitement à un destinataire désigné par "vous, les démocraties pacifiques"31 ; de même, Joseph Roth, constatant que le Prix Nobel n’a pas suffi à faire libérer Ossietzky, réclame dans La criminelle affaire du Prix Nobel une intervention des autres lauréats du Prix, voire du Président des États-Unis32.
38Cependant, ces appels à l’opinion publique internationale ont été limités par la volonté des organisateurs de la campagne pour le Prix Nobel, organisés au sein du Freundeskreis Carl von Ossietzky ("Cercle des amis de Carl von Ossietzky"). Les membres de ce comité avaient en effet délibérément choisi la voie des actions discrètes dans la coulisse, et les textes adressés à l’opinion publique internationale avant l’attribution du Prix l’ont été contre la volonté du comité, qui craignait en particulier que Ossietzky n’apparaisse ainsi comme un communiste. La campagne visait surtout à influencer discrètement un certain nombre de personnalités étrangères, afin de les pousser à prendre elles-mêmes publiquement position en faveur de Ossietzky. Dans cette campagne, la plupart des émigrés sont restés délibérément en retrait. La seule exception est Die Neue Weltbühne, journal dans lequel sont parus régulièrement entre 1934 et 1936 des petits textes informant sur le sort de Ossietzky. Le comité Ossietzky avait demandé au rédacteur en chef, Hermann Budzislawski, de cesser cette campagne d’information ; le refus de Budzislawski a mené à sa rupture avec le Comité, et les textes informatifs-appellatifs publiés dans Die Neue Weltbühne l’ont été de sa propre initiative33, ce qui explique leur statut unique dans la presse de l’exil.
39Ces textes contrastent avec les autres par leur forme particulière : ils sont tous parus dans la rubrique "Réponses", sous la forme de textes souvent assez courts adressés à Ossietzky sur le mode vocatif – un type de textes caractéristique de Die Neue Weltbühne (par ailleurs inspiré de Die Fackel, le journal de Karl Kraus). Il est clair que ce vocatif est fictif, et que ces textes sont adressés à un autre public ; dans l'un d'eux, la triade auteur-allocuté fictif-allocuté réel apparaît clairement : le texte débute en s’adressant à Ossietzky pour l’informer que sa candidature a été proposée pour le Prix Nobel. Ce vocatif est cependant relativisé aussitôt après :
"Nous saluons l'initiative de la Ligue pour les Droits de l'Homme et regrettons seulement le fait que vous-même n'en saurez vraisemblablement rien",
40et le public réel apparaît juste après :
"Que ceux qui pensent comme nous que vous, qui êtes un martyr du pacifisme, êtres aujourd’hui le candidat le plus légitime pour le Prix Nobel de la Paix, adressent une pétition au Comité Nobel."34
41Si ce procédé rappelle celui des textes de type "lettre ouverte", puisque l’information est ainsi apportée de manière indirecte, il y a tout de même une différence de taille puisque l’allocuté n’est pas la cible de l’attaque mais l’objet de l’appel et de l’exhortation. Les informations portent à la fois sur le sort d’Ossietzky (auquel on feint de s’adresser pour lui décrire ses propres souffrances) et sur l’évolution de la campagne en sa faveur. La coïncidence entre le vocatif et des attaques indirectes contre le comité responsable de la campagne laissent penser que ces textes ont aussi pour fonction de montrer à quel point la rédaction de Die Neue Weltbühne est fidèle au rédacteur en chef de Die Weltbühne et de souligner par contraste la lâcheté ou la trahison des autres, c’est-à-dire de ceux qui participent à la campagne dans l’ombre :
"Que les écrivains à qui il aurait été possible d’informer l’humanité sur les souffrances du candidat au Prix Nobel Carl von Ossietzky, et qui ne l’ont pas fait par lâcheté ou pour préserver leur confort, soient assurés ici que nous n’accepterons plus à l’avenir les prétextes qu’ils ont fait parvenir à la rédaction de Die Neue Weltbühne pour s’excuser, et qu’un jour, leur attitude sera récompensée comme elle le mérite."35
42Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve de nombreux textes de ce type, "adressés" à un martyr, dans la presse communiste orthodoxe, en particulier dans Der Gegen-Angriff. Entre la campagne pour l’attribution du Prix Nobel à Ossietzky, telle que l’a souhaitée le comité, et les campagnes pour la libération de Mühsam, Renn, Bredel, la différence est flagrante. Lorsque Hilde Walter, responsable du Freundeskreis Carl von Ossietzky, souhaitait "que la campagne pour Ossietzky ne se transforme pas en une action purement déclamatoire"36, elle entendait par là à la fois la "politisation" du cas Ossietzky et les méthodes utilisées par la presse d’obédience communiste, dans laquelle la lutte pour les écrivains martyrs était associée à la lutte pour la libération du leader communiste Ernst Thälmann et de tous les communistes détenus en prison ou en camps de concentration. Les textes signés par des communistes associent l’appel à la mobilisation pour un martyr à un appel plus général à la révolution, et utilisent l’information sur les martyrs en Allemagne afin de fédérer autour de ceux-ci un mouvement plus général d’opposition. Cela leur confère un aspect démonstratif et conjuratoire qui dépasse largement la situation concrète de tel ou tel intellectuel détenu en Allemagne ; les textes servent de plus à insister sur l’ampleur de la résistance supposée exister en Allemagne, en soulignant à quel point les intellectuels communistes seraient soutenus par le peuple. Là encore, aspect démonstratif et mode vocatif coïncident, l’exemple extrême étant constitué par les campagnes pour la libération du leader communiste Ernst Thälmann organisées par Der Gegen-Angriff, consistant en une série de télégrammes "adressés" à Thälmann37. Or il est intéressant de voir que Thälmann et Ossietzky sont souvent associés dans des textes consacrés à l’un ou à l’autre comme symboles de la réunion de l’intellectuel et du politique et comme symboles des convictions poursuivies en Allemagne - c’est le cas par exemple dans Pour Ossietzki ![sic] ou L'heure de Ossietzky de Heinrich Mann38. Cette évolution suit la chronologie du rapprochement entre "indépendants" et communistes.
2. Fonction fédératrice des martyrs - Carl von Ossietzky
43Au départ, la situation est la suivante : d’un côté, les "indépendants" s’engagent pour la libération de Ossietzky, de l’autre, les communistes appellent à se mobiliser pour Renn, Bredel, Thälmann, chaque "camp" revendiquant son propre martyr. Ainsi, dans Alerte pour Willi Bredel !, l’appel à la mobilisation que lance le communiste Alfred Kantorowicz, secrétaire général du SDS en exil, s’adresse exclusivement aux membres du "camp" révolutionnaire au sens strict :
"Mais nous, ses proches camarades, nous autres écrivains révolutionnaires, nous n’avons pas le droit de l’oublier ni de le laisser tomber ! Sonnez l’alarme !"39
44Chez les communistes, le statut de martyr est dans un premier temps conditionné par la position politique, et c’est pourquoi les textes de ce type décernent tous une sorte d’attestation certifiant que l’intellectuel dont il est question, comme Ludwig Renn40 fait véritablement partie des rangs communistes. Or certains auteurs "indépendants", précurseurs d’une unification des émigrés, commencent à s’engager à la fois pour Ossietzky et pour Renn ; ainsi, Klaus Mann écrit en 1934 :
"À côté des ouvriers et des leaders ouvriers, des S.A. rebelles ou des conservateurs, des écrivains allemands sont là-bas victimes d’un sadisme qui profite de ses derniers instants pour se déchaîner. Nous ne pouvons pas donner ici la liste de tous nos camarades qui souffrent là-bas ; mais nous pensons à eux tous lorsque nous ne citons que les deux noms les plus connus : Carl von Ossietzky et Ludwig Renn."41
45Du côté des communistes, on constate la même évolution vers une unité dans la mobilisation, ce que traduit en particulier l’hommage rendu par les communistes à Erich Mühsam après la mort de celui-ci. Ils tentent de montrer par le biais de Mühsam qu'ils sont prêts à admettre dans leurs rangs des intellectuels non-orthodoxes, idéalistes et utopistes ("Il était personnellement d'un courage aveugle et droit, comme ses convictions" écrit Fritz Erpenbeck au sujet de Mühsam42), et à leur pardonner leurs "manques" idéologiques au nom du combat commun. On assiste, en particulier dans Saluons encore une fois Erich Mühsam ! de Kisch43, à une canonisation de Mühsam comme martyr de la cause socialiste (Erpenbeck appelle d’ailleurs la classe ouvrière à venger sa mort), qui est clairement une démonstration de tolérance et d’ouverture, un message adressé aux émigrés non-communistes et aux "compagnons de route" potentiels. Cependant, on voit dans le texte de Kisch que la volonté d’ouverture affichée des communistes est encore limitée au champ intellectuel, puisque l’adoubement posthume de Mühsam comme compagnon de route s’accompagne d’une attaque contre la social-démocratie "réformiste".
46C'est au sujet de Ossietzky que se rejoignent réellement "indépendants" et communistes. En effet, alors que Ossietzky est d’emblée perçu comme un symbole par les émigrés indépendants, il n’acquiert ce statut que plus tardivement chez les communistes, chez qui les appels à se mobiliser sont alors justifiés par une description favorable de l’évolution politique de Ossietzky, dont on constate qu’il s’est au fil des ans rapproché des communistes44. Ceci étant établi, la campagne peut s’engager pour donner à Ossietzky le statut d’un martyr non plus de la cause pacifiste (comme c’est le cas chez les indépendants) mais de la cause révolutionnaire. Mais ceci n’est qu’un premier stade et on assiste à une instrumentalisation du personnage Ossietzky qui est finalement mis au service des tentatives pour créer un Front uni dans l’émigration. Ainsi, Hermann Budzislawski, qui militait dans Die Neue Weltbühne pour la formation d’un Front uni, en appelle en 1935 à un large front de soutien à Ossietzky, n’excluant aucune tendance :
"Il est du devoir de tous les pacifistes de tous les pays, des opposants à toute sorte de dictature fasciste, des démocrates, des socialistes et des communistes de s’engager pour Ossietzky."45
47Chez Heinrich Mann, Ossietzky est également utilisé comme vecteur d’un appel à former un Front uni46.
48Deux textes de Franz Leschnitzer traduisent nettement ce changement de fonction : en 1936, dans Carl von Ossietzky47, Ossietzky est canonisé comme "compagnon de route", ce qui correspond aux tentatives des communistes pour fonder une alliance avec les indépendants en leur accordant une sorte de "brevet révolutionnaire" (ce qui se produit par exemple vis-à-vis de Heinrich Mann et Lion Feuchtwanger). En 1938, dans A la mémoire de Ossietzky (un texte qui reprend certains passages du texte précédent), le défunt Ossietzky est cette fois cité comme exemple, comme "un précurseur du front uni socialiste et du front populaire antifasciste"48, et cette insistance traduit bien la manière dont les communistes tentent de sauver encore ce qui peut l’être en matière de Front uni. Le parcours politique de Ossietzky y est présenté comme la seule voie possible pour les intellectuels antifascistes, qui doivent s'inspirer de son exemple :
"et ainsi il a continué son chemin, toujours tout droit, sans se laisser égarer... pour, d’un pas lent mais toujours plus assuré, se rapprocher des bannières rouges."
49Les textes consacrés aux intellectuels martyrs ont tout comme les textes classificateurs-excluants pour fonction de fédérer l’émigration en passant cette fois par l’unanimité dans la classification positive. Ossietzky, et dans une moindre mesure Mühsam et Renn, constituent les pôles positifs de l’échelle de valeur dont les intellectuels renégats représentent l’autre extrémité ; ils cristallisent tout comme les renégats l’émergence d’un discours commun. On constate cependant, là aussi, que ce discours est fédérateur parce qu’il est vague ; en effet, l’appellation "martyr de la cause antifasciste" est parfaitement polysémique, puisque chaque sous-groupe de l'émigration y projette une vision différente et c’est justement pour cela qu’elle est opératoire en tant que bannière unificatrice. Si Ossietzky, en particulier, occupe une place si importante dans les textes de l’exil, c’est bien parce qu’il est devenu, indépendamment de son existence propre, un symbole commun aux émigrés ; et l’unanimité qu’il suscite parmi les émigrés, unanimité sinon plutôt rare, signale que cette fonction symbolique s’impose au détriment de la réalité.
50Quelques critiques s’élèvent cependant au sujet de Ossietzky et de son attitude lors de la prise de pouvoir ; on lui reproche en effet d’avoir trop tardé à quitter l’Allemagne. Joseph Roth et Arnold Zweig en particulier critiquent sa passivité49 ; mais cette critique même confère à Ossietzky un statut de modèle, de contre-modèle dans ce cas précis. Cela confirme la fonction d’Ossietzky comme repère pour toute l’émigration, et la manière dont Roth formule sa critique est éloquente :
"Je crois que la manière la plus solennelle d'honorer la mémoire de notre ami Ossietzky, c'est de parvenir à la conviction suivante : Nous ne voulons plus de martyrs, nous voulons des combattants !"50
51Dans ce jugement, l’utilisation de "nous" est très révélatrice ; tout texte au sujet de Ossietzky s’adresse indirectement à la communauté afin de tirer des leçons de cette expérience. Ossietzky est pour les uns un exemple admirable mais qu’il ne convient pas d’imiter ; pour d’autres, il incarne un modèle d’action, comme le décrit Hermann Budzislawski en une définition suffisamment vague pour que chacun puisse s’y reconnaître :
"Ce qu’il nous reste, c’est un devoir, celui de mener notre combat politique de manière indépendante, chevaleresque et pourtant impitoyable, afin de nous rapprocher de l’attitude par laquelle Ossietzky s’est distingué."51
52L’attribution du Prix Nobel à Ossietzky est ressentie comme une grande victoire, et la référence à Ossietzky tient lieu d’exhortation à poursuivre la lutte et à ne pas perdre espoir. Les textes consacrés à Ossietzky ou Mühsam après leur mort ont également pour fonction de souder la communauté par le souvenir, remplissant la fonction d’une cérémonie commémorative.
3. Un embryon de discours incluant
53Les textes consacrés aux intellectuels martyrs servent donc à fédérer l’émigration autour de martyrs-héros, qui remplissent dans le discours de l’émigration une fonction qui est l’exact négatif du rôle attribué dans ce même discours aux anti-héros que sont les renégats. Cette similitude – puisque héros et antihéros servent tous deux à définir une communauté et à la fédérer, autour de la canonisation d’une part et du rejet de l’autre – invite à examiner ces textes afin de savoir s’ils présentent d’autres ressemblances. Les textes consacrés aux martyrs sont eux aussi textes et modèles de textes, actions et appels à l’action. S’ils se distinguent des textes excluants dans la mesure où ils s’adressent de manière claire à l’opinion publique internationale, ils s’adressent également à l’émigration, envers laquelle ces appels sont présentés également comme des modèles textuels.
54Cet aspect est particulièrement clair dans un texte comme La mort de Erich Mühsam, où Kurt Hiller conclut par :
"Tout homme digne de ce nom, qu’il soit allemand ou non, qu’il ait été un ami ou un adversaire de celui qu’ils ont assassiné, se doit d’accuser, devant le tribunal mondial, le chef de brigade SS Eicke, ses acolytes et le gouvernement qui couvre de tels monstres et les encourage, en particulier par l’exemple qu’il leur donne lui-même."52
55L’injonction est explicite, et c’est ce qui fait la différence avec les textes classificateurs-excluants, dans lesquels elle était plus déguisée. "Ecrivez ! Protestez ! Faites de l’agitation ! Même la parole devient une force matérielle lorsqu’elle touche les masses" écrit la rédaction des Neue Deutsche Blätter53, et cette injonction s'adresse clairement à la communauté :
"Il faut que nous élevions la voix pour Ossietzky. Nous ne pourrons avoir de repos tant que l’opinion publique mondiale, alarmée, n'aura pas arraché Ossietzky à ses bourreaux fascistes, comme elle leur a arraché Dimitroff", "Il ne faut pas cesser de mobiliser sans relâche l’opinion publique mondiale"54.
56Cette valeur normative apparaît en particulier lorsque l’injonction se double d’une accusation, dans laquelle le fait de ne pas se conformer au modèle est assimilé à une trahison, ce que signale l'apparition du thème du silence emprunté au registre des textes d'ex-communication :
"Nous posons la question à tous les écrivains, journalistes, scientifiques et artistes dont le renom est tel que les gardiens de prisons qui règnent en Allemagne ne peuvent faire comme s’ils n’existaient pas : Avez-vous l’intention de continuer à garder le silence au sujet de Ossietzky ? Est-ce que notre camarade Ossietzky n’est pas aussi votre camarade, Monsieur Thomas Mann ? Monsieur Stefan Zweig ? Monsieur Alfred Döblin ? Pourquoi ne dites-vous pas à haute voix et clairement ce que vous pensez : que c’est une infamie sans bornes que d’enfermer treize mois durant derrière des barbelés, comme s’il s’agissait d’un animal sauvage, un écrivain auquel même ses bourreaux ne peuvent rien reprocher d’autre que le fait qu’il ne courbe pas l’échine ? Pourquoi gardez-vous le silence ?"55
57La classification positive, qui est présentée comme le seul jugement possible ("Il faut arrêter de critiquer [Erich Mühsam]", écrit Kisch56 à l'intention des autres communistes), s’accompagne d’une menace à l'égard des émigrés auxquels on tente ainsi d’imposer un modèle textuel. Le modèle "appel à l’opinion publique internationale au sujet d’un martyr" est ainsi établi comme une norme, ce que confirme un poème de Rudolf Leonhard adressé à Stefan Zweig après le refus de ce dernier de signer un appel pour la libération de Ernst Thälmann :
"Tu le sais, tu sais bien ce qui se passe aujourd’hui
Tu connais la vérité et la vieille chanson.
Tu vois ce que nos morts te montrent,
Comme leur témoignage est parlant : et tu arrives à garder le silence ! ? !"57
58Le seul discours autorisé et perçu comme une prise de position véritable est celui qui suit le modèle établi. Le texte classificateur-incluant constitue lui aussi à la fois un arché-texte présenté comme une norme et la réalisation ponctuelle de cet arché-texte. Les textes consacrés aux martyrs représentent une variante positive (incluante) des textes classificateurs, et font d'ailleurs implicitement référence au modèle classificateur négatif (excluant), ne serait-ce que par la présence d’un certain nombre de traits communs. La canonisation même des martyrs, avec ce qu’elle implique de devoir de mémoire, rappelle avec une valeur inversée les menaces proférées envers les renégats :
"Nous nous souviendrons de lui, nous nous en souviendrons bien, lorsque le jour viendra qui n’est pas si lointain où on jugera les sanglants criminels qui se nomment dirigeants du Troisième Reich",
59écrit Weiskopf à propos de Mühsam58, et Heinrich Mann écrit pour sa part :
"On n’oublie rien de tout cela, on note tout pour plus tard."59
60Nous pouvons donc ajouter au modèle classificateur une variante positive et incluante ; celle-ci est cependant limitée à quelques cas d’opposants emprisonnés par les nazis dès les premiers temps du régime. Or ces persécutions sont "motivées" par l'attitude de ces intellectuels avant la prise de pouvoir, et ils deviennent des martyrs avant d'avoir eu le temps de manifester réellement leur opposition. Leur classification positive ne signifie pas pour autant qu’il y ait en Allemagne d’autres intellectuels considérés également comme des héros, et les martyrs ne sont pas présentés comme symptomatiques d’une éventuelle résistance des intellectuels en Allemagne, la seule exception étant Heinrich Mann (auquel nous reviendrons) qui dans deux textes sur Ossietzky décrit la manière dont la résistance s’organise en Allemagne, mais sans évoquer plus précisément l’attitude des intellectuels60. Mis à part ces deux textes, la classification positive se limite aux quelques exemples d’intellectuels notoirement antinazis de la première heure et persécutés pour cette raison ; ces textes supposent que les seuls intellectuels appartenant au "bon" camp en Allemagne sont ceux assassinés ou torturés dans les camps de concentration. La classification positive qu’est la canonisation de ces martyrs n’implique donc pas encore une volonté de reprendre le dialogue avec les intellectuels en Allemagne et il faudra d’autres étapes avant que ne s’amorce une évolution vers un abandon, condition nécessaire à un dialogue, du schéma classificateur héros/anti-héros.
Notes de bas de page
1 GA33/1 ; SG33/1 ; OMG33/1bis ; OMG33/3 ; ET33/1.
2 KM35/1.
3 GA33/1.
4 KM35/1, Lettre ouverte à Emmy Sonnemann-Göring.
5 OMG33/1bis, Méprisez-les !
6 AA33/1, Le chemin du renégat Max Barthel.
7 BU34/2.
8 GA33/1.
9 WMü34/1, Stylo, cravache en hippopotame et une conversation oubliée.
10 WMü34/1.
11 KM34/7, Réponse au Völkischer Beobachter ; AK34/1, Réponse au Völkischer Beobachter.
12 EW34/1, Réponse au Völkischer Beobachter – nous soulignons.
13 ET33/2, Lettre ouverte à Monsieur Goebbels ; WB35/1, Lettre ouverte au Ministre de la Propagande du Reich, Joseph Goebbels.
14 BO38/1.
15 MS36/1.
16 ET33/2, Lettre ouverte à Monsieur Goebbels.
17 ET33/1, TOLLER, E., Discours au Congrès du PEN-Club à Raguse ; OMG33/3, GRAF, O. M., L'argent n'a pas d'odeur ; OMG33/1bis, Méprisez-les !
18 B. Uhse fait allusion ici à un des chants "officiels" du Troisième Reich ; BU34/2, Lettre ouverte vers l'Allemagne.
19 Cf. ROBERT, Valérie, “Le ‘Discours aux Allemands’ dans la littérature de l’exil : un nouveau genre littéraire ?”. In : KREBS, Gilbert, SCHNEILIN, Gérard (Ed.), Exil et résistance au national-socialisme 1933-1945. Asnières, PIA, 1998, pp. 297-318.
20 Comme c’est le cas pour Klaus MANN, dans Aux écrivains dans le Troisième Reich, mai 1939, KM39/1 ; Aux intellectuels allemands, septembre 1939, KM39/2 – à ce sujet, cf. chapitre 10.
21 une exception étant en particulier le discours prononcé par Josef Halperin à Zurich au sujet des persécutions en Allemagne, JH35/1, Ceux qui tiennent bon.
22 GA33/7 ; KRG37/1.
23 FE34/1, Erich Mühsam.
24 par exemple dans FCW34/4, WEISKOPF, F. C., Notre camarade Mühsam.
25 RL34/3.
26 KM34/8, Erich Mühsam.
27 À ce sujet, cf. TRAPP, Frithjof, BERGMANN, Knut, H ERRE, Bettina, Carl von Ossietzky und das politische Exil, Die Arbeit des Freundeskreises Cari von Ossietzky in den Jahren 1933-1936. Hamburg, Hamburger Arbeitsstelle für deutsche Exilliteratur, 1988.
28 GB34/2, BERNHARD, Georg, Le Prix de la Paix 1934 ; KH35/1, HILLER, Kurt, Que le monde de la culture sauve Carl von Ossietzky !
29 NWB35/8, A propos du Prix Nobel.
30 HM36/4.
31 HM37/2.
32 JR37/1.
33 Cf. TRAPP, F. et al., Carl von Ossietzky und das politische Exil, op. cit., pp. 51-52.
34 NWB34/2, Carl von Ossietzky.
35 NWB34/3, Carl von Ossietzky.
36 TRAPP, F. et al., Carl von Ossietzky und das politische Exil, op. cit., p. 179.
37 KISCH.E. E„ Der Gegen-Angriff, Jg. III, Nr. 30, 27.07.1935 ; GRAF, O. M., Der Gegen-Angriff, Jg. III, Nr. 31, 2.08.1935 ; MANN, H., FEUCHTWANGER, L., Deutsche Volkszeitung, Nr. 16, 17.04.1938.
38 GA34/7 ; HM36/5.
39 AKan34/2- souligné dans le texte.
40 par exemple dans GA34/8, L'écrivain Ludwig Renn condamné à 2 ans 1/2 de prison !
41 KM34/8, Erich Mühsam.
42 FE34/1, Erich Mühsam.
43 EEK34/1.
44 GA34/7, Pour Ossietzki ! [sic].
45 HBu35/2, Courage civique.
46 HM36/5, L'heure de Ossietzky.
47 FL36/1.
48 FL38/3.
49 AZ38/1, Le gentleman ; JR38/2, Martyr et combattant.
50 JR38/2.
51 H Bu.38/2, Carl von Ossietzky.
52 KH34/1.
53 NDB34/8, Commentaire de la rédaction.
54 RL34/3, Pour Ossietzki [sic] ; GA34/7, Pour Ossietzki ![sic]
55 GA34/7.
56 EEK34/1, Saluons une dernière fois Erich Mühsam !
57 RL34/1, A Stefan Zweig – souligné dans le texte.
58 FCW34/4, Notre camarade Mühsam.
59 HM36/5, L'heure de Ossietzky.
60 HM37/2, Le martyr, HM38/1, Le mort-vivant.
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