Revanche ou partenariat ?
À propos des nouvelles orientations de la recherche sur la politique française à l’égard de l’Allemagne après 1945
p. 100-119
Texte intégral
I. Approche difficile d’un sujet complexe
1Les rapports entre la France et l’Allemagne au cours de la première décennie après la guerre sont un de ces thèmes de recherche où, depuis l’ouverture progressive des archives dans les années 1980, des stéréotypes souvent repris par les historiens à partir des souvenirs de contemporains ont été fondamentalement remis en question et continuent à l’être de plus en plus.
Stéréotypes traditionnels
2Pendant longtemps, pour les historiens, la ligne suivie par la politique française à l’égard de l’Allemagne paraissait claire.1 Pour eux, Paris avait tout simplement repris et poursuivi en 1945 sa vieille politique de sécurité du temps de la première après-guerre, cherchant à détruire, non à reconstruire. Les Français, disait-on, exigeaient l’annexion de la Sarre – voire, selon certains auteurs, celle de toute la rive gauche du Rhin et même de la Ruhr –, l’internationalisation de la Ruhr, une part substantielle des prestations allemandes au titre des réparations et un démantèlement du Reich. On estimait que l’unité économique de l’Allemagne, décidée à la conférence de Potsdam, avait cessé d’exister, avant même le début réel de la Guerre froide, à cause de la politique d’obstruction menée par la France au sein du Conseil de contrôle allié. On expliquait que la France avait isolé sa zone des autres zones et de surcroît les différents Länder de sa zone entre eux, menant ainsi une politique de morcellement à tous les niveaux ; qu’elle avait soumis sa zone à une ample exploitation économique par des démontages massifs, par une gestion de l’économie conforme aux intérêts de la France et non pas à ceux de l’Allemagne, par des exportations exorbitantes dont une partie seulement a été payée, ainsi que par des manipulations des cours des changes pratiqués pour les paiements. Une inflexion progressive de cette politique ne se serait produite que sous la pression des Anglo-Américains, qui auraient utilisé notamment comme moyen de pression l’aide économique de l’Amérique à la France. C’est seulement lors de la Conférence des Ministres des Affaires étrangères à Moscou au printemps 1947 qu’ils auraient obtenu de la France qu’elle renonce à sa politique de pure exploitation et de morcellement de l’Allemagne, avant que Paris n’acceptât bon gré mal gré en 1948/49 la fusion des zones occidentales et la création de la République fédérale. Le plan Schuman de création d’une Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1950 aurait été le premier signal d’un nouveau départ sous l’égide de l’Europe. Mais le rejet de la Communauté Européenne de Défense par l’Assemblé Nationale française en 1954 aurait montré à quel point la politique de coopération était peu assurée à Paris. C’est pourquoi on considérait que le véritable tournant était dû à Adenauer et à de Gaulle en 1962/1963.
3Pendant des décennies on n’avait guère remis en question2 une vision de la France menant à l’égard de l’Allemagne une implacable politique de sécurité et de réparations3, critiquée seulement par quelques hommes clairvoyants, et n’ayant cédé la place à une politique de coopération que grâce à Adenauer et de Gaulle4. Certes, cette image n’est pas entièrement fausse. Elle reflète sans aucun doute le point de vue de forces politiques françaises importantes.5 Mais elle s’est avérée trop schématique pour caractériser globalement les relations entre les deux pays après la guerre. Et surtout elle n’est pas exacte en ce qui concerne la politique gouvernementale, y compris celle du général de Gaulle depuis 1944/1945. Il faut donc rectifier l’interprétation traditionnelle, tant du point de vue de la périodisation qu’en ce qui concerne l’analyse des structures internes de ces relations.
4En réalité, bien des bases décisives sur lesquelles se développera plus tard le rapprochement ouvert des deux pays ont été jetées dès les derniers mois de guerre et les premiers mois de l’après-guerre, et surtout dans les années suivantes jusqu’en 1948. Au niveau du gouvernement français, le motif principal n’était certes pas un idéal d’amitié entre les peuples. En revanche, un certain nombre de responsables politiques de premier plan ont très tôt reconnu que le sort des deux pays était lié et que la reconstruction et la modernisation de la France n’étaient guère possibles si l’on se bornait à exploiter le voisin d’Outre-Rhin au lieu de mettre en place des structures de coopération durables, dont précisément la France tirerait elle aussi bénéfice. Nous y reviendrons.
Les raisons de cette interprétation historique à sens unique
5Même lorsque des interprétations se révèlent trop unilatérales, il faut pourtant les expliquer. Les raisons sont multiples et nous ne pouvons que les énumérer succinctement :
La politique française de ces années était extrêmement compliquée et son analyse pose de nombreux problèmes à l’historien. Des formulations à l’emporte-pièce sont toujours très séduisantes, mais elles sont particulièrement impropres à expliquer une politique lorsque celle-ci est obligée de trouver sa voie dans un contexte extrêmement complexe en tenant compte des contraintes objectives diverses de la politique, de l’économie, de la société, de la politique internationale et de l’opinion publique ; une politique obligée de prendre en considération aussi bien les nécessités de la reconstruction et de la modernisation de la France que les prédispositions d’une opinion publique marquée par l’expérience, tellement multiforme elle aussi, de la collaboration et de la résistance.
Après la libération, l’appareil politique et administratif français était confronté au niveau mondial et national à des problèmes tellement nombreux qu’il s’est trouvé souvent dans l’impossibilité d’y faire face. C’est aussi pourquoi des objectifs politiques affichés de manière péremptoire n’avaient souvent pas fait l’objet, au niveau interne des instances de décision, d’une planification détaillée permettant leur mise en œuvre. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la Sarre, question si passionnément débattue dans l’opinion publique française, de tels plans –contrairement à ce qui était le cas pour la Ruhr – n’ont commencé à voir le jour qu’en 1947, lorsque Michel Debré a pris la direction du département “Sarre” nouvellement formé au Quai d’Orsay. Le fait que l’administration soit dépassée par l’ampleur des tâches, n’avait pas pour seule conséquence l’absence de conceptions claires ; il en résultait aussi un manque de rigueur dans la tenue les dossiers, ce qui rend particulièrement difficile la tâche de l’historien tentant de reconstituer après coup la manière dont les décisions ont été prises. Dans beaucoup de domaines, cette tâche est beaucoup plus difficile que par exemple pour les Américains et les Britanniques. Les problèmes administratifs qui se sont posés dans un pays occupé pendant quatre ans et partiellement détruit ont ainsi influencé directement pendant longtemps la recherche historique, sans qu’on s’en soit suffisamment rendu compte.
Il y a une question de méthode, en étroite corrélation avec ce problème : pendant longtemps, certains aspects de la recherche se sont nettement concentrés sur l’interprétation de textes, sur des sources reflétant “l’opinion publique”, sur des déclarations officielles de source gouvernementale. Sous l’influence de la mémoire collective, on a ainsi considéré parfois les déclarations gouvernementales comme plus univoques qu’elles ne l’étaient vraiment lorsqu’on les compare avec la politique pratiquée réellement. A cela s’ajoutaient des erreurs de traduction, par exemple dans des textes du général de Gaulle dont la version allemande paraît parfois moins ambivalente que l’original. Des textes seuls, quelle que soit leur importance, ne sont pas suffisants pour analyser la politique française de ces années. L’analyse doit aussi tenir compte de la politique mise en œuvre et cela tout particulièrement lorsque les textes permettent des interprétations différentes.
La politique d’occupation de la France dans le sud-ouest de l’Allemagne n’a été abordée par la recherche que relativement tard, surtout à cause de l’accessibilité des sources et des blocages de la mémoire collective. C’est ainsi qu’il a fallu attendre trois décennies après la fin de la guerre pour s’apercevoir petit à petit que la réalité de l’occupation était beaucoup plus multiforme qu’on ne l’avait pensé tant qu’on l’analysait en termes de “colonie d’exploitation”6. Il a fallu encore plus longtemps pour se rendre compte que, sous l’angle de la politique pratiquée dans la zone d’occupation française, il fallait aussi réviser l’image qu’on s’était faite de la politique de Paris à l’égard de l’Allemagne. Dans les ouvrages qui traitaient principalement de ce qui se passait au niveau parisien, les nouvelles découvertes concernant la zone d’occupation ont souvent été ignorées, tant du côté français que du côté allemand. Ni les uns ni les autres n’ont intégré ces données dans leurs interprétations et pourtant, nous le savons aujourd’hui, les deux niveaux ne peuvent pas être dissociés. En outre, bien avant que l’on puisse analyser la politique française sur la base d’archives, la recherche sur les politiques américaine et britannique était déjà très avancée. C’est pourquoi on a parfois repris aussi, sans y prendre garde, des jugements politiques portés par les autres Alliés sur les Français, en les confondant avec des résultats de recherche directement trouvés dans des sources françaises ; c’est de cette manière que la recherche a été influencée par les oppositions aiguës entre les Américains et de Gaulle, et a reproduit aussi certains jugements politiques américains influencés par ces antagonismes. C’est ainsi que se sont ancrées dans la recherche des interprétations, qui pour les deux autres puissances d’occupation occidentales reposaient souvent sur un travail d’archives, mais qui, en ce qui concernait les Français, reflétaient davantage des stéréotypes de la mémoire collective et des positions politiques de l’époque que des résultats scientifiques de la recherche. Cela aussi, pendant longtemps on n’en avait pas pris conscience. Au demeurant, une étude plus attentive des documents américains relatifs à ces questions, documents déjà publiés à partir de 19607, aurait dû mettre beaucoup plus tôt sur la voie de nombreuses particularités maintenant connues.
Depuis des siècles, les rapports des Allemands avec les Français étaient à bien des égards beaucoup plus compliqués qu’avec les Britanniques et les Américains. La population allemande – et aussi, par la suite, certains historiens – ont parfois réagi de manière bien différente à des rigueurs identiques ou semblables de la part des trois puissances d’occupation occidentales. Ils ont jugé les Français plus sévèrement que les Britanniques et les Anglais, surtout plus tard, en se remémorant cette période. Ce qui se manifeste là, ce sont des schémas réactionnels anciens, souvent véhiculés de bien des manières de génération en génération. N’oublions pas que le Sud-Ouest de l’Allemagne n’est pas seulement une région où se sont retrouvés au XIXe siècle des libéraux allemands et français, où le souvenir des réformes napoléoniennes est resté dans les mémoires – à tort ou à raison – comme une période de modernisation accélérée. Il a également été le théâtre des guerres du Palatinat dont le souvenir reste vivant dans les chansons et des histoires ; les célèbres ruines du château de Heidelberg conservent le souvenir de la dévastation du Palatinat. C’est aussi le pays où des contingents particulièrement nombreux d’Allemands ont été enrôlés dans la Grande Armée de Napoléon et y ont trouvé la mort : grâce aux Histoires d’almanach de Johann Peter Hebel, les souvenirs négatifs laissés par Napoléon sont restés vivants eux aussi. Enfin, la rive gauche du Rhin, tout comme la Ruhr, a fait l’expérience après la Première Guerre mondiale d’une administration d’occupation particulièrement maladroite. Or l’expérience de ces affrontements sévères et de l’effondrement de la monnaie allemande consécutive à la résistance allemande contre l’occupation de la Ruhr remontait à moins d’une génération. C’est pourquoi la population ne voyait pas les Français du même œil et gardait en mémoire bien des choses qu’elle oubliait plus facilement quand il s’agissait des autres occupants occidentaux : “on les connaissait bien”, ces Français.
Une autre expérience fut celle de la famine. Alors que des millions de personnes en avaient souffert pendant la guerre dans les pays occupés par les Allemands, celle-ci ne toucha gravement l’Allemagne qu’en 1946/47 – à un moment où les Alliés avaient pris le pouvoir dans le pays. La même chose vaut pour le marché noir avec son cortège d’aventures et d’injustices sociales. Mais le marché noir et la famine n’étaient pas provoqués seulement par les destructions du fait de la guerre ou par les soldats alliés trafiquant avec des cigarettes et du café. La situation était davantage imputable à tous les moyens utilisés par la politique économique et financière du IIIe Reich – dont beaucoup ne voyaient que les réussites – pour cacher le prix à payer : l’inflation retardée, le gigantesque endettement voilé de l’état et tous les moyens utilisés pour financer la guerre. Cet édifice s’écroula comme un château de cartes à la fin des hostilités, à partir du moment où la discipline n’était plus maintenue par la pression de la guerre et la terreur intérieure exercée par le parti. Beaucoup de ses conséquences furent alors mises sur le dos des Alliés et non pas attribuées à la politique allemande qui en était responsable en réalité – souvent aussi parce qu’on ne connaissait pas vraiment les données du problème, qui étaient complexes.8 Parce qu’on avait faim, on était peu porté à reconnaître les aspects positifs de la politique de démocratisation des Alliés – et nous en percevons aujourd’hui encore les conséquences.
6On voit donc bien pour quelles raisons une vue simplificatrice de la politique française au lendemain de la guerre a pu voir le jour. Mais aujourd’hui nous en savons plus.
II. Évolution d’une politique ambivalente
7Grandeur – charbon – sécurité : ce slogan définit bien les objectifs centraux de la politique extérieure française en 1945.9 C’était en apparence une réédition de la vieille politique de sécurité militaire et économique de 1919. Mais que signifiait, en 1945, dans le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce vieux slogan ? Lorsqu’on étudie de plus près les premiers documents clés de cette époque et les processus de décision, et lorsqu’on tient compte aussi de la politique réellement mise en œuvre en Allemagne, surtout dans la zone d’occupation, on constate que le contenu de ces mots d’ordre a changé, et ce, fondamentalement.
Ébauche d’une nouvelle politique de sécurité 1944-1945
8Après la guerre, les conceptions des diverses forces politiques sur la politique française à l’égard de l’Allemagne divergeaient, sauf sur un point : il fallait utiliser dans toute la mesure du possible les ressources allemandes pour la reconstruction de la France – un des rares consensus qu’il était possible de réaliser en France, étant donné la violence des affrontements politiques intérieurs.10 Dans le débat public, on peut distinguer, en schématisant, deux conceptions types : la première, qui s’articulait autour de la notion de domination, voulait assurer la prépondérance de la France sur l’Allemagne, la seconde, axée sur l’intégration, visait la sécurité par l’intégration de l’Allemagne dans un ensemble plus vaste.11 Mais une telle distinction ne va pas au cœur du problème, s’agissant de la politique du gouvernement. En effet, au niveau gouvernemental, la politique était précisément caractérisée par un mélange complexe entre ces deux conceptions en apparence contradictoires. Depuis l’époque du gouvernement d’Alger, en 1943, et plus fortement encore depuis 1944, se sont dégagées les grandes lignes d’une nouvelle conception. Elle a semblé acceptable à l’opinion publique justement parce qu’elle utilisait souvent l’ancien langage de 1919, mais dans la réalité ses contenus ont rapidement évolué. Le langage a masqué cette évolution même aux yeux de la recherche historique. Pourtant elle se reflète déjà dans les notions clés de la politique : la grandeur, c’est-à-dire la préservation ou le rétablissement de cette position de puissance mondiale que la France avait commencé à perdre dès la fin de la Première Guerre mondiale, était un but central de la politique française, et ce, dans tous les camps politiques. Mais comment faire pour y parvenir ? Comment mettre le potentiel allemand au service de cet objectif ? Le second terme du slogan ci-dessus, “charbon”, a d’abord mis en lumière l’importance essentielle du secteur de l’énergie pour la reconstruction de la France, condition préalable pour retrouver sa position de grande puissance. Mais la nécessité de la reconstruction après les destructions de la guerre et le pillage du potentiel économique français par l’occupant allemand pour couvrir les besoins de la guerre ne constituait qu’une partie du problème. On trouvait maintenant à des postes de premier plan des hommes politiques et des hauts fonctionnaires jeunes qui, dès l’entre-deux-guerres, avaient mené une réflexion approfondie sur l’absence de modernisation économique en France après 1918 et considéraient que c’était là le problème essentiel du pays après la Seconde Guerre mondiale. Jean Monnet est un très bon exemple de ces hauts fonctionnaires qui exerceront bientôt une influence décisive au niveau français comme au niveau européen. L’ouverture de la France sur les marchés internationaux et la nécessité pour l’industrie française d’affronter la concurrence internationale étaient à la base de telles conceptions. Il était clair dès 1944 pour la plupart des hommes politiques de premier plan que ni la reconstruction de la France ni, à plus forte raison, la modernisation du pays ne pourraient être réalisées seulement ou principalement grâce aux réparations fournies par l’Allemagne – quoi qu’en ait pensé une opinion publique française particulièrement agitée. La prépondérance française en Europe tout comme son approvisionnement énergétique – donc, aussi bien la grandeur que le charbon – ne pouvaient être assurés que si la politique française parvenait à des solutions d’intégration supranationale. La voie qui devait aboutir au plan Schuman était déjà indiquée ici dans ses grandes lignes avant même la fin de la guerre – il n’est pas apparu par surprise en 1950.12 Ces concepts d’intégration, qui existaient dans les grandes lignes dès la fin de la guerre au niveau gouvernemental, ne se limitaient donc absolument pas aux milieux socialistes, et ils ne furent pas non plus imposés aux Français par les Américains en 1947-1948– et pourtant ces deux opinions sont aujourd’hui encore largement répandues dans la recherche historique.
9En assurant la prédominance française sur le plan politique et économique par la voie d’une politique (encore peu claire) d’intégration, on avait déjà réalisé une condition préalable essentielle pour atteindre le troisième objectif : la sécurité. Sur ce plan aussi, la réflexion allait bien au-delà de conceptions anciennes. Si le national-socialisme a été – comme il l’a lui-même prétendu et comme l’ont constaté de nombreux analystes politiques du camp allié – la conséquence de la tournure d’esprit des Allemands, militaristes, antidémocratiques, soumis à l’autorité, il fallait changer cette mentalité. Peu importe que cette interprétation ait été historiquement plus que douteuse, ce qui compte ce sont ses conséquences politiques, indépendamment de son exactitude. Fondamentalement, dans l’esprit de nombreux responsables français, la sécurité de la France face à l’Allemagne ne consistait plus seulement, comme cela avait été le cas après la Première Guerre mondiale, en une sécurité militaire et économique. Il s’y ajoutait un troisième élément : il s’agissait d’agir sur la société allemande, afin de lui faire perdre le potentiel agressif et expansionniste qu’on lui supposait. C’était l’objectif de la “démocratisation”. Adoptée encore sous le gouvernement du général de Gaulle, la première directive adressée aux Commandants en chef en Allemagne et en Autriche exprime déjà cette nouvelle politique de sécurité lorsque, par exemple, on y compte la “destruction ... de l’œuvre prussienne”, considérée comme base de “l’œuvre hitlérienne”, parmi les objectifs essentiels, au même titre que la réouverture des universités allemandes et la reconstruction d’une presse de qualité.13 Paradoxalement, certaines bases de la future coopération franco-allemande résultèrent ainsi d’abord du désir de sécurité de la France – mais d’un désir de sécurité qui se traduisait par une pratique politique beaucoup mieux appropriée aux conditions politiques, économiques et sociales de l’Europe dans la seconde moitié du XXe siècle qu’on ne pouvait, dans un premier temps, le dire à une opinion publique animée surtout par un esprit de revanche. Dans la perspective de la France, une conception de la sécurité soucieuse de modernisation et combinant la sécurité militaire et économique avec la démocratisation, exigeait, à l’égard de l’Allemagne, à la fois un contrôle et une coopération. Ainsi, ce qui sera l’ambivalence fondamentale de la pratique politique est déjà contenu en germe au cœur de cette nouvelle conception de la politique de sécurité.
Politique d’occupation entre exploitation et démocratisation
10Ces conceptions gouvernementales, qu’on ne connaît bien que depuis peu de temps, permettent également de mieux comprendre certaines découvertes récentes de la recherche sur la politique d’occupation pratiquée en Allemagne. Un nombre croissant de livres et d’articles arrivent à cette conclusion centrale que la politique d’occupation, dans ses domaines les plus divers, était d’une grande complexité et comportait des aspects novateurs et constructifs d’une portée bien plus grande qu’on ne l’avait cru jusqu’alors.14 C’était dû en partie à des conceptions différentes voire contradictoires, à des divergences de vue et des antagonismes personnels ou administratifs au sein de l’appareil du gouvernement militaire15, aux conséquences variées d’une multitude de difficultés pratiques qu’il s’agissait de surmonter dans un pays partiellement détruit. Mais la grande importance prise, en particulier, par la politique culturelle et la politique sociale s’explique surtout du fait que ces deux domaines étaient des parties intégrantes de la nouvelle politique de sécurité élaborée peu à peu en 1944/45. Certains secteurs signalés comme relevant de la “politique de démocratisation” ont été considérés d’une importance suffisante pour prendre le pas même sur les intérêts économiques de la puissance d’occupation – alors que les historiens ont pendant longtemps considéré à tort que ces derniers avaient une priorité absolue. Beaucoup de réalisations de l’occupant français ont dépassé considérablement celles des Britanniques et des Américains dans leurs zones respectives. Mais, même dans des domaines où prévalait encore jusqu’à présent l’image d’une pure politique d’exploitation et d’une politique de sécurité d’un autre temps, on découvre maintenant des ambivalences fondamentales et la nécessité de corriger cette image.
11Le général de Gaulle avait déjà exprimé clairement ces ambivalences au début du mois d’octobre 1945, lors d’un périple à travers plusieurs villes de la zone d’occupation.16 En l’occurrence, il s’agissait pour lui d’assurer l’influence française en Allemagne dans le long terme. Mais en même temps, à la grande surprise de ses auditeurs, il a lancé dans plusieurs de ses discours des appels à la coopération franco-allemande pour la reconstruction de la zone. Ainsi à Fribourg :
“Nous avons donc à travailler ensemble [...] à une chose qui s’appelle la reconstruction [...] Quand je parle de reconstruction, je parle d’abord, bien entendu, au point de vue matériel, de tout ce qui concerne la reconstruction des bâtiments, l’alimentation de la population et l’activité économique en général. Je parle aussi de tout ce qui concerne le point de vue moral, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la justice ou de la religion, de l’administration...”
12Dans les instances dirigeantes du gouvernement militaire de Baden-Baden, ces discours ont été considérés officiellement comme des directives du chef du gouvernement. Celles-ci ont permis, par exemple, au Chef de l’Administration civile, Émile Laffon, de donner comme instructions aux gouverneurs des Länder, au nom de de Gaulle, que “la politique administrative” devrait “permettre la renaissance de l’esprit public” et habituer les Allemands “au jeu des institutions démocratiques qui, demain, seront les leurs”.17 L’ambivalence se manifeste là aussi :
“conformément à la politique définie par le Général de Gaulle, nous allons être conduits à orienter la production en tenant le plus grand compte des besoins de la population allemande. La nécessité la plus urgente est sans doute celle de la reconstruction. Il est bien certain que la reconstruction française doit passer avant la reconstruction allemande, [...] mais il est bien certain aussi que nous devons donner à ce pays l’espoir d’une renaissance économique [...]. En résumé, la politique que nous entendons suivre dans tous les domaines peut se définir par son double caractère de fermeté et d’humanité.”
13Cela ne signifie naturellement pas que la pratique était toujours à la hauteur d’aussi nobles objectifs. Mais cela signifie que des actions constructives dans la politique d’occupation bénéficiaient d’un soutien au niveau le plus élevé, à Paris comme dans la zone d’occupation, et parfois même découlaient d’initiatives prises à ces niveaux. De telles directives n’avaient plus rien de commun, dès 1945, avec des notions comme une pure “colonie d’exploitation” (Eschenburg), que de nombreux responsables au sein du gouvernement militaire considéraient naturellement comme légitimes. La pratique de la politique d’occupation était fondée ici sur une idée déjà formulée à Alger : une politique de modernisation et de reconstruction conçue sur une base supranationale correspondait mieux qu’une exploitation pure et simple par des réparations aux intérêts français essentiels.
14C’est dans le domaine de l’action culturelle que les aspects constructifs de la politique française ont été reconnus et appréciés le plus tôt par les Allemands. C’est également le domaine le mieux étudié.18 Beaucoup d’historiens – en particulier Theodor Eschenburg – ont estimé que ce n’était qu’une sorte de palliatif pour cacher les rigueurs de l’occupation. Pourtant, dans le cadre de la nouvelle politique de sécurité que nous avons esquissée ci-dessus, il faut réviser à la hausse son importance et ses objectifs, et cela explique aussi les moyens financiers importants mis en œuvre par la France dans ce domaine. Mais dans le secteur culturel on retrouve aussi l’ambivalence fondamentale de la politique française. Bien que, par exemple, dès les mois d’octobre-novembre 1945, sous la présidence du général de Gaulle, Paris eût adopté des directives détaillées pour la réforme scolaire dans la zone française et pour une “pédagogie nouvelle” par contraste avec la “pédagogie nazie”19, la mise en application sous l’égide, très engagée, de Raymond Schmittlein, directeur de l’éducation dans le Gouvernement militaire de Baden-Baden, était empreinte d’un esprit de prosélytisme qu’on peut qualifier de jacobin : par des réformes scolaires sur le modèle français, la France devait apporter à l’Allemagne la démocratie et les valeurs humanitaires du monde. Ce missionnarisme dont la cible privilégiée était le Humanistisches Gymnasium (le lycée classique), considéré comme élitiste, s’est rapidement heurté à une résistance de plus en plus ferme des Allemands. Dans d’autres domaines, la France eut davantage de succès. C’est ainsi que les universités créées à Mayence et en Sarre20 ont subsisté, de même que l’École supérieure d’administration de Spire21 – conçue initialement, il est vrai, comme une sorte d’ENA allemande – et l’Institut d’Interprètes de Germersheim. Très tôt, on organisa des rencontres d’étudiants ou de “multiplicateurs” et celles-ci ont créé un réseau de relations personnelles dont les effets se sont prolongés pendant longtemps. Des noms comme Emmanuel Mounier, le Père du Rivau, Alfred Grosser, Joseph Rovan – qui s’occupait, au sein du gouvernement militaire, de l’éducation des adultes – sont représentatifs de ces initiatives qui marqueront l’avenir. Les activités multiformes dans le domaine du théâtre, du cinéma, des expositions et de l’édition de livres ont souvent rencontré un accueil enthousiaste. Quelques-unes des revues allemandes les plus ambitieuses intellectuellement des années d’après-guerre ont paru dans la zone française.
15Il en allait de même pour la presse et la radio.22 Certains rédacteurs de l’ancienne Frankfurter Zeitung ont d’abord continué à travailler dans la zone française, à Fribourg dans la Badische Zeitung et à Mayence dans la Mainzer Allgemeine, journal d’où est issue la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans le domaine des médias, le gouvernement militaire était particulièrement soucieux de garantir l’égalité des chances pour toutes les forces politiques considérées comme démocratiques, souci qui s’étendait jusqu’à l’attribution du papier selon des critères politiques. Du côté allemand cependant, on voyait surtout le contrôle étroit qu’impliquait inévitablement ce système.
16La politique de dénazification de la France apparut d’abord à beaucoup de ceux qui l’ont vécue directement, mais aussi aux historiens23, comme marquée par l’arbitraire et l’incohérence, soucieuse surtout d’exercer un contrôle et d’impressionner l’opinion publique. Dans ce domaine aussi, on a pu montrer récemment qu’en réalité, parmi tous les Alliés, ce furent les Français qui ont développé pour la dénazification la conception la plus différenciée, sous l’influence déterminante d’Émile Laffon, qui avait déjà eu des responsabilités importantes dans l’épuration intérieure française lorsqu’il était en fonction au Ministère de l’Intérieur.24 Refusant le schématisme caractérisant la dénazification pratiquée par les Américains, qui privilégiaient le critère formel de la position occupée sous le IIIe Reich, les Français, au contraire, se sont efforcés de déterminer la responsabilité individuelle du point de vue politique. Un telle procédure était juridiquement très discutable par bien des aspects et n’a finalement pas atteint son objectif ; en 1947 les Français ont dû se rallier à la politique de dénazification des autres Alliés. Mais il faut néanmoins retenir l’importance politique de ces conceptions différenciées.
17La reconstruction des partis25 et des syndicats26, qui se fit par étapes et parut particulièrement lente, semblait être caractérisée, aux yeux des Allemands, par un contrôle pointilleux, voire chicanier. En fait, l’occupant a appliqué là aussi une conception complexe fondée sur la reconstruction des organes politiques à partir du niveau local. Elle était surtout influencée par une profonde méfiance à l’égard des partis allemands, auxquels on imputait une grande partie de la responsabilité de l’échec de la République de Weimar. Comme les Anglo-Saxons, les Français s’efforçaient avec succès d’éviter la reconstitution d’un système de partis morcelé à l’extrême comme celui d’avant 1933 et de consolider quatre courants de base dans le spectre des partis allemands : chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates, libéraux et communistes. Comme le montre l’analyse des processus de décision27, dans les premières années les syndicats dans la zone française avaient parfois une influence politique plus grande que les partis – plus grande qu’ils ne l’admettaient eux-mêmes – car le gouvernement militaire considérait qu’il y avait en eux un potentiel de démocratisation plus sûr que dans les partis politiques, même si, compte tenu de la dissolution des syndicats en 1933 et de leur intégration dans le Front allemand du Travail (DAF = Deutsche Arbeitsfront), la méfiance et donc un contrôle étaient de mise également dans leur cas. En même temps, une bonne coopération avec les syndicats semblait conseillée pour des raisons économiques, afin de pouvoir les utiliser dans le domaine de la production comme des facteurs d’ordre – une fois de plus la démocratisation montrait son double visage, à la fois contrôle et coopération.
18Dans le domaine de la politique sociale, la politique de démocratisation pouvait entrer le plus directement en contradiction avec les intérêts économiques de l’occupant.28 Ici, le gouvernement militaire introduisit, en coopération avec des syndicalistes chrétiens, une réforme profonde du système d’assurances sociales, dès l’été 1945 en Palatinat, en avril 1946 pour l’ensemble de la zone. Il a stabilisé les finances de l’assurance vieillesse et de l’assurance maladie. Mais surtout, en créant une caisse d’assurance maladie unique, organisée régionalement – une revendication des syndicalistes depuis des décennies – il a aussi atténué les injustices sociales entre les différents groupes et couches sociales ayant, depuis la création du système allemand d’assurance sociale entre 1884 et 1910, des conditions d’assurance et donc aussi des conditions de vie différentes. Le système d’autogestion des assurances sociales, aboli par le national-socialisme – qui avait entre autres à décider de l’investissement d’importants capitaux et qui touchait donc directement les intérêts financiers du gouvernement militaire, intéressé par le paiement de frais d’occupation élevés – fut rétabli par le gouvernement militaire dans sa zone dès 1947-1948, tandis que les Länder des autres zones occidentales durent attendre jusqu’en 1952-1953. Pour l’indemnisation des victimes de guerre, qui était financée directement par le budget de l’État et qui touchait ainsi directement aux intérêts de la puissance d’occupation, on versait dans la zone française des prestations supérieures à celles de toutes les autres zones d’occupation. En ce qui concerne la cogestion dans l’entreprise, les droits des salariés n’étaient pas aussi étendus que le voulaient les syndicats, mais allaient néanmoins souvent plus loin que, plus tard, en République fédérale. Au moment de sa création, la République fédérale a, dans un premier temps, annulé toutes ces réformes complètement ou en majeure partie ; cependant, par la suite, elle a réalisé certaines d’entre elles d’une autre manière – comme par exemple le maintien du salaire en cas d’arrêt de travail pour maladie, ou l’assurance maladie des retraités. Mais l’élimination des injustices sociales dans le système allemand d’assurance maladie n’a été entreprise au fond qu’en 1994/95 – un demi-siècle après le travail de pionnier du gouvernement militaire français.
19Si la recherche de la sécurité par la démocratisation fut une politique ambiguë, les effets de la politique économique, dont l’objectif a longtemps paru être l’exploitation pure et simple, furent tout aussi ambivalents. Pour mettre, à long terme, la zone au service de la reconstruction française, il fallait d’abord remettre son appareil productif en état de fonctionner et cela fut souvent fait avec une habileté remarquable par des experts hautement qualifiés. En donnant la priorité à la reconstruction et aux intérêts français, on reconstituait en même temps l’appareil économique allemand – là aussi, ce n’est pas l’exploitation sauvage, mais la reconstruction qui correspondait à l’intérêt véritable de la France.29 Du côté allemand, on critiqua entre autres les exportations françaises très importantes et le déboisement de la Forêt Noire que cela entraîna – sans voir que la petite zone, qui ne pouvait vivre en autarcie, avait besoin de ces exportations pour payer les importations de denrées alimentaires et que la France payait celles-ci principalement en dollars. Il est possible que, ce faisant, la France se soit en quelque sorte exploitée elle-même, sans le vouloir, car pour les dollars ainsi dépensés dans la zone d’occupation, elle aurait pu acheter sur les marchés mondiaux des marchandises dont elle aurait eu un besoin beaucoup plus pressant chez elle.30 La manipulation des taux de change pour le paiement des exportations fut également l’objet de sévères critiques : mais c’était un procédé utilisé par tous les Alliés, sur lequel il est de surcroît difficile de porter un jugement, parce que, à cause de la politique d’autarcie du IIIe Reich, il n’était guère possible en 1945 de calculer un taux de change réaliste pour le Reichsmark. Les démontages dans la zone étaient dans leur grande majorité pratiquement dénués d’intérêt du point de vue économique, et, sur le plan politique, les Français n’en étaient pas les seuls responsables, car ils découlaient de décisions du Conseil de contrôle allié ; toutefois ils ont eu des effets politiques désastreux qui ont sapé de façon particulièrement durable les succès possibles de la politique française et ils ont constitué une de ses erreurs les plus graves. Il en va de même pour les réquisitions – plus souvent décidées par les militaires français que par les bureaux du gouvernement militaire chargés de l’administration civile – surtout lorsqu’elles concernaient le ravitaillement. A cause de ces réquisitions, la population allemande avait l’impression que la faim dont elle souffrait était due exclusivement à des prélèvements que l’occupant effectuait en violation du droit international. Cela était partiellement inexact du point de vue juridique, c’était surtout faux du point de vue économique ; les vraies raisons résidaient principalement dans les destructions de la guerre et dans la crise mondiale due aux mauvaises récoltes de 1946/47. On ne savait pas non plus, qu’en compensation de toutes les marchandises pillées en France par les Allemands pendant la guerre, la France n’avait obtenu jusqu’en 1954 vraisemblablement que des restitutions d’une contre-valeur de 1,42 %.31 Ces points expliquent eux aussi pourquoi les aspects constructifs de l’occupation française n’ont pas été pris davantage en considération par les Allemands.
20On pourrait mentionner bien d’autres domaines, où le contrôle, la reconstruction et les réformes se rejoignaient – comme, par exemple, la politique menée par la France dans les Länder du point de vue constitutionnel, où elle mettait l’accent sur une large assise populaire. Naturellement, les traits principaux de la politique d’occupation esquissée ici doivent être de surcroît nuancés et complétés sur beaucoup de points, mais la place nous manque pour le faire ici. C’est ainsi que la politique française en Rhénanie-Palatinat a souvent été différente de celle menée en Bade et Wurtemberg-Hohenzollern, c’est-à-dire dans des Länder qu’on voulait lier moins étroitement à la France. L’ambivalence a caractérisé la plupart des problèmes de la pratique de l’occupation – et plus d’un officier des forces d’occupation qui, au début, ne pensait qu’à la revanche est devenu, par l’expérience de la coopération avec les Allemands dans la zone, le représentant des intérêts de la population allemande vis-à-vis de ses supérieurs. Même là où prédominaient le contrôle, un comportement autoritaire et les conflits d’intérêts, dans la pratique étaient souvent posées les bases pour une coopération qui portera ses fruits des années plus tard.
La France et l’unité allemande
21Le problème économique nous ramène directement de la politique d’occupation à la politique générale de la France sur la question allemande et au problème de l’unité de l’Allemagne. On a pensé longtemps que la recherche, au moins sur ce point, avait encore une assise solide ou du moins que les stéréotypes qui avaient cours restaient justifiés. Mais dans ce domaine aussi le sol commence à bouger, là aussi on découvre la complexité de la situation en France sur le terrain de la politique intérieure et extérieure, même si la révision nécessaire des idées reçues n’est pas aussi fondamentale que pour la politique d’occupation proprement dite.
22On sait aujourd’hui qu’une clé de la politique française en 1945, de son évolution, mais aussi de ses hésitations et de ses contradictions internes, c’est la tentative pour distinguer entre l’unité politique et l’unité économique de l’Allemagne, et pour parvenir à une décentralisation politique en gardant l’unité économique. Dans sa conception c’était un exercice de funambulisme pas toujours convaincant quant au résultat, car dans la pratique les mesures prises pouvaient être très différentes suivant l’importance qu’on donnait respectivement aux considérations économiques ou aux considérations politiques. De Gaulle avait toujours tendance à donner la priorité aux considérations politiques, ses ministres, en revanche, suivant le domaine dont ils avaient la charge, mettaient avec plus ou moins d’insistance l’accent sur les nécessités objectives de la situation politique et économique. Ce n’est que récemment que la recherche historique a mis en relief qu’en 1945 la décentralisation politique allant de pair avec l’unité économique correspondait aussi aux vues du gouvernement britannique.32 Il partageait en particulier avec les Français une profonde méfiance à l’égard des Soviétiques et la crainte que ceux-ci, sous le couvert d’institutions communes pour toute l’Allemagne, n’étendent leur emprise jusqu’aux bords du Rhin. La première directive secrète française du 20 juillet 1945, que nous avons déjà citée, insistait explicitement sur la nécessité d’un “front allié uni” et sur le fait qu’une « politique de zones », même en ayant en vue la dislocation de l’Allemagne, paraissait offrir, à ce stade, plus d’inconvénients que d’avantages pour la France.33 En effet, pour sa reconstruction, la France ne pouvait pas tirer grand chose de sa propre zone d’occupation, petite et assez pauvre. Il faut également rappeler qu’on ne trouve rien dans les dossiers d’archives français et en particulier dans les décisions gouvernementales qui ressemblât à des plans de désindustrialisation et de morcellement aussi radicaux que le plan Morgenthau qui, dans un premier temps, avait quand même été approuvé aussi bien par le Président américain que par le Premier ministre britannique. En fait, en 1945, la politique française était bien plus imprécise que ne le laisseraient croire des mots d’ordre à l’emporte-pièce. Déjà dans la première directive centrale on mettait l’accent sur “l’intérêt majeur d’une décentralisation politique de l’Allemagne” ; dans un autre passage cependant et en annexe on parle plus explicitement de “dislocation”. De Gaulle en particulier semble manifestement s’être donné la possibilité de choisir entre différentes variantes de sa politique à l’égard de l’Allemagne, selon la situation politique intérieure et extérieure34 ; beaucoup de ses discours n’étaient pas clairs du tout lorsqu’on les regarde de plus près – comme par exemple son exigence souvent citée, “plus de Reich centralisé”, très souvent interprétée comme une politique de morcellement, mais qui peut signifier aussi bien la décentralisation que le morcellement. Comme l’a montré Dietmar Hüser, les déclarations de de Gaulle étaient largement déterminées par la nécessité de ménager une opinion publique profondément déchirée par des affrontements politiques, l’exigence d’une politique rigoureuse de revanche vis-à-vis de l’Allemagne étant quasiment le seul dénominateur commun dans le pays.35 Au plus tard en automne 1945, on se rendit compte au Quai d’Orsay que des objectifs maximalistes, par exemple détacher la Rhénanie de l’Allemagne, n’étaient pas réalisables.36 On mit d’autant plus fortement en avant l’objectif d’une participation à l’exploitation du charbon de la Ruhr – qui semblait bien plus important que le charbon de la Sarre, de qualité moindre –, la volonté de décentralisation politique de l’Allemagne et le désir de garantir durablement l’influence française dans le pays voisin, en particulier en Rhénanie – sous quelque forme que ce soit concrètement. Pour préserver l’unité économique de l’Allemagne sans préjuger de l’existence future d’un gouvernement central allemand, on a imaginé au cours de l’automne 1945 le système de ce qu’on a appelé les “bureaux alliés” : des administrations allemandes placées sous la surveillance du Conseil de contrôle allié.37 Mais le général Clay, qui politiquement avait un rôle déterminant dans l’administration américaine d’occupation, jugea la proposition irréaliste, et du côté français le projet fut défendu jusqu’en juillet 1946 – alors qu’il était trop tard pour le faire – sans beaucoup de clarté ni de conviction, ce qui nuisait aussi à ses chances de jamais voir le jour : et, de fait, il échoua. Cela explique cependant qu’au sein du Conseil de contrôle allié à Berlin, d’un côté, la France refusât de donner son accord pour la centralisation politique de l’Allemagne, mais que par ailleurs, sur beaucoup de questions de détail, sa collaboration fût tout à fait constructive et qu’elle ait appliqué dans sa zone d’occupation bon nombre de directives du Conseil de contrôle – par exemple dans le domaine de la politique sociale – plus largement que les Britanniques et les Américains. L’image initialement propagée par le général Clay pour des raisons politiques – et longtemps reprise par la recherche historique – d’une France pratiquant dans le Conseil de contrôle une politique d’obstruction systématique, n’est pas conforme à la réalité sous une forme aussi absolue.
23Pendant longtemps, le manque de clarté de la politique française fut particulièrement frappant en ce qui concernait la question sarroise. Aussi étonnant que cela puisse paraître : jusqu’au début de 1947, Paris n’avait élaboré aucun concept politique un tant soit peu détaillé à ce sujet. Sur place, l’administration était, pour l’essentiel, obligée de se “débrouiller” toute seule.38 Même pour l’annexion de la Sarre, objet de discussions passionnées dans l’opinion publique française et qui avait été exigée par la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée nationale en mai 1945, il ne semble pas, dans l’état actuel des connaissances, qu’elle ait été encore un objectif du gouvernement français du moins après l’été 1945.39 Au contraire, on a très tôt poursuivi un double objectif : d’une part, à long terme, l’assimilation du territoire, sans que fût précisé cependant ce qu’on entendait par là, et, d’autre part, à court terme, son rattachement économique à l’espace douanier et économique français – ce qui fut fait en 1947. Les autres alliés occidentaux avaient donné leur feu vert officieusement dès le printemps 1946 et officiellement en automne de la même année, tandis que Staline opposa un refus strict.
24Sur place, à Sarrebruck, Gilbert Granval, Gouverneur militaire et plus tard Haut-Commissaire, poursuivit, en coopération avec le gouvernement sarrois dirigé par Johannes Hoffmann, une politique visant à créer une entité étatique autonome sous l’égide de la France, tandis qu’à Paris prédominaient tout d’abord, sous l’influence de Michel Debré, des vues tendant à instaurer une sorte de protectorat. C’est pourquoi, à partir de 1947, l’évolution politique en Sarre différait sur de nombreux points de celle de la zone d’occupation française proprement dite. Après la création de la République fédérale en 1949, elle devint un des obstacles majeurs au rapprochement entre Bonn et Paris ; c’est ainsi, par exemple, que la question sarroise a considérablement entravé l’entrée de la République fédérale dans le Conseil de l’Europe. Ce dont les experts économiques avaient déjà pris conscience à peine la guerre terminée, à savoir que les avantages économiques que la France pourrait tirer de la Sarre n’étaient de loin pas aussi importants que l’escomptait l’opinion publique et qu’elle créait de surcroît d’importants problèmes de concurrence avec l’Alsace et la Lorraine, ne fut admis plus largement à Paris que vers la fin des années quarante. Ce fut le début d’une évolution progressive, au terme de laquelle la France, confrontée de surcroît à une multitude de problèmes politiques à l’intérieur et dans son empire colonial, consentit en octobre 1955 à ce que la Sarre retournât au sein de la République fédérale – après le référendum où un projet de statut européen fut rejeté par la population sarroise à la majorité des deux tiers des voix. Il faut pourtant retenir que la politique tendant à établir des liens étroits avec la France trouvait dans la population sarroise un large soutien jusqu’au début des années cinquante, lorsque la République fédérale commença peu à peu à devancer son voisin occidental du point de vue économique. Malgré l’atmosphère très conflictuelle qui régnait alors, et qui est encore aujourd’hui sensible en Sarre, de nombreuses institutions et structures de coopération y ont été créées, qui rendent encore aujourd’hui de grands services dans les rapports entre la France et l’Allemagne. Mais pour qu’elles puissent jouer leur rôle, il fallait que Bonn et Paris trouvent un terrain d’entente sur la question sarroise, ce qui fut sans doute possible principalement grâce aux évolutions structurelles et aux changements de la situation internationale, mais aussi, pour une bonne part, grâce à l’action d’hommes comme Konrad Adenauer, Robert Schuman et Pierre Mendès France.
25Ayant pris conscience qu’un morcellement total du Reich n’était pas vraiment dans l’intérêt de la France et que, de toute manière, les autres Alliés n’y consentiraient pas, l’administration en a tiré très tôt les conséquences en entreprenant d’élaborer – à usage interne – des projets détaillés pour une future constitution fédérale de l’Allemagne, prévoyant un pouvoir central aussi faible que possible. En employant les deux termes utilisés concurremment en 1945, on pourrait conclure que la France a choisi la “décentralisation” au lieu de la “dislocation”. Au niveau des Länder, il faut signaler dans ce contexte la création du Land de Rhénanie-Palatinat en août 1946 : à cette date, proche encore de la fin de la guerre, cela pouvait signifier pour la discussion interne à Paris aussi bien une satisfaction donnée aux partisans d’un détachement de la Rhénanie dans la perspective confédérale, qu’une mesure destinée à préparer le terrain pour la création d’un futur Etat fédéral allemand dans lequel les Länder auraient une position forte.40 Mais on réfléchissait aussi, à Paris comme dans la zone d’occupation française, à la manière dont pourraient être réparties les compétences entre le pouvoir fédéral et les Länder dans le cadre de l’Etat fédéral qui verrait probablement le jour. Si, lors de la conférence des ministres des Affaires étrangères à Moscou au printemps 1948, la France s’est ralliée officiellement aux exigences fondamentales des autres alliés occidentaux en matière de politique constitutionnelle, ce ne fut pas sous l’effet de la pression soudaine exercée par les Américains, mais l’aboutissement d’une réflexion interne menée à Paris et qui était bien avancée dès 1946.41
26Ainsi les bases essentielles d’une politique française plus constructive avaient déjà été formulées par le gouvernement en exil à Alger et ensuite, de manière officieuse, à Paris, dès 1944/1945, et non pas seulement, comme on le pensait jusqu’à présent, en 1947/48, en cédant progressivement aux pressions anglo-américaines. Dans la zone d’occupation et pour partie aussi au sein du Conseil de contrôle allié, la France a commencé également à mettre en pratique ces principes dès la fin de l’été 1945. Ne serait-ce que pour cette raison, la pression américaine – que de toute manière Washington utilisait avec circonspection, à cause de l’instabilité politique intérieure de la France, dont les hommes politiques français jouaient habilement – ne pouvait pas avoir été décisive pour provoquer un tournant dans la politique française. Cette pression n’était qu’un élément qui s’ajoutait aux autres composantes de la politique française et venait favoriser, à une date relativement tardive, la concrétisation durable de ses orientations constructives, notamment en les rendant acceptables pour l’opinion publique française. Le plan Marshall, par lequel les Américains entendaient aussi resserrer les liens de coopération politique entre les Etats européens qui en bénéficiaient, a contribué également à faire évoluer l’attitude de l’opinion publique française.42
27De ce fait, en 1948, il n’y avait en principe plus d’obstacle à la participation française à la création de l’Etat allemand, même si dans le détail il y eut encore de rudes controverses à propos de la forme à donner aux différentes institutions.43 Par sa Loi fondamentale, la République fédérale fut dotée d’une structure fédérale qui, si elle n’était pas aussi largement décentralisée qu’on l’avait espéré à Paris en 1945, correspondait malgré tout à des objectifs centraux de la politique française de décentralisation. Concernant les objectifs fédéralistes de leur politique allemande, les Américains et les Français étaient bien moins éloignés les uns des autres, en 1945 comme en 1948, qu’on ne pouvait le croire au vu des formes parfois très vives que prenaient les débats entre les alliés.
28La création de l’Autorité internationale de la Ruhr par le Ruhrstatut du 28 décembre 1948 (entrée en vigueur le 22 avril 1949) donna certes aux Allemands un droit de participation beaucoup plus étendu que ne l’avait souhaité initialement Paris, qui réclamait une véritable internationalisation du territoire. Il n’en reste pas moins que de cette façon un autre objectif central de la politique française fut quand même réalisé – au moins partiellement. On reconnut rapidement à Paris que politiquement cette solution, elle aussi, n’était pas viable à long terme. Pour des raisons qui relèvent de la politique française à l’égard de l’Allemagne, mais aussi à cause du manque de compétitivité internationale de l’industrie lourde française, on opta d’une certaine manière pour la fuite en avant : la proposition faite le 9 mai 1950 par le ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, de créer une Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier reprenait des conceptions déjà élaborées à Alger pour la modernisation du pays, concrétisées au niveau de la politique intérieure par le plan Monnet44 et élargies par l’adjonction d’éléments d’intégration supranationale que Monnet et d’autres avaient déjà formulés très tôt. Le plan Schuman, présenté à l’opinion publique comme le prélude éclatant à l’intégration de l’Europe, répondait en fait à des intérêts cruciaux de la France : la modernisation d’un secteur clé de son économie, l’harmonisation des conditions de production dans toute l’Europe et l’accès à la production de la Ruhr, sans oublier que cela impliquait aussi un contrôle sur ce cœur de la puissance économique de la République fédérale.45 A l’inverse, pour le chancelier fédéral allemand, ce plan permettait à l’Allemagne de disposer du potentiel de la Ruhr, et il constituait un nouveau pas important vers l’obtention de l’égalité de droits pour la République fédérale au niveau international. Même si le caractère supranational donné à la Communauté du Charbon et de l’Acier en 1951, restait finalement en retrait par rapport à l’intégration telle que l’avaient imaginée Monnet et Schuman, ses institutions ont servi de modèle pour les développements ultérieurs de l’intégration européenne et ont préparé en particulier la voie à la Communauté économique européenne.46 La coopération entre Bonn et Paris devint le noyau de l’intégration européenne – dans l’intérêt des deux parties. Mais en même temps cela a provoqué aussi la méfiance persistante, voire l’hostilité d’autres partenaires européens. Comme cela avait été le cas dès 1945, la coopération franco-allemande continua à déployer toute la diversité de ses ambivalences. Et il en irait ainsi pendant longtemps – dans la politique bilatérale comme dans la politique européenne multilatérale.
29Au niveau bilatéral, les contradictions internes de la politique de la France depuis la fin de la guerre ont eu de multiples conséquences pour les positions françaises dans la nouvelle République fédérale. C’était vrai d’abord pour l’image extraordinairement négative qui s’attachait à la politique de Paris, pas seulement à cause des rigueurs effectives de l’occupation mais aussi parce que cette politique était formulée officiellement de manière bien plus intransigeante qu’elle ne l’était réellement dans la pratique – comme nous le savons aujourd’hui. Mais c’était vrai aussi de certains aspects essentiels de cette politique. Certes, l’image de l’isolement total de la zone d’occupation française par rapport aux autres zones n’est pas exacte, elle non plus. Pourtant, même lorsqu’ils étaient présents dans les instances d’une autre zone – par exemple dans le “Conseil des Länder” (Länderrat) de la zone américaine, siégeant à Stuttgart – les représentants de la zone française ne prenaient aucune part aux décisions qui y étaient arrêtées. De même, les institutions centrales de la zone française, par exemple les conférences des Ministres-Présidents et les réunions de ministres spécialisés, jouaient un rôle bien moins important que les institutions correspondantes des autres zones occidentales. De ce fait, beaucoup de mesures qui seront décisives pour les orientations ultérieures de la République fédérale seront prises par les Allemands de la bizone, sans que ceux de la zone française aient une influence notable – et cela bien que la France continuât à exercer aux côtés des autres Alliés son droit de contrôle sur ces décisions. C’est pourquoi les initiatives de la France en matière de démocratisation n’ont pas eu, hors des frontières de sa zone, toute l’influence qu’on avait escompté à Paris et à Baden-Baden – et qu’elles auraient parfois mérité d’avoir, compte tenu de leur contenu. La jeune République fédérale a pu sans peine annuler certaines réformes introduites dans les Länder du Sud-Ouest, par exemple en matière de politique sociale, parce que les forces politiques de cette région n’avaient pas un poids suffisant au niveau de la République fédérale, entre autres à cause du “fédéralisme dissociatif”47 mis en œuvre par l’occupant français. L’administration et la politique de la République fédérale avaient des racines beaucoup plus solides dans les autres zones d’occupation occidentales.
30Les contradictions internes ont également amoindri les chances de la France d’exercer une influence par exemple dans le domaine culturel. Sa conception du fédéralisme impliquait entre autres que la Loi fondamentale reconnaisse aux Länder l’essentiel des compétences en matières de culture et d’éducation. Cela correspondait aussi aux vues des Allemands, surtout après l’expérience de la propagande national-socialiste. Mais plus tard, par exemple, lorsque, dans le contexte de l’accord culturel franco-allemand, Paris insistait auprès de Bonn pour que l’enseignement du français soit plus fortement implanté dans les écoles allemandes, le gouvernement fédéral rappelait toujours que cela relevait de la compétence des Länder.48 D’une certaine manière, sur ce point comme pour d’autres aspects de sa politique en Allemagne, la France s’est prise au piège de sa propre conception du fédéralisme.
31Au niveau européen multilatéral, la coopération franco-allemande ne se déroula pas non plus dans un climat d’entente parfaite, comme le montrèrent rapidement les étapes suivantes, dont il sera question de manière plus détaillée dans d’autres contributions de ce volume. Cela vaut surtout pour la “Communauté Européenne de Défense”, proposée par le Président du Conseil français René Pleven le 24 octobre 1950 et signée, au terme de longues négociations, le 27 mai 1952.49 Dans un monde marqué par le réarmement sous le signe de la guerre de Corée, cet accord devait surtout garantir, dans la perspective française, que l’Allemagne ne reconstituerait pas sa propre armée. C’est pourquoi la création de cette communauté conditionnait également la restitution à l’Allemagne d’une part importante de sa souveraineté par un traité signé le 26 mai 1952 (Deutschlandvertrag). En même temps l’on voulait faire progresser l’intégration européenne en créant une communauté politique – une fois de plus la coopération et le contrôle étaient indissociables. Dans les négociations laborieuses qui se sont prolongées de 1950 jusqu’en 1952, les négociateurs allemands réussirent à arracher aux Français un nombre appréciable de concessions. Le traité de la CED, et par voie de conséquence aussi le Deutschlandvertrag dans sa première forme, échoua parce que l’Assemblée Nationale française refusa le 30 août 1954 de le ratifier. Tous les partis français s’étaient divisés sur cette question. A la méfiance envers le voisin allemand s’ajoutait le refus de tout abandon de souveraineté. La possession de l’arme atomique montra ici ses effets, car dans la discussion interne française ce fut le principal argument mis en avant par les militaires français pour justifier leur opposition absolue. Pour d’autres forces politiques, en revanche, ce traité ne faisait pas progresser suffisamment la coopération politique – celle-ci ayant aussi, comme nous l’avons déjà dit, une fonction de contrôle. Bref, si le Plan Schuman a constitué un début prometteur, on a pu constater tout de suite après que la coopération franco-allemande resterait difficile et riche en conflits.
32Toutefois cela ne se manifesta pas ouvertement dans la question de la réunification allemande.50 Officiellement la diplomatie française soutenait l’exigence allemande de réunification – il est vrai qu’elle pouvait le faire d’autant plus aisément que la politique adenauerienne d’ancrage à l’Ouest renvoyait la réunification de l’Allemagne dans un avenir lointain. Après l’échec de la CED, qui semblait tout d’abord signifier la faillite de la politique européenne d’Adenauer, le problème de l’armée fédérale allemande a quand même été réglé, comme on le sait, par l’adhésion de la République fédérale au “Pacte de Bruxelles” conclu en 1948 et son entrée dans l’Union de l’Europe de l’Ouest (UEO), puis par son admission dans l’OTAN. Le Deutschlandvertrag a été repris avec quelques modifications par les Traités de Paris d’octobre 1954 et, le 5 mai 1955, la République fédérale devint souveraine – même si les Alliés se sont réservés une série de prérogatives, notamment pour le cas de l’état d’urgence et pour les questions concernant l’Allemagne dans son ensemble.
33Quelques années plus tard, le traité de l’Elysée de 1963 – célébré si souvent comme le début d’une ère de coopération – montrera que les tensions persistaient à caractériser les relations franco-allemandes. La France l’a signé avec l’arrière-pensée d’assurer la prépondérance française en Europe et les Allemands l’ont privé d’avance de l’essentiel de sa portée à cause du préambule bien connu ajouté par le Bundestag pour réaffirmer la priorité de l’Alliance Atlantique.51 Abstraction faite de l’impressionnant bilan positif de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, pour l’essentiel ce traité n’a commencé à être appliqué progressivement qu’à partir de 1980.
34Pour la survie politique de Berlin et, par conséquent, pour la création des conditions qui ont permis la réunification allemande de 1990, les droits que les alliés occidentaux s’étaient réservés en 1955 allaient cependant avoir aussi des effets positifs, surtout dans le contexte des relations franco-allemande. Parce que la France fut parmi les trois alliés occidentaux celui qui insistait le plus sur ses droit en ce qui concernait Berlin et l’Allemagne dans son ensemble52, elle fut aussi dans les décennies suivantes le principal obstacle que rencontrèrent l’Union Soviétique et la RDA dans leurs tentatives – parfois couronnées de succès en ce qui concerne Berlin-Est – pour remettre en cause le statut de Berlin comme ville occupée, placée sous le contrôle commun des quatre alliés et disposant de voies de communication garanties avec la République fédérale.53 Berlin n’aurait sans doute pas pu jouer en 1990 un rôle aussi central et contribuer de façon décisive à l’effondrement de la RDA, si son statut quadripartite n’avait pas été préservé depuis 1945. Paradoxalement, c’est précisément la méfiance de la France à l’égard de l’Allemagne considérée comme un tout et la détermination sans faille avec laquelle sa diplomatie a défendu le droit de la France à participer aux décisions sur cette question, qui ont constitué à long terme un élément essentiel permettant la réunification en 1990. Ce fut, une fois de plus, un effet de l’ambivalence dans les relations entre les deux pays.
35Les profonds changements intervenus dans la recherche au cours des dernières années et dont nous avons essayé de montrer succinctement les causes et les résultats, font apparaître que, contrairement aux idées reçues jusqu’à présent, les relations entre la France et l’Allemagne étaient davantage marquées par des continuités que par des ruptures. Le fait que la coopération et le contrôle aient été indissolublement liés, l’ambivalence de la “mise en valeur” et de la reconstruction commune, la tension entre l’idéal de l’entente entre les peuples et les nécessités objectives nées d’une situation d’interdépendance mutuelle, tout cela n’a pas eu que des aspects négatifs mais a également révélé ses effets constructifs dès les premiers temps de l’après-guerre. Et en même temps les âpres controverses autour de la réunification allemande après 1989 ont montré aussi à quel point les rapports entre les deux pays continuent à être aujourd’hui encore malaisés.
Notes de bas de page
1 On se reportera, pour ce qui est du développement de la recherche et des controverses, au livre de Dietmar Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik ». Dynamik aus der Defensive – Planen, Entscheiden, Umsetzen in gesellschaftlichen und wirtschaftlichen, innen- und außenpolitischen Krisenzeiten 1944-1950, Berlin, Duncker & Humblot 1996. C’est, à ce jour, l’analyse la plus nuancée de la politique française à l’égard de l’Allemagne et on y trouvera des indications bibliographiques très détaillées.
2 Alfred Grosser fait partie de ces observateurs qui, très tôt déjà, ont signalé qu’il fallait apporter beaucoup de nuances à ce tableau.
3 Malgré les nouveaux résultats de la recherche, certains de ces ouvrages plus anciens restent tout à fait intéressants. Voir en particulier Hans-Peter Schwarz, Vom Reich zur Bundesrepublik. Deutschland im Widerstreit der außenpolitischen Konzeptionen in den Jahren der Besatzungsherrschaft 1945-1949, 2e éd., Neuwied et Berlin, Luchterhand 1980.
4 C’est ce qu’on peut lire encore dans un ouvrage très récent et par ailleurs très intéressant publié sous les auspices du Conseil Culturel Franco-Allemand par Jacques Morizet et Horst Möller (éds.), Allemagne-France. Lieux et mémoire d’une histoire commune, Paris, Albin Michel 1995, p. 10-11.
5 Ces forces sont analysées en particulier dans les travaux toujours solidement documentés de Raymond Poidevin. Ils sont à présent réunis dans : Raymond Poidevin, Péripéties franco-allemandes. Du milieu du XIXe siècle aux années 1950, Bern, Berlin, Frankfurt/M., New York, Paris, Wien, Lang 1995.
6 Theodor Eschenburg, Jahre der Besatzung 1945-1949, Stuttgart et Wiesbaden, DVA 1983, p. 96 sq.
7 Foreign Relations of the United States, 1945 sqq., Washington 1960.
8 Sur les liens entre la politique national-socialiste, le marché noir et les conditions socio-économiques en Allemagne au lendemain de la guerre, ainsi que sur leurs conséquences pour les mentalités, la mémoire collective et les différends politiques avec les puissances d’occupation, cf. Rainer Hudemann, Sozialpolitik im deutschen Südwesten zwischen Tradition und Neuordnung 1945-1953. Sozialversicherung und Kriegsopferversorgung im Rahmen französischer Besatzungspolitik, Mainz, v. Hase & Koehler 1988, p. 31-123.
Sur le problème de la mémoire collective, voir également Edgar Wolfrum, « ”Jammert im Leid der Besiegte, so ist auch der Sieger verloren.” Kollektive Alltagserfahrungen in der französischen Besatzungszone nach 1945 », in : Joseph Jurt (éd.), Die “Franzosenzeit” im Lande Baden von 1945 bis heute. Zeitzeugnisse und Forschungsergebnisse, Freiburg, Rombach 1992, p. 21-38, et, du même, “Die Besatzungsherrschaft der Franzosen 1945 bis 1949 in der Erinnerung der Deutschen”, in : Geschichte in Wissenschaft und Unterricht 46 (1995), p. 567-582.
9 Formule employée par Jean Basdevant dans un entretien avec l’auteur en 1983. J. Basdevant était dans les années d’après-guerre porte-parole du Quai d’Orsay.
10 Pour les détails voir Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik’ », et, du même, « Frankreich, Deutschland und die französische Öffentlichkeit 1944-1950. Innenpolitische Aspekte außenpolitischer Maximalpositionen », in : Stefan Martens (éd.), Vom ‘Erbfeind’ zum ‘Erneuerer’. Aspekte und Motive der französischen Deutschlandpolitik nach dem Zweiten Weltkrieg, Sigmaringen, Thorbecke 1993, p. 19-64. Cf. également Wilfried Loth, Sozialismus und Internationalismus. Die französischen Sozialisten und die Nachkriegsordnung Europas 1940-1950, Stuttgart, DVA 1977 et Ernst Weisenfeld, Quelle Allemagne pour la France ? La politique étrangère française et l’unité allemande depuis 1944, Paris, Colin 1989.
11 Wilfried Loth, “Die Franzosen und die deutsche Frage”, in : Claus Scharf et Hans-Jürgen Schröder (éds.), Die Deutschlandpolitik Frankreichs und die Französische Zone 1945-1949, Wiesbaden, Steiner 1983, p. 27-48.
12 Etude approfondie de ces phases précoces maintenant chez Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik. ».
13 “Directives pour notre action en Allemagne”, adoptées, avec annexe, dans le Comité interministériel le 20 juillet 1945 ; Archives Nationales F 60/3034/2. J’ai publié le texte complet dans : Henri Ménudier (éd.), L’Allemagne occupée 1945-1949, Asnières, PIA, 1989 ; réédition Bruxelles, Editions Complexe 1990, p. 169-182.
14 Sur l’état de la recherche voir, outre les autres ouvrages mentionnés ici, les bilans de recherche de Henri Ménudier, « Note bibliographique », in : id., L’Allemagne occupée, p. 321-332 ; Edgar Wolfrum, « Französische Besatzungspolitik in Deutschland nach 1945. Neuere Forschungen über die ‘vergessene Zone’ », in : Neue politische Literatur 35 (1990), p. 50-62 ; Adolf Kimmel, “Die deutsch-französischen Beziehungen” (I), in : Neue politische Literatur 35 (1990), p. 472-483.
15 Cf. Alain Lattard, “A propos de l’occupation française en Allemagne 1945-1949. Le conflit Laffon - Koenig”, in : Gilbert Krebs (éd.), Sept décennies de relations franco-allemandes 1918-1988. Hommage à Joseph Rovan, Asnières, PIA 1989.
16 Rainer Hudemann, “Le général de Gaulle et la politique de reconstruction en Zone française d’occupation en Allemagne après 1945”, in : Institut Charles de Gaulle (éd.), De Gaulle en son siècle, t. 5, Paris, Plon, 1992, p. 313-324.
17 L’Administrateur général : Instructions faisant suite au voyage du chef du Gouvernement provisoire de la République, 25.10. 1945, Archives du Ministère des Affaires Etrangères Y (1944-1949) 433.
18 Parmi les travaux très nombreux voir en particulier : Jérôme Vaillant (éd.), La dénazification par les vainqueurs. La politique culturelle des occupants en Allemagne 1945-1949, Lille, Pressses Universitaires de Lille 1981 ; Heinrich Küppers, Bildungspolitik im Saarland 1945-1955, Saarbrücken, Minerva 1984 ; Corine Defrance, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin 1945-1955, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg 1994 ; Stefan Zauner, Erziehung und Kulturmission. Frankreichs Bildungspolitik in Deutschland 1945-1949, München, Oldenbourg 1994 ; Monique Mombert, Jeunesse et livre en Zone Française d’Occupation (1945-1949), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg 1994.
19 Des parties de ce texte sont cités chez Rainer Hudemann, “Kulturpolitik im Spannungsfeld der Deutschlandpolitik. Frühe Direktiven für die französische Besatzung in Deutschland”, in : Franz Knipping, Jacques Le Rider et Karl J. Mayer (éds.), Frankreichs Kulturpolitik in Deutschland 1945-1950, Tübingen, Attempto 1987, p. 15-31.
20 Defrance, Politique culturelle ; Armin Heinen et Rainer Hudemann (éds.) Universität des Saarlandes 1948-1988, Saarbrücken, 2e éd. 1989.
21 Rudolf Morsey, 40 Jahre Hochschule für Verwaltungswissenschaften Speyer (1947-1987), Speyerer Vorträge Heft 9, Speyer 1987, p. 11-44.
22 Stephan Schölzel, Die Pressepolitik in der französischen Besatzungszone 1945-1949, Mainz, v. Hase & Koehler 1986 ; Sabine Friedrich, Rundfunk und Besatzungsmacht. Organisation, Programm und Hörer des Südwestfunks 1945 bis 1949, Baden-Baden, Nomos 1991 ; Christian Wrobel, Medien, Politik und Öffentlichkeit im Land Südbaden, Pfaffenweiler 1993.
23 Klaus-Dietmar Henke, Politische Säuberung unter französischer Besatzung. Die Entnazifizierung in Württemberg-Hohenzollern, Stuttgart, DVA 1981.
24 Voir sur ce point Reinhard Grohnert, Die Entnazifizierung in Baden 1945-1949. Konzeptionen und Praxis der “Epuration” am Beispiel eines Landes der französischen Besatzungszone, Stuttgart, Kohlhammer 1991 ; et surtout Rainer Möhler, Entnazifizierung in Rheinland-Pfalz und im Saarland unter französischer Besatzung von 1945 bis 1952, Mainz, v. Hase & Koehler 1992.
25 Katrin Kusch, Die Wiedergründung der SPD in Rheinland-Pfalz nach dem Zweiten Weltkrieg (1945-1951), Mainz, v. Hase & Koehler 1989 ; Edgar Wolfrum, Französische Besatzungspolitik und deutsche Sozialdemokratie. Politische Neuansätze in der “vergessenen Zone” bis zur Bildung des Südweststaates 1945-1952, Düsseldorf, Droste 1991.
26 Alain Lattard, Gewerkschaften und Arbeitgeber in Rheinland-Pfalz unter französischer Besatzung 1945 bis 1949, Mainz, v. Hase & Koehler 1988 ; Hans-Christian Herrmann, Sozialer Besitzstand und gescheiterte Sozialpartnerschaft. Sozialpolitik und Gewerkschaften im Saarland von 1945 bis 1955, Diss. Phil. Saarbrücken 1995 (à paraître : Saarbrücken, SDV 1996).
27 Hudemann, Sozialpolitik.
28 Hudemann, Sozialpolitik ; une brève synthèse dans : Hudemann, “Les réformes de Sécurité Sociale en Zone française d’occupation en Allemagne 1945-1949”, in : Actes du 113e Congrès National des Sociétés Savantes, Colloque sur l’Histoire de la Sécurité Sociale (Strasbourg 1988), Paris 1989, p. 141-152.
29 Sur ce sujet, qui reste toujours insuffisamment étudié, les travaux les plus précis et nuancés sont : Armin Heinen, Saarjahre. Politik und Wirtschaft an der Saar 1945-1955, Thèse d’habilitation, Saarbrücken 1995 (à paraître chez Steiner à Stuttgart 1996) ; Raymond Poidevin (éd.), “Les relations économiques franco-allemandes au XXe siècle”, in : Revue d’Allemagne n° 4/1993.
30 Cf. Christoph Buchheim, Die Wiedereingliederung Westdeutschlands in die Weltwirtschaft 1945-1958, München, Oldenbourg 1990. Pour la discussion intérieure en France sur ce sujet voir Hüser, Frankreichs “doppelte Deutschlandpolitik”.
31 Claude Lorentz, Les restitutions allemandes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1943-1954), Thèse de l’Université de Strasbourg III, 1995, p. 345.
32 Martina Kessel, Westeuropa und die deutsche Teilung. Englische und französische Deutschlandpolitik auf den Außenministerkonferenzen von 1945 bis 1947, München, Oldenbourg 1989 ; Anne Deighton, The Impossible Peace. Britain, the Division of Germany and the Origins of the Cold War, Oxford, Clarendon 1990.
33 Cf. note 13.
34 Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne. Le rêve inachevé, Paris, Plon 1990.
35 Hüser, Frankreichs “doppelte Deutschlandpolitik”.
36 Cf. à ce sujet les preuves déjà apportées par Reinhard Schreiner, Bidault, der MRP und die französische Deutschlandpolitik 1944-1948, Frankfurt e.a., Lang 1985, et Weisenfeld, Quelle Allemagne.
37 Rainer Hudemann, “La France et le Conseil de Contrôle interallié en Allemagne (1945-1947)”, in : Revue d’Allemagne 21 (1989), p. 235-256 ; Gunther Mai, Der Alliierte Kontrollrat in Deutschland 1945-1948. Alliierte Einheit – deutsche Teilung ? München, Oldenbourg 1995.
38 Heinen, Saarjahre.
39 Rainer Hudemann, “Die Saar zwischen Frankreich und Deutschland 1945-1947”, in : Rainer Hudemann et Raymond Poidevin unter Mitarbeit von Annette Maas (éds.), Die Saar 1945-1955. Ein Problem der europäischen Geschichte. La Sarre 1945-1955. Un problème de l’histoire européenne, München, Oldenbourg 1992, 21995.
40 Peter Haungs (éd.), 40 Jahre Rheinland-Pfalz. Eine politische Landeskunde, Mainz, H. Schmidt 1986 ; Heinrich Küppers, Staatsaufbau zwischen Bruch und Tradition. Geschichte des Landes Rheinland-Pfalz 1946-1955, Mainz, v. Hase & Koehler 1990.
41 Pour plus de détails cf. : Hüser, Frankreichs « doppelte Deutschlandpolitik », et Kessel.
42 On trouvera une vue d’ensemble sur le large débat chez Charles S. Maier et Günter Bischof (éds.), The Marshall Plan and Germany. West German development within the framework of the European recovery program, New York, Oxford 1991.
43 Schwarz, Vom Reich zur Bundesrepublik.
44 Philippe Mioche, Le Plan Monnet. Genèse et élaboration 1941-1947, Paris, Publications de la Sorbonne 1987.
45 L’interprétation du Plan Schuman, longtemps placé presque exclusivement sous le signe de l’idéalisme européen, a profondément changé dans les dernières années. Voir en particulier un ouvrage qui comporte une abondante bibliographie des parutions plus anciennes : Raymond Poidevin, Robert Schuman homme d’Etat 1886-1963, Paris, Imprimerie Nationale 1986. Alors que Poidevin met en garde contre le risque de sous-estimer l’importance des motifs relevant de la politique européenne, le travail suivant met l’accent sur les intérêts nationaux poursuivis par la France : Gilbert Trausch, “Der Schuman-Plan zwischen Mythos und Realität. Der Stellenwert des Schuman-Planes”, in : Rainer Hudemann, Hartmut Kaelble et Klaus Schwabe (éds.), Europa im Blick der Historiker. Europäische Integration im 20. Jahrhundert. Bewußtsein und Institutionen (= Historische Zeitschrift, Beiheft 21), München, Oldenbourg 1995, p. 105-128. Cf. aussi Dirk Spierenberg et Raymond Poidevin, Histoire de la Haute Autorité de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier : une expérience supranationale, Bruxelles, Bruylant 1993. Mathias Kipping, “Les tôles avant les casseroles. La compétitivité de l’industrie française et les origines de la construction européenne”, in : Entreprises et Histoire 1994, N° 5, p. 73-93, montre les divergences d’intérêts entre les producteurs d’acier, plutôt hostiles, et l’industrie de transformation, plutôt favorable au plan.
46 Gilbert Trausch (éd.), The European Integration from the Schuman-Plan to the Treaties of Rome, Baden-Baden e.a., Nomos e.a. 1993 ; Enrico Serra (éd.), La relance européenne et les traités de Rome, Bruxelles e.a., Bruylants e.a. 1989.
47 Formule utilisée par Frank R. Petsch, Ursprünge der Zweiten Republik. Prozesse der Verfassungsgebung in den Westzonen und in der Bundesrepublik, Opladen, Westdeutscher Verlag 1990.
48 Georges Cuer, “Der Französischunterricht und die französische Sprachenpolitik in Deutschland nach 1945”, in : Knipping et Le Rider (éds.), p. 57-89.
49 Cf. à ce sujet la contribution de Hermann Graml reproduite ci-dessous ; et, parmi les nombreuses études, l’ouvrage volumineux de Lutz Köllner, Klaus A. Maier, Wilhelm Meier-Dörnberg et Hans-Erich Volkmann, Die EVG-Phase (= Anfänge westdeutscher Sicherheitspolitik, Bd. 2), München, Oldenbourg 1990.
50 Les discussions compliquées qui ont eu lieu à ce sujet au niveau gouvernemental en France sont traitées de façon détaillée par Eckart Lohse, Östliche Lockungen und westliche Zwänge. Paris und die deutsche Teilung 1949 bis 1955, München, Oldenbourg 1995. Cf. également Nikolaus Meyer-Landrut, Frankreich und die deutsche Einheit. Die Haltung der französischen Regierung und Öffentlichkeit zu den Stalin-Noten 1952, München, Oldenbourg 1988.
51 Sur les contradictions internes de ces traités et leurs arrière-plans historiques on peut lire un article très dense de Georges-Henri Soutou, “France-Allemagne 1870-1963”, in : Henri Ménudier (éd.), Le couple franco-allemand en Europe, Asnières, PIA 1993, p. 17-25, et, du même, “Le général de Gaulle et le plan Fouchet”, in : De Gaulle en son siècle, T. 5, p. 126-143.
52 Sur une phase centrale de cette politique, cf. Andreas Wilkens, Der unstete Nachbar. Frankreich, die deutsche Ostpolitik und die Berliner Viermächte-Verhandlungen 1969-1974, München, Oldenbourg 1990.
53 Dans une conférence faite à Trèves en 1984, Jean Sauvagnargues, ancien ministre des Affaires étrangères et, à l’époque, ambassadeur de France à Bonn, a montré qu’en 1970 la France a contrecarré la tendance américaine à accepter une réduction des droits alliés à Berlin.
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