Le « Discours aux Allemands » dans la littérature de l'exil : un nouveau genre littéraire ?
p. 201-216
Texte intégral
Introduction
1Les intellectuels émigrés allemands, dans leur lutte contre le régime nazi, s'adressent à trois publics différents : l'opinion publique internationale, l'émigration elle-même – dans une sorte de discours à usage interne – et les Allemands du Reich. Il est clair que toute la production de l'exil est in fine dirigée vers l'Allemagne, le public allemand étant le public naturel de ces émigrés. Cependant, un certain nombre de textes, qui sont surtout des textes non-littéraires, lui sont explicitement adressés : le destinataire allemand, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un collectif, est présent dans le texte, par le biais d'un titre au vocatif ou encore d'apostrophes directes. Il s'agit donc de textes qui, ayant un destinataire particulier, ont aussi une intention particulière, et les émigrés font d’ailleurs eux-mêmes cette distinction par publics.
2L'on ne connaît la plupart du temps, de ces « Discours aux Allemands », que les célèbres Deutsche Hörer ! de Thomas Mann, qui semblent en être l'exemple le plus typique, d’une part parce qu'ils sont très nombreux1 ; d'autre part, parce que Thomas Mann est sans conteste l'émigré allemand le plus célèbre, et cette célébrité en fait en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt.
3Or il existe de nombreux autres textes de ce type. Mais sont-ils suffisamment nombreux, et présentent-ils suffisamment de similitudes, pour que l'on puisse parler d'un genre ? Et s'il s'agit bien d'un genre, celui-ci est-il nouveau ? Il faut ici nuancer selon les auteurs. En effet, pour les auteurs marxistes, il est tout à fait naturel de s'adresser au peuple, et en particulier à la classe ouvrière ; cela fait partie de la conception marxiste d'une littérature-outil au service d'une cause. Ce genre ne peut donc être nouveau que pour les auteurs non marxistes, un collectif que l'on connaît sous les noms les plus divers : bourgeois de gauche, libéraux démocrates – nous les nommerons ici les intellectuels indépendants, et ce sont eux que nous étudierons.
4Mais les émigrés ont-ils réellement les moyens de toucher les Allemands ? Mis à part le cas particulier de la campagne pour le référendum en Sarre, ils ne peuvent espérer toucher les Allemands qu'indirectement, par le biais de leurs livres ou de la presse de l'exil, introduits clandestinement dans le Reich sous forme de Tarnschriften et Tarnbroschüren. Mais il faut noter que ces brochures camouflées ne comportent presque pas de textes écrits spécifiquement dans ce but. Il semble que les émigrés aient rédigé ce type de textes en espérant certes pouvoir toucher les Allemands, mais sans aucune certitude de succès. Ces textes existent donc indépendamment des conditions matérielles permettant de les acheminer vers l'Allemagne, même si l'arrivée de « nouveaux » médias – nouveaux pour les émigrés – comme la radio, multiplie ce type de textes.
5Mais tous ces textes ne sont pas identiques ; et pour les distinguer et établir des sous-groupes, il s'impose de tenir compte également de l'intention de l'auteur par rapport au destinataire visé. En effet, le langage étant ce qu'il est, une règle de base de la communication est qu'il n'y a pas nécessairement identité entre destinataire affiché et destinataire réel d'un message. Il ne faut donc pas toujours prendre les indications données par l'auteur au pied de la lettre, et il s’impose de distinguer entre un discours qui, « sous couvert » d'un destinataire annoncé, s’adresse en fait à un autre public, et un discours réellement destiné au public annoncé.
6La fonction du discours est donc un élément primordial, et l'on peut, en répondant à la question : « l'interlocuteur affiché est-il réellement interpellé ? », dégager deux grands types de « Discours aux Allemands » durant l'exil, types qui d'ailleurs se suivent dans le temps. Le premier grand type est un discours adressé fictivement à un ou des Allemands, c'est-à-dire un discours qui, simulant un dialogue avec un destinataire qui est lui, par contre, bien réel, vise en fait un autre public. Ce type de textes, qui utilise l'apostrophe uniquement comme moyen rhétorique, est très différent du deuxième type de textes, que nous appellerons « Discours aux Allemands » réels, c'est-à-dire qui s'adressent avec une réelle intention de communiquer au destinataire qu'ils apostrophent.
I. Préambule : 1933
7La mise en place du « Discours aux Allemands » se fait dès 1933, mais d'une manière qui augure nettement de l'évolution qui va suivre ; et dès cette première année de l'exil, la différence est très nette entre les deux types de discours, tels que nous les avons décrits ci-dessus. Durant cette année, le « Discours aux Allemands » est certes un genre mineur au sens où il ne concerne que quelques émigrés, mais son impact est très important, puisque plusieurs de ces textes, comme « Verbrennt mich ! » de Oskar Maria Graf2, « Gerhart Hauptmanns Schande »3 de Alfred Kerr ou encore « Rede auf dem P.E.N.-Klub Kongreß in Ragusa »4 de Ernst Toller seront considérés par les émigrés eux-mêmes comme autant de textes fondateurs.
8La plupart de ces textes s'adressent à des intellectuels en Allemagne, qu'il s'agisse d'individus ou d'organisations. L'année 1933 est donc placée sous le signe de la réorganisation de la vie culturelle, à la fois en Allemagne et en exil, et l’on assiste à un règlement de comptes au sein d'un groupe, celui des intellectuels, entre émigrés et non-émigrés. Il semble donc que s'installe en ce début d'exil le genre du « discours aux intellectuels en Allemagne ». Pourtant, cette impression est trompeuse, et ce « genre » s’avère n'être qu'une fausse piste.
9L'échange entre Klaus Mann et Gottfried Benn en est un exemple très révélateur. Klaus Mann s'adresse à Benn, par une lettre privée5, pour le ramener à la raison et l'appeler à se désolidariser des nazis. Or Benn répond, publiquement, par une allocution radiophonique publiée ensuite et intitulée « Antwort an die literarischen Emigranten »6. Il s'agit donc d'une lettre ouverte, dans laquelle c'est un intellectuel resté en Allemagne qui s'adresse aux émigrés, ce qui est précisément le contraire des textes que nous étudions. Quelle est donc la réaction des émigrés ? À part Egon Erwin Kisch, qui répond par une lettre ouverte7, les autres émigrés ne suivent pas Benn sur ce terrain. Ainsi, Klaus Mann et Joseph Roth réagissent eux aussi à ce qui a été perçu par tous comme une agression, mais ils le font par des textes non pas adressés à Benn, mais par des textes au sujet de Benn8. Et à ce changement dans la forme correspond un changement dans l'intention : si la première lettre de Klaus Mann était porteuse d'un certain espoir, le jugement qui tombe désormais est sans équivoque. Benn étant considéré comme un « traître », la réponse de Klaus Mann est une déclaration de guerre, qui exclut tout possibilité de dialogue et donc également tout texte qui s'apparenterait à une tentative de dialogue. Il s'agit donc désormais de dénoncer les intellectuels qui collaborent avec les nazis ; et même si cela peut se faire sous forme de lettre ouverte, celle-ci n'a plus pour fonction que de clouer au pilori, au vu et au su de l'opinion publique. L'année 1933 est donc finalement l'année de la rupture du dialogue entre émigrés et intellectuels en Allemagne, ce qui ne signifie pas pour autant que ceux-ci ne font plus l'objet de textes ; mais ces textes ont pour fonction de refuser le dialogue et d'exprimer ce refus, qui ne saurait se contenter d'être muet. Ce sont, selon l'expression de Klaus Mann, des textes d'adieu (Abschiednehmen9).
10On assiste au même phénomène pour le texte par lequel Alfred Kerr manifeste sa rupture avec Gerhart Hauptmann, ou encore pour les différents échanges de Graf avec le S.D.S. ou avec le P.E.N.-Klub Deutsche Gruppe10 : il s’agit de condamner, de dénoncer et donc de rejeter publiquement, par des textes très ironiques et agressifs.
11Pourtant, parmi les textes adressés à des organisations d'écrivains, le discours prononcé par Toller lors du Congrès du P.E.N. Club à Raguse, le 28 mai 1933, semble à première vue différent, tout d'abord parce qu'il aurait dû être prononcé en présence des délégués allemands. Ceux-ci ayant quitté la salle, le dialogue n’a pu avoir lieu. Mais il est clair, dans le texte, qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une tentative de dialogue : il s'agissait d'une accusation publique, proférée devant le reste des délégués. Encore une fois, le discours est certes ouvertement adressé à un destinataire précis, mais vise en fait un autre public. D'ailleurs, la similitude de contenu et de structure entre ce texte et le « Offener Brief an Herrn Goebbels »11, du même Toller, montre bien que le destinataire n'est qu'un prétexte permettant de varier la forme avec un contenu semblable.
12Pour résumer cette année 1933, le terme de « Discours aux intellectuels allemands » est donc erroné dans la mesure où il s'agit soit de discours sur ces mêmes intellectuels, soit de textes qui leur sont adressés sans intention de dialogue, de lettres ouvertes de rejet, de condamnation, qui relèvent donc plutôt du premier type de textes, les discours fictivement adressés à un destinataire affiché.
13L'on constate, d'autre part, que l'émigration n'est pas encore constituée comme un collectif. En effet, c'est Benn qui, en s'adressant « an die literarischen Emigranten », constitue l'émigration comme une communauté ; mais si tous les émigrés se sentent effectivement attaqués, ils réagissent individuellement. Car si la concomitance chronologique peut donner une impression d'attaque groupée contre Benn (ainsi, Kisch et Klaus Mann lisent tous deux leur réponse lors d'une réunion du S.D.S. le 9 juin 3312), il ne s'agit en fait que de l’addition de réponses individuelles – ce qui est le cas également lors des autodafés de livres, auxquels chaque émigré réagit individuellement et à sa manière. Les intellectuels émigrés indépendants n'en sont donc pas encore au stade de textes collectifs.
II. 1934-1936 : Lettres ouvertes « fictives »
14La suite confirme cette constatation, et les années 1934-35 voient apparaître exclusivement des textes individuels et relevant du type de la lettre ouverte « fictive », adressée à un destinataire qui est en général un individu, relevant le plus souvent de deux groupes : les dignitaires nazis ou les opportunistes de tout poil, ceux qui profitent du régime. Le destinataire a donc changé mais le procédé et l'intention restent les mêmes.
15Parmi les dirigeants nazis, Goebbels, comme responsable de la Gleichschaltung dans le domaine de la culture, est le plus souvent visé, suivi par Hitler, bien sûr, et Frick en sa qualité de ministre de l'intérieur13. En ce qui concerne les opportunistes, Klaus Mann s'adresse à Emmy Sonnemann-Göring, l'épouse de Göring14 ; Feuchtwanger s'adresse, pour sa part, au nouvel occupant de sa maison15, ou encore, mais ce beaucoup plus tard, en 1941, aux sept comédiens qui jouent dans la version filmée par les nazis de Jud Süß16.
16Mais ici encore, c'est un texte de Thomas Mann qui est le plus célèbre : il s'agit de son échange de lettres en décembre 1936 avec le doyen de l'université de Bonn, suite au retrait de son doctorat honoris causa17.
17Tous ces textes ont en commun d'être adressés explicitement à un destinataire, alors que celui-ci n'est qu'un prétexte – ce que Thomas Mann exprime d'ailleurs clairement après quelques pages : « Ich habe wahrhaftig vergessen, Herr Dekan, daß ich noch immer zu Ihnen spreche »18, aveu sans ambages du peu d’importance réelle de ce destinataire. L'auteur, en l'attaquant et en le condamnant, s’en sert afin de se situer lui-même, d’indiquer quelle est sa propre position ou encore afin d’informer un autre public. C'est le cas également dans ce qui est le premier texte de ce genre, le célèbre « Verbrennt mich ! » adressé par Graf aux nazis le 12 mai 33. Certes, Graf y réclame que ses livres soient eux aussi brûlés et interdits – message que les nazis entendront fort bien puisqu'ils organiseront en juin 1933 un autodafé spécialement consacré à Graf 19 ; mais le message essentiel est adressé à un public plus vaste, pour l'informer sur les actes de terreur des nazis.
18Dans d'autres textes, il s'agit pour les émigrés de se mesurer verbalement à leur adversaire, et ces lettres ouvertes se signalent souvent par leur côté démonstratif. Le but est alors d'occuper l'espace public par des morceaux de bravoure dans lesquels la rhétorique se désigne elle-même, et où l'ironie occupe une large place – ironie qui cache cependant mal un sérieux absolu, voire rancœur et aigreur, en particulier chez Feuchtwanger.
19Ces textes ne sont donc pas de véritables « Discours aux Allemands », dans la mesure où l'intention est différente. Quel est donc l'intérêt de simuler ainsi un dialogue avec un destinataire qui est pourtant bien réel ? Ce procédé permet d'ancrer le discours dans la réalité, de le rendre plus concret, plus personnel, voire plus drôle et agréable à lire, tout cela par le biais d'un bouc émissaire que l'on attaque et/ou que l'on tourne en ridicule. Mais il n'est à aucun moment question de débattre réellement avec ce destinataire.
20Après cette description, examinons ce type de textes sous l'angle du genre. Ces lettres ouvertes sont légion durant les premières années de l'exil ; c'est donc un phénomène quantitativement assez important pour que l'on puisse considérer qu'il s'agit d'un genre. D'ailleurs, le fait que les émigrés se citent mutuellement – ainsi Roth qui, dans « Brief an einen Statthalter »20, en mars 1938, cite indirectement le « Verbrennt mich ! » de Graf – montre bien qu'il s'agit d'un genre avec ses modèles et ses textes fondateurs, ses « classiques » qui font référence.
21Mais ces textes ne sont que la continuation de genres très pratiqués sous Weimar, par exemple dans la Weltbühne. D'autre part, le procédé rhétorique qui consiste à centrer une argumentation sur un destinataire est somme toute assez classique. Enfin, ce type de textes n'est pas marqué politiquement ; il est utilisé indifféremment par communistes et indépendants. Ce genre, même s'il est typique des premières années de l'exil, n'a donc rien de nouveau.
22Durant ces premières années, les émigrés semblent donc tourner quelque peu en rond, prisonniers d'habitudes et de formes anciennes ; ce n'est que plus tard que se met en place un « Discours aux Allemands » au sens propre, dans lequel le dialogue n'est plus fictif ni simulé. Mais ce nouveau genre est par contre marqué politiquement ; en effet, pendant la période durant laquelle les indépendants ne pratiquent que la lettre ouverte fictive, il suffit de consulter la presse d'obédience marxiste pour trouver à presque toutes les pages des appels adressés véritablement aux Allemands, et signés d'auteurs marxistes.
III. Les véritables « Discours aux Allemands »
1. 1934 : La campagne pour le référendum en Sarre
23C'est à l'occasion de cette campagne qu’apparaît le premier texte de ce type : il s'agit du fameux appel « Deutsche sprechen zu Euch ! », lancé par 28 intellectuels émigrés et paru le 19 septembre 1934 dans le Gegen-Angriff. Ce texte est fondateur puisqu'il s'agit d'une part du premier texte collectif réunissant des indépendants, et d'autre part du premier véritable appel aux Allemands signé par ces mêmes indépendants. Infin, il réunit des indépendants et des communistes et constitue en cela une première étape vers un front uni des émigrés.
24Mais l'origine de ce texte est également importante : il est en effet très probable qu'il ait été suscité par la rédaction du Gegen-Angriff, dont l'éditeur, Münzenberg, était un spécialiste de ce type de campagnes réunissant communistes et non-communistes pour un but précis. Cet appel est donc vraisemblablement la conséquence d'une initiative communiste.
25Quoi qu'il en soit, on voit déjà apparaître dans la liste des signataires des noms qui se feront une spécialité de ce type de textes collectifs, en premier lieu Heinrich Mann, suivi par d'autres fervents défenseurs et acteurs d'un front uni, comme Lion Feuchtwanger, Emil J. Gumbel, Leonhard Frank, Alfred Kerr, Oskar Maria Graf, Georg Bernhard, Ernst Toller, Balder Olden, Leopold Schwarzschild ou encore Klaus Mann.
26Ce texte a donc une autre fonction que sa fonction primaire, qui est d'appeler les Sarrois à voter pour le statu quo : il sert également de symbole, en particulier vis-à-vis des émigrés, pour démontrer qu'il est possible pour des intellectuels de tendances politiques différentes de s'engager ensemble contre leur ennemi commun.
27Mais à côté de ce texte clé, on ne trouve presque pas de prises de position ou d'appels individuels adressés aux Sarrois, à part deux petits textes de Klaus Mann21 et des prises de position du Prince Max-Karl zu Hohenlohe-Langenburg et de Theodor Plievier dans le Gegen-Angriff22, c'est-à-dire encore une fois des textes probablement suggérés par les communistes.
28Or le peu d’exemples de « Discours aux Allemands » durant la campagne de Sarre n'est pas représentatif de l'engagement réel des émigrés en général, puisque les communistes, eux, fournissent en Sarre le gros du travail, et s’adressent sans discontinuer à la population locale. Ce fait témoigne par contre, en ce qui concerne les indépendants, d'une difficulté à se mettre à l'action directe, c'est-à-dire à rédiger, individuellement et indépendamment d'une sollicitation extérieure, des textes qui soient une intervention directe dans la vie politique.
2. Les années Volksfront
29Les textes suivants, qui accompagnent les tentatives de Front populaire dans l'émigration, corroborent cette interprétation. On assiste en effet à deux phénomènes simultanés : d'une part un rapprochement entre indépendants et communistes, et d'autre part toutes sortes d'appels au peuple allemand signés entre autres par les émigrés indépendants. La relation de cause à effet est évidente : l'essor du genre « Discours aux Allemands » est très nettement dû au rapprochement d’avec les communistes au sein du mouvement pour le Volksfront.
30De plus, le vote en Sarre a probablement eu comme conséquence de montrer, par la négative et par la défaite, l'importance et la nécessité de s'adresser davantage au peuple, pour tenter de l'influencer et de le convaincre. Ce traumatisme est très certainement à l'origine d'un changement dans les pratiques textuelles des émigrés, de même que la collaboration avec les communistes entraîne une « contamination », sinon idéologique, du moins formelle, c'est-à-dire l'adoption de formes, de modes d'écriture qui font partie du bagage traditionnel des auteurs marxistes.
31Mais cette forme devient vite naturelle aux indépendants, au sens où ils en prennent ensuite « spontanément » l'initiative : et de même que l'on a pu dire que les indépendants étaient devenus durant ces années des élèves ultra-zélés du marxisme, avides de rattraper leur retard idéologique, on assiste pour quelques-uns d'entre eux, en particulier Heinrich Mann, au même phénomène sur le plan du genre.
a) Textes collectifs
32Les années 1936-1939 sont l'âge d'or des textes collectifs ; mais la liste des signatures que réunissent ces textes est particulièrement révélatrice de l'évolution du Volksfront dans l'émigration. En effet, les individus changent, tout comme les organisations qui produisent ces textes.
33Ainsi, les premiers textes sont signés par des individus qui se réunissent sans pour autant faire partie d'une organisation : c'est la phase de mise en place. Dans une deuxième phase, les appels aux Allemands ne sont plus signés que par un collectif dont le nom change. On passe ainsi de Pariser Volksfront en 193523 à des désignations moins optimistes, et qui révèlent bien qu'il ne s'agit que de tentatives, comme Lutetia-Konferenz en février 193624, Mitglieder und Freunde des Ausschusses zur Schaffung der deutschen Volksfront en mars 193625. Avec le temps, ces organisations cèdent la place aux derniers avatars du Volksfront, qui réunissent de moins en moins d'émigrés, comme le Büro des Deutschen Friedenskomitees qui réunit en 1937 Heinrich Mann, Rudolf Leonhard et Willi Münzenberg26, ou encore le Aktionsausschuß Deutscher Oppositioneller au nom duquel Heinrich Mann publie quelques textes en 1938 et 193927.
34Enfin, on retrouve, avec l'essoufflement du Volksfront, des textes signés de nouveau par des individus occasionnellement réunis. Cela montre bien que, si les tentatives organisationnelles sont moribondes, certains n'ont pas encore renoncé aux actions communes ; et l'on retrouvera ce type de textes jusque durant la guerre.
35Les différents comités préparatoires à un Volksfront publient donc en 1936 et 1937 de nombreux appels aux Allemands, mais dont le but évolue : s'il s'agit au début d'appeler l'opposition en Allemagne à s'unifier et à oublier les vieilles querelles, s'ajoutent à cela en 1937 des appels qui s'adressent plus particulièrement aux soldats allemands envoyés en Espagne, pour les exhorter à faire cesser cette guerre28. L'appel à l'unité s'accompagne donc désormais d'un appel à sauvegarder la paix, appel qui deviendra de plus en plus pressant entre 1937 et 1939.
36La liste des signataires de ces appels collectifs – lorsqu'elle apparaît – comporte presque toujours les mêmes noms : on retrouve ainsi Heinrich Mann, Rudolf Leonhard, Georg Bernhard, Emil J. Gumbel, Ernst Toller et Lion Feuchtwanger. L'appel « Bildet die deutsche Volksfront ! Für Frieden, Freiheit und Brot ! » paru en décembre 193629 est l'apogée de ce type de textes, puisqu'il présente le plus de signatures. Mais, et c'est caractéristique du Volksfront, cette apogée annonce déjà le déclin qui suivra : il manque en effet déjà des noms, qui étaient présents depuis la première heure. Ainsi, Leopold Schwarzschild, qui a pris ses distances d'avec les communistes, ne signe pas cet appel.
37Enfin, dans les textes suivants, les rangs s'éclaircissent très nettement autour des figures tutélaires que sont Heinrich Mann et Rudolf Leonhard.
b) Le rôle de Heinrich Mann
38Heinrich Mann est celui des émigrés indépendants qui a signé le plus de textes collectifs, et ce jusqu'à la fin de la guerre, ce qui correspond parfaitement à la manière dont il concevait lui-même son rôle d'organisateur et d'unificateur de l'émigration, rôle auquel il n'a pas renoncé même après l'échec patent des tentatives parisiennes d'unité. On retrouve en effet encore son nom dans les textes collectifs publiés durant la guerre par le Lateinamerikanisches Komitee der Freien Deutschen, organisation dominée par les communistes, qui tentent encore de poursuivre une politique de front populaire. Et le fait que Heinrich Mann soit la plupart du temps le seul signataire indépendant de ces appels montre bien, d'une part que les autres émigrés ont depuis longtemps renoncé à collaborer avec les communistes, et d'autre part à quel point Heinrich Mann, pour sa part, s'accroche à cet espoir.
39Mais parallèlement aux textes collectifs du mouvement pour le Volksfront, qu'il signe tous sans exception, Heinrich Mann rédige également des appels aux Allemands en son nom propre, et il est, entre 1935 et 1937, le seul à le faire. Ces textes paraissent souvent à peu près au même moment que les textes collectifs, et leur message est à peu près le même : appel à l'unité, à la résistance et à la désobéissance.
40Il est difficile d'évaluer concrètement l'influence réelle de Heinrich Mann sur le mouvement pour le Volksfront, mais la concomitance de textes signés soit d'organisations pour le Volksfront, soit par Heinrich Mann uniquement, datant à peu près du même moment, traitant des mêmes thèmes et adressés à un même public, montre bien que Heinrich Mann, s'il n'est pas le maître à penser du Volksfront, puisqu'il est vraisemblablement manipulé, en est au moins le porte-plume.
41Et ces textes en quelque sorte doubles montrent également à quel point il est convaincu, en ces années, d'une part qu'il est de son devoir de s'adresser inlassablement au peuple allemand, et d'autre part qu'il est possible que ces textes produisent un effet. Il se sent donc investi d'une mission, qu'il remplit à la fois seul et au sein d'un collectif. Il s'adresse pour cela indifféremment au peuple allemand dans son ensemble30 ou à différents groupes plus restreints. Ainsi, des deux textes qui appellent à faire cesser l'intervention allemande en Espagne, l'un est adressé aux mères allemandes31 et l'autre aux soldats envoyés en Espagne32.
42Mais ce type de textes adressés aux Allemands n’apparaît qu'à partir de 1936 ; avant cela, Heinrich Mann se consacre plutôt à l'information du public français, ainsi qu'à la définition théorique du rôle de l'intellectuel. Il semble donc que chez Heinrich Mann, comme chez beaucoup d'autres, une réflexion théorique sur les modalités de l'engagement ait précédé et conditionné l'engagement direct lui-même.
3. L'engagement contre la guerre
43À partir de 1937, le Volksfront s'essouffle, ce que signale bien le fait que les textes que publie Heinrich Mann le sont de plus en plus uniquement sous son nom seul. Mais on constate également, à partir de 1937, l'apparition de « Discours aux Allemands » signés par des auteurs qui pratiquent pour la première fois ce type de textes. Il y a plusieurs raisons à cette émergence de « nouveaux » auteurs.
44Tout d'abord, 1937 est l'année de la création du Deutscher Freiheitssender, radio émettant d'Espagne, contrôlée par le KPD, mais mise par celui-ci à la disposition du comité pour la création du Volksfront. La possibilité de toucher enfin directement les Allemands, par la radio, est nouvelle et n'est pas sans conséquences pour la production des émigrés. C'est incontestablement un tournant pour le genre qui nous occupe ; mais il faut cependant relativiser son importance. En effet, d'une part, les émigrés invités à collaborer sont ceux qui sont partisans d'un front uni avec les communistes, et ils sont de moins en moins nombreux. D'autre part, si de nombreux textes sont écrits pour être lus sur les ondes du Freiheitssender, ils ne prennent pas nécessairement la forme de « Discours aux Allemands » tels que nous les avons définis.
45Mais il est intéressant de constater que les intellectuels émigrés qui s'adressent pour la première fois directement et individuellement aux Allemands le font sur le Freiheitssender – comme par exemple le Prince Hubertus zu Löwenstein, Alfred Kerr ou Arnold Zweig. Il y a donc encore une fois une relation directe de cause à effet entre les circonstances et les textes, qui sont probablement des textes de commande ; et encore une fois, cette commande, ou du moins cette suggestion, émane d'une organisation contrôlée par les communistes.
46Mais les années 1937, 1938 et à plus forte raison 1939 sont aussi celles où la menace d'une guerre se fait de plus en plus évidente ; et si les émigrés ont dès 1933 tenté de prévenir l'opinion publique internationale que l'Allemagne nazie préparait une guerre, la situation devient plus tard autrement plus urgente. Cela explique donc, chez certains émigrés, un changement paradigmatique dans le choix du public visé : il s'agit désormais d'éviter la guerre en s'adressant aux Allemands, en les appelant à renverser Hitler, puisqu'il semble que cela soit la dernière chance de préserver la paix.
47Les textes appellent donc toujours à la résistance, en interpellant le peuple en général, mais plusieurs s'adressent à des groupes bien particuliers, en particulier aux jeunes, pour les sensibiliser, en tant que futurs soldats, au problème de la guerre. Ainsi Löwenstein et Heinrich Mann s'adressent-ils tous deux, à deux semaines d'intervalle, à la jeunesse en Allemagne33. Heinrich Mann s'adresse également à « l'opposition de l'intérieur », pour l'appeler à s'allier avec l'armée dans une résistance commune34. Les émigrés tentent donc de toucher tous les publics possibles. C'est le cas également des textes collectifs émanant de la nébuleuse Volksfront – laquelle est encore agitée de quelques soubresauts – comme par exemple le texte titré « Deutsche Arbeiter ! Ihr seid die Hoffnung ! », signé par Heinrich Mann, Lion Feuchtwanger, Gustav Regler et Rudolf Leonhard, mais rédigé en fait par Heinrich Mann pour le Deutscher Freiheitssender35. Dans ce texte, également diffusé illégalement en Allemagne et qui fait suite aux accords de Munich, apparaît clairement l'idée que les Allemands pourront être tenus comme responsables de la guerre qui va probablement se déclencher – la guerre qui est donc le thème central de ces textes, ce qui va s’accentuer l’année suivante, en 1939.
48Mais en 1939, seuls deux auteurs maintiennent encore le flambeau : Heinrich Mann et Klaus Mann. Heinrich Mann s'adresse aux Allemands dans des textes qui se font d'une part de plus en plus rapprochés dans le temps, et dont le ton est d'autre part de plus en plus pressant, voire désespéré. Le titre de l’un de ces textes en donne le leitmotiv : « Es ist Zeit »36. Pour Heinrich Mann, il est grand temps que les Allemands se soulèvent, mais il est encore tout juste temps, et les conséquences seront terribles si cela ne se produit pas. Ces appels deviennent de plus en plus impatients après l'entrée des troupes allemandes en Tchécoslovaquie, et Heinrich Mann adresse alors un appel aux soldats allemands qui laisse transparaître son agacement : les tournures se font plus agressives, avant d'encourager les soldats à utiliser leurs armes contre le régime37.
49Il est par contre plus surprenant de voir réapparaître Klaus Mann dans notre corpus ; mais il s'adresse ici spécifiquement aux intellectuels en Allemagne, ce qui n'a rien d'étonnant, dans la mesure où c'est lui qui avait, en 1933, donné à la fois le coup d'envoi et le coup d'arrêt de ce type de textes. La définition du rôle de l'intellectuel est chez Klaus Mann une préoccupation constante, et c'est pourquoi il tente en 1939, par deux fois, de renouer le dialogue. Mais chez lui aussi, c'est la menace d'une guerre qui agit comme aiguillon.
50Klaus Mann adresse donc deux textes aux intellectuels allemands : le premier en mai 1939 et le deuxième en septembre de la même année, c'est-à-dire juste avant et juste après le début de la guerre38. Ces textes s'inscrivent dans un projet collectif : certains émigrés avaient prévu d'adresser clandestinement une série de textes aux habitants du Reich. Klaus Mann s'adresse donc pour sa part aux intellectuels, et joint d'ailleurs à ses textes la liste de ceux à qui il souhaite que ses textes soient personnellement envoyés, comme par exemple Gottfried Benn.
51Il s'adresse à ses « collègues » dans une tentative de conciliation, les appelant à mobiliser les Allemands contre Hitler, et donc à remplir enfin leur rôle, qui est de former l'opinion publique. Il ressort de ces textes une sorte de partage des tâches : les émigrés ont pour fonction d'alerter l'étranger, et les intellectuels en Allemagne de s'adresser aux Allemands. Cette conception explique pourquoi Klaus Mann ne s'est pas, durant toutes ces années, adressé directement aux Allemands.
52Ce qui marque cette période n’est pas tant le déclenchement des hostilités en septembre 1939, que, avant cela, le pacte germano-soviétique signé en août ; et cela confirme que l'existence même du genre « Discours aux Allemands » est pratiquement subordonnée à l'influence communiste. En effet, après la signature de ce pacte, les communistes n'ont plus de raisons de s'adresser aux Allemands pour les appeler à la résistance. Par ailleurs, les indépendants qui croyaient encore pouvoir coopérer avec ces mêmes communistes restent prostrés, sous le choc. On peut donc considérer que la césure se produit dès août 1939, même s'il existe quelques textes postérieurs.
53Fritz von Unruh, en particulier, s'adresse aux soldats allemands avec deux textes dans lesquels, auréolé de son prestige d'ancien combattant, il tente de leur révéler la vraie nature de cette guerre39. Le premier de ces textes sera diffusé en 1940 par l'armée française sous forme de tract40 – ce qui marque le début d'une nouvelle époque. En effet, à partir de l'entrée en guerre de la France et de l'Angleterre, et a fortiori celle des États-Unis et de l'Union soviétique, les émigrés ne s'adressent plus réellement aux Allemands en leur nom propre : ils sont en effet, nolens volens, dépendants des moyens techniques des Alliés et donc en quelques sorte à leur service.
54La collaboration de Unruh, émigré allemand, avec le service de contre-propagande français, dirigé par Giraudoux, signale le début de ce phénomène. Fritz von Unruh n'est pas le seul à avoir ainsi interpellé les Allemands dans ce cadre ; les Français ont également utilisé les services d'émigrés allemands pour des émissions de radio diffusées en Allemagne. Malheureusement, ce chapitre a été jusqu'à maintenant peu étudié, et l'on ne dispose donc que de peu d'indications à ce sujet.
4. Les années de guerre : 1941-1945
55Au plus tard à partir de septembre 1939, le mutisme gagne les autres émigrés, qui sont par ailleurs occupés à assurer rien de moins que leur survie. Le « Discours aux Allemands » ne reprend qu'à partir de 1941, faisant suite à plusieurs évolutions.
56Tout d'abord, la situation des émigrés s'est « normalisée », dans la mesure où ils ont pour la plupart trouvé un nouveau lieu d'asile, et se sont progressivement faits ou du moins tentent de se faire à leurs nouvelles conditions de vie. D'autre part, l'attaque allemande en URSS a clarifié les choses et les camps sont de nouveau bien établis : Alliés d'un côté, nazis de l'autre. Mais ces éléments ne suffisent pas à expliquer la reprise du « Discours aux Allemands » ; en effet, un autre problème se pose, et de manière de plus en plus aiguë au fil des années : le problème du jugement que portent les Alliés sur les Allemands, car les Alliés occidentaux semblent accorder de moins en moins de crédit à l'idée d'un peuple allemand opprimé par les nazis. Il s'agit donc désormais pour les émigrés d'appeler les Allemands à manifester leur opposition à la guerre et au régime, afin d'éviter d'être assimilés aux nazis et donc traités comme tels par la suite.
57Ainsi, le premier texte que publie Heinrich Mann à destination des Allemands après 1939, « Aufruf an die Deutschen », cosigné par Feuchtwanger et Brecht41, montre bien quelle est désormais la priorité. Il s'agit d'un « Rettungsruf », ce qui souligne l'urgence du problème : les Allemands doivent démontrer au monde entier qu'ils ne soutiennent pas Hitler, et il faut donc absolument qu'ils renversent le régime.
58Les textes suivants tiennent le même discours, qu'ils émanent de communistes, d'auteurs qui ne se sont que peu exprimés jusque là, comme Annette Kolb s'adressant aux Allemands par le biais de la radio américaine42, ou encore d'un collectif comme le Lateinamerikanisches Komitee der Freien Deutschen qui s'adresse en juin 1943 au peuple allemand43, avec pour seules signatures d'indépendants celles de Heinrich Mann et de Hubertus zu Löwenstein, pour appeler les Allemands à renverser Hitler, afin de pouvoir décider eux-mêmes de leur destin après-guerre.
59Cependant, la deuxième vague d'émigration a changé la donne en ce qui concerne les moyens techniques dont disposent les émigrés pour toucher le public allemand. La presse de l'émigration, telle qu'elle existait en Europe, a été détruite ; et si quelques journaux et magazines ont été créés aux États-Unis et en Amérique latine, ils n'ont pas la même envergure. D'autre part, il n'est plus question de les introduire illégalement en Allemagne. Quant à la radio, la situation est là aussi différente. En effet, les émigrés ne peuvent plus participer qu'à des émissions de radio de pays qui sont presque tous en guerre avec l'Allemagne, ce qui est tout de même une situation particulière.
60En URSS, l'appareil de propagande soviétique s'est redéployé dès l'attaque par l'Allemagne, et les soviétiques sont ainsi les premiers à mettre en place, sur une grande échelle, des émissions de radio régulières destinées aux Allemands, et plus particulièrement aux soldats du front, et pour lesquelles les émigrés sont réquisitionnés. Les émigrés, communistes (comme par exemple Friedrich Wolf, Ernst Fischer, Alexander Abusch, Erich Weinert) ou non-communistes (comme Theodor Plivier), qui vivent en Union soviétique et ont survécu aux purges staliniennes, reprennent donc le même travail que précédemment, mais cette fois-ci pour l'effort de guerre : il y a ici une nette continuité.
61Mais pour les émigrés « indépendants » qui séjournent ailleurs qu'en URSS, la situation est différente. Certains d'entre eux collaborent aux radios des Alliés occidentaux, mais ils sont peu nombreux. Ils disposent par contre de moyens considérables ; la majeure partie des émigrés n'accède cependant pas à ce média, et ne dispose alors d'aucun moyen de toucher les Allemands.
62Bien sûr, comme nous l'avons vu, Thomas Mann, qui, de 1942 à 1945, s'adresse une fois par mois aux Allemands sur l'antenne de la BBC, est l'exemple le plus célèbre d’un émigré s’adressant aux Allemands par le biais d’une radio étrangère.
63Mais il n'est pas le seul : ainsi, Leopold Schwarzschild collabore à partir de 1942 aux émissions destinées aux Allemands produites par l'OWI (Office of War Information) et émises par la station Voice of America44, de même que Ludwig Marcuse45. Enfin, Paul Tillich, théologien émigré aux États-Unis, prononce, de mars 42 à mai 44, 109 discours dominicaux sur Voice of America, c'est-à-dire encore plus que Thomas Mann. Il le fait lui aussi probablement à la demande de l'OWI46.
64Mais le cas le plus extrême de collaboration avec les services de contre-propagande alliés est celui de Klaus Mann qui, engagé en décembre 1942 dans l'armée américaine, naturalisé américain en septembre 1943, travaille au front pour la Psychological Warfare Branch, rédigeant des textes qu'il lit ensuite lui-même par haut-parleur ou à la radio afin d'inciter les soldats allemands à se rendre47.
65Pour tous ces textes, plusieurs remarques s'imposent. Tout d'abord, pour tous ces auteurs, ces textes sont la conséquence d'une sollicitation extérieure ; par ailleurs, ces mêmes auteurs n'ont pour la plupart pas rédigé de textes de ce genre précédemment. Encore une fois, c'est un concours de circonstances qui suscite ce genre, et non pas une volonté délibérée. Cependant, si ces intellectuels émigrés acceptent cette « commande », c'est bien qu'ils estiment avoir quelque chose à dire, une mission à accomplir ou une influence à exercer : tous pensent en effet devoir intervenir avant que la situation ne soit encore plus grave.
66Enfin, ces auteurs se trouvent dans une situation assez particulière dans la mesure où ils se retrouvent servir la propagande de pays qui sont en guerre avec leur propre pays. La question se pose donc : dans quelle mesure leur demande-t-on de servir les buts de guerre alliés ? D'une part, il est clair qu'ils ont été choisis justement parce que leurs positions s'accordent avec ces mêmes buts de guerre ; mais d'autre part, Ludwig Marcuse témoigna que le service de propagande américain ne lui avait pas imposé de conditions particulières48.
67Par contre, la manière dont chacun de ces auteurs s'adresse aux Allemands varie. Thomas Mann souligne dans ses allocutions, de manière de plus en plus exaspérée, à quel point il est urgent d'agir, de prouver que Hitler n'est pas l'Allemagne, même s'il en est lui-même de moins en moins convaincu : « Auch heißt, ein Volk zur Erhebung aufzurufen, noch nicht, an seine Fähigkeit dazu im tiefsten Herzen zu glauben. »49 Il se définit lui-même comme une « voix dont la fonction est d'avertir »50 ; ce n'est donc pas une voix amicale, au contraire de Tillich, qui s'adresse pour sa part à ses « amis allemands », c'est-à-dire à l'opposition en Allemagne, qu'il encourage à la résistance, ouverte ou silencieuse.
68Klaus Mann enfin ne s'adresse plus qu'aux soldats allemands du front. Il est clair que le fait même qu'il se soit engagé dans l'armée américaine témoigne de sa position : il estime désormais que l'Allemagne ne pourra plus être libérée que par les armes. Et les discours qu'il adresse aux soldats allemands sont d'un type très particulier, puisqu'ils sont, eux, directement subordonnés à des buts de guerre. Ils sont l'exemple parfait de textes absolument fonctionnels, dans la mesure où l'action qu'ils visent à provoquer est clairement définie et circonscrite ; il ne s'agit pas ici d'appeler à résister – ce qui est assez vague – mais d'appeler à jeter son fusil et à courir : un but limité et un langage adéquat. Klaus Mann semble donc, depuis ses dernières missives aux intellectuels allemands de 1939, avoir abandonné tout espoir. Et son travail dans l'armée américaine est précisément de transmettre cette idée, d'appeler à la capitulation sans conditions et de présenter les Américains non pas comme des libérateurs mais comme des vainqueurs51. Il est donc parfaitement logique qu'il se détourne également des Allemands comme public, et ne cherche à leur faire passer que cet unique message. Son travail pour l'armée américaine est donc le prolongement extrême de cette attitude.
IV. Épilogue : 9 mai 1945
69Au lendemain du 8 mai, plusieurs intellectuels en exil s'adressent au peuple allemand, parmi lesquels, bien sûr, Thomas Mann et Paul Tillich. Mais le 9 mai 1945 paraît également, dans le journal Freies Deutschland, un texte adressé aux habitants de Berlin, et signé Heinrich Mann, pour le compte du Lateinamerikanisches Komitee der Freien Deutschen .
70Ces trois textes, datés du même jour, résument en quelque sorte le genre entier du « Discours aux Allemands » durant l'exil : leurs auteurs sont en effet les plus prolifiques pour ce genre particulier. Mais la différence est également très nette, et montre bien à quel point l'exil peut se diviser en deux parties : la prédominance de Heinrich Mann tout d’abord, et le règne quasi impérial de Thomas Mann ensuite. Or nous avons montré que Heinrich Mann est celui qui, parmi les émigrés indépendants, a en quelque sorte porté à bout de bras le genre du « Discours aux Allemands », donnant l'exemple à d'autres. Et ce dernier texte montre à quel point il aurait certainement voulu poursuivre dans cette voie durant la guerre, si les circonstances le lui avaient permis. L'alternance Heinrich Mann/ Thomas Mann semble donc causée non pas tant par un renoncement de la part de l'aîné – même s'il est vrai que son second exil aux États-Unis l'a considérablement déstabilisé – que par des conditions et possibilités matérielles. Il apparaît donc encore une fois clairement que le « Discours aux Allemands » des émigrés obéit à une règle que l'on peut formuler trivialement ainsi : c'est l'occasion qui fait le larron. Heinrich Mann étant l’exception qui confirme la règle.
Conclusion
71La mise en place d’un véritable « Discours aux Allemands » révèle chez les émigrés une certaine difficulté à se mettre en train, à s'adapter aux nouvelles conditions de l’exil ; mais cette lenteur même montre que le concept de l'engagement politique de l'intellectuel, que tous s’accordent à considérer comme le concept clé de l’exil, ne s'impose en fait pas si vite, du moins dans les textes ; c’est-à-dire qu’il ne se traduit pas immédiatement dans la pratique. L’on constate donc que la théorie, c’est-à-dire la discussion au sein de l’émigration au sujet du rôle de l’intellectuel, précède de quelques années la pratique.
72Mais l’émergence d'un véritable « Discours aux Allemands » prouve bien que le concept d’engagement finit par s’imposer, puisque les émigrés se mettent à utiliser ce type de textes, qui signalent une certaine fonctionnalisation de l’écriture.
73Qu’en est-il, au terme de ce survol, de la question du genre ? Nous avons rencontré suffisamment d'occurrences, pour chaque type, autant pour la lettre ouverte que pour le « Discours aux Allemands » réel, pour pouvoir considérer qu'il s'agit bien d'un genre typique de l'exil. D’autre part, le terme même de genre suppose une série de figures imposées à exécuter, un ensemble de traits qui se retrouvent ; et c’est bien le cas pour ce type de textes. L’impression d’uniformité qui se dégage des ces textes, en particulier à cause de titres, de moyens rhétoriques et de chutes souvent semblables, confirme qu’il s’agit bien d’un genre spécifique.
74D’autre part, ce genre, s'il n'est pas nouveau dans l'absolu, s'impose à un moment donné, et l’étude chronologique de sa mise en place témoigne de l’apparition d’un type de textes peu pratiqué précédemment, du moins par les indépendants, pour lesquels l’adoption de ce genre coïncide avec le rapprochement d’avec les communistes.
75Il est donc possible d’affirmer que ce genre est bien caractéristique de la littérature de l'exil ; cela permet de conclure que le concept même de « littérature de l’exil » est pertinent, puisque celle-ci possède ses formes propres, même si elles ne sont pas nouvelles.
76Plus généralement, ces formes traduisent, sur le plan du texte, deux phénomènes qui sont concomitants : politisation de l’écrivain et fonctionnalisation du texte. La politisation de l’activité de l’écrivain est visible dans la manière dont ces textes sont liés à l’actualité, puisqu’ils sont presque tous suscités par un ou des événements précis que l’on peut souvent reconstituer. Ils représentent donc autant d’interventions ponctuelles de l’intellectuel dans la vie politique. D’autre part, l’apparition, dans le discours des émigrés sur eux-mêmes, du champ sémantique de l’action coïncide avec l’utilisation de textes qui sont à la fois eux-mêmes des actions, et visent à entraîner une action chez leur destinataire : les aspects illocutoire et perlocutoire sont donc très présents dans ces textes qui relèvent de la pragmatique.
77Ces textes deviennent avec le temps de plus en plus fonctionnels et subordonnés à un but pratique, pour arriver au cas extrême de Klaus Mann ; ils sont donc la concrétisation, sur le plan des modes d’écriture, de la formule « agir par l'écriture », dans laquelle la composante d'action prend de plus en plus d’importance pour finalement devenir concrète, comme chez Klaus Mann.
78Mais au-delà de la forme elle-même, ces textes présentent d'autres caractéristiques typiques de cette période et de cette littérature, en particulier en ce qui concerne l'attitude des intellectuels indépendants par rapport à leur environnement. On constate tout d’abord qu’ils sont très dépendants d’une situation donnée, d’une influence extérieure ou plus généralement des circonstances. Ainsi, la plupart du temps, les « Discours aux Allemands » apparaissent suite à une sollicitation extérieure.
79D’autre part, cette dépendance s’étend au discours lui-même. Ainsi, les lettres ouvertes « fictives » présentent essentiellement une structure de réfutation de la propagande nazie, qui relève d’une attitude défensive, marquée et dominée donc par le discours de l’ennemi. Par rapport à cette première phase, le « Discours aux Allemands » réel traduit une volonté de reprendre l’offensive, de se libérer du carcan de la contre-propagande pour élaborer un discours plus constructif, qui ne soit plus seulement de rejet. Mais cette évolution conduit les écrivains indépendants à adopter un discours et des formes qui sont ceux des communistes, et leur discours est donc de nouveau sous influence, même s’il s’agit cette fois-ci d’un modèle perçu comme positif. Enfin, durant la guerre, ils se mettent « au service » de discours qui leur sont encore une fois étrangers, ceux des puissances alliées, pour les transmettre. Les indépendants sont donc toujours dans une relation de dépendance par rapport à un autre discours, que ce soit pour le rejeter ou pour s’en inspirer.
80Cette dépendance vis-à-vis de discours extérieurs est précisément ce qui fait, à notre avis, la caractéristique principale de la littérature de l’exil, ou du moins de la production des intellectuels « indépendants » – on voit que c’est un peu par goût du paradoxe que nous avons choisi de les désigner ainsi. Il semble que la situation nouvelle qu’est l’exil entraîne chez eux certes un changement, mais surtout un repli vers des discours préexistants ; ce qui même si ce n’est pas une révolution, est tout de même une évolution. Or c’est précisément cet aspect qui est intéressant dans cette littérature : nous nous trouvons en effet face à un groupe d'intellectuels, soumis au même moment et pour une même durée, aux mêmes contraintes, qui sont ici d'ordre politique. Voilà un échantillon idéal pour étudier si et comment une situation historique donnée laisse des traces dans la littérature, en particulier au niveau des modes d’écriture. Il semble donc que les « Discours aux Allemands » des émigrés permettent d’ébaucher une réponse à cette question, et ce n’est pas là leur moindre mérite.
Notes de bas de page
1 58 allocutions radiophoniques dans toutes les éditions, plus 3 publiées dans Mann, T., Gesammelte Werke Band 13 : Nachträge, Frankfurt/Main, Fischer, 1974, ce qui fait donc 61 allocutions en tout
2 paru tout d'abord dans la Wiener Arbeiterzeitung du 12.05.1933, puis dans de nombreux journaux dans le monde entier
3 Deutsche Stimmen, supplément de Deutsche Freiheit, Jg. 1, N° 122 du 11.11.1933
4 Die Neue Weltbühne,1933, N° 24, 15.06.1933
5 « Brief an Gottfried Benn », in : Mann, K., Zahnärzte und Künstler, Reinbek, Rowohlt, rororo Nr 12742, 1993, pp. 24-27
6 Deutsche Allgemeine Zeitung, 25.05.33
7 « Literatur und Emigration. An Herrn Dr. Gottfried Benn ! », in : Aufruf, Jg. 3, Nr 9, 1.06.1933
8 Mann, K., « Antwort auf die Antwort », non-publié, in : Mann, K., Zahnärzte und Künstler, op. cit., pp. 27-31 ; Mann, K., « Gottfried Benn oder die Entwürdigung des Geistes », in : Die Sammlung, Jg.1, Nr 1, Sept. 1933 ; Roth, J., « Dichter im Dritten Reich », in : Das Neue Tage-Buch, Jg. 1, H. 1, 01.07.1933
9 Mann, K., « Antwort auf die Antwort », op. cit., p. 30
10 Graf, O. M., « Verachtet sie !, Ein Briefwechsel zwischen ‘Schutzverband’ und Oskar Maria Graf », in : Deutsche Stimmen, supplément de Deutsche Freiheit, Jg. 1, N° 29, 23/24. 07.1933 ; Graf, O.M., « Geld stinkt nicht. Liebenswürdige Antwort auf einen liebenswürdigen Brief », in : Neue Deutsche Blätter, Jg.1, N° 2, 15.10.1933
11 paru tout d'abord dans Deutsche Freiheit, Jg. 1, N° 61, 10.08.1933, et également dans le Braunbuch über Reichstagsbrand und Hitlerterror, Paris, 1933
12 cf. Mann, K., Tagebücher 1931 bis 1933, München, edition spangenberg, 1989, entrée du 9.06.1933, p.145
13 par exemple dans Toller, E., « Offener Brief an Herrn Goebbels », op. cit. ; Hiller, K., « Offener Brief an den Reichsinnenminister Doktor Frick », in : Die Neue Weltbühne, 1935, N°26, 27.06.1935
14 Mann, K., « An die Staatsschauspielerin Emmy Sonnemann-Göring », in : Pariser Tageblatt, Jg. 3, N°495, 21.04.1935
15 Feuchtwanger, L., « Brief nach Deutschland. Offener Brief an den Bewohner meines Hauses », in : Pariser Tageblatt, Jg. 3, 10.03.1935
16 Feuchtwanger, L., « Offener Brief an sieben Berliner Schauspieler », in : Aufbau, Vol. 7, N° 27, 4.07.1941
17 Mann, T., « Briefwechsel mit Bonn », paru sous forme d'un livre intitulé : Ein Briefwechsel, Zürich, Oprecht, 1937, ainsi que dans de nombreux journaux et magazines de l'émigration, et diffusé illégalement en Allemagne, camouflé dans une brochure portant le titre Briefe deutscher Klassiker, cf. Gittig, Illegale antifaschistische Tarnschriften 1933 bis 1945, Leipzig, Bibliographisches Institut, 1972, p. 20
18 Mann, T., op. cit., in : Mann, T., An die gesittete Welt, Frankfurt/Main, Fischer, 1986, p. 167
19 cf. Sauder, Gerhard (Ed.), Die Bücherverbrennung, München, Hanser, 1983, pp. 285-286.
20 in : Das Neue Tage-Buch, Jg. 6, H. 13, 26.03.1938.
21 « Schlagt Hitler an der Saar ! » in : Pariser Tageblatt ; Jg. 3, N° 387 ; « Krieg und Saar » , in : Die Neue Weltbühne, Jg. 3, N°45, 8.11.1934
22 zu Hohenlohe-Langenburg, M.K. , « Mit Hitler gibt es keinen Frieden », in : Der Gegen-Angriff, N°44, 31.10.1934 ; Plivier, T., « Wir beschwören Euch : Stimmt für den Status quo ! », in : Der Gegen-Angriff, N° 47, 21.11.1934
23 « Wir beschwören Euch : Macht Schluß mit der Zersplitterung ! », in : Der Gegen-Angriff, Jg.3, N°32, 10.08.1935
24 « Kundgebung an das deutsche Volk », in : Das Neue Tage-Buch, Jg.4, H.7, 15.02.1936 ; paru également dans le recueil Eine Aufgabe. Die Schaffung der deutschen Volksfront, édité par la Deutsche Freiheits-Bibliothek, Paris, 1936
25 « Aufruf der Mitglieder und Freunde des Ausschusses zur Schaffung der deutschen Volksfront vom 7. März 1936 / Eine Deklaration der deutschen Opposition », in : Deutsche Informationen, édition spéciale, N° 44, 20.05.1936 ; diffusé illégalement en Allemagne, camouflé dans une brochure intitulée : Besuchen Sie den zoologischen Garten ved Roskildevej, cf. Gittig, op. cit., p. 179
26 « Aufruf an das deutsche Volk – Gruß an das spanische Volk », in : Rundschau über Politik, Jg.6, N°2, 14.02.1937
27 par exemple « Deutsche ! Hitler verkauft Euch ! », in : Deutsche Informationen, Jg.4, N°114, 1939 ; texte diffusé illégalement en Allemagne, camouflé dans une brochure intitulée Dolomiten, cf. Gittig, op. cit., p. 218
28 « Sabotiert Hitlers spanischen Krieg ! » , paru tout d'abord dans Pariser Tageszeitung, N° 197, 25.12.1936, et diffusé illégalement en Allemagne ; « Aufruf an das deutsche Volk – Gruß an das spanische Volk », op. cit.
29 paru tout d'abord sous forme de brochure à Paris en 1936, puis entre autres dans Die Neue Weltbühne, 1937, N°3, 14.01.1937 ; également diffusé clandestinement en Allemagne dans une brochure intitulée Gebrauchsanweisung für die Dollina, cf. Gittig, op. cit., p. 179.
30 « Wir wollen den Frieden retten », in : Deutsche Informationen, avril 1937 ; « Christenverfolgung », in : Die Neue Weltbühne, 1937, N°30, 22.07.1937 ; « Heinrich Mann an Deutschland », in : Deutsche Freiheit, Jg.1, N°4, 24.12.1937
31 « Deutsche Mütter ! » paru entre autres dans Deutsches Volksecho, N°4, 13.03.1937
32 « Deutsche Soldaten ! Euch schickt ein Schurke nach Spanien », in : Deutsches Volksecho, Jg.1, N°1, 20.02.1937
33 Mann, Heinrich, « An die deutsche Jugend », in : Deutsches Volksecho, Bd.2, N°35, 27.08.1938 ; zu Löwenstein, Hubertus, « An die deutsche Jugend », allocution prononcée sur le Deutscher Freiheitssender, et parue entre autres dans Deutsche Informationen, édition spéciale, N° 379, 11.08.1938
34 Mann, Heinrich, « Das Heer mit dem Volk », in : Pariser Tageszeitung, Jg.3, N°613, 18.02.1938
35 cf. les notes de l’éditeur dans Mann, H., Verteidigung der Kultur, Hamburg, Claassen, 1960, p. 511
36 paru dans Mann, H., Mut, Paris, Editions du 10 mai 1939
37 « Die deutschen Soldaten », in : Die Neue Weltbühne, 1939, N°15, 13.04.1939, également diffusé clandestinement en Allemagne dans une boîte censée contenir des sachets de thé, cf. Gittig, op. cit., p. 228
38 « An die Schriftsteller im Dritten Reich », mai 1939, cf. notes des éditeurs dans Mann, K., Zweimal Deutschland, Reinbek, Rowohlt, rororo N° 12743, 1994, pp. 427-428 ; « An die deutschen Intellektuellen », septembre 1939, Ibid.
39 « Kameraden ! Ihr kennt mich... », 4.09.1939, in : Kirchner, Klaus, Flugblätter. Psychologische Kriegsführung im Zweiten Weltkrieg in Europa, München, Hanser, 1974, p. 126 ; « Vergessen der Verdunschwur ? », in : Die Zukunft, Jg.3, N°18, 3.05.1940
40 cf. Kirchner, K, Ibid.
41 in : Aufbau, 1942, N°15, 10.04.1942
42 « Funkspruch an das deutsche Volk », in : Freies Deutschland, Jg.2, N°5, Avril 1943
43 « An das deutsche Volk ». Aufruf des Lateinamerikanischen Komitees der Freien Deutschen und der Landeskonferenz der Bewegung « Freies Deutschland » in Mexiko, in : Freies Deutschland, numéro spécial, Jg.2, N°7, juin 1943
44 Cf. Biographisches Handbuch der deutschsprachigen Emigration nach 1933 et Pütter, Conrad, Rundfunk gegen das Dritte Reich, 1986 – ces textes, que nous n'avons pas encore consultés, se trouvent au Rundfunkarchiv de Francfort/Main
45 Cf. Marcuse, L., Mein zwanzigstes Jahrhundert, München, Paul List, 1960, p. 291
46 Tillich, P., An meine deutschen Freunde, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk, 1973
47 25 de ces textes dactylographiés se trouvent au Klaus-Mann-Archiv de Munich
48 Marcuse, L., Ibid.
49 « Deutsche Hörer ! Vorwort zur ersten Ausgabe », octobre 1940, in : Mann, T., Politische Schriften und Reden, Dritter Band, Frankfurt/Main, Fischer, 1960, p. 186
50 « warnende Stimme », allocution de mars 1941, op. cit., p. 195
51 cf. Mann, K., Le tournant, traduit de l'allemand par N. Roche, Paris, Solin/Seuil, Points Seuil N°R240, 1984, p. 620
Auteur
Université de Paris III
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Médiations ou le métier de germaniste
Hommage à Pierre Bertaux
Gilbert Krebs, Hansgerd Schulte et Gerald Stieg (dir.)
1977
Tendenzen der deutschen Gegenwartssprache
Hans Jürgen Heringer, Gunhild Samson, Michel Kaufmann et al. (dir.)
1994
Volk, Reich und Nation 1806-1918
Texte zur Einheit Deutschlands in Staat, Wirtschaft und Gesellschaft
Gilbert Krebs et Bernard Poloni (dir.)
1994
Échanges culturels et relations diplomatiques
Présences françaises à Berlin au temps de la République de Weimar
Gilbert Krebs et Hans Manfred Bock (dir.)
2005
Si loin, si proche...
Une langue européenne à découvrir : le néerlandais
Laurent Philippe Réguer
2004
France-Allemagne. Les défis de l'euro. Des politiques économiques entre traditions nationales et intégration
Bernd Zielinski et Michel Kauffmann (dir.)
2002