Ville et culture suburbaine : l’expérience nord-américaine
p. 69-80
Résumés
La problématique de la banlieue varie d’un contexte culturel à un autre. Il s’agit alors de saisir la manière dont les chercheurs américains abordent les banlieues qui ont connu de sérieuses transformations au cours des trois dernières décennies ainsi que l’évolution de leur regard vis à vis de ce thème. On peut y constater une récente prise de conscience de la dichotomie spatiale ville-banlieue et des risques qu’elle pose à la survie de l’identité américaine et à la démocratie. La recherche urbaine aux États-Unis ne se limiterait plus à l’analyse des problèmes sociaux des quartiers centraux mais propose de les intégrer à l’échelle métropolitaine pour les aborder de manière plus efficace.
The issue of the suburbs is not addressed similarly everywhere but instead varies front one cultural context to another. The purpose of this paper is to understand how American researchers deal with the transformation of the suburbs over the last three decades as well as how the issue of suburbs itself is currently addressed. The researchers tend to stress more often the spatial dichotomy «city-suburbs» and the challenge of this dichotomy to American identity and American democracy. In order to solve these problems more efficiently, urban research in the United States explores ways of dealing with city problems while at the same time integrating them to the metropolitan scale.
Texte intégral
1Le recensement de 1990 peut être considéré comme une date importante dans la prise de conscience de l’évolution de la répartition spatiale de la société américaine comme avait réussi à le faire celui de 1920. Mais alors qu’au début du siècle la société devenait urbaine, le dernier recensement fait le constat de l’émergence d’une société suburbaine. La majorité de la population américaine réside désormais en banlieue. Il importe alors de comprendre comment les chercheurs américains abordent, non seulement l’avènement du phénomène suburbain mais aussi la dichotomie spatiale que représente l’existence de la ville et des banlieues.
1- DE L’INTERPRÉTATION DE LA BANLIEUE DANS LES ANNÉES 60 et 70
2Au cours des trois dernières décennies, les chercheurs en sciences sociales ont sérieusement étudié la question des banlieues. Les sociologues furent les premiers à se pencher sur la question suburbaine et certains sont même allés jusqu’à y poser un regard inquiet. On pense notamment d’abord à David Riesman qui dans The Lonely Crowd et Abundance for What ?, a vu en la population banlieusarde, une société conformiste et « amorphe » et il s’en inquiétait. Pour Riesmann, l’état d’esprit des habitants des banlieues était propice à l’avènement d’une société non démocratique. Mais ce point de vue a aussitôt été relativisé par Herbert Gans, un autre sociologue du MIT qui a démontré qu’au delà des apparences de monotonie, il y avait une vie sociale intense en banlieue et que si, par ailleurs, les habitants avaient des modes de vie identiques, c’était moins parce qu’ils résidaient en banlieue que parce qu’ils appartenaient aux mêmes catégories sociales et que, de ce fait, ils partageaient des aspirations identiques.
3De remarquables études d’historiens, à la suite de celles de Sam Bass Warner sur les villes de Boston et de Philadelphie, ont analysé la croissance suburbaine et l’ont expliquée par le développement des techniques de transports. La banlieue aurait ainsi fait son apparition dans le paysage métropolitain, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, à la suite de l’arrivée du train, puis du tramway.
4Dans les années 1980, les chercheurs ont raffiné leur approche et ont affirmé que si l’explosion de la banlieue américaine était liée aux transports tels que le tramway, le train et plus tard la voiture, ces critères ne permettaient en aucun cas d’expliquer sa genèse. À la suite d’Henry Binford, l’historien qui s’est penché sur les banlieues de Boston entre 1815 et 1860, de David Handlin, l’historien de l’architecture domestique qui a essayé de comprendre les fondements de la maison suburbaine dans la culture américaine et de Kenneth Jackson, l’auteur de Crabgrass Frontier qui a souligné le processus de valorisation des territoires périphériques à la ville, l’émergence de la banlieue ne peut se comprendre en dehors de cette quête de la nature au quotidien et d’un repli sur la famille nucléaire. Richard Sennett, dans son étude de Union Park, un quartier de la ville de Chicago, a insisté sur ce repli de la famille nucléaire sur elle-même qu’il considère comme une attitude de défense ou encore de refuge face aux mutations socio-économiques, c’est-à-dire à l’industrialisation et son corollaire l’urbanisation. Aussi, vivre dans une maison entourée d’un jardin a progressivement été érigé comme le « cadre de vie » par excellence de la famille américaine, dès la fin de la guerre civile.
5Parallèlement aux historiens, les géographes, au cours de ces vingt dernières années, ont étudié le développement ou encore la croissance de la banlieue. Mais ils se sont cependant attachés à l’analyse des aspects fonctionnels et furent les premiers à noter une progression rapide dans la construction de mètres carrés de plancher de bureaux dans les banlieues, la création de centres commerciaux et d’un certain nombre de services. Au travers d’une pluralité d’études de cas, des géographes ont mis en évidence, à la suite de Brian Berry et de Peter Muller, le déclin du caractère résidentiel de la banlieue au profit de commerces, bureaux, emplois et services. Le « processus de l’urbanisation de la banlieue » pour reprendre le terme utilisé par le numéro spécial de l'Urban Affairs Annual Review de 1973, a ainsi été mis en évidence. Les banlieues correspondraient de plus en plus à l’idée que se faisait l’architecte Frank Lloyd Wright du cadre de vie américain. Il estimait, en effet, que les lieux de travail, de résidence et de loisirs devaient être intégrés à l’environnement naturel. Jean Gottmann lui aussi note que les territoires suburbains ne sont plus relégués aux seules fonctions résidentielles mais il va jusqu’à s’interroger sur la nature de ces « emerging cities » ou cités émergentes. Peuvent-elles toujours être considérées comme des « satellites » de la ville-centre ? Ne correspondent-elles pas plutôt à des entités d’une nature différente qu’il faut étudier.
6La problématique de l’autonomie des banlieues par rapport à la ville est clairement posée. Les banlieues méritent-elles toujours le vocable de banlieue ? Ce n’est pas une simple interrogation de terminologie mais plutôt de sémantique. Il s’agit en effet de savoir si des banlieues où se créent emplois et services ont encore besoin de la ville ?
2- DES BANLIEUES RÉSIDENTIELLES AUX « EDGE CITIES »
7À la fin des années 1986, Robert Fishman et Joel Garreau, le premier historien et le second sociologue, qui avaient déjà travaillé sur la nature des transformations en cours des banlieues, ont estimé que le vocable « banlieue » était de moins en moins adapté à la réalité. Dans Bourgeois Utopia : The Rise and Fall of Suburbs publié en 1987 ainsi que dans Edge Cities paru en 1991, les deux chercheurs qui s’appuyaient sur des critères quantitatifs et qualitatifs, ont érigé en évidence le « principe de la fin des banlieues ». Les banlieues devraient être qualifiées désormais de « nouvelles villes » ou encore de « villes périphériques ». Les banlieues ne seraient-elles pas devenues des villes d’un genre nouveau : « Have these suburbs become a new kind of city ? »
8Fishman et Garreau ont également été les premiers à souligner cette dichotomie spatiale entre d’une part la ville et d’autre part les banlieues, où vivent en réalité deux populations différentes. Dans les banlieues résident les populations bien intégrées aux réseaux socio-économiques. Ces dernières sont en majorité blanches (« white ethnic ») mais pas de manière exclusive puisque depuis les années 1970, des Noirs ont eu accès aux banlieues. Un quart de la population noire — qui sur le plan national représente 12 % de la population — habite désormais en banlieue tout en ne constituant cependant que 6 % de la population des banlieues contre 23,4 % pour les villes. Mais ces chiffres ne représentent que des moyennes nationales et les pourcentages peuvent aisément varier d’une métropole à une autre.
9En faisant le constat de cette tension entre la ville et les banlieues, Fishman et Garreau soulignent aussi un fait nouveau, la ségrégation économique. On connaît depuis plusieurs décennies le phénomène de la ségrégation résidentielle qui a été souvent dénoncée, mais à présent on insiste sur la différence de nature entre les secteurs économiques implantés en ville et ceux implantés en banlieue. Les banlieues attireraient les fonctions économiques à haute valeur ajoutée. Aussi, tout ce qui relève par exemple de la « haute technologie » ou encore de l’imbrication entre la recherche et l’industrie par exemple se localiserait en banlieue. Mais Saskia Sassen qui, dans le contexte américain s’est surtout penchée sur New York, a essayé de réhabiliter la ville. Elle a démontré qu’à Manhattan, on retrouve des emplois à forte valeur ajoutée, notamment dans le secteur de la haute finance, à proximité d’autres n’exigeant aucune qualification et détenus par une population immigrée. Mais toutes les métropoles américaines ne possèdent pas « Wall Street », une fonction financière qui fait d’ailleurs toute la différence entre New York et la deuxième métropole américaine, Los Angeles.
10Aussi, le débat actuel entre chercheurs américains consiste à se demander si à la place de « banlieues » on ne doit pas plutôt utiliser le terme d’« Edge City » ou « Technourbs », ce qui a pour effet de mettre en évidence la nature de cette nouvelle entité urbaine qui n’a plus besoin de la ville. Mais si les banlieues correspondent au territoire de l’identité nationale et que le futur de la civilité américaine tend à se dessiner sur le territoire suburbain, qu’advient-il de la ville ? Telle est la question fondamentale que pose le numéro spécial de l'American Quarterly, paru au printemps 1994. Dans ce contexte suburbain en pleine mutation, la ville ne risque-t-elle pas d’être perçue comme un espace résiduel, au même titre que l’espace rural, soit un espace en voie de disparition. Ce point de vue souvent implicite dans les discours politiques est largement réfuté par les historiens William Sharpe et Leonard Wallock qui se montrent franchement hostiles à toute idée qui consisterait à assimiler les banlieues à de nouvelles villes. Ils reprochent en effet aux banlieues de manquer de diversité, de cosmopolitisme, de culture publique et de vie publique, éléments qui, selon eux, caractérisent la ville et constituent toute la différence entre les deux entités.
11En se basant sur des travaux antérieurs comme ceux de Michael Danielson qui ont démontré le rôle des règles d’urbanisme dans la ségrégation suburbaine, Sharpe et Wallock insistent sur le caractère discriminatoire des banlieues à l’égard notamment de tous ceux qui n’appartiennent pas aux classes moyennes et aisées, ainsi que sur les effets néfastes du développement suburbain sans aucune notion de limites pour l’environnement naturel. Dans ce même numéro de l'American Quarterly, des chercheurs ayant travaillé sur les banlieues de Los Angeles ont essayé de mettre en évidence le caractère cosmopolite du comté d’Orange en signalant d’une part la présence de minorités hispaniques et asiatiques et d’autre part la grande diversité de restaurants et de commerces exotiques. Mais Sharpe et Wallock récusent l’usage du terme « cosmopolite » pour le comté d’Orange après avoir d’une part avancé le chiffre de population blanche qui représente 87 % de la population et d’autre part souligné la relégation des minorités dans des quartiers spécifiques. Ils affirment, en outre, que la diversité culinaire participe plus de l’idéologie de la consommation que de celle du cosmopolitisme.
12Le paysage suburbain devenant la référence de l’identité nationale, Fishman va même jusqu’à proposer à la ville de prendre pour modèle la banlieue.
3- DE LA DICHOTOMIE SPATIALE « VILLE-BANLIEUE » VUE PAR DES NON SPÉCIALISTES DE LA VILLE
13Des chercheurs qui a priori ne travaillent pas sur la ville ont commencé à dénoncer la dichotomie spatiale ville-banlieue ainsi que la tension entre ces deux types de territoires. Robert Reich, dans son ouvrage de 1991 The Work of Nations, traduit en 1993 sous le titre de L'Économie mondialisée, qui a priori ne traite que de l’économique, consacre en fait un chapitre aux banlieues et à cette nouvelle forme de ségrégation sociale et économique.
14Ce chapitre qui a un titre peu explicite (« Qui est nous ? ») s’interroge sur la responsabilité de l’État pour ce qui concerne la répartition spatiale des habitants. L’économiste aborde la problématique urbaine à partir de la répartition des richesses. Le rôle de la nation, estime Reich, consiste certes à améliorer le niveau de ses membres en augmentant la valeur de leur contribution à l’économie mondiale. Mais comme tous les Américains n’apportent pas une valeur substantielle à l’économie mondiale, le fossé s’élargit alors entre ceux qui y participent et les autres. On peut facilement en déduire que si cette même tendance se poursuit jusqu’en 2020, le « cinquième supérieur » de la société américaine récoltera plus de 60 % des revenus et le « cinquième inférieur » moins de 2 %.
15Reich s’interroge alors sur le devenir des territoires occupés par ce « cinquième supérieur » :
Ils vont se retirer dans des enclaves de plus en plus isolées au sein desquelles ils vont mettre en commun leurs ressources plutôt que de les partager avec d'autres Américains ou de les investir d’une manière qui pourrait améliorer la productivité de ces autres Américains. Ils se distingueront du reste de la population par leurs liens avec l'économie mondiale, le confort de leur style de vie, la qualité des soins de santé dont ils disposent et l’abondance des gardes à leur service. Ils achèveront ainsi leur sécession par rapport à l’Union. Les communes ou les enclaves urbaines où ils résideront ne ressembleront en rien au reste des Etats-Unis, pas plus que les zones où ils travailleront ; il n’y aura plus aucun lien entre les deux parties du pays.
16Reich pose avec clarté la question du lien social et politique quand le lien économique s’effiloche non simplement sur le plan idéologique mais aussi sur le plan territorial. Il appartient alors aux politiques et aux chercheurs de trouver les modalités pour contrecarrer cette tendance à la sécession territoriale.
17Cette problématique du devenir d’une nation suburbaine fut soulevée un an plus tard par la revue The Atlantic Monthly qui, en juillet 1992, annonce l’avènement d’un XXIe siècle suburbain (« The suburban century begins »). Dans un premier temps, l’analyse porte sur les résultats du recensement. Il est ainsi mis en évidence que 14 États ont désormais une majorité de population suburbaine, dans lesquels on retrouve les 10 États les plus peuplés, comme la Californie, la Pennsylvanie, l’Ohio, le Michigan, la Floride et le New Jersey. On peut également noter que 19 des 25 municipalités qui connaissent le taux de croissance démographique le plus rapide, sont des municipalités suburbaines.
18Après cette présentation de données statistiques, la revue en déduit qu’il y a là un véritable défi pour les villes. Elle démontre, en outre, que toute campagne présidentielle prend en compte cette opposition entre les banlieues et la ville : le vote urbain penche plutôt en faveur des Démocrates et le vote suburbain en faveur des Républicains. Compte tenu du poids démographique des banlieues et du plus fort pourcentage de participation aux élections des classes moyennes et des classes dirigeantes, les Républicains peuvent se permettre de ne pas prendre en considération les villes.
19Face à cette montée des territoires suburbains, on voit se développer sur la scène politique des « urban activists« , c’est à dire des gens qui remettent en cause le désengagement de l’État fédéral vis-à-vis de la ville. En 1990 les maires des grandes métropoles américaines, réunis dans le cadre d’un colloque ont défendu le principe d’une politique de la ville, tout en reconnaissant qu’il est difficile de défendre la ville alors que sur le plan culturel le « mythe de la banlieue » continue de bien fonctionner depuis plus d’un siècle. Ils ont cependant plaidé en faveur des villes en proposant de se joindre aux banlieues :
If we do not save our cities, we shall not save this nation. However if we cannot beat the suburbs we should join them.
(Si on ne peut sauver nos villes, on ne pourra sauver la nation. Cependant si nous ne pouvons pas battre les banlieues nous devrions nous joindre à elles).
20Ces propos vont dans le sens de l’annexion territoriale des banlieues par la ville soit encore d’un redécoupage territorial qui favoriserait l’émergence de la région urbaine, un plaidoyer que l’on retrouve d’ailleurs chez David Rusk et Anthony Downs.
21Dans New Visions for Metropolitan America, Downs, chercheur réputé au « Brookings Institution » de Washington D.C. souligne l’exclusion pratiquée par les banlieues (« exclusionary suburbs ») à l’égard des populations urbaines et il estime qu’à terme ces banlieues sont menacées si elles ne prennent pas en considération le sort de la ville. Jusqu’il y a récemment, les banlieues ont connu un taux de croissance continu. Mais à présent, les habitants des banlieues se rendent compte des effets néfastes de cette croissance qui se traduit par la pollution de l’air, les difficultés de circulation, la diminution des espaces verts et adoptent des politiques d’aménagement visant à limiter volontairement toute nouvelle construction. Ces politiques d’urbanisme qualifiées de « growth management », se traduisent le plus souvent par une limite imposée sur le nombre de permis de construire, ce qui entraîne presqu’automatiquement une hausse du foncier et de l’immobilier dans la municipalité en question et souvent aussi dans la municipalité voisine. Downs critique cette politique qui à terme ne fait que renforcer et accentuer la distance spatiale entre les riches et les pauvres.
22Après avoir analysé toute une série de chiffres sur la pauvreté aux États-Unis et démontré la concentration dans les villes ainsi que le rapide taux de croissance, Downs cherche à faire émerger un autre regard des banlieusards sur la ville et leur demande de faire un effort de solidarité. Il propose une politique de densification des banlieues et d’intégration des emplois, ce qui permettrait la création d’un système de transports en commun, alors que jusqu’ici seule la voiture règne. Il se fait l’avocat de la création de logements sociaux dans les banlieues pour y accueillir des populations en provenance de la ville. Cette proposition exige en fait la création d’une instance régionale à l’initiative de l’État fédéral.
23Le point de vue de Downs rejoint complètement celui de Sharpe et de Wallock qui estiment que les chercheurs devraient dépasser cette dichotomie entre la ville et les banlieues pour être en mesure de proposer un nouveau concept de territoire urbain qui prendrait en compte les deux :
What critics in the 1970s were unable to do, and those in the 1980s and 1990s seem unwilling to attempt, is to «desuburbanize» their thinking: to transcend the traditional American mindset that regards moving ever outward-from cities, to suburbs, to exurbs and beyond-as the final answer to any problem, from urban decline to peripheral congestion. Rather than accept continued suburbanization and its destructive consequences as inevitable, and rather treat as natural the subordination of one part of the metropolis to another, critics need to think in regional terms.
Ce que les critiques des années 1970 étaient incapables de faire et que ceux des années 1980 et 1990 semblent ne pas vouloir faire, c'est désuburbaniser leur pensée : il faut transcender les mentalités traditionnelles qui ont toujours considéré que partir plus loin des villes en direction des banlieues, des périphéries et encore au delà, s'avérait la réponse à tout problème, depuis le déclin urbain jusqu’à la congestion périphérique. Plutôt que d’accepter la suburbanisation continuelle et ses conséquences destructives jugées comme inévitables, et plutôt que de traiter la suburbanisation d’une partie de la métropole par une autre comme un phénomène naturel, les critiques devraient penser en termes régionaux.
24La « région » ou encore une structure régionale dont il faudrait définir les compétences politiques ainsi que les pouvoirs de redistribution fiscale devrait être un palliatif à cette tension entre la ville et ses banlieues. Cette structure qui reste à inventer permettrait de faire face aux sérieux risques que présente la tension ville-banlieue pour la survie des banlieues. Dans l’immédiat, Downs propose d’encourager la construction de logements sociaux dans les banlieues, ce qui permettrait à des familles du centre-ville de se rapprocher des emplois mais aussi des espaces de socialisation de la majorité de la société américaine.
LES CHERCHEURS EN QUÊTE D’UN CONCEPT POUR DÉSIGNER L’ESPACE DE LA CIVILITÉ AMÉRICAINE
25Le phénomène suburbain a été largement étudié par les chercheurs américains, et par toutes les disciplines, au cours des trois dernières décennies. Après les explications sur la genèse des banlieues, l’analyse a porté plus particulièrement sur leurs transformations et notamment sur la dichotomie ville/banlieues. On s’interroge sur le devenir de la ville, des banlieues, mais aussi sur les tensions sous-jacentes à cette dichotomie ville/banlieue. Qu’adviendra-t-il de la ville si les banlieues représentent de plus en plus le territoire de la civilité américaine et par là même celui de l’identité nationale ? Dans ce nouveau scénario, les villes où se concentrent les populations démunies ne présentent-elles pas de risques pour les populations suburbaines ?
26Les récents travaux de la décennie 1990 ont pris pour objet la dichotomie spatiale ville/banlieues pour traiter des problèmes de la ville. Ils ne se contentent plus d’isoler l’analyse par catégorie d’espace mais sont en train de construire une problématique portant sur une échelle plus vaste que les quartiers centraux en vue de définir un nouveau concept de ville ou encore une nouvelle idée de ce que doit être la métropole. Cette approche normative qui consiste à faire prendre conscience aux politiques mais aussi aux chercheurs et à l’opinion publique de la menace que représentent les problèmes sociaux de la ville pour les suburbains, a de fortes chances d’être plus efficace que celle qui se cantonne à décrire la violence, le chômage et la précarité. La recherche urbaine se révèle en quête d’un nouveau concept d’espace qui engloberait la ville et la banlieue et qui pourrait ainsi contribuer à définir l’espace d’une civilité américaine non limitée aux banlieues.
Bibliographie
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