[1869]
p. 237-250
Texte intégral
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Libourne le 3 Février 1869
1[...] Chez nous, tout va aussi bien que possible. Notre dernier né prospère lentement, mais assez pour nous réjouir ; sa mère a peu de lait, et doit s’aider du biberon, qui réussit fort bien. Nos deux autres gamins sont fort tapageurs, et c’est un soulagement quand l’ainé est à l’école. Le second, qui connait le chemin de mon cabinet, vient plus souvent que je ne voudrais, fourrager, frapper, gémir à la porte. Je dois dire qu’ils ont tous les deux pour leur papa une passion désordonnée, et quelquefois même fatigante. Il n’y a pas de plaisir sans peine, et si je me plains quelquefois de tout le temps qu’ils me font perdre, je plains encore plus ceux qui n’ont pas de temps à perdre et d’enfants à amuser [...]
26 Février. [...] je ne sais si tu as entendu parler de l’agitation de Neufchâtel1. On a proposé à Goy de se porter candidat à la chaire de philosophie qui va être vacante par le prochain départ de Mr Ferdinand Buisson. Il y a du pour et du contre. Goy aurait voulu que je me présentasse plutôt que lui. Mais c’est son affaire et non la mienne. Avant d’enseigner la philosophie j’ai besoin de l’apprendre. En ce moment, Pécaut est à Neufchâtel où il fait les conférences qu’il a prononcées dernièrement à Nimes. Par lui nous serons renseignés sur la situation et sur ce que Goy doit faire. Ça lui a l’air d’un guêpier, et quoiqu’il ait à Ste Foy une situation difficile et très laborieuse, il craint de s'embarquer dans une nouvelle navigation qui semble semée de récifs. Goy et Pécaut s’étaient donné rendez vous chez moi il y a une quinzaine de jours ; cela a été l’occasion de passer ensemble quelques heures fort agréables. Le pauvre Goy m’écrit ce matin que son fils ainé est malade, lui donne des inquiétudes ; il a la gorge et la poitrine très délicates. C’est un gentil garçon de 14 ans2, qui a l’air fort et qui ne l’est guère.
3Nous devons avoir prochainement des conférences dites du Sud-Ouest (libéralisme tapageur) à Bordeaux. Mais j’apprends que le consistoire a refusé ses temples. J’irai d’autant plus, bien que je me sente pas toujours très porté vers nos amis du Lot et Garonne et Tarn et Garonne dont les intentions me paraissent souvent meilleures que les actes.
4[...] Nous avons fixé pour le baptême de notre Théodore le Dimanche 21 Février. Je regrette bien que la coutume allemande de donner deux parrains et deux marraines n’existe pas ici ; j’aimerais que, quoique de loin, tu eusses chez nous ce titre ; il est vrai que nous te l’aurions demandé déjà pour Louis. Le parrain de Louis est mon beau père, celui de Charles est mon père, celui de Théodore sera notre oncle, le frère de mon beau père ; ainsi le veulent les usages de ces contrées. Après le baptême, nous aurons un chagrin ; notre tante Lafaurie nous quittera, emmenant à Orthez notre amusant petit Charles, le plus gai, le plus vif, le plus caressant des enfants. On le réclame là bas, grand père, marraine, cousines, amis – et nous le cédons pour quelques semaines, d’autant plus que Zoé aura besoin d’un peu de repos à cause de son nourrisson. Je garde Louis, parce qu’il a déjà besoin d’être tenu sous l’œil paternel, et que l’autre est plus fatigant. [...]
5L’agitation électorale s’étend sur la France3. J’en augure un peu de bien. Mais la couche d’ignorance est encore bien épaisse !
6[...] Mon père est très bien, sec et maigre, mais de bon appétit, vaillant. [...]
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Libourne le 4 Mars 1869
7[...] Hier j’ai reçu une bien affreuse nouvelle sur le pauvre Bodelschwingh. Il vient de perdre en 15 jours ses quatre enfants de je ne sais quelle toux qui a dû être contagieuse : Stickhusten – n’est ce pas la coqueluche4 ? Il avait trois fils et une fille : l’ainé de 6 ans, le plus jeune de 13 ou 14 mois, tous enfants de bonne santé et de belles espérances. Cette catastrophe m’a atterré ; j’ai subitement oublié toute séparation pour ne me souvenir que de l’ami dévoué et affectueux, et du pauvre père brisé. Il est vrai qu’il puise dans sa foi une force de consolation bien surprenante. O comme on perd tout besoin de discuter en présence d’une affliction si profonde et d’une piété si consolante ! Depuis hier je suis hanté par cette image ; je vois ces pauvres petits lits vides, cette maison changée en désert, ces pauvres parents dans la solitude. O quel mystère que la douleur ! Quel abime que la mort ! Pourquoi tant de joie et tant de deuil ? – Je ne sais plus penser à autre chose.
88 Mars [...] Pécaut s’est arrêté chez moi à son retour de Neuchâtel et de Paris. Ses conférences sont imprimées5 ; je pense bien qu’il te les enverra. Elles ont produit une grande impression et elles étaient bien faites pour cela.
9Je viens de corriger les épreuves des premières feuilles de mon livre de Lectures bibliques : comme j’ai été furieux contre moi-même en me relisant imprimé. J’aurais voulu tout effacer, tout refaire. J’écrivais à Goy qu’on ne devrait faire qu’un seul livre en toute sa vie, et le faire bon. Mais comment s’imposer cette nécessité par ce temps de fièvre et de hâte ?
1012 Mars. Cette interruption a été causée par la maladie. J’ai été pris d’un mal de gorge assez violent, qui m’a donné de la fièvre, qui m’a mis au lit et à la diète et livré aux sangsues. Je suis mieux, quoique hébété et faible6. [...]
11La vive agitation produite par Buisson à Neuchâtel et Genève7 continue à faire beaucoup de bruit et à remplir nos journaux protestants. J’espère qu’il en sortira du bien. Nul ne sera rendu moins croyant, et plusieurs seront ramenés aux intérêts religieux. Car en vérité nous ne faisons pas le mouvement, nous le constatons. La scission est faite entre le monde moderne et l’Eglise, ce n’est pas nous qui la faisons. Nous voulons l’accuser, l’étudier, l’amoindrir, la supprimer.
12J’ai ce matin de bonnes nouvelles de Pécaut et de Goy. Celui ci me charge de te dire qu’il est honteux de son silence vis à vis de toi, qu’il ne voudrait pas t’écrire au galop, et qu’il est surchargé de travail. J’admire en effet, comment avec ses huit et neuf heures de leçons par jour, il sait encore faire face à d’autres exigences. J’espère qu’il viendra me voir aux vacances de Pâques.
13Nos fils vont très bien. J’ai de bonnes nouvelle de celui qui est à Orthez, et dont l’humeur drolatique fait le bonheur de la famille8
14[...] J’ai reçu hier une lettre du pauvre Bodelschwingh qui m’envoie le ravissant portrait de son fils ainé. Oh comme il a le cœur brisé !
15J’écris un mot à Mr Martin Paschoud dont j’ai appris hier l’accident ; il a failli se tuer ou s’estropier en revenant de voir la nièce de Lamartine après la mort de son oncle avec qui il était très lié. Le col du fémur, espère-t-on, n’est pas cassé – seulement froissé. Mais c’est toujours grave à son âge. [...]
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Lundi 5 Avril 1869. Libourne
16[...] Ta lettre m’a trouvé au lit, encore souffrant des suites de ce mal de gorge qui avait passé du pharynx au larynx. Les larmes me sont venues aux yeux en comparant ta vie si forte, si pleine, si utile, si féconde, avec ma pauvre petite existence si insignifiante et si nulle, si perdue dans un petit coin où je ne sais même pas racheter la pénurie des circonstances par l’énergie du travail. Mais à quoi bon gémir ? Il vaudrait mieux lutter, agir, travailler, et c’est la résolution que je prends souvent, et qui est souvent anéantie par mille traverses, pertes de temps, embarras, indispositions, et peut-être au fond, une certaine résistance de mollesse et d’invincible flânerie. Mais bah ! à quoi bon en parler ? Tu me connais, tu me blâmes, j’en fais autant, et je reste comme avant. Je n’ai jamais eu l’âpre énergie de la volonté qui transporte les montagnes. Je crois bien pourtant que je finis par les percer, grâce à une persévérance qui se relâche souvent, mais qui revient toujours. Ainsi mon étude de Baur – elle est mille fois interrompue, et mille fois reprise, et je ne la lâcherai pas qu’elle ne soit finie. Ainsi mon étude des prophètes ; je la laisse dormir de longs sommes, mais je les réveille de temps en temps et j’espère bien tirer d’eux parti. Ainsi mes comptes rendus dans le Disciple. C’est quand la Direction en désespère qu’elle les voit arriver. Ainsi notre Nouveau Testament qui git abandonné dans la poussière, et qui en sortira, tôt ou tard, frais et pimpant !
17[...] Voici l’époque des conférences. Elles ont lieu à partir de Mardi prochain 13. [...] On m’avait demandé de prêcher le 11, j’ai refusé par crainte de n’être pas encore en état de prêcher. J’ai offert le 18, mais Réville est engagé. On me demande de rester pour le 25 ; j’accepte. Cela me fera un séjour d’une quinzaine à Paris. J’en ai un peu besoin. Cette réclusion perpétuelle dans mon faubourg, où je n’ai d’autre relation avec le genre humain pensant qu’au moyen des gazettes, réclame un peu de diversité. Du reste, je rentre toujours à la maison avec d’autant plus de plaisir. Tout Parisien que je suis, j’ai tellement perdu l’habitude de cette vie que je retrouve volontiers ma paisible retraite. Je serai bien aise d’avoir l’adresse de ta mère. Donne la moi, à partir du 12, chez Mr Martin Paschoud, r. de Rivoli 198. Je pense que c’est là que je demeurerai, quoique je ne sache pas s’il sera capable d’être transporté chez lui. Il va beaucoup mieux, on le traite à l’électricité, et il a pu se lever ; il me l’a écrit lui-même. Il n’y a pas de fracture, et la paralysie de la jambe semble céder.
18J’ai envoyé à la Revue de Théol. un 1er article sur les Epochen de Baur. [...]
19[...] Je pense qu'ils [tes enfants] seraient (et vous avec) un peu scandalisés des allures très gauloises de nos très peu germaniques rejetons qui vivent toujours dans le sable du jardin, et supportent impatiemment la règle. Puissent ils pourtant valoir mieux que leur père ! – Au reste quel est le père qui ne forme ce vœu ?
20L’impression que t’ont faite les qqs pages de Pécaut est assez juste. “Guindé et mousseux” – mais il y a en effet quelque chose au fond – et telles quelles, ces conférences ont porté coup. Pourtant ma femme et notre cousine Mme Sudre n’en aiment pas le ton ; elles sont blessées de l’assurance tranchante et disent que ce n’est que changer de joug. C’est en effet un peu autoritaire – de ton, non de fond.
21Il parait qu’en France le mouvement athée et matérialiste grandit chaque jour et devient parallèle au mouvement libéral. Tout déiste est accusé de réaction, regardé comme un faux frère. Il y a dans certains cercles un vrai fanatisme. Cela est la suite du catholicisme et de l’absence de liberté. Mais je ne m’en effraye pas : la nature humaine est indestructible, et la religion on fait partie.
22Je n’ai sous les yeux ni les Débats, ni le Temps ni la Revue des Deux Mondes. Nul moyen à Libourne de faire ces lectures. Je suis simplement abonné à la Gironde assez bon journal républicain de Bordeaux. Je profiterai de mon séjour à Paris pour voir ce que les Revues renferment de plus intéressant. A Brême tu lis plus de journaux français que moi en pleine Guienne. [...]
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21 Mai 1869. Libourne
23[...] J’ai été voir Mme Meyer. On m’a dit que les qqs lignes que j’ai consacrées jadis à Mr Meyer dans le Lien9 sont un des articles nécrolog. qui ont fait le plus de plaisir à la famille. Je craignais le contraire ; j’en suis content. J’ai vu aussi ce pauvre Mr Manier qui parle de toi avec une si vive affection. Il est menacé de perdre son second et dernier fils qui parait s’en aller de la poitrine10.
24Voilà de nouveau notre excellent Goy malade ! Il travaille trop : il a surmené sa santé tout l’hiver. Il était très bien ; il en a abusé ; le jour, professeur manœuvre – la nuit, il se la réservait pour ses travaux, ses études, ses articles sur Schleierm. etc. [...] C’est si triste. Tout dépend de sa santé, les études du Collège, les examens des aspirantes11, le pain de sa famille. Aussi voit il avec terreur ses forces décliner.
25J’ai eu ce matin avec la tienne une lettre de Mr Reuss, à qui j’avais écrit quelques mots en apprenant l’affreux malheur qui l’avait frappé. Il est bien triste, et affecté aussi de cet incendie du Casino qui lui tenait plus à cœur que je n’aurais cru.
26On m’assure que les médecins sont d’accord pour croire nécessaire l’amputation de la jambe malade de Colani. Je ne sais s’il en est déjà prévenu. C’est une horrible prévision. Dieu veuille que ce remède suprême ne soit pas nécessaire. [...]
27Je suis bien aise que mon article Baur ne t’ait pas déplu. [...] J’ai eu l’occasion de diner à Paris avec Mlle Baur qui traversait, se rendant en Angleterre. C’est une personne grande, mûre, et dont la physionomie révèle bien la fille de son père. [...]
28[...] Charles est encore à Orthez, d’où l’on nous envoie les meilleures nouvelles ; il est frais, fort, très gai et très drôle, et distrait même les membres de notre famille des soucis électoraux qui sont là bas très ardents. Ici la lutte est moins vive, parce que le succès parait certain. Nous attendons tous avec anxiété le résultat du scrutin, si important pour la France et pour l’Europe. L’opposition12 a fait des efforts méritoires et s’est conduite vaillamment pendant cette période électorale. Des hommes comme Jules Simon, Lavertujon13 etc ont été de vrais missionnaires, haranguant jour et nuit des centaines, des milliers d’électeurs, dans les lieux les plus reculés, ou dans les villes les plus populeuses. Si cette période se renouvelait tous les ans, l’éducation politique de notre pays ne tarderait pas à se faire. Je pense que la majorité restera pour le pouvoir, mais l’opposition se sera grossie, et le tiers parti surtout aura gagné en force, en nombre et en décision. C’est là ma prophétie. L’événement se chargera bientôt de la confirmer ou de la démentir. [...]
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Libourne le 25 Juin 1869
29[...] Mais je te parle là tout uniment, à tu et à toi, sans prendre garde que tu as respiré l’air des cours [...] Comment donc est fait un roi ? un roi de droit divin encore ! [...] il est bon homme, dis tu. Tant mieux. C’est qu’il a fort à faire pour se rendre supportable. Je vois avec plaisir que vos républicains de Brême sont de bonne composition et veulent tâter du roi. Nous par ici, qui en savons le goût et le coût, nous leur passerions volontiers ce que nous en avons. Il est vrai que ce n’est pas de droit divin : par ici c’est le jus latronum14. Mais la différence n’est pas capitale ; ce n'est que quelques millions en sus. Nous ne perdons pas l’espoir de nous défaire de notre marchandise ; elle commence à s’avarier ; le flot des élections qui vient de passer dessus ne l’arrange pas du tout. Nous allons en entendre de belles le mois prochain15 ! Car il s’en est fait de belles le mois dernier !
30La fraude, la violence, l’intimidation, le mensonge ont été à l’ordre du jour. En maint endroit on a pillé les urnes ; nous en avons des preuves palpables, plus claires que le jour ; dans une commune voisine, là où cent électeurs avaient voté pour l’opposition, elle n’a eu que 23 bulletins ! et ainsi ailleurs. En somme la France est conservatrice. Les masses rurales n’ont été que peu ébranlées ; la lumière manque, le suffrage universel est dans son enfance ; mais il me parait un des plus puissants mobiles pour porter à l’instruction du peuple. Malgré ses inconvénients, c’est une institution des plus utiles et qui fera rapidement progresser le gros de la nation.
31[...] Mes auditeurs ne varient guère en nombre, sauf de 30 à 60 (ou 100) selon le circonstances. Fussé-je plus éloquent qu’un ange, je doute que je pusse en attirer davantage ; fussé je plus radical, ou plus orthodoxe, la composition varierait peu. J’ai mes protestants, qui alternent selon les nécessités des familles ou du commerce, des passants, quelquefois des catholiques curieux ou égarés. Je crois qu’en général on s’y intéresse ; je suis court, assez clair, souvent ému, quelquefois, mais bien rarement, content d’avoir parlé. Je ne m’aperçois pas d’aucun progrès sérieux ; si j’agis sur les consciences, c’est d’une façon cachée, insensible, progressive. Méthodiste, je crois bien que je serais arrivé à allumer le feu d’une piété biblique comme celle dont nous brulions jadis. Mais l’idéal que je ne cesse de proposer est si haut, si pur, que je ne puis m’attendre à le voir réalisé. Ne provoquant aucune manifestation extérieure de la piété, je n’ai pas lieu de m’étonner si je n’en vois aucune. Ramenant toujours à la vie intérieure, cachée, discrète, pudique, je m’interdis à moi même les fruits visibles et saisissables de mon ministère. Mais si j’en ai consolé, relevé, encouragé, fortifié, éclairé, ému quelques uns, n’est ce pas déjà de quoi rendre grâces à Dieu de mon lot ? C’est ce que je suis obligé de me dire pour ne pas jeter le manche après la cognée.
32Tu ne reçois pas le Disciple ? On m’avait dit qu’il t’était adressé. Alors, pour remplir notre engagement réciproque, de nous envoyer toutes nos œuvres imprimées, je vais acheter quelques uns des Nos où j’ai paru, et te les expédierai, s’ils sont à avoir. Entre autres, un article sur Franck16 qui m’a valu de chaudes félicitations, et mes discours sur le Royaume des Cieux, Zwingle, Parker et la Foi17. Ce dernier parait avoir produit déjà l’impression que j’ambitionnais le plus, et touché des cœurs que je suis heureux d’avoir atteints. Il y a dans ces articles maintes fautes d’impressions, coquille ou bourdon ou omission – mais peu importe, tu rétabliras ou tu passeras.
33Sur les pressantes instances de Carrière je lui ai envoyé en trois fois la fin de mon article Baur : mais il ne m’a pas laissé le temps de “lécher” l’œuvre ; elle paraitra tellement quellement. Et d’ailleurs, qui lit, qui examine, qui épluche ?
34Je travaille par manière d’acquit, un peu triste de ne pas savoir mieux faire, de ne pas sentir l’étincelle, de ne pas marquer d’une griffe plus profonde. Cela viendra-t-il ? Je suis jeune, mais à l’âge pourtant où fermente tout ce qui devra sortir. S’il ne sortait rien !
35[...] J’ai eu dernièrement la visite de Jean Monod qui a soupé avec nous, revenant de prêcher à Ste Foy, pour un orphelinat. La Faculté de Montauban n’est pas brillante. La position de son successeur Castel n’est plus tenable ; les étudiants lui ont signifié d’avoir à partir, ou ils émigreront en partie à Strasb. et à Genève. De Félice se croit plus nécessaire que jamais et venant de perdre sa femme18, il a déclaré, au désespoir des gens, qu’il se consacrerait désormais tout entier à son œuvre ! Et Sardinous ! Et Bois ! et le reste ! Aussi nul feu sacré. Jean Monod se plaint de la vulgarité, de la mollesse de cette jeunesse. Quoi d’étonnant ? Il faudrait tout balayer, y envoyer toi, Goy, Réville et je m’y adjoindrais si vous me vouliez. Cet ex-rêve de vivre et d’agir ensemble ! “Où sont les neiges d’antan ?” [...]
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Libourne le 4 Août 1869
36[...] J’étais en voyage, à Orthez et environs. C’est par là qu’est venue me trouver la triste nouvelle que tu m’annonces. J’ai assez connu ta mère pour savoir ce qu’elle valait, comme intelligence et comme ardeur de cœur, et quel amour passionné elle te consacrait. Comme elle était fière et heureuse de toi, malgré les obstacles qui s’opposaient à votre vie commune ! Quoique toujours malade, ou plutôt souffrante, elle était forte au fond et paraissait pouvoir prolonger plus longtemps son existence. Elle aura eu la joie de te savoir enfin à ta place, heureux, entouré d’affection, père d’une charmante famille, et honoré de tous ceux qui te connaissent. Cela est une satisfaction qui pour son cœur aimant aura compensé les tristesses et les déboires de sa laborieuse carrière. Je comprends que ce coup t’ait bien attristé et que tu aies eu hâte de rentrer, de retrouver les tiens, un milieu sympathique et dévoué. Pour moi, je ne vois jamais sans angoisse disparaître un de mes compagnons de voyage, surtout un de ceux que j’ai aimés et de qui je l’ai été : le fatal point d’interrogation se dresse, lugubre sur toute tombe ouverte. L’instinct de la vie l’emporte pourtant, et mon âme crie tout entière une énergique affirmation. Ah par notre faute et sans notre faute, cette vie que nous consumons si vite est si peu de chose, laisse si peu de trace, répond si peu au fond de notre être, qui s’éteint sans être épuisé ! Je ne cesse d’agiter cette terrible question, soit seul, soit avec Goy, soit il y a peu de jours à Ségalas avec Pécaut. J’ai passé chez lui trois ou quatre jours, et quelques autres partagés entre Hitos, demeure isolée de mon beau père en face des montagnes, et Orthez où la nombreuse parenté m’accapare du matin au soir. J’ai regretté de n’avoir ni le temps ni les ressources de faire encore une cure aux eaux de Cauterets qui m’avaient bien réussi l’été dernier. Mon maigre traitement s’accorde mal avec nos besoins, et je songe à me procurer des pensionnaires, chose assez difficile et chanceuse, ou à tenter quelque autre voie. Il vient de s’ouvrir des négociations avec Neuchâtel. On y cherche un pasteur libéral, disposé à prendre en mains le mouvement qui s’est produit dans cette partie de la Suisse Romande. J’avais d’abord décliné l’offre que m’en faisait Pécaut ; on s’est adressé à Grotz, qui veut rester à Nimes. Buisson voulait aussi s’adresser à toi. J’ai simplement demandé de plus amples renseignements ne voulant ni m’engager à la légère, ni refuser décidément sans en avoir la conscience nette. Que tu y ailles, cela ne se peut guère : tu ne quitterais pas le certain, l’œuvre sûre et commencée, pour une aventure qui peut devenir belle et féconde, mais aussi s’arrêter court. Pour moi, ma grande objection, c’est le trop parler qui pourrait y être nécessaire. C’est là dessus que je veux être très renseigné. Enfin, je te tiendrai au courant, également désireux de rester à Libourne et d’en sortir, après dix ans d’un humble travail sans perspective encourageante. Malgré l’extrême modestie de mon ministère, de ma pauvre petite prédication où je tourne toujours dans le même cercle assez étroit de lieux communs mal préparés et pourtant trop sublimes pour la moitié de mes auditeurs, malgré tout cela, je ne penserais pas à chercher un asile ailleurs si l’âpre nécessité ne me forçait. Je redoute l’entreprise de pensionnaires : pour cela, il me faudrait agrandir ma maison, faire un bail, des dépenses, m’enraciner ici. – Nous verrons.
37Te voilà sur les bords de la mer, je présume. Je te souhaite bonnes et joyeuses vacances, pour toi et les tiens. Pour moi, je suis seul. La veille du jour où nous devions rentrer d’Orthez, Zoé se trouva très souffrante, retenue par la fièvre au lit. Je dus la laisser. Elle pensait rentrer Vendredi prochain, et voici que j’apprends aujourd’hui même que la rougeole règne ici dans le quartier. Je l’engage à reculer son retour. Elle doit ramener son nourrisson et Charles. Nous laisserons l’ainé chez sa tante pendant quelques semaines, pour qu’elle ne soit pas si seule et qu’il jouisse un peu du bon air de là bas.
38[...] Je viens de lire du Rousseau, ses Confessions et ses Rêveries. Pauvre homme, il était vraiment devenu fou. Mais quelle mélodie que son langage ! Je n’en avais pas l’idée. Cela me donne goût à en lire davantage quand j’en trouverai. [...] Mon père est bien ; il te fait bien saluer. Il a été très affecté par la triste nouvelle que je lui ai apprise.
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Dimanche 8 Aout 1869
39[...] Cette fois ci je ne veux pas tarder un instant à t’écrire, à te serrer dans mes bras, à mener deuil avec toi19. Ta douloureuse lettre m’arrive au moment où je viens de choisir le texte de mon sermon de tout à l’heure : τῆ ἐλπᑕδε χαᑕρoντις20. Je voulais dire que le présent a peu de joies à nous offrir, que tout est incertain, troublé, sombre pendant ces jours terrestres, et qu’il faut nous réfugier dans l’espérance, toute fondée elle-même sur la bonté, la sagesse, la puissance de Dieu. Ce n’est qu’en espérance que nous sommes heureux, vertueux, forts, achevés. Ce n’est que l’avenir, tout mystérieux qu’il est, qui peut donner satisfaction à tous les besoins dont nous sommes tourmentés, et développer pleinement tous les germes de pensée, de volonté, de sainteté, de beauté, d’amour, de bonheur qui sont étouffés ici bas. Voilà ce que j’allais dire, ce que je vais dire dans deux heures, et que ta triste lettre vient si péniblement confirmer. Vous avez donc traversé cette agonie du croup, dont le souvenir m’a laissé dans l’âme une si profonde terreur ! Voilà donc votre cercle encore une fois rétréci ! Le cher petit Etienne ! Je regarde son portrait, si doux, si fin, si clair – et je ne puis penser que vous n’avez plus de lui que cette image ! O que la joie et le deuil se tiennent par la main ! Nos enfants, sources des plus grandes, des plus profondes joies qui se puissent concevoir, sont aussi les causes des plus affreuses angoisses. L’aieule et le petit fils se sont suivis, la vie achevée et la vie ébauchée ont le même sort. Au fond, pour tous les deux, c’est la vie ébauchée, à peine effleurée ; car il reste toujours au fond du cœur plus que la plus longue existence n’en peut dérouler. Chers chers amis, comme je sympathise avec vous. Comme mon cœur de père frémit. Eloignez vous de Brême pour le moment. Est ce une épidémie, ou un accident isolé ? Mettez les autres à l’abri pendant les premiers temps. N’est ce pas bientôt que vous deviez partir pour la mer ? Quel triste voyage vous ferez. Voilà que vous avez maintenant confié à la terre trois de vos petits bien aimés. O Dieu ne vous les rendra-t-il pas dans la lumière ? Je le crois, je veux le croire, je me réjouis dans cette espérance. Cela serait bon, cela doit être. En même temps que ta lettre, j’en reçois une d’un de mes jeunes collègues, Roller de Royan ; il a trois fils du même âge que les miens ; le second, après six mois de souffrances, est maintenant infirme, paralysé, déformé, tordu ! N’est ce pas atroce aussi ? O les mystères de la douleur, o les contradictions de la nature ! Je ne sais d’autre refuge que le mot de Lanoue21, je crois : “Dieu est doux !”[...]
40P.S. Le Lien d’aujourdh. et de Dimanche renferme une analyse assez étendue de tes conférences par Gary, qui s’y associe sans réserve. [...]
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Libourne, le 10 Septembre 1869
41[...] Les négociations avec Neuchâtel vont se précisant, quoique les membres du comité soient passablement dispersés, dans les Alpes, à Venise, à Copenhague etc. De Florence, Buisson m’écrit pour me demander 1° Si je crois que 3600 fr. me seraient suffisants pour la vie à Neuchâtel. – 2° Si je pourrais être prêt pour Noël par exemple – 3° Si je consentirais à fusionner leur petit journal avec celui que Coquerel va fonder à Genève. 4° Si je m’accomoderais de la prédication la plus laïque, sans robe ni rites.
42Tu vois que nous arrivons déjà aux détails, ce qui me trouble, comme signe que le moment de la résolution ne va pas tarder. Or c’est une résolution extrêmement grave. J’ai répondu tout à l’heure. Le traitement me parait suffisant. C’est 1200 fr. de plus que je n’ai pour vivre très difficilement à Libourne, et je ne puis croire que la vie soit beaucoup plus chère à Neuchâtel qu’ici, où tout est hors de prix. Je me déchargerai volontiers sur autrui du fardeau d’un journal hebdomadaire. Je ne tiens pas à la robe et aux rites ; c’est toute une création à étudier sur place, et qui dépend des hommes, des circonstances. Quant au départ, le point est délicat. Je ne voudrais pas m’engager définitivement avant d’avoir vu les gens et les lieux ; c’est un voyage à faire, fatigant et coûteux. Si alors j’accepte et suis accepté, le temps resterait bien court pour tous les préparatifs d’émigration – car je ne puis guère aller là bas avant Novembre, moment où tout sera rentré dans le train habituel.
43Voilà où en est la chose. Ton conseil, d’accord avec celui de Goy et de Pécaut, les seuls instruits de ces négociations, a pesé dans la balance. – Quitter mon repos, mon midi, le voisinage de Goy, des Pyrénées, de notre parenté si affectueuse, si aimable, si dévouée, quitter la France, tomber en pleine guerre22, prendre la responsabilité d’une telle entreprise, créer de toutes pièces un spécimen de l’Eglise de l’avenir, affronter la fatigue, le froid de la Suisse, les longs hivers – tout cela m’agite, m’inquiète, me parait témérité. D’autre part, je ne puis guère plus tenir à Libourne, faute de ressources suffisantes ; là bas l’œuvre est belle et vaste, j’y trouverais des amis, je m’y ferais une patrie spirituelle, j’irais paisiblement, modestement, confiant en la direction de Dieu dont je veux suivre les voies. Si Dieu nous garde, j’aurai là bas les moyens d’élever nos fils, qui me manqueront totalement ici. Ma femme n’y vivrait plus dans cette solitude complète, cuisinière et bonne d’enfants, sans relations, hors, l’hiver23, notre chère cousine Mme Sudre. De celle ci je m’éloignerais avec grand regret pour moi et les miens.
44O je n’aime pas les moments des décisions capitales, où tout repose sur ma volonté. C’est un grand trouble, une préoccupation absorbante. Zoé est partagée, mais la nécessité de nous pourvoir ailleurs et la difficulté de trouver dans les circonstances actuelles l’incline vers Neuchâtel, bien qu’elle en redoute la fatigue pour moi, et que l’éloignement l’attriste.
45Merci de ta dernière lettre (de Norderney,) et tout particulièrement de ta critique si sévère et si juste de mon petit livre. Livre de piété où tu trouves que la piété manque ! Ce n’est que trop vrai. Ta remarque m’a été salutaire, a été l’impulsion vers Dieu la plus forte que j’aie reçue depuis quelque temps. Peut-être l’observation n’est-elle pas entièrement juste pour toutes les pages du petit recueil ; il y en a du moins qui ont été écrites sous une influence vraiment religieuse, avec un ardent désir de faire du bien d’en recevoir, et surtout avec la vérité de l’expérience personnelle. Mais en somme, tu as trouvé le point : je veux donner aux autres ce que je ne possède pas assez moi-même, et j’ai besoin de faire effort, de vivre plus en Dieu24. Merci de me l’avoir dit, je ne me le disais pas assez.
46[...] Les affaires politiques deviennent graves. On pense en France que la fin de l’Empire, c. à d. de l’Empereur, est proche : il est gravement malade, profondément atteint, et ce n’est plus qu’une question de semaines plutôt que de mois, dit-on partout. Il n’est pas aisé de prévoir ce qui suivrait cet événement, après tout, bien naturel et tôt ou tard inévitable. Tout pâlit devant cette préoccupation. Conseils généraux et Sénat. Le bruit de la mort a déjà couru plusieurs fois. Il peut être vrai tout d’un coup. La régence espagnole paraît bien impossible, le prince Jérôme aussi25 – l’une par haine du clergé, l’autre par la haine du clergé.
47Si diverses choses ne venaient à la traverse, je suis dans ce moment très occupé d’un plan de travail qui m’intéresse et qui pourrait aboutir à bien. L’idée t’en paraitra bizarre : c’est une Encyclique de Pie IX à propos du futur concile, dans laquelle il expose aux Evêques que l’Eglise ayant fait fausse route jusqu’à présent, il faut revenir à la vérité – et je pars de là pour faire le programme de la foi moderne, du Credo religieux et politique des hs éclairés du XIXe siècle. Le plan que j’ai soumis à Goy l’a beaucoup intéressé, et il m’engage vivement à le mettre à exécution. Je te dirai si j’en puis venir à bout en dépit de tout ce qui m’en détourne26. [...]
247
Veytaux27 – Chillon, près Montreux. Vaud
Dimanche 17 Octobre 1869
48[...] A mon immense regret, c’en est fait pour moi de Neuchâtel, par ordonnance des médecins. Tout le reste était arrangé, conclu, parfait. Ce point restait encore. Tout est venu s’y briser.
49Les lettres de Neuchâtel devenaient de plus en plus pressantes ; les vacances finies, chacun rentrait, et il fallait organiser promptement la campagne d’hiver. Mis au pied du mur, à cause d’une circulaire qu’il fallait se hâter d’imprimer pour provoquer des réponses et des souscriptions, et ne voulant pas décider à distance une si grave question, je lançai une dépêche à Buisson pour lui annoncer mon arrivée le surlendemain. Parti le Jeudi matin 7 Octobre de Libourne, par Périgueux, Limoges, Moulins et Lyon, je couchai le Vendredi à Genève et fus à 3h de l’après midi du Samedi chez Buisson. Le même jour il imprima la circulaire qu’il m’a soumise, et de laquelle j’ai soin d’effacer mon nom et le paragraphe trop flatteur qu’il me consacrait. Aussitôt je commence les visites, j’assiste à une prédication pour connaître le ton orthodoxe du lieu, je vais voir les amis, on se réunit, je monte à la Chaux de Fonds, on prend des mesures, la souscription s’ouvre, la moitié est couverte en un jour ; je plais aux gens, qui d’ailleurs me connaissent un peu, les gens me plaisent, la situation est magnifique, d’une entière franchise et netteté, pleine d’encouragements et d’avenir, faite pour moi, et moi pour elle – bref, l’idéal – pour qui sort de Libourne, et de toute notre pétaudière de France. Mais mes nuits étaient mauvaises, difficiles à traverser. Cela me donne l’éveil. Parmi nos adhérents se trouvent deux médecins distingués ; je les consulte, l’un après l’autre, même réponse, déjà trop prévue par les renseignements que je me faisais donner sur le climat du lieu : variable en tous temps de plusieurs degrés par jour, de grands écarts du chaud au froid et à l’inverse, très humide et noyé de brouillards en hiver, et dans la partie montagneuse, où se trouvent des villes qui auraient en quelques mois donné la victoire au libéralisme, une température très rigoureuse, plus de vingt degrés au dessous de 0, par dessus tout, à Neuchâtel même, sur les bords du lac, une bise effroyable qui gêne même les indigènes. Bref – les deux médecins furent d’accord pour me dissuader, à leur regret comme au mien, d’affronter ce dangereux climat. Et voilà ! – J’y allais avec peine : cette résolution me coûtait. Mais après tout ce que j’ai vu, compris, goûté de cette vie républicaine28, large, animée, c’est la renonciation qui me coûte. J’ai quitté hier Neuchâtel le cœur gros. J’avais entrevu, saisi mon œuvre, ma tâche, ma vie selon mes désirs, un rêve – et il faut lâcher tout cela, retourner dans mon humble trou, à mon insignifiant travail, dans l’air de Gironde plus respirable pour mes poumons, mais plus étouffant pour l’esprit. Je le fais sans amertume, mais non sans tristesse.
50Ces hommes d’état démocratiques, si simples, si graves, sans prétention, sans costume, humbles comme gouvernants, fiers comme citoyens, libres, sérieux, dévoués, dormant de leur personne sans crainte, m’ont séduit et gagné ; l’un d’eux surtout, le président du comité, ministre de la guerre de ce canton, mais ayant horreur de la guerre, des armes, des dépenses qu’elles entrainent, des revues, du cliquetis, vrai administrateur, dont l’ambition, après avoir abaissé le budget de son département, est de devenir ministre ou “directeur” de l’Instruction publique pour réaliser des améliorations importantes – il est un des premiers hommes d’Etat de la Suisse, président du Sénat fédéral ou “Conseil des Chambres”. C’est un jeune homme de ton âge et du mien, naguère indifférent à la religion en même temps qu’hostile à l’Eglise, et maintenant, grâce à l’influence de Buisson, entièrement gagné à nos vues. Nous ne nous sommes guère quittés pendant ces huit jours, et il est celui que je regrette le plus. Buisson est étonnant d’activité, de force, d’audace. Mais il est découragé (momentanément) par cette déception qui vient de ma santé. Il compte donner sa démission à l’Académie pour quitter à Pâques. Il voudrait aller passer un an en Allemagne et rentrer ensuite dans l’Université française.
51J’ai quitté Neuchâtel hier samedi à midi, me suis arrêté une heure à Lausanne, et suis venu passer la soirée et la nuit dans ce bout du lac Léman, qui est un des plus jolis coins du monde, de l’avis des voyageurs – et du mien. Je suis allé voir Quinet hier soir, nous avons passé près d’une heure ensemble, à causer politique. Il m’a donné rendez vous pour aujourd’hui à 2 heures ; mais le temps est devenu mauvais, il pleut, il vente, et je me déciderai probablement à prendre le train de 1 h pour Genève, où j’ai prévenu Cougnard de mon arrivée. Demain Lundi je vais à Lyon, où je m’arrêterai chez le président Buisson29 et je reprendrai ma route vers Libourne mardi matin ou mardi soir selon l’occurrence.
52[...] Ah j’aurai de la peine à reprendre ma vie ordinaire, après cette échappée sur un monde qui m’appelait, et que je dois fuir ! [...] Mais à quoi bon regimber, se casser la tête aux murs de sa prison : il faut accepter l’inévitable. C’est sagesse autant que piété30 […]
248
Samedi 27 Novembre 1869. Libourne
53[...] J’ai repris bravement ma vie de Libourne, avec plus de zèle et d’entrain, me persuadant plus qu’autrefois qu’ici est mon camp, mon champ de bataille, mon poste. J’ai résolu de me consacrer pleinement non seulement à cette petite Eglise, minuscule, mais à cette petite ville, et d’essayer d’y faire quelque bien, non seulement comme pasteur, mais comme penseur, orateur, citoyen semeur d’idées libérales. J’ai déjà commencé à émettre, à tenter quelques projets qui me tiennent à cœur, et où l’événement31 m’a déjà encouragé. Sous le couvert d’autrui, j’ai lancé une assez longue et vigoureuse pétition au Conseil municipal contre le monopole de l’instruction primaire communale entièrement mis aux mains des congrégations ; j’ai eu la joie de voir ma pétition (anonyme) se couvrir de signatures, attirer l’attention, se faire accepter de la commission désignée ad hoc. Reste à obtenir (ce qui est probable) l’adhésion du Conseil municipal, du moins de sa majorité. Une fois le principe admis, je ferai de nouveaux efforts pour pousser à l’exécution et entretenir une agitation populaire en ce sens. Le plus mortel ennemi de la vérité et de la liberté, c’est ce parti noir qui tient dans ses mains funestes les jeunes générations. Mon premier devoir est de lutter contre cette influence. Dans ce but, je suis allé hier à Bordeaux, prié et délégué par les francs maçons32, pour demander à Jules Simon de venir nous faire ce soir au théâtre de Libourne une conférence destinée à commencer en grand l’agitation populaire en faveur de l’enseignement laïque. C’eut été pour notre petite ville arriérée un événement d’une portée incalculable. Malheureusement Jules Simon, venu la veille pour un immense meeting du Libre échange (où il a eu un prodigieux succès de parole deux heures durant) devait partir hier soir, appelé par les réunions préparatoires de la Gauche, la rentrée de la Chambre ayant lieu Lundi.
54Par la même occasion me trouvant à Bordeaux, j’ai poursuivi une idée qui me paraissait de la plus haute importance. J’ai obtenu de plusieurs professeurs des facultés des lettres et des sciences et de deux avocats distingués la promesse de leur concours pour une série de conférences du soir que je veux établir dans notre pauvre Libourne cet hiver. Ici j’ai gagné à cette idée un professeur de philosophie du collège et un jeune avocat. J’en rallierai encore un ou deux autres que j’organiserai en comité, je proposerai la présidence au Maire qui n’osera reculer devant les noms importants de mes hommes de Bordeaux ; il nous donnera quelque salle publique, Bourse ou autre, et la population affluera j’espère. Tout ce qui se dira dans ces conférences sur la littérature, l’histoire, la philosophie, le droit, l’astronomie, la zoologie etc. ne sera pas manne céleste ; mais j’espère en somme, un sérieux mouvement intellectuel, de l’intérêt pour les choses de l’esprit, bref une innovation inouie, un progrès, de l’agitation, donc la vie, préférable au silence et aux ténèbres de la mort.
55A côté de cela, je rumine un plan de cercle démocratique, pour la lecture des journaux, et une bibliothèque populaire. Plans de difficile réalisation, avec la législation qui nous régit, l’étroitesse insigne, rare, vieillotte de la bourgeoisie, et l’inertie de la population ouvrière de Libourne. Songe qu’il n’y a rien, rien, rien, qui puisse contribuer au développement des esprits ; dans une ville de 16 mille âmes, riche, prospère, croissante, pas un cours public, pas une bibliothèque, pas une occasion de s’instruire ; et pourtant on a un bon collège communal, beaucoup de négociants sont bacheliers. Mais l’influence cléricale a tout tué, tout éteint, tout aplati.
56L’inauguration de notre charmant petit temple a eu lieu le Samedi 13 et a produit un heureux effet dans Libourne. Trois fois notre temple s’est rempli, et naturellement le gros était composé de catholiques. J’ai prêché le matin, une bonne heure, sur le texte gravé au fronton : Joh. 4, 2433. Je crois avoir été clair et instructif. Je sais que mon discours a déjà produit quelques fruits. Le soir, après un diner de collègues et d’amis à la maison, nous allâmes entendre Pellissier. Il y avait foule, salle comble ; il a un peu cassé les vitres, effrayé, scandalisé les uns, charmé les autres, intéressé tout le monde. Je vais profiter du bruit qui s’est fait autour de nous, et commence Mercredi des conférences du soir au Temple pour tout le mois de Décembre. Il y viendra bien quelques catholiques. J’ai fait annoncer dans le journal de la localité (impérialiste et clérical).
5729 Nov. Mon plan de conférences populaires a marché promptement. J’ai un comité, une liste de conférenciers ; on nous prêtera probablement le théâtre. L’affaire est lancée ; reste à vaincre l’hostilité de la bourgeoisie, la haine du clergé et la paresse du peuple. J’ai pour cela d’excellents éléments. Je recourrai à la publicité et t’enverrai le programme. J’espère avoir de quoi remplir près de quinze soirées entre le jour de l’an et Pâques.
58Je ne suis pas non plus très éloigné de croire à la possibilité de création d’un journal hebdomadaire pour notre arrondissement, à bon marché, politique, agricole, commercial, libéral en tout et littéraire ou philosophique à l’occasion. Un certain journaliste de Paris, originaire d’ici, où il a des propriétés, candidat radical évincé en 1863, y avait déjà pensé ; je renouerai peut-être le fil, et verrai si par lui on ne pourrait avoir les fonds et le premier établissement. La presse est un si puissant, si indispensable instrument, et encore si peu, si peu employé dans notre France ! – Un des plus grands et des plus riches arrondissements de France qui n’a qu’une misérable feuille d’annonces chaque Dimanche, et encore méprisée de tous ! – Il est vrai qu’il y a quelques journaux à Libourne, mais quotidiens et chers34. [...]
249
Libourne le 26 Décembre 1869
59[...] J’ai été passablement occupé ces temps ci et d’une manière assez utile pour me donner moins de remords de l’abandon où j’ai laissé notre correspondance. D’abord j’ai achevé mon Programme du Concile, une centaine de pages, qui paraitront probablement chez Dentu35 dans le courant du mois prochain. [...]
60Puis j’ai eu à me démener joliment pour l’établissement des conférences publiques à Libourne. Mais aussi, j’ai réussi au delà de tout espoir. A partir du 8 Janvier jusqu’au 9 Avril, tous les Samedis soirs, au Théâtre, auront lieu des conférences faites par des professeurs du lycée de Bordeaux, de la Faculté des lettres et de la Faculté des sciences, des avocats etc. Quatorze conférences dignes presque toutes des plus grandes villes viendront initier notre population à la vie de l’étude et de la science. J’ai du m’occuper seul de tout cela, écrire nombre de lettres, faire nombre de courses, aller à Bordeaux plusieurs fois. Enfin j’ai réussi. Le programme est fait ; j’ai pris date avec tous, j’ai les sujets en mains, et le programme s’imprime. J’espère qu’il en sortira quelque bien. Le clergé commence à s’en agiter ; il fait opposition ; mais je ne m’en inquiète pas. Déjà l’opinion est en mouvement ; mes conférences religieuses du Mercredi soir y ont contribué. Mon petit temple s’est trouvé trop petit. La foule l’envahit avant l’heure, et c’est plaisir de voir cette attention, ce recueillement. Les gens sont suspendus à mes lèvres et trouvent toujours que c’est trop tôt fini. Aussi je suis encouragé, je ne sens pas la fatigue, je parle une heure. La dernière aura lieu Mercredi ; je prends des mesures pour augmenter les sièges, car on se tient debout aux portes, au vestibule, plusieurs repartent sans pouvoir entrer. Or cela est merveilleux dans un pays tout catholique où l’indifférence est le seul contrepoids de l'influence cléricale. Cela prouve bien qu’il y a des besoins élevés. [...]
61Je m’occupe aussi à fonder une Société de Lecture pour journaux et livres à portée des ouvriers. Cela offrira quelque difficulté ; mais le bien en serait considérable, si je ne me trompe. Il faudrait qu’avec tout cela, j’eusse une plus forte santé. Je suis obligé de m’enfermer souvent, de faire peu de visites, de garder le silence ; je reste tard au lit le matin par nécessité absolue de repos. [...]
62J’ai aussi mon instruction religieuse du Jeudi. J’étudie avec mes élèves l’Ancien Testament, sans pruderie, sans mystère, tel qu’il est. Je leur en lis, le leur explique [...]
63Tu vois que j’ai de la besogne taillée. En outre j’ai accepté un traité avec Mr Martin Paschoud pour écrire dans le Disciple régulièrement l’année prochaine. Il m’offre 1000 fr pour un travail mensuel36. J’ai accepté avec plaisir parce que cette adjonction de ressources me devenait absolument nécessaire. Ma seule crainte est de ne pas les gagner vraiment. Je m’y appliquerai pourtant de mon mieux. Cette entreprise m’oblige à renoncer à un autre projet qui me souriait bien au point de vue de la propagande libérale, c’était la fondation d’un journal politique pour notre arrondissement, qui est grand, riche, très peuplé. Mais je ne peux courir deux lièvres à la fois. Ah si j’avais une pleine santé, que je pusse travailler assidument, veiller tard ou me lever tôt, et suffire en outre aux devoirs de mon ministère, je n’hésiterais pas. J’aime mieux faire peu et bien – que bouziller beaucoup. Non multa, sed multum. Le tout est de faire bien ! Ah que c’est difficile ! A mesure que je vis, il est une chose surtout que j’apprends – c’est à n’être pas content de moi. Je veux bien espérer que c’est parce que je comprends mieux la tâche et que je vois un peu mieux le but. [...]
Notes de bas de page
1 Neuchâtel en Suisse. C’est là qu’était fixé Ferdinand Buisson. F. Buisson (1841-1932) agrégé de philosophie, s’exila plutôt que de prêter le serment à l’Empire et obtint une chaire à l’Académie [Université] de Neuchâtel (1866-1870). Il y fit diverses publications protestantes libérales et y fut le fondateur d’une Eglise libre (indépendante de l’Etat) et libérale, c’est-à-dire d’inspiration évangélique, mais « sans dogmes ni miracles », sans surnaturel ni révélation ; il sollicita pour en être le pasteur Félix Pécaut, qui finit par refuser, Maurice Schwalb et Goy qui refusèrent d’emblée, Steeg, qui, comme on va le voir, désirera ardemment pouvoir accepter, mais devra refuser pour raison de santé. Ce fut finalement Trocquemé, alors pasteur aux Bouhets près de Sainte-Foy, qui accepta.
Le reste de la carrière de Buisson – comme créateur de l’enseignement primaire républicain, puis comme député et pacifiste – appartient à l’Histoire de France, mais on le retrouvera souvent dans la vie et par conséquent dans les lettres de Steeg.
2 Edmond.
3 Les élections au Corps législatif devaient avoir lieu en mai-juin. Profitant des lois plus libérales votées en 1868, l’opposition républicaine va se faire beaucoup plus vive. 140 journaux (celui de Steeg en est un témoignage) sont créés, et le tirage des quotidiens sera décuplé par rapport à 1860. Le système des candidatures officielles, où l’appareil d’Etat pesait de tout son poids en faveur des candidats gouvernementaux, commence à moins bien fonctionner, et l’opposition gagnera 1 300 000 voix.
4 C’est en effet la coqueluche.
5 Le christianisme libéral et le miracle, quatre conférences prononcées à Nîmes, Neuchâtel et Paris en 1868, Cherbuliez, Paris et Genève, 1869. Aussi dans Le Disciple de Jésus-Christ, 1869, 1er semestre, p. 149-264. Traduction hollandaise, Leyde, 1869.
6 Le lit, la diète et la saignée restaient le traitement de toutes les maladies infectieuses et d’autres. C’était évidemment fort affaiblissant.
7 Voir note sur la lettre du 3 février 1869.
8 Charles Steeg fit toute sa vie le bonheur et l’amusement de sa famille par son caractère gai et spirituel.
9 1867, p. 348.
10 Emile Manier, élève de l’Ecole centrale, mourra le 9 juin, à l’âge de 28 ans et demi. Le faire-part, après deux versets bibliques (Jean, 11, 26 et II Samuel 12, 23), ajoute : « Emile est allé rejoindre son bon frère Victor (mort le 10 septembre 1867) et sa tendre mère (décédée le 4 septembre 1868). – Son pauvre père reste seul sur la terre ! »
11 Les études du collège protestant, parce qu’il est le seul à y assurer un enseignement de qualité ; les examens des aspirantes, c’est-à-dire des candidates au brevet supérieur, parce qu’il est le seul à assurer un véritable enseignement au cours normal de Mme Delhorbe, un des rares cours qui préparaient les jeunes filles à ce brevet, et qui pour cette raison était souvent connu sous le nom de Cours normal ou Ecole normale protestante.
12 Ici le mot « libérale » a été rayé. Toute l’opposition n’était pas en effet libérale ; il y avait une opposition légitimiste, et une opposition socialiste.
13 Jules Simon (1814-1896), professeur de philosophie qui refusa le serment à l’Empire, député d’opposition depuis 1863. D sera ministre du gouvernement de la Défense nationale, chef du gouvernement en 1876, sénateur inamovible en 1876. Lavertujon, né en 1827, républicain, rédacteur en chef de La Gironde depuis 1855 ; U sera plus tard rédacteur au Temps puis diplomate puis en 1887 sénateur.
14 « Le droit des voleurs ».
15 A l’ouverture de la session du Corps législatif.
16 Adolphe Franck (1809-1893), philosophe, professeur au Collège de France, juif, spiritualiste et libéral ; il s’agit de Philosophie et Religion dont Steeg fit un compte-rendu dans Le Disciple de Jésus-Christ, 1868, 1er semestre, p. 47-55.
17 Compte-rendu de Philosophie et Religion, d’Ad. Franck, 1868, 1er semestre, p. 47-55.
« Le Royaume des Cieux », ibid.,p. 521-537.
« Deux conférences à l'occasion de la fête de la Réformation » (la première sur Zwingle, la seconde sur Parker), 1868, 2ème semestre, p. 333-352 et 407-425. « La Foi », 1869, 1er semestre, p. 489-506.
18 Née Joséphine Rivier.
19 Le petit Etienne Schwalb, âgé de deux ans, était mon du croup (diphtérie laryngée), malgré une trachéotomie, le 3 août.
20 Romains 12, 12 « Soyez joyeux dans l’espérance ».
21 Sans doute François de La Noue (1531-1591), un des principaux chefs militaires des protestants pendant les guerres de religion. Je ne sais s’il a prononcé ce mot ni où, mais il est bien en accord avec sa pensée.
22 Guerre religieuse.
23 Car celle-ci passe les étés à Orthez.
24 Il me semble en effet qu’à force de se détourner du pôle orthodoxe, révélé, dogmatique du christianisme, on finit par se détourner de la religion biblique, et, à moins qu’on se contente d’un substitut artificiel du genre religion du progrès ou de l’humanité (ce que n’ont pas fait les libéraux français), par ne plus guère avoir de religion telle qu’on puisse encore en parler. Il n’y a pas plus de sécurité religieuse qu’il n’y a de sécurité spirituelle ou matérielle ; l’orthodoxie est toujours menacée de sclérose, et le libéralisme de vide, ou d’un tel vague qu’on n’y perçoit plus que les efforts de nobles âmes, qui sont l’honneur de la pauvre humanité, et, par leur « ardent désir de faire le bien », un de ses espoirs, mais qui sont passées à côté d’un espoir plus puissant.
25 C’est-à-dire une régence (le prince impérial avait 13 ans) de l’impératrice Eugénie, espagnole et cléricale, ou de Napoléon Bonaparte (1822-1891), fils du roi Jérôme, sénateur, défenseur du principe des nationalités et adversaire du parti clérical que soutenait l’impératrice.
26 C’est un des écrits de Steeg qui sont encore fort lisibles aujourd’hui : Programme du Concile oecuménique de l'an de N.S. MDCCCLXIX, ou Lettre de S.S. Pie IX à tous les Pères du Concile, Paris, Dentu, 1870, et dans Le Disciple de Jésus-Christ, 1870 1er semestre, p. 16-82.
27 C’est là que vit en exil Edgar Quinet, et c’est pour aller le voir que Steeg, en quittant Neuchâtel, s’est arrêté à Veytaux.
28 C’est en effet en voyant fonctionner, pendant ces quelques semaines, la démocratie suisse, que Steeg prit conscience que la société dont il rêvait plus ou moins confusément depuis longtemps était pratiquement réalisable et presque à portée de la main. Le jour de son départ de Neuchâtel, il écrit à sa femme : « Je reviens de Suisse plus idolâtre que jamais de la République, et avec plus de motifs ; car j’ai vu ce que je n’avais fait que rêver. » Désormais le désir et presque l’instinct d’apostolat et de service qui l’habitait depuis son adolescence et que l’Eglise n’avait pu satisfaire a trouvé un champ d’application. Mais il lui faudra renoncer à servir l’Eglise, ce à quoi il ne se résoudra pas sans peine.
29 Eugène Buisson (1804-1881), pasteur (libéral) à Lyon, président du consistoire.
30 Dans les premiers jours de son séjour à Neuchâtel il a écrit à sa femme : « La tâche est immense à tous égards, trop belle, trop haute, trop lourde pour mes forces, si je devais l’accomplir pleinement. Je n’ai ni assez de foi, ni assez de science, ni assez de santé pour être l’apôtre libéral de ce canton * si intéressant, si vivant. Mais ce n’est pas une raison pour y renoncer, pour ne rien faire du tout sous prétexte de ne pouvoir tout faire. S’il faut y renoncer, j’en aurai mille regrets. Mais que j’y aille ou non, je veux écouter la raison, la sagesse, suivre mon vrai chemin, puisque c’est le seul moyen de découvrir en ces choses la volonté de Dieu. » Sa femme lui avait écrit : « D’autres portes s’ouvriront plus tard et en attendant nous tâcherons de faire pour le mieux ».
* Mais il fut à partir de ce moment-là l’apôtre libéral d'un autre canton, moins intéressant sans doute, moins prometteur, et apôtre de la liberté politique plus que religieuse, mais c'était le canton où il était, celui de Libourne. La lettre suivante indique que ce fut consciemment et délibérément fait.
31 C’est-à-dire l’issue.
32 Steeg sera quelques années plus tard membre de la loge maçonnique « Ecole de la morale » de Liboume. L’était-il déjà, je ne sais. Il n’y avait aucune difficulté pour un pasteur à être franc-maçon.
33 « Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité » ; c’est un texte souvent inscrit au fronton des temples protestants, particulièrement ceux qui étaient de tendance libérale.
34 Il est bien évident que ces projets si précis et si nombreux ne sont pas nés du séjour à Neuchâtel et que Steeg les « ruminait », comme il dit, depuis longtemps.
35 Edouard Dentu ; il publiait, dit-on, un volume par jour, et de toutes sortes.
36 Steeg signera dans le Disciple de Jésus-Christ, outre des comptes-rendus de livres, une revue, tous les deux mois, des événements du mois écoulé (en alternance avec un autre chroniqueur), qui durera de mars 1870 à juin 1873.
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