Du parti pris des chaises en poésie1
p. 53-68
Résumé
The paper begins by offering a close reading of three poems on chairs, by Tony Harrison, Philip Larkin and William Wordsworth. Things are dumb, in all senses of the word, and their muteness is foreign to human language—and yet they are to be named, so as to become literary objects. Borrowing its title from that of a famous collection of poems by Francis Ponge, who claims to be favourably prejudiced about things, the essay purports to examine the various ways in which poets attempt to mould the shape of their poems around that of objects, and vice versa. It follows three main outlines: “In the aspect of things” covers what Bonnefoy sees as a characteristically English fondness for the empirical aspect of things, as opposed to the more abstract bias of French poets; “In the truth of things” (with poems by Craig Raine, Douglas Dunn, Derek Mahon and Philip Larkin) discusses various strategies by which things are either made glorious or trivial; “Dependent on things” (featuring poems by William Carlos Williams, Wallace Stevens, Tony Harrison) plumbs the depths of what is first and foremost for poets a linguistic bias.
Texte intégral
1Trois chaises, pour commencer, car de la chaise à la chose, il n’y a qu’un pas, vite franchi en poésie. Ainsi ce premier poème Tony Harrison, à la charnière entre la poésie des choses et les choses de la poésie.
Study
Best clock. Best carpet. Best three chairs.
For deaths, for Christmases, a houseless aunt,
for those too old or sick to manage stairs.
I try to whistle in it but I can’t.
Uncle Joe came here to die. His gaping jaws
once plugged in to the power of his stammer
patterned the stuck plosive without pause
Like a d-d-damascener’s hammer.
Mi aunty’s baby still. The dumbstruck mother.
The mirror, tortoise-shell-like celluloid
held to it, passed from one hand to another.
No babble, blubber, breath. The glass won’t cloud.
The best clock’s only wound for layings out
so the stillness isn’t tapped at by its ticks.
The settee’s shapeless underneath its shroud.
My mind moves upon silence and Aeneid VI. (Harrison 115)
2D’emblée nominal, le premier vers y installe l’empire des chaises (et de l’horloge) au seuil du poème. À la faveur d’un rythme, tout d’abord. Rythme ternaire, soit trois chaises, pour trois phrases courtes, trois objets ou groupes d’objets, et trois fois le même superlatif. Cette forme signifiante va se répéter (au vers 12, renforcée par l’allitération) : ce sont bien les choses qui dictent leur loi au poème. Rythme, toujours : ce premier vers ne compte pas moins de sept accents forts (pour un temps faible) ; à l’image de ce qui se passe pour le premier spondée, chaque mot reçoit l’impact d’une attention qui est aussi une intention : isoler chaque mot pour mieux le valoriser, affecter à chaque chose le plus fort coefficient d’individualité. Pareille mise en avant ne saurait toutefois durer ; à la fois assertif et crispé, cet exergue est l’indice d’une tension ostentatoire, qui trouvera sa résolution lors du dénouement, également détaché du reste du poème (le dernier vers, venant toutefois boucler le système des rimes alternées).
3On aura reconnu dans ces superlatifs le souci affiché, chez les gens de peu, de privilégier ce qu’ils ont de plus présentable, et de plus digne, en accord avec le décorum requis par l’usage qui est fait de cette antichambre de la mort. Même relatifs, ils tranchent singulièrement sur la banalité ou l’insignifiance prêtée aux choses ordinaires. En les nommant, en les dénombrant, le poète anglais renoue lointainement avec le geste de Virgile, le poète latin : n’était l’absence de la forme exclamative, la modalité serait laudative, preuve s’il en était qu’il suffit de le vouloir pour que trônent les chaises et que règnent les choses. Élues, elles le sont, pour faire écran aussi : il faut attendre l’avant-dernier vers pour que se dévoile la (bien innocente) mystification. Avec le rythme iambique, apparaît au grand jour l’envers du décor : le canapé défoncé qu’on cache sous un drap, l’usure du temps, la mort qui rôde, la défaite consommée de toute forme. Sauf qu’à cet effondrement des choses, le mètre et sa succession régulière d’accents faibles et forts restituent, tout compte fait, une certaine tenue. C’est à de semblables détails que l’on mesure à quel point l’agencement du poème répond à une véritable philosophie de l’ameublement, entendue comme un art poétique.
4Les choses, meubles immobiles, avec leur présence inactive (la pendule n’est pas remontée) et silencieuse, y occupent tout le terrain ordinairement dévolu à l’étude, mais aussi à l’accueil des invalides et des agonisants. Mais alors que le premier vers ne fait référence qu’à des choses, le dernier n’en recèle aucune. Tout les oppose : le premier est statique, segmenté, nominal ; le dernier est dynamique, en expansion, et marque le retour en grâce du prédicat, du sujet, de l’action. Se démarquant de la paralysie de la nature morte, implicitement esquissée avec le terme de « still » (et peut-être aussi de « study »), le dernier vers se meut, sans heurt ni bégaiement. L’échappée finale est belle et fluide, mais pas au point de justifier qu’on parle du triomphe des forces de l’esprit sur la matière. Ce serait grandiloquent, or c’est sans la moindre pompe que le je du poème se fait passeur, psychopompe. Au voisinage de l’enfer, dans les parages – et on appréciera à sa juste valeur le zeugma – du silence et de L’Enéide, le poète alors en herbe, qui n’est déjà plus infans, prend le large, sans jamais quitter, Enée immobile à grands pas, le cadre de travail qui est le sien, à la fois une pièce et le lieu d’une activité mentale2. Sans oublier, surtout, que pour apprendre l’éloquence (The School of Eloquence est le titre général du recueil, dédié aux deux oncles de Tony Harrison, le premier, sourd, le second, bègue), il n’est de meilleure école que celle, silencieuse, des choses.
5Chaises encore : celle encore imprégnée, synecdoque oblige, de la présence de Mr Bleaney, dans le poème éponyme de Philip Larkin3. Ou celles qu’il place, dans « Friday Night in the Royal Station Hôtel », sous le feu des ampoules électriques brûlant jour et nuit, dans l’éclat déclinant d’un oxymore :
Light spreads darkly downwards from the high
Clusters of light over empty chairs
That face each other, coloured differently.
Through open doors, the dining-room declares
A larger loneliness of knives and glass
And silence laid like carpet. A porter reads
An unsold evening paper. Hours pass,
And all the salesmen have gone back to Leeds,
Leaving full ashtrays in the Conference Room.
In shoeless corridors, the lights burn. How
Isolated, like a fort, it is—
The headed paper, made for writing home
(If home existed) letters of exile: Now
Night cornes on. Waves fold behind villages. (Larkin 163)
6Après le départ des VRP qui y logent la semaine, l’hôtel est rendu à l’attente, au vide, à la nuit qui tombe. Rendu aux choses, qui continuent dans leur être. En l’absence des humains, le seul face à face se déroule entre chaises, la seule activité langagière est à mettre au crédit de la salle à manger, et la seule plénitude se niche dans les cendriers. Livré à lui-même, en exil de tout home, le poète s’y montre lui aussi impuissant à conjurer l’angoisse qui monte de toutes parts. Ailleurs, dans l’arrière-pays, la nuit remue, pour le dire avec Michaux. En ce sourd nocturne, où l’immatériel (la lumière) pèse plus lourd que les objets matériels absents (« shoeless »), quelque chose de vaguement inquiétant se boucle, hors du pli ordinaire des choses.
7Les choses sont muettes, mais d’un mutisme radicalement étranger à toute langue. Il appartient pourtant au poète de les nommer d’une manière telle qu’elles deviennent un objet littéraire : c’est ainsi que les chaises trônent en majesté. C’est qu’au parti pris des choses s’ajoutent ce que Francis Ponge appelle d’une part la « rage de l’expression » (titre d’un ouvrage de 1952), et d’autre part le « compte tenu des mots », à savoir le souci de modeler sur l’objet la forme du poème, et inversement4. Rares, pourtant, sont les poètes qui vont aux choses de manière aussi délibérée que l’auteur de Pièces. C’est qu’il y a des façons moins systématiques d’envisager les choses en poésie, dès lors qu’elles font signe.
Dans l’aspect des choses
8Au détour d’une réflexion sur « La poésie française et le principe d’identité », Yves Bonnefoy livre ce qui ne se veut qu’une simple intuition, à l’appui de laquelle il sait néanmoins pouvoir convoquer son expérience de traducteur. « En anglais, écrit-il, ce qui frappe le plus, c’est la grande aptitude à la notation des aspects, qu’ils soient du genre humain ou des choses. Les mots, poursuit-il, s’y pressent l’un contre l’autre, en continuité opaque, comme les cristallisations d’une superbe matière – en fait comme des éclats d’intelligibilité arrachés d’un réel délibérément abordé d’une manière empirique. » (Bonnefoy 257). Qu’on le comprenne bien : la Présence ou la Conscience de l’Un ne sont pas moins vivantes dans la poésie anglaise que dans la poésie française, réputée plus platonicienne. Bonnefoy sait trop bien combien Shakespeare, Donne, Wordsworth, ou encore Hopkins, ont le pouvoir « de lever la pierre de l’aspect pour ranimer l’absolu » (Bonnefoy 259). Il n’empêche : si l’intention poétique est la même en anglais que partout ailleurs, elle passe, pour s’élaborer, par des voies qui sont résolument siennes. Ainsi la poésie anglaise s’attache-t-elle – scandale pour Racine, mais presque autant pour Rimbaud –, à l’anecdote, d’une part, à la chose, de l’autre, le plus souvent de nature triviale, au sens littéral du terme.
9Mais Bonnefoy préfère quitter là ses « imprudentes remarques », comme il les nomme, pour poursuivre sa réflexion sur la spécificité de la poésie française, caractérisée par son essentialisme, fondé sur le principe d’individualité, et prioritairement exprimé au moyen de substantifs abstraits, conceptuels. Tout se passe en français, comme si les attributs de l’objet apparaissaient comme déjà révélés et intelligibles dans sa notion même – ainsi, « La Crevette dans tous ses états », ou bien encore « Le Volet, suivi de sa scholie », de Francis Ponge.
10Quid, alors, de « la » fourche selon Seamus Heaney ?
The Pitchfork
Of all implements, the pitchfork was the one
That came near to an imagined perfection:
When he tightened his raised hand and aimed with it,
It felt like a javelin, accurate and light.
So whether he played the warrior or the athlete
Or worked in earnest in the chaff and sweat,
He loved its grain of tapering, dark-flecked ash
Grown satiny from its own natural polish.
Riveted Steel, turned timber, burnish, grain,
Smoothness, straightness, roundness, length and sheen.
Sweat-cured, sharpened, balanced, tested, fitted.
The springiness, the clip and dart of it.
And then when he thought of probes that reached the farthest,
He would see the shaft of a pitchfork sailing past
Evenly, imperturbably through space,
Its prongs starlit and absolutely soundless—
But has learned at last to follow that simple lead
Past its own aim, out to an other side
Where perfection—or nearness to it—is imagined
Not in the aiming but the opening hand. (Heaney 1966, 23)
11On sait combien Heaney aime à traiter, dans sa poésie, des choses et des objets de la vie courante. Dès son premier recueil, Death of a Naturalisé, il en fait l’éloge, surtout lorsque l’objet sollicite son sens du toucher. Très tôt, tenue entre les doigts comme une arme, la plume prend la suite de la bêche paternelle (« Digging »). Dans le recueil Seeing Things, c’est la fourche, plus aérienne que la bêche, qui remonte à la mémoire et impose sa présence. Condensée entre les vers 7 à 12, la description de l’objet relève d’une matière grammaticale mêlée : une pléthore de substantifs (dont 5 au seul vers 10), qui a pour pendant des participes passés adjectivés en rafale (dont 5 au vers 11). Aux substantifs, et à l’énoncé nominal, le poète confie le soin de produire un effet de totalisation, conférant ainsi une valeur d’absolu à la chose. Foin de l’aspect, au moins le temps d’un vers : la fourche paternelle rejoint la perfection de l’essence, et vise l’absolu. Ou, pour le dire autrement, le poète ambitionne de rétablir l’aura de l’objet, arraché à son usage courant, reproductible, et rendu à sa valeur cultuelle, rituelle, on serait tenté d’ajouter magique. D’où ces notions, littéralement abstraites du bois et de son grain, pour mieux pérenniser sa transformation en manche idéal. Mais de là aussi, en complément des substantifs à suffixe, les brefs monosyllabes à élan, à rebond, aux propriétés redevenues élastiquement cratyliennes : « the clip and dart of it ». Également complémentaires, ces participes passés, chargés d’exprimer l’accord parfait (« fitness » au vers 11) entre la main de l’homme et le manche de la fourche, à l’issue d’un processus d’adaptation réciproque, de polissage mutuel, de recherche partagée du point d’équilibre : voir « balanced » au vers 11. On verra dans cette évocation finement ligneuse une anti-langue de bois, célébrant ce que les musiciens appellent l’accord parfait, si l’on veut bien songer que le pitch du titre renvoie, entre autres, à la tessiture de la voix, et que le diapason, lui, se dit en anglais tuning fork. Débordant sa valeur première d’usage agricole, la fourche rejoint sa vocation dernière, qui est de jaillir de la main ouverte, tel un javelot, ou, mieux, un missile. Imaginer la fourche filant droit au but, comme une flèche en passe d’atteindre sa cible, c’est consacrer la coïncidence rêvée entre l’intention et son résultat, la visée et son accomplissement. Passée de l’autre côté de la terre, ou du ciel – « out to an other side »-, la fourche parfaite l’est aussi parce qu'elle relève désormais de ce que Michèle Aquien appelle l’Autre versant du langage. Ne perdons pas de vue, toutefois, qu’à l’origine du geste, il y a sans doute une vue de l’esprit, une quasi-hallucination, c’est du reste toute l’ambiguïté du titre donné au recueil, Seeing Things.
Dans la vérité des choses
12La poésie, écrit Pierre Reverdy, n’est certainement pas dans les choses – autrement tout le monde l’y découvrirait aisément. Elle est dans l’homme, et c’est lui qui en charge les choses, quand il parvient à mettre son empreinte dessus. Mais rien ne s’opère, précise-t-il, sans une véritable « transmutation des valeurs ». Premier défi. À ce titre, il n’y a pas de choses plus poétiques que d’autres. Je me demande, poursuit Reverdy, ce que certains poètes voulaient dire quand ils affirmaient qu’il y avait autant de poésie dans les gares et dans une locomotive que dans tout autre lieu ou tout autre objet. Il n’y a pas plus de poésie dans une diligence que dans une locomotive, conclut-il. Du même fait, il n’y a pas moins de poésie, serais-je tenté de poursuivre, dans les chants d’oiseau que dans une locomotive, n’en déplaise à Stephen Spender, auteur de « The Express », et aux « Pylon Poets », bien décidés à prendre, dans les années trente, le parti des objets industriels, vecteurs d’une pourtant ambivalente modernité.
13Reverdy continue en affirmant que le poète ne voit pas les choses autrement que les autres hommes : sinon, « il ne pourrait pas avancer dans la rue ». Mais, poursuit-il, il est celui qui découvre entre elles « des rapports inouïs », ce qui l’amène un jour à ne plus écrire que dans le but, à peine inavoué, de découvrir ces « merveilleux rapports ». Dans les années soixante-dix, Craig Raine, promu chef de file de la poésie « martienne », se plaisait à se représenter la banalité du quotidien, et des objets domestiques, comme le ferait un étranger, ou un être venu d’une lointaine planète. Défamiliariser la représentation, pour faire apparaître le merveilleux sous l’ordinaire, tel était son mot d’ordre :
An Inquiry into Two Inches of Ivory
We live in the great indoor:
the vacuum cleaner grazes
over the carpet, lowing,
its udder a swollen wobble...
At night, the switches stare
from every wall like flat-faced
barn-owls, and light ripens
the electric pear.
Esse is percipi—Berkeley knew
the gentle irony of objects, how
they told amusing lies and drew laughter,
if only we believed our eyes.
Daily things. Objects
in the museum of ordinary art.
Two armless Lilliputian queens
preside, watching a giant bathe. [...] (CBP 170)
14Placée sous le patronage de Jane Austen, l’enquête revisite notre quotidien d’un œil, en songeant cette fois au Montesquieu des Lettres persanes, neuf et perçant. Notre décor journalier s’en trouve transformé, animalisé le plus souvent. Comme si le réenchantement du monde passait par son ensauvagement fantasque. Par son décentrement aussi : même si c’est pour rire, les références, dans la suite du poème, au cubisme, à la géométrie non euclidienne, à la musique atonale, invitent à s’ouvrir à des façons moins normées et renouvelées d’envisager le contexte domestique, promu par la fantaisie des images en « jardin extraordinaire ».
15Plus classiquement, « On Roofs of Terry Street », de Douglas Dunn, fait en sorte que par la grâce inattendue d’une épiphanie, une truelle se transforme en objet de prix, renchérissant ainsi la valeur insoupçonnée des choses ordinaires.
On Roofs of Terry Street
Television aerials, Chinese characters
In the lower sky, wave gently in the smoke.
Nest-building sparrows peck at moss,
Urban flora and fauna, soft, unscrupulous.
Rain drying on the slates shines sometimes.
A builder is repairing someone’s leaking roof.
He kneels upright to rest his back.
His trowel catches the light and becomes precious. (CBP 51)
16Selon la terminologie chère à Ponge, on aurait là un parfait exemple de « sapate », à savoir un présent précieux, dissimulé dans une offrande modeste, ainsi un citron dans lequel se cache un gros diamant. Mais n’est-ce pas trahir la banalité de l’ordinaire, que de le rehausser de la sorte ? Parlant de l’assiette, Francis Ponge avertit : « Pour le consacrer ici, gardons-nous de nacrer trop cet objet de tous les jours. Nulle ellipse prosodique, si brillante qu’elle soit, pour assez platement dire l’humble interposition de porcelaine entre l’esprit pur et l’appétit. » (Ponge 1962, 132)
17Est-ce à dire, et telle est mon interrogation, qu’il n’y aurait point de salut pour la chose en poésie, hors de sa consécration obligée ? La chose en gloire, en somme, quand bien même elle n’existerait qu’en creux : ainsi ces boîtes de fer blanc, entrées en déréliction, comme le veut notre civilisation du rebut, mais dont Derek Mahon retrace la triomphale apothéose finale dans « The Apotheosis of Tins » (CBP 71). La question est d’importance, faisant apparaître combien la vérité de la chose et la vérité de la poésie ont partie liée. La magie des mots est de susciter la chose avec tant d’intensité qu’ils la transfigurent et la recréent revêtue d’une éblouissante beauté. Mais est-ce à dire que la poésie est condamnée, comme, jadis, un certain roi de Phrygie, à transformer tout ce qu'elle touche en or ?
18L’œuvre de Philip Larkin, dont a pu dire qu'elle était à la fois post-réaliste et post-romantique, offre un moyen de guérir ce complexe, qu’on nommera de Midas. À la recherche d’une troisième voie, entre l’indifférence aux choses et leur célébration inspirée, sa poésie prend délibérément en charge l’ordinaire : l’anonymat, la solitude, la vie recluse, la banalité, la fadeur, sont autant de topoi cultivés avec l’ironie et la distance requises. Leur négativité accumulée au fil des textes est néanmoins ambivalente : la critique a pu parler à leur propos d’une sorte de « chant des sirènes à l’envers ». (Lebouille in Genet et Gallet 21). Au sein d’un même poème, « Here », coexistent, sans réelle contradiction, le trop-plein de choses matérielles :
Cheap suits, red kitchen-ware, sharp shoes, iced lollies,
Electric mixers, toasters, washers, driers—
19et le sentiment vaguement métaphysique d’une réelle mais inaccessible Présence. En cette fin de terre, qui est aussi « territoire du vide », le poète comprend alors « sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes », ainsi que le dirait Baudelaire :
Here is unfenced existence:
Facing the sun, untalkative, out of reach. (Larkin 136)
20De même, dans « Church Going », c’est par le truchement de ses pinces à vélo que le poète s’introduit, et dans l’église déserte et dans un rituel autant improbable qu’incertain :
Hatless I take off
My cycle-clips in awkward reverence (Larkin 97)
21Inversement, c’est en se glissant dans la peau des choses autrefois possédées et des lieux jadis occupés par un certain Mr Bleaney que le narrateur entreprend, dans le poème éponyme, une détection poétique sur le mystère incertain d’une existence d’homme ordinaire. Ailleurs, dans « Broadcast », c’est un gant tombé de la main d’une femme aimée, que personne pourtant ne remarque dans la foule immense, qui fait signe, irrésistiblement. La poésie de Larkin manifeste une préférence marquée pour les choses sans fard et sans fond. « Deprivation is to me what daffodils were to Wordsworth », avait-il coutume de dire, ce que confirmerait aisément l’analyse du poème « Home is so Sad » :
Home is so sad. It stays as it was left,
Shaped to the comfort of the last to go
As if to win them back. Instead, bereft
Of anyone to please, it withers so,
Having no heart to put aside the theft
And turn again to what it started as,
A joyous shot at how things ought to be,
Long fallen wide. You can see how it was:
Look at the pictures and the cutlery.
The music in the piano stool. That vase. (Larkin 119)
22S’emparant d’un topos assurément cher au cœur de ses compatriotes, celui du « Home Sweet Home », Larkin le retourne comme un gant, pour donner sa version, discrètement iconoclaste, du mot d’ordre heideggerien de l’« habiter poétiquement ». S’il paraît anthropomorphiser la maison, lui donnant une âme, c’est pour mieux en réifier l’intérieur, faisant des choses, tabouret, couverts, tableaux aux murs, le témoin privilégié, quoique en creux, d’une absence. On parlera, bien sûr, de métonymie, procédé courant chez les littérateurs, mais il m’apparaît que Larkin va plus loin, en évoquant l’empreinte des choses (voir « shaped » au vers 2). À la fois trace et vestige, résidu et signe mnésique, empreinte et moule, la chose qu’il désigne du doigt, convoquant pour ce faire déictiques et articles définis, n’en finit pas de désigner la seule évidence structurelle qui vaille : puisque ce sont les choses qui habitent la maison, l’humain, et partant l’humanisme (ou, ce qui revient au même, la capacité au bonheur) y deviennent personae non gratae, ce que souligne, si besoin était, l’absence du verbe au dernier vers. Mais l’ironie veut que les deux courtes phrases nominales autorisent la seule consécration à trouver grâce aux yeux de Larkin, celle que porte paradoxalement en lui le style elliptique. En disant moins que la phrase complète, l’énoncé nominal suggère davantage ; ainsi, par ellipses interposées, ces bribes de mobilier restées en place portent le deuil de ce qui était, ou fut, tout en disant aussi quelque chose de l’« être comme » de la poésie : vase rime (imparfaitement, il est vrai) avec was, mais aussi avec as. Et puis, last but not least, la proposition « that vase » marque le triomphe de l’objet pur (ou du pur objet ?), certes accompli dans le vide, mais au point de trôner en majesté comme les chaises évoquées en introduction, de figurer comme la quintessence de l’élément décoratif, marquant ainsi l’apothéose du quasi-parergon. En attendant de retrouver cette correspondance manifeste entre grammaire des choses et syntaxe nominale, concluons provisoirement : peu enclin à la célébration, Larkin œuvre, sans éclat, mais avec force, pour que le poétique et le non-poétique se rencontrent, voire échangent leurs valeurs, ici et maintenant.
Dans la dépendance des choses
23Histoire de montrer combien la poésie de Larkin sait triompher, sans amertume excessive, de la viduité des choses, on citera ici un poème de Ted Hughes. Il y dénonce l’engluement des êtres dans une société dite de consommation, dont on dira que ce qui la caractérise n’est autre que la dépendance extrême et totale envers les choses, dans ce « vain quotidien » qui est le nôtre, ainsi que le dirait Bruce Bégout dans Lieu commun :
In the M5 Restaurant
Our sad coats assemble at the counter
The tyre face pasty
The neon of plaster flesh
With little inexplicable eyes
Holding a dish with two buns
Symbolic food
Eaten by symbolic faces
Symbolic eating movements
The road drumming in the wall, drumming in the head
The road going nowhere and everywhere
My freedom evidently
Is to feed my life
Into a carburetor
Petroleum has burned away all
But a still-throbbing column
Of carbon-monoxide and lead
I attempt a firmer embodiment
With illusory coffee
And a gluey quasi-pie. (Hughes 203)
24Le lieu, quelque part entre Birmingham et Exeter, est évidemment commun, au sens propre du terme, se donnant pour ce qu’il est, trivial, au sens littéral du terme, à ceci près que le restauroute a remplacé les carrefours romains. Sa nullité y est à la fois prosaïque et méduséenne. D’emblée mobilisées, la métonymie, puis la métaphore réifient les automobilistes dépressifs. Au comptoir, dans la lumière blafarde des néons, se confondent, entre autres énallages, le pâteux, le plâtreux et le caoutchouteux – trois modalités du neutre, soit dit en passant –, ou pour le dire autrement, la pâtisserie, la chair et le pneumatique, sans oublier le carburateur assimilé au tube digestif. L’aliénation, la dépersonnalisation y sont maximales, quoique relevées par un humour grinçant. Très vite, le symbole impose ses simulacres, ses ersatz, plutôt, où rien n’est pour de vrai, rien n’est pour de bon (la nourriture y est infecte). Du café au « pie », tout est illusoire, en trompe-l’oeil. Res abscondita, dira-t-on, en songeant amèrement au retrait de la réelle substance.
25Pour ce qui est de l’existence (ne parlons pas de l’essence, elle est partie en fumée !), elle se cherche à tâtons, et se goûte (façon de parler) avec dégoût : poisseuse, gluante, à l’image du « quasi-pie » (à défaut d’autre friandise, on se régalera au moins de la rime interne). On verra dans l’évocation de ce rituel, engendré par la civilisation de la « bagnole » (riche en Mythologies, dirait Roland Barthes), et auquel sacrifie le poète, ravalé au rang de conducteur comme les autres, une parodie vaguement sacrilège. Parodie d’incarnation, mais aussi de communion, sous les deux espèces, pareillement frelatées, au demeurant ! Classé sous le signe des « Orts », ces reliefs de repas, ces miettes aussi, le poème raille lourdement ces pseudo-choses dont nous acceptons de faire dépendre notre grégarité résignée et comme envoûtée.
26Il y a des dépendances plus toniques, qui, en plaçant les choses au centre, rompent avec le poids des habitudes :
The Red Wheelbarrow
so much depends
upon
a red wheel
barrow
glazed with rain
water
beside the white
chickens. (Williams 30)
27Ce court poème de William Carlos Williams invite à se pénétrer des pouvoirs intensément visuels de l’imagisme : traitement direct de l’objet, brièveté, précision, souci du concret, primauté à la phrase musicale et syntaxique dans son déroulement, entre articulation et désarticulation. En consacrant l’effacement d’un quelconque moi humain, il met surtout en scène la portée et l’orientation d’une dépendance interne aux choses. Dépendance à l’évidence hyperbolique (« so much »), bien que non quantifiée (How much ?) et inversement proportionnelle au minimalisme du poème. Mais à trop charger la brouette, ne risque-t-elle pas de rompre ? À l’évidence, non. Tout au plus pourrait-elle se distendre, d’un vers à l’autre, mais ce serait afin de mieux tendre vers la composition d’un paysage, qui est aussi un espace littéraire, blancs typographiques compris. Si tout tourne autour d’elle, c’est en partie à cause de la roue et de son empire du moyeu. C’est en partie encore en raison de son chromatisme : le rouge est mis, impression appelée à survivre longtemps sur la rétine, en liaison avec une certaine picturalité (proche, par exemple, d’un Nicolas de Staël). En partie, toujours, parce qu'elle induit et fonde, de proche en proche, de nouveaux rapports : dépendre, c’est être dans un certain rapport qui articule une chose (la brouette) à une autre (l’eau de pluie), et puis une autre (les poules blanches), et ainsi de suite. À la fois outil et artefact, servant à cultiver son jardin au propre comme au figuré, jamais la brouette n’avait à ce point justifié sa nature de chose, à savoir d’ustensile ostensible5.
28Autre dépendance, signifiée sous la forme trompeuse d’une anecdote, qui n’en masque que mieux sa nature d’allégorie ou de parabole :
Anecdote of the Jar
I placed a jar in Tennessee,
And round it was, upon a hill.
It made the slovenly wilderness
Surround that hill.
The wilderness rose up to it,
And sprawled around, no longer wild.
The jar was round upon the ground
And tall and of a port in air.
It took dominion everywhere.
The jar was gray and bare.
It did not give of bird or bush,
Like nothing else in Tennessee. (Stevens 27)
29Le geste de Wallace Stevens, poète ciseleur de formes, a produit de l’indécidable : dira-t-on de l’objet, fabriqué par les mains de l’homme et placé par ses soins au centre du paysage, qu’il marque l’apothéose de l’art, ou qu’il fait le procès de l’artifice ? La jarre altière et nue triomphe-t-elle parce qu’elle naturalise en l’ordonnant le chaos du « wilderness », ou bien la victoire de la chose l’est-elle à la Pyrrhus, car obtenue au prix d’une funeste stérilisation de la nature environnante, mais aussi de la nature de la jarre ? Urne du Tennessee, ou Belle Jarre Sans Merci ? Trancher, en la matière, reviendrait à reconnaître la nature sonore de l’autorité exercée par la chose, à l’image de la « cruche vide », chère à Francis Ponge6. Tout dépend, en effet, de ce qu’on entend sous le signifiant qui la désigne : pour peu qu’on sente sous le substantif percer l’infinitif, alors la « jar » jure, et sa « dominion » se fait tyrannique...
30Dépendance affective, enfin, de loin la plus prégnante et tenace. Parce qu’elle n’a pas fondu lors de la cérémonie d’incinération, Tony Harrison porte au doigt l’alliance de sa défunte mère. Et il imagine l’anneau magique devenu tamis, filtre, au travers duquel s’égrènent les souvenirs du temps perdu et retrouvé. Un poignant accès de nostalgie le renvoie à son enfance, lorsque sa mère lui confiait le soin de minuter la cuisson des œufs à l’aide d’un sablier. « Timer » est le titre du poème, mais, plutôt que de le répéter, le poète lui préfère, in fine, l’indifférenciation du mot « thing », terme volontairement plat et banal, lequel n’exprime que mieux la pudeur rentrée du fils prodigue :
It’s on my warm palm now, your burnished ring!
I feel your ashes, head, arms, breasts, womb, legs,
sift through its circle slowly, like that thing
you used to let me watch to time the eggs. (Harrison 167)
31L’exemple est assez représentatif du traitement réservé par les poètes aux objets chers, auxquels le poème sert volontiers d’écrin. À condition de ne pas y voir un simple contenant ; le poème-baguier partage avec le sablier un faire : envisager les choses, à l’instar d’un John Keats devant son pressoir automnal, c’est en prendre activement la mesure, goutte à goutte, grain après grain, mot pour mot...
32On terminera ce parcours au sein des choses par un retour aux chaises, celles de Wordsworth dans le premier des « Fragments from Dove Cottage » :
These Chairs they have no words to utter,
No fire is in the grate to stir or flutter,
The ceiling and floor are mute as a stone,
My chamber is hushed and still,
And I am alone,
Happy and alone.
Oh who would be afraid of life,
The passion the sorrow and the strife,
When he may be
Sheltered so easily?
May lie in peace on his bed
Happy as they who are dead. (Wordsworth 541)
33Expression des plus absolues du quiétisme wordsworthien (qui est aussi un hédonisme), le poème vaut pour le soulagement indicible qu’exprime le premier vers, en songeant à l’économie réalisée : gain de parole, de temps, de fatigue. Parce que située en lisière d’un vouloir-mourir, l’énonciation poétique n’exprime ici nulle empathie, nul souhait, « profond, démesuré, impossible n’est-il pas, de rejoindre les choses dans leur mystère, dans leur mutisme, encore que (tant de paroles en lui répercutées) notre silence ne soit en rien l’équivalent du leur, étranger à toute langue, toute communication ». (Chapuis 73). À la conversation des choses, ordinairement préférée à celle des vivants, des morts et des livres7, le poète substitue ici l’« imparlé » des chaises, en un tacite hommage rendu à leur taciturnité.
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Bibliographie
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10.14198/raei.1991.4.19 :Wordsworth, William, The Poems, vol. I. London, Penguin, 1977.
Notes de bas de page
1 Dans la version présentée lors du colloque VORTEX sur « Les choses », cette communication était précédée de l’analyse d’une « proto-investigation » de Joseph Kosuth, intitulée « One and Three Chairs », comprenant une chaise en bois et deux photographies, datant de 1965. OEuvre reproduite dans l’ouvrage de François Dagognet, Les Dieux sont dans la cuisine.
2 En un rappel du poème de W. B. Yeats, « Long-Legged Fly », avec son refrain: « Like a long-legged fly upon the stream / His mind moves upon silence » (Yeats 381).
3 « Bed, upright chair, sixty-watt bulb, no hook / Behind the door, no room for books or bags », vers 8-9 de « Mr Bleaney » (Larkin 102).
4 Pour dire l’objet en poésie, Ponge parle d’un « objeu », signifiant de la sorte la part de virtuosité et d’humour impliquée dans l’opération, laquelle entend procurer au lecteur comme à l’auteur une intense jubilation, aussi appelée « objoie »...
5 Le Littré du dictionnaire, écrit Ponge, « dit qu’ustensile vient de la racine ut, et qu’il devrait s’écrire et se dire utensile. Il ajoute que l’s est sans raison et tout à fait barbare. Je pense pour ma part qu’il a été ajouté à cause justement d’ostensible, et qu’il n’y a là rien de barbare, quelque chose au contraire d’une grande finesse ». (Ponge 1962, 13).
6 Pour mémoire, le début du texte consacré par Ponge à la cruche : « Pas d’autre mot qui sonne comme cruche. Grâce à cet U qui s’ouvre en son milieu, cruche est plus creux que creux et l’est à sa façon. C’est un creux entouré d’une terre fragile : rugueuse et fêlable à merci. » (Ponge 1962, 94).
7 Voir, par exemple, « Expostulation and Reply », ainsi que bien d’autres poèmes, qui montrent la langue de Wordsworth « bruissante de ce qui existe autour d’elle (non tout à fait extérieurement à elle, tant intimement, elle s’y relie) » (Chapuis 72).
Auteur
Université Sorbonne nouvelle – Paris 3
Professeur de littérature anglaise à l’université Sorbonne nouvelle – Paris 3. Il est l’auteur d’articles sur la poésie romantique anglaise et victorienne, ainsi que d’études sur des romanciers britanniques contemporains. Il est aussi traducteur (Byron, De Quincey, Stevenson, Arnold, Conrad) et coéditeur des œuvres de R. L. Stevenson dans la Bibliothèque de la Pléiade.
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