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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral I. Bacon rencontre le ramisme II. La nouveauté par rabaissement de la logique ramiste III. La nouveauté chez Bacon par la critique de l’histoire chez Savigny Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Innovation et tradition de la Renaissance aux Lumières

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    La nouveauté dans le domaine du savoir : The Advancement of Learning de Francis Bacon1

    Henri Durel

    p. 165-184

    Résumé

    In Bacon’s De Dignitate, the augmented Latin version of his earlier Advancement of Learning (1605), the Encyclopédistes hailed a thought emerging from the darkest ages. Such a provocative view led me to explore an encylopaedia that Bacon knew very well: Les Tableaux Accomplis (1597) by Savigny, a disciple of the French philosopher and educationalist Ramus (Pierre de la Ramée), and to interpret the emergence of novelty in The Advancement of Learning as the reshaping of a Ramist logical-and-nominalist survey of knowledge which never reached reality “out there”. Firstly, Bacon downgraded the arrogant totalitarian logic of the Ramists and promised a new multi-sided logic designed to invent the several sciences which would grow like the Renaissance techniques, as he aimed at improving the lot of mankind. Secondly, he produced a radical critique of Ramus’ inconsistent “history” and reconstructed knowledge as a pyramid in which the theories at the apex, that is philosophy, would rest on the ever more numerous data at the base. Thus Bacon was building novelty into the pattern of thought itself.

    Texte intégral I. Bacon rencontre le ramisme 1. Une première rencontre : Scribonius 2. Une seconde rencontre : Christophe de Savigny 3. Transcription des deux tableaux généraux du savoir chez Savigny Fol. A. Fol. B. 4. Les Tableaux accomplis de Savigny présentent une façade traditionnelle 5. Le tableau des connaissances de Savigny est ramiste, c’est-à-dire logico-nominaliste II. La nouveauté par rabaissement de la logique ramiste 1. Une première nouveauté : Bacon rend la capacité d’invention à la “base” 2. Une deuxième nouveauté : l’invention de l’invention au cœur d’une logique à reconstruire 3. Une troisième nouveauté : la valorisation des “sciences dures” au service de l’homme III. La nouveauté chez Bacon par la critique de l’histoire chez Savigny 1. L’héritage 2. Les Tableaux de Savigny contiennent plusieurs incohérences sur l’histoire 3. Bacon et l’histoire dans le nouveau tableau du savoir Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Dans la culture française d’aujourd’hui, on perçoit presque inévitablement Bacon et la nouveauté de sa pensée à travers le prisme de l’Encyclopédie. Citons le passage majeur qui figure dans le “Discours préliminaire des éditeurs” :

    Bacon né dans le sein de la nuit la plus profonde, sentit que la philosophie n’était pas encore [...]. Il commença donc par envisager d’une vue générale les divers objets de toutes les sciences naturelles ; il partagea ces sciences en différentes branches, dont il fit l’énumération la plus exacte qu’il lui fût possible : il examina ce que l’on savait déjà sur chacun de ces objets, & fit le catalogue immense de ce qui restait à découvrir : c’est le but de son admirable Ouvrage de la dignité & de l’accroissement des connaissances humaines [...]. [...] la scholastique (sic) qui dominait de son temps, ne pouvait être renversée que par des opinions hardies & nouvelles ; & il n’y a pas d’apparence qu’un philosophe, qui se contente de dire aux hommes, voilà le peu que vous avez appris, voici ce qui vous reste à chercher, soit destiné à faire beaucoup de bruit parmi ses contemporains.
    Nous déclarons ici que nous devons principalement au Chancelier Bacon [notre] arbre encyclopédique2.

    2Et de fait, à la fin de ce discours préliminaire, les Encyclopédistes comparent leur classification à celle de Bacon.

    3Dans ce jugement, remarquons d’emblée que [’“Ouvrage de la dignité & de l’accroissement des connaissances humaines” auquel il est fait référence n’est autre que le De Dignitate et Augmentis Scientiarum (1623), édition latine de The Advancement of Learning, l’œuvre anglaise de 1605 qui nous occupe, augmentée et traduite pour le public européen. Nous sommes donc au cœur de notre sujet. Il nous suffit de préciser la correspondance entre les deux ouvrages : le livre I, défense du savoir, resta presque inchangé, tandis que le long livre II de The Advancement of Learning, encyclopédie du savoir, se retrouva étoffé dans les livres II à IX du De Dignitate (figure 1)3.

    AL

    DAS

    Disciplines traitées

    Livre IIa4

    Livres II-III

    “Adresse au roi” & sciences de la nature

    Livre IIb

    Livre IV-V-VI

    Médecine, psychologie & logique

    Livre IIc

    Livre VII-VIII

    Ethique et politique

    Livre IId

    Livre IX

    Théologie révélée

    Figure 1. L’encyclopédie du savoir : la correspondance entre AL et DAS.

    4Ce que les Encyclopédistes affirmaient de l’œuvre latine dans leur “Discours préliminaire” s’appliquait déjà, globalement, à l’œuvre anglaise : Bacon y avait fait l’inventaire des sciences et évalué l’étendue de chacune. Mais ils oublièrent ou “oublièrent” qu’il avait aussi inclus la théologie révélée, objet du livre IId de AL qui trouve son parallèle dans le livre IX du DAS. Par ailleurs, lorsqu’ils affirmaient que Bacon était “né dans le sein de la nuit la plus profonde”, ils ignoraient délibérément toute la Renaissance, amalgamée sommairement à un Moyen Âge jugé obscurantiste.

    5En évoquant chez Bacon un passage des ténèbres à la lumière, qui annonce les Lumières du XVIIIe siècle, l’Encyclopédie faisait donc de la provocation, mais celle-ci a le mérite de faire penser le surgissement de la nouveauté intellectuelle chez Bacon. À partir de ce point de départ, j’ai exposé il y a une vingtaine d’années une problématique de la réforme et de la révolution dans The Avancement of Learning5. Depuis que j’ai étudié en détail le cursus de Bacon à Cambridge6, elle me paraît trop globalisante et distante de la réalité historique.

    6Une évidence s’imposait : il fallait explorer autrement la nouveauté intellectuelle dans AL. J.-C. Margolin offrait un modèle avec son enquête sur la nouveauté dans le Novum Organum7 fondée sur la première concordance de cette œuvre. Je n’ai pas voulu emprunter cette voie. En premier lieu, une étude préliminaire suggérait qu’elle n’apporterait rien de nouveau. En deuxième lieu, Bacon lui-même refusait absolument de lier nouveauté et vérité du savoir. Mais surtout, en troisième lieu, une étude lexicale aurait souscrit à un nominalisme déguisé, en privilégiant les mots par rapport aux concepts que je sentais implicites dans les structures de la pensée. Par analogie, on pensera à saint Augustin réfléchissant sur le mal. Dans une première étape manichéenne, il crut qu’il existait deux substances, l’une bonne et l’autre mauvaise8. Après sa conversion, il abandonna cette interprétation substantialiste9 et expliqua le mal comme une structure de désordre10. De manière semblable, je tenterai de montrer que le neuf ou le nouveau vient à l’être dans le savoir baconien non par l’adjonction de substances nouvelles que seraient les idées neuves mais par la mise en forme de structures inédites. Pour ce faire, je relaterai la rencontre de Bacon avec le ramisme, en particulier dans les Tableaux accomplis de Christophe de Savigny. J’examinerai ensuite trois nouveautés qui découlent de sa décision de rabaisser la logique dominatrice de Savigny et Ramus. J’envisagerai enfin une quatrième nouveauté, radicale, en réponse aux incohérences de l’histoire ramiste : celle qui installa la nouveauté dans la structure même de la pensée de Bacon.

    I. Bacon rencontre le ramisme

    1. Une première rencontre : Scribonius

    7Entre 1583 et 1594 Bacon lut la Rerum Naturalium Doctrina Methodica11 du ramiste allemand Scribonius12. Plus que tout critique moderne, cet ouvrage m’éclaira sur le savoir méthodique selon Ramus : un exposé systématique descendant, par une suite de dichotomies, du niveau d’abstraction le plus élevé jusqu’aux êtres concrets. Son tableau taxinomique de la nature manifestait l’ambition d’inclure tout le réel. Tout objet a une place et par un itinéraire descendant on parvient inévitablement à chacun. Actualisons : la démarche est semblable à la recherche “en entonnoir” à l’aide de moteurs de recherche sur internet. Vous partez de concepts très généraux et, de clic en clic, par une série de choix vous progressez jusqu’à l’objet précis de votre recherche. L’internet contient tout, ou plutôt tout ce qu’on lui a fourni comme données. Son évolution permanente rappelle à l’internaute l’existence d’un univers intellectuel “extérieur”, mais dans le monde relativement statique de la seconde moitié du XVIe siècle, le système ramiste pouvait avec assez de vraisemblance prétendre saisir la totalité du savoir. C’est cette prétention totalisante que rejeta Bacon en lisant les Tableaux accomplis de Christophe de Savigny.

    2. Une seconde rencontre : Christophe de Savigny

    8Bacon lut les Tableaux accomplis du ramiste Christophe de Savigny entre 1587, date de la première édition de l’ouvrage, et 1603, date de Valerius Terminus, ébauche de AL où il s’intéresse pour la première fois à la classification des connaissances13. Il n’est pas très difficile de prouver cette lecture. Dans l’histoire des classifications, le témoignage historique et la critique interne s’imbriquent d’emblée14. J’ai moi-même identifié trois passages de AL qui ne peuvent guère s’expliquer que par des calques de Savigny.

    3. Transcription des deux tableaux généraux du savoir chez Savigny

    9Nous en venons ici à la partie la plus technique et ingrate de ce travail : la présentation des deux tableaux généraux du savoir (folios A et B). Le folio A contient deux éléments bien distincts visuellement. Sur le pourtour s’étend une chaîne, fermée sur elle-même, de dix-sept maillons qui représentent dix-sept disciplines :

    Grammaire (à l’ouest de la chaîne)

    Rhétorique

    Poésie

    Dialectique

    Arithmétique (au nord)

    Géométrie

    Optique

    Musique

    Cosmographie (à l’est)

    Astrologie [ = astronomie]

    Géographie

    Physique

    Médecine

    Métaphysique (au sud)

    Ethique

    Jurisprudence

    Chronologie

    Théologie

    10À l’intérieur de cette chaîne, se trouve un tableau des différentes disciplines présenté sous une forme arborescente. Je l’ai présenté en systématisant la classification décimale introduite par E. de Grolier15.

    Fol. A.

    11A la philosophie se peuvent attribuer les arts libéraux, qui sont ou

    Image 10000000000002AA0000040FDD7BAF2F.jpg

    Fol. B.

    PARTITION GENERALE DE TOUS LES ARTS LIBERAUX.

    12Les arts libéraux se peuvent à bon droit attribuer à la philosophie, qui est l’étude de sapience, c’est-à-dire la connaissance et science des choses humaines & divines, aussi des causes par lesquelles elles sont contenues ; or science n’est autre chose qu’une compréhension des définitions, divisions & exemples convenables à l’usage naturel, par lesquelles elle, & toutes ces parties & parcelles, sont illustrées & déclarées.

    13Mais quelqu’uns des dits arts libéraux sont généraux & aucuns spéciaux.

    14Ils sont appelés généraux & communs, parce qu’ils appartiennent à toutes choses, & s’étendent amplement par toutes les parties de sapience. Car les hommes peuvent parler purement & simplement, ou ornément & élégamment et disputer de toutes choses. Aussi sont-ils instruments de la philosophie, dont ils se nomment proprement organiques. Car ils appartiennent totalement à la parole & à la raison. Et pourtant sont-ils mêmement appelés par leur meilleur part, logiques.

    15Aucuns donc des arts généraux sont en parole, aucuns en raison.

    16Les uns sont en parole pure & congrue, comme la grammaire ; les autres en parole ornée & élégante, ou libre & en prose, comme la rhétorique & l’art oratoire, ou liée et réduite à certaine mesure, comme la poésie. Autre est en raison, comme la dialectique.

    17Les arts spéciaux (qui sont aussi appelés les parties de philosophie) se distinguent & connaît-on leur différence par leurs sujets, à savoir touchant la nature des choses, ou la vie et les mœurs.

    18Nature est corporelle ou incorporelle. La mathématique & physique traitent de la nature corporelle de toutes choses : car la mathématique contemple & considère les quantités des choses ; la physique les qualités.

    19Or la quantité est ou de nombre, envers lequel est occupée l’arithmétique, ou de magnitude et mesure, de quoi traite la géométrie.

    20La physique considère & regarde les qualités ou des sens, ou des corps.

    21Le sens de la vue a créé l’optique ou perspective, de l’ouïe la musique.

    22Le corps naturel est simple, ou composé, de quoi traite l’histoire naturelle du monde, qui est ou universelle nommée autrement cosmographie, c’est-à-dire la description du monde, ou spéciale, laquelle derechef est ou céleste touchant les ciel (sic) & les étoiles, nommée astrologie ; ou élémentaire, des éléments en général, nommée stéchéologie, & en spécial, comme du feu, la pyrographie, de l’eau, l’hydrographie, d’où dépend l’art de navigation, de toute la terre, comme la géographie, ou de ses contrées & régions, la chorographie, ou de lieux particuliers comme montagnes, vallées, campagnes, forêts, villes & autres, savoir la topographie.

    23Les corps naturels composés sont en partie inanimés et bruts, en partie animés et vifs. Derechef, les natures inanimées s’engendrent et s’élèvent en l’air, auxquels appartient la météorologie ; ou dans la terre, et se nomment minéraux, desquels l’art se peut appeler métallique.

    24La connaissance des choses animées et vives comprend l’histoire des plantes & des animaux, dont dépend aussi la médecine.

    25Or il y a deux principales espèces de plantes, savoir, les herbes & les arbres, le cultivement desquels appartient à l’agriculture.

    26Les animaux sont ou irraisonnables et bêtes, ou raisonnables et hommes.

    27La description des bêtes appartient généralement à la zoographie, à laquelle se réfèrent l’ichthiographie ou description des poissons, l’ornithogonie, ou manière de nourrir les oiseaux, cténotrophie ou pastorale.

    28Mais l’anthropologie enseigne les propriétés de l’homme.

    29Conséquemment, la médecine ensuit après touchant les maladies et remèdes.

    30Au surplus, la métaphysique se mêle des natures et choses incorporelles & très simples, comme sont les intelligences, anges, esprits, & âmes humaines.

    31Quant aux mœurs & à la vie des hommes, l’une est humaine & temporelle, l’autre spirituelle & divine.

    32La doctrine qui enseigne les vertus morales de la vie humaine a été appelée par les anciens Grecs éthique, et les Latins philosophie morale (Cicéron a mieux aimé user du nom des offices). De laquelle il y a deux espèces, l’une est en l’administration & gouvernement du ménage, qu’on dit économique, l’autre de la république, appelée politique, à laquelle se doivent se référer la jurisprudence tant civile que canonique et pareillement l’histoire séculière & ecclésiastique, d’où procède aussi la chronologie.

    33Car l’éthique contient des théorèmes & propositions générales, la jurisprudence plus spéciales, mais l’histoire fournit et donne les exemples de toutes les deux.

    34La dernière doctrine qui reste montre & apprend la vie sainte, spirituelle, & divine, voire la voie & règle de bien chrétiennement et heureusement vivre & mourir, pour enfin après cette vie temporelle et transitoire jouir de la vraie béatitude céleste & souverain bien, qui consiste en la vision, connaissance, fruition & jouissance de Dieu, laquelle par les Chrétiens a été dénommée la sainte et sacrée théologie.

    4. Les Tableaux accomplis de Savigny présentent une façade traditionnelle

    35À première vue, le tableau de Savigny reprend simplement la classification du savoir héritée des Stoïciens. Elle comprenait traditionnellement trois parties : logique, physique, éthique, qui se subdivisaient chacune à leur tour en deux :

    Logic, Physics, and Ethics, — a Logic to guide the reason, a Physics to explain the world, and an Ethics to rule the moral life. Each of those disciplines was deemed to include two sciences. Logic was not only the science of correct thinking, but of the correct expression of thought, and so comprehended both Dialectic and Rhetoric; Physics was both a Cosmology and a Theology, Deity being regarded as not separable from the world, but the active and formative power immanent in it; and Ethics embraced Morals and Politics16.

    36Cette structure fut intégrée dans les cursus universitaires du Moyen Âge et de la Renaissance. L’étudiant se consacrait d’abord au trivium : la rhétorique, la logique auxquelles on avait ajouté la grammaire latine. C’était la logique stoïcienne lato sensu. Il étudiait ensuite le quadrivium qui comprenait l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie. Ce quadrivium aussi suivait la structure stoïcienne en englobant sa physique et son éthique pour autant que cette dernière était compatible avec le christianisme. On considérait cette organisation des études supérieures “généralistes” comme l’unique cursus concevable : il fallait bien que l’apprentissage des “langages” au sens le plus large précédât l’étude du monde “réel” dans les sciences17. Le schéma ramiste de Savigny conserve une façade traditionnelle : “On reconnaît dans la première division du tableau le ‘trivium’ ; la division 2,1 correspond de son côté à un quadrivium complété [c’est-à-dire essentiellement la physique], et la division 2,2 est l’Ethique des stoïciens revue et remise à jour”18. Dans le folio B, Savigny habille même son trivium d’un vocabulaire aristotélicien. Il déclare à propos des arts libéraux généraux : “ainsi sont-ils instruments de la philosophie, dont ils se nomment proprement organiques.”

    5. Le tableau des connaissances de Savigny est ramiste, c’est-à-dire logico-nominaliste

    37Derrière cette façade traditionnelle, Savigny présente un tableau des connaissances qu’il est indispensable d’identifier comme ramiste parce que Bacon pensa la nouveauté dans le domaine du savoir en critiquant radicalement ce système infiniment plus que l’aristotélisme, contrairement aux idées reçues. En deux mots, le ramisme est un subversion d’Aristote qui transforme le savoir en un gigantesque machine logico-rhétorique qui s’approprie et dévore toutes les sciences. Le ramisme est criant en deux points du tableau de Savigny. Le premier est la place de la rhétorique avant la logique pour un motif philosophique : le logos-langage est, chez Ramus, le modèle du logos-raison19. Les arts de la parole prennent en droit la première place devant ceux de la raison. Et par suite — second point —, toutes les disciplines sont soumises à la logique comme celle-ci l’est à la rhétorique. La logique-rhétorique ramiste est la maîtresse absolue des autres disciplines qu’elle réduit à de simples prolongements d’elle-même et qu’elle absorbe en les coupant du réel. Par contraste avec ce pan-logicisme, Aristote, sinon l’aristotélisme, considérait la logique comme un outil extérieur à la philosophie, et laissait à chaque discipline sa propre méthode spécifique qui provenait en dernière analyse de son enracinement dans le monde réel20.

    II. La nouveauté par rabaissement de la logique ramiste

    1. Une première nouveauté : Bacon rend la capacité d’invention à la “base”

    38Dans AL la logique et la rhétorique perdent la première place et se trouvent agrégées à l’éthique et à la politique placées assez loin dans le tableau baconien du savoir. Bacon crée ainsi une grande “philosophie de l’homme”21 qui regroupe le normatif de l’éthique et de la politique, et le rationnel22. La rhétorique et la logique, ainsi que la grammaire, ont été abaissées au niveau du sujet éthique et politique, et finalement de la subjectivité. Ainsi naît une structure nouvelle que nous appelions hier “sciences humaines” et que nous appelons parfois aujourd’hui, dans un jargon péjoratif, “sciences molles” parce qu’une certaine fragilité les réunit23.

    39On peut mesurer cette nouveauté à travers une analogie politique. Le système rhétorico-logique unique de Ramus qui prétendait maîtriser la totalité du savoir ressemble au système soviétique qui planifiait la totalité de l’économie, de haut en bas, dans chaque branche d’activité, dans chaque entreprise et pour chaque travailleur. Un système totalisant d’un côté, totalitaire de l’autre. On pourra vérifier la fécondité de ma comparaison en remplaçant par “plan de production soviétique” la “methodus” de Ramus dans le texte ci-dessous : “Methodus igitur doctrinae est dispositio rerum variarum ab universis et generalibus principiis ad subjectas et singulares partes deductarum, per quem tota res facilius doceri, percepique possit”24. Bacon contesta le rôle suprême de la logique-rhétorique ramiste pour son incapacité notoire à inventer. Dans une perestroïka intellectuelle partie de la tête, il abolit le centralisme logique et rendit en droit l’invention à tout le corps du savoir, y compris aux plus humbles praticiens empiriques. Voilà la première grande nouveauté de Bacon qui concerne simultanément le savoir et la sociologie du savoir : la “base” est capable d’invention, tout comme l’élite universitaire.

    2. Une deuxième nouveauté : l’invention de l’invention au cœur d’une logique à reconstruire

    40Il s’ensuit aussitôt une seconde nouveauté, assez paradoxale. Le rejet de la logique totalisante ou totalitaire ramiste n’amena nullement Bacon à une critique radicale de la raison, sans doute parce qu’il avait contaté lui-même à Cambridge la valeur de l’Organon d’Aristote. En néo-aristotélicien il utilise dans AL IIb l’expression “Interpretatio Naturae”25 pour dire son grand projet d’inventer les sciences mêmes :

    This part of invention, concerning the invention of sciences, I purpose (if God give me leave) hereafter to propound; having digested it into two parts; whereof the one I term Experientia literata, and the other Interpretatio Naturae [...]. But I will not dwell too long, nor speak too great upon a promise26.

    41Il va même plus loin lorsqu’il déclare qu’il cherche à inventer des topiques particuliers pour accélérer le processus d’invention dans les sciences particulières :

    I do receive particular Topics, that is places or directions of invention and inquiry in every particular knowledge, as things of great use; being mixtures of Logic with the matter of sciences; for in these it holdeth, Ars inveniendi adolescit cum inventis27.

    42En cherchant l’invention des sciences en général et le processus d’invention spécifique à chacune en particulier, Bacon défie le pan-logicisme ramiste “installé” et inefficace et installe la nouveauté comme moteur permanent au cœur de sa pensée.

    3. Une troisième nouveauté : la valorisation des “sciences dures” au service de l’homme

    43Il nous faut appliquer cette dernière conclusion à la “philosophie de la nature”28, “sciences exactes” hier, “sciences dures” aujourd’hui, qui fait face à la “philosophie de l’homme” ou “sciences humaines” dans le monde intellectuel baconien. La nouvelle dichotomie, rendue possible par l’absorption de la logiquerhétorique dans les sciences de l’homme, fit émerger une distinction entre les arts et les sciences. Elle se produisit presque accidentellement lorsque Bacon critiqua l’autorité dictatoriale accordée aux auteurs classiques qui figeait la pensée29, alors que les techniques bénéficiaient d’un grand esprit de liberté. La comparaison des deux domaines l’amena à constater qu’un seul progressait: “in arts mechanical the first deviser cornes shortest, and time addeth and perfecteth; but in sciences the first author goeth farthest, and time leeseth and corrupteth”30. Sans utiliser le mot, il diagnostiquait l’entropie des sciences livresques et de la philosophie qui ne se réformaient pas: “For as water will not ascend higher than the level of the first springhead from whence it descendeth, so knowledge derived from Aristotle, and exempted from liberty of examination, will not rise again higher than the knowledge of Aristotle”31. 11 contrastait l’isolement des esprits facilement enfermés dans les mots en “philosophie”, et leur coopération productive dans les choses, c’est-à-dire les techniques: “in the former many wits and industries have contributed in one; and in the lat[t]er many wits and industries have been spent about the wit of some one, whom many times they have rather depraved than illustrated”32. L’avancée des techniques par coopération servit de paradigme à la science de Bacon qui vérifie la vérité d’une théorie par l’efficacité de son application. Il espérait ainsi redonner à l’homme la connaissance et la maîtrise du monde perdues depuis Adam. Cela deviendrait le grand projet de l’Instauratio Magna. Telle est donc la troisième grande nouveauté du monde intellectuel de AL : valoriser les “sciences dures” et les perfectionner sans cesse pour le service de l’homme. Ici la nouveauté prend le visage du “progrès”, même si le terme tarde à s’imposer pour exprimer ce concept immensément riche.

    44Résumons-nous : en restructurant le système ramiste de Savigny, Bacon abaissa son arrogante logique totalitaire, pour promettre une logique diversifiée destinée à inventer les diverses sciences qui progresseraient à l’instar des techniques afin d’améliorer la condition humaine.

    III. La nouveauté chez Bacon par la critique de l’histoire chez Savigny

    1. L’héritage

    45Bacon connaît les deux grands sens d’“histoire”. L’histoire, depuis Hérodote, est une enquête (ἱστορία) sur les événements affectant les sociétés humaines. Elle intègre la chronologie. L’histoire, depuis Aristote et Pline, est aussi une enquête (ἱστορία) sur la nature vivante ; elle comporte une chronologie a priori minimale. Dans AL Bacon connaissait la Naturalis Historia de Pline33. D’ailleurs il en résume un très important passage qui relate le travail d’Aristote naturaliste34 :

    Alexander made [...] a liberal assignation to Aristotle of treasure for the allowance of hunters, fowlers, fishers, and the like, that he might compile a History of nature35.

    46Dans ce passage, à la suite de Pline, Bacon désigne les œuvres d’histoire naturelle d’Aristote stricto sensu : l’Histoire des Animaux (la seule à comporter ἱστορίαι dans le titre grec), les Parties des Animaux, les Mouvements des Animaux, la Marche des Animaux, la Génération des Animaux, et le Des Plantes36. Mais j’ai trouvé prudent d’élargir le sens potentiel d’“histoire” chez Bacon en entourant ce noyau dur d’un premier cercle composé des Petits traités d’histoire naturelle et de certaines des Œuvres mineures, en particulier l’Histoire des Merveilles37 et plusieurs chapitres des Problèmes. Et comme la frontière entre l’histoire naturelle et la philosophie de la nature / naturelle est floue, j’ai aussi ajouté un second cercle, qui comprend entre autres la Physique, Du Ciel et De la Génération et de la Corruption. La condamnation d’Aristote dans Temporis Partus Masculus (vers 1603) atteste que Bacon avait mesuré l’ampleur des œuvres d’Aristote naturaliste :

    Iste [= Aristoteles] [...] in historiœ apertis versatus, subterraneæ alicujus specus opacissima idola retulit ; atque super istam quidem historiam rerum particularium quasdam veluti operas aranearum extruxit, quas causas videri vult, cum sint nullius prorsus roboris vel pretii38.

    47Mais l’affirmation reste trop générale pour nous indiquer les œuvres précises que Bacon avait lues. Une exploration de AL fondée essentiellement sur une toute récente édition39 m’a permis d’identifier seulement douze à seize citations ou références à sept œuvres d’histoire ou philosophie naturelle lato sensu : Historia Animalium (2), De Generatione et Corruptione (1), De Mirabilibus Auscultationibus (2), Physica (3), Physiognomica (2), De Motu Animalium (1) et De Cœlo (3 ou 4 ?). Ces citations et références, examinées à la loupe, suggèrent qu’en 1605 Bacon avait une connaissance parcellaire d’Aristote le naturaliste, parfois peut-être indirecte ; elles attestent aussi l’importance exceptionnelle qu’il attachait à l’Histoire des Merveilles / De Mirabilibus Auscultationibus. Cette connaissance globale même imparfaite lui suffisait pour accréditer le récit de Pline sur le travail exceptionnel d’Aristote comme naturaliste. Ajoutez que Bacon nomme dans AL des écoles naturalistes et des naturalistes postérieurs à l’Antiquité : Cardan, Albert le Grand, les penseurs arabes40 et les cosmographes modernes41. Ajoutez finalement qu’il trouva en Salomon une justification scripturaire des sciences naturelles :

    Salomon became enabled [...] to compile a natural history of all verdure, from the cedar upon the mountain to the moss upon the wall, [...] and also of all things that breathe or move42.

    48Parce qu’il connaissait tant d’histoires naturelles chez tant d’auteurs, Bacon conçut l’histoire comme une étude fondamentalement a-chronique de réalités naturelles. Ce sens coexista sans doute pacifiquement avec celui de l’histoire comme discipline éminemment chronologique dans le monde humain, jusqu’à la lecture des Tableaux Accomplis de Savigny.

    2. Les Tableaux de Savigny contiennent plusieurs incohérences sur l’histoire

    49Dans le folio A, à l’intérieur de la chaîne des disciplines, l’histoire humaine constitue un maillon hétérogène : elle seule n’a pas de place dans les cursus universitaires, généraux (B.A. et M.A.) ou spécialisés (théologie, droit et médecine) du Moyen Âge et de la Renaissance. L’histoire est certes une matière, mais pas une discipline universitaire autonome. Voilà une première incohérence, mineure, qui réapparaîtra sous une autre forme dans le tableau arborescent du folio A et dans le commentaire du folio B.

    50Une seconde, plus sérieuse, apparaît dans le tableau arborescent des disciplines au même folio A. Les histoires naturelle et humaine y ont une place dissymétrique : sur la branche “nature des choses”, l’histoire ou plutôt une certaine histoire se trouve à quatre “unités de distance” de l’extrémité. Sur celle de la “vie et [des] mœurs”, elle vient au contraire en avant-dernière position et dérive à la fois de la politique et de la théologie (figure 3 ci-dessous).

    Branche “nature des choses”

    Image 100000000000030400000262EAA8C97F.jpg

    Figure 3 : histoire naturelle et histoire humaine dans le tableau des disciplines du folio A.

    51Le commentaire, au fol. B, prouve qu’il ne s’agit pas d’une difficulté de présentation visuelle, car il est encore moins cohérent que le graphique. En premier lieu, l’histoire est maintenant éclatée en quatre parties, trois sous la rubrique “nature des choses”, et une quatrième sous celle de “vie & mœurs”. Commençons par cette dernière :

    [il] y a deux espèces [d’éthique / philosophie morale], l’une est en l’administration & gouvernement de ménage, qu’on dit économique, l’autre de la république, appelée politique, à laquelle doivent se référer la jurisprudence tant civile que canonique et pareillement l’histoire séculière & ecclésiastique, d’où procède aussi la chronologie.

    Car l’éthique contient des théorèmes & propositions générales, la jurisprudence plus spéciales, mais l’histoire fournit et donne les exemples de toutes les deux.

    52La constitution d’une histoire humaine qui réunit l’histoire profane et religieuse contrevient gravement au principe ramiste de la classification par division. Cette entorse pourrait passer inaperçue, sauf si l’on sait que Bacon regroupe l’histoire profane et l’histoire religieuse43 à l’intérieur du savoir profane qu’il a pourtant déclaré absolument distinct du savoir religieux révélé44. Cette incohérence taxonomique dérive, j’en suis persuadé, de la source française.

    53Revenons maintenant aux trois rubriques d’histoire naturelle dans le même commentaire de Savigny au folio B. On trouve sans surprise la botanique et la zoologie : “La connaissance des choses animées & vives comprend l’histoire des plantes & des animaux, dont dépend aussi la médecine”. Mais on trouve parallèlement une histoire des minéraux et des météores, puisque les êtres inanimés, croyait-on, pouvaient engendrer aussi bien que les êtres animés :

    Les corps naturels composés sont en partie inanimés & bruts, en partie animés & vifs. [...] les natures inanimées s’engendrent & s’élèvent en l’air, auxquels appartient la météorologie, ou dans la terre & se nomment minéraux.

    54Même s’il n’utilise pas le terme, Savigny reconnaît une “histoire” de l’inanimé, puisque les météores et minéraux naissent aussi par engendrement. Cette histoire introduit un paradoxe dans le monde intellectuel pré-évolutionniste de la Renaissance : si la nature animée présente le temps court des vivants individuels, la nature inanimée introduit le temps long.

    55Finalement, le commentaire de Savigny traite d’une troisième histoire naturelle que résume la figure 4 ci-après :

    Le corps naturel est simple, ou composé, de quoi traite l’histoire naturelle du monde, qui est ou universelle nommée autrement cosmographie, c’est-à-dire la description du monde, ou spéciale, laquelle derechef est ou céleste touchant les ciel [sic] & les étoiles, nommée astrologie ; ou élémentaire, des éléments en général nommée stéchéologie, & en spécial, comme du feu [...], de l’eau [...], de toute la terre [...].

    Image 10000000000002BD000000DE575766C9.jpg

    Figure 4 : l’histoire naturelle du monde selon le folio B.

    56Cette “histoire naturelle du monde” est une physique, Φúσις de l’Antiquité ou philosophie de la nature de la Renaissance.

    57On le constate, la présentation méthodique a priori parfaitement ordonnée du ramiste Savigny donne de l’histoire une image tout à fait incohérente dans son tableau B, le plus détaillé45. La liste des difficultés ou incohérences est longue. D’abord, l’histoire a éclaté en quatre, mais il ne s’agit pas de savoirs semblables ou homologues répartis dans quatre domaines différents. En effet, dans le monde de la nature, l’histoire désigne tantôt une connaissance empirique proche des êtres individuels animés ou inanimés, tantôt une connaissance de l’univers plus ou moins abstraite comprenant trois parties : cosmologie, astronomie et étude générale de la matière dans les éléments. Dans le monde humain, l’histoire apparaît empirique si l’on suit le folio B : elle adhère au vécu humain sous ses deux aspects : profane et religieux (“ecclésiastique” dans une Europe fondamentalement chrétienne). Mais si l’on se reporte au tableau du folio A, l’histoire est un hybride monstrueux qui rassemble des récits intangibles donnés par la Révélation biblique et des narrations profanes construites par des hommes et donc révisables. Dans le tableau arborescent du folio A comme dans le commentaire du folio B, l’histoire humaine est bien le maillon hétérogène de la chaîne des connaissances du folio A, un savoir au mieux embarrassant et au pire impossible à appréhender dans une seule matière ou discipline.

    58Cette première incohérence interne sur la place de chacune des quatre histoires dans sa branche du savoir, c’est-à-dire sur son niveau d’abstraction en entraîne une autre, externe. Quelle sera la place de l’histoire ou des histoires par rapport à la philosophie, à la philosophie de la nature et à la physique en particulier ? Sur ces trois vocables, Savigny hésite. On ne trouve pas de “philosophie” dans la chaîne des disciplines au folio A. Elle apparaît seulement dans le tableau arborescent du même folio et dans le commentaire du folio B, en des termes presque identiques. “A la philosophie se peuvent attribuer les arts libéraux qui sont ou // généraux [...] // ou spéciaux” affirme le folio A. “Les arts libéraux se peuvent à bon droit attribuer à la philosophie [...]. [...] Mais quelqu’uns [sic] des dits arts libéraux sont généraux & aucuns spéciaux”, dit le folio B. Savigny suggère une opposition entre la philosophie, savoir du général et l’histoire, savoir du particulier. La dichotomie serait simple s’il n’avait pas à intégrer la physique. Au fol. A, dans la chaîne des disciplines universitaires, la physique est un maillon distinct lié à d’autres maillons. Dans le sens des aiguilles d’une montre, l’optique, la musique, la cosmographie, l’astrologie (entendez “l’astronomie”), et la géographie la précèdent, la médecine et la métaphysique la suivent. Beaucoup plus loin, dans le tableau du folio Z relatif à la seule physique, celle-ci s’est agrandie en une philosophie de la nature latissimo sensu : “Le vrai & seul sujet de la physique, c’est Nature, laquelle est ou // incorporelle [...] // ou corporelle”. Elle traite non seulement du monde naturel mais de Dieu, des anges et démons et de l’esprit humain, d’un point de vue non révélé. Entre ces deux folios extrêmes, la physique se voit donner une extension intermédiaire, qui décroît entre le tableau arborescent du folio A et le commentaire du folio B. Dans le premier, la “physique” étudie la “nature des choses” sous les deux aspects de la qualité et de la quantité ; par là elle inclut explicitement les mathématiques. Dans le second, elle se borne à étudier la “nature des choses” corporelles exclusivement sous l’angle de la qualité et de la perception humaine ; elle n’inclut donc pas les mathématiques qui traitent de la quantité.

    59Au vu de ces deux incohérences de Savigny sur la place de l’histoire et le statut de la physique, on voit comment a pu émerger chez Bacon une problématique d’abstraction différente tantôt à deux niveaux : histoire et philosophie, dans le cas général, tantôt à trois niveaux dans le domaine particulier de la nature : histoire, physique et métaphysique, ces deux dernières appartenant à la “philosophie”.

    60L’histoire selon Savigny comporte encore une troisième incohérence : elle mêle plusieurs conceptions du temps. Si l’on met à part le temps humain avec sa subjectivité, elle réunit le temps si court des êtres animés qu’il se détruit presque, le temps long apporté par l’inanimé, et un obscur troisième temps du changement dans l’histoire naturelle du monde à travers les natures inconstantes des quatre premiers éléments dans le très complexe folio Z. J’en ai agrandi, comme avec une loupe, la partie qui nous intéresse. Le lecteur n’aura qu’à suivre, de gauche à droite, l’itinéraire grisé qui met en évidence l’émergence de ce troisième temps que je qualifierai de “cosmique” (voir figure 5 ci-dessous).

    Image 1000000000000289000000CC6545CC92.jpg

    Figure 5 : Un fragment du folio Z. L’histoire naturelle du monde comporte le changement et donc implicitement un temps “cosmique”.

    61Telles furent les trois incohérences principales que Bacon rencontra sur l’histoire chez Savigny. Elles portaient d’abord sur sa place en général, ensuite plus spécifiquement sur ses rapport avec la physique et la philosophie dans la connaissance de la nature, enfin sur la reconnaissance du rôle du temps ou son effacement. Pareilles incohérences étaient inadmissibles dans un tableau qui se voulait systématique, exhaustif et parfait selon les principes ramistes. Elles contraignirent Bacon à une nouvelle réflexion ab imis fundamentis puisque son AL ambitionnait lui aussi de présenter un tableau encyclopédique du savoir.

    3. Bacon et l’histoire dans le nouveau tableau du savoir

    62Pour résumer à l’extrême, on dira que Bacon apporta deux changements fondamentaux : dans le savoir en général il introduisit une dichotomie bien connue entre histoire et philosophie. L’histoire sera une collection de données de base, pour l’essentiel dépouillées de toute valeur chronologique. La philosophie sera la construction théorique fondée sur ces données de base ou histoire. Dans le domaine particulier de la nature matérielle, la position de Bacon est plus complexe dans AL. On l’a vu plus haut, il récusait encore les quatre causes d’Aristote dans le Temporis Partus Masculus rédigé moins de deux ans plus tôt (1603). Il les introduit dans AL en les groupant deux à deux : la physique traiterait des causes transitoires, matérielle et efficiente ; la métaphysique des causes permanentes, formelle et finale. La physique et la métaphysique (dans leurs sens nouveaux) se retrouvèrent ainsi de manière peu satisfaisante comme deux “demi-étages” de la philosophie au-dessus de la base historique. Comme on pouvait s’y attendre, Bacon révisa cette structure dans le De Dignitate et Augmentis dans le sens d’une dualité plus parfaite entre l’histoire, base de données, et la philosophie construite sur cette base.

    Conclusion

    63Nous pouvons maintenant faire le bilan des nouveautés introduites par AL dans le domaine du savoir. En premier lieu, en réaction contre le ramisme pan-logicien et nominaliste, Bacon abaissa la logique et la plaça modestement parmi les sciences humaines. En conséquence, il reconnut une capacité d’inventer à la “base”, aussi humble que soit apparemment le niveau d’abstraction de ses activités. Simultanément, en rationaliste indéfectible, il ambitionna de reconstruire la logique et d’inventer l’invention dans le cadre d’un aristotélisme réformé. De là date le projet d’un Novum Organum (1620) qui devait remplacer l’ancien Organon d’Aristote. Les fondateurs de la première Académie des Sciences britannique reconnurent cette nouveauté puisqu’ils firent de Bacon leur père spirituel. En 1605, le reclassement de la logique établit une dichotomie entre les sciences humaines, dont elle faisait désormais partie, et les sciences de la nature. Ces dernières intégraient spécialement les curiosités des techniques de la Renaissance, les manipulations-sélections de la botanique et les prodiges incertains rapportés par Aristote dans le De Mirabilibus Auscultationibus. En réunissant l’empirisme des deux premières et l’humanisme extrême de l’autre, Bacon ambitionnait de mettre en évidence des structures cachées de la matière que sa science nouvelle placerait au service de l’homme. Ainsi, à partir de nouveautés anti-ramistes et néo-aristotéliciennes dans le domaine de la logique, il mettait en marche une nouveauté positive permanente qui s’appellerait bientôt le progrès. Mais en second lieu, par sa critique radicale de l’histoire ramiste, Bacon avait rebâti le savoir comme une pyramide dont les données de base fonderaient les théories situées au sommet, dans la philosophie. Pareille réforme épistémologique intégrait la nouveauté dans la structure même de la pensée. Parce que nous croyons à un certain progrès par la science, ou parce que nous reconnaissons que les données nouvelles modifient inévitablement les théories en place, nous sommes tous des fils de la nouveauté baconienne aujourd’hui.

    Notes de bas de page

    1 Cet article aurait été impossible sans M. H.-J. Martin, professeur honoraire à l'École Pratique de Hautes Études, à l'École des Chartes et à l'École des Bibliothèques qui m'a généreusement donné ses notes et documents sur Christophe de Savigny et Bacon.

    2 Diderot & D'Alembert, Encyclopédie ou Discours raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, 1751. Discours préliminaire des éditeurs, vol I, pp. XXIV-XXV. C'est moi qui souligne “hardie s & nouvelles”.

    3 Désormais désignés par leur abréviation standard : AL et DAS.

    4 Ces sections typographiques ont été identifiées dans la seconde édition du Short-Title Catalogue de Pollard & Redgrave.

    5 “Progrès et tradition dans The Advancement of Learning de Francis Bacon” (1605), Communication faite au Colloque du Centre d'Histoire des Idées dans les Îles Britanniques, Paris IV, décembre 1981, et publiée de manière résumée dans Vivante Tradition, Sources et Racines, Paris, I L S., 1982, pp. 119-127.

    6 J'ai présenté la rencontre de Bacon et Aristote dans “Francis Bacon lecteur d'Aristote à Cambridge”, in Nouvelles de la République des Lettres, Naples, 1998-1, pp. 29-60. J'ai aussi étudié les réactions de Bacon à la scolastique de Cambridge.

    7 Jean-Claude Margolin, “L'idée de nouveauté et ses points d'application dans le Novum Organum de Bacon”, in Michel Malherbe, & Jean-Marie Pousseur (éds), Francis Bacon. Science et Méthode. Actes du Colloque de Nantes, Paris, Vrin, 1985, pp. 11-36.

    8 Augustin, Confessions, livre V, X, 20.

    9 Ibid., livre VII, XII, 18.

    10 Ibid., livre VII, XIII, 19.

    11 Guilielmus Adolphus Scribonius, Rerum Naturalium Doctrina Methodica, Post secundam editionem denuo copiosissime adaucta, & in III Libros distincta, Basileae : ex Officina Heredum Petri Pernae, 1583. [Avec lettre du 27 octobre 1583 au Landgrave de Hesse] Cette lettre, incluse dans le volume publié la même année, fixe le terminus a quo de la lecture de Bacon. Le terminus ad quem est la première occurrence de certaines de ces idées dans le Gesta Grayorum de décembre 1594. Bacon invoque l'éminente valeur et antiquité de la philosophie de la nature, et affirme en particulier que Salomon composa un ouvrage de botanique.

    12 Scribonius était un ramiste enthousiaste qui publia un Triumphus Logicae Rameae en 1583.

    13 VT, in SEH III, p. 228.

    14 “Isoard de Sales soutenait qu'il [ = Bacon] s'était inspiré de Savigny : le titre de la Partitio universalis doctrinae humanae [Début du sommaire du DAS de Bacon in SEH I, p. 425] fait penser au sous-titre des Tableaux accomplis (‘contenant [...] une générale et sommaire partition des dicts arts’)”. Eric de Grolier, Théorie et pratique des classifications documentaires, Paris, Union Française des Organismes de Classification, 1956, p. 105. Je dois cette information à M. H.-J. Martin. Dans une lettre du 26 septembre 1982, M. de Grolier m'a informé qu'il n'a pas la référence exacte d'Isoard de Sales.

    15 E. de Grolier, op. cit., pp. 105-106. J'ai modernisé l'orthographe et la ponctuation dans mes deux transcriptions comme dans toutes mes citations de Savigny.

    16 Robert Flint, Philosophy as scientia scientiarum and a history of classifications of sciences, Edimbourg & Londres, Blackwood, 1904, pp. 86-87.

    17 Outre ces études supérieures généralistes, existaient bien sûr des études spécialisées pour la théologie, le droit et la médecine dont le contenu ne devait pas grand chose ou rien du tout aux Stoïciens.

    18 E. de Grolier, op. cit., p. 105.

    19 Pourquoi le langage naturel est-il le fondement de toute logique ? On se reportera à Nelly Bruyère, Méthode et dialectique dans l'œuvre de Pierre de la Ramée : Renaissance et Âge classique, Doctorat de 3e cycle, Tours, 1983.

    20 Au début des Seconds Analytiques, chapitres 1-3, Aristote affirme l'existence de ʘέσɛìς,, ou principes propres aux sciences particulières.

    21 “human philosophy”, AL IIa, in SEH III, p. 346, p. 83 chez Johnston.

    22 “The knowledge which respecteth the Facutlies of the Mind of man is of two kinds; the one respecting his Understanding and Reason, and the other his Will, Appetite, and Affection. AL IIb, in SEH III, p. 382, et p. 116 chez Johnston.
    Après avoir répondu à une objection, Bacon affirme de manière plus nette encore: “So therefore we content ourselves with the former division, that Human Philosophy, which respecteth the faculties of the mind of man hath two parts, Rational and Moral”.
    AL IIb, in SEH III, p. 383, p. 117 chez Johnston.

    23 En effet, l'incertitude de l'intelligence dans le discours de la raison fait pendant à la vacillation de la volonté dans l'exercice de la liberté.

    24 Ramus, Dialectica, 1549, p. 133, cité par N. Bruyère, op. cit., p. 94.

    25 De Interpretatione est la traduction reçue du Περì ἑρµήνɛιας, deuxième des six livres de l'Organon.

    26 AL IIb, in SEH III, p. 389, p. 122 chez Johnston. C'est moi qui ai souligné “invention of sciences”.

    27 AL IIb, in SEH III, p. 392, p. 124 chez Johnston.

    28 “Natural Philosophy”, passim, par exemple dans AL la, SEH III, p. 351 ; p. 87 chez Johnston.

    29 “the principal cause that hath kept them low, at a stay without growth or advancement”. AL Ia in SEH III, p. 289; p. 31 chez Johnston.

    30 AL I, in SEH III, pp. 289-290; p. 31 chez Johnston.

    31 AL I, in SEH III, p. 290 ; p. 32 chez Johnston.

    32 AL I, in SEH III. p. 290 ; p. 32 chez Johnston.

    33 Il la désigne par la périphrase : “the writings of Plinius”. AL la, in SEH III, p. 288, Johnston p. 30, Kiernan p. 26, édition princeps fol. [F3r].

    34 Pline l'Ancien, Histoire naturelle. Livre VIII, 17, texte établi, traduit et commenté par A. Ernout, Paris, Les Belles Lettres, 1952, p. 38.

    35 AL I, in SEH III, p. 325, Johnston p. 64, Kiernan p. 59, édition princeps fol. [Aa4v]..

    36 Le De Plantis, traditionnellement placé parmi les Œuvres mineures, n'est plus attribué à Aristote, mais il figurait dans l'édition grecque des Œuvres complètes d'Aristote achetée par Bacon à Cambridge, tome 2, pp. 413-425.

    37 Le De Mirabilibus Auscultationibus était alors attribué à Aristote. Il figurait dans l'édition grecque des OEuvres complètes d'Aristote achetée par Bacon à Cambridge, vol. 1, pp. 546-554.

    38 Bacon, SEH III, p. 530.

    39 Il s'agit de la nouvelle édition M. Kiernan.

    40 “So in natural history, we see there hath not been that choice and judgment used as ought to have been; as may appear in the writings of Plinius, Cardanus, Albertus, and divers of the Arabians; being fraught with much fabulous matter”. AL la, in SEH III p. 288, p. 30 dans l'édition Johnston, p. 26 chez M. Kiernan, fol. [F3r] dans l'édition princeps.

    41 “So also is there another kind of history manifoldly mixed, and that is History of Cosmography: being compounded of natural history, in respect of the regions themselves; of history civil, in respect of the habitations, regiments, and manners of the people; and the mathematics, in respect of the climates and configurations towards the heavens”. AL IIa, in SEH III, pp. 339-340, p. 77 chez Johnston, p. 70 chez Kiernan, fol. [Dd3r] dans l'édition princeps.

    42 AL la, in SEH III, pp. 298-299, p. 40 chez Johnston, pp. 35-36 chez Kiernan, fol. [H3r] dans l'édition princeps.

    43 “History is Natural, Civil, Ecclesiastical, and Literary”. (C'est moi qui souligne.) AL IIa, in SEH III, p. 329, p. 68 chez Johnston, p. 62 chez M. Kiernan, fol. [Bb3v] dans l'édition princeps.

    44 “The knowledge of man is as the waters, sonie descending from above, and some springing from beneath; the one informed by the light of nature, the other inspired by divine revelation. [...]. So then according to these two differing illuminations or originals, knowledge is first of all divided into Divinity and Philosophy”. AL IIa, in SEH III, p. 346, p. 83 chez Johnston, p. 76 chez Kiernan, fol. [Ee4r] dans l'édition princeps.

    45 L'ouvrage de Savigny comporte aussi un fol. Z relatif à la seule “physique”, mais ce folio confirme seulement les incohérences de l'histoire de la nature : histoire naturelle stricto sensu et philosophie de la nature.

    Auteur

    Henri Durel

    Maître de conférences à l’Université Jean Moulin-Lyon III, est agrégé d’anglais et ancien élève de l’ENS de la rue d’Ulm. Il est l’auteur de nombreuses publications et notamment de : – “Francis Bacon et la naissance de la science nouvelle : une laïcisation de la Bible”, in Actes de la journée d’études “Acculturation / inculturation du christianisme en Europe” du 4 avril 1997 à Lyon 3, Paris, Didier-Érudition, 1998. – “The Advancement of Learning (1605) : From Bacon’s study to the press”, in Transactions of the Cambridge Bibliographical Society, 1998. – “Francis Bacon lecteur d’Aristote à Cambridge”, in Nouvelles de la République des Lettres, Naples, Prismi, 1998-I. – “Bacon, Salomon, et la promotion de la botanique en Angleterre”, in Nouvelles de la République des Lettres, Naples, Prismi, 1999-11.

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    1 Cet article aurait été impossible sans M. H.-J. Martin, professeur honoraire à l'École Pratique de Hautes Études, à l'École des Chartes et à l'École des Bibliothèques qui m'a généreusement donné ses notes et documents sur Christophe de Savigny et Bacon.

    2 Diderot & D'Alembert, Encyclopédie ou Discours raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, 1751. Discours préliminaire des éditeurs, vol I, pp. XXIV-XXV. C'est moi qui souligne “hardie s & nouvelles”.

    3 Désormais désignés par leur abréviation standard : AL et DAS.

    4 Ces sections typographiques ont été identifiées dans la seconde édition du Short-Title Catalogue de Pollard & Redgrave.

    5 “Progrès et tradition dans The Advancement of Learning de Francis Bacon” (1605), Communication faite au Colloque du Centre d'Histoire des Idées dans les Îles Britanniques, Paris IV, décembre 1981, et publiée de manière résumée dans Vivante Tradition, Sources et Racines, Paris, I L S., 1982, pp. 119-127.

    6 J'ai présenté la rencontre de Bacon et Aristote dans “Francis Bacon lecteur d'Aristote à Cambridge”, in Nouvelles de la République des Lettres, Naples, 1998-1, pp. 29-60. J'ai aussi étudié les réactions de Bacon à la scolastique de Cambridge.

    7 Jean-Claude Margolin, “L'idée de nouveauté et ses points d'application dans le Novum Organum de Bacon”, in Michel Malherbe, & Jean-Marie Pousseur (éds), Francis Bacon. Science et Méthode. Actes du Colloque de Nantes, Paris, Vrin, 1985, pp. 11-36.

    8 Augustin, Confessions, livre V, X, 20.

    9 Ibid., livre VII, XII, 18.

    10 Ibid., livre VII, XIII, 19.

    11 Guilielmus Adolphus Scribonius, Rerum Naturalium Doctrina Methodica, Post secundam editionem denuo copiosissime adaucta, & in III Libros distincta, Basileae : ex Officina Heredum Petri Pernae, 1583. [Avec lettre du 27 octobre 1583 au Landgrave de Hesse] Cette lettre, incluse dans le volume publié la même année, fixe le terminus a quo de la lecture de Bacon. Le terminus ad quem est la première occurrence de certaines de ces idées dans le Gesta Grayorum de décembre 1594. Bacon invoque l'éminente valeur et antiquité de la philosophie de la nature, et affirme en particulier que Salomon composa un ouvrage de botanique.

    12 Scribonius était un ramiste enthousiaste qui publia un Triumphus Logicae Rameae en 1583.

    13 VT, in SEH III, p. 228.

    14 “Isoard de Sales soutenait qu'il [ = Bacon] s'était inspiré de Savigny : le titre de la Partitio universalis doctrinae humanae [Début du sommaire du DAS de Bacon in SEH I, p. 425] fait penser au sous-titre des Tableaux accomplis (‘contenant [...] une générale et sommaire partition des dicts arts’)”. Eric de Grolier, Théorie et pratique des classifications documentaires, Paris, Union Française des Organismes de Classification, 1956, p. 105. Je dois cette information à M. H.-J. Martin. Dans une lettre du 26 septembre 1982, M. de Grolier m'a informé qu'il n'a pas la référence exacte d'Isoard de Sales.

    15 E. de Grolier, op. cit., pp. 105-106. J'ai modernisé l'orthographe et la ponctuation dans mes deux transcriptions comme dans toutes mes citations de Savigny.

    16 Robert Flint, Philosophy as scientia scientiarum and a history of classifications of sciences, Edimbourg & Londres, Blackwood, 1904, pp. 86-87.

    17 Outre ces études supérieures généralistes, existaient bien sûr des études spécialisées pour la théologie, le droit et la médecine dont le contenu ne devait pas grand chose ou rien du tout aux Stoïciens.

    18 E. de Grolier, op. cit., p. 105.

    19 Pourquoi le langage naturel est-il le fondement de toute logique ? On se reportera à Nelly Bruyère, Méthode et dialectique dans l'œuvre de Pierre de la Ramée : Renaissance et Âge classique, Doctorat de 3e cycle, Tours, 1983.

    20 Au début des Seconds Analytiques, chapitres 1-3, Aristote affirme l'existence de ʘέσɛìς,, ou principes propres aux sciences particulières.

    21 “human philosophy”, AL IIa, in SEH III, p. 346, p. 83 chez Johnston.

    22 “The knowledge which respecteth the Facutlies of the Mind of man is of two kinds; the one respecting his Understanding and Reason, and the other his Will, Appetite, and Affection. AL IIb, in SEH III, p. 382, et p. 116 chez Johnston.
    Après avoir répondu à une objection, Bacon affirme de manière plus nette encore: “So therefore we content ourselves with the former division, that Human Philosophy, which respecteth the faculties of the mind of man hath two parts, Rational and Moral”.
    AL IIb, in SEH III, p. 383, p. 117 chez Johnston.

    23 En effet, l'incertitude de l'intelligence dans le discours de la raison fait pendant à la vacillation de la volonté dans l'exercice de la liberté.

    24 Ramus, Dialectica, 1549, p. 133, cité par N. Bruyère, op. cit., p. 94.

    25 De Interpretatione est la traduction reçue du Περì ἑρµήνɛιας, deuxième des six livres de l'Organon.

    26 AL IIb, in SEH III, p. 389, p. 122 chez Johnston. C'est moi qui ai souligné “invention of sciences”.

    27 AL IIb, in SEH III, p. 392, p. 124 chez Johnston.

    28 “Natural Philosophy”, passim, par exemple dans AL la, SEH III, p. 351 ; p. 87 chez Johnston.

    29 “the principal cause that hath kept them low, at a stay without growth or advancement”. AL Ia in SEH III, p. 289; p. 31 chez Johnston.

    30 AL I, in SEH III, pp. 289-290; p. 31 chez Johnston.

    31 AL I, in SEH III, p. 290 ; p. 32 chez Johnston.

    32 AL I, in SEH III. p. 290 ; p. 32 chez Johnston.

    33 Il la désigne par la périphrase : “the writings of Plinius”. AL la, in SEH III, p. 288, Johnston p. 30, Kiernan p. 26, édition princeps fol. [F3r].

    34 Pline l'Ancien, Histoire naturelle. Livre VIII, 17, texte établi, traduit et commenté par A. Ernout, Paris, Les Belles Lettres, 1952, p. 38.

    35 AL I, in SEH III, p. 325, Johnston p. 64, Kiernan p. 59, édition princeps fol. [Aa4v]..

    36 Le De Plantis, traditionnellement placé parmi les Œuvres mineures, n'est plus attribué à Aristote, mais il figurait dans l'édition grecque des Œuvres complètes d'Aristote achetée par Bacon à Cambridge, tome 2, pp. 413-425.

    37 Le De Mirabilibus Auscultationibus était alors attribué à Aristote. Il figurait dans l'édition grecque des OEuvres complètes d'Aristote achetée par Bacon à Cambridge, vol. 1, pp. 546-554.

    38 Bacon, SEH III, p. 530.

    39 Il s'agit de la nouvelle édition M. Kiernan.

    40 “So in natural history, we see there hath not been that choice and judgment used as ought to have been; as may appear in the writings of Plinius, Cardanus, Albertus, and divers of the Arabians; being fraught with much fabulous matter”. AL la, in SEH III p. 288, p. 30 dans l'édition Johnston, p. 26 chez M. Kiernan, fol. [F3r] dans l'édition princeps.

    41 “So also is there another kind of history manifoldly mixed, and that is History of Cosmography: being compounded of natural history, in respect of the regions themselves; of history civil, in respect of the habitations, regiments, and manners of the people; and the mathematics, in respect of the climates and configurations towards the heavens”. AL IIa, in SEH III, pp. 339-340, p. 77 chez Johnston, p. 70 chez Kiernan, fol. [Dd3r] dans l'édition princeps.

    42 AL la, in SEH III, pp. 298-299, p. 40 chez Johnston, pp. 35-36 chez Kiernan, fol. [H3r] dans l'édition princeps.

    43 “History is Natural, Civil, Ecclesiastical, and Literary”. (C'est moi qui souligne.) AL IIa, in SEH III, p. 329, p. 68 chez Johnston, p. 62 chez M. Kiernan, fol. [Bb3v] dans l'édition princeps.

    44 “The knowledge of man is as the waters, sonie descending from above, and some springing from beneath; the one informed by the light of nature, the other inspired by divine revelation. [...]. So then according to these two differing illuminations or originals, knowledge is first of all divided into Divinity and Philosophy”. AL IIa, in SEH III, p. 346, p. 83 chez Johnston, p. 76 chez Kiernan, fol. [Ee4r] dans l'édition princeps.

    45 L'ouvrage de Savigny comporte aussi un fol. Z relatif à la seule “physique”, mais ce folio confirme seulement les incohérences de l'histoire de la nature : histoire naturelle stricto sensu et philosophie de la nature.

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    Durel, Henri. « La nouveauté dans le domaine du savoir : The Advancement of Learning de Francis Bacon ». In Innovation et tradition de la Renaissance aux Lumières, édité par Franck Lessay et François Laroque. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2002. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.4369.
    Durel, Henri. « La nouveauté dans le domaine du savoir : The Advancement of Learning de Francis Bacon ». Innovation et tradition de la Renaissance aux Lumières, édité par Franck Lessay et François Laroque, Presses Sorbonne Nouvelle, 2002, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.4369.

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    Lessay, Franck, et François Laroque, éditeurs. Innovation et tradition de la Renaissance aux Lumières. Presses Sorbonne Nouvelle, 2002, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.psn.4343.
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