Compromis de valeurs et nouveau langage politique : la politique de lutte contre le sida dans les années 1980
Reaching a compromise of values: a new political language in the context of the English AIDS policy in the 1980s
p. 123-152
Résumé
The first Aids education campaigns did not occur before 1986. But the first cases of Aids were diagnosed in 1981 in the United States. Which means that for half a decade a variety of actors voiced their concerns without any check from the government. Thus the traditional institutions such as medical professionals, institutions of law and order, education and also the Churches were left debating, with great dissension between them. By 1986 the debate had focused, in particular in the press, on innocent “victims” and guilty “carriers”, in very strong moral terms.
The response of the Conservative government to both this moral debate and the HIV infection broke with the Conservative and especially the Moral lobby rhetoric. It initiated a relatively liberal policy on AIDS education, reaching a compromise of values, which was not however for the main part followed by the media.
Texte intégral
1Le sida, ou plus précisément l’infection par le VIH, bouleverse, à travers son impact sur le cycle de la vie, les valeurs centrales d’une société. On en discute dès le début du cycle de la vie, à la naissance avec le risque de contamination périnatale, mais surtout dans la vie sexuelle de l’adulte et au moment de la mort, en particulier dans ces années antérieures à la commercialisation de l’AZT. Les données épidémiologiques ont fait que, du moins dans les années 1980, en Angleterre, et dans les autres pays occidentaux, ce sont les valeurs de la sexualité qui ont le plus été affectées. Au sein de celles-ci, mais tout en s’en distinguant fortement, les valeurs liées à l’homosexualité ont connu une publicité nouvelle à travers le concept de cancer gay (gay cancer). C’est également l’épidémiologie qui permet la découverte des modes de transmission, influençant la perception de la maladie et des malades. Le sida est une maladie infectieuse, on le compare alors à la Grande Peste du XXe siècle, introduisant l’idée que l’on est responsable de la contamination d’autrui. Mais il est aussi une maladie chronique, comparable au cancer. De plus l’infection est liée à un type de comportements dits « à risque », dont la responsabilité incombe à l’individu. Dans ces années de transition, que sont les années 1981-1988, la représentation sociale des médecins est également touchée. Leur incapacité à soigner, leurs divergences scientifiques, le sentiment que chacun profite de l’épidémie pour se faire un nom, tendent à disqualifier le corps médical aux yeux de la population. Ceci profite au parent pauvre de la médecine, la médecine préventive et plus largement la médecine organisée autour du concept de santé publique. Cette médecine propose des solutions drastiques appréciées par un grand public mal informé. On commence alors à parler de dépistage massif et obligatoire de la population, de quarantaine, et d’isolement des individus.
2Ceci contribue, du moins temporairement, à une parcellisation de la société entre les personnes malades et les personnes saines. Les subtilités de l’épidémie font que les clivages se multiplient. On imagine que les séropositifs sont une sorte de « peuple de l’ombre » menaçant le reste de la population. Au sein de ceux qui sont malades, on distingue, très artificiellement, des « innocents » contaminés malgré eux (les hémophiles par exemple) et des « coupables » (les homosexuels). On peut même conclure à un clivage entre les hétérosexuels et les homosexuels, victimes de l’épidémiologie de la maladie. Ceci nuance considérablement l’idée d’une guerre unie de tous contre la maladie, à la recherche d’un vaccin ou d’un traitement1.
3On réfléchira dans un premier temps sur les valeurs telles qu’elles ont pu être discutées dans les médias avant la campagne du gouvernement qui n’est intervenue que tardivement en 19862. On s’intéressera ensuite au référentiel de la campagne du gouvernement en tentant de voir dans quelle mesure celle-ci a pu intervenir sur le changement dans les valeurs citées.
1981-1986 : le débat de valeurs
4Le début des années 1980, et ceci indépendamment du sida, est marqué en Angleterre par un questionnement profond sur l’héritage social et culturel des années 1960, questionnement qui oppose, de façon simplifiée, la Nouvelle Droite aux associations de planning familial. Ces acteurs, et d’autres encore, discutent, depuis l’adoption des réformes dites permissives dans les années 1960 du contenu libéral de ces réformes. Pourtant, ces querelles politiques sont sans commune mesure avec l’évolution suscitée par l’élection de 1979 remportée par les conservateurs. Non pas que ceux-ci aient eu un agenda politique particulièrement soucieux de la famille, mais cette victoire électorale a fait renaître chez les opposants à la libération sexuelle l’espoir d’un retour en arrière. C’est ainsi que sont discutés, parfois violemment, l’éducation sexuelle à l’école, la contraception pour les jeunes filles de moins de 16 ans, l’avortement, la dépénalisation de l’homosexualité, et la pornographie. Ce contexte est absolument indépendant de l’apparition du sida, mais il va être modifié par celui-ci, c’est-à-dire essentiellement dramatisé, la très forte mortalité de la maladie aidant. Inversement il ne va pas être sans influence sur la perception sociale de l’épidémie, de ses malades, de ses médecins et de tous ceux que l’on étiquette « groupe à risque »3. On montrera qu’à travers ce débat sur la sexualité et la médecine, la presse opère une série de clivages qui contribuent à saper les bases traditionnelles de la société anglaise dans ces années.
Famille et sexualité : les deux pôles de la polémique
5Martin Durham, dans son ouvrage sur la politique de la famille et de la moralité, insiste sur la nécessité de distinguer le gouvernement conservateur de Mme Thatcher du lobby moral plus populaire qui se développe particulièrement à partir des années 19704. Ce dernier s'est en effet attaqué aux réformes emblématiques de la société « permissive » – la dépénalisation de l'homosexualité entre adultes consentants dans un cadre privé, et la libéralisation de l'avortement – en montrant qu'ils étaient les symptômes d'un malaise plus important, allant jusqu’à affecter la direction que suivait la société anglaise. La préoccupation du gouvernement conservateur est loin d'avoir été celle-ci, même si, de manière épisodique, et seulement chez certains élus conservateurs, le discours prônant les valeurs de la famille traditionnelle pouvait venir épauler un discours portant de façon prédominante sur la restructuration de l'économie anglaise. C'est ainsi qu'aux élections de 1979, mais aussi de 1987, alors même que le gouvernement mène une campagne sur le sida très controversée au sein de la Nouvelle Droite, la famille, et de manière générale la politique de la morale, sont entièrement absentes des prises de position conservatrices.
6Le sida était propre à ressusciter la polémique sur les valeurs familiales, et en particulier sur la place que devait y prendre la sexualité. Pourtant la position conservatrice sur ce sujet est multiple, et pour le gouvernement, elle n'est pas centrale, contrairement à ce que les partisans de la morale ont voulu faire croire. Le gouvernement est en tous cas loin d'avoir adopté la position qui est celle de groupes comme la Conservative Family Campaign, selon laquelle le sida est le symptôme, palpable d'une certaine façon, de la permissivité sexuelle. Les éditoriaux du Daily Mail s’inscrivent dans cette perspective. On peut en effet y lire : « Nous pouvons tous voir avec une précision effrayante cet enfer que les prophètes de la promiscuité ont fabriqué », ou bien encore : « [le sida] est une peste du XXe siècle qui prospère grâce à des gays décadents, des hétéros que la multiplication de leurs partenaires sexuels démange, et des drogués vivant dans un environnement sordide »5.
7Toutefois l’action des groupes de pression conservateurs n’est pas sans avoir eu des effets. Ainsi en ce qui concerne les matériaux à caractère obscène, le texte de référence est l'Obscene Publications Act de 1959. Ce texte introduit une certaine liberté puisqu’il impose que le matériau accusé d’obscénité soit jugé non au mot à mot mais dans son intégralité. Toutefois l’application de cette législation fut bien plus restrictive, notamment pour ce qui concerne l'homosexualité. Ceci est en partie lié à l'action de groupes comme celui de Mary Whitehouse, fondatrice de National Viewer's and Listener's Association (VALA) qui à partir de 1965 ne cesse de militer contre la pornographie, la campagne de 1980, « STOPORN NOW CAMPAIGN » en étant un exemple. Ainsi les revues homosexuelles américaines comme The Advocate et The New York Native, qui employaient des journalistes à plein temps sur la seule question du sida et dont les sources étaient très fiables, étaient interdites en Angleterre, réduisant à néant les sources d'information populaire sur le sida. Ceci explique que les homosexuels anglais n'aient pas pu avoir accès à cette littérature, et donc, n'aient pas su ni pu se protéger. Le gouvernement lui-même a été victime de cette politique, puisque lorsqu’il a voulu obtenir des informations « popularisées » sur le sida, il s’est fait parvenir ces revues... en valise diplomatique afin qu’elles ne soient pas saisies à la douane6 ! Cet épisode est le témoin de la méconnaissance initiale des membres du gouvernement sur la sexualité. Ainsi on rapporte que Norman Fowler, ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, ignorait tout du sexe oral7. On raconte qu'un autre ministre, un catholique pratiquant, était complètement ignorant des questions sexuelles8.
8Dans ce contexte le sida est avant tout un sujet moralement tabou, qui contraint à un apprentissage, souvent tardif, de la sexualité. Pourtant l’Angleterre disposait initialement d’un avantage sur les autres pays, car depuis 1916 celle-ci a une approche des maladies sexuellement transmissibles (MST) moins morale et plus médicalisée9. Des lieux de soins spécifiques et anonymes, les cliniques STDs, avaient été créés. Au début des années 1980 ces cliniques et leurs professionnels de santé subissent elles aussi le contexte conservateur évoqué, si bien que la spécialité MST est la spécialité médicale la moins appréciée. Ce statut social montre que l’identification du sida comme MST est un stigmate supplémentaire.
9Dans un premier temps, et même d’ailleurs sans attendre l’identification officielle du sida comme MST, sa reconnaissance intuitive pose la question du débat public sur les pratiques sexuelles. Ceci transparaît dans la presse à travers des articles comme celui du Times, intitulé « Lord Hailsham médite sur la signification du sexe ». Le Grand Chancelier d’Angleterre, dont l’article précise qu’il est dans sa 79e année et qu’il s’est récemment remarié, aurait été choqué que les expressions de « sexe » ou de « coucher avec quelqu’un » soient utilisées par le gouvernement en lieu et place de « rapports sexuels », ou de « relations sexuelles »10. On s’aperçoit ici que le sida fournit une légitimité médicale à un sujet qui a toujours été très exploité par la presse : la sexualité. Cela peut prendre des formes très diverses. Ainsi la nécessité de produire des matériaux éducatifs explicites est rappelée par le correspondant médical du Guardian, Andrew Veitch11. Peter Jenkins, dans sa chronique pour le Sunday Times, évoque un déjeuner avec un haut fonctionnaire du gouvernement dans lequel « le sexe anal a été mentionné au moment de l'avocat, et la sodomie dans les prisons de Sa Majesté au moment du bœuf »12. La nouveauté consiste en ce que le sujet transparaisse dans la presse de qualité, sans qu’il soit directement abordé d’ailleurs. Une sorte d’équation s’établit entre sexualité et sida qui rend le sujet « croustillant » de lui-même.
10Or ce nouveau langage de l’intimité devenue publique dépasse le strict cadre de la presse, pour s’introduire naturellement à la télévision, et surtout à l’école, à travers la question de l’éducation sexuelle. Celle-ci s'est développée graduellement en Grande Bretagne depuis la Première Guerre mondiale. Au début des années 1970 les ministères de la Santé et de l'Éducation se partageaient cette responsabilité mais sous-traitaient l'essentiel du travail au Health Education Council ainsi qu'aux Schools Councils. En fait, c'est l'autorité locale chargée de l'éducation qui supervisait l’ensemble, tandis que l'éducation sexuelle proprement dite était enseignée par les professeurs, associés parfois à des institutions comme le Planning Familial. La complexité de cette situation faisait finalement que l'éducation sexuelle n'était encadrée ni dans son contenu ni dans son approche, ni au niveau local ni au niveau national. Elle fut pour cette raison le sujet d'une controverse débouchant sur la loi sur l’Education (Education Act) de 1986 qui donne au directeur de l'école la responsabilité entière pour le contenu et l'approche de l’éducation sexuelle à donner aux enfants.
11Le sida ne relance pas le débat qui était déjà bien en cours notamment sous l'action des groupes de pression défendant la moralité. Toutefois il lui donne une nouvelle tonalité13. En effet la question de l'éducation sexuelle avait été très fortement centrée sur l'enseignement de l'homosexualité. Le sida donna l'occasion à la plupart des groupes de transformer leur lutte contre l'enseignement de l'homosexualité à l'école en lutte contre l'homosexualité de manière générale. Ceci ne fut pas d’ailleurs sans affaiblir ces groupes qui perdirent le soutien de parents que l’homophobie n’intéressait pas foncièrement.
L’homosexualité au cœur des débats
12L’homosexualité doit être distinguée de la sexualité dans son ensemble. En effet l’homosexualité est un élément à part entière de la société permissive dénoncée par la Nouvelle Droite en tant que tel. Cette société en dépénalisant l’homosexualité dans le cadre privé aurait contribué à sa normalisation, mettant de cette façon en péril la famille traditionnelle.
13Ce contexte historique est encore compliqué par la relation entre homosexualité et médecine, bien antérieure au sida. Michel Foucault a montré dans son Histoire de la sexualité comment, à la fin du XIXe siècle, l’homosexualité avait été inventée pour désigner non plus uniquement l’acte sexuel mais la personne toute entière, victime d’une pathologie. Le sida ne pouvait que donner une nouvelle publicité à cette approche. En effet comme dans tous les pays occidentaux, en 1985, en Angleterre, 91 % des cas de sida étaient homosexuels ou bisexuels. La contamination par voie hétérosexuelle ne concernait que 3 personnes à cette même date. Ceci explique que, très vite, dans la presse, le sida ait été présenté comme un « cancer gay » ou une « peste gay »14. Parallèlement on assiste à la résurgence du modèle médical et à l’établissement dans les mentalités d’une relation complexe tendant à amalgamer homosexualité, sida et maladie contagieuse. Ainsi l’étiquette médicale de « groupe à risque » introduit une relation de réciprocité entre sida et homosexualité : être homosexuel c’est potentiellement contracter le virus, et être séropositif – ou être une personne avec le sida – c’est être publiquement homosexuel15.
14Un exemple célèbre de cela, largement exploité par la presse, est celui de l’acteur américain Rock Hudson, mort le 3 octobre 1985. Le Daily Mail écrit dans un article dont le sous-titre s’intitule « Il est mort en croyant que le monde ne savait rien de sa vie secrète » que « le sex symbol macho d’Hollywood, qui, sans que ses millions de fans ne le sachent, était un homosexuel en secret, est mort hier du sida »16.
15Il s’agit là d’un article parmi d’autres, particulièrement intéressant dans la mesure où il montre comment la « littérature » sur le sida puise dans la rhétorique du complot – et donc dans ses valeurs. Le secret, l’obscurité, l’impression de multiplication invisible, la responsabilité dans la désintégration de la société, qualifient les homosexuels et les séropositifs17. En effet ils constituent, les homosexuels à travers l’homophobie, les séropositifs à travers une forme nouvelle d’angoisse liée à une panique morale, l’objet propre d’une phobie collective. Sur ce thème, l’exemple de Hudson a la singularité de la célébrité mais le cas similaire d’un professeur anglais quittant son école du fait de son homosexualité est également cité18. Associée à l’idée de « secret », on trouve celle de « honte ». En effet le secret n’est pas digne d’être dit sous peine d’humilier son détenteur. Rock Hudson est dit être « trop honteux de ce que le sida lui avait fait »19. Il aurait dit à ses amis qu’il « regrettait amèrement la façon dont il mourait et ce que la maladie lui avait fait ». Cela rejoint l’idée selon laquelle l’homosexualité doit être un objet de honte20.
16L’homophobie reste un phénomène persistant de la société anglaise dans ces années, le sida n’y contribuant qu’un peu plus. Pour l’historien gay Simon Watney, ce type de préjugés persiste à une époque où d’autres formes de préjugés, comme la misogynie, le racisme, sont devenus illégaux21. Les homosexuels auraient alors été les boucs émissaires d’une opinion publique en quête d’un ennemi commun qui puisse consolider la cohérence sociale. Le sentiment de crise qui prévaut durant les années 1980 constitue un contexte favorable à la régénérescence de cette homophobie. Les sondages d’opinion montrent en effet que, de manière contemporaine au sida, le grand public durcit son attitude à l’égard des relations homosexuelles. Ainsi, alors que 62 % des personnes interrogées par BSA en 1983 désapprouvaient les relations homosexuelles, elles sont 69 % en 198522.
Valeurs médicales
17On a beaucoup parlé de « cancer gay », mais le terme de « cancer » renvoie au sarcome de Kaposi, qui est une forme de cancer observée dans les cas d’infection par le VIH, qu’au sida à proprement parler23. Or la perception des pestiférés est aux antipodes de la perception que l’on peut avoir des cancéreux. Les concepts de contagion, de pollution, de pureté ou d’impureté sont ici essentiels. On rejoint l’idée selon laquelle il existe une responsabilité morale pour la maladie.
18Cette idée très ancienne trouve une reconnaissance officielle dans l’après guerre, notamment à l’occasion du « grand smog londonien » de 1952 qui en 5 jours provoqua la mort de 4000 personnes24. En effet à la suite de cet épisode, les parlementaires adoptèrent la loi sur l’air propre, loi qui instituait des zones non-fumeurs et le contrôle des émissions de gaz domestiques25. à ceci s’ajouta en 1962 la publication par le Collège Royal des Médecins du rapport « Tabac et Santé », qui établissait de manière scientifique une corrélation entre le tabagisme et le cancer du poumon26. De ce fait, on affirmait pour la première fois de manière scientifique que la réduction par les individus eux-mêmes de leurs comportements à risque pouvait améliorer leur santé. La conséquence politique fut une politique de santé qui insistait sur les moyens propres à l’individu d’éviter la prise de risque, cette politique alliant de manière habile la morale et la science27. Ceci se retrouve d’ailleurs dans le vocabulaire utilisé par les médias. Ainsi les termes de « victime » et de « porteur de la maladie » sont alternativement employés28. Les deux expressions n’ont absolument pas les mêmes connotations. En effet la première dénote une certaine passivité, ou du moins une non-responsabilité dans la maladie, tandis que la seconde contient implicitement l’idée de responsabilité, à travers l’idée de la contamination possible d’autrui29.
19Au delà du rapport à la maladie c’est le rapport à la médecine qui est modifié. En effet le secret médical, un des piliers de la médecine, est remis en cause. On voit en particulier apparaître un discours favorable à la publication des résultats du test de dépistage au sein d’un couple30. Ainsi un article du Daily Mail mentionne le cas d’un « père bisexuel qui s’est presque suicidé après qu’un test de dépistage ait suggéré qu’il était séropositif »31. Cet article est l’occasion pour le journal de discuter de la bisexualité au sein des couples en donnant la fausse impression que le cas évoqué est généralisable.
20Le rapport au corps médical est lui aussi modifié, et une certaine branche de la médecine gagne en prestige : face à une maladie incurable, et qui plus est, une maladie infectieuse, le recours à la médecine préventive est en effet nécessaire. On évoque la possibilité d’une isolation des personnes séropositives sur l’île de Wight, on parle de quarantaine, de notification des cas, d’identification des partenaires, de dépistage obligatoire et systématique de la population32. Or ce débat est propre à diviser la population en procédant à une séparation implicite entre les « bons » et les « mauvais » sujets de Sa Majesté. La question est encore compliquée par la dissension des médecins entre eux. Ainsi certains, profitant de leur autorité médicale, prennent position contre les avis dominants, contribuant à ébranler la confiance de la population dans la médecine. La théorie du Dr John Seale, spécialiste en maladies vénériennes, a ainsi eu un impact important dans la presse. Il prétendit que le VIH avait été créé par les Américains pour être utilisé comme arme de guerre biologique33.
21Tout ceci soutient la thèse de la « guerre civile ».
La métaphore de la guerre civile
22La presse dans les années 1981-1987 a établi une forte distinction au sein des séropositifs entre les « coupables » et les « innocents ». Les « victimes coupables » sont les personnes s’étant adonnées à des pratiques déviantes, telles que la drogue et la promiscuité homosexuelle. Les victimes innocentes sont les hémophiles, les transfusés, et toute personne contaminée malgré elle, c’est-à-dire sans s’être consciemment engagée dans un comportement à risque. On remarque que le vocabulaire religieux est très présent. Ainsi une infirmière contaminée suite à des soins apportés à une personne séropositive alors qu’elle avait un eczéma des mains est surnommée une « Samaritaine »34. Le journaliste ajoute que « le cas survient au moment où le gouvernement a répété avec beaucoup d’assurance que les patients avec le sida pouvaient être relâchés dans la communauté sans risque pour les autres ». Le verbe « relâcher » rappelle le vocabulaire de la folie. Beaucoup, dans la lignée du groupe de pression morale, évoquent la possibilité d’un « jugement de Dieu », tel le directeur de police de l’agglomération de Manchester, James Anderton35.
23En ce qui concerne les homosexuels, l’idée est très répandue qu’ils sont responsables de la « propagation » du sida36. L’idée du châtiment est d’ailleurs évoquée. Ainsi Anderton n’hésite pas à dire que le sida est un « jugement de Dieu sur un cloaque humain qui tourbillonne dans le péché »37. L’éditorial du Times renchérit sur cette proposition en écrivant qu’il était « particulièrement peu charitable de sa part de parler ainsi, (...) car ce n’est pas strictement exact : il y a des victimes du sida entièrement innocentes (des personnes qui l’ont attrapé par transfusions sanguines ou par liaisons légitimes avec des partenaires infectés) »38.
24L’analyse de contenu montre que les groupes « innocents » sont sur-représentés par rapport aux groupes « coupables ». On observe en effet une représentation égale de chaque groupe (homosexuels, hétérosexuels, hémophiles, toxicomanes) en quatre quarts dans les articles qui se préoccupent des groupes à risque, alors que les données épidémiologiques montrent que les transmissions suite à une transfusion, par intra-veineuse et par voie hétérosexuelle ne totalisent ensemble que 10 % des cas observés39. Il y a donc environ 7 fois plus d’articles qu’il n’y a de cas. Inversement, il y a 7 fois moins d’articles concernant des homosexuels que de cas observés. Ceci tend à confirmer l’hypothèse selon laquelle la presse contribue à la polarisation du débat en donnant plus d’importance qu’il ne convient à certains groupes, de préférence ceux qui ont la faveur du public, et moins à ceux qui sont déjà la cible de préjugés.
25Tout ceci se passe dans un contexte de forte panique morale. Ceci est d’ailleurs confirmé par les hommes politiques de la Chambre des Communes qui accusent les médias d’avoir créé la panique, les préjugés et la condamnation morale40. De manière générale, l’alarmisme est très fréquent dans les médias et on a le sentiment d’un monde dans lequel les valeurs s’effondrent car ce sont les grandes institutions de la société qui sont touchées : l’institution médicale, policière, scolaire et même religieuse.
26L’expression de peur dans la profession médicale constitue un tiers des articles sur la peur, or il s’agit du groupe social dont on attend le plus qu’il reste en dehors des débats alarmistes. De plus la position de ce groupe social est déterminante pour l’attitude des autres groupes sociaux. Les infirmières, les dentistes et les anatomo-pathologistes sont particulièrement cités41.
27Quelques uns de ces derniers refusent de pratiquer des autopsies sur des personnes supposées être infectées par le VIH. C’est donc l’institution de la santé qui montre des signes de faiblesse par rapport au sida. Mais elle n’est pas la seule puisque l’institution de l’ordre et de la justice a failli à sa mission. Ainsi certains policiers refusent d’accompagner des personnes avec le sida dans le box des accusés au moment de leur jugement, quant aux policiers des prisons ils constituent une catégorie à part, confrontée à deux groupes à risque, les homosexuels et les toxicomanes42. Le sida est aussi le sujet de questionnement pour l’Eglise, qui se demande si la maladie peut se transmettre par le calice, qui, dans l’Église anglicane, constitue une partie de l’eucharistie. Enfin le sida est un sujet de préoccupation pour l’institution scolaire. Face à la maladie les valeurs essentielles d’intégration et d’égalitarisme de l’école cèdent. Des enfants hémophiles sont exclus du fait de leur sérologie43.
28D’octobre 1985 à octobre 1986, pratiquement un article sur deux est alarmiste. On comprend qu’il y ait eu nécessité de clarifier ce débat d’idées qui pouvait, en termes strictement sanitaires, se révéler dangereuses. Il fallait abattre les mythes. La campagne du gouvernement de 1986-1987 prend en charge cet objectif, en même temps qu’elle vise à limiter l’extension de l’infection.
Les campagnes de prévention
29Lors de son apparition, le sida n’était a priori pas le sujet de prédilection d’un gouvernement, de quelque tendance politique que ce soit. Il est souligné toutefois que le gouvernement conservateur eut des difficultés particulières à aborder le sujet44.
30La question était de savoir quel ministère allait endosser la responsabilité de la campagne, dans quels termes il conviendrait de formuler celle-ci, jusqu’où il fallait être explicite, etc45. Il revient à Norman Fowler d’avoir donné son accord à la campagne, mais c’est l’administration, en particulier le Chief Medical Officer Sir Donald Acheson, et non le pouvoir politique, qui prendra la responsabilité de la première campagne46. Techniquement, les publicités, qui seront destinées à ceux qui pourraient être infectés, et non à ceux qui l’étaient déjà, seraient réalisées par des spécialistes de la publicité, l’agence TBWA. A aucun moment des médecins, des patients ou des militants ne seraient associés au projet47.
Publicités dans la presse écrite, affiches, dépliant : l’essentiel du message
31Plusieurs campagnes de publicité dans la presse ont été menées par le gouvernement.
32La première campagne s’est déroulée de mars à juillet 1986 et, du fait de la faiblesse des moyens financiers utilisés, n’a pas eu d’impact réel48. Il faut retenir de cette campagne que les publicités proposées étaient signées par le Chief Medical Officer. Ce n’est donc pas le pouvoir politique qui a pris en charge la campagne, ce qui peut expliquer la réserve dont les publicités font preuve. Ainsi le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, dans les auditions par la Chambre qui ont suivi les campagnes, explique que la première campagne (mais aussi les suivantes) avait deux objectifs, « outre le fait de rappeler les moyens par lesquels le virus ne se transmettait pas »49. Il s’agissait d’expliquer que « plus une personne a de partenaires sexuels, plus le risque d’infection est élevé. Donc on doit rester fidèle à un partenaire, mais si cela n’est pas possible, on doit utiliser un préservatif, qui réduit, même s’il n’enlève pas complètement le risque d’infection ». Deuxièmement il était important « de ne pas utiliser de drogues qui s’injectent, mais que si l’on ne pouvait pas s’arrêter, on ne devait pas partager la seringue ».
33La deuxième campagne de publicité (novembre et décembre 1986) est réalisée comme la précédente par l’agence de publicité TBWA, mais l’équipe a été modifiée pour inclure Sami Harari, un publicitaire qui avait déjà travaillé avec Norman Fowler sur la campagne contre l’héroïne en 1985. L’objectif était de reprendre les messages précédents, en les rendant plus lisibles. Le slogan principal de cette campagne, qui sera repris à la télévision et dans le dépliant, est : « Ne pas mourir d’ignorance »50. Sur le plan des valeurs la campagne rectifie un certain nombre d’idées préconçues avec des slogans comme « Le sida n’a pas de préjugés », « Des mythes », « Plus vous croirez longtemps que le sida n’infecte que les autres, plus vite il se répandra »51. Enfin il s’agissait de susciter une prise de conscience par une présentation plus claire et concise, utilisant de grands caractères d’imprimerie et éventuellement un slogan comme « Le sida. Quelles proportions doit-il prendre pour que vous vous en souciez ? »52.
34À côté de ces campagnes de presse, des affiches ont également été créées, sur des slogans identiques. Le message de prévention était limité à « Homosexuel ou non, homme ou femme, chacun peut attraper le sida par un rapport sexuel. Plus vous avez de partenaires, plus il y a de risques. Protégez-vous, utilisez un préservatif »53. Parfois les quiproquos montrent la situation de décalage de la campagne et la difficulté également de promouvoir un tel message. Ainsi en décembre 1986 à Londres une des affiches de la campagne a été collée côte à côte avec une publicité pour une vodka, représentant un couple très proche, avec le slogan « juste de bons amis »54.
35Enfin, la dernière publicité papier proposée est un dépliant de format A4, plié en trois. Il s’intitule également « Ne pas mourir d’ignorance » et il constitue la source d’information la plus importante donnée par le gouvernement. En effet toutes les autres publicités, y compris télévisuelles, y font référence. De plus il fut distribué par la poste à tous les foyers britanniques. Le British Market Research Bureau, dans son évaluation de la campagne, montre qu’en février 1987, 69 % des personnes interrogées ont vu ou lu ce dépliant, ce qui le place en première position comme source d’information sur le sida55. L’information contenue reprenait celle des publicités, mais était plus explicite. Ainsi le cœur du dépliant allait même jusqu’à informer que, parce que le virus peut être présent dans le sperme et les sécrétions vaginales, pour la plupart des gens le principal danger provient d’un rapport sexuel avec une personne infectée. Ce qui veut dire sexe vaginal ou anal. (Il est également possible que le sexe oral puisse être risqué surtout si le sperme est pris dans la bouche)56.
36Il s’agit là de l’information la plus explicite donnée par le gouvernement sur le sida. On pouvait donc s’attendre à des images télévisuelles, elles aussi explicites.
Publicités télévisuelles : une occasion perdue
37Deux publicités réalisées par TBWA, en accord avec le gouvernement, ont été réalisées. La première utilise le thème de l’iceberg, dont l’objectif est de montrer que le nombre de personnes avec le VIH est bien plus important que le nombre de personnes avec le sida. Toutefois cette information ne figure pas en voix off de la publicité, on ne peut que la deviner à travers la métaphore de l’iceberg, et on entend seulement une invitation à la lecture du dépliant déjà cité57.
38L’autre publicité montre un volcan en éruption. Sur ce volcan un homme travaille avec un marteau piqueur et grave dans la lave refroidie le mot « sida ». Cet endroit de la lave devient dans l’image suivante une pierre tombale, sur laquelle des lilas tombent, aux côtés du dépliant du gouvernement. Cette publicité utilise, bien plus que l’autre, des métaphores de la sexualité à travers le volcan en éruption et le marteau piqueur, même si cela est loin d’être explicite comme on pourrait s’y attendre dans une campagne contre une maladie sexuellement transmissible. Comme le remarque Kaye Wellings, « dans les deux cas, les mondes physique et naturel ont été sollicités comme métaphores du monde social, suggérant la perturbation de ce monde comparable à des catastrophes naturelles »58. Ceci tend à placer la publicité télévisuelle en décalage avec le dépliant auquel elle renvoie. En effet on a là une publicité qui ne donne aucune source d’information en tant que telle et qui de plus promeut l’image d’un monde en rupture et en dislocation, message dont le point de vue moral est implicite.
39Nombreux sont ceux qui s’attaquent cyniquement à l’hermétisme de ces messages provoquant des interrogations : ainsi une mère s’interroge sur les effets bénéfiques que la campagne peut avoir sur sa fille de 5 ans. Celle-ci est soudainement fascinée par le sujet des volcans, et sans doute prochainement par celui des icebergs59. La même incompréhension se retrouve chez les adultes60.
Aids Week : la mobilisation des chaînes de télévision britannique
40 Aids Week (la semaine sur le sida) consiste en une série de 26 programmes diffusés sur les 4 chaînes de la télévision britannique du 27 février au 8 mars 1987. Cela débuta avec un programme diffusé simultanément sur BBC1 et BBC2 ainsi que par une émission à laquelle le public pouvait participer sur ITV et le lendemain sur Channel Four61. Le message reprenait le message de la campagne concernant en particulier le port du préservatif62. Ces programmes doivent être distingués des publicités du gouvernement dans la mesure où ils ont été supervisés non par le gouvernement lui-même mais par les chaînes de télévision. En dépit de leur très grande variété, on peut voir toutefois à travers l’exemple de l’un des programmes le décalage existant avec la campagne du gouvernement. Il s’agit du documentaire Aids brief (le sida en bref)63.
41Les 5 épisodes de ce documentaire furent diffusés par Channel Four à 23 heures et duraient entre 5 et 10 minutes64. Ces épisodes reposaient sur un format fixe.
42Chaque épisode était introduit par la chanson des Beatles, « All you need is love », pendant laquelle le téléspectateur était invité à regarder une série de photographies des années 1960 et 1970, représentant des stars comme Marilyn Monroe, James Dean, Elvis Presley, mais aussi des anonymes, toujours jeunes et souvent en couples. Ces photos étaient collées sur un parchemin, elles étaient défraîchies, comme s’il s’agissait de les inscrire dans une époque révolue. Ainsi était représentée la rupture morale avec la société permissive des années antérieures, d’ailleurs exécutée brutalement sur l’écran par la déchirure du parchemin en son milieu.
43Le documentaire cherchait à informer sur le sida, mais il le faisait de manière imagée. Ainsi l’essentiel des images proposées représentait une pomme rouge aux côtés de laquelle des statistiques ou des mots clés étaient écrits. Cette pomme rouge représentait la personne humaine menacée par le virus. La pomme était parfois piquée par une seringue quand la voix off féminine évoquait le test de dépistage sanguin, ou bien encore fripée quand elle évoquait une personne malade. Au-delà elle symbolisait l’amour sous l’angle de la tentation et du péché (par le biais de la référence à Adam et Eve). Elle rappelait aussi la couleur du sang, tandis que, pour des raisons de contraste visuel, le VIH était représenté en vert. Il s’agit donc bien là aussi d’un symbole moral fort, même si les informations juxtaposées étaient neutres puisque essentiellement statistiques.
44Enfin le dernier recours imagé du documentaire représentait le VIH, dans un cadre indépendant de celui de la pomme, sous forme de pantomime. Un homme vêtu de rouge et portant la lettre « A » sur son torse (la première lettre du mot sida en anglais), ainsi qu’un masque, mimait le VIH. On le voyait ainsi s’étouffer sous un préservatif géant, se noyer dans une piscine et dans une machine à laver, s’écrouler sous l’influence de la chaleur, etc. On voyait également le mime jouer avec un jackpot. Là aussi il s’agit d’un symbole fort, faisant référence au rapport sexuel non protégé qui, à l’ère du sida, est une forme de jackpot.
45Les pictogrammes du jackpot représentaient la lettre « A », la pomme rouge, un préservatif et un dollar. Au cours des épisodes tout un jeu sur les combinaisons de ces pictogrammes se faisait. Ainsi le jackpot était gagné quand trois préservatifs s’affichaient. On pouvait truquer la machine en bloquant la manette de jeu avec un préservatif.
46Ce documentaire, qui n’était pas diffusé aux heures de grande écoute, n’était pas explicite, du moins dans son contenu visuel. Il était en revanche assez moral, du fait de l’évocation de la nécessaire rupture avec les années 1960 et 1970 et de la représentation de la sexualité qu’il projetait. Il était en cela très différent en tonalité de la campagne du gouvernement, celle-ci évitant en effet l’écueil du point de vue moralisateur.
Une campagne qui se distingue du lobby moralisateur
47Si on réfléchit sur les moyens que le gouvernement avait de réagir, on est en effet surpris par une campagne peu conservatrice, notamment en comparaison de ce que les groupes de la Nouvelle Droite auraient souhaité. Le virus se transmet par voie sanguine, à travers la transfusion, l'injection de drogue, et le sexe. Pour limiter le niveau de l’infection il fallait parvenir à modifier cela. La morale devait inévitablement intervenir à ce stade. Le message du gouvernement a été de dire que l'injection de drogue était moins à risque si les seringues n'étaient pas réutilisées, que les rapports sexuels étaient rendus plus sûrs par l'usage de préservatifs, et non, comme le voulaient les partisans de la morale que l'usage de drogue, que l'homosexualité et que l'hétérosexualité en dehors du mariage étaient moralement condamnables et qu'on ne pouvait pas accepter de les rendre seulement moins à risque65. Or ceci s’est présenté sous la forme d’un dilemme, ce que rappelle Peter Jenkins en novembre 1986, en montrant que, notamment en ce qui concerne la toxicomanie, il risquait d’y avoir contradiction entre la politique antérieure du gouvernement – qui avait rendu l’héroïne illégale et avait dénoncé vigoureusement la toxicomanie – et l’idée de fournir légalement des seringues propres66.
48Ainsi la Conservative Family Campaign, qui s'était beaucoup investie sur la question de l'enseignement de l'homosexualité à l'école, se prononça en novembre 1986 pour que les cas de sida soient tous identifiés via un test de dépistage national. Ils voulaient également que les actes homosexuels entre hommes soient à nouveau interdits, que les préservatifs ne soient pas en vente libre et gratuite, ni que des seringues soient mises à la disposition des toxicomanes. Pour tous les membres d'organisations de moralisation, le sida de manière générale était perçu comme le symptôme de la permissivité sexuelle, ce que reprennent d'ailleurs à leur compte les dirigeants des lieux de culte juifs et catholiques67. Tout ceci explique que les partisans de la morale aient reproché à la campagne du gouvernement de ne pas suffisamment rappeler l’importance de l’abstinence, du mariage, et de la fidélité68.
49Ainsi, la campagne a été l’objet d’un rappel d’un certain nombre de valeurs que l’on peut qualifier de traditionnelles - monogamie, fidélité, condamnation des pratiques déviantes. Mais en même temps, pour des raisons de pragmatisme médical la campagne a fait la place à un discours plus libéral. Le discours répressif sur la drogue est abandonné, au point même que la politique publique essentielle de lutte contre le VIH a été la mise en place, dès décembre 1986 d’un programme d’échange de seringues, particulièrement développé en Écosse. De même le gouvernement autorise la publicité pour les préservatifs, élément essentiel de la prévention du sida.
La presse pendant et après la campagne du gouvernement : le relais des valeurs ?
50L’analyse de contenu réalisée montre très clairement que la couverture de la presse sur le sida a été largement influencée par la campagne du gouvernement. En effet on s’aperçoit que le nombre d’articles est très exactement corrélé aux temps forts de la campagne, à savoir novembre et décembre 1986. Durant ces 2 mois on a en moyenne un article par jour sur le sida publié dans le Times ou le Guardian.
51Il n’est pas certain toutefois que la presse étudiée (Times, Guardian, Daily Mail, Daily Express) se soit faite le relais direct du gouvernement, notamment dans sa modération à l’égard de valeurs défendues par le lobby moral. Ainsi le Times reproche au gouvernement de contribuer à l’augmentation de la promiscuité sexuelle en promouvant le message de rapports sexuels protégés (safe sex), cela parce qu’il n’a pas le courage de mener une campagne que le journal appelle de ses vœux, à savoir une campagne de dépistage national et obligatoire69. Les éditoriaux suivants sont de la même veine, reprochant au gouvernement de ne pas avoir adopté un point de vue moral plus présent et plus décisif. Le Daily Express, quant à lui, soutient James Anderton dans sa tirade morale contre les homosexuels, insistant sur le fait que le sida est à la fois un problème médical et moral70. Une attitude identique, même si légèrement plus tempérée est perceptible dans le Daily Mail. Seul le Guardian se distingue, précisant que « le gouvernement a entrepris une campagne qui pour son plus grand mérite est pragmatique et non moralisatrice »71.
52Dans un autre éditorial le journal loue « le jugement raisonnable dont le gouvernement a fait preuve dans le ton de la campagne »72.
53L’attitude ainsi décrite des quatre journaux étudiés permet d’expliquer l’attitude du public anglais. En effet celui-ci semble reprocher au gouvernement de ne pas avoir suffisamment rappelé la nécessité de la fidélité, de la monogamie, etc. Une enquête réalisée par British Social Attitudes sur 1281 personnes au lendemain de la campagne montre que 66 % des personnes interrogées auraient préféré que la campagne condamne certaines pratiques sexuelles comme immorales72. 29 % croient que le sida est une façon de punir le monde pour le déclin de ses normes morales73.
Conclusion
54On a pu voir que le sida avait suscité un débat moral intense antérieur à l’intervention du gouvernement. En effet il semble que les années 1981-1986 aient été marquées par une absence de toute forme d’autorité. Autorité politique, qui n’intervient qu’en 1986, autorité médicale du fait des incertitudes scientifiques sur le virus persistantes jusqu’à la fin de la décennie, autorité religieuse, en décalage avec la société.
55L’intervention du gouvernement était d’autant plus difficile qu’elle était tardive et très attendue. Par ailleurs la position politique du gouvernement Thatcher n’est pas sans avoir été un obstacle. En effet, il convenait d’éviter de devenir, sur un sujet de santé publique aussi important, l’otage du lobby moral, tout en se ménageant un électorat conservateur sensible aux questions de sexualité. Ceci fut fait grâce à l’intervention de l’administration dans la campagne. L’éminence grise de cette campagne est bien le Chief Medical Officer, Sir Donald Acheson, qui a réussi à imposer un nouveau langage politique en matière de sida, et plus largement de sexualité et même de toxicomanie, un langage qui condamne la pratique mais qui laisse place à une rationalité médicale nécessaire74. Au-delà, la campagne réalise un compromis difficile de valeurs, entre les valeurs anciennes de la monogamie et les nouvelles valeurs, symbolisées par la promotion du préservatif.
Bibliographie
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BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
L’ensemble des articles du Daily Mail, Daily Express, Guardian et Times (éditoriaux et rubriques d’opinion essentiellement, mais aussi les articles courts de politique nationale des premières pages) a été utilisé pour l’analyse de contenu. Ceci représente un total de 748 articles pour la période octobre 1985 à mars 1987, dont les principaux ont été cités.
L’ensemble des éléments de la campagne de prévention du gouvernement (mars 1986 à mars 1987) a également été cité. Il recouvre dix annonces publicitaires, un dépliant d’information, et deux publicités télévisuelles.
10.1093/acprof:oso/9780198204725.001.0001 :BERRIDGE Virginia, Aids in the UK. The Making of a Policy, 1981-1994, Oxford, Oxford University Press, 1996, 389 p.
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WATNEY Simon, Policing Desire, Pornography, Aids and the Media, London, Cassell, 3e ed., 1997, 172 p.
WELLINGS Kaye, FIELD Becky, Stopping AIDS, AIDS/HIV Public Education and the Mass Media in Europe, New York, Longman, 1996, 263 p.
Notes de bas de page
1 Dans un entretien avec Simon Watney, celui-ci a émis l’hypothèse que la guerre contre le sida ait pu être une guerre civile : « There was never an idea of the nation united against in a just fight against an adversary. There was never that sense because the nation was divided against itself. People without HIV were divided against people with HIV. That was the war. So it was a civil war [...] rather than a just war ».
2 On reprendra à ce titre l’analyse de contenu réalisée par nos soins en 2000, portant sur 4 quotidiens, le Times, le Guardian, le Daily Mail, et le Daily Express, sur la période 1985-1987. En ce qui concerne la télévision, on étudiera les programmes diffusés spécialement dans le cadre de la AIDS Week en février 1987. Bénédicte Robert, The British media and the Government Public Education Campaigns, 1985-1987, mémoire de maîtrise sous la direction de Monica Chariot, Université de la Sorbonne Nouvelle, juin 2000, 126 p.
3 En Grande-Bretagne les premiers cas de sida recensés par le Public Health Laboratory Service qui est l’institut de veille sanitaire anglais datent de 1982. Aux États-Unis les premiers cas sont observés en 1981. Ceux que l’on nomme les « groupes à risque » sont constitués en Angleterre par les homosexuels (plus de 80 % des cas de transmission jusqu’en 1988), les toxicomanes, en particulier en Ecosse, et les hémophiles. La transmission hétérosexuelle ne commence à devenir importante que dans la décennie 1990 (de l’ordre de 30 % en 1998).
4 Martin Durham, Sex and Politics, The Family and Morality in the Thatcher years, London, Macmillan, 1991, pp 5-15. L’auteur décrit la genèse des groupes de pression défendant la moralité depuis les années 1950 et leur évolution jusqu’à la fin des années 1970, pour ensuite montrer dans quelle mesure les intérêts du gouvernement conservateur s’en différencient: « At [the core of Thatcherism] was a commitment to the rolling back of the state’s economic responsibilities, the taming of the unions and the development of an “enterprise culture”, a focus which shaded into the much more difficult and longterm objective of reducing State responsibility for welfare and encouraging private provision. Thatcherism also had ambitions of a more global character concerning Britain’s role as a major power. But where the family and sexual morality figured within its concerns is far more contentious », p. 14.
5 It’s a plague and a revelation », Daily Mail, 13 décembre 1986: « We can all of us see with fearful clarity what a hell on earth the prophets of promiscuity have fashioned »; « Advertising against Aids », Daily Mail, 22 novembre 1986: « [Aids] is a 20th century plague that thrives on the decadence of gays, on the promiscuous itch of the heteros and on the squalor of druggies ».
6 Simon Watney, Policing Desire, Pornography, Aids and the Media, London, Cassell, 3rd ed., 1997, p. 65.
7 Norman Fowler est Secretary of State for Health and Social Securityde septembre 1981 à juin 1987. De septembre 1985 à juillet 1988, période couvrant la campagne du gouvernement, deux ministres de la santé se succèdent, Bernard Hayhoe, puis A. Newton.
8 David Miller, Jenny Kitzinger, et al., The Circuit of Mass Communication ; Media Strategies, Representation and Audience Reception in the Aids Crisis, London, SAGE publications, 1998, 248 p. Dans cet ouvrage, les auteurs ont mené une série d’entretiens avec des hauts fonctionnaires et des hommes politiques. Dans un entretien avec un responsable du ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, celui-ci aurait dit en parlant du ministre catholique : « He was unable to pronounce vagina. It was just very very difficult. You've no idea what a problem it is to talk to someone who is a practising Catholic and who doesn't believe in sex anyway ».
9 Michel Setbon, Analyse des processus décisionnels en santé publique dans la lutte contre l’épidémie du sida, thèse de doctorat, IEPP, 1992, pp. 160-162.
10 « Hailsham ponders meaning of sex », Times, 10 juillet 1986, p. 1. Dans une lettre à William Whitelaw, adjoint du Premier Ministre, il aurait écrit: « I am convinced there must be some limit to vulgarity! Could they not use literate « sexual intercourse »? If that is thought to be too narrow, then why not « sexual relations » or « physical practices, but not « sex » or, worse, « having sex! ».
11 Andrew Veitch, « Aids plea by gay GPs », Guardian, 3 octobre 1985, p2.Voir aussi: J. Illman, « Cairo quiz patients over sex life, doctors told », Daily Mail, 16 octobre 1985, pl8.Th. Prentice, « GPs should question patients on sex, Aids specialist says », Times, 16 octobre 1985, p. 3.
12 Peter Jenkins, « Unappetizing reality of Aids », Sunday Times, 9 novembre 1986, p. 26.
13 Dowd M., « Teachers to give warning on Aids », Times, 7 août 1986, p. 3. Rodwell L., « Can Aids be kids’stuff », Times, 16 février 1987, p. 11.
14 Cette approche est particulièrement dominante de 1981 à 1985, avec des phases aiguës comme par exemple au moment de la mort de l’acteur américain Rock Hudson en octobre 1985. Virginia Berridge, Aids in the UK. The Making of a Policy, 1981-1994, Oxford, Oxford University Press, 1996, p. 62.
15 Comme le dit Simon Watney dans un entretien, « In a sense to get HIV was to become queer ». La relation de réciprocité ainsi décrite est sans doute plus complexe que cela car elle tend à impliquer un rejet par les homosexuels du corps médical. En effet le sida nécessite la reconnaissance, difficile de la part des homosexuels, que l’homosexualité va à nouveau être le centre de l’attention, du débat et de la politique médicales. Sous la menace de la maladie et de la mort la communauté homosexuelle se trouve à nouveau en contact étroit avec le pouvoir de la médecine. Mais, comme l’écrit Ronald Bayer, la communauté homosexuelle se trouve « entre le spectre et la promesse de la médecine » (between the specter and the promise of medicine). Cela impliquerait également que les comportements les plus intimes des homosexuels soient scrutés par les médecins, et aussi la presse. Voir Ronald Bayer, « AIDS and the gay community: between the specter and the promise of medicine », Social Research, New York, New School for Social Research, vol 52, no 3, automne 1985, p 592.
16 G. Gordon, « Rock Hudson: the last deception », Daily Mail, 5 octobre 1985, p. 3.
17 Voir l’analyse de Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986, 210 p.
« la naissance du mythe politique se situe dans l’instant où le traumatisme social se mue en traumatisme psychique (...) Ainsi seulement peut-on comprendre le caractère essentiel de la première (...) fonction remplie par l’activité mythique et qui est une fonction de restructuration mentale. (...) L’obscur chaos des évènements se retrouve soumis à la vision d’un cadre immanent. L’inconnu menaçant d’un univers social éclaté peut être de nouveau maîtrisé et dominé », pp. 180-181.
18 Daily Mail, 27 novembre 1985: « A teacher has left his job at a huge comprehensive school after disclosing that he is a carrier of AIDS [...] The problem arose a week after the start of the autumn term but was kept secret front parents and pupils [...] Pupils and parents said they were totally unaware of the teacher's problem until the news leaked out ».
19 B. Bamigboye, P.McKay, « The last days of Rock Hudson, “he died a living skeleton - and so ashamed” How Hollywood created a legend and Hudson lived a lie; Why Rock turned into a ladies man », Daily Mail, 3 octobre 1985, p. 1.
20 Voir supra sur la distinction entre victimes innocentes et victimes coupables.
21 Entretien avec Simon Watney.
22 Roger Jowell, Lindsay Brook (dir.), British Social Attitudes, the 3rd report, Aldershot, Dartmouth, 1986.
23 Le sarcome de Kaposi est une forme rare de cancer favorisée par l’immuno-déficience liée à l’infection à VIH. Il est, avec la Pneumonie à Pneumocystiis Carinii, la principale maladie dont meurent les personnes au stade sida. Or les homosexuels américains, à partir desquels toute l’épidémiologie a été construite, ont été particulièrement atteints par le sarcome de Kaposi. D’où l’idée qu’il puisse y avoir un « cancer gay ». Le terme de SIDA, Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise, (en anglais AIDS), est, lui, une création des CDC (Institut de veille épidémiologique américain) datant de septembre 1982 pour décrire l’ensemble des cas cliniques d’immuno-déficience à forte mortalité observés. La découverte du VIH, Virus de l’Immunodéficience Humaine, en 1984, a conduit à une précision du terme : le sida est le dernier stade de l’infection à VIH.
24 « the great London smog ».
25 The Clean Air Act
26 Smoking and Health par le Royal College of Physicians
27 Virginia Berridge, Health and Society in Britain since 1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 50.
28 « victim » et « carrier »
29 Les 2 titres suivant sont à cet égard évocateurs: « Teacher leaves after saysay-ing: I'm AIDS carrier », Daily Mail, 27 novembre 1985, p. 2; « Fear of policemen bitten by AIDS victim », Daily Mail, 6 février 1986, p. 2.
30 A. Young, « If a husband catches AIDS then his doctor should tell the wife, says MP », Daily Mail,1er octobre 1985, p. 5; Evans R., « Tell wives of Aids victims ex-minister urges doctors », Times, 1er octobre 1985, p. 3; J. Illman, « When wives should be told truth about AIDS », Daily Mail, 12 mai 1986, p. 13; A. Chadwick, « AIDS tragedy of husband's affair », Daily Mail, 23 octobre 1986, p. 2.
31 J. Illman, « Shame of husband in AIDS scare », Daily Mail, 13 décembre 1985, p. 15.
32 G. Gordon, « “Isolate Aids victims” call », Daily Mail, 2 octobre 1985, p. 10.
33 Th. Prentice, « Aids virus man-made for warfare, doctor says », Times, 20 décembre 1985, p. 3.
34 J. Illman, « AIDS: A GOOD SAMARITAN VICTIM », Daily Mail, 30 octobre 1985, p. 1.
35 I. Smith, « Anderton crusade against Aids », Times, 12 décembre 1986, p.l.
36 B. Bamigboye, P. McKay, « The last days of Rock Hudson », Daily Mail, 3 octobre 1985, p. 1: « At first only they [homosexuals] were its victims [...] The disease, which was introduced to the country [US] by "gay" men, was spread through sexual contact between homosexuals », ou l’article de). Naughtie, « Minister blames gays for spread of Aids », Guardian, 5 septembre 1986, p. 2. Il s’agit de M. McKay, ministre de la Santé écossais.
37 Aids is a « holy judgement on a human cesspit swirling in sin », voir les artiarticles: I.Smith, « Anderton crusade against Aids », Times, 12 décembre 1986, p.l; T. Sharatt, « Anderton says he spoke from the heart », Guardian, 20 décembre 1986, p. 26.
38 « Cops and prophets », Times, 20 janvier 1987.
39 PHLS AIDS and STD centre, AIDS/HIV Quarterly Surveillance Tables No 44, 1999, Tableau 12, non publié.
40 House of Commons, Social Services Committee, Third report; ii. Minutes of Evidence (4 February to 25 March 198), p 103.
41 À titre d’exemple, on peut citer : Th. Prentice, « Aids patients are being shunned by frightened doctors, expert daims », Times, 24 janvier 1986, p. 3; « Doctors accused of Aids fears », Guardian, 5 décembre 1985, p. 3; « Wear gloves and goggles, AIDS expert tells hospital staff at risk », Daily Express, 14 mars 1986, p. 4.
42 « Aids scare in court », Times, 9 novembre 1985, p3; « AIDS SCARE GRIPS COURT AS VICTIM APPEARS IN DOCK », Daily Express, 9 novembre 1985, p. 7.
43 « Primary pupil is an AIDS carrier », Daily Express, 19 février 1986, p. 2.
44 Peter Jenkins, « Unappetizing reality of Aids », Sunday Times, 9 novembre 1986, p. 26. Le journaliste explique que « The buck was being passed round Whitehall like a hot potato », et il précise aussi que Mme Thatcher trouvait le sujet « exceedingly distasteful ».
45 En particulier pour désigner le terme de préservatif devait-on utiliser « sheath », « rubher » ou « condom » ?
46 David Miller, et al., op. cit.
47 Simon Watney remarque: « The government went ahead with a campaign which was produced entirely by doctors and by advertising agencies who had no expérience at all of health promotion or sex education and any other area of social life, least of all, in relation to Aids. (...) The advertising agencies were thought to be neutral, they knew how to market, and this was a marketing challenge and in the kind of miraculous born-again marketing world of the 80s and the 90s, marketing people and PR people are going to be thought to be the right professionals to do that work ».
48 Les publicités occupaient une page entière de journal et s’intitulaient : « AIDS. How TO KEEP YOURSELF SAFE »; « ARE YOU AT RISK FROM AIDS? »; « WHAT KIND OF PEOPLE GET AIDS? THE KIND THAT DON’T KNOW THE FACTS. »; « A CURE FOR AIDS WILL TAKE YEARS OF RESEARCH. SIMPLE PRECAUTIONS COULD STOP IT SPREADING NOW. »
49 House of Commons, Social Services Committee, Third report, Problems associated with Aids. i. Report, together with Proceedings of the Committee, p. 11: « Besides stressing the ways in which AIDS is not spread, the basic messages, from the start of the campaign, have been, firstly, that the more sexual partners a person has, the higher the risk of infection. So people should stick to one faithful partner, and if that is not possible, they should use a condom as this reduces (though does not totally remove) the risk of infection. Secondly, it is important not to abuse drugs by injection, but if people cannot stop doing so, they should not share equipment ».
50 DON’T DIE OF IGNORANCE
51 « AIDS IS NOT PREJUDICED », « MYTH ». « THE LONGER YOU BELIEVE AIDS ONLY INFECTS OTHERS, THE FASTER IT’LL SPREAD »
52 « AIDS. HOWBIG DOES IT HAVE TO GET BEFORE YOU TAKE NOTICE? »
53 « GAY OR STRAIGHT, MALE OR FEMALE, ANYONE CAN GET AIDS FROM SEXUAL INTERCOURSE. SO THE MORE PARTNERS, THE GREATER THE RISK. PROTECT YOURSELF, USE A CONDOM ».
54 « Clashes of image as anti-Aids poster campaign gets under way », Times, 10 décembre 1986, p. 5. L’article montre en photographie les deux affiches sous-titrées ainsi: « A huge anti-Aids poster in Blackfriars Road, Southwark, south London, provides a contrast of messages for a passing mother. The anti-Aids poster urges all sexually active people to protect themselves by using condoms ».
55 BMRB, for the DHSS and Welsh Office, Aids: Monitoring the Response to the Public Education Campaign, February 1986-1987: Report on Four Surveys During the First Year of Advertising, London, HMSO, 1987, 110p.
56 « Because the virus can be present in semen and vaginal fluid, this means for most people the only real danger comes through having sexual intercourse with an infected person. This means vaginal or anal sex. (It could also be that oral sex can be risky particularly if semen is taken into the mouth) ».
57 « There is now a danger which has become a threat to us all. It is a deadly disease and there is no known cure. The virus can be passed during sexual intercourse with an infected person. Anyone can get it, man or woman. So far it’s been confined to small groups. But it’s spreading. So protect yourself and read this leaflet when it arrives. If you ignore AIDS it could be the death of you. So dont die of ignorance ».
58 Kaye Wellings, Becky Field, Stopping AIDS, AIDS/HIV Public Education and the Mass Media in Europe, New York, Longman Publishing, 1996, p. 54.
59 L. Rodwell, « Can Aids be kids’stuff? », Times, 16 février 1987, p. 11.
60 Simon Watney dit ainsi: « it drew attention to the issue rather like flares going up on the Somme in 1918. You would see something, you didn’t really know what it was you were looking at. You could see a profile against great flares of light in the background, but what was this strange shape lumbering towards you? It wasn’t clear or was it actually lumbering past you? And ignore you all together! (...) In the end it had much more beat than light. »
Les publicités évoquées étaient destinées au grand public. Des publicités à l’usage des jeunes ont également été créées et publiées dans les magazines pour jeunes. Leur titre sont évocateurs: You know what’s in his mind. But how can you tell what’s in his blood?, novembre 1986, 1 p..;Your next sexual partner could be that very special person. The one that gives you aids, novembre 1986, 1 p.; Don't inject aids, novembre 1986, 1 p.; Aids. How many people will get it for Christmas?, novembre 1986, 1 p.; How gay do you have to be to catch aids?, novembre 1986, 1 p.; How to stop yourself dying for sex. novembre 1986, lp.; Now it can cause death as well as life. novembre 1986, lp.; At least rock’n roll can’tgive you Aids, novembre 1986, l p.; How strong is your survival instinct? novembre 1986,1 p.; The Aids virus can live on a dirty needle. Don’t give it a new home, novembre 1986, lp.; Now you know what a typical aids carrier looks like. novembre 1986, 1 p.
61 Il s’agit des programmes First Aids, ITV, 27 février 1987, et Aids-The Facts, BBC, 27 Feb 1987.
62 David Miller, et al., op.cit., p. 96.
63 Un autre documentaire sous la forme d’une série s’intitulait « Aids help ! », et fut diffusé par ITV. Diverse Reports a fait une émission spéciale sur la campagne du gouvernement montrant les alternatives publicitaires existant, notamment à l’étranger (« Aids/advertising », Diverse reports, C4, 4 mars 1987, 27 min).
64 Les 5 parties du documentaires s’intitulaient: « Just how frightened », « The spread of Aids », « Catching Aids », « Avoiding Aids », « An end to Aids ».
65 Martin Durham, op.cit., p. 124.
66 Peter Jenkins, « Unappetizing reality of Aids », Sunday Times, 9 novembre 1986, p. 26.
67 C. Longley, « Schism over the scourge », Times, 23 décembre 1986, p. 12; I. Jakobowits, « Only a moral revolution can contain this scourge », Times, 27 décembre 1986, p. 20; E.Norman, « Aids: a task for the churches », Times, 13 octobre 1986, p. 14; Cal B. Hume, « Aids: time for a moral renaissance », Times, 7 janvier 1987, p. 10.
68 « Runcie reservations about Aids campaign », Times, 23 décembre 1986, p. 16.
69 « Taking Aids seriously », Times, 11 novembre 1986.
70 « Words of wisdom », Daily Express, 12 décembre 1986.
71 « Prejudice and the Chief Constable », Guardian, 13 décembre 1986: « The Government has now begun a commendably pragmatic and unmoralising campaign ».
72 Lindsay Brook, « The public response to Aids », in Roger Jowell R., Lindsay Brook L. (dir.), British Social Attitudes, 5e rapport, Aldershot, 1988. Dans le questionnaire la personne interrogée devait dire si elle était tout à fait d’accord, d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, pas d’accord, pas d’accord du tout, ne sait pas, avec la phrase : « Official warnings about Aids should say that some sexual practices are morally wrong ».
73 Le principe était le même avec la phrase: « Aids is a way of punishing the world for its decline in moral standards ».
74 L’intervention de Lady Diana est postérieure à la période étudiée dans cet article. La Princesse de Galles est toutefois un acteur fondamental qui, sans doute plus que la campagne du gouvernement, a contribué à « humaniser » la maladie et ses malades. Ses déplacements dans les hôpitaux, ainsi ses contacts chaleureux avec les malades ont pu jouer un rôle dans la lutte contre la discrimination des personnes avec le sida. Elle a de plus donné son soutien et prêté son nom à des organisations de bienfaisance à l’origine de ventes de charité.
Auteur
Doctorante
Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris ont porté sur les premières campagnes de prévention du sida en Grande-Bretagne, ainsi que sur une comparaison de l’éducation sexuelle en France et aux Etats-Unis.
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