“Immanuel Jakobovits : Grand Rabbin et Lord”
p. 71-90
Texte intégral
1Le 26 juillet 1858, Lionel de Rothschild prête serment devant la Chambre des Communes devenant ainsi le premier Membre du Parlement de confession juive. Son entrée officielle à Westminster est l'aboutissement d'une longue bataille parlementaire, riche en péripéties, qui débute en 1830, lorsque les Communes rejettent le premier projet de loi en faveur de l'Emancipation des juifs. A la suite de la réforme du droit de vote (Reform Bill) en 1832, si les représentants du Parlement "réformé" acceptent de supprimer On the true faith of a Christian du serment qui accompagne toute charge publique, les Lords, pour leur part, s'opposent systématiquement à tout changement législatif1. La communauté juive inaugure alors une nouvelle stratégie car aucun texte n'interdit à un juif de se présenter aux élections générales. Régulièrement élu par la City de Londres de 1847 à 1856, Lionel de Rothschild, puis David Salomon - pour la circonscription de Greenwich (1851) - se trouvent dans l'incapacité d'assurer leurs fonctions en raison du serment exigé. Cet imbroglio juridique trouve sa solution dans un habile compromis qui permet à chacune des Chambres d'adopter la formulation de son choix. L'entrée d'élus juifs aux Communes, en 18582, symbolise aux yeux du judaïsme anglais l'obtention des droits civiques et politiques, malgré l'opposition réitérée des Lords.
2Dès lors, le processus d'intégration politique qui s'enclenche, bien que lent, est irréversible ; en 1866 une loi modifiant le texte des serments est votée par les deux Chambres3 permettant ainsi à Lord Rothschild (Nathaniel) anobli en juillet 1885, de siéger parmi les Pairs du Royaume. Un siècle plus tard, en juillet 1988, le Grand Rabbin, représentant cultuel de la communauté juive anglaise et des 'Nations du Commonwealth Britannique', Sir Immanuel Jakobovits, se voit conférer une pairie personnelle (Life Peerage) par Sa Majesté la Reine Elisabeth II, sur proposition du premier ministre conservateur, Margaret Thatcher : Lord Jakobovits, Baron de Regent's Park, rejoint alors une quarantaine de ses coreligionnaires - nommés à d'autre titre - à la Chambre Haute.
3'Grand Rabbin et Lord', l'intitulé même de cet article formulé de façon binaire, veut attirer l'attention sur ces deux attributions - l'une relevant du religieux, l'autre du politique - qui, incarnées en un seul homme, créent une situation singulière lourde sinon de conflits, tout au moins d'ambiguïtés. D'autant que, si la première fonction émane de la communauté elle-même, la seconde, à l'initiative de la société d'accueil, pourrait remettre en cause l'institution communautaire, porte-parole traditionnel des juifs anglais dans la vie publique : The Board of Deputies of British Jews - le Conseil Représentatif des Juifs Britanniques. Circonstance unique en Diaspora, le chef spirituel d'une communauté juive siège dans une structure parlementaire nationale. Il participe à des débats, prend part à des votes et légifère en sa qualité de Lord. La singularité de cet état de fait suscite certaines interrogations. Le statut de Grand Rabbin a-t-il été modifié ? Le Board of Deputies s'est-il transformé du point de vue institutionnel ? Lord Immanuel Jakobovits conçoit-il son rôle différemment ? De plus, lors de ses interventions à la Chambre des Lords, est-il perçu comme défendant les idées d'un seul parti tout en s'exprimant au nom de tous ses coreligionnaires, en dépit de la variété de leurs choix politiques ? Quelles pourraient être les conséquences d'une telle interprétation, tant au sein du judaïsme anglais qu’à l'intérieur de la société britannique dans son ensemble ?
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4L'existence d'une communauté juive répond à un impératif religieux - la prière publique ainsi qu’un certain nombre d'autres cérémonies ne pouvant se dérouler sans la présence d'un minimum de dix hommes - et à un besoin de préserver 'une identité juive' découlant d'un fait historique associé à un mode de vie particulier. De plus, l'état de minorité à travers les siècles a rendu nécessaire l’existence de 'solidarités', soit pour défendre les droits des juifs dans le monde, soit sur le plan individuel en application du concept hébraïque de justice : celui qui a le plus, doit donner à celui qui a le moins. Dans cette optique, l'objectif fondamental d'une communauté est de créer des conditions et des services permettant à cette identité de se réaliser pleinement au travers d'un 'vécu juif', tant au niveau personnel qu'associatif. La multiplication d'associations à vocation spécifique requiert néanmoins la constitution d'un ensemble cohérent. Un adhérent pourra ainsi y vivre selon ses valeurs et les transmettre par l'intermédiaire d'un faisceau de conduites sociales, religieuses, morales et politiques.
5Le type d'organisation, de gestion, de représentation retenu varie selon l'époque. Il reflète en général les caractéristiques nationales du pays d'adoption. Cependant, les sanctions n'existant pas, la structure communautaire ne vaut que par le bon vouloir de ses membres, par leur volonté d'en accepter l'autorité. Les juifs anglais, quant à eux, se dotent assez tôt d'institutions dont l'assise est le réseau de synagogues existant. Il s'agit d'une part du Board of Deputies qui assure une représentation politique unique auprès des autorités britanniques, et joue un rôle international dans la défense des communautés en détresse ; et d'autre part, des différents regroupements cultuels, reposant sur des approches diverses du judaïsme, allant des libéraux aux ultra-orthodoxes.
6Né en 17604, le Board ne prend toute son envergure qu'au cours du XIXe siècle. Sa constitution (1836) permet à tout regroupement ou association d'envoyer un élu à condition de se soumettre aux clauses du règlement : le partage des frais de fonctionnement, les modalités de concertation, de représentation et d'élection des représentants pour une période de cinq ans. Cette ouverture permet, parallèlement au développement communautaire, un élargissement de l'éventail des participants. Dès 1886, le judaïsme libéral y siège. Puis c'est le tour de différentes congrégations de province, au fur et à mesure de leur croissance. Enfin viennent s'y joindre des organisations menant des actions dans des domaines spécifiques tels que la jeunesse juive ou les étudiants.
7En 1989, l'assemblée plénière compte près de 420 'Députés' auxquels s'ajoutent les membres honoraires. Elle se réunit tous les mois pour discuter des rapports présentés par les différents comités5 et voter des résolutions consécutives à leurs recommandations. Son domaine d'intervention, très vaste, s'applique à toute question directement liée aux relations avec le pays d'adoption. Le Gouvernement reconnaît son caractère représentatif et fait appel au Président du Board pour avis ou à l'institution elle-même pour veiller à l'application de certaines lois6. Cette infrastructure parlementaire, la disposition géographique des délégués lors des sessions plénières - qui rappelle celle de la Chambre des Communes - ont valu au Board of Deputies le surnom de 'Parlement juif'. Terme exagéré, car il ne dispose d’aucun pouvoir législatif ou coercitif, et ne peut être assimilé à une sorte 'd'État dans l’État'. S'il se considère volontiers comme une courroie de transmission, le Board se refuse à donner des directives de vote, à soutenir une option politique unique, qui engagerait de façon globale tous les membres de la communauté, créant implicitement un 'vote juif'. Seule exception à cette règle, lorsque l'existence même de la communauté est mise en danger par le programme d’un parti ou d'un regroupement. Ainsi la présence de candidats issus de la British Union of Fascists de Mosley aux élections du London County Council en mars 1937 amène le Board of Deputies à mettre les électeurs juifs de l'East End en garde contre leur absentéisme habituel et à donner des consignes de votes, hostiles au fascisme : "Votez contre les antisémites", "Ne votez pas pour les fascistes"7. Ses interventions auprès des différents pays en laveur des israélites persécutés, autre volet de ses activités, sont officialisées, dès 1917, par sa participation à la Conférence de la Paix à Paris, où l'on discute sur le sort des personnes déplacées8.
8Cette brève présentation des activités du Board met en lumière des bases idéologiques, encore d'actualité, malgré les différentes crises internes qui jalonnent le XXe siècle. Si la plupart des conflits portent sur le mode de fonctionnement ou de financement9, la controverse qui éclate en 1971 est plus profonde, car elle a trait à la place des "autorités ecclésiastiques" - en l'occurrence du Grand Rabbin (ashkénaze) et du Haham (le chef spirituel des sépharades) - au sein du Board. En effet lorsque cet organisme informe le Gouvernement ou le Parlement de sa position sur l'abattage rituel, les lois du mariage ou l'éducation, il le fait au nom de la communauté toute entière. Or, tenu selon les termes de sa constitution "de consulter le Grand Rabbin sur tout sujet relevant du culte"10, le Board est accusé de refléter "l'opinion des 'conservateurs' et des 'traditionnalistes', laissant de côté 'libéraux' et 'réformés'"11. D'où la question, non résolue, du pouvoir d’une institution laïque lorsqu'elle s'exprime sur des questions religieuses.
9Si le Board of Deputies peut être assimilé sur l'échiquier communautaire à un organe fédératif, le Grand Rabbinat quant à lui, a pour objectif d'unifier des congrégations sous une même autorité. Sa création, intimement liée à celle de la United Synagogue (1870), est aussi l’aboutissement d’une tradition amorcée au XVIIe siècle, époque à laquelle le rabbin de la Grande Synagogue de Londres, reconnu par tous les ashkénazes, prend le titre de 'rabbin qui préside' (Presiding Rabbi). En 1842 a lieu la première élection à ce poste, celle de Nathan N.Adler, ardent défenseur du projet de 'fusion des lieux de cultes polonais et allemands', présenté en 1866 par Lionel Cohen - financier réputé12. Ce texte, approuvé en 1868 par l'ensemble des congrégations germano-slaves, est soumis à la "Commission des Œuvres de Bienfaisance" en raison de certaines de ses clauses qui traitent de l'action caritative des synagogues. Il est officiellement ratifié par le United Synagogue Act de 1870, où figurent les objectifs de la nouvelle association : parmi les obligations qui lui incombent, celle de "contribuer, conjointement avec les autres institutions juives, au maintien (...) d'un Grand Rabbin et d'autres ministres du culte"13. De plus, la procédure d'élection par un collège électoral composé de représentants de toutes les communautés 'membres', y est stipulée.
10En signant peu de temps après le Deed of Trust ("acte de confiance"), la United Synagogue reconnaît et définit la charge :
...La dite forme de culte et toutes les pratiques religieuses dans les synagogues adhérentes, ainsi que toutes choses concernant l'administration religieuse de la United Synagogue et de ses œuvres de bienfaisance, seront sous la surveillance et le contrôle du Grand Rabbin...14
11Sans aucun pouvoir législatif, le Deed of Trust n'en représente pas moins l’étape initiale vers une centralisation et une uniformisation. La seconde est la parution de The Authorized Daily Prayer Book15, dont la consonance anglicane laisse supposer à tort, qu'il avait reçu l’accord du Parlement. Parallèlement à la prépondérance du Grand Rabbin dans toutes les orientations, un président et deux vice-présidents, chargés de l'administration centrale, assurent la représentation officielle de la United Synagogue. A leurs côtés des trésoriers et des responsables communautaires, laïcs, les lay leaders, assument bénévolement des fonctions religieuses.
12Dès sa création, la United Synagogue fonde son action sur deux préalables qui ne seront jamais remis en cause par ses présidents et Grand Rabbins successifs. Tout d’abord, dans le but de renforcer l’aspect unificateur, toute expression politique est exclue des synagogues. D’autre part, bien que de tendance traditionnelle (orthodox), la United Synagogue prône une intégration à la société d’accueil qui se traduit par une volonté d’anglicisation de ses membres, en particulier des immigrants de la fin du XIXe siècle. Cette approche, souvent contestée, aboutira à la création d’autres regroupements tantôt libéraux, tantôt plus orthodoxes, qui remettront en cause l'autorité du Grand Rabbinat en matière religieuse, occasionnant de nombreux conflits. Leur intensité varie, il est vrai, selon la personnalité des Grands Rabbins ; certains, tels que H. Hertz16, tentent de préserver l’unité et choisissent le compromis, tandis que d’autres n’hésitent pas à être plus intransigeants.
13Si ces dissensions internes font toujours partie du paysage communautaire, elles ne constituent cependant pas un obstacle au développement du Grand Rabbinat qui représente, de plus en plus, la communauté aux yeux des autres confessions et participe à des commissions nationales ou même internationales. La reconnaissance implicite de son rôle de responsable spirituel unique, en dépit des oppositions internes, provient du titre même de Chief Rabbi, souvent interprété comme renvoyant à 'tous' et non à 'la majorité'. De plus, vu de l'extérieur, la pratique religieuses des juifs anglais paraît remarquablement homogène. Enfin l'existence d'un seul porte-parole dans le domaine du culte facilite les relations entre une minorité religieuse et son pays d'adoption, même si la représentativité de la United Synagogue est en déclin. Comme le soulignent Barry A.Kosmin et Caren Levy, elle ne regroupe plus que 70,5 % des hommes membres d'une congrégation17 au cours des années 80.
14Ainsi, dans notre optique, le Board of Deputies et la United Synagogue projettent l'image de deux institutions représentatives de la communauté juive ayant chacune des domaines d'action spécifiques : l'une assume une fonction politique tandis que l'autre s'attache aux questions cultuelles. Dans ce schéma, le Grand Rabbin fait figure de lien entre elles. Ces organisations se définissent comme "apolitiques ou politiques avec un 'p' minuscule"18, dans la mesure où, non affiliées à un parti, elles considèrent de leur devoir d'accueillir tous leurs coreligionnaires, quel que soit leur choix électoral. Elles reconnaissent, par là-même, leur qualité de citoyens et leur liberté d'expression en tant qu'individus au sein d'une société démocratique. Néanmoins très anglicisées - à cet égard, le mimétisme entre le système anglo-saxon et les structures communautaires est frappant - elles éprouvent le besoin de marquer leur attachement à l'Angleterre. Celui-ci se manifeste à l'égard de la Royauté, symbole du pays, de son unité et de ses traditions, d'autant qu'elle se situe 'au-dessus des partis'. Le Board of Deputies, pour sa part, a conservé son rôle d'intermédiaire historique auprès de la Couronne, rôle qu'il concrétise en réitérant l'ancienne 'déclaration d'allégeance' faite à George III lors d'événements importants : accessions au trône, mariages, anniversaires, jubilés, décès... La volonté de se voir conférer la qualité de 'sujets britanniques', de 'Sujets de Votre Majesté' est omniprésente dans ces adresses, messages ou félicitations qui fournissent aussi l'occasion de porter à la connaissance du monarque les préoccupations du moment du judaïsme anglais. Dans cette démarche, le Board of Deputies est conforté par les réponses bienveillantes que ne manquent pas de lui faire les souverains. C'est au Grand Rabbin, représentant officiel du culte, qu'incombe la tâche de s'exprimer dans le cadre religieux. Selon les circonstances, il rédige des prières qui sont dites dans toutes les synagogues du Commonwealth placées sous sa juridiction. Ce faisant, il ne déroge en rien aux préceptes du Pirké Avoth19 : "Prie pour ceux qui sont à la tête de l'État, car sans la crainte de l'autorité publique, les hommes s'entre-dévoreraient" (III,2). Remarquons que, selon ces sources traditionnelles, l'État, certes nécessaire à l'existence de l'individu, doit satisfaire à des exigences éthiques et assurer l'indépendance du peuple.
15Le Grand Rabbin dispose également d'un autre mode d'expression dont l'influence n’est pas à négliger : le sermon. Dès la fin du XIXe siècle, parallèlement aux sujets traitant de la pratique quotidienne, des thèmes 'patriotiques' sont régulièrement abordés à l'occasion d'événements nationaux, de guerres ou de couronnements. On y retrouve les devoirs du citoyen - fidélité et obéissance au Souverain-, le serment d'allégeance, mais également l'éloge des valeurs morales de la société d'accueil telles que la tolérance et le respect des institutions20. Ainsi ces prédications, en premier lieu à usage interne, contribuent au renforcement du sentiment d'appartenance nationale des juifs anglais. Ils leur donnent aussi la possibilité de l'exprimer sur la place publique, à l'instar de leurs concitoyens, sans pour autant renoncer à leur identité propre. Cette adhésion profonde à la monarchie qui se manifeste au sein même des synagogues ou par la voix du Board of Deputies, leur a d'ailleurs valu le surnom de "Juifs de Sa Majesté"21. Pour sa part, le Jewish Chronicle, véritable miroir de la communauté, ouvre régulièrement ses colonnes aux événements ayant trait à la famille royale.
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16C'est dans ce contexte communautaire que le Grand Rabbin, Immanuel Jakobovits, se voit proposer une pairie à vie à l'âge de soixante-sept ans. Honneur d'autant plus important à ses yeux que "sans l'aide de Dieu et le hâvre, plein de compassion, de ce grand pays", il ne serait "aujourd'hui qu'une particule anonyme parmi les cendres de millions de personnes qui souillent la terre d'Europe"22. Aîné de sept enfants, Immanuel Jakobovits, naît en 1921, à Koenigsberg (Allemagne) dans un milieu orthodoxe. Trois ans après la venue d’Hitler au pouvoir, son père, conscient de la menace que représente la montée du nazisme, lui fait quitter Berlin et l'envoie seul en Angleterre à l'âge de quinze ans. Sa famille l'y rejoint deux ans plus tard, en 1938. Descendant d'une lignée de rabbins, il se dirige tout naturellement dans cette voie et fait ses études théologiques au Jews' College et à la Yeshiva Etz Hayyim tout en s'inscrivant à l'Université de Londres où il soutient un doctorat sur l'éthique médicale juive23. Sa carrière de ministre du culte, qui débute en 1941, se déroule dans un premier temps à Londres même. Il passe de la synagogue de Brondesbury (1941-44), à celle du 'Sud-Est' (1944-47), et enfin à la 'Grande Synagogue' de l'East End (1947-49). Nommé Grand Rabbin d’Irlande, il devient à vingt-sept ans, "le porte-parole d'une communauté vivant dans sa presque totalité à Dublin, et forte de 5 000 âmes"24. En 1958, il part pour New-York où il prend son nouveau ministère à la synagogue de la 5e Avenue, charge qu’il occupe jusqu'au 11 septembre 1966. A cette date, il est élu à l’unanimité "Grand Rabbin des Congrégations Hébraïques Unies des Nations du Commonwealth Britannique"25, fonction souvent considérée comme l'une des plus prestigieuses du monde juif. Son installation officielle, le 11 avril 1967, met fin à une vacance de poste longue de deux ans. En effet, la controverse idéologique qui avait éclaté à un an de la retraite statutaire du Grand Rabbin précédent - Israël Brodie - entre ce dernier et Louis Jacobs, enseignant au Jews' College, avait scindé le courant majoritaire orthodoxe et accru les conflits latents au sein du judaïsme anglais26. Portée sur la place publique, "l'Affaire Jacobs" avait affaibli le statut de Grand Rabbin en remettant en cause son autorité morale, et rendu l'élection d'un successeur d'autant plus difficile. Après une tentative infructueuse auprès de Jacob Herzog et de nombreuses hésitations, les responsables de la United Synagogue sollicitent Immanuel Jakobovits.
17Ils sont guidés par plusieurs considérations. En premier lieu, son orthodoxie religieuse dans la continuité de celle d'Israël Brodie qu'il avait du reste vigoureusement défendu27. En second, sa conception du rôle du rabbin dans la cité qui ne saurait être réduit à celui d'un simple officiant dans une synagogue. A ses yeux, il doit participer pleinement à la vie nationale et internationale, sans pour autant renoncer aux valeurs du judaïsme. Enfin, ils apprécient son érudition28 et son étiquette libérale dans tous les aspects touchant à Israël, élément unificateur des communautés dans les années 60. Son discours d'investiture définit les grandes lignes de son action : promouvoir la paix dans le monde, la régénération morale de la société, l'éducation juive ; revitaliser et préserver la tradition orthodoxe ; faire de son mieux pour servir et unir toutes les tendances religieuses, sans pour autant céder ou composer lorsqu'il s'agit de la loi mosaïque, car "une religion qui n'exige rien ne vaut rien, et une communauté qui ne sacrifie rien, ne mérite rien"29. Vingt ans plus tard, Immanuel Jakobovits, promu chevalier depuis 1981, accepte l'honneur qui lui est fait, et devient Lord Jakobovits, Baron de Regent's Park, après avoir, selon ses propres termes, "hésité et subi des pressions"30.
18A l'occasion, il rappelle avec humour qu'il doit à Margaret Thatcher "d'avoir changé deux fois de nom [ou plutôt de titre], au cours de sa vie"31. Être conjointement Grand Rabbin en exercice d'une communauté de Diaspora et participer à la vie parlementaire de la société d'accueil est un événement sans précédent dans l'histoire juive. Certes, on retrouve au cours des siècles des chefs spirituels exerçant une influence ou intercédant auprès du pouvoir en faveur de leurs coreligionnaires, mais ils ne sont pas pour autant intégrés à la vie politique du pays. La tradition biblique, pour sa part, a toujours maintenu une séparation stricte entre le religieux - 'le Grand-Prêtre'- et le politique - 'leRoi’ - interdisant le cumul des deux fonctions en raison de leurs domaines d'attribution respectifs : l'un conduisant le peuple dans les destinées du monde à venir, l'autre ici-bas32. Immanuel Jakobovits reconnaît lui-même cette distinction lorsqu'il affirme que l'homme politique " cherche à atteindre ce qui est possible, et se fixe des objectifs immédiats en fonction des réalités", tandis que le responsable religieux "reste lié par des absolus dans sa quête d'idéaux lointains, aussi insaisissables soient-ils". De plus les premiers "doivent rendre compte à leur électorat, être populaires et imposer leur politique", alors que le second "peut être couronné de succès sans régner"33. La dichotomie de départ se trouve renforcée par le mode d'accès spécifique à chacune de ces responsabilités : élection d’une part, et d'autre part, désignation par un prédécesseur ou par ses pairs. En conséquence, Immanuel Jakobovits adopte pour ligne de conduite "de n'intervenir à la Chambre Haute que lors de débats ayant une portée ou une dimension morale et de ne pas assister à ceux qui stricto sensu, relèveraient de la politique", admettant néanmoins "la subtilité de cette distinction dans un monde où tout a un soupçon de politique"34. A cette problématique, dont l'importance n'est pas à négliger, viennent s'ajouter, au nombre de ses hésitations, des préoccupations d'ordre communautaire : sa présence à la Chambre des Lords sera-t-elle mal perçue par la Communauté Juive ? L'empêchera-t-elle de remplir ses obligations de Grand Rabbin ? Sa nomination, ad personam et non ex officio, portera-t-elle ombrage à son successeur ? Lord Jakobovits considère qu'il doit sa pairie "à sa fidélité, sa croyance, sa défense d’un judaïsme sans compromis et à une loyauté sans faille envers ses convictions", preuve s'il en est, que "tout juif peut jouer un rôle dans la société et défendre des valeurs et des vertus orthodoxes"35. Au lendemain de la parution des 'décorations et promotions du Jour de l'An', son intégrité, sa foi, son dévouement, ses motivations et son érudition sont unanimement loués en Angleterre comme à l’étranger36, le Financial Times allant jusqu'à le décrire comme "Un Roc de Certitudes"37. Cependant, il est difficile de faire la part entre le mérite personnel indéniable de l'homme et sa notoriété internationale, conséquence directe de la fonction qu'il assume. A la question posée par Walter Schwarz : "Tous les juifs ont-ils été honorés ou seulement le Grand Rabbin ?"38, le Jewish Chronicle répond en titrant "Accession de la communauté judéo-anglaise à la Chambre Haute"39, tandis que Lionel Kopelowitz, président du Board of Deputies, qualifie cette date historique de "source de fierté pour toute la communauté"40. A son corps défendant, Julia Neuberger, femme rabbin de la synagogue libérale de 'Londres-Sud', convient que "y compris pour ceux qui contestent son autorité" cet événement unique symbolise "la reconnaissance des juifs par l'Establishment de ce pays"41.
19Pour sa part, le Jewish Chronicle n'aborde aucun autre aspect, n'intervenant pas dans le débat que relance cette nomination dans les milieux catholiques. En effet, l'entrée de Immanuel Jakobovits à la Chambre Haute où siègent déjà ex officio les 26 'Lords Spirituels' de l'Église d'Angleterre, met en relief l'absence de la hiérarchie catholique, carence que le Duc de Norfolk et le Comte de Longford ne manquent pas de souligner. Tous deux considèrent qu'il est grand temps pour "leur minorité religieuse, bien structurée et forte de cinq millions d'adhérents, d'être représentée, à son tour, par un homme d'Église"42. Cette requête, à première vue bien légitime, est condamnée sans équivoque par la presse catholique, et notamment The Universe - "Non à la Pairie"43 - car "l'idée même d'un Cardinal en Ermine... pourrait provoquer'la plus effrayante des émeutes'"44 Bien que le Pape ait toute autorité pour accorder une dispense, la clef de voûte de l’argumentation repose sur l'interdiction faite aux prélats d'accepter une charge où, de près ou de loin, ils exerceraient un pouvoir temporel. En outre, si une suite positive était donnée aux propositions de Lord Longford, l'Église Catholique se verrait attribuer des sièges ex officio, signe avant-coureur de la séparation de l'Église et de l'État (disestablishment). The Universe envisage d'ailleurs les différentes étapes parlementaires de ce processus45. Immanuel Jakobovits, partisan convaincu d'une représentation élargie à l'ensemble des confessions, se déclare pourtant opposé à toute mesure qui porterait atteinte à l'Église d'Angleterre et l'affaiblirait. Il considère que son statut spécifique doit être maintenu, d'autant que "la dignité et le respect qui l'entourent profitent à tous les cultes en valorisant l'image de la religion dans notre société"46.
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20Au niveau national, les articles publiés vont plus loin dans leur analyse, développant une dimension passée sous silence dans la presse confessionnelle : son interprétation politique. Le Guardian identifie le Grand Rabbin au "Père Confesseur du Premier ministre"47, tandis que le Sunday Telegraph voit en lui "Un Prélat aux 'Valeurs Victoriennes'"48 ; le Financial Times le qualifie pour sa part de "porte-parole le plus autorisé des vertus traditionnelles de ce pays"49. En d'autres termes, Immanuel Jakobovits est dépeint comme un conservateur convaincu, le parfait 'Lord Thatchérien'. Leur argumentation s'articule autour de sa réponse - From Doom to Hope : a Jewish View on Faith in the City50 - à l'enquête menée de 1984 à 1986 par l'Archevêque de Cantorbéry, Robert Runcie : Faith in the City51. Ce rapport, qui fit grand bruit à l'époque, traitait des 'centres villes' (inner cities) décrivant les conditions de vie - en particulier celles des immigrants de couleur - dans les quartiers les plus défavorisés. Bien sûr, certaines de ses propositions concernaient le fonctionnement de l'Église d'Angleterre, suggérant de nouvelles initiatives telles que la création de fonds d'interventions destinés à soulager la misère52. Mais la renommée de Faith in the City provient surtout de sa critique ouverte de la politique du premier ministre. En condamnant le manque d'obligations collectives de la société envers les plus déshérités, "victimes de l'individualisme"53, il prenait dans le domaine économique et social le contre-pied d'options fondamentales du thatchérisme. La remise en cause des 'valeurs' sous-jacentes, le reproche fait au Gouvernement de manquer de compassion à l'égard de certaines catégories de citoyens, ou la défense de l'État-Providence, provoquent un débat public. Entre Margaret Thatcher et les responsables de l'Église Anglicane, "longtemps considérés comme le parti conservateur en prières"54, les relations déjà tendues s'enveniment considérablement. La polémique qui se développe s’apparente à une confrontation entre politique et morale religieuse, et amène Immanuel Jakobovits à rendre publiques ses propres réflexions dans From Doom to Hope. Divisés en quinze points ses propos sont très vite identifiés à ceux d'un défenseur sans nuances des conservateurs d'autant que, Grand Rabbin, il représente une autorité spirituelle incontestable. L'expérience de la minorité juive, en Angleterre ou aux États-Unis, sert de point de départ et de référence à son argumentation. Il se fait l'avocat de l'effort personnel - selon la formule du "aide-toi toi-même" (self help) - mettant l'accent sur "la confiance en soi" et "la persévérance" (p. 7). En outre, deux pages sont consacrées au "travail, élément fondateur de la dignité de l'homme et de son respect de soi" (p. 9). Être indépendant financièrement, quelle que soit son occupation, est préférable à une indemnité de chômage "gratuite", à une "oisiveté rémunérée, destructrice de l'âme" (p. 14). A la consonance pour le moins victorienne de son discours, s'ajoutent trois considérations. Tout d'abord, s’il reconnaît au gouvernement un "rôle vital et indispensable", il refuse d'en faire "l’unique responsable de tous les maux" (p. 15), se démarquant ainsi, sans ambiguïté possible, de Faith in the City. D'autre part, après avoir noté avec étonnement le silence de l'Église quant aux syndicats, il affirme :
l'égoïsme des travailleurs, cherchant à améliorer leurs conditions de travail au prix d'une augmentation du chômage et d'une immense misère publique, peut être moralement tout aussi indéfendable que la rapacité des riches, exploiteurs de la classe ouvrière (p. 15).
21Enfin, il récuse la notion de "dû", de "droit", inhérente aux 'aides' légales attribuées pour compenser les inégalités sociales. Une lecture plus détaillée de sa réponse met en relief un aspect, souvent ignoré dans les comptes rendus qui suivront, le concept central de Tsédaka (justice) : selon la tradition juive, ce qui est versé aux déshérités est la restitution de ce dont ils ont été injustement privés. Dès lors, l'existence de nécessiteux apparaît comme une iniquité humaine que tout individu doit réparer. Les textes insistent sur la nécessité de ne pas humilier le bénéficiaire car, en lui permettant d'accomplir l'un des commandements de Dieu, le devoir de justice,
le pauvre donne plus au riche que le riche ne donne au pauvre (...) et la Loi Juive exige de ceux qui bénéficient d'une assistance financière de remplir à leur tour, cette obligation envers d'autres (p. 12).
22En outre, cette action doit s'accompagner d'une volonté de "réhabilitation" du récipiendaire. Ce faisant, la 'responsabilité collective' se trouve répartie entre les individus, mais ne doit pas être comprise en termes de 'charité' (Hessed), acte par nature subjectif, soumis à la bonne volonté de chacun.
23Le Grand Rabbin, qu'"une confrontation publique n'a jamais effrayé"55, avait déjà été à l'origine de polémiques internes, lors d'un voyage officiel en Union Soviétique (1975) et à la suite de déclarations libérales sur la situation politique en Israël et au Moyen Orient56. Dans ce contexte, il fait figure d'exception car il n’est affilié à aucun parti politique israélien57. Avec From Doom to Hope le débat, sur la société britannique, s'engage pour la première fois au niveau national, suscitant des réactions très vives au sein de la communauté58. Désormais les relations privilégiées entre le premier ministre et le Grand Rabbin, "Grand Prêtre du Thatchérisme"59, seront systématiquement rappelées. De fait, le soutien moral qu'il apporte aux conservateurs60 est indéniable. Cependant, son appui à la politique thatchérienne est-il l'expression de 'convictions' profondes, ou seulement circonstanciel ? Dès 1967, en pleine période de prospérité et alors que 'le consensus' de l'après-guerre existe toujours en matière sociale, le Jewish Chronicle rapporte à intervalles réguliers les propos tenus par le Grand Rabbin, porte-parole d'une orthodoxie religieuse "jamais en accord avec l'époque"61. L'éducation, la famille, l'avortement, le divorce, le crime ou la drogue sont autant de thèmes qui lui permettent d’évoquer 'les valeurs traditionnelles' en les associant à un leitmotiv, l'opposition entre droits et devoirs :
Une société dont les mots clefs sont succès au lieu de service, loisir au lieu de travail, droits au lieu de devoirs, ne peut qu'échouer (...) Pour notre part, nous définissons nos impératifs moraux non en terme de 'droits', mais en 'devoirs' et 'obligations' 62.
24Dix ans plus tard, ces considérations dépassent le cadre communautaire juif pour être portées à la connaissance de tous au cours d'une émission à laquelle participent également le Cardinal Basil Hume, l'Archevêque d'York et Lord Soper (méthodiste). Dans ses interventions, Immanuel Jakobovits attaque de front l'État-Providence qu'il rend responsable du manque d'initiative et de responsabilité personnelle des citoyens, de leur attitude de consommateurs et de leurs mentalités : "vouloir tout, pour rien"63. Ces considérations de même nature que celles qui figurent dans From Doom to Hope ne donnent lieu à aucune réaction notable, le Grand Rabbin n'apparaissant pas encore comme le défenseur du pouvoir en place. De même en 1986, si beaucoup se déclarent outragés par la leçon de morale faite aux immigrants de couleur, personne ne mentionne sa prise de position aux côtés de Greville Janner - élu travailliste au Parlement - contre le projet de loi du gouvernement conservateur sur l'immigration64. Ces exemples tendraient à prouver que l'étiquette politique attribuée à Immanuel Jakobovits résulte de la convergence entre les valeurs qu'il a toujours défendues en tant que rabbin orthodoxe, et certaines des positions du gouvernement de Margaret Thatcher, à un moment où la société britannique prend conscience des changements survenus au cours de la dernière décennie et de sa propre évolution. D'autant que parallèlement, l'Église Anglicane s'interroge, paraît douter, hésiter, alors même que la médiatisation des événements exige d'elle des réponses immédiates.
25De 1988 à 1990, ses interventions à la Chambre des Lords où il siège parmi les 'indépendants' (crossbenchers) renforcent son image de thatchérien 'pur et dur' dans l'opinion publique - malgré ses références constantes aux commandements et aux textes traditionnels. Ainsi, si les 'terroristes' ont le droit, selon lui, d'exprimer leurs opinions, "les media, y compris la presse, doivent leur être interdits, s'ils font l'apologie de la violence et mettent en danger la vie"65. Voilà bien la valeur fondamentale, puisque dans le judaïsme, toutes les interdictions tombent pour la sauver. En toute logique, il se déclare en faveur d'une loi beaucoup plus restrictive sur l'avortement66, et condamne toute expérience sexuelle en dehors du mariage, s'opposant vigoureusement à la campagne menée par le gouvernement contre le SIDA, qui s’articule autour de l'utilisation de préservatifs. Enfin, spécialiste reconnu d'éthique juive en matière médicale, il tente, sans succès, d'interdire le recours aux embryons humains à des fins scientifiques67. Cependant, parmi toutes ses déclarations, celles qui ont trait à "l'affaire Rushdie" et à la Loi Baker sur l'éducation retiennent plus particulièrement l'attention en raison d'une part de leur écho sur le plan national et d'autre part, de l'incompréhension qu'elles suscitent dans la communauté. Dans le premier cas, son respect de 'la religion' - de sa place dans la société - l'amène à prendre fait et cause, non seulement contre le contenu mais aussi contre la publication du livre de Salman Rushdie68. Ses propositions, - entre autres l'interdiction de tout écrit susceptible de heurter des croyances religieuses profondes ou de provoquer des violences - suscitent un nouveau débat qui se transforme très vite en une contestation de son autorité. A preuve, les titres du Jewish Chronicle : "L'Authentique Voix de l'Intolérance Juive" ou "le Grand Rabbin va trop loin"69. Par ailleurs, lors de la discussion du projet de loi sur l'éducation, il soutient, contrairement à l'archevêque de Cantorbery, l'amendement des Lords en faveur d'un enseignement religieux 'chrétien' obligatoire dans les écoles publiques70. Position pour le moins surprenante de la part d'un Grand Rabbin dont les idées sont immédiatement analysées à la lueur de ses 'sympathies politiques'. Or c'est ignorer le conflit qui l'oppose dès 1962 à la majorité des responsables communautaires américains, lorsqu'il se déclarait en désaccord avec le jugement rendu par la Cour Suprême "bannissant les prières des écoles publiques - (Engel v. Vitale)"71. A vingt-cinq ans d'écart, il utilise la même argumentation, rappelant que la mission du judaïsme est de favoriser l'existence de sociétés établies sur des principes religieux et moraux en "encourageant les chrétiens à être de bons chrétiens et les musulmans à être de bons musulmans"72. Dans cette optique, l'éducation se voit attribuer un rôle primordial tant dans la retransmission de l'identité aux générations futures que dans la préservation des idéaux. Son discours d'investiture en Grande-Bretagne établissait déjà un parallèle entre 'éducation juive’ et 'défense du judaïsme'.
26En 1971 lors de sa première rencontre avec Margaret Thatcher, alors ministre de l’éducation du gouvernement Heath, il reprenait cette association d'idées et déclarait : "vous êtes en réalité le ministre de la défense" - phrase qui devait marquer, de l'aveu même de celle-ci, le début de de "leur amitié, le secret le moins bien gardé de ce pays"73. Ces relations très privilégiées entre le Premier ministre et Lord Jakobovits amènent le Sunday Telegraph à considérer que le "Judaïsme est le nouveau credo de l'Angleterre thatchérienne"74. A l'aide de titres parfois peu ambigus, comme "Les Juifs et Mrs. Thatcher"75, la presse met l'accent sur leur soutien aux conservateurs, l'importance de leur 'vote' dans la circonscription de Finchley, le nombre jugé inhabituel de juifs participant au gouvernement et l'ascendance d’immanuel Jakobovits, classé parmi les vingt-cinq personnalités "les plus influentes du pays"76. Ces affirmations suscitent un certain nombre de remarques.
27Tout d'abord, considérer l’origine confessionnelle de certains membres du gouvernement comme l'élément décisif de leur nomination est outrancier, sinon insultant tant pour le Premier Ministre que pour les hommes en question. L’insistance de beaucoup sur cet aspect, chiffres à l'appui, crée au sein du judaïsme anglais une sensation de malaise. Si aucun responsable communautaire ne veut y voir une forme d'antisémitisme, le Board of Deputies reste néanmoins vigilant et obtient à l'occasion les excuses des journalistes77. D’autre part, ces articles projettent dans l'opinion publique l'image d’une communauté acquise aux conservateurs, ce qui mérite d’être nuancé. Les juifs anglais se répartissent sur tout l'échiquier politique national, à l'exception des mouvements fascistes. Leur vote, loin de constituer un ensemble homogène, révèle une diversité et reflète, les tendances du pays. De plus, ils ont toujours refusé de manifester une prédilection particulière pour un candidat en fonction de sa seule appartenance religieuse, conscients du fait que toute autre attitude pourrait remettre en cause leur intégration, ne serait-ce qu’en ne permettant plus à leurs coreligionnaires de se présenter dans une circonscription à majorité non-juive. L'absence, d'une part de consignes de vote, et d'autre part, d’un groupe parlementaire particulier78 procède de la même intention. Si Greville Janner, élu travailliste, est surnommé par la presse le "Représentant juif aux Communes", c'est parce qu'il se pose en défenseur de cette spécificité lors de débats portant par exemple sur la législation du mariage ou l'abattage rituel. Mais à aucun moment ses prises de positions, dans d'autres domaines, ne sont identifiées à l'expression politique de tous les juifs anglais. D'ailleurs ce député tout comme le Grand Rabbin parlent en leur nom propre, ce que le Jewish Chronicle illustre en mettant leurs déclarations en parallèle dans ses colonnes79, laissant le choix à ses lecteurs.
*
28En assumant simultanément les deux charges de 'Grand Rabbin et de Lord', Immanuel Jakobovits a sans aucun doute écrit une page unique dans l'histoire du judaïsme britannique, favorisé en cela par une personnalité hors du commun et un contexte national très particulier. Certes son franc-parler et ses positions tranchées suscitent de nombreuses controverses communautaires. Si toutes ne sont pas évoquées ici, c'est en raison de leur caractère purement religieux. Partisans convaincus, contestataires ou détracteurs, il semble que la plupart des juifs anglais se soient sentis honorés par sa pairie. Trois ans après son entrée à la Chambre Haute, ce sentiment subsiste, renforcé par une certitude : l'image des institutions en particulier celle du Grand Rabbinat et du Board, principaux bénéficiaires de sa stature nationale et internationale, en sort grandie.
29Il n'est toute fois pas étonnant que les précautions linguistiques dont il s'entoure dans ses discours - utilisation du 'je', formulations telles que 'judaïsme' ou 'valeurs juives' -, son insistance à rappeler que sa nomination est ad personam, n'aient pas convaincu. Nombreux sont ceux qui, dans la société d'accueil, assimilent ses interventions à l'expression de la communauté. Ce malentendu découle d'une part, d'une vision monolithique, trop souvent répandue, et d'autre part de la difficulté à différencier l'homme de sa fonction, la morale religieuse du politique. En outre, les analyses - qui font rarement cas de ses 'convictions de toujours' - présentent ses déclarations en symbiose avec 'l'air du temps', au service du pouvoir en place et donc 'thatchériennes'. Sentiment que ses rapports d’amitié avec Margaret Thatcher n'ont fait que renforcer, même si cette dernière en soulignant l'influence de la pensée et des écrits d'immanuel Jakobovits, se demande : "qui a convaincu l'autre ?"80.
30Bien qu'âgé de soixante-dix ans en février 1991, Immanuel Jakobovits a accepté de prolonger son mandat de quelques mois, permettant ainsi à son successeur Jonathan Sacks de se ressourcer spirituellement en Israël avant de prendre ses fonctions. Sa notoriété saluée récemment encore par l’attribution du Prix Templeton81, laisse à penser qu’il sera difficile au futur Grand Rabbin de s'imposer de la même façon à tous les Britanniques, d'autant que Lord Jakobovits poursuivra certainement ses interventions à la Chambre, selon la même ligne de pensée. Dans quelle mesure cet épisode a-typique d'un rabbin à la fois chef de communauté religieuse et membre d'une institution politique va-t-il influencer l'avenir des relations entre le judaïsme anglais et son pays d'adoption ? S'agit-il d'une simple parenthèse ? Ou bien Jonathan Sacks devra-t-il compter avec ce précédent et redéfinir ses propres relations tant avec les siens qu'avec l'ensemble de la société britannique qui, au moins temporairement, a été tentée d'associer juifs et conservateurs, Margaret Thatcher et Immanuel Jakobovits ?
Notes de bas de page
1 Les Lords opposent leur veto en 1833, 1836, 1847, 1851.
2 Deux ans plus tard, le 6 août 1860, une loi autorisant les députés juifs à supprimer de leur serment, "On the true faith of a Christian", est votée.
3 The Parliamentary Oaths Act modifie le texte des serments et remplace officiellement "On the true Faith of a Christian" par "So help me God".
4 Le Board est le résultat d'un accord entre le Mahamad - conseil de la communauté sépharade (1663) - et les juifs ashkénazes. Désormais, les problèmes d'intérêt général seront traités en commun par les'Députés'(du portugais Deputados) de chacune des communautés.
5 Les dernières élections des comités ont eu lieu en juillet 1988, pour un mandat de trois ans. Des élections partielles en vue de pourvoir les sièges vacants se sont tenues en novembre 1988. The Board of Deputies of British Jews: Annual Report & Accounts, 1989, Londres: The Board of Deputies of British Jews, 1990, p. 10.
6 A titre d'exemple on peut citer le Marriage Act de 1836 qui, tout en instaurant le mariage civil en Angleterre, précise que les personnes de confession juive pourront continuer à célébrer des noces selon leurs usages et dans leurs lieux de culte, à condition que l'union soit dûment enregistrée et qu'un certificat de mariage soit délivré par les secrétaires des synagogues placés sous la responsabilité du président du Board of Deputies.
7 "L.C.C candidates asked to condemn anti-Semitism", Jewish Chronicle, 29 janvier 1937; "All about the Elections" et "Urgent-The L.C.C. Elections", Jewish Chronicle, 26 février 1937.
8 Sidney SALOMON, The Jews in Great Britain: A short historical survey, Londres: Jarrolds, 1938, p. 189.
9 En particulier au cours des années 30-de 1933 à 35, puis en 1939-au lendemain de la seconde guerre mondiale et encore en 1968.
10 Hayim PINNER, Directeur Executif du 'Board of Deputies' depuis 1977, interviewé par l'auteur, à Londres, le 6 juin 1990.
11 Aubrey NEWMAN, The Board of Deputies of British Jews: 1760-1985, Londres: Vallentine-Mitchell, 1987, p. 37.
12 Cf: Rabbi Raymond APPLE, "United Synagogue: Religious Founders and Leaders", in Salmon S.LEVIN (ed.), A Century of Anglo-Jewish Life: 1870-1970, Londres: United Synagogue, 1970, p. 12.
13 Nathan RUBIN, "The United Synagogue today", Jewish Chronicle Supplement, le 17 juillet 1970, p.iii.
14 Bernard HOMA, Orthodoxy in Anglo-Jewry: 1880-1940, Londres: The Jewish Historical Society of England, 1969, p. 11.
15 Israël FINESTEIN, "The Lay Leadership of the United Synagogue since 1870", in Salomon S. LEVIN (ed.) A Century of Anglo-Jewish Life : 1870-1970, op.cit. p. 32.
16 Herman Hertz, tout en précisant son opposition aux pratiques religieuses et aux principes des libéraux, accordera à la synagogue libérale la dénomination de'congrégation de juifs" (Congregation of Jews) pour lui permettre de bénéficier des dispositions de la loi sur les mariages. "Orthodoxy on Alert", World Jewry, 25 janvier 1935.
17 Barry KOSMIN & Caren LEVY, Synagogue Membership in the United Kingdom, 1983, Londres: Research Unit Board of Deputies of British Jews, 1983, p. 37.
18 Hayim PINNER, interviewé par l'auteur, le 6 juin 1990.
19 Pirké Avoth (en hébreu) traité de la Michna, code de la Loi orale, faisant partie du Talmud et contenant des maximes religieuses et morales.
20 On peut citer à titre d'exemple :"The Queen and the War" (6 juin 1900) de H.ADLER où les Juifs sont appelés à participer à l’effort de guerre contre les Boers ; "King George VI" (9 mai 1937) de H.HERTZ, à l'occasion du couronnement du Roi ; "The Triumph of the Spirit" (9 septembre 1941) de R.E. BERKOVITS qui met l'accent sur la confiance inébranlable dans le triomphe final de la'justice'et de'l'esprit'que symbolise l'Angleterre.
21 Surnom courant dans la presse juive internationale, repris par exemple comme titre d'un article, dans L'Arche, No 222/22, Paris : octobre 1975, pp. 68-77.
22 "that but for the grace of God and the compassionate haven of this great country. I should today be an anonymous speck among the ashes of millions defiling the soil of Europe".
Immanuel JAKOBOVITS, "Three Lords' addresses" -1. From the basement of Refugeedom to the Upper House (Maiden Speech-March 4, 1988), L'Eylah, No 26, Londres: Rosh Hashana 5749, Septembre 1988, pp. 1-2.
23 Etude comparative et historique de l'éthique médicale juive', soutenue en 1955 et publiée en 1959.
24 Charles MORITZ (ed.), "Jakobovits Immanuel", Current Biography Year Book, New-York: The H.W.Wilson Company, 1988, p. 275.
25 Le Conseil du Grand Rabbinat regroupe plus de 200 délégués des congrégations et des communautés de province qui reconnaissent le Grand Rabbin et contribuent financièrement au maintien de son poste. Une commission restreinte de 35 personnes est élue, composée de représentants de la United Synagogue (15), de la Federation of Synagogues (5), des provinces (12) auxquels sont associés les présidents des commissions "sur l'abattage rituel", les lois alimentaires et le directeur du Jews' College. C'est elle qui élit le Grand Rabbin pressenti. "Search for the next Chief", Jewish Chronicle, 28 janvier 1988.
26 Dans son livre We have Reason to Believe (1957), Louis Jacobs, rabbin de la 'Nouvelle' Synagogue du West End, mettait en cause certains aspects de la révélation divine, y voyant l'intervention de l'homme. Pour la plupart de ses coreligionnaires, les conséquences théologiques de ses prises de positions restaient très vagues et ne l’empêchèrent pas de devenir enseignant au Jews' College. En 1962, le Grand Rabbin Brodie utilisant son droit de veto, l'empêcha d'une part d'en assurer la direction et d'autre part, de retourner dans son ancienne congrégation. Les défenseurs de Louis Jacobs, dont le Jewish Chronicle, contestèrent l'autorité du Grand Rabbin en la matière, jugeant de plus que ce dernier adoptait une attitude beaucoup trop orthodoxe pour les adhérents de la United Synagogue. "L'Affaire" fit grand bruit, y compris dans la presse nationale.
27 Chaim BERMANT, Lord Jakobovits: The Authorized Biography of the Chief Rabbi, Londres: Weidenfeld & Nicolson, 1990, p. 76.
28 En 1967, il avait déjà publié: Jewish Marriage Service (1950,1959); Jewish Medical Ethics (1959, 1962, 1967); Jewish Medical Compendum (1963, 1965); Jewish Law Faces Modem Problems (1965), Journal of a Rabbi (1966, 1967) et contribué à des articles, entre autre, dans The Encyclopaedia of Jewish Religion (1966).
"The Chief Rabbi: Lord JAKOBOVITS. A Biographical Sketch", Londres: Office of the Chief Rabbi, August 1988, p. 2.
29 "No easier Judaïsm, says Jakobovits", Jewish Chronicle, 14 avril 1967.
30 Lord I. JAKOBOVITS, Grand Rabbin, interviewé par l'auteur, à Londres, le 12 juin 1990.
31 "Response of Lord I. Jakobovits at a Chief Rabbinate Council Dinner", 21 février 1991.
32 Rav Léon ASKENAZI de Jérusalem, interviewé à Paris, le 6 décembre 1990.
33 Immanuel JAKOBOVITS, "Conviction or Consensus", Jewish Chronicle, 9 avril 1982.
34 Interview de Lord Immanuel JAKOBOVITS, op.cit.
35 "Chief Rabbi: Why I have been honoured", Jewish Chronicle, 8 janvier 1988.
36 Voir à ce propos, Chaim BERMANT, Lord Jakobovits : The Authorized Biography of the Chief Rabbi, op.cit pp. 1-2 ; "Un Grand Rabbin à la Chambre des Lords", Tribune Juive, No 1003, 8-18 janvier 1988.
37 John LLOYD, "A Rock of Certitudes", Financial Times, 4 janvier 1988.
38 Walter SCHWARZ, "Hail to the Lord Chief Rabbi", Guardian, lOjanvier 1988.
39 Chaim BERMANT, "Elevating Anglo-Jewry to the Upper House", Jewish Chronicle, 8 janvier 1988.
40 "Going Round Jewish Circles", Guardian, 7 février 1988; "Chief Rabbi Honoured", On Board, no 70, janvier 1988.
41 "Face to Faith", Guardian, 8 février 1988.
42 Patrick BISHOP, "Leading Roman Catholics Press for a Priestly Peerage", Guardian, 3 janvier 1988.
43 "No to Peerage", The Universe, 22 janvier 1988.
44 "The Very Idea of a Cardinal in Ermine...could cause 'the most frightful riot’", The Universe, 29 janvier 1988.
45 Ibid.
46 Interview de Lord JAKOBOVITS, op.cit.
47 Chaim BERMANT, "PM's Father Confessor", Guardian, 3 janvier 1988.
48 Walter ELLIS, "A Prelate of 'Victorian Values'", Sunday Telegraph, 3 janvier 1988.
49 Walter SCHWARZ, "Hail to the Lord Chief Rabbi", op.cit.
50 Sir Immanuel JAKOBOVITS, From Doom to Hope: a Jewish View on Faith in the City, Londres: Office of the Chief Rabbi, January 1986.
51 Faith in the City, Report of the Archbishop of Canterbury's Commission on Urban Priority Areas, Londres: The Church of England, Autumn 1985.
52 Ansel HARRIS, "From Hope to Help", lewish Chronicle, 22 janvier 1988.
53 Hugo YOUNG, One of Us, Londres: Pan Books, 1990, p. 416.
54 Denis KAVANAGH, Thatcherism and British Politics: the end of consensus? Oxford: Oxford University Press, 1988, p. 288.
55 Immanuel JAKOBOVITS, "Conviction or Consensus?", Jewish Chronicle, 9 avril 1982.
56 Après la publication de "The British Chief Rabbi Speaks out" Jerusalem Post, 5 avril 1974 ; de "Another Way", Jewish Chronicle, 23 juin 1978 ; tout au long des années 80 et 83 - ses déclarations "sur la moralité et la guerre" seront d'ailleurs reprises par Tribune Juive, No 756, 14-20 janvier 1983 - et récemment encore, "Chief Rabbi Shames Israel", Evening Standard, 23 mai 1991.
57 La plupart des Grands Rabbins sont membres de partis politiques israéliens, en particulier de partis religieux. On peut rappeler ici que ses deux prédécesseurs - Herman Hertz (1913-1946) et Israël Brodie (1948-1979) - appartenaient au Mizrachi, parti religieux sioniste fondé en 1918.
58 Voir le courrier des lecteurs (Letters) publié par le Jewish Chronicle, mais également Edie FRIEDMAN, "Faith in the City : an Alternative Jewish View", The Jewish Quarterly, vol. 33, no 3(123), 1986, pp. 20-25 ; et "Rabbi becomes Chief Tebbit-shock", Jewish Socialists, no 5, printemps 86, pp. 4-5 & p. 16.
59 Chaim BERMANT, Lord Jakobovits: The Authorized Biography of the Chief Rabbi, op.cit., p. 92.
60 De 80 à 150 élus conservateur au parlement, chiffre qui varie selon les sources, signent une lettre de remerciements à son intention.
61 "No easier Judaïsm, says Jakobovits", lewish Chronicle, 14 avril 1967.
62 "Dr. Jakobovits in Crypt", Jewish Chronicle, 24 novembre 1967.
63 "Chief Rabbi hits at Welfare State", Jewish Chronicle, 3 juin 1977.
64 "White Paper Threat", Jewish Chronicle, 23 novembre 1979 et "Anxiety over Immigrants", Jewish Chronicle, 7 décembre 1979.
65 Julian ROBINSON,"Chief Supports Curb on Terrorist Interviews", Jewish Chronicle, 16 décembre 1988.
66 "Abortion Not Murder, says Chief Rabbi", Jewish Chronicle, 29 janvier 1988; "Abortion Tricks are Attacked by Chief Rabbi", Jewish Chronicle, 1er avril 1988.
67 Julian ROBINSON, "Chief Loses on Embryos", Jewish Chronicle, 9 mars 1990.
68 "Chief Rabbi Backs Moslem Protest", Jewish Chronicle, 28 octobre 1988.
69 Chaim BERMANT, "The Authentic Voice of Jewish Intolerance"; Philip KLEIMAN, "Chief Rabbi goes too far", Jewish Chronicle, 10 mars 1990.
70 Immanuel JAKOBOVITS, "Three Lords 'addresses" -3.From Moral Anarchy to Responsible Citizenship Through Religious Commitment (3 May 1988, Committee Stage of the Education Reform Bill), L'Eylah, op.cit., pp. 4-5.
71 "Jakobovits Immanuel", Current Biography Year Book, op.cit. p. 276.
72 Interview de Lord JAKOBOVITS, op.cit.
73 "Speech by The Rt. Hon. Margaret Thatcher OM FRS MP, at a dinner in honour of Lord Jakobovits, on Thursday 21st February 1991"; p. 5.
74 Peregrine WORSTHORNE, "Judaism is the New Creed of Thatcherite Britain", Sunday Telegraph, 10 janvier 1988.
75 Anthony BLOND, "The Jews and Mrs.Thatcher", Sunday Telegraph, 11 décembre 1988.
76 Marcel BERLINS, "The Power Brokers", The lllustrated London News, vol. 276, juin 1988.
77 Interview de Hayim PINNER, op.cit.
78 Jewish MPs according to party affiliation
* 1987: Roger JAPHET (ed.), The Jewish Year Book, 1989; 5749-5750, Londres: Jewish Chronicle Publications, 1989, pp. 193-194.
Source : pour les années 1858-1983, chiffres publiés dans "The Commons Denominator", Jewish Chronicle, 29 juillet 1983.
79 Par exemple, Julian ROBINSON, "Janner and Chief differ on Education", Jewish Chronicle, 22 juillet 1988.
80 "Speech by The Rt. Hon. Margaret Thatcher OM FRS MP, at a dinner in honour of Lord Jakobovits, on Thursday 21 st February 1991"; p. 3.
81 Le 6 mars 1991.
"The £410.000 Templeton Prize, a spiritual equivalent of the Nobel Prize, is awarded annually for 'progress in religion'. Lord Jakobovits (...) was nominated (...) for 'exemplary originality and courage in interpreting the traditional values of Judaism and their application to spiritual and political problems'."
In "Retiring Rabbi gets £410.000 spiritual prize", Daily Telegraph, 7 mars 1991.
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