Avant ‑ Propos
p. 3-4
Texte intégral
1Les études qui composent ce volume sont le fruit d’un travail collectif. Elles ont pour auteurs les enseignants chercheurs du Centre de Recherches sur la société allemande aux xixe et xxe siècles, rattaché à l’Institut d’Allemand d’Asnières (Université de la Sorbonne Nouvelle, PARIS III). Nous n’avons pas voulu présenter un tableau complet de la République fédérale d’Allemagne entre 1949 et 1966 mais donner plutôt une suite de coups de projecteurs, mettant en lumière des détails significatifs de ce tableau. Malgré le pluralisme des approches, ce recueil n’en a pas moins sa cohérence.
2La cohérence est d’abord l’unité de lieu et de temps : L’« Allemagne de Konrad Adenauer » c’est cette Allemagne partielle, née le jour où les puissances d’occupation occidentales ont invité les autorités allemandes de leurs zones à créer un état séparé, excluant du même coup la zone d’occupation soviétique. L’Allemagne de Konrad Adenauer c’est aussi une époque bien délimitée de l’histoire allemande contemporaine. Entre le jour de septembre 1949 où, par une voix de majorité, l’ancien maire de Cologne est devenu le premier chancelier de la République fédérale et ce mois de décembre 1966 où le SPD et son leader Willy Brandt ont fait leur entrée dans un gouvernement fédéral de « grande coalition », le nouvel état a achevé sa reconstruction, s’est consolidé et a regagné dans une large mesure sa place dans le monde. Pendant toute cette période, la vie politique a été dominée par la personnalité de Konrad Adenauer, dont l’ombre a encore pesé lourdement entre 1963 et 1966 sur son successeur Ludwig Erhard.
3La cohérence de ce recueil d’études réside aussi dans les sujets traités et dans son thème central : restauration et rénovation1 : dans quelle mesure les Allemands ont-ils su saisir la possibilité qui leur était offerte par l’ampleur même des ruines auxquelles ils étaient confrontés – ruines de leurs villes et de leurs usines, mais aussi ruines de leurs institutions et de leurs valeurs – pour construire du neuf ? Dans quelle mesure se sont‑ils contentés de reconstruire et de restaurer un système politique et social semblable, pour l’essentiel, à celui qui a donné naissance au national-socialisme ou du moins qui s’est révélé impuissant à l’empêcher ?
4Parmi ceux qui reprochent à la RFA d’avoir préféré restaurer plutôt que rénover, nombreux sont ceux qui en attribuent la principale responsabilité au premier chancelier, Konrad Adenauer, ce conservateur catholique rhénan qui a commencé sa carrière d’homme public avant la première guerre mondiale et qui accède au pouvoir à l’âge de 73 ans. Mais ne devrait‑on pas plutôt dire que si Adenauer a pu mener, avec le succès qu’on sait, sa politique pro-occidentale, conservatrice et restauratrice, c’est parce qu’elle correspondait aux besoins et aux possibilités du moment et aux aspirations de la majorité de ses concitoyens, qu’il n’y avait pas d’autre politique possible et qu’elle était commandée par la situation et les événements plus qu’elle ne leur a commandé ?
5Précisément, les premières contributions du livre évoquent deux des problèmes les plus graves auxquels l’Allemagne se trouvait confrontée au lendemain de la guerre. Michel Hubert décrit l’évolution démographique, marquée notamment au début par l’afflux de réfugié et par les brassages de population, tandis qu’Aloysius Schumacher illustre par un exemple précis ce redressement économique de la République fédérale qu’on assimile trop facilement à un « miracle économique ».
6Les trois études suivantes sont consacrées à la vie politique de la République fédérale. Ingeborg Schwarz étudie le fonctionnement et le rôle politique du Bundesverfassungsgericht et Hans Hörling retrace le chemin qui a conduit la social‑démocratie allemande de l’opposition à la participation aux responsabilités gouvernementales. De son côté, l’article de Jean-François Tournadre, consacré à la politique de la RFA à l’égard de l’Est, rappelle le problème douloureux de la division de l’Allemagne.
7Les quatre études qui suivent s’attachent à la description de quelques aspects caractéristiques de la société ouest‑allemande au cours des années cinquante et soixante. L’idée d’État social, inscrite dans la constitution de 1949, est analysée par Klaus R. Wenger dans ses implications et ses applications. Une de ces applications, la mise en place du système de concertation sociale, fait l’objet de l’étude de René Lasserre. Ensuite Joseph Rovan présente un tableau de la situation des Églises et analyse leurs positions face aux grands problèmes du temps. Enfin la quatrième contribution de ce groupe esquisse un portrait de la jeunesse allemande au début des années cinquante, en particulier de ses attitudes politiques.
8Le dernier groupe de travaux concerne plus spécialement la vie intellectuelle et littéraire en République fédérale. Après une étude générale de Hansgerd Schulte sur les rapports entre les intellectuels et l’état en Allemagne occidentale, on découvre dans l’article de L. H. Richter comment la littérature ouest‑allemande de l’après‑guerre et surtout sur Heinrich Böll sont jugés du point de vue de la RDA. À l’étude de Michel Kauffmann, qui recherche dans le roman de Koeppen Das Treibhaus les références à des personnes et événements historiques, font écho les réflexions de Gerald Stieg sur la valeur des œuvres littéraires comme documents de leur temps.
9On peut constater qu’aucune des études présentées ici n’a directement trait à la personnalité de Konrad Adenauer et à son action. Pourtant une lecture attentive montrera qu’il est présent partout. De la confrontation entre les travaux que nous avons réunis, très différents par leurs approches méthodologiques et les opinions émises se dessine finalement une image différenciée et nuancée de l’Allemagne de Konrad Adenauer.
Notes de bas de page
1 Ces deux notions figurent aussi en exergue dans le roman de Wolfgang Koeppen Das Treibhaus (éd. de poche, Suhrkamp, 1972) dont il est question à plusieurs reprises ci‑dessous.
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