Le conditionnel de reprise : apparition en français et traitement dans les grammaires du xvie au xxe siècle
p. 243-259
Note de l’auteur
Je remercie Danielle Coltier et Juliette Delahaie d’avoir bien voulu relire et commenter une version antérieure de ce texte. Il est évident que je prends la responsabilité de toute erreur qui subsisterait.
Texte intégral
1Cet article traite d’un emploi particulier du conditionnel, appelé communément conditionnel journalistique2, mais que nous appellerons ici conditionnel de reprise. C’est l’emploi qui est illustré par les exemples (1) à (3) :
(1) L’ouragan de Honduras. Il y aurait plusieurs milliers de victimes (Wilmet, 2010, § 321, p. 324)
(2) Au moment où je vous parle, on aurait renversé le gouvernement (Chevalier et al., 1964, § 513, p. 358)
(3) Une navette spatiale partirait bientôt pour Mars (Riegel et al., 1994, p. 320)
2Cette étude se situe dans une perspective diachronique. Son objectif est double : essayer de découvrir à quand remonte cet emploi du conditionnel et ceci dans différents types de textes, et examiner quand et comment il a été relevé comme emploi spécifique dans les grammaires du français.
1. Trois groupes d’emplois du conditionnel
3Avant d’aborder ces deux questions, commençons par situer l’emploi de reprise dans l’ensemble des emplois du conditionnel. Nous partirons pour cela de la classification des emplois du conditionnel proposée dans Dendale (2001), que nous avons adaptée sur plusieurs points entre-temps. On y distingue trois groupes d’emplois.
1.1. Premier groupe
4les emplois à valeur temporelle. Le conditionnel signale qu’un procès (E) est nécessairement postérieur à un repère R situé dans le passé, le procès E pouvant, selon les cas, être antérieur, simultané ou postérieur par rapport au moment de la parole S :

5Parmi les emplois temporels, on distingue, depuis Nilsson-Ehle (1943), deux sous-groupes, appelés respectivement « conditionnel temporel subjectif », illustré par (4) et (5), et « conditionnel temporel objectif » (ou conditionnel des historiens), illustré par (6). Les premiers se rencontrent prototypiquement dans des discours indirects (libres), les seconds remplacent des temps du passé et donnent une vision prospective à partir d’un point de repère passé vers lequel l’historien se déplace fictivement :
(4) Elle disait qu’elle accepterait l’enfant en pension (Brunot, 1922, p. 515)
(5) Il se meubla dans sa tête un appartement. Il y mènerait une vie d’artiste ! Il y prendrait des leçons de guitare ! Il aurait une robe de chambre, un berret [sic], des pantoufles de velours bleu (Flaubert, cité par Robert, 1909, p. 344)
(6) […] les deux Guises […] se quittèrent sans tourner la tête : ils ne se reverraient plus (Robert, 1909, p. 344)
1.2. Deuxième groupe
6les emplois à valeur modale. Ils expriment l’éventualité ou l’imaginaire ou encore l’inscription d’un procès dans un monde possible différent du monde actuel du locuteur (Martin 1992 : 147). C’est à leur sujet qu’on parle de potentiel et d’irréel et qu’on distingue communément les emplois « corrélatifs » (Chevalier et al. 1978 : 357), liés explicitement à une proposition qui exprime une condition, comme dans (7) ; les emplois non explicitement corrélatifs (c’est-à-dire qui peuvent être « rendus » corrélatifs moyennant la reconstruction par l’interprétant ou le linguiste d’une conditionnelle), comme dans (8) ; et les emplois non corrélatifs (qui ne sont liés à aucune condition par eux-mêmes et se limitent à demander d’imaginer un monde possible), comme dans (9). On y range souvent aussi les « conditionnels de politesse » comme (8b), souvent analysés comme convoquant implicitement une condition (si je pouvais, si j’osais) :
(7a) Si j’étais venu, il serait parti (Frei, 1929, p. 261)
(7b) Il n’aurait rien dit, on n’aurait pas su qu’il était malade
(8a) Une telle réaction serait désastreuse
(8b) Je voudrais vous parler (Moignet, 1981, p. 84)
(9a) Il n’aurait rien dit, on n’aurait pas su qu’il était malade.
(9b) Je rêve d’une maison qui aurait un grand jardin.
1.3.
7Le troisième groupe d’emplois du conditionnel, également considérés comme modaux, comprend des emplois qu’on pourrait qualifier aussi d’évidentiels ou médiatifs3, dans ce sens qu’ils indiquent la façon dont le locuteur a obtenu l’information qu’il communique. On peut ranger ici deux emplois assez différents du conditionnel, illustrés par (10) et par (11) :
(10) La police brestoise a demandé télégraphiquement à la Sûreté de Paris des renseignements détaillés sur Raynaud, qui ferait partie d’une bande et aurait des complices anarchistes. D’après sa maîtresse, il appartiendrait à une association de malfaiteurs et le dernier coup qu’il aurait fait lui aurait rapporté cinq mille francs. […] (La Presse, 10 mai 1912)
(11a) Elle est toute pâle. Serait-elle malade ?
(11b) Nous avons été bien inquiets de votre retard, mes amis ! Vous serait-il arrivé quelque malheur ? (Verne, Discotext)
8Le conditionnel sous (11) est appelé conditionnel de conjecture (Dendale 2010) ou conditionnel d’inférence ou épistémico-inférentiel (Kronning 2013 : 210). Cet emploi impose d’interpréter le contenu global de la phrase comme une hypothèse personnelle, une conjecture, formulée par le locuteur-énonciateur à partir de certains indices concernant un état de choses et à propos duquel il demande confirmation.
9Les conditionnels sous (10) sont des conditionnels de reprise, sous étude ici.
2. Comment identifier le conditionnel de reprise ?
10Avant de regarder l’histoire de son traitement dans les grammaires et de son apparition dans divers types de textes, présentons quelques éléments rapides de caractérisation du conditionnel de reprise (nous ne pourrons, ici, entrer dans le détail de la description sémantique de la valeur de reprise).
11Dans Dendale (1991 : 202-205 et 1993 : 165-166), nous avions présenté trois traits sémantiques fréquemment utilisés (isolément ou en combinaison) par les grammaires et les études linguistiques dans leurs descriptions de la valeur du conditionnel de reprise :
(a) le caractère incertain de l’information ou l’incertitude du locuteur
(b) la reprise à autrui de l’information donnée
(c) la non-prise en charge de l’affirmation par le locuteur
12Voici, à titre d’exemple, la description de la valeur du conditionnel de reprise proposée par Martinon (1927). Les trois traits y sont présents :
On emploie […] le conditionnel présent ou passé à la place du présent et du passé composé, pour énoncer un bruit qui court et dont on ne veut pas se faire garant par une affirmation pure et simple, parfois même auquel on ne croit pas du tout (1927, p. 370, nos italiques)
13Dans cette citation, on voit que le conditionnel de reprise, simple ou composé, est une forme verbale qui, temporellement parlant, équivaut le plus souvent à un indicatif présent ou à un indicatif passé composé (parfois, peut-être, à un indicatif futur simple calculé à partir de S). C’est cette caractéristique que Haillet (1995) a exploitée dans son « test de substitution », qui doit permettre d’identifier le conditionnel de reprise et de l’opposer aux autres emplois de ce temps. Ce test est le suivant :
le conditionnel passé et le conditionnel présent sont remplacés, respectivement, par le passé composé et le présent,
cette opération de substitution n’entraîne pas de changement sur le plan de la polarité de l’énoncé d’origine,
[…] la disparition du conditionnel (simple ou composé) remplacé par la forme verbale correspondante appelle l’ajout d’une autre marque de dissociation entre l’énonciateur et l’asserteur. Il s’agit de mentions du type : « On dit que… », « Il paraît que…; », « D’après ce qu’on raconte… », « Selon certaines sources… », etc. (Haillet 1995 : 53-54)
14Ajoutons à la caractérisation sémantique de cet emploi une caractérisation distributionnelle sommaire. Le conditionnel de reprise se rencontre : dans une proposition indépendante (1) ou principale (2), dans une proposition relative (10), dans une proposition adverbiale (12), ou dans une subordonnée complétive enchâssée à une principale contenant un verbe de parole au présent ou au passé composé (Haillet 1995 : 123) (13) :
(12) Kurt Scheuch jugé parce qu’il aurait dit d’un juge qu’il est un crapaud4.
(13) Patrick Alain Blanchard […] assure qu’une lettre aurait été adressée aussitôt pour corriger le tir (L’Événement, 1991, cité par Haillet, 1995, p. 124)
15Le conditionnel de reprise apparaît le plus souvent dans les phrases déclaratives, mais n’est pas impossible dans les phrases interrogatives totales, à condition qu’elles soient intonatives5 :
(14a) Les Américains auraient capturé Ben Laden ?6
(14b) Que dites-vous, mon père ? Mes soeurs Shiya et Gamawuki seraient vivantes ? Vous connaissez leur retraite ? (Cerfberr, cité par Damourette et Pichon, 1936, t. V, p. 442)
16Le conditionnel dit « journalistique » ou « conditionnel de presse » n’est pas réservé au genre journalistique, comme nous le verrons, et il se rencontre aussi bien à l’oral qu’à l’écrit.
17Passons maintenant au traitement du conditionnel de reprise par les grammaires du français.
3. Le traitement du conditionnel de reprise dans les grammaires
3.1.
18L’emploi du conditionnel de reprise est mentionné dans la presque totalité des grammaires contemporaines du français, mais cela n’a pas toujours été le cas. Dans deux études récentes (Dendale 2012 et Dendale & Coltier 2012), nous avons étudié le traitement du conditionnel de reprise dans les grammaires du français du xvie jusqu’au début du xxe siècle. Nous avons constaté deux choses. Premièrement, que l’apparition du conditionnel de reprise dans les grammaires est largement postérieure à la mention et l’analyse sémantique des autres valeurs du conditionnel. Deuxièmement, que l’apparition du conditionnel de reprise dans les grammaires est postérieure d’au moins un demi-siècle, mais peut-être même de deux siècles et demi, aux premières attestations de l’emploi dans des textes, que nous présenterons sous § 4. Parcourons d’abord les principales étapes du traitement du conditionnel de reprise par les grammaires du français, du xvie jusqu’au début du xxe siècle.
3.2.
19Pour le xvie siècle, nous n’avons trouvé, dans aucune des grammaires examinées (Palsgrave 1530, Meigret 1550, Estienne 1569, Ramus 1572), un seul exemple ou une seule mention du conditionnel de reprise. Les exemples proposés contiennent invariablement des conditionnels d’éventualité, y compris quelques conditionnels de politesse, comme dans les exemples sous (15) à (17) :
(15) Je voudroys quelle et moy fusmes maries ; eux et vous feriez bonne chyere (Palsgrave, 1530, p. 332)
(16) Pourquoy l’aimeroyeie, ueu qu il ne me feit iamais que mal ? (Estienne, 1569, p. 34)
(17) j’aoroę fęt voulęntiers votr’ affére (Meigret, 1550, f. 71r)
3.3.
20La toute première grammaire où nous avons trouvé un exemple de conditionnel qui ressemble au conditionnel de reprise est la Grammaire francoise de Maupas, du début du xviie siècle (1607), et c’est en même temps la seule grammaire de ce siècle où nous avons trouvé un exemple de l’emploi. Rien dans les autres grammaires du xviie consultées : Oudin (16402), Arnauld & Lancelot (1660), Chifflet (1680), etc. Voici l’exemple cité par Maupas :
(18) Le demandeur dit & remonstre, qu’il auroit plusieurs fois demandé audit deffendeur payement de ses peines & vacations, dont il n’auroit tenu compte, & n’ayant sçeu en tirer raison, auroit esté contraint le faire conuenir pardeuant vous, où auroit esté tant procedé que, &c. (Maupas, 16071, p. 309)
21Notons que le conditionnel de reprise est utilisé dans cet exemple non pas en emploi absolu, mais en subordonnée complétive dépendant d’un verbe de dire au présent (dit & remonstre). Il est sur ce point comparable à l’exemple (12), cité par Haillet.
22Le commentaire de Maupas sur cet exemple est que le conditionnel « sert souuent au sens du preterit parfait indicatif7 », dans le « stile de plaidoirie » (1607, p. 309).
23Aucune précision n’est donnée sur la valeur sémantique de ce conditionnel, qui permettrait de savoir lesquels des trois traits énumérés plus haut sous § 2 valent pour cet emploi.
3.4.
24Au xviiie siècle, nous n’avons trouvé aucune trace du conditionnel de reprise dans les grammaires de Régnier-Desmarais (1705), de Buffier (1709), de La Touche (17304), de Beauzée (1767), de Du Marsais (1792), de Lhomond (1780) ou de Condillac (1798). Les exemples de conditionnels présentés y sont de nouveau massivement des conditionnels d’éventualité, du type de (19), et quelques conditionnels qui, à première vue, ressemblent à des futurs du passé (20), mais pour lesquels les auteurs s’efforcent très souvent de trouver une condition en si implicite :
(19) Si ma voiture étoit prête, je partirois demain (Beauzée, 1767, p. 232)
(20) Il m’a promis qu’il viendroit bientôt de la façon suivante : […] (Condillac, 1789, p. 181)
3.5.
25Après Maupas (1607), il faudra attendre le début du xixe siècle, avec le Cours de langue française en six parties de Lemare8 de 1819 (voire peut-être 1807, édition que nous n’avons pas pu consulter), pour avoir de nouveau des exemples de conditionnels de reprise. L’exemple cité par cet auteur est reproduit sous (21). Il provient des Plaideurs de Racine. Les spécialistes du conditionnel connaissent l’exemple à travers sa reprise par Damourette & Pichon (1936 : § 1846, p. 444) :
(21) [Chicaneau − Moi payer ? En soufflets. […] Tiens, voilà ton paiement. L’intimé − ] un soufflet, écrivons. Lequel Hiérome, après plusieurs, rébellions, Aurait atteint, frappé moi sergent à la joue, Et fait tomber d’un coup mon chapeau dans la boue. … Et de ce non content, Aurait avec le pied réitéré. − Courage ! − Outre plus, le susdit serait venu de rage Pour lacérer ce dit présent procès-verbal… (Lemare, 1819, p. 832, italiques de l’auteur)
26L’emploi du conditionnel dans cet emploi est condamné par Lemare de la façon suivante :
Racine a voulu parodier le style des enfants de Barthole. Le sens appelait le présent,… a, a, est, au lieu de [sic] suppositif, aurait, serait, lequel … a atteint … est venu. (Lemare, 1819, p. 832)
27Et comme pour justifier son rejet de cet exemple, il ajoute un autre exemple de conditionnel de reprise, présenté et critiqué par Voltaire, et qui ne vient pas du langage juridique :
(22) Ce style barbare, dit Voltaire9, commence à se glisser dans les papiers publics. On imprime que Sa Majesté aurait reconnu qu’une telle province aurait été endommagée par les inondations. (Lemare, 1819, p. 832)
3.6.
28Les deux exemples de Racine et de Voltaire, (21) et (22), seront repris d’abord dans la Grammaire Nationale des frères Bescherelle & Litais De Gaux (1835-18362 et éditions ultérieures) ; ils y seront qualifiés d’« Emploi vicieux » (p. 448). Ils sont repris également dans la Théorie des verbes de Litais de Gaux en 1850, où l’auteur explique qu’il faut les rejeter parce que « les actions exprimées par ces verbes ne sont nullement sous la dépendance d’une condition : ce sont des passés qui appartiennent au mode indicatif » (p. 138-139). Son commentaire de l’exemple condamné par Voltaire (voir la dernière citation ci-dessus) est également intéressant :
On se laisse aller aussi à ce faux emploi du conditionnel, quand il s’agit d’exprimer une action dont on n’est pas absolument sûr, comme dans les exemples : « […] on imprime que Sa Majesté aurait reconnu votre innocence, » etc. Ce style, loin d’être barbare, comme le prétend Voltaire, a quelque chose qui séduit au premier abord ; mais puisque les actions des phrases citées appartiennent au mode indicatif, il faut dire : « […] on imprime que Sa Majesté a reconnu votre innocence ». (1850, p. 138-139, italiques de l'auteur)
29D'après nos investigations, Litais De Gaux, avec ce passage, est sans doute le tout premier grammairien à fournir les premiers éléments de description sémantique du conditionnel de reprise : la formule « action dont on n’est pas absolument sûr » renvoie au trait sémantique d’incertitude, attribué souvent à cet emploi (voir plus haut § 2). En d’autres termes, c’est le trait d’incertitude, et non pas un des deux autres traits, qui apparaît dans la toute première caractérisation sémantique de cet emploi faite par une grammaire.
3.7.
30Plus tard dans le xixe siècle, on trouve pour la première fois quelques grammaires (plus précisément des grammaires historiques ou comparées) qui ne proscrivent pas l’usage du conditionnel dans son emploi de reprise et qui donnent, de façon plus systématique, des éléments d'analyse de sa valeur sémantique. Ce sont : Chassang (18816)10, Ayer (18823), Brunot (18871) et Clédat (18891).
31Chassang (18816) et Clédat (18891) reprennent l’exemple des Plaideurs de Racine, présenté sous (21), sans le condamner toutefois. Clédat remarque à son propos, de façon non normative : « En langue du Palais, dans une citation, on met souvent au conditionnel les verbes exprimant les faits articulés11 » (1889, p. 236 n. 2) et il décrit la valeur de cet emploi de la façon suivante :
Dans les phrases interrogatives ou exclamatives, et dans les phrases affirmatives où on rapporte l’opinion d’un autre, le conditionnel peut exprimer, par extension, une possibilité dont on doute, et dont par conséquent on n’a pas à formuler la condition. (Clédat, 1889, p. 236, nos italiques)
32On y retrouve deux des trois traits du conditionnel de reprise présentés au § 2 et on voit qu’on détache cet emploi du conditionnel des emplois expliqués par la présence d’une conditionnelle.
3.8.
33Passons au xxe siècle. Les premières grammaires du français du xxe siècle où nous avons trouvé des exemples de conditionnels de reprise sont celles du Hollandais C.-M. Robert (1909) et du Belge Eugène Ulrix (1909). Limitons-nous ici à Robert, qui donne deux exemples, le premier forgé (23), le second attesté, tiré d’un texte d’historien de 1906 (24) :
(23) D’après lui (à l’en croire) la charmante comédienne serait (aurait été) malade
(24) D’après ces historiens, Agrippine, qui aurait été une femme très ambitieuse, aurait réussi à se faire épouser, veuve et avec un enfant, par Claude, après la mort de Messaline ; à peine installée dans la maison de l’empereur, elle aurait préparé l’élection de son fils. Pour exclure Britannicus, le fils de Messaline, elle aurait persuadé Claude d’adopter Néron ; puis elle aurait créé un parti favorable à son fils dans le Sénat et dans la garde prétorienne, en se faisant aider par les deux précepteurs du jeune homme : Sénèque et Burrhus ; à peine elle aurait été sûre de tenir le Sénat et les prétoriens qu’elle aurait empoisonné Claude. Trop de difficultés nous empêchent d’accepter cette histoire (RP 1-6-06 p. 449, cité par Robert, 1909, p. 322)12
34Ce qui est surtout intéressant c’est la description étonnamment précise et complète que donne Robert en 1909 de la valeur sémantique de ce conditionnel. On y voit apparaître les trois traits relevés au § 2 dans les descriptions grammaticales actuelles du conditionnel de reprise : reprise du propos d’autrui, réserves (incertitude) et « non-sanctionnement » ou non-prise en charge :
Il y a encore un autre emploi du Conditionnel à relever, savoir celui qu’on en fait quelquefois pour reproduire l’opinion d’autrui ; la forme verbale du Conditionnel la présente alors avec une certaine réserve, pour faire entendre qu’on la donne pour ce qu’elle est, sans vouloir la sanctionner. (1909 : 322, nos italiques)
35Quant au degré d’incertitude (troisième trait) exprimé par cet emploi du conditionnel, l’auteur estime que dans ce genre de constructions, les conditionnels sont « bien près d’exprimer une absolue incrédulité » (1909 : 322), termes peut-être un peu forts par rapport aux descriptions contemporaines de l’emploi.
3.9.
36Deux autres grammaires de cette époque méritent une mention spéciale. Tout d’abord, Brunot dans La Pensée et la langue (19221 : 532), parce que c’est le grammairien qui cite l’occurrence sans doute la plus ancienne relevée par une grammaire d’un conditionnel de reprise tiré d’un journal (en l’occurrence La Presse), plus ancienne que les exemples journalistiques de Damourette & Pichon (1936), que Bres (2012 : 16) « sous bénéfice d’inventaire » considère comme les plus anciennes. L’exemple de Brunot date de 1912. Il est reproduit plus haut sous (10). Un autre exemple, (25), est tiré du Rêve de Zola de 1888 :
(25) Sa mère lui aurait laissé cinq millions qui, placés en achat de terrains, à Paris, en représenteraient plus de cinquante maintenant (Zola, Le Rêve, p. 66)
3.10.
37La dernière grammaire qui vaut une mention est celle de Damourette & Pichon (1936). Leurs exemples de conditionnels de reprise dans des textes juridiques, tous datés de 1541, sont les exemples les plus anciens de cet emploi jamais cités par une grammaire, mis à part peut-être celui de Maupas (1607), malheureusement non daté. Voici deux de leurs exemples :
(26) Oy sur ce le procureur general du Roy auroit esté communiqué ledict procès qui auroit consenti l’enterinement de ladicte requeste. (Arrêt du Parlement de Paris, 21 février 1541, cité dans Damourette & Pichon, 1936, t. V, p. 444)
(27) […] appelant de la sentence contre luy donnee par ledict prevost ou sondict lieutenant, par laquelle et pour raison de l’homicide par luy commis en la personne dudict defunct messire Jehan Bourdeau il auroit esté condamné à estre pendu et estranglé a une potence… (Arrêt du Parlement de Paris, 4 avril 1541)
38Damourette & Pichon sont aussi les premiers grammairiens à se prononcer sur le sémantisme des emplois juridiques du conditionnel, en montrant que le conditionnel y sert à « rapporter des faits ayant réellement eu lieu, ou des décisions de justice authentiques » (t. V, p. 444). Il n’est pas très clair s’il faut comprendre « authentiques » et « ayant réellement eu lieu » comme n’exprimant pas d’incertitude. Gougenheim (1938 : 188) pour sa part précise que « Du xvie siècle à la fin du xviiie siècle, ce conditionnel s’emploie dans la langue des actes, bien qu’il s’agisse de faits parfaitement certains pour celui qui rédige le document ».
3.11.
39Résumons. Cette courte analyse des grammaires du xvie au xixe siècle nous a montré plusieurs choses :
le conditionnel de reprise n’a été relevé que relativement tard dans l’histoire (début xviie et puis xixe siècle) par les théoriciens de la langue, en l’occurrence des grammairiens, tard en tout cas par rapport aux deux autres groupes d’emplois de cette forme verbale ;
le premier emploi cité est un emploi juridique, type d’emploi qui n’est pour ainsi dire jamais mentionné dans les grammaires contemporaines ;
l’emploi de reprise avait fait l’objet de condamnations, notamment par Voltaire et par les grammairiens du début du xixe siècle, avant d’être accepté comme emploi « normal » par les grammairiens, notamment par ceux qui ont fait de la grammaire historique et comparée.
quant à la datation de l’emploi de reprise du conditionnel à travers son traitement dans les grammaires, les données sont les suivantes :
(a) l’exemple daté le plus ancien tiré d’un texte journalistique est de 1912, cité par Brunot (1922)
(b) l’exemple daté le plus ancien tiré d’un texte historique (et scientifique) est de 1906, cité par Robert (19094)
(c) l’exemple daté le plus ancien provenant d’une œuvre littéraire, en l’occurrence Zola, est de 1888, cité par Brunot (1922)
(d) l’exemple daté le plus ancien provenant d’un texte juridique est de 1541, cité par Damourette & Pichon (1936).
4. Premières occurrences du conditionnel de reprise dans différents types de textes
40Passons à la deuxième question de recherche : celle de la datation de l’emploi du conditionnel de reprise dans les textes. Dans ce qui suit, nous présenterons des occurrences de conditionnels de reprise plus anciennes que celles citées par les grammaires pour les genres journalistique, historique et juridique.
4.1.
41Le genre journalistique. Dans une étude de 2006, nous (Bourova & Dendale 2006, 2013) avons dépouillé le tout premier journal français, la Gazette de Théophraste Renaudot, qui a vu le jour le 30 mai 1631. Nous y avons trouvé, dès les premiers numéros, plusieurs exemples de conditionnels de reprise, dont l’exemple sous (28) :
(28) (De Bruxelles le 22. dudit mois de Iuin)
Les nostres sont tous resiouïs du succez de Tilly & de son approche vers nous : mesme des dernieres novuelles, quoy qu’incertaines, qu’il auroit deffait des trouppes & pris deux canons au Duc de Vimar, venu au secours d’vne ville par luy assiegée. (Gazette 5, 1631)
42Cet exemple, de 1631, est probablement la toute première occurrence d’un conditionnel de reprise qu’on puisse trouver dans la presse française, occurrence nettement plus ancienne que l’exemple journalistique de 1912 cité par Brunot (1922).
4.2.
43Le genre historique/scientifique. Un dépouillement systématique de quelque 25 500 occurrences de auroit / seroit dans Frantext nous a fourni un exemple de conditionnel de reprise daté de 1577 :
44(29) On dit que cette Trudelude avoit esté autrefois si transportee de la folle amour d’un prestre nommé Strates, qu’obliant toute honte et debvoir elle luy auroit mis és mains l’entiere administration et gouvernement de sa principauté, et а son occasion faict mourir plusieurs des citoiens de Delphes.
(Blaise de Vigenère, L’Histoire de la décadence de l’Empire grec, et establissement de celuy des Turcs, comprise en dix livres par Nicolas Chalcondyle [trad.], 1577, dans Frantext)
4.3.
45Le genre juridique. La recherche d’occurrences anciennes de conditionnels de reprise dans des textes juridiques a été menée, en 2012, par Lien Baeyens dans le cadre de son mémoire de maîtrise (que nous avons dirigé). Voici les principaux éléments de son travail.
4.3.1.
46Premièrement, Baeyens a repéré et dépouillé une douzaine de registres criminels, de cartulaires et de recueils de chartes, couvrant une période allant de 528 à 1720. Dans un de ces recueils − un seul ! −, les Chartes et documents de l’Abbaye de Saint-Magloire (1330-1436), elle a trouvé quelques conditionnels qui ressemblent aux exemples cités par Maupas et par Damourette & Pichon. Voici un de ses exemples :
(30) Pour cause de ce que le procureur de mondict seigneur disoit et proposoit contre le procureur desdiz habitans que eulx, de faict, a tiltre de mal foy et sans aucune cause raisonnable, auroient couppé, prins, levé et amporté certaine et grant quantité de boys, chesnes et autres boys es boys dudict monseigneur, au lieu que l’on dit l’Estanchet et es lieulx cy dessoubz plus a plain declairés, et avecques ce avoient en iceulx boys prins et amporté par devers eulx grant quantité de fruict creulx en iceulx boys et par plusieurs foys, ce que lesdiz habitans ne povoient ne devoient faire, sicomme le procureur de mondict seigneur disoit. (Frantext, Chartes et documents de l’Abbaye de Saint-Magloire, nos italiques)
47L’acte d’où provient cet exemple est daté du 25 mai 1389, comme le montre l’extrait suivant de ce texte :
Donné et faict soubz nostre seel, aux plez de Saint Ligier en Yvelline, le mardi XXVe jour du moys de may, l’an de grace mil IIIcIIIIxxIX. (Chartes et documents de l’Abbaye de Saint-Magloire)
48Mais Baeyens a découvert que l’acte a été saisi par Frantext non pas à partir du parchemin original, qui a été perdu, mais à partir d’une copie faite par André Gougel, greffier du bailliage de Montfort-l’Amaury le 8 janvier 1518 (Baeyens 2012 : 44). En d’autres termes, l’exemple le plus ancien d’un conditionnel de reprise connu désormais date en fait de 1518. Si jamais la forme se trouvait déjà dans le texte original, il daterait de 1389.
49Nous ne pouvons développer ici dans le détail les éléments intéressants de l’analyse sémantique que Baeyens a effectuée sur tous ces exemples, ni présenter les caractéristiques parfois un peu étonnantes de ces conditionnels de reprise, pas plus que les conclusions provisoires qu’elle tire sur le degré de certitude ou d’incertitude des faits mis au conditionnel et leur non-prise en charge. Ce sera pour un autre article.
4.3.2.
50Baeyens a aussi étudié de plus près les exemples anciens de Damourette & Pichon (1936). Elle a trouvé :
51(1°) que Damourette & Pichon, qui ont tiré leurs exemples juridiques d’un article de 1934 de l’archiviste et paléographe Robert Marichal, intitulé « Les compagnons de Roberval », n’y ont pris que trois exemples sur une quarantaine que contient le texte ;
52(2°) que dans les anciens textes juridiques cités par Marichal se trouvaient deux conditionnels de reprise de 1540, antérieurs d’un an à ceux cités par Damourette & Pichon. Un de ces exemples est reproduit sous (31). En d’autres termes, Damourette & Pichon n’ont pas donné dans leur grammaire les exemples les plus anciens qu’ils auraient pu emprunter à cet article :
(31) […] actendu que par sentence donnee par le seneschal de Poictou ou son lieutenant audict lieu de Fontenay-le-Conte a l’encontre de Jaques et Pierre Begaulx, prisonniers es prisons dudict Fontenay-le-Conte, lesdictz Begaulx, pour raison des excés et crimes par eulx commis, auroient esté condennez a estre decapitez […], de laquelle sentence ilz auroient appellé en ladicte Court [du Parlement de Paris]… (Arrêt du Parlement de Paris, 20 décembre 1540, cité d’après Marichal 1934, p. 106, nos italiques)
53La grande question que s’est posée Baeyens est de savoir si on peut maintenir l’idée que les conditionnels dans cet exemple, et dans d’autres, servent bien à signaler le refus de prise en charge et l’incertitude d’un état de choses, étant donné qu’ils qualifient, dans un cas, une sentence prononcée par un premier juge et donc probablement accessible, à travers des textes, au juge d’appel, et dans l’autre cas, à des faits qui sont objectivement observables et connus de tous, à savoir que les accusés ont fait appel par la présente à leur première sentence. La question est de savoir s’il ne s’agit pas là de conditionnels qui ne signalent rien d’autre que la reprise de contenus qui ont été couchés par écrit dans des pièces officielles (première sentence, demande d’appel) préalablement à leur traitement devant la cour, ce qui voudrait dire qu’à l’origine le trait principal ou dominant était non le trait de non-prise en charge mais le trait de reprise.
5. Conclusion : utilité de ces recherches historiques
54Dans cette étude, nous sommes parti du traitement par les grammaires du conditionnel que nous avons appelé conditionnel de reprise. Nous avons présenté, pour quatre types de textes, les exemples les plus anciens cités par ces grammaires et vu que la prise de conscience de l’existence de l’emploi de reprise a été lente et progressive, avec des ignorances et des rejets, liés à un souci normatif, par les grammairiens. Ce n’est qu’à la fin du xixe siècle que l’emploi semble accepté.
55Nous avons ensuite présenté les occurrences les plus anciennes que nous ayons pu trouver du conditionnel de reprise dans le genre journalistique, historique et juridique. Nous avons vu que la première occurrence du conditionnel de reprise trouvée jusqu’ici date probablement de 1518, mais qu’elle est peut-être plus ancienne (voir le § 4).
56L’utilité de ce genre de recherches historiques est de donner des éléments qui permettront d’avancer peut-être un jour dans la description sémantique du conditionnel de reprise, de déterminer lequel ou lesquels des trois traits sémantiques utilisés pour sa description par les grammaires sont premiers et si ce sont les mêmes traits que ceux qui sont dominants aujourd’hui. Cela permettra peut-être un jour de répondre à la question : est-ce que le conditionnel de reprise signale invariablement la reprise à autrui et le refus de prise en charge, comme l’affirme Kronning (2002), ou une seule de ces notions ?
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Notes de bas de page
2 Ce terme, commode, est doublement trompeur. Premièrement parce que ce conditionnel est loin d’apparaître uniquement dans le genre journalistique, comme il sera montré au § 4 ; deuxièmement, parce que ce n’est évidemment pas le seul type de conditionnel qui apparaît dans le genre journalistique : on y trouve tous les types de conditionnels. C’est la raison pour laquelle nous préférons ici un autre terme.
3 La tradition française a fait introduire et préfère le terme de médiatif et critique souvent celui d’évidentialité, calque de l’anglais evidentiality, qui est le terme généralisé dans les milieux linguistiques anglo-saxons. Je refuse les arguments de ceux et celles qui rejettent l’emploi du terme d’évidentialité comme terme technique appartenant au métalangage linguistique français. D’une part, évidentialité n’est pas le seul terme linguistique, très largement utilisé, qui soit un calque. Pensons par exemple à analyse componentielle, où l’on retrouve le substantif anglais component à l’intérieur de l’adjectif dérivé et non le substantif français composant. D’autre part, le terme de médiatif, s’il est bien de formation française, est de sens si général qu’il a été utilisé pour référer à tant d’autres concepts que celui de « marquage de la source du message », au point que sa forme dérivée ne suggère pas plus univoquement son référent. Pour l’efficacité de la communication, je me suis donc résigné à oublier que évidence en français n’a pas le sens de evidence en anglais et à accepter que le terme d’évidentialité ne soit pas motivé par le substantif évidence au sens qu’il a en français − tout comme l’adjectif componentiel n’est pas motivé par rapport au substantif component, de forme non existante en français − et sachant que le terme de médiatif pose de toute façon aussi un problème de motivation morphologique.
4 http://lionelbaland.hautetfort.com/archive/2012/12/04/kurt-scheuch-juge-parce-qu-il-aurait-dit-d-un-juge-qu-il-est.html.
5 À quoi Azzopardi & Bres (ms) ajoutent que le conditionnel peut également apparaître dans certaines phrases interrogatives partielles telles que : Qui viendrait t’arrêter ? Pourquoi aurait-il changé ?
6 La même phrase avec est-ce que ou avec une interrogation par postposition du sujet aurait donné un conditionnel conjectural : Les Américains auraient-ils capturé Ben Laden ?
7 Le preterit parfait indicatif est notre passé composé.
8 Nous n’avons pas pu en consulter la première édition (18041).
9 Dans une lettre datée du 5 janvier 1767.
10 Nous n’avons pu voir la première version de cette grammaire (18781).
11 Qui veut dire en droit : « nettement affirmé, allégué » (TLFi, s.v. articulé) : « DR. Articuler des faits. Les énoncer article par article; p. ext., avancer, énoncer des faits en les accompagnant de preuves. » (TLFi, s.v. articuler).
12 Exemple emprunté à un article de l’historien Guglielmo Ferrero, Revue de Paris, 1er juin 1906.
13 La date mentionnée dans la grammaire (1630) est erronée et ne peut être que 1730.
Auteur
Université d’Anvers, Antwerp Center for Pragmatics
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