Épilogue
p. 335-342
Texte intégral
1Il en a été de ce colloque du CRODEC comme de la plupart des petits séminaires et des majestueux congrès à finalité scientifique affichée : il a livré, au moment de la lecture des communications, une certaine somme d’informations inédites et de réflexions originales ; dans un deuxième temps, sous l’effet du recul et du temps laissé à la réflexion, il a permis d’entrevoir dans quels domaines des recherches peuvent être poursuivies et quelles pistes nouvelles peuvent être ouvertes.
2On voudrait ici dresser ce bilan qui, pour des raisons matérielles, a seulement été esquissé au terme de la lecture de la dernière communication programmée. Dans le souci de la plus grande « lisibilité » —pour reprendre un terme actuellement à la mode— on présentera ce bilan et ces réflexions prospectives de façon quelque peu schématique.
3On commencera par trois considérations dont deux ont trait aux conceptions ou aux principes méthodologiques qui devraient présider aux recherches portant aussi bien sur leXVIIIe siècle que sur le XIXe : en premier lieu, il apparaît que l’étude des influences étrangères s’exerçant sur l’Espagne doit conduire, presque toujours, à ne pas se satisfaire d’une confrontation bipolaire (du genre : Espagne/France, Espagne/Angleterre, Espagne/Italie, etc...), mais qu’elle devrait engager à appréhender le jeu complexe des modèles et intermédiaires dans un cadre plus vaste, celui de l’Europe (de l’Europe toute entière, ou de l’Europe latine ou de l’Europe anglo-saxonne, etc...), voire celui du monde occidental dans son ensemble.
4La deuxième considération ramène au face-à-face entre la France et l’Espagne : il est apparu, au cours du colloque, que les relations culturelles entre les deux pays étaient marquées par l’évidente assymétrie des échanges et par une méfiance continue du côté espagnol. Cette crainte n’est pas dépourvue de logique ; elle naît justement de cette assymétrie et, sur le plan culturel, du dédain que manifestent généralement les milieux intellectuels français à l’égard de la culture espagnole (comme on l’a vu dans la communication portant sur les revues El Panorama et El Laberinto). Sur le plan politique, la crainte naît de la conscience de la puissance supérieure de la France, surtout aux époques de faiblesse de l’Espagne sur la scène internationale. L’assymétrie va de pair avec un important décalage chronologique ou défaut de parallélisme entre les séquences politiques des deux pays, perceptible depuis la fin du XVIIIe siècle : d’un côté, crise de la monarchie espagnole, de l’autre, Révolution et Empire napoléonien ; puis, Triennat libéral et Restauration ; seconde période d’absolutisme fernandin et Révolution de 1830 ; début de la première Guerre Carliste et monarchie de Louis-Philippe. C’est à la lumière de ces décalages et contrastes que s’expliquent nombre de conflits, de retrouvailles ratées et de heurts diplomatiques : guerre de 1793-1795 et guerre de 1808-1814 (abordée dans une communication), intervention du duc d’Angoulême (évoquée dans une autre communication), politique variable —rigoureuse ou tolérante— des gouvernements français à l’égard des Carlistes espagnols...
5La troisième observation, en préambule à la présentation du bilan du colloque, vise à rappeler l’obligation de respecter, en matière de recherche, une sorte de principe déontologique qui conduit à mettre en cause une fraction de l’hispanisme français : en effet, il faut se garder de penser, en cédant à la tendance « gallocentrique » d’une certaine recherche universitaire française de mauvais aloi et heureusement désuète, que la France propose seulement à l’Espagne des modèles recommandables, à suivre ou à adapter. Il est évident que, de nos jours, il faudrait éviter une simplification aussi grossière. En réalité, la France offre à l’Espagne, en permanence, des modèles et des contre-modèles dont la richesse et le pouvoir d’attraction ou de répulsion varient d’une époque à l’autre, suivant les circonstances. Deux communications présentées au colloque ont illustré opportunément cette vérité : en Espagne, pendant le Triennat Constitutionnel (1820-1823), la France contemporaine est considérée par les libéraux de la péninsule, non pas comme un phare, mais comme le bastion détestable de l’Ancien Régime, en somme comme un pays conjoncturellement retardataire par comparaison avec l’Espagne propulsée alors à l’avant-garde de la modernité politique. Une seconde communication, consacrée à Ramón de la Sagra, est venue rappeler la complexité du rôle exercé par la nation référentielle : il est bien connu, par exemple, que la Révolution Française, en raison de sa nature diachroniquement évolutive (du modérantisme de la Constituante au radicalisme de la Convention), a fourni constamment à son voisin du sud, jusqu’à nos jours, modèles et contre-modèles, suivant la propre option idéologique (progressiste ou réactionnaire) de l’observateur espagnol. Mais on pouvait ignorer que, pour Ramón de la Sagra, le matériau référentiel français —pour ne pas employer le terme équivoque de « modèle »— présentait une claire dichotomie, génératrice d’une image de la France apparemment contradictoire : en effet, dans le même temps, la France peut être désignée comme modèle culturel (au sens positif du terme « modèle ») et désignée comme contre-modèle social. Il est clair que, au long du XIXe siècle, et tout spécialement pendant l’époque romantique —caractérisée par la systématisation du jeu des contrastes et antinomies—, la France offre aux regards du pays voisin une chose et son contraire, non seulement selon le domaine considéré (la littérature, les institutions, les moeurs, la religion...), mais encore au sein d’un même domaine (Lamartine opposé à George Sand, voire le premier Chateaubriand opposé au second Chateaubriand, « diviseur d’opinion publique »).
6Cela dit, et parce que l’esprit répugne à se satisfaire d’une formulation aussi décevante, à savoir que l’influence française s’exerce de manière multiforme ou que le sens de cette influence est susceptible de s’inverser, ou encore qu’un même Espagnol peut trouver dans la même réalité française des motifs d’être admiratif ou réprobateur, on pourra être séduit par les tentatives de synthèse destinées à faire apparaître des constantes et des lignes de force. Ainsi, on doit pouvoir souscrire à cette idée, énoncée par l’un des communicants, que la France, au XIXe siècle, s’érige en réf2rent privilégié chaque fois qu’elle est associée à un processus pacifique, et non bouleversant, de modernisation, alors qu’elle est un contre-modèle quand elle évoque le déclenchement ou le déchaînement d’un processus de rupture révolutionnaire ou d’absurde retour en arrière.
7Au nombre des acquis —et cette idée avait déjà émergé au terme du précédent colloque du CRODEC— peut être rangé aussi cet énoncé que, le plus souvent, la référence à la France trouve sa seule justification dans le profit que l’Espagne peut tirer de cette comparaison. Les Espagnols sont, en quelque sorte, des « hispanocentriques », en cela que, soit qu’ils admirent, soit qu’ils critiquent le pays voisin, leur gallophilie ou leur gallophobie, selon le cas, est mise systématiquement au service de leur amour meurtri (voir Larra) ou confiant pour leur patrie. Les Espagnols se servent de la France comme d’un miroir, pour mieux se voir et se connaître. Ce jeu spéculaire n’est pas nouveau, et pas davantage il n’appartient exclusivement à la nation espagnole. Il semble, dans ce cas, pouvoir être rattaché à une « quête d’hispanité » (ou, si l’on préfère, « enquête sur l’hispanité »).
8En tout état de cause, pas moins de huit participants au colloque ont souligné que, pour beaucoup d’intellectuels espagnols, il ne s’agissait pas tant d’imiter servilement la France —quand elle était digne d’être imitée— que d’adapter à l’idiosyncrasie et aux besoins espagnols les aspects les plus utiles de la culture ou de l’expérience françaises.
9Du reste, l’accueil des modèles français est tributaire d’une culture politique espagnole profondément enracinée et sensiblement différente de la française. Cette culture espagnole filtre, dans de nombreux domaines, « ce qui passe » et « ce qui ne doit pas passer » (c’est-à-dire « qui devrait rester au nord des Pyrénées) : le rejet de l’athéisme des encyclopédistes ou du centralisme politique dans le cas de Braulio Foz, l’hostilité des critiques espagnols à la morale relâchée de George Sand et, dans le cas de Ramón de la Sagra, un certain anti-industrialisme peut-être fondé en partie sur des raisons morales, tout cela illustre la façon dont la religion et la conception « provincialiste » ou à tendance « fédéraliste » constituent, pour la réception de certains traits particuliers de la culture française, des limites quasiment infranchissables.
10Sur un point, les Espagnols qui au XIXe siècle s’intéressent à la France s’accordent autour d’un non-dit qui transcende les clivages idéologiques (politique, religieux, moral...), à savoir qu’il y a lieu de tourner les regards et la pensée vers le pays voisin que —en raison de sa proximité géographique, de sa volonté hégémonique et de la parenté des cultures— les Espagnols ne peuvent absolument pas se permettre, ou feindre, d’ignorer ; l’accord implicite est également unanime autour de l’idée que l’imitation, surtout si elle est servile ou systématique, serait néfaste.
11L’étude classique des modèles et des contre-modèles français conduit à apprécier, à travers les commentaires des « récepteurs », leurs avantages et inconvénients respectifs. Traditionnelle et plus malaisée est l’étude des processus d’adaptation en Espagne, processus qui peuvent donner lieu à toute sorte de manipulation. L’incorporation directe est la plus facile à appréhender ; c’est aussi la plus connue, parce que la plus évidente lorsque elle s’applique à la littérature (plagiat), au théâtre (traduction/adaptation), à l’édition (importation de procédés, de planches...). Mais, comme une communication l’a montré à propos du saint-simonisme, l’emprunt explicitement déclaré peut également s’accompagner d’un insidieux détournement de sens.
12L’histoire des idées en Espagne ne peut faire l’économie de cette réflexion portant sur la dénaturation du modèle référentiel, qui se produit lorsque ses récepteurs s’en servent à des fins distinctes de celles de ses créateurs. Cette dénaturation atteint naturellement un degré extrême lorsqu’elle est le fruit d’une propagande tendancieuse qui recourt à la mauvaise foi, se nourrit d’animosité et est inspirée par la peur.
13Au nombre des acquis du colloque peut être rangée l’idée qu’il convient d’abandonner, en matière de modèles, les études unidirectionnelles qui se bornent à mettre en lumière comment le « mentor » inspire ou guide le « disciple », alors que, en réalité, s’instaure parfois toute une dialectique de répliques, échos, effets de ricochet, qui finit par conférer au « disciple » une influence non soupçonnée au départ. L’exemple de Guizot, fourni par l’une des communications, en est l’illustration : les textes doctrinaux du français suscitent des réponses, fortement argumentées, de Donoso Cortés et de Balmes, qui, par là, acquièrent en France une notoriété (voir la large diffusion des traductions françaises des principaux ouvrages de ces deux auteurs) qu’ils ne pouvaient espérer s’ils ne s’étaient pas campés face au penseur français. D’autres cas de « couples », les uns accordés, les autres marqués par des tensions ou des affrontements, pourraient être étudiés : Eugène Sue et Wenceslao Ayguals de Izco, ou —à propos d’un ouvrage descriptif de l’Espagne dont l’originalité est alors sujette à caution— Francisco de Paula Mellado et Manuel de Cuendias (associé à Madame de Suberwick, dite Victor de Féréal).
14Les noms de ces deux Français, à peu près inconnus aujourd’hui, suggèrent que certes la problématique des relations franco-espagnoles dans l’ordre de la littérature doit continuer à être examinée à travers les oeuvres des écrivains majeurs —en l’occurrence Mariano José de Larra, George Sand, Gertrudis Gómez de Avellaneda— mais aussi que, eu égard à la réduction progressive du champ encore à explorer, l’étude comparative n’est pas près de s’éteindre, pour la raison qu’elle prend en compte, plus que jamais, la littérature dite de deuxième ordre : feuilletons, contes, pièces de théâtre tombées dans l’oubli après avoir remporté un grand succès en leur temps (cf. Españoles sobre todo de Eusebio Asquerino). C’est à ce niveau-là que peut être saisie pleinement la densité des échanges littéraires franco-espagnols, avec une large prédominance, explicable par l’Histoire, du courant de la France vers Γ Espagne, plutôt que l’inverse.
15On peut estimer —et les titres des communications en font foi— que les grandes études « à l’ancienne », du genre « l’image/la réception de tel écrivain français en Espagne » ont été à cette heure conduites à leur terme quand elles impliquaient les personnages à la fois les plus illustres ou/et les plus tournés vers la Péninsule (Chateaubriand, Hugo, George Sand...) ; mais on ne peut en dire autant d’autres écrivains, pourtant éminents, tels que Alexandre Dumas, Mérimée, Lamartine. Et, surtout, on observera que presque tout est à faire concernant des écrivains et dramaturges français qui eurent en Espagne une extraordinaire notoriété, tels Eugène Sue, Eugène Scribe, Frédéric Soulié et Paul de Kock.
16L’étude de la réception en Espagne de tel ou tel écrivain, illustre ou de second rang, peut être conduite de bien des manières, comme la communication portant sur George Sand l’a suggéré en un bref préambule. Elle peut s’intéresser à la réception « passive », si elle vise à mesurer l’audience des oeuvres de l’écrivain considéré ou si elle prend en compte la présence de ces ouvrages dans les bibliothèques publiques et privées ; réception « semi-active», si l’étude se fonde sur les opinions formulées dans la presse ; « reproductive », si elle répertorie les traductions et les adaptations ; « active » enfin —et là le travail est loin d’être achevé— si elle examine comment tel ouvrage de l’écrivain français a marqué tel ouvrage espagnol, dans sa thématique, sa structure, son style, son lexique...
17Au cours de ce second colloque, plusieurs vastes territoires de recherche n’ont pu être représentés, en conséquence de quoi apparaissent, avec le recul, des insuffisances et des lacunes. À une communication près, la peinture et, de façon générale, l’iconographie auraient été ignorées, alors que, tant pendant les époques de conflit que pendant les périodes de paix, les artistes et graveurs espagnols travaillant pour des périodiques illustrés s’inspirent de modèles français (mais aussi, —cela va sans dire— anglais, italiens, etc...)· Du reste, le séjour en France, pour études, demeure recommandable pour les artistes espagnols débutants ou bien en quête de notoriété internationale. Plus nombreux sont, sans doute, les artistes européens (les Roberts, Dauzats...) influencés par l’Espagne, mais, symétriquement, Genaro Pérez Villaamil n’a certainement pas été le seul Espagnol à reproduire des monuments ou des scènes aperçus en France.
18Le même genre de remarques est applicable à la musique. Certes, en laissant de côté la musique extra-espagnole en vogue dans les bals mondains madrilènes, on admettra sans difficultés que, notamment à l’époque romantique, l’Espagne exporte plus sa musique (chansons et mélodies régionales) qu’elle n’importe de musique française, laquelle est largement supplantée par la musique italienne et germanique. Mais ce quasi-effacement de la musique française dans la Péninsule ne peut conduire à méconnaître que Paris, loin d’être un « désert musical », continue à attirer des artistes espagnols éminents : chanteurs, instrumentistes, compositeurs (on songe ici à Fernando Sor, à José Melchor Gomís, à Trinidad Huerta, à la Malibran).
19Voilà qui fait surgir deux thèmes —l’un majeur, l’autre secondaire— qui auraient mérité d’être abordés au cours du colloque. Le thème secondaire est celui du voyage des Espagnols en France, qui avait donné lieu à deux communications lors du premier colloque (Antonio Ponz et Viera y Clavijo). Sans doute, les récits des voyages de Fray Gerónimo (Modesto Lafuente) et du Curioso Parlante (Ramón de Mesonero Romanos) ont-ils été examinés ailleurs, mais d’autres récits s’offrent à l’étude et, surtout, reste à approfondir une réflexion englobante qui, prolongeant celle entreprise par l’un des intervenants du colloque, conduirait à caractériser la façon dont les Espagnols, à l’époque romantique, portent leur regard sélectif sur la réalité française : moins de visites de monuments, un intérêt plus vif pour la réalité sociale et pour la politique « urbanistique »... Jusqu’à ce jour, les spécialistes français du « voyage à l’époque romantique » ont donné à penser que, seuls, méritaient d’être étudiés (et admirés) les récits des écrivains touristes ayant dirigé leurs pas vers l’Italie, l’Espagne, la Suisse, la Bavière et Léningrad... Mais qui s’occupait des voyageurs espagnols en France ? La satisfaction a donc été redoublée à l’écoute d’une communication qui évoquait le séjour à Paris d’écrivains espagnols ayant une certaine notoriété, puisqu’ils ont nom Mariano José de Larra, Eugenio de Ochoa, Ramón de Mesonero Romanos, Modesto Lafuente et Jacinto Salas y Quiroga.
20Peut-être est-on en droit d’estimer que, tout compte fait, « l’image espagnole de Paris », proposée à la fois par les voyageurs et par les auteurs d’articles descriptifs parus dans la presse de genre costumbrista est aisément caractérisable, mais —et on touche là à une autre lacune— autant Paris, comme par le passé, est institué par les Espagnols en pôle d’intérêt quasi exclusif, autant le reste du pays —villes et espaces régionaux— semble, par contraste, sous-estimé ou délaissé. Or, de la même façon que, en France, à l’époque romantique, la « connaissance linéaire » de l’Espagne, notamment le long de la « voie royale » (Saint-Sébastien-Burgos-Madrid-Cordoue-Séville-avec excursion à Grenade) commence à se doubler d’une « connaissance extensive » qui, peu à peu, tire du néant l’Espagne intérieure de l’est et l’Espagne Cantabrique, il apparaît que la connaissance espagnole de la France, tout en conservant son ancien caractère de linéarité (cf. la « voie royale » Bayonne-Bordeaux-Tours-Orléans-Paris), commence, à son tour, à couvrir un espace, pour sûr, encore très lacunaire. Mais le costumbrismo espagnol, dans sa composante extra-péninsulaire (longtemps négligée par les spécialistes de cette littérature), donne à penser qu’un nombre grandissant d’Espagnols découvrent enfin que la France ne se réduit pas à sa capitale, même si on assure péremptoirement qu’elle la reproduit en raccourci ou par concentration, et que cette France, comparée à un organisme, comporte une tête (Paris) et des membres. En d’autres termes, il serait intéressant de voir comment les Espagnols appréhendent cette France alsacienne, bretonne, alpine...
21Il reste que, pour la majorité des Espagnols, Paris, comme par le passé, est censé incarner ou symboliser le pays entier, dans sa diversité profonde encore méconnue. Qu’ils soient réfugiés politiques, artistes débutants ou déjà connus, touristes..., c’est à Paris qu’ils accourent et cherchent à s’établir, pour de multiples raisons. La capitale, devançant par là, de très loin, ces autres « pôles d’émigration » que sont Bayonne et Bordeaux, et, accessoirement, Perpignan, Toulouse et Montpellier, est, au long du XIXe siècle, la capitale de l’émigration espagnole, aux côtés de Londres. L’énormité du travail qu’il faudrait effectuer dans les archives doit expliquer à elle seule qu’on soit toujours dans l’attente de l’ouvrage qui, relatif à Paris, serait l’homologue de celui publié par Vicente Llorens sur les émigrés espagnols à Londres. L’étude, dans sa conception et sa dimension idéales, toucherait à la politique, aux arts et aux sciences. Il serait logique, en effet, qu’elle mette en scène et fasse se côtoyer, comme ils se côtoyèrent dans la réalité, ministres déchus, chanteurs renommés, aventuriers, touristes fortunés... qui, par ailleurs, fréquentaient parfois des notables parisiens : hommes politiques, banquiers, savants de grande réputation, émigrés d’autres nationalités... À supposer que la rédaction de cette histoire de l’émigration espagnole à Paris excède les capacités d’un chercheur unique ou même d’une équipe, les archives parisiennes, la presse et les mémoires autobiographiques des résidents français continuent à ouvrir la possibilité d’« études de cas », qui seraient comme les pièces de l’immense puzzle à composer. C’est dire que l’« émigration espagnole à Paris » se présente, tout à la fois, pour les chercheurs comme un vaste chantier et comme une longue série de mini-chantiers.
22On pourrait, sans mal et pour finir, dresser la liste —jamais close— de quelques domaines et sujets pour lesquels il y aurait lieu d’étudier, globalement ou dans le détail, le jeu des influences, des modèles, des « images de l’autre ». On se bornera à un bref échantillonnage, en excluant, conformément au programme initial du CRODEC, tout ce qui a trait à l’économie :
- doctrinarisme
- l'éducation
- combat féministe
- symbologie politique
- formes de sociabilité bourgeoise
- modalités des revendications et des luttes ouvrières
- mode vestimentaire
- conceptions architecturales, etc...
23Bien que ce vaste « inventaire de lacunes » puisse paraître désolant, ou décourageant, les responsables du CRODEC peuvent dire à leur décharge que plusieurs des domaines mentionnés ci-dessus sont en cours d’exploration ou déjà bien fréquentés par des chercheurs, notamment espagnols, groupés en équipes ou travaillant individuellement.
24Grâce au concours qu’ont bien voulu leur apporter les chercheurs venus de l’étranger ou de province pour présenter leur communication et participer à l’échange d’idées, les responsables parisiens du CRODEC et les deux « coéditeurs » de cet ouvrage se plaisent à penser que le colloque de décembre 1995 avait sa raison d’être.
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