Danièle Sallenave : de l’« athéisme littéraire » à la « quête du sens »
p. 215-229
Texte intégral
1« Danièle Sallenave de guerre » peut-on formuler d’après le titre de sa grande biographie de Simone de Beauvoir paru en 2008 : Castor de guerre1. Son parcours du Nouveau Roman à la biographie « sartrienne » est accompagné d’un fervent engagement pour la littérature et d’une réflexion théorique intense sur le roman français contemporain.
2Avec ses premiers romans Paysage de ruines avec personnages – paru en 1975 – et Le Voyage d’Amsterdam ou les règles de la conversation – paru en 1977 –, Danièle Sallenave s’inscrit dans la tradition du Nouveau Roman. Dans son premier roman, elle se refuse aux règles de la narration, l’écriture étant plutôt de l’ordre de l’inventaire : « boîtes : suspendues au mur accrochées noires béantes : pendues de place en place régulièrement à de forts crochets à des pitons reliés aux cimaises par de longues tiges de métal : disposées en longues files : ouvertes comme des fenêtres sans vitres comme des façades aveugles : éventrées sans violence sans trace d’effraction […] »2. Dès la première phrase, le lecteur est confronté à un texte sans histoire, sans repères, sans ponctuation, à l’écoute d’une voix plurielle qui médite la mémoire et la mort face à la culture occidentale, ses sites, ses livres, ses œuvres et ses villes3. Le texte lui-même, avec des blancs et des points de suspension, se présente comme le « bric-à-brac confus » baudelairien4, d’immenses archives de fragments où les « personnages », qui ressemblent à des figurants dans « ce paysage de ruines avec personnages », sont dépaysés. Danièle Sallenave se délivre ici du « sujet, des personnages et de l’intrigue » comme Nathalie Sarraute l’avait demandé dans son essai L’Ère du soupçon5. Son deuxième roman, Le Voyage d’Amsterdam ou les règles de la conversation, place une conscience féminine au centre d’un récit. Comme Marcel dans l’œuvre de Proust, une femme couchée dans la nuit ne dort pas : elle se souvient, elle rêve, elle imagine, elle invente peut-être. Le lecteur doit reconstituer son histoire d’amour – si on peut parler d’une histoire – à partir de détails, de mots, de bribes de conversations interrompues, de descriptions qui se présentent dans des paragraphes courts et entrecoupés. Le texte joue avec deux typographies différentes. Le texte en italique décrit la narratrice seule dans sa chambre, le texte en typographie régulière décrit ses rencontres avec son amant dans l’espace intime de la chambre et dans l’espace public de la ville :
[…] Neige fondue sur les trottoirs ; pas rapides ; ciel bas de cinq heures ; ampoules multicolores aux sapins des carrefours ; haut-parleurs de fête dans le vent au-dessus des places ; musique intermittente
– eux deux, glissés dans le temps comme des signes entres les pages d’un livre, et ils vont, chacun de leur côté, dans l’affreuse fatigue du cœur.6
3De nouveau les blancs structurent un texte décousu où les « règles de la conversation » consistent dans une sorte d’anti-conversation :
- dis encore, dit-il, parle
je sais, dit-elle
(ont-ils jamais parlé, ont-ils jamais cessé de parler, l’enlacement de leurs mots prolonge celui de leurs jambes tantôt ; […])
- c’est cela, dit-elle
(acquiesçant d’un signe invisible, et qui déplace cependant une quantité d’air suffisante pour qu’elle aille frapper l’oreille de l’autre et inscrire en lui la trace de cette approbation, ainsi que fait un sismographe, ou un baromètre dans sa cage de verre, avec le tambour de papier millimétré que parcourt imperceptiblement la pointe encrée)
- dis encore, dit-il, parle
(et ils se retrouvent plongés à même le flux d’une phrase ininterrompue, vive comme une eau, traçant autour d’eux des entrelacs pesants, parfois, comme fait la fumée des cigarettes dans une chambre confinée, ou celle des cheminées d’usine dans les villes […]7
4Comme Nathalie Sarraute, qui essaie de cerner « les actions minuscules qui sous-tendent et poussent en avant le dialogue et lui donnent sa véritable signification » pour permettre au lecteur de « pressentir derrière [les paroles] des mouvements plus nombreux, plus subtils et plus secrets que ceux qu’il peut découvrir sous les actes »8, Danièle Sallenave cherche un moyen de transcrire les mouvements intérieurs infimes et imperceptibles qui accompagnent la conversation tel un sismographe parcourant le papier millimétré avec sa pointe encrée9.
5En 1985, Danièle Sallenave s’engage pour la première fois dans un débat littéraire. Elle est une des premières à défendre publiquement Claude Simon lorsque l’attribution du prix Nobel suscite une polémique autour du « Nouveau Roman », qui était accusé de ne pas refléter le goût d’un large public. On se souvient de la question stupéfaite et non sans reproche des Français : « qui est Claude Simon ? ». Tout en prenant parti dans cette « querelle des anciens et des modernes » en défendant l’œuvre de Claude Simon, Danièle Sallenave s’était déjà éloignée de la nouvelle étape du Nouveau Roman caractérisée par tel quel et la proclamation d’une « rupture textuelle ». Car le Nouveau Roman se sentait déjà vieillir, il perdait sa nouveauté et cherchait à rendre compte d’un rajeunissement perpétuel10. Ainsi Robbe-Grillet déclare : « […] non pas chercher des formes nouvelles pour dire des choses nouvelles, mais systématiquement travailler en fonction du nouveau, c’est-à-dire en déplaçant le lieu du travail »11. La définition que Françoise van Rossum-Guyon donne du Nouveau Roman renouvelé prouve la difficulté de baptiser l’ultime avant-garde :
L’inventaire que l’on a pu faire des différentes formes narratives […] a eu en effet pour résultat de déplacer l’accent des procédés déjà répertoriés par la critique […], procédés qui permettaient seulement de caractériser certains textes comme nouveaux par rapport au roman traditionnel, vers ce phénomène encore plus nouveau du renversement radical de l’écriture d’une aventure à l’aventure d’une écriture. Il s’agit bien là d’un phénomène nouveau dans la mesure où l’on a dû constater une différence, sinon même une rupture. […] Alors que le Nouveau Roman (première manière) a pu, et à juste titre, être considéré comme le dernier avatar du roman épistémologique […] le second Nouveau Roman (que l’on a vu désigner comme un Nouveau Nouveau Roman) se présente comme un jeu ou, comme on l’a précisé, un jeu de construction.12
6Danièle Sallenave se refuse au Nouveau Nouveau Roman, et elle se refuse au culte de la rupture. Lors d’une table ronde consacrée à l’extrême contemporain en 1986, elle déclare :
Je me définirais plutôt par un désir de résistance… Je ne sais pas si esthétiquement je suis en avant, si je vais de l’avant. En avant de quoi ? Je ne sais pas. Si tant est que l’artiste ait à rendre des comptes devant l’histoire, il semble que ce qui m’intéresse, moi, c’est d’être aussi à la traîne de l’histoire, d’être à l’écoute de ceux qui sont à la traîne, d’être à l’écoute de ceux que la modernité considère comme devant être rejetés sur ses bords comme traînards… J’ai envie de traîner la savate avec ceux qui la traînent non pas en esthétique mais dans l’histoire.13
7La valorisation de « ceux qui sont à la traîne » rappelle la revalorisation de la lenteur dans Die Entdeckung der Langsamkeit – La Découverte de la lenteur par Sten Nadolny, qui a paru en 1983. Danièle Sallenave ne va pas « systématiquement travailler en fonction du nouveau », comme le proclamait Robbe-Grillet, mais elle a sa propre manière de « déplacer le lieu du travail ».
8Avec la publication de son troisième roman en 1980, Les Portes de Gubbio, qui la fait connaître du grand public grâce au prix Renaudot qu’il obtient la même année, elle avait déjà adopté une forme réaliste avec une intrigue, un narrateur et des personnages bien définis. Pour elle, il ne s’agit pourtant pas d’un retour à la convention. Elle s’explique dans un entretien avec Monique Nemer :
Je trouve assez accablants tous ces propos sur le retour au roman comme retour à la vie de chair et de sang. Il est vrai que les notions de vraisemblance, de suspense, le choix d’une fiction qui ne fait pas de l’écriture son sujet premier, heurtent de front certaines pratiques du Nouveau Roman… [Mais] réintroduire le personnage n’est pas nécessairement en revenir à Balzac !… Mon désaccord avec certaines thèses du Nouveau Roman… porte sur le rejet de l’intrigue et du vraisemblable comme loi de composition romanesque, sur la volonté de manifester avant tout le récit comme un objet fabriqué, autonome. Il y a quand même un niveau où l’écriture cesse d’être intransitive, close sur elle-même… il faut que quelque chose passe – et se passe.14
9En s’éloignant de l’avant-garde du roman, Danièle Sallenave trouve une nouvelle voie, elle « déplace le lieu du travail » en regardant en arrière – et en se rapprochant de Sartre. Horribile dictum ! Car c’était l’époque – comme l’exprime Bernard-Henri Lévy – « où s’intéresser à Sartre semblait le dernier Kitsch. Malraux ? Bien sûr. Camus ? Si l’on y tenait. Mais Sartre… Non, pas Sartre… Surtout pas Sartre… »15 Mais « Danièle Sallenave de guerre » affronte cette résistance. Comme dans les grandes biographies de Baudelaire, Genet, Flaubert et Mallarmé par Sartre, le protagoniste de son troisième roman Les Portes de Gubbio s’affirme à travers l’écriture. On pourrait même appliquer à ce roman la formule « qui perd gagne », dont Sartre se sert à maintes reprises dans ses biographies16. Le roman a la forme d’un journal qui rappelle également La Nausée17. À travers le journal intime du personnage central S., dont le nom demeure inconnu, le roman décrit la défaite d’un musicien, sa carrière brisée et son existence incertaine18. Mais grâce à l’écriture, le protagoniste perdant sort transformé de cette épreuve, l’écriture fait subir au sujet une transformation intérieure dont le passage du « je » au « il » narratif est le signe. S. « gagne », en se transformant « en narrateur – en narrateur de sa propre vie »19. Danièle Sallenave souligne que ce roman marque un changement :
Avec ce livre, j’essaie de construire pour la première fois un narrateur distinct de moi. Homme, musicien, il vit dans un pays qui n’est pas le mien. Émerge petit à petit la possibilité d’écrire à la troisième personne – tout est gagné quand on y parvient, disait Kafka. Évidemment je continue à dire « je », mais ce « je » est déjà autre.20
10Dans les nouvelles et romans qui suivront Les Portes de Gubbio, le recueil de douze nouvelles Un Printemps froid (1983) et La Vie fantôme (1986), Sallenave se sert de la technique des « biographèmes » que Roland Barthes définit dans Sade/Fourier/Loyola21 et qui consiste à décrire des vies réduites à quelques détails. Le retour au roman dans la tradition de Flaubert22 se fait ressentir dans la nouvelle « louise » qui raconte la vie dépossédée d’une femme ordinaire née dans une petite ville de province23. Le roman La Vie fantôme qui connut un grand succès auprès du public, est particulièrement intéressant car il s’agit d’une réécriture de son Nouveau Roman Le Voyage d’Amsterdam. Le discours entremêlé de la voix de la mémoire et la voix du présent dans Le Voyage d’Amsterdam fait place à un discours soi-disant réaliste. Malgré cette démarche « classique », le texte déploie une focalisation nouvelle : il tourne autour d’un adultère en variant les points de vue des deux protagonistes principaux, laure et Pierre. Bien que le livre raconte une histoire et réintroduise des personnages, le discours cherche à accentuer de nouvelles situations comme la conversation au téléphone, dont l’auteur explore toutes les nuances :
Par-delà les nécessités de la séparation et comme pour restaurer magiquement une continuité que tout contribuait à morceler, le téléphone jouait dans leur vie un rôle quasi organique, celui d’un conduit vital, nécessaire à la sécrétion et à l’écoulement d’une humeur, jusque dans leur imagination et dans les représentations qu’ils s’en donnaient mutuellement (parfois pour en rire, le plus souvent pour s’en plaindre) : cordon, membrane, vibration, distance, échauffement, froideur. « Je te sens si proche », disait la voix de l’un. Ou au contraire : « Pourquoi t’éloignes-tu ? […] Allez, je coupe », disait Pierre, ou « On arrête. » […] Couper, c’était aussi nécessaire que de se réveiller et de suspendre cette continuité trouble, sensuelle, qu’avait merveilleusement établie à distance la liaison électrique, prolongement parfait de la liaison charnelle, voix basse, rêve partagé, sommeil diurne, le chuintement de la respiration sur les lèvres humides, un bruit de langue, une toux.24
11Bruno Thibault suggère que Danièle Sallenave « cherche à montrer que le scénario classique de l’adultère, qui a dominé le XIXe siècle est maintenant dépassé »25. L’élan romantique a fait place à une expérience que Handke appellerait « Wunschloses Unglück » [malheur sans désir]26. Le discours romantique s’est transformé en description dense d’une entente entre des amants qui n’ont pas la force de sortir de leur « vie fantôme »27.
12La proximité de Sartre s’affirme davantage encore dans l’essai polémique Le Don des morts, paru en 1991. Danièle Sallenave reprend ici un sujet qu’elle avait traité dans son premier roman d’une manière poétique. Car Paysage de ruines avec personnages représente aussi un musée imaginaire qui s’avère dépôt ancestral des restes d’une civilisation sur le point de disparaître. Il s’agit d’une exploration du présent et de ce qu’il recèle de traces du passé, d’une autobiographie à la fois collective et personnelle. La ruine n’est plus le point de repère passé d’une chronologie historique, mais elle s’insère dans ce que Husserl appelle « le présent vivant » de la perception. Quinze ans après son premier roman, Danièle Sallenave se concentre dans Le Don des morts sur la trace du passé que représentent les livres, dépôt précieux d’un « présent vivant » que nous recevons comme un don28. Sartre avait également conçu le livre comme un don dans son essai Qu’est-ce que la littérature ? : « […] l’œuvre n’est jamais une donnée naturelle, mais une exigence et un don »29. Danièle Sallenave affirme cette position tout en la situant dans le temps. Comment prévenir que le don des morts se transforme en don mort ? C’est la grande question qui hante toute son œuvre. Oublier le don des morts, c’est nier l’héritage de la pensée : « Depuis des siècles les livres sont le legs des générations disparues
13– le don que nous font les morts pour nous aider à vivre. […] les lettres, c’est notre langage métamorphosé ; ce sont nos mots : et voici que, dans le colloque singulier du livre et de son lecteur, s’ouvrent l’expérience élargie, et la pensée, et le rêve, et la possibilité d’être soi-même, véritablement, dans la communauté partagée »30. Cette potentialité de la littérature s’offre surtout dans le genre littéraire du roman. Ainsi, tout en citant l’essai de Sartre, Danièle Sallenave dirige la question vers la fonction du roman à l’âge moderne :
Qu’est-ce que la littérature ? Qu’est-ce que le roman ? […] le roman n’est en effet pas un genre littéraire : il est la catégorie la plus énigmatique de la littérature. […] son domaine est ce que la philosophie a désigné du nom de « monde de la vie », sa tâche est liée à la tâche que s’est donnée l’homme moderne de considérer l’existence comme le lieu problématique de la quête du sens. Si la littérature, si les lettres, si le roman nous sont nécessaires, et même indispensables, c’est qu’en eux l’existence se donne comme le lieu du dévoilement toujours suspendu, toujours inachevé d’un sens. Les vérités du roman sont plurielles, et toujours recommencées.31
14Avec l’expression « monde de la vie », le texte se réfère explicitement à la conception de la « Lebenswelt » de Husserl32. Husserl posait la question du sens de l’existence face aux réponses peu satisfaisantes des sciences :
De simples sciences de faits forment une simple humanité de fait. Dans la détresse de notre vie – c’est ce que nous entendons partout – cette science n’a rien à nous dire. Les questions qu’elle exclut par principe sont précisément les questions qui sont les plus brûlantes à notre époque malheureuse pour une humanité abandonnée aux bouleversements du destin : ce sont les questions qui portent sur le sens ou sur l’absence de sens de toute cette existence humaine.33
15Pour Danièle Sallenave ainsi que pour Sartre, la littérature doit prendre en charge la tâche qui se présentait à la philosophie dans la phénoménologie de Husserl. Sartre proclame la responsabilité de l’écrivain et du lecteur dans Qu’est-ce que la littérature ? : « […] Nous pouvons conclure que l’écrivain a choisi de dévoiler le monde et singulièrement l’homme aux autres hommes pour que ceux-ci prennent en face de l’objet ainsi mis à nu leur entière responsabilité »34. Danièle Sallenave s’engage dans la même voie, mais il s’agit pour elle d’une réorientation du roman35. Elle fait face à une autre « situation » que Sartre lorsqu’il décrit « la situation de l’écrivain en 1947 ». Elle doit affronter l’« athéisme littéraire » d’un roman qui se proclame aréférentiel :
On voit donc à quelles conséquences peut mener « l’athéisme littéraire » de toute une génération, qui du personnage et du narrateur a voulu faire de simples « figures de papier » […] En renonçant au muthos aristotélicien, condamné sous le nom prétendument péjoratif d’intrigue, et au personnage, ce n’est pas à la littérature seulement qu’on s’en prend ; il y va de bien plus, et le lecteur le sait bien. C’est à une certaine idée d’existence, comme quête de sens.36
16Son cri de guerre vise particulièrement le Nouveau Nouveau Roman : « […] S’épanouit alors l’utopie d’une littérature sans sujet et sans auteur, d’une écriture intransitive, n’ayant pour programme que le pur fonctionnement des lois du langage, d’autre objet qu’elle-même et d’autre finalité que d’explorer et de réfléchir les moyens de sa fabrication »37. Pour Sallenave, le roman n’est pas un jeu intellectuel : « la littérature est le contraire absolu du clip vidéo… il s’agit de faire en sorte que le lecteur, le temps du livre, se refigure sa propre existence, sa vie singulière aux vies singulières des personnages, ces ego expérimentaux »38.
17Les romans des années 1990 visent donc une plus grande lisibilité pour permettre au lecteur de se « refigurer sa propre existence ». Avec son roman Viol, paru en 1997, Sallenave s’approche davantage du roman existentialiste dans la tradition des Chemins de la liberté de Sartre. Viol est l’histoire d’une femme qui vit retirée dans la cité nouvelle de Saint-Colmer. Sallenave montre ici « que la liberté ne consiste pas à nier les déterminations mais à se choisir »39, « à s’arracher, si l’on est une femme, au lourd passé imposé par une société où les mères se font complices parfois de l’enfermement des filles »40. Au centre du texte est un fait divers, le viol d’une jeune fille par son beau-père. L’histoire raconte l’événement du point de vue de la mère, la complice silencieuse du crime. On peut se demander de quelle manière les acquisitions formelles du Nouveau Roman peuvent servir à élargir les possibilités d’articulation d’un roman qui met en valeur son substrat anthropologique. Ici, la narration chronologique est remplacée par un dialogue, une série de six entretiens entre une journaliste et la mère de la victime, enregistrés au magnétophone. L’auteur met en scène un discours à la fois immédiat et réifié qui reflète la conscience médiatique moderne. Cette technique la rapproche une fois de plus du Nouveau Roman et de Claude Simon qui a recours au même procédé dans son roman autobiographique Le Jardin des plantes41.
18C’est avec La Fraga, véritable roman historique paru en 2005, que Danièle Sallenave semble retourner aux normes romanesques. le roman vise le grand public, comme le montre le texte publicitaire :
Si vous êtes amateur des personnages « de caractère », vous adorerez La Fraga : histoire attachante et lucide d’une fille de pasteur américain qui devient – par la force de son opiniâtreté – une femme libre au tout début du XXe siècle. Un style attachant et un narrateur omniprésent sont deux des atouts majeurs d’une histoire passionnante qui entraîne le lecteur de Venise à Vienne en passant par Nantes aux côtés d’une femme qui se cherche, d’une artiste qui se révèle, d’un être humain qui accepte le prix à payer pour être vraiment libre.42
19Dans un entretien avec François Sureau, Sallenave affirme avec véhémence son retour au « romanesque » :
À mes yeux, le romanesque devient aujourd’hui de plus en plus nécessaire. Si je devais le définir, je dirais que c’est une façon d’embarquer le lecteur pour une aventure qui n’est pas seulement une évasion, mais plutôt la découverte d’un monde autre que celui dans lequel il vit. C’est ce besoin de romanesque qui nous attire vers la littérature d’autres pays, d’autres époques. Au fond, le romanesque est une gratuité nécessaire.43
20D’une certaine façon, Sallenave semble vouloir réécrire La Femme de trente ans de Balzac, car elle répond à la question de François Sureau, « Pourquoi avoir choisi la fin du XIXe siècle ? » :
Parce que les femmes n’ont alors aucun des droits qu’elles vont conquérir au XXe siècle. C’est à Venise que, pour la première fois, elle va pouvoir marcher seule dans la rue, entrer seule dans un café, un restaurant… Elle ressent une liberté exceptionnelle ! C’est un roman d’apprentissage : elle a trente ans, c’est à l’époque la fin d’une vie de femme : la sienne va commencer. Elle va occuper des emplois bien différents de son ancien métier de gouvernante, multiplier les rencontres, y compris amoureuses, découvrir sa vocation de peintre… Elle laisse venir à elle toutes les occasions qui se présentent, car elle a la sagesse de ne pas refuser ce qui lui arrive.44
21Ainsi donc, l’héroïne de La Fraga poursuit le même « chemin de la liberté » que Mado, la femme simple dans Viol. Mais il y a une différence fondamentale : il s’agit ici de la biographie d’une femme qui suit sa vocation d’artiste, de peintre. C’est un véritable projet qu’elle poursuit envers et contre tous : « Malgré les obstacles et les moments douloureux qu’elle vivra, elle fait face aux difficultés, tente de les surmonter, de leur survivre et même d’y puiser des forces nouvelles. »45 Comme les grandes biographies de Sartre qui étudient la venue à l’écriture de Genet, Flaubert et Baudelaire, La Fraga est la biographie d’une artiste, mais d’une artiste imaginée. Et malgré toutes les apparences, ce roman est tout de même aussi imprégné par l’aventure du Nouveau Roman. C’est le titre qui en détient la clef. La couverture du livre avec le portrait de Rachel par Théodore Chassériau est clairement conçue pour attirer le grand public. La maison d’édition, Gallimard, s’était servie de la même image pour un catalogue d’une exposition de Chassériau en 2001. La sensualité d’Esther peinte par Chassériau a sans doute peu en commun avec l’héroïne du roman, la fille de pasteur américain. Dans le contexte sensuel de l’image, le titre La Fraga semble indiquer le nom italien de la jeune femme sur la couverture. Mais il s’agit d’un double trompe-l’œil. La fille sur la couverture n’est pas Mary Gordon et La Fraga n’est pas un nom féminin. Il s’agit d’un jeu avec les signifiants digne de Derrida ou de Lacan qui surprend le lecteur au cours de sa lecture. Car il s’agit d’une transformation du terme allemand « Die Frage », la question :
Elle avait saisi un mot qui revenait souvent. « Qu’est-ce que c’est, Rosa, « diefraga » ? – Pas a, Mary, dit Roswitha, tu parles comme les Saxons, « die Frage », dis eu. – « Die Fraga ? », répéta Mary. Le mot lui avait plu par sa sonorité guerrière, évoquant la rupture, les interrogations fiévreuses, la détermination : tout cela, qui était en elle, et qu’elle ne savait pas encore nommer : C’est la « question » ! dit Roswitha, le grand défi jeté par le monde d’aujourd’hui aux jeunes artistes ! ». Elle aimait prendre un ton solennel, prophétique. « La grande question où nous serons jugés ! ».46
22Le titre du roman est un mot-clef de la philosophie existentialiste allemande. Sallenave place la question de l’être, qui est au centre de Sein und Zeit de Heidegger où le premier chapitre traite de « Die Exposition der Frage nach dem Sinn von Sein », au milieu de ce roman à première vue traditionnel. Le retour du romanesque fait donc un détour par Heidegger et la question fondamentale de l’être. Sallenave assume ainsi la responsabilité de l’écrivain, que Sartre avait proclamée, tout en s’adressant à un grand public.
23La dernière publication de Danièle Sallenave est encore un nouveau pas sur les traces de Sartre : une biographie de Simone de Beauvoir de 600 pages, parue en janvier 2008 à l’occasion du centenaire de sa naissance. Le titre est un programme : Castor de guerre. La « sonorité guerrière » qui avait fasciné Mary Gordon dans le terme allemand « Die Frage » s’empare de la personne de Simone de Beauvoir. La biographie d’une femme artiste imaginaire trouve son comble dans la biographie de la femme écrivain par excellence, par la femme qui a profondément réfléchi sur « le deuxième sexe ». Et ce n’est pas un hasard si je n’utilise pas ici l’expression féminine – et d’ailleurs très laide –, « écrivaine » car Sallenave ne nous présente pas la biographie de Simone de Beauvoir, elle écrit la biographie « du Castor ». Le personnage au centre de la biographie n’est jamais appelé autrement, ce qui met à distance un lecteur qui identifie trop vite Simone de Beauvoir au rôle qu’elle s’était forgé en Castor. La couverture du livre est significative. Sur un fond rouge qui semble suggérer les derniers reflets du soleil, on voit une photo de Simone de Beauvoir. À sa droite, on distingue l’image très concrète d’une rose et à sa gauche un cercle abstrait – ou un labyrinthe ? Sallenave caractérise la photo dans son introduction « Portrait de Simone de Beauvoir en “Castor de guerre” » :
En 1939, au début de la « drôle de guerre », Simone de Beauvoir envoie à Jacques-Laurent Bost alors mobilisé une petite photo d’elle, au dos de laquelle elle a écrit : « Castor de guerre ». Cela convient parfaitement à l’air terriblement farouche qu’elle a sur cette photo : pas le plus petit sourire, les mâchoires serrées, le front haut, bien dégagé sous un bandeau étroit. Surtout, cela sonne comme une anticipation du « Castor » encore à venir, qui alors n’a pas beaucoup plus de trente ans. Nous y entendons tous ses combats futurs, dans son œuvre comme dans sa vie, Le Deuxième Sexe et les luttes des femmes, son ralliement à toutes les formes extrêmes de l’émancipation radicale, de la Chine à Cuba, son opposition militante, résolue à la guerre d’Algérie, ce grand essai qu’est La Vieillesse, le massif énorme de ses Mémoires… Mais nous savons aussi qu’il y va de beaucoup plus : que c’est la vie, l’amour, le bonheur, l’œuvre, que Simone de Beauvoir aborde en Castor de guerre, affronte comme on entre en lice.47
24La photo est interprétée comme une mise en scène de Simone de Beauvoir, qui se présente dans un rôle. Mais en même temps, le texte semble dresser un piédestal à la personne qui a inventé ce rôle, l’armure du « Castor de guerre ». Car ce rôle est un projet existentialiste et Simone de Beauvoir est allée au bout de son projet. Sa déclaration étonnante dans les cahiers de jeunesse, « Je construirai une force où je me réfugierai à jamais », est mise en épigraphe48. On sent l’admiration de l’auteur. La photo s’inscrit dans ce contexte : alors que le fond rouge crée une aura autour du personnage, le bandeau noué autour de la tête fait penser à l’auréole d’une sainte avec le visage lisse d’une madone. Une icône. Ce qui rappelle une fois de plus la biographie de Sartre et particulièrement la biographie de Genet par Sartre : le Saint Genet. En écrivant la biographie « du Castor », Sallenave se pose la même question que Sartre dans ses biographies : comment peut-on réaliser le projet de sa propre vie ? Comment peut-on s’affirmer par l’écriture ? Comment peut-on trouver une réponse à « la Seinsfrage », dans le sens de Heidegger ?
25Sallenave poursuit son projet en suivant de très près la création du « Castor » par Simone de Beauvoir :
Dans ses Mémoires comme déjà dans ses Cahiers de jeunesse, le Castor fait le point comme les marins le font chaque matin, pour s’assurer qu’ils n’ont point dévié de leur route. Elle écrit sur elle-même afin de se comprendre et de se constituer, et les deux sont en réciprocité : il faut se comprendre pour se constituer, mais il faut aussi se constituer pour se comprendre. Et cela est un travail – mieux : une guerre. Guerre contre les temps morts, la mauvaise foi, les importuns, les « traverses » que connaît la vie affective, la complexité de situations amoureuses qui, si on ne les contrôle pas, risquent de tomber dans le « passionnel » où l’on ne peut plus répondre de rien – et y tombent parfois. 49
26Danièle Sallenave peut consulter les Cahiers de jeunesse (1926-1930) de Beauvoir encore inédits, que Sylvie le Bon publiera en 2008 chez le même éditeur. La lecture la frappe comme « un choc » :
En les parcourant on croit assister à l’ouverture d’un hypogée où des corps, des objets, des peintures, miraculeusement sauvés des atteintes du temps, révèlent dans sa fraîcheur et son exactitude un monde qu’on croirait disparu. […] les Cahiers sont cette résurrection de la « petite morte » dont les Mémoires quêtent en vain la trace ; […] C’est un Castor d’avant Castor, c’est sa naissance intellectuelle, philosophique, existentielle, bien avant cette relecture, cette revisitation, cette reconstruction de soi à laquelle l’adulte se voue au sommet de son œuvre.50
27Pour explorer le décalage entre « le Castor d’avant Castor » et l’armure que Simone de Beauvoir s’était forgée pour affronter le monde, Sallenave prend pour fil conducteur le corpus des mémoires, où depuis les Mémoires d’une jeune fille rangée (1958) jusqu’à Tout compte fait (1974), Simone de Beauvoir entreprend de revisiter son œuvre en réécrivant sa vie. Cette réécriture est doublée par la réécriture de sa vie par Danièle Sallenave, qui cherche à combler le vide entre la vie et “l’armure” du « Castor de guerre ». À partir des milliers de pages d’une œuvre vaste, la biographe interroge, croise, rapproche et relève les contradictions. Au même moment où Hazel Rowley dans son livre Tête-à-tête, paru en 2006, exploite la relation Sartre-Beauvoir d’une manière clinique et où Ingrid Galster éclaire en 2007, dans Beauvoir dans tous ses états, les conditions dans lesquelles Simone de Beauvoir a été amenée à travailler comme « metteuse en ondes » pour Radio-Vichy, Danièle Sallenave étudie l’écriture du Castor comme un don précieux. Bien que son portrait comporte une critique des Paris politiques intrépides et risqués où s’est vu entraîner le grand couple intellectuel, sa biographie crée une légende, la légende du Saint Castor. Ce n’est pas par hasard si elle souligne que ce sont les grands mystiques, Jean de la Croix et Sainte Thérèse d’Avila, en qui le Castor retrouve – mais sous une forme mystifiée – cette quête d’une « source suprême des valeurs »51. À la fin du livre, c’est encore Sartre qui réapparaît :
J’écris, dit Simone de Beauvoir, parce que j’ai quelque chose à communiquer, parce que je veux faire connaître ce que « je crois vrai ». Écrire, c’est dévoiler le monde, opération qui détermine d’emblée, et conjointement, les positions de l’auteur et du lecteur. D’un côté, la « responsabilité » de l’écrivain ; en face, ce que Sartre nomme dans Qu’est-ce que la littérature ? La générosité du lecteur. […] il n’y a pas de place dans l’œuvre de Simone de Beauvoir pour le grand doute moderne qui a frappé la relation de l’auteur à son œuvre, et celle du lecteur avec l’auteur.52
28Le temps avant L’Ère du soupçon semble ici glorifié. Mais est-ce qu’on peut encore retourner en arrière et oublier le soupçon ? Pour Danièle Sallenave, il y a « du tragique dans la disparition de ces derniers “grands intellectuels” », Sartre et Simone de Beauvoir, avec leur passion pour l’Absolu, parce que « le relativisme désespéré de nos jours nous livre sans défense aux seules valeurs de la compétition, de la consommation et du profit »53. Ce n’est pas sans vérité. Mais est-ce que la bonne défense « en situation » est un regard en arrière ? Il faut prendre garde que le don des morts ne se transforme pas en don mort ou, pour citer l’Esthétique de Hegel :
Il ne sert à rien non plus de vouloir s’approprier les croyances passées de l’humanité […] en vue de l’art, comme plusieurs l’ont fait ces derniers temps, afin de donner une forme fixe à leurs sentiments [um ihr Gemüt zu fixieren] […].54
Notes de bas de page
1 Danièle Sallenave, Castor de Guerre, Paris, Gallimard, 2008.
2 Danièle Sallenave, Paysage de ruines avec personnages, Paris, Aubier, 1975, p. 9.
3 Isabelle Chol, « Ruinification et discontinuation dans quelques textes de Danièle Sallenave », in La Mémoire en ruines. Le modèle archéologique dans l’imaginaire moderne et contemporain, études rassemblées par Valérie-Angélique Deshoulières et Pascal Vacher, Paris, Presses universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 191-202.
4 Baudelaire, « Le Cygne », in Œuvres complètes, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, 2 vol. , Paris, Gallimard, 1975-1976, ici tome 1, p. 85-86.
5 Nathalie Sarraute, L’Ère du soupçon, in Œuvres complètes, édition publiée sous la direction de Jean-Yves Tadié, Paris, Gallimard, 1996, p. 1577-1620, ici p. 1617.
6 Danièle Sallenave, Le Voyage d’Amsterdam ou les règles de la conversation, Paris, Flammarion, 1977, p. 28.
7 Ibid., p. 48-49.
8 Nathalie Sarraute, Conversation et sous-conversation, in Œuvres complètes, éd. cit., p. 1577-1620, ici p. 1601.
9 Dans son très beau texte Conversations conjugales (Paris, P.O.L., 1987), elle poursuit cette voie, en mettant en scène la parole qui circule entre « elle » et « lui », une « conversation » qui cherche à cacher la vérité insupportable qu’entre eux l’amour a peut-être disparu.
10 Patricia Oster, « Der “nouveau nouveau roman” – eine progressive Universalpoesie », in Das Neue. Eine Denkfigur der Moderne, Maria Moog-Grünewald (éd.), Heidelberg, Winter, 2002, p. 279-297.
11 Alain Robbe-Grillet, Nouveau roman : hier, aujourd’hui, Jean Ricardou et Françoise van Rossum-Guyon (éds), Paris, Union Générale d’Édition, 1972, p. 244.
12 Françoise van Rossum-Guyon, « Conclusion et perspectives », in Nouveau roman : hier, aujourd’hui, op. cit., p. 398-415, ici p. 403-404.
13 Un compte rendu détaillé de cette intervention se trouve dans L’Extrême Contemporain : questions de roman, Poésie 41 (1986), p. 16-22, ici p. 18.
14 Monique Nemer, « Romancières sans honte du romanesque » et Danièle Sallenave, « Ma présence dans le récit », in Le Monde (11 octobre 1986), p. 16.
15 Bernard-Henry Lévy, Le Siècle de Sartre, Paris, Grasset, 2000, p. 12.
16 Patricia Oster, « Qui perd gagne – Schreiben als Projekt der cura sui bei Jean-Paul Sartre », in Autobiographisches Schreiben und philosophische Selbstsorge, Maria Moog-Grünewald (éd.), Heidelberg, Winter, 2004, p. 225-242.
17 Dans son étude approfondie de l’œuvre de Danièle Sallenave, Bruno Thibault compare le roman également à La Nausée de Sartre. Il souligne « que comme dans La Nausée, le passage à l’écriture joue un rôle essentiel dans Les Portes de Gubbio. Il s’agit d’une sorte de thérapie par laquelle le héros se préserve de la folie » (in Danièle Sallenave et le don des morts, Amsterdam/New-York, Rodopi, 2004, p. 63).
18 Michael Nerlich voit dans ce roman une reprise du Doktor Faustus de Thomas Mann placée dans l’atmosphère de Berlin-Est du temps du Mur. (« Danièle Sallenave : Les Portes de Gubbio », in Lendemains 29 (1983), p. 144-152). Cf. aussi son article « Danièle Sallenaves Les Portes de Gubbio – eine deutsche Misere », in Schreibhefte. Zeitschrift für Literatur 27 (1986), p. 38.
19 Ibid., p. 67.
20 Danièle Sallenave, « l’Éthique de la littérature », in La Quinzaine littéraire 478 (janvier 1987), p. 11-12, ici p. 12.
21 Roland Barthes, Sade/Fourier/Loyola, Paris, 1971, p. 14.
22 Dans un entretien avec Julia Kristeva, Danièle Sallenave parle de la « vision réductrice » qu’on a eue du roman du XIXe siècle : « le Nouveau Roman y a contribué […] on a voulu faire du roman du XIXe une sorte de véhicule purement statique de l’inscription sociale dans l’histoire, dans le moment, dans le lieu. On oublie la dimension paroxystique […] » (« l’Expérience littéraire est-elle encore possible ? », in L’Infini 53 (1996), p. 20-46, ici p. 22.)
23 Cf. Bruno Thibault, Danièle Sallenave et le don les morts, p. 70-78, et Brigitta Coenen-Mennemeier, « Raison et pitié. Zu Erzählungen und Essays von Danièle Sallenave », in Intertextualität und Subversivität. Studien zur Romanliteratur der achtziger Jahre in Frankreich, Wolfgang Asholt (éd.), Heidelberg, Winter, 1994, p. 95-110, ici p. 100-101. Konrad Schoell a comparé un autre récit qui figure dans Un Printemps froid, « l’atelier du peintre », à la nouvelle de Camus « Jonas ou l’artiste au travail » (« Un thème de la nouvelle contemporaine. L’aporie de l’artiste », in Cahiers d’histoire des Littératures Romanes 22/1/2 (1998) p. 391-403).
24 Danièle Sallenave, La Vie Fantôme, Paris, P.O.L., 1986, p. 27-28.
25 Bruno Thibault, Danièle Sallenave et le don les morts, p. 91-92.
26 Peter Handke, Wunschloses Unglück, Salzburg, Residenz-Verlag, 1972.
27 Le livre a été critiqué pour les mêmes raisons que La Femme rompue de Simone de Beauvoir. La banalité du sujet et l’ambiguïté de la conception de l’héroïne entre récrimination féminine et revendication féministe ont été reprochées de la part de la critique littéraire et des féministes. Cf. Catharine Savage Brosman, Simone de Beauvoir Revisited, Boston, Twayne, 1991, Lucy Stone-McNeece, « Identity and Difference in de Beauvoir’s La Femme rompue », in French Forum 15 (January 1990), p. 73-92, ici p. 73-74; et Elizabeth Fallaize, The Novels of Simone de Beauvoir, London, Routledge, 1988, p. 169-171. Pour la critique de La Vie fantôme, cf. Josyane Savigneau, « Elles, enfin au pluriel », in Le Monde (22 avril 1999), p. 7, et Jacqueline Forni, « Entre l’amour et les obligations sociales : La Vie fantôme de Danièle Sallenave », in La Quinzaine littéraire 471 (1-15 octobre 1986), p. 9-10.
28 Christian Garaud, « il n’est héritier qui ne veut. Danièle Sallenave, Annie Ernaux et la littérature », in Thirty voices in the feminine, Michel Bishop (éd.), Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1996, p. 11-118, ici p. 11-113 et François-Xavier Eygun, « l’art et la littérature : autour de Sallenave, Quignard et Sollers », in Art et Contemporary Prose, Michael Bishop (éd.), Dalhousie French Studies 31 (1995), p. 91-96. Le Don des morts a suscité la réaction très vive de Pierre Bourdieu : « que dire des “topos” éculés du culte scolaire du livre ou des révélations heideggéro-hölderliniennes dignes d’enrichir le “florilège bouvardo-pécuchétien” » (in Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 9). Sallenave répond en dénonçant « la prétention théorique » de Bourdieu dans son article « Eh bien la guerre », in Le Monde (18 septembre 1992), p. 36. Cf. aussi l’évocation du débat par Bruno Thibault, in Danièle Sallenave et le don des morts, p. 20-21.
29 Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Paris, Gallimard : Folio, 1986, p. 78.
30 Danièle Sallenave, texte programmatique sur la couverture du livre. Dans son dernier livre sorti en janvier 2009, Nous on n’aime pas lire, elle reprend son éloge de la littérature en rendant compte de son expérience dans une école, dans un établissement classé « ambition réussite » à Toulon. Lors de la sortie de son livre, elle a accordé un entretien à Josyane Savigneau qui a été publié dans Le Monde du 31.01.09. À la question : « Vous êtes très dure envers ce que vous appelez “les délires démagogiques des années 1970” ou encore “le tsunami pédagogiste” », elle répond : « il y a ici une étrange convergence entre la gauche et la droite. Pour une droite tentée par le poujadisme, les livres sont suspects. On parle bien de supprimer les épreuves de culture générale aux concours de la fonction publique. Pour être postier, il serait inutile d’avoir lu La Princesse de Clèves. Ou peut-être d’avoir lu, tout simplement… De l’autre côté, on continue d’affirmer à gauche que transmettre la langue, les textes, c’est transmettre des valeurs bourgeoises. C’est un des effets peut-être pervers du livre de Pierre Bourdieu De la distinction. On en a uniquement gardé l’idée que distinguer entre les “grands textes” et les autres, ce serait une manière pour la classe dominante de se reconnaître et de perpétuer sa domination. C’est évacuer commodément la question essentielle : comment transmettre le meilleur au plus grand nombre ? Et surtout : comment faire que les hommes soient plus instruits, plus performants, mais surtout plus justes et plus humains ? On découvre soudain aux États-Unis que lire pourrait être bon pour de futurs médecins ! »
31 Danièle Sallenave, Le Don des morts. Sur la littérature, Paris, Gallimard, 1991, p. 121-122.
32 Husserl pose le problème d’une science de la « Lebenswelt », in Edmund Husserl, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad. G. Granel, Paris, Gallimard, 1976, p. 185-187.
33 Ibid., p. 10-11.
34 Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, p 31.
35 Cf. Karlheinz Stierle qui souligne que la réorientation passe par l’épreuve du roman, dans « Wege aus dem Nouveau Roman », in Projekte des Romans nach der Moderne, Ulrich Schulz-Buschhaus et Karlheinz Stierle (éds), München, Fink, 1997, p. 311-329, ici p. 316-317.
36 Danièle Sallenave, Le Don des morts, p. 127.
37 Ibid., p. 129.
38 Danièle Sallenave, Entretien : « L’éthique de la littérature », publié dans La Quinzaine littéraire 478 (janvier 1987), p. 12. Cf. Bruno Thibault, « “À l’écoute de ceux qui sont à la traîne”. Le récit dialogué dans Adieu et dans Viol de Danièle Sallenave », in French Prose in 2000, Michael Bishop et Christopher Elson (éds), Amsterdam/New York, Rodopi, 2002, p. 117-123, ici p. 122.
39 Ibid.
40 Danièle Sallenave, « Beauvoir sans relâche », in Le Monde (19 avril 1996), p. 6.
41 Patricia Oster, « Der “nouveau nouveau roman” », art. cité, p. 291-297.
42 Danièle Sallenave, La Fraga, Paris, Gallimard, 2005, texte de couverture.
43 Entretien avec François Sureau, in Gallimard, Le Bulletin 457 (mai-juin-juillet 2005), p. 9.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Danièle Sallenave, La Fraga, p. 191.
47 Danièle Sallenave, Castor de Guerre, p. 11.
48 Ibid., p. 10.
49 Ibid., p. 14.
50 Ibid., p. 60.
51 Ibid., p. 40.
52 Ibid., p. 596.
53 Ibid., p. 597.
54 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, 2 tomes, traduction de Charles Bénard, revue et complétée par Benoît Timmermans et Paolo Zaccaria, Paris, le livre de poche, 1997, t. 1, p. 742.
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