Le fantôme espagnol, un rapport conflictuel au temps
p. 101-114
Résumés
The ghost has become a recurrent presence in the last ten years of Spanish cinema. Despite the large number of directors who have deal with, all the films show a surprising constancy. The representation of the ghost is always closely related to photography and film, making it a suitable figure to reflect about time. Beyond the horrific images which are specific to supernatural movies, the ghost embodies the crisis of the family haunted by a traumatic past
El fantasma ha multiplicado sus apariciones en el cine español de los últimos diez años. A pesar del gran numero de directores que han tratado esta figura, el conjunto de las películas ofrece una sorprendente coherencia. La representación del fantasma siempre está asociada a la fotografía y al cine, lo que la convierte en una figura propicia para iniciar una reflexión sobre el tiempo. Más allá de las imágenes terrorificas características de lo sobrenatural, el fantasma sugiere una crisis de la familia amenazada por un pasado traumático
Entrées d’index
Keywords : fantastic, ghost, genre, figure, time
Palabras claves : fantástico, fantasma, género, figura, tiempo
Texte intégral
1Le cinéma fantastique espagnol des dix dernières années a accordé une place prééminente au fantôme, alors que celui-ci n’avait jamais été historiquement très présent dans la production cinématographique nationale. Malgré ce manque de tradition, il est devenu une figure incontournable pour un bon nombre de cinéastes de cette génération. À première vue, cette profusion laisse espérer une multiplication des formes et des discours sur le fantôme. Cependant, cette diversité apparente masque une cohérence formelle et thématique qui peut surprendre. Au-delà d’un effet de mode (qui pourrait avoir été inspiré par le succès du film de fantômes dans le cinéma asiatique quelques années auparavant1), il est nécessaire de comprendre comment se constitue une cohérence autour de cette figure. À partir de l’étude de quelques séquences tirées de quatre de ces films2, nous aborderons la question de l’élaboration du corps paradoxal du fantôme : comment représenter un être immatériel ? L’image classique du mort drapé d’un suaire, traînant des chaînes derrière lui, a été renvoyée aux oubliettes. Le fantastique comme principe esthétique se sert de moyens proprement cinématographiques pour suggérer le corps fantomatique, avant de procéder à sa monstration. En effet, toute construction du fantôme tend vers la matérialisation d’un être qui initialement est immatériel et invisible. Les formes particulières adoptées par cette progression permettent de s’interroger sur les causes de la prégnance du fantôme dans la filmographie nationale. Il s’agit alors d’observer les thèmes qui reviennent de façon obsessionnelle (le meurtre, la famille et le souvenir) et de voir comment le genre fantastique se sert du surnaturel pour suggérer des dysfonctionnements individuels et collectifs.
Le fantôme comme regard
2Un des principaux enjeux du fantastique cinématographique est l’élaboration de corps surnaturels qui échappent aux lois du réel. Le corps du fantôme pose le problème de la représentation de l’immatériel au cinéma, résolu au fil de l’histoire par le recours aux trucages, dont le plus commun est resté pendant longtemps la transparence. Présente dès le cinéma primitif, celle-ci n’est plus employée par le cinéma contemporain. Désormais, dans le fantastique espagnol, le corps du fantôme prend forme au cours du film, dans une matérialisation progressive. El Habitante incierto de Guillem Morales introduit l’apparition du fantôme à travers une figure qui échappe à toute élaboration de l’image d’un corps. Le film raconte l’histoire de Félix, un architecte qui vient de rompre avec sa fiancée Vera, et qui habite désormais tout seul dans son pavillon. Un soir, il reçoit la visite d’un inconnu venu passer un coup de fil. Mystérieusement, celui-ci semble disparaître dans la maison. À partir de cet instant, le film travaille l’hypothèse de la dématérialisation des corps, celui du visiteur mais aussi celui de Félix. Ce dernier, enfermé seul dans sa demeure, ressent la présence de l’inconnu sans jamais arriver à le trouver, jusqu’au jour où il entraperçoit quelqu’un et lui tire dessus. Alors que Félix croit avoir touché le visiteur, il se rend compte plus tard qu’il vient de tuer Vera et qu’elle était enceinte.
3Le film suggère la dématérialisation du visiteur, devenu un fantôme qui vient hanter la maison. Dans une des séquences qui suit la rupture, Félix mange son repas à table. La scène est filmée latéralement, en un seul plan séquence, et le personnage est vu de profil. Rien de fantastique, si ce n’est l’immobilité du plan et sa longueur par rapport à l’action montrée – un repas solitaire – révélant que la caméra et, par conséquent, le point de vue sont situés dans la pièce à côté, qui, elle, est plongée dans l’obscurité. Les portes de cette pièce, dont on perçoit les poignées, jouent le rôle de caches latéraux qui recadrent le plan. Cette configuration du cadrage crée un espace à plusieurs niveaux séparés en profondeur, qui rappelle certaines compositions picturales, par exemple Las Hilanderas de Velázquez (1657) ou encore, en raison de l’utilisation de l’antichambre plongée dans le noir au premier plan, certains tableaux de la peinture flamande comme Le Couple au perroquet de Pieter de Hooch (1668) ou La Lettre d’amour de Vermeer (vers 1669-1670). La composition en profondeur met en valeur l’idée de passage entre deux espaces qui sont aussi deux réalités distinctes (entre la vie et la mort, entre la visibilité et l’effacement filmique, dans une stratégie de la suggestion)3.
4L’espace vide et obscur entre la caméra et l’objet filmé suggère la présence d’un autre point de vue, qui laisserait supposer qu’il y a quelqu’un d’autre dans la pièce. Le hors-champ serait alors une variante de l’en deçà statique exposé par Marc Vernet, qui indique au spectateur que ce qu’il voit n’est pas simplement le point de vue de la caméra, mais celui de quelqu’un d’autre ou de quelque chose d’autre :
« Ce regard de la caméra peut naître du regard à la caméra. Rarement. Dans sa forme statique, il se figure plutôt par une composition voyeuriste où se découplent la logique narrative et la logique représentative pour mettre l’accessoire au premier plan et l’important à l’arrière-fond. C’est ce découplage, rendu sensible au spectateur par la présence à l’image d’un obstacle à la vue, qui lui fait saisir l’existence, nécessaire à l’histoire, de l’en deçà, cette portion de l’espace d’ordinaire absente de la représentation cinématographique. Ainsi, dans un premier temps, ce que la tradition repérait comme point de vue s’organise par une mise en difficulté du regard où la distance inhabituelle des objets n’est qu’un exemple particulier des taxèmes et exposants (amorces et trames) utilisés par le cinéma pour affecter un ou plusieurs plans à une origine qui peut être la vision ou la conscience d’un être « regardeur » et, du coup, toujours un peu surveillant » (Vernet, 1988 : 56-57)
5Le réalisateur joue sur les attentes du spectateur et sa connaissance des codes génériques. La singularité du cadrage peut dénoter une personnalisation du point de vue, qui devient le premier élément à figurer le fantôme. Son premier attribut est donc le regard. Cette présence minimale qu’on ne peut encore voir, saisir ou nommer, renvoie à un degré zéro de l’existence dans lequel seul le voir agit, un corps-regard qui n’a pas de corps ni même d’œil organique, et qu’on pourrait appeler avec Alain Chareyre-Méjan « le point de vue de nulle part »4, première manifestation désincarnée de la figuration du fantôme.
6Le cadrage et la longueur du plan permettent en même temps d’insister sur la solitude de Félix. Son enfermement est à la fois psychique (provoqué par la déception amoureuse à la suite de la rupture) mais aussi physique, puisque le personnage ne sort plus de la maison, qui est devenue son dernier refuge5. Le fantastique crée un réseau métaphorique fait d’échos qui relient l’état d’esprit du personnage, sa situation physique et l’apparition fantastique autour de l’idée nodale de l’isolement. Ce procédé autorise une interprétation multiple du fantôme : au premier degré, il manifeste la présence surnaturelle du visiteur dématérialisé, mais il peut être aussi lu comme une réminiscence du souvenir de Vera ou comme l’image extériorisée et solipsiste de Félix, hantant sa demeure, isolé comme dans un cocon. Le fantastique utilise la figure du fantôme pour signifier le mal-être généré par la rupture amoureuse, la solitude et l’obsession qui vont aboutir à la fin tragique du couple. La dernière séquence du film relie dans un mouvement de caméra trois êtres voués à une séparation définitive : Félix, derrière une porte, observe Véra qui agonise et pleure le meurtre involontaire de son enfant.
Le fantôme, image floue
7Bien que les premières manifestations du fantôme soient le plus souvent suggérées (par le point de vue, mais aussi par l’utilisation du son, par exemple), la matérialisation progressive du corps finit toujours par faire appel à l’image. Le film de fantômes espagnol contemporain ne se contente pas de la suggestion, il cherche à affirmer l’existence du surnaturel et à combler l’attente créée par la pulsion scopique du spectateur, qui ne se satisfait ni du son ni d’une représentation qui se déroberait par l’exhibition parcellaire de son objet. La figuration visuelle totale devient tôt ou tard l’enjeu central de la représentation fantastique, l’aboutissement d’une visualisation progressive du corps fantomatique.
8Le film de fantômes dispose de plusieurs figures pour le présenter sans le montrer entièrement. Dans Darkness, le film peut procéder par fragmentation, en jouant sur un cadrage trop serré du corps du fantôme qui n’en révèle qu’une partie, ou bien en lui faisant traverser l’écran fugitivement, de sorte que le spectateur ne puisse pas le distinguer clairement. Dans ce dernier cas, le son vient souligner souvent l’apparition partielle, suscitant la frayeur chez le spectateur. Dans les deux cas, le cadrage devient le procédé technique qui empêche la visibilité du corps, dont l’existence n’est plus remise en cause.
9Un autre procédé couramment utilisé est la réduction des conditions de visibilité afin que le corps ne puisse pas être observé dans ses détails, grâce à l’obscurité, la sous-exposition ou l’utilisation du flou. Le choix de la zone de flou dépend de l’ouverture du diaphragme de la caméra et, techniquement, le flou provient de l’incapacité à faire le point, c’est-à-dire à trouver la bonne distance dans le regard qu’on porte sur quelque chose. De même qu’un appareil photo automatique ne peut faire sans réglages le point sur un corps immatériel ou transparent – un nuage de fumée ou une vitre par exemple – le fantôme, par sa nature, empêche la fixation du regard afin d’obtenir une image nette.
10Nos Miran fait usage du flou pour représenter le fantôme. Le film raconte l’histoire de Juan, un policier qui mène une enquête sur une personne disparue. Au fur et à mesure qu’il avance dans ses recherches, des souvenirs de son enfance ressurgissent. Ils mettent en scène la disparition de sa sœur , alors que tous les deux jouaient avec des « amis imaginaires » (qui étaient en réalité des fantômes). En même temps que Juan retrouve ces souvenirs, ses enfants commencent à recevoir la visite des fantômes et à se rebeller contre lui, jusqu’au moment où il comprend qu’il faut qu’il disparaisse pour préserver sa famille. Dans une séquence située au début du film, Juan est amené à interroger Medina, un ancien policier interné en hôpital psychiatrique après avoir enquêté sur le même cas. Pour toute réponse à ses questions, Medina murmure : « Ils nous regardent »6. Les deux personnages sont situés en face d’une glace sans tain, lorsqu’une silhouette, dont on ne perçoit pas les détails avec précision, apparaît sur le miroir. Dans l’image tout est net sauf cette figure : son caractère surnaturel est connoté par l’utilisation du trucage. Le film laisse ouverte une interprétation rationnelle puisque derrière cette glace se cachait le psychiatre observant l’interrogatoire. L’alternance du champ et du contrechamp attribue le plan de l’apparition à Medina, qui avait déjà vu des phénomènes surnaturels, et le contrechamp suivant, cadré à l’identique et attribué à Juan, montre la glace sans la silhouette. Le flou renvoie à une zone, à une présence qui ne peut pas ou qui se refuse à être fixée, qui « fait tache » sur l’écran. Il instaure une différence de nature entre l’être surnaturel et l’espace réel qu’il occupe, une cohabitation de deux essences contradictoires. Il traduit le mystère de l’apparition fantastique, le secret qu’elle renferme ne peut pas être déchiffré. Il échappe à la fixation d’une forme et d’une signification à travers la dilution du contour et du détail :
« Idée d’un fantastique. Idée d’une notion floue. Idée d’un flou qui saisit l’esprit. On ne saurait dire ce que c’est, puisque c’est précisément de manquer de qualification qui le désigne : est fantastique toute figure du texte (de l’imaginaire) reconnaissable à demi (on la suppute, on la suppose), dont la forme et ce qui se dérobe sous cette forme, sa nature irrévélée encore, jette dans la perplexité et la crainte. Cet « objet » constitue, à partir des éléments du donné, un être – ses traces, ou bien ses substituts – déplaisant ou dangereux dont l’existence dans la mesure où elle est impliquée dans un procès narratif (ou iconique) de vérification, signifie a priori la suspension fantasmée – temporaire de toute façon – de la légitimité de base » (Grivel, 1992 : 33)
11Le fantastique emploie le flou pour faire la distinction entre l’image du vivant et celle du mort, mais la présence surnaturelle annonce aussi un dysfonctionnement chez le personnage. Dans le cas de Nos Miran, l’utilisation du flou exprime littéralement le fait que Juan ne soit pas capable de voir clairement dans ses souvenirs. Son enquête sur les disparus lui permet de « faire le point » sur lui-même et sur son passé : le film suggère à plusieurs reprises qu’il est responsable de la disparition de sa sœur et qu’il a refoulé cet épisode à travers la dénégation, refusant d’assumer sa culpabilité pendant toutes ces années.
12La séquence de l’interrogatoire introduit une autre caractéristique du fantôme : comme une image, il a besoin d’un support pour se montrer, d’une surface ou du corps d’un vivant, alors il peut finalement atteindre sa pleine visibilité et apparaître dans une monstration complète. Dans ce cas, son image peut tenter d’usurper celle du personnage, mettant en place le thème du double, comme par exemple dans Trece Campanadas. Le film raconte le retour de Jacobo, un jeune sculpteur, dans la demeure familiale qu’il avait quittée après avoir assisté à la mort de Mateo, son père, aux mains de sa mère. À son retour, il entreprend de terminer l’œuvre inachevée de son père, un sculpteur de renom. Le fantôme de Mateo ne va pas tarder à se manifester, il influence le comportement de son fils en le poussant vers l’autodestruction. Sa présence disparaît lorsque Jacobo retrouve la vérité : c’est lui qui avait tué son père. À plusieurs reprises, le fantôme du père tente d’usurper l’image de son fils, comme un double maléfique : lorsque Jacobo, se regarde dans le miroir, son reflet montre l’image de Mateo. Cette figuration est renforcée par la lecture rationnelle du film, qui explique l’apparition par la schizophrénie de Jacobo, cause supposée du dédoublement. Le film pose l’hypothèse de la possession afin de permettre l’incarnation du fantôme dans un corps. Si l’image dans le miroir n’est pas celle du personnage, c’est que son corps ne lui appartient plus. En fait, la scène fait intervenir deux « blasons du fantastique », pour reprendre les termes de Jean-Louis Leutrat, le double et le miroir :
« Le cinéma a usé des miroirs pour créer des effets de leurre sur le spectateur et, parfois, les personnages (…) Tous les effets optiques, anamorphoses et autres « fallacies », étudiés par Jurgis Baltrusaïtis, trouvent leur répondant au cinéma, associés souvent au thème du double » (1995 : 72-73).
13Le miroir permet de voir le double interne qui possède le personnage : il a fait sien le corps en lui imposant, dans le sens littéral, son image. Le fantastique permet, dans ce cas, d’utiliser la figure du fantôme afin d’extérioriser la nécessité pour le fils de se défaire de l’image d’un père trop dominant. Le fantôme matérialise le malaise induit par cette influence qui menace de l’entraîner vers la folie. Jacobo entre en compétition avec son père décédé en devenant sculpteur comme lui, en voulant achever son œuvre, mais aussi en devenant l’amant de la maîtresse de son père. Le fantôme s’impose au vivant, puisqu’il peut se servir de son fils comme outil pour finaliser ce qu’il avait laissé inachevé avant de mourir.
14En se manifestant dans un reflet, l’image du corps du fantôme échappe à la confrontation directe avec le regard ; elle n’est visible que détournée ou plutôt projetée sur une surface. La vidéo et la photo deviennent alors les supports modernes qui se substituent au rôle traditionnel du miroir : Juan découvre les fantômes sur une cassette vidéo qui a été enregistrée en pointant l’objectif sur un miroir, image inversée de la réalité. Le fantôme ne se donne à voir que comme envers des choses, envers du monde. On comprend alors l’une des raisons pour lesquelles le fantôme des années 1990 et 2000 ne peut se passer de la technologie : l’invasion des nouveaux médias dans la vie quotidienne suppose une source nouvelle de supports qui permettent sa matérialisation. Son corps est avant tout une image qui tend à se calquer sur celle du vivant : les fantômes des enfants égorgés de Darkness, du père sculpteur de Jacobo dans Trece campanadas, des disparus de Nos Miran, ont l’aspect d’êtres vivants. Cependant, leur apparition est vouée à une immatérialité corporelle qui en fait des êtres désincarnés, des images. Le fantôme reste dans une zone intermédiaire qui le condamne à être un processus d’incarnation non abouti, situé entre l’au-delà et l’ici, l’immatériel et le matériel, l’image et le corps. Cet aspect liminal, caractérise le fantôme comme un Horla, à la fois « hors » et « là ». Les films espagnols de fantômes insistent systématiquement sur cette analogie entre le fantôme et la photographie, et posent une seule hypothèse film après film : et si le fantôme n’était que l’incarnation d’une image mentale provenant du passé, un souvenir animé ?
Le fantôme comme image d’un dysfonctionnement du souvenir
15Le film de fantômes est exclusivement fondé sur une problématique temporelle, dans laquelle le présent est envahi par un passé dont il n’arrive pas à se délier. Dans ce contexte, le souvenir joue un rôle essentiel puisqu’il permet au personnage de revisiter le passé afin de pouvoir le dénouer du présent. La possibilité d’habiter l’espace et le temps du présent dépend de cette revisitation de la mémoire individuelle ou familiale.
16L’importance de la photographie et, d’une façon secondaire, du cinéma, engage une problématique autour des modalités de rappel du souvenir. La photographie prévient l’oubli, elle se substitue au souvenir ou l’appelle. Le souvenir peut fonctionner selon deux modalités, puisque son surgissement a lieu soit de façon involontaire, lorsqu’il semble remonter à la surface de lui-même, réveillé par une correspondance secrète avec la réalité, soit de façon volontaire lorsque l’individu cherche à revoir un événement enfoui dans l’oubli. Ces deux modalités marquent en fait une distinction dans le rapport de l’individu avec sa propre mémoire qui va donner sa spécificité au fantôme, puisque celui-ci peut être lu comme une image extériorisée de la matérialisation du souvenir. Nous devons d’abord distinguer ces deux modalités du souvenir, la réminiscence ou mneme et la remémoration ou anamnèse. Cette distinction aristotélicienne est reprise par Paul Ricœur qui en fait le fondement de sa réflexion sur le fonctionnement de la mémoire :
« La distinction entre mneme et anamnesis repose sur deux traits : d’un côté, le simple souvenir survient à la manière d’une affection, tandis que le rappel consiste en une recherche active. De l’autre côté, le simple souvenir est sous l’emprise de l’agent de l’empreinte, alors que les mouvements et toute la séquence de changement que l’on va dire ont leur principe en nous. Mais le lien entre les deux chapitres est assuré par le rôle joué par la distance temporelle : l’acte de se souvenir (mnemoneuein) se produit lorsque du temps s’est écoulé (prin khronisthenai) […]. Et c’est cet intervalle de temps, entre l’impression première et son retour, que le rappel parcourt. En ce sens, le temps reste bien l’enjeu commun à la mémoire-passion et au rappel-action » (Ricœur, 2000 : 22).
17Les deux modalités du souvenir trouvent leur spécificité dans le rôle actif ou passif du sujet ainsi que dans le point de départ de la recherche mémorielle. Elle permet de déterminer les liens existant entre l’apparition du fantôme et le retour du passé. Trois éléments semblent s’articuler intimement : l’apparition du fantôme, la représentation du souvenir par l’image et l’effort de mémoire. Le fantôme fait son irruption dans la réalité, comme l’image du souvenir remonte inespérément à la surface pendant la réminiscence, et sa présence pointe toujours un dysfonctionnement mémoriel.
18Dans la réminiscence, le mouvement du souvenir étant spontané, celui-ci se présente sans le contrôle de la raison et devient susceptible d’avoir été déformé par l’imagination. Ceci implique que le souvenir tel qu’il apparaît lors de la réminiscence peut être faux. Trece Campanadas fonctionne sur ce principe : le film s’ouvre sur la scène fondatrice du film, l’assassinat de Mateo par son épouse alors que Jacobo était encore un enfant. Puis, une ellipse nous renvoie à l’arrivée de Jacobo, devenu jeune homme, à l’aéroport de Saint Jacques-de-Compostelle. Puisque la séquence du meurtre se trouve au début et joue le rôle de prologue, on ne peut pas l’attribuer avec certitude au point de vue de l’un des personnages, même si la caméra adopte, dans les derniers plans, le point de vue subjectif de Jacobo. Pendant tout le film, le spectateur croit avoir vu ce qui est arrivé dans la réalité, alors que la dernière scène révèle que ces images étaient un souvenir de Jacobo, image du passé déformée par son imagination. La récupération du souvenir vrai permet que Jacobo puisse se libérer des fantômes qui le hantent : c’est lui et non sa mère qui avait tué son père. Le film exploite l’indéfinition du point de vue de l’image pour semer l’incertitude sur sa nature. Est-elle la réalité passée ou bien le souvenir qu’on en garde ? De façon plus ample, ce flash-back interroge l’ambiguïté constitutive de l’image : ce que je vois dans l’image est-ce la même chose que ce que j’ai vu de mes yeux ? La mise en image (photographique, mémorielle) n’est-elle pas déjà un processus de sélection et de modification ? Le souvenir que conserve Jacobo est une image, dont l’existence ne prouve pas l’authenticité, comme pour le souvenir-écran freudien :
« Tout cela nous oblige à admettre que ce qu’on trouve dans les soi-disant souvenirs de la première enfance, ce ne sont pas les vestiges d’événements réels, mais une élaboration ultérieure de ces vestiges, laquelle a dû s’effectuer sous l’influence de différentes forces psychiques intervenues par la suite. C’est ainsi que les « souvenirs d’enfance » acquièrent, d’une manière générale, la signification de « souvenirs-écrans » et trouvent, en même temps, une remarquable analogie avec les souvenirs d’enfance des peuples, tels qu’ils sont figurés dans les mythes et les légendes » (Freud, 1963 : 60).
19Dans le fonds mémoriel constitué d’images, certaines peuvent être vraies ou fausses, selon qu’elles aient été frappées ou pas par l’imagination. La thèse soutenue dans Trece Campanadas avance que l’imagination n’intervient que lorsque le souvenir se manifeste à travers la réminiscence, qui peut transformer le souvenir en hallucination, c’est-à-dire en image fausse caractérisée par l’impossible treizième coup de cloche7. La recherche active, elle, pourrait permettre de déterrer l’intégralité du souvenir et de corriger l’hallucination pour la transformer en image vraie. Ce qui est en jeu, c’est donc l’idée que le souvenir et son image peuvent être effacés, ou plutôt relégués dans un oubli momentané et éventuellement transformés par l’imagination. La réminiscence se constitue alors en mode d’évocation du faux en opposition à la remémoration qui peut reconstruire l’image vraie du souvenir. Ce processus est salvateur pour Jacobo : à la fin du film, alors que le fantôme de Mateo le pousse au suicide, l’intervention de sa fiancée et d’un psychiatre l’incite à chercher le souvenir vrai qui permet de faire disparaître le fantôme et de sauver sa vie. Dans ce cas, la recherche de la vérité apporte le salut du personnage, même s’il le rend responsable de la mort de son père.
20Finalement, le fantôme serait le rappel de cette image vraie, enfouie, qui cherche à se matérialiser, et donc, paradoxalement, le fantôme serait le contraire de l’hallucination. L’existence d’un vrai souvenir et de sa doublure fausse, de son simulacre, se retrouve dans le film dans le thème de la schizophrénie, qui se construit en correspondance avec cette conception de la mémoire caractérisée par l’idée du faux et du double. Le fantôme, à ce moment-là, est à la fois la manifestation de la double personnalité de Jacobo et la matérialisation du simulacre mémoriel fondateur constitué en tant que doublure. La lecture du processus mémoriel se situe alors clairement dans une optique psychanalytique fondée sur l’idée de traumatisme et de refoulement, c’est à-dire du souvenir écran freudien. Dans les autres films, le fantôme joue un rôle semblable, il révèle qu’un souvenir a été déformé ou est resté enfoui, et incite le personnage à rechercher la vérité. Dans Nos Miran par exemple, les causes de la disparition de la sœur de Juan ne sont pas clairement évoquées. Le film est ponctué de plusieurs flash-back qui proposent plusieurs lectures différentes des circonstances précédant la disparition. Il suggère ainsi plusieurs pistes sans jamais les confirmer, comme de possibles attouchements de Juan sur sa sœur qui auraient été à l’origine de la disparition. Cependant, le souvenir vrai n’est pas montré au spectateur, ce qui rend impossible le salut de Juan.
Le crime et la rupture généalogique
21L’apparition du fantôme manifeste un dysfonctionnement temporel : le passé revient de façon inopinée dans le présent, un souvenir traumatisant refait surface. Cependant, les rapports qui unissent le fantôme au temps s’engagent sur une autre voie, qui vient se tracer en parallèle avec le travail mémoriel. Il s’agit de la perturbation de l’ordre temporel incarné par le cycle des générations, et de la contestation de la structure familiale à partir de la crise du rapport entre parents et enfants. Ce dysfonctionnement menace de se résoudre de façon violente par une agression, mettant en cause l’ordre généalogique. L’interférence entre passé et présent s’exerce sur le corps de chacun des membres de la famille en le menaçant. Ainsi, tous les films de fantômes qui manifestent cette intrusion du souvenir dans le présent élaborent parallèlement la possibilité d’un parricide ou d’un infanticide.
22Dans le sens descendant, la rupture de l’ordre généalogique prend la forme de l’infanticide. Dans El Habitante incierto, le meurtre de l’épouse enceinte va entraîner la mort de l’enfant avant même que celui-ci ait pu naître. Le personnage tue dans l’œuf toute possibilité de briser un isolement dont il s’accommode après sa rupture avec Vera. Même si l’assassinat est involontaire, il est l’aboutissement du parcours d’un personnage qui abandonne progressivement toute tentative de communication avec autrui. L’enfant représentait, en effet, une possible continuité entre Félix et le monde qui aurait pu libérer le personnage de son enfermement. On retrouve, dans Trece Campanadas, le mouvement inverse, celui du parricide, laissé en suspens pendant tout le film pour n’être confirmé qu’à la fin, en tant qu’origine des troubles psychologiques de Jacobo. Dans Darkness et Nos Miran, les deux mouvements coexistent simultanément. Darkness raconte l’histoire d’une famille qui revient habiter dans l’ancienne maison familiale. Cet emménagement permet de déterrer des événements tragiques enfouis dans l’oubli, que la présence du fantôme se charge de signaler et d’actualiser. Rapidement, l’intrigue se noue autour de la menace, de plus en plus présente, de l’infanticide, qui s’exacerbe parallèlement à la folie croissante de Mark, le père de famille, sujet à des attaques de violence injustifiées. Parallèlement à ces crises, son fils Paul devient l’objet de violences commises par les fantômes, qui laissent sur son corps des traces de sévices physiques. Mark tente d’agresser Paul sans succès lors d’une de ses crises, mais il finit par devenir lui-même la victime de sa folie lorsqu’une attaque le terrasse. Cette violence n’est qu’un chaînon dans un maillage plus ample qui touche d’autres membres de la famille. Ainsi, la menace première d’infanticide, qui plane jusqu’à la fin du film, n’est que l’ombre du désir meurtrier d’Albert voulant mener à bien l’assassinat, manqué dans le passé, de son fils Mark. Finalement, le meurtre est commis par Regina, la fille de Mark : lorsqu’elle essaye de sauver son père en lui pratiquant une trachéotomie, elle l’égorge involontairement. Le geste salvateur s’inverse pour devenir un geste meurtrier, résultat prévu par Albert, qui peut ainsi mener jusqu’au bout son plan diabolique. L’assassinat du fils aîné est la dernière étape d’un rituel maléfique qui amènera la destruction de l’humanité. Dans Darkness, le Mal est assimilé à la dissolution du noyau familial ; au début, les parents ne s’occupent plus de leurs enfants et les blessures de Paul ne semblent pas inquiéter sa mère. Le fantastique exacerbe le conflit entre les générations en le plaçant sous le signe du sacrifice : les parents doivent tuer leur descendance afin de garantir leur propre survie8. Le dénouement du film est empreint de pessimisme, puisque le parricide commis par Régina ne permet pas de rétablir l’ordre généalogique. Au contraire, rendant effectif l’infanticide prévu par Albert, elle permet l’installation du Mal sur Terre, image exacerbée de la destruction de la famille. Pour Jaume Balagueró, le conflit entre les générations est inévitable et destructeur.
23En même temps qu’il donne au conflit familial une dimension cosmique et terrifiante, le fantastique élabore une image désincarnée qui cristallise l’horreur de cette relation : le fantôme. Le genre fonctionne comme un garde-fou rhétorique : il adopte l’apparence exacerbée et pleine de violence du fantôme – et du meurtre – pour signifier une expérience dérangeante (l’impossible unité entre les parents et les enfants) mais, en même temps, en tant qu’image d’autre chose, il met une distance entre le spectateur et ce qu’il représente. À travers une stratégie métaphorique fondée sur le déplacement, il élabore une image violente mais irréelle, horrifique mais rassurante.
24Dans les films de fantômes, un premier meurtre originel appartenant au passé menace de se réactualiser dans le présent. La fonction du fantôme consiste à signaler que l’assassinat risque désormais de se reproduire, prévenant le personnage qu’il est nécessaire de fouiller dans le passé afin d’éviter le pire. Tout en manifestant dans un premier temps l’horreur du meurtre passé, il remplit une fonction de prévention.
25Le fantôme joue un rôle de miroir temporel pour le personnage, puisque le geste commis dans le présent n’est finalement qu’une répétition d’un autre geste qui s’était déjà produit auparavant. Dans un premier temps, le présent est voué à devenir la répétition du passé, condamnation à un temps circulaire qui soumet l’individu à des destinées qui ont déjà été vécues par d’autres et qui le prive, par conséquent, de son libre-arbitre. L’infanticide et le parricide peuvent être lus comme une image de cette impossibilité à quitter un chemin qui serait tracé d’avance : le meurtre figure le blocage de l’évolution généalogique et de la différenciation entre le père et le fils. Ainsi, la problématique de la généalogie se construit sur l’opposition de l’intégration et de la séparation dans le corps familial9. Le film de fantômes présente l’assassinat comme la résolution de cette tension, exprimant ainsi un conflit douloureux entre corps individuel et corps collectif devant se résoudre de façon tragique. Dans Darkness, l’origine du conflit est surnaturelle et archaïque, il s’agit d’une cérémonie maléfique qui permet le triomphe du Mal. Dans Nos Miran, l’implication de Juan dans la disparition de sa sœur se réactualise dans le rapport qu’il entretient avec ses deux enfants. Tous les trois entrent dans une spirale de destruction (son fils tire sur lui, le professeur des enfants meurt dans un incendie comme ceux-ci le souhaitaient).
26Finalement, le fantôme prévient sa victime qu’elle est entrée dans un processus de répétition. Il est le revenant, ce qui fait retour. Il réapparaît en tant qu’image désincarnée d’un corps qui avait existé auparavant. Au début, il n’est que simulacre dénué de matérialité, son retour ne recouvre pas exactement le corps tel qu’il avait existé vivant. En cela, il n’est que la possibilité d’un retour de l’identique, et non son retour effectif. Le processus de matérialisation auquel il est soumis indique cependant que sa tendance naturelle consiste à vouloir récupérer son corps, à s’imposer comme répétition. En même temps, au fur et à mesure qu’il se reconstitue, il devient un signal pour le personnage de la répétition qui le menace, et celui-ci peut dès lors tenter de s’en écarter. De ce point de vue, il permet d’y voir plus clair, de sortir de soi afin de mieux s’observer : son image représente peut-être plus l’extériorisation de soi que le retour de l’autre. Ce qui est en jeu temporellement, c’est la possibilité d’échapper à un temps circulaire marqué par le déterminisme pour le transformer en temps en spirale, dans lequel l’individu exerce son libre-arbitre. Le personnage de Juan dans Nos Miran doit disparaître pour sauver ses enfants. La tension finale issue de l’affrontement meurtrier entre le père et le fils disparaît lorsque Juan comprend le rôle du fantôme : « Ils attiraient mon attention. C’est moi qu’ils cherchaient. Il y a bien longtemps que j’aurais dû partir avec eux, mais la peur m’en a empêché. C’est pour cela qu’ils sont revenus »10. Puisque Juan refusait de prendre sur lui la présence de la mort (celle de sa sœur, la sienne), il la déplaçait sur ses enfants. Accepter le fantôme signifie reprendre l’ordre naturel de la vie, du vieillissement et de la mort. Ainsi, après la disparition de Juan, le film se termine par une description heureuse de la famille : la mort n’a pas été traumatisante. Au contraire, elle a permis de reconstruire le noyau familial et de lui donner un nouvel équilibre.
27Le fantôme est effrayant par sa nature surnaturelle, son apparition demeure au premier abord incompréhensible pour les personnages pétris de culpabilité qui peuplent les films. Cependant, il est aussi une image provenant d’un passé douloureux et meurtrier, qui dans le meilleur des cas peut constituer le point de départ pour que les vivants cherchent une voie salvatrice. L’élaboration du fantôme, à partir de la notion d’image mémorielle, permet d’observer le fonctionnement du fantastique. Il s’agit de donner un corps à ce qui n’en a pas : l’angoisse, le traumatisme, la culpabilité. Le fantastique va au-delà de la manifestation du surnaturel : dans un contexte réaliste, il donne un corps à l’inconscient, matérialise le travail de la conscience et offre une image à l’espérance. Dans le cas espagnol, il propose la relecture d’un certain nombre de figures archétypales rattachées au conflit familial (Œdipe, Abraham, Saturne…) dont l’origine et l’aboutissement sont le meurtre d’un parent ou d’un enfant. À travers l’exploitation de ces thèmes, le fantastique tend des ponts vers la psychanalyse. Il peut être vu comme une forme d’extériorisation ou de déplacement de dysfonctionnements psychiques vers des figures extériorisées, mettant en œuvre sa capacité à créer des corps inédits. Mais derrière ces structures archétypales, nous pouvons observer aussi un certain nombre de questions qui traversent la société espagnole actuelle : la violence au sein de la famille (Darkness), l’individualisme (El Habitante incierto), la peur de la mort (Nos Miran), l’affirmation par rapport à la génération précédente (Trece Campanadas), sont des thèmes récurrents qui orientent le spectateur vers une lecture sociologique du film de fantômes, à l’heure où était en voie d’élaboration la loi contre la violence conjugale en Espagne11. Tous ces thèmes contribuent alors à dresser un portrait pessimiste de la famille en tant que noyau relationnel, qui semble se placer sous le signe de Moloch et exiger le rite sacrificiel pour sa survie. Finalement, le rapport problématique au passé peut être lu d’un point de vue historique, puisque ces réalisateurs appartiennent à la première génération qui n’a presque pas vécu sous le franquisme. Ils doivent assumer le poids d’une pratique créative libérée pour la première fois des contraintes de la dictature, ce qui n’est pas le moindre des exercices de mémoire.
Notes de bas de page
1 Nous pouvons par exemple citer les japonais Ring (Hideo Nakata, 1998) et Ju-on (Takashi Shimizu, 1999) ou le coréen Memento Mori (Kim Tae-Yong, Min Kyu-Dong, 1998).
2 Darkness (Jaume Balagueró, 2002), Nos Miran (Ils nous regardent, Norberto López, 2002), Trece Campanadas (Les treize coups de cloche, Xavier Villaverde, 2002), El Habitante incierto (L’Habitant incertain, Guillem Morales, 2004).
3 Cette figure liminaire circule de film en film, parfois accompagnée d’un mouvement. Chez Balagueró, les plans se terminent souvent par un recul inattendu de la caméra, ce qui accentue l’impression que quelqu’un d’autre est présent.
4 « Fantastique égale inhumain, et l’image fantastique est habitée par un antihumanisme radical. Non pas en vertu de je ne sais quel côté sadique, quelque méchanceté constitutive, mais parce qu’elle propage le point de vue de nulle part. La présence fantastique signale que les choses existent même quand elles ne sont pas pensées, dites, connues. C’est une présence indifférente du type « chose-même » (…) L’homme n’est pas au centre du monde – et de la création – et son regard affronte une extériorité totale qui le nie. Rien de moins « expressif » et lyrique que la littérature fantastique car elle met le sujet pensant et parlant à la place de personne. Le héros fantastique par excellence est le mort du film de Carl Dreyer, Vampyr, qui voit le monde défiler dans ses yeux vides et avec qui la perspective est remplacée par une capillarisation physique qu’aucun regard ne contredit plus. La chose et l’œil ne font plus qu’un… » (Chareyre-Méjan, 2004 : 155-156).
5 Lorsqu’il s’enfuit de sa maison, Félix se réfugie dans un autre espace fermé, sa voiture, dans laquelle il dort à plusieurs reprises.
6 « Nos miran ».
7 Lors du prologue, Jacobo croit entendre treize coups de cloche après que son père a été tué. En réalité, sa mémoire a effacé le laps de temps qui allait de minuit à une heure du matin, et le treizième coup correspond au coup de cloche de une heure.
8 À l’inverse, dans Nos Miran, l’influence des fantômes sur les enfants est à l’origine du meurtre d’un adulte.
9 « L’enjeu de la filiation individuel et collectif concerne l’identification de chaque individu à une place unique et non interchangeable, au sein d’un ordre généalogique culturellement construit ; cet ordre inscrit en outre la personne dans le temps et la longue lignée des vivants et des morts. Il n’y a pas d’autofondation de la personne par elle-même, pas de société qui ne serait faite que d’individus sans appartenances particulières » (Legendre, 1985 : 42).
10 « Estaban llamando mi atención. A quien buscaban era a mí. Hace tiempo que tenía que haberme ido con ellos, pero tuve miedo y no lo hice, por eso han vuelto ».
11 La « Ley orgánica de medidas de protección integral contra la violencia de género » a été approuvée le 22 décembre 2004.
Auteur
Agrégé d’espagnol, membre du Grimh (Groupe de Recherche sur l’Image dans le Monde Hispanique) à l’Université Lyon 2 et termine actuellement une thèse sur le corps dans le cinéma fantastique espagnol des années 1990 et 2000 sous la direction de Jean-Claude Seguin. Il a publié plusieurs articles sur le cinéma fantastique espagnol
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