Déconstruction narrative dans Lucía y el sexo1
p. 81-97
Résumé
Este artículo propone un estudio de la estructura narrativa de la película Lucía y el sexo de Julio Medem a partir de algunas nociones deconstructivistas. Los juegos elaborados por la instancia enunciadora alrededor de los distintos niveles internos de narración provocan regularmente un cuestionamiento de los límites entre ficción y realidad que parecían haber sido definidos anteriormente y desembocan en una forma de « indecidabilidad » narrativa. El proceso de escritura puesto en escena por la película (el protagonista es escritor) justifica las innumerables vías que toma una narración que se va construyendo bajo nuestra mirada y donde todo participa en la descomposición de la linearidad del relato
Texte intégral
1aporia desconstructivista, Derrida, estructura narrativa, indecidabilidad
2La notion de déconstruction à laquelle se réfère cet article correspond à celle élaborée par Jacques Derrida tout au long de ses commentaires de textes philosophiques, critiques et littéraires, et non pas au processus de destruction ou de décomposition auquel elle est parfois assimilée par simple proximité sémantique et lexicale. Derrida déclare à ce propos :
Dès le début, il a été clairement dit que la déconstruction n’est pas un processus ou un projet marqué par la négativité, pas même, pour l’essentiel par la « critique » […]. La déconstruction est avant tout la réaffirmation d’un « oui » originaire. Affirmatif ne veut pas dire positif. Je précise schématiquement ce point pour expliquer que, pour certains l’affirmation se réduisant à la position du positif, la déconstruction soit vouée à re-construire après une phase de démolition. Non, il n’y a pas plus démolition que reconstruction positive, et il n’y a pas de phase2.
3Le terme même de « déconstruction » provient de la traduction que propose Derrida du projet heideggerien de destruction de l’histoire de l’ontologie, afin de souligner qu’il ne s’agit pas justement de destruction mais de décomposition analytique et de mise à jour3.
4Rappelons rapidement que la déconstruction consiste en un questionnement d’une tradition philosophique institutionnalisée qui met en évidence ses ambiguïtés et ses contradictions internes. Derrida a engagé une lecture déconstructiviste, mais non destructrice, du discours de Kant sur l’art, du logocentrisme de Hegel ou du système linguistique de Saussure, entre autres choses. Pour ces deux derniers cas, il a mis en lumière les présuppositions métaphysiques et quelques-uns des concepts idéalistes qui, paradoxalement, les sous-tendaient. Il a ainsi montré jusqu’à quel point le langage rationnel philosophique et critique est fondé sur des bases aporétiques. En effet, ce qui distingue radicalement le mouvement déconstructiviste des systèmes rationalistes philosophiques, c’est qu’il ne rejette pas le chaos mais qu’au contraire il l’accepte comme partie prenante de la pensée. C’est pourquoi la déconstruction appliquée aux textes4 tend à mettre en relief l’existence de multiples significations, qui peuvent être incompatibles en termes logiques, au lieu de proclamer une vérité unique et indépassable5. Cela implique que le sens ne soit pas présent mais constamment déjà différé dans un processus de « différance »6 en rapport avec l’hétérogénéité des contextes de communication, d’un côté, et, de l’autre, avec les changements et glissements sémantiques internes au discours lui-même. Dans cette perspective, un facteur important de changement interne est la répétition ou la récurrence d’un signe qui débouche sur la dispersion du sens ; phénomène que Derrida nomme « itérabilité » en opposition à l’« itérativité » que les structuralistes (Greimas, Courtés) conçoivent comme un facteur de consolidation et d’homogénéité de l’énoncé.
5Dans sa façon d’aborder les textes, la déconstruction invite à réfléchir sur les paradoxes inhérents à la raison, à reconnaître le caractère contradictoire et indécidable des textes au lieu de les soumettre à un discours conceptuel et théorique préalable. Ceci posé, l’on comprend que tout texte se déconstruit lui-même (y compris ceux de Derrida) et qu’il se construit en se déconstruisant.
6Malgré son aspect schématique, cette petite introduction théorique me permet de poser quelques-uns des jalons qui vont guider ma réflexion et de préciser l’acception donnée ici au terme « déconstruction », afin d’éviter qu’il soit pris dans son sens littéral et qu’une pensée complexe soit réduite à une simple entreprise de démolition7.
7L’organisation de la narration, dans Lucía y el sexo, est une question centrale puisque l’un des protagonistes, Lorenzo, est écrivain et qu’il apparaît souvent en train d’écrire sur son ordinateur des pages de romans intimement liés à sa vie personnelle. Des fragments de ces fictions secondaires écrites par Lorenzo sont ainsi mis en images, enchâssées à l’intérieur de la fiction principale. Mais, l’énonciation première – le niveau d’énonciation impersonnelle défini par Christian Metz8 – va se mêler progressivement aux différents niveaux fictionnels jusqu’à ce que les frontières qui les délimitent soient complètement abolies. Il en découle de fortes perturbations perceptives qui rendent impossible pour le spectateur la définition de zones étanches entre les fictions romanesques écrites par Lorenzo et la fiction filmique qui est censée les englober. Nous pouvons mettre en relation ces premiers éléments avec les notions déconstructivistes de dissémination, de « différance » du sens, d’« indécidabilité » de l’interprétation, d’« inévitabilité » de l’aporie, et constater à quel point ces notions ont pénétré des domaines intermédiaires de l’expression artistique auxquels appartient le cinéma de Medem. J’entends par « domaine intermédiaire » une forme d’expression poreuse, perméable à l’évolution de la pensée, d’où émergent des prétentions auctoriales, mais qui n’en appartient pas moins à des circuits commerciaux impliquant l’observance d’un certain nombre de critères et de codes, ici cinématographiques.
8La déconstruction philosophico-littéraire a « disséminé » dans la pensée et les arts de la seconde moitié du XXe siècle et les débuts du XXIe siècle des germes qui se sont développés dans des œuvres caractéristiques de la postmodernité, dans un processus d’hybridation inhérent à toute pensée qui se propage9. Cette déconstruction a été détournée, popularisée, ses postulats philosophiques initiaux se sont effacés, mais il en reste de nombreuses traces (motif très derridien) qui marquent et déterminent une bonne partie des arts visuels, audio-visuels et littéraires contemporains, propices à l’« indécidabilité » si ce n’est aux apories.
9En ce qui concerne le cinéma de fiction de Medem, nous nous trouvons face à des films globalement narratifs, des films qui proposent une structure narrative et des intrigues plus ou moins reconstituables selon des principes logiques et chronologiques. Cependant, ce sont des films qui ne peuvent pas être réduits à leur corps narratif (ils sont très difficiles à résumer, par exemple), qui jouent sur des effets de rupture, qui sont saturés de signes insistants et répétitifs, et qui interrogent, tout au long de leur déroulement, la transparence narrative jusqu’à ce que celle-ci s’obscurcisse totalement. D’une certaine façon, l’on peut dire que le cinéma de fiction de Medem exhibe l’opacité narrative, car il ne se limite pas à altérer l’ordre narratif habituel comme on le ferait avec les pièces d’un puzzle, ce qui impliquerait une reconstitution possible et définitive. Certains de ses films postulent à la fois la transparence narrative et son impossibilité, la linéarité et son échec, ce qui m’amène à les considérer comme des textes « illisibles » dans le sens déconstructiviste du terme. Une « illisibilité » qui se manifeste déjà dans des films comme La ardilla roja ou Los amantes del círculo polar mais qui s’affirme clairement dans Lucía y el sexo que nous allons étudier maintenant de plus près.
10Au bout de douze minutes de narration linéaire, commence un long flash-back qui inaugure une alternance entre un passé et un présent associés à des lieux. Le passé, qui a eu lieu six ans auparavant, correspond à l’espace de Madrid, et le présent à une île que le générique nous permet d’identifier comme celle de Formentera. Toutefois, elle n’est jamais nommée dans le film et elle possède d’étranges particularités, comme celle de ne pas être reliée à la terre. L’un des personnages, Carlos (appelé Antonio à d’autres occasions), dit :
En réalité ce n’est pas une île […] c’est un couvercle, un morceau de terre qui flotte, comme une barque […]. Les jours de gros temps, les gens ont le mal de mer et personne ne sait pourquoi […]. Moi, j’ai fait de la plongée sous toute l’île, elle est complètement creuse, il y a des milliers de grottes, mais c’est tout. Je n’ai pas vu un seul morceau de rocher qui la relie au fond de la mer10.
11Dès ce début d’alternance spatio-temporelle assez classique, sont ainsi introduits les germes du doute quant à l’adéquation entre la réalité et son apparence mais, de plus, une seconde alternance s’ajoute à la première – à l’intérieur du flash-back lui-même –, c’est l’alternance entre la réalité diégétique (à laquelle appartiennent le passé et le présent) et les fictions écrites par Lorenzo.
12Il s’agit de trois récits successifs (dans l’ordre du déroulement filmique) qui correspondent à des étapes distinctes de la vie de l’écrivain et qui se nourrissent apparemment de son expérience vitale. Le premier récit met en évidence le processus de transformation de la « réalité » vécue par Lorenzo en matériel romanesque. La protagoniste féminine de cette fiction concentre des caractéristiques de Elena (une maîtresse de passage) et de Lucía avec laquelle il partage sa vie :
Le restaurant est devenu célèbre à Madrid grâce aux paellas de cette jeune fille solitaire et taciturne qui se souvenait encore de sa grand-mère enterrée dans son village à côté de ses parents. Quand un client s’intéressait à elle, pour expliquer sa timidité, elle répondait qu’elle venait de Malte11.
13Ce dernier point (la référence à Malte) fait fusionner la fin et le début de la diégèse principale : c’est la réponse que donne Lucía à un serveur lorsqu’elle se réfugie sur l’île après la disparition de Lorenzo, or l’écriture de ce premier récit est censée avoir lieu au tout début de leur vie commune. L’argument de cette histoire a été suggéré à Lorenzo par son ami Pepe devant l’absence d’inspiration de l’écrivain : « Pourquoi ne reprends-tu pas cette histoire que tu m’as racontée ? », Lorenzo : « Avec la Valencienne ? Peut-être… » […], Pepe : « Eh bien, mets beaucoup de sexe, ça fait toujours plaisir »12. Cette dernière observation de Pepe résonne comme un commentaire anticipé de ce que nous verrons par la suite de la relation amoureuse et sexuelle entre Lorenzo y Lucía, une relation qui est supposée appartenir à la réalité diégétique. La phrase de Pepe annonce déjà la perméabilité à venir entre les différents niveaux diégétiques.
14La seconde fiction que Lorenzo se met à écrire va au-delà de la simple exploitation de la réalité vécue dans la création romanesque, elle rend plus aléatoires les limites entre l’écrit et la vie, mais, surtout, entre ce qui appartient à l’énonciation première du film et ce qui provient du récit de Lorenzo. Le personnage qui déclenche l’écriture est à nouveau Pepe quand il révèle à Lorenzo, le jour de son anniversaire, l’existence d’une fillette née de sa brève rencontre avec Elena et nommée Luna. Il conclut : « Si tu écris ça bien, ça peut être le récit de ta vie et… mon cadeau d’anniversaire »13. Évidemment, l’expression « le récit de ta vie » est ambivalente, on peut la comprendre comme « le meilleur récit que tu aies jamais écrit de ta vie »14 ou comme une suggestion pour qu’il écrive une autobiographie. Sur cette ambiguïté sont fondées toutes les transgressions métaleptiques qui suivent15. Quand, après avoir lu ce qu’a écrit Lorenzo de la rencontre avec Luna, Lucía lui demande s’il a une fille, il lui répond qu’il n’a pas la moindre idée de ce que c’est que d’être père, et elle, enthousiasmée par ce qu’elle vient de lire, s’exclame : « Eh bien, invente ! »16. À ce moment du film, la frontière entre les deux mondes qui s’est déjà déplacée plusieurs fois commence à s’effacer.
15En effet, à partir de la rencontre avec Luna – dont le spectateur ne pourra jamais dire si elle a eu lieu dans la réalité diégétique ou seulement dans une fiction métadiégétique –, les différents niveaux vont se mêler de façon inextricable. La confusion croissante se produit dans la transposition simultanée du récit de Lorenzo en images. La narration en voix off de l’écrivain confère tout d’abord à l’image une simple fonction d’illustration à laquelle va se superposer, sans qu’aucun marqueur ne l’indique, une lecture visualisée par Lucía. Parallèlement à la confusion des niveaux narratifs s’opère celle des instances d’émission et de réception du texte qui est à la fois filmique et littéraire. Le lieu de l’énonciation devient alors multiple et indiscernable.
16Après avoir rencontré Luna et Belén (sa baby-sitter) dans un square, Lorenzo écrit sur son ordinateur un dialogue entre la fillette et son père. Aux plans de l’écrivain en train de travailler à son bureau succèdent des plans de Luna et Lorenzo sur la plage poursuivant le dialogue transmis auparavant par la voix off (photo 16). Le spectateur identifie ces plans comme une visualisation de la narration prise en charge par Lorenzo. Cependant, lorsque l’on revient au bureau, l’écrivain a disparu et a été remplacé par Lucía qui lit sur l’écran de l’ordinateur ce que son amant a écrit17 (photo 17). Le plan de Lorenzo quittant le square où il a fait la connaissance de sa fille relève d’une esthétique maniériste marquée. La saturation de la lumière et de la couleur obtenue par l’emploi de filtres lui confère un aspect artificiel qui contraste fortement avec l’ambiance plutôt réaliste de la séquence qui précède comme si, déjà, ce plan n’en faisait plus partie. Et, de fait, on commence à entendre sur ce plan le son hors champ du clavier de l’ordinateur de Lorenzo ainsi que sa voix d’« écrivant », quelques secondes plus tard.
17Le lieu que les images assignent ensuite à la fiction est une plage qui renvoie évidemment à l’île vers laquelle vont converger, dans la réalité diégétique, les différents personnages et qui est associée ici à un espace fictionnel. La saturation lumineuse, les fortes contre-plongées et l’utilisation du grand angle contribuent à créer dans cet espace une atmosphère irréelle. Le plus intéressant de cette séquence est d’observer le glissement qui s’opère entre ce que le spectateur identifie comme le réel (la rencontre dans le square, Lorenzo en train d’écrire dans son appartement ou Lucía en train de lire) et la scène fictionnelle de la plage. Certains procédés du montage créent une contiguïté entre les deux niveaux alors que d’autres, comme les fondus enchaînés, marquent au contraire le changement de niveau. Les procédés de contiguïté sont, par exemple, la réponse de Luna au niveau métadiégétique à une question posée par Lorenzo au niveau diégétique (Lorenzo demande dans l’appartement : « Tu sais comment il s’appelle ? »18, Luna répond sur la plage : « Non »), ou bien le contrechamp entre un plan rapproché de Lorenzo sur la plage qui sourit à une question de Luna (« Mon père en vrai ? »19) et un autre plan rapproché de Lucía qui sourit devant l’écran de son ordinateur après avoir lu cette même question, comme si leurs deux sourires se répondaient et traversaient la limite entre les deux mondes.
18Au début de la séquence, le montage alterné établit de manière classique une relation de simultanéité entre les plans de Lorenzo en train d’écrire et les plans de la plage – ceux-ci apparaissant comme des images mentales de l’écrivain –, puis, le même type de montage est utilisé pour signifier la substitution de Lorenzo par Lucía devant l’écran de l’ordinateur sans qu’aucun trait rhétorique ne l’annonce. Soudain, dans un pli du montage, au sein de la simultanéité, s’est glissée une ellipse temporelle. Le contrechamp établit un parallélisme entre Lorenzo-écrivain et Lucía-lectrice, qui devient, elle aussi, le foyer d’où émanent les images, et ceci bien que la lecture soit postérieure. La visualisation de la narration secondaire place sur un même plan l’émetteur et le récepteur et interroge ainsi la fonction créatrice de la lecture. C’est ici l’interface de l’écran de l’ordinateur (où s’effectue la symbiose de l’image et de l’écrit) qui fait communiquer les différents niveaux narratifs et permet leur contagion mutuelle20 .
19La troisième fiction est la plus complexe puisqu’elle inclut des éléments de la seconde et qu’elle va déborder sur la réalité diégétique de l’île par l’intermédiaire du personnage de Antonio/Carlos. Ce troisième récit naît de la rencontre de Lorenzo avec Belén, la baby sitter de Luna, quand celle-ci lui révèle que sa mère a été actrice pornographique21. Lorenzo ponctue leur dialogue de phrases qui semblent être des commentaires sur le récit lui-même plus que sur ce que lui raconte Belén (« ça me plaît », « c’est pas mal du tout »22), comme s’il s’agissait déjà d’un matériel romanesque. Débute alors, entre le square et l’appartement, un va-et-vient similaire à celui que l’on a vu dans la scène de la plage. La similitude du traitement filmique incite le spectateur à douter de la réalité de la rencontre avec Belén : on voit Lorenzo écrire sur son ordinateur (photo 18) et poser à voix haute la question : « Toi aussi tu aimes ? »23, tandis que, dans le plan suivant, on retrouve les deux personnages assis sur le banc et Belén réplique : « Moi, pourquoi ? Ça se voit ? »24 (photo 19).
20Un peu plus tard25, on voit Lorenzo écrire et raconter comment, Antonio, le beau-père de Belén, l’a surprise sous la douche. Les images prennentenchargelerécitcommencéparl’écrivainetl’onvoitqueLorenzo prend la place d’Antonio et qu’ensuite c’est Belén qui s’est transformée en Lucía. La réalité du personnage de Belén est ainsi mise en question, elle apparaît davantage comme un avatar fantasmatique de Lucía, une projection littéraire, que comme un personnage réel, mais cette hypothèse n’est pas plus avérée que l’autre. Cette indécidabilité nous amène à considérer le personnage de Belén non pas comme un double personnage qui serait à la fois fictionnel et réel, mais un personnage qui est à la fois personnage réel et fictionnel et seulement personnage de fiction.
21Les limites que le spectateur s’efforçait tant bien que mal de maintenir entre les différents niveaux narratifs s’effacent de plus en plus et le niveau de l’énonciation première perd de son homogénéité. Pour tous les faits référés par la suite, parmi lesquels la mort de Luna, égorgée par un chien, le spectateur va se demander s’ils appartiennent bien à la réalité diégétique ou s’ils font partie d’une narration plus générale prise en charge par Lorenzo lui-même et qui recouvrirait le niveau de l’énonciation première. Dès le début du film, un élément suggère cette fusion des différents niveaux, il s’agit du générique dont les lettres s’inscrivent sur des plans de fonds marins, comme si elles étaient tapées sur un clavier d’ordinateur (le bruit des touches qui se confond d’abord avec le ressac devient de plus en plus net au fur et à mesure que le générique avance). Le scintillement des lettres reproduit celui de l’écran de l’ordinateur, et le défilement mécanique des mots rappelle l’affichage électronique de l’écriture. Le contraste entre cette écriture hachée et la fluidité des images marines est une façon d’indiquer la présence d’une instance narratrice surplombant l’ensemble du film.
22Cet indice, donné dès le début mais isolé, semble placer le film entier sous le signe de l’écriture de Lorenzo. Il prend tout son sens a posteriori lorsque le réseau de correspondances entre la réalité supposée diégétique et les différents niveaux métadiégétiques est devenu inextricable. En les faisant fusionner, le film remet en cause les limites mises en place antérieurement entre les catégories mêmes de diégèse et de métadiégèse. Or, si on l’envisage d’un point de vue déconstructiviste, l’on s’aperçoit que la notion de métalepse contient cette abolition des limites en même temps qu’elle les définit, qu’elle s’appuie sur les catégories qu’elle défait. En ce sens, Lucía y el sexo est un bel exemple de ce double mouvement.
23Les trois récits successifs écrits par Lorenzo instaurent une alternance apparente entre la réalité et la fiction. La fiction se nourrit, au début, de la réalité mais, rapidement, c’est le contraire qui se produit puisque la fiction se met, à son tour, à influer sur la réalité. Nous avons vu qu’il y a dans le film une gradation vers une complexité toujours plus grande. Il faut ajouter à cela un métadiscours sur l’élaboration du récit tenu par Lorenzo lui-même, un métadiscours qui va être corroboré, d’une certaine manière, par les événements racontés et par la structure répétitive qu’acquiert le film.
24Le rejet de la linéarité est proféré aux deux tiers du film (80 minutes se sont écoulées26) par Lorenzo quand il revendique, dans un chat avec Elena (dont le pseudonyme d’internaute est Alsi, anagramme de Isla), un récit qui n’aurait pas de fin :
Je veux t’écrire une histoire pleine d’avantages. […] Le premier avantage c’est que, quand l’histoire arrive à la fin, au lieu de se terminer elle tombe dans un trou [il imite le bruit de la chute], et l’histoire recommence au milieu de l’histoire. C’est le deuxième avantage, et le plus important, parce qu’à partir de là on peut changer de direction, si tu me laisses faire, si tu me donnes du temps27.
25Cette proposition qui évoque un postulat littéraire très cortazarien est déjà un écho de l’histoire que Lorenzo a racontée à Luna peu de temps avant sa mort :
[…] c’est aussi l’île du beau temps et l’île des désirs. S’il te manque quelque chose, les rochers du fond de la mer te le fabriquent et, quand ils ont terminé, ils te l’offrent. Il faut juste faire attention à une chose : les trous du fond. Bien que ça ne soit pas très important puisque c’est aussi l’île où personne ne meurt. Par exemple… si tu tombes, ensuite tu peux choisir la vie que tu veux. Ou être le poisson que tu préfères28 .
26Un poisson qui pourrait très bien se mordre la queue, narrativement parlant. La fiction, expliquée à un public infantile, apparaît donc comme une île, un espace coupé du reste du monde où vont se réfugier plusieurs personnages29, un lieu où peuvent se corriger les mauvaises orientations que prend parfois la réalité, un lieu unique au monde où l’on peut échapper à la mort ou en revenir. Dans la version pour adultes, le récit plein d’avantages que Lorenzo propose à Elena, on a une définition auto-réflexive du récit filmique qui ne cesse de revenir sur lui-même pour explorer de nouvelles pistes et éviter, justement, que les personnages meurent. Ainsi, les derniers plans du film semblent rendre la vie à Luna en l’arrachant à la fixité de la photographie, c’est-à-dire à l’immobilité de la mort.
27Dans la pension qu’elle tient sur l’île30, nous voyons Elena s’approcher, le visage baigné de larmes, de la photographie de sa fille accrochée au mur ; un travelling avant en plan subjectif sur la photo prend le relais tandis que l’on entend la voix off de Lorenzo répéter mot pour mot les avantages du récit qui ne s’achève jamais. Lorsqu’il imite le bruit de la chute dans le trou, un fondu enchaîné nous fait remonter le temps et revenir au moment où a été pris le cliché. À cet instant précis, on entend : « et l’histoire recommence au milieu de l’histoire »31. Un travelling arrière fait entrer Elena de dos dans le champ, immédiatement suivi par le déclic de l’appareil photo.
28Un travelling vertical passe alors au-dessus de la tête de la mère et de la fille et grimpe le long d’une façade pour nous faire pénétrer dans l’appartement où Lorenzo est en train d’écrire32. La situation et le mouvement de caméra créent un écho avec une scène de la première partie du film, quand Lorenzo commence à écrire son premier récit après sa rencontre avec Lucía. Nous avions vu à cette occasion Elena traverser la même place avec Luna dans une poussette et un travelling semblable nous avait fait entrer dans l’appartement de Lorenzo.
29Dans cet épilogue, le mouvement symétrique des travellings avant et arrière, la voix off de Lorenzo ainsi que l’itérabilité de la séquence qui crée une rime interne dans le film contribuent à ce que la métamorphose de l’image fixe en image animée par l’intermédiaire du fondu enchaîné ne soit pas seulement un saut temporel vers le passé. En revenant au moment où a été prise la photo, le film suggère qu’un autre chemin que celui emprunté pour arriver à la mort de Luna peut être pris, comme si cette possibilité narrative tragique était biffée et remplacée par une autre. D’ailleurs, le travelling qui arrive à l’appartement de Lorenzo suggère une simultanéité entre le moment où il écrit sa définition du récit sans fin et le moment où Luna et Elena traversent la place. Or, si l’on s’essaie à la reconstruction chronologique – ce qui, en soi, présente peu d’intérêt –, on suppose que cette définition a été écrite par Lorenzo pour Elena, quand elle s’est réfugiée dans l’île, après la mort de sa fille, pour se couper du monde et supporter son désespoir. C’est pourquoi l’on peut considérer que, dans cette séquence, Luna est à la fois vivante et morte. Ce que j’ai un jour, et à propos de Los amantes del círculo polar, mis en rapport avec le paradoxe du chat de Schrödinger33 entre également en résonance avec les apories déconstructivistes. Car les derniers plans de Lucía y el sexo n’apportent aucune réponse définitive : sommes-nous à l’intérieur du récit de Lorenzo ou à l’extérieur ? Le film est-il entièrement contenu dans un récit qui se met lui-même en abyme ? Aucune révélation finale ne vient éclairer ces interrogations, seule s’affirme la possibilité d’une réécriture permanente.
30Le processus d’écriture mis en scène par le film et défini par Lorenzo justifie les multiples voies qu’emprunte une narration qui se construit sous nos yeux : substitutions de personnages par d’autres, impasses narratives, repentirs, corrections, répétitions, modifications, tout concourt à décomposer la linéarité du récit. Les différentes strates du processus scriptural apparaissent successivement comme des variations possibles sans que nous soit précisé ce qui a été définitivement éliminé par l’instance narratrice34. Les brouillons ont été conservés et rien ne les distingue du reste d’une narration qui n’a pas de fin. Cette virtualité de l’écriture qui revient constamment sur ses pas est soulignée par le support de la création, l’ordinateur, et notamment dans l’échange par chat entre Elena/Alsi et Lorenzo.
31Rappelons qu’il écrit, comme en direct, un roman sur Internet. L’écran de l’ordinateur a fonction d’écran secondaire où peut se lire l’écriture en train de se faire et de se défaire mais qui peut aussi refléter des images du monde réel ou servir de support à des images fantasmatiques (quand Elena/Alsi « voit », à côté de son propre reflet, celui de Lorenzo sur l’écran de son ordinateur35). La transmission instantanée de l’écriture, sa lecture à peine différée ainsi que le scintillement de l’écran d’ordinateur qui contamine celui du cinéma désignent la dimension spectrale de l’écriture comme trace, une trace qui n’existe pas au présent mais dans un passé à venir. De ce point de vue, l’échange entre Elena/Alsi et Lorenzo pourrait être envisagé comme une clé métonymique de lecture de l’ensemble du film.
32Il ne faudrait pas, cependant, le réduire à cette unique interprétation totalisante, ce n’est qu’une lecture possible qui n’en exclut aucune. Je n’ai pas étudié ici les innombrables procédés de répétition, d’échos, de récurrences, les synchronicités qui, comme toujours dans les films de Medem, signalent l’existence d’un ordre cryptique et souterrain sous l’apparent désordre narratif. Je n’ai pas évoqué les implications psychanalytiques de la relation ternaire Lorenzo/Luna/Belén qui désignent aussi l’existence d’un contenu latent. Ces aspects, très importants dans Lucía y el sexo, semblent signaler la présence de systèmes cohérents exigeant une interprétation, un déchiffrement. Mais aucun système (qu’il soit narratif, symbolique, ésotérique ou psychanalytique) n’est exclusif ; les diverses voies interprétatives sont laissées en suspens, elles coexistent en même temps qu’elles entrent en contradiction. Tout ceci contribue à créer une saturation de signes divers et instables se superposant et indiquant l’existence de clés qui, à cause de leur prolifération même, rendent impossible une interprétation unique pouvant englober les nombreuses facettes d’un film en constant processus de dissémination et de « différance » du sens.
33Le caractère disséminatoire de la narration rend possible plusieurs récits qui se contredisent les uns les autres, ce qui induit une indécidabilité36 entre les deux grands versants du film. Il n’est pas question pour moi d’opter pour l’un ou l’autre et de décider si les personnages vivent une tragédie à leur niveau de réalité ou si elle est seulement projetée par Lorenzo dans ses écrits, si le narrateur second et l’énonciation première correspondent à une seule et même instance, mais il s’agit d’admettre qu’on ne peut trancher, que les deux éventualités coexistent, non pas parce que le film serait polysémique (la dissémination derridienne n’est pas la polysémie37) mais parce que chaque option naît de l’autre et à son tour l’engendre. Ce que Lucía y el sexo met en évidence, c’est que non seulement le sens est multiple mais qu’il se construit en même temps qu’il se déconstruit et que ces deux mouvements ne sont pas successifs mais simultanés et inhérents l’un à l’autre dans un processus constant et réciproque de germination :
[l]’insémination « première » est dissémination. Trace, greffe dont on perd la trace. Qu’il s’agisse de ce qu’on appelle « langage » (discours, texte, etc.) ou d’ensemencement « réel », chaque terme est bien un germe, chaque germe est bien un terme. Le terme, l’élément atomique, engendre en se divisant, en se greffant, en proliférant. C’est une semence et non un terme absolu. Mais chaque germe est son propre terme, a son terme non pas hors de soi mais en soi comme limite intérieure, faisant angle avec sa propre mort38.
Notes de bas de page
1 Ce travail a fait l’objet d’une communication lors du « 3er Congreso de Análisis Textual, De la deconstrucción a la reconstrucción », Facultad de Ciencias de la Información de la Universidad Complutense de Madrid, 13, 14, 15, 16 avril 2005. Il est publié pour la première fois ici.
2 J. Derrida, entretien avec A. Spire, 2002, Au-delà des apparences, Bordeaux, Le Bord de l’Eau, p. 50.
3 Cf. P. V. Zyma, 1994, La déconstruction. Une critique, Paris, P.U.F, Paris, p. 34.
4 Derrida rejette les frontières génériques habituelles entre littérature, critique et philosophie.
5 Au sujet du rapport entre la pensée derridienne et la vérité, voir l’entretien avec E. Grossman, « La vérité blessante » (en particulier les pages 18 à 22) et l’article d’A. García Dütttmann, 2004, « Poésie et vérité de la déconstruction », publiés par la revue Europe, Jacques Derrida, n° 901, mai.
6 Derrida établit une distinction entre la différence et la différance qui inclut, dans la notion de différence, ce qui est différé ; cette précision apparaît dans Marges – de la philosophie, Paris, Minuit, 1972.
7 Les critiques, à mon sens les plus fondées, de la déconstruction derridienne sont celles formulées à partir du mouvement de l’école de Francfort par des disciples d’Adorno et Orkheimer, ainsi que par Habermas et Bourdieu, autour du refus de prendre en compte les facteurs socio-historiques et de l’assimilation des sciences sociales à des discours de type métaphysique. Ces critiques remontent aux années quatre-vingt et n’envisagent évidemment pas l’orientation politico-éthique qu’a prise la réflexion du philosophe dans les années quatre-vingt-dix (Spectres de Marx, Politiques de l’amitié).
8 C. Metz, 1991, L’énonciation impersonnelle ou le site du film, Paris, Méridiens Klincksieck.
9 D’ailleurs, à partir de la critique que fait J. Habermas de la déconstruction dans Le discours philosophique de la modernité (Paris, Gallimard, 1988), on peut concevoir la postmodernité comme un avatar de la déconstruction.
10 « Esto en realidad no es una isla […] es una tapadera, un trozo de tierra que flota, como una balsa […] los días de mar gruesa, la gente se marea y nadie sabe por qué […]. Yo he buceado por debajo de toda la isla, está totalmente hueca, hay miles de cuevas, pero nada. No he visto ni un sólo trozo de roca que la una al fondo del mar ».
11 « El restaurante se hizo famoso en Madrid gracias a las paellas de aquella joven solitaria y sin habla que aún seguía recordando a su abuela enterrada en el pueblo junto a sus padres. Cuando algún cliente se interesaba por ella, para justificar su timidez respondía que era de Malta ».
12 « ¿Por qué no recuperas aquella historia que me contaste, la de la isla? », Lorenzo : « ¿Con la valenciana? Puede ser… » […], Pepe : « Pues mete mucho sexo, que siempre se agradece ».
13 « Si esto lo escribes bien, puede ser el relato de tu vida y… mi regalo de cumpleaños ».
14 « el mejor relato que hayas escrito en tu vida ».
15 G. Genette a désigné comme « métalepse narrative » tous les jeux qui « manifestent par l’intensité de leurs effets l’importance de la limite qu’ils s’ingénient à franchir au mépris de la vraisemblance, et qui est précisément la narration (ou la représentation) elle-même ; frontière mouvante mais sacrée entre deux mondes : celui où l’on raconte, celui que l’on raconte », Figures III, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 245.
16 « Pues invéntatelo ».
17 Chapitre 9 de l’édition DVD, Sogepaq/Universal Pictures Spain, 2001.
18 « ¿Sabes cómo se llama ? »
19 « ¿Mi padre de verdad? »
20 Une contagion fascinante, selon Borges qui observe : « Semejantes invenciones sugieren que si los personajes de una ficción pueden ser lectores o espectadores, sus lectores o espectadores podemos ser personajes ficticios ». Et G. Genette commente à son tour cette remarque de Borges : « Le plus troublant de la métalepse est bien dans cette hypothèse, inacceptable et insistante, que l’extra diégétique est peut-être toujours déjà diégétique, et que le narrateur et ses narrataires, c’est-à-dire vous et moi, appartenons peut-être encore à quelque récit », G. Genette, op. cit.
21 Chapitre 11 (54’56’’).
22 « Me gusta », « Eso suena bien ».
23 « ¿A ti también te gusta ? »
24 « ¿A mí ? ¿Por qué, se me nota ? »
25 Chapitre 11 (57’06’’).
26 Chapitre 14 (1h 19’54’’).
27 « Quiero escribirte un cuento lleno de ventajas. […] La primera ventaja es que cuando el cuento llega al final, no se acaba, sino que se cae por un agujero, y el cuento reaparece en mitad del cuento. Ésta es la segunda ventaja y la más grande, que desde aquí se le puede cambiar el rumbo si tú me dejas, si me das tiempo ».
28 « […] también es la isla del buen tiempo, y la isla de los deseos. Si te falta algo, las rocas del fondo del mar te lo hacen y cuando lo tengan acabado te lo regalan. Sólo hay que tener cuidado con una cosa, los agujeros del suelo. Aunque no importa mucho porque también es la isla en la que nadie se muere. Por ejemplo… si te caes, luego puedes elegir la vida que quieras. O ser el pez que más te guste ».
29 Lucía s’enfuit dans l’île après l’accident de Lorenzo, Elena s’y rend après la mort de Luna et l’on y retrouve également Antonio/Carlos après la disparition de Manuela et Belén. L’île peut être envisagée comme un espace intérieur en même temps qu’extérieur, le lieu où se réfugient les personnages blessés par la perte des êtres aimés, où ils fuient le contact avec le réel.
30 Chapitre 19 (1h 58’36 ’’).
31 « Y el cuento reaparece en mitad del cuento ».
32 La voix off de Lorenzo peut s’interpréter comme une réminiscence intérieure provenant des pensées de Elena ou bien comme ce que Lorenzo est en train d’écrire au moment précis où Elena prend la photo sur la place.
33 Dans l’expérience imaginée par Schrödinger, un chat enfermé dans une boîte équipée d’un dispositif infernal peut être à la fois mort et vivant. Cf. P. Thibaudeau, 2001, « Le cercle : lieu commun de l’espace et du temps dans les films de Julio Medem », Pandora, 1, Université Paris 8, Saint-Denis, p. 277-289.
34 Si nous comparons le scénario (J. Medem, 2001, Lucía y el sexo, Madrid, Ocho y Medio Libros de Cine) et le film, nous nous apercevons qu’il propose, outre les habituelles scènes supprimées, une organisation différente des séquences. Cet élément, apparemment peu significatif, nous montre que le montage définitif n’est qu’une possibilité parmi de nombreuses autres dont le scénario a conservé la trace.
35 Chapitre 14 (1h 20’59’’).
36 Notion appliquée à la littérature et développée par Paul de Man et les déconstructivistes états-uniens.
37 Voir le texte « La double séance » dans J. Derrida, 1972, La dissémination, Éditions du Seuil, Paris.
38 Ibid., p. 337-338.
Auteur
Maître de conférences à l’université Paris 8, agrégée d’espagnol. Auteure d’une thèse sur le cinéma de Víctor Erice, elle a publié de nombreux articles sur le cinéma espagnol et hispano-américain, en France et en Espagne. Membre du GRIMH et du comité de rédaction de la revue Pandora. Co-directrice des Presses Universitaires de Vincennes
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