Écrire le sujet : l’acrobate japonais, la gitane et le langage des couleurs
p. 487-493
Texte intégral
« Car tout ce qui me vient à l’esprit ce n’est pas depuis la racine que cela me vient, mais seulement depuis son milieu. Essayez donc de tenir une chose pareille, essayez de tenir et de vous accrocher vous-même à une herbe qui ne se met à pousser qu’au milieu du brin. Certains acrobates peut-être y arriveront-ils, tels ces japonais grimpant à une échelle qui ne repose pas par terre mais sur les semelles d’un homme à moitié étendu et qui ne s’appuie pas contre un mur, mais s’élève seulement en l’air. Moi je n’y arrive pas, mis à part le fait qu’à mon échelle à moi ces semelles aussi font défaut. »
KAFKA
1Cela fait plus d’un siècle que le roman témoigne de l’étrangeté de l’inconscient, que Flaubert appelait l’estrangement. Il mit en scène le ravissement le détour de l’identité, et la disparition élocutoire du sujet dans l’écriture. La naïveté du narrateur historien est loin, depuis Baudelaire, Nerval, et Flaubert, les trans-romantiques, et encore depuis Kafka, Joyce, Woolf, Proust, Cingria, Céline et les grands écrivains de l’Amérique latine. L’illusion de pouvoir dire la vérité est partie avec la naïveté. On n’a plus d’illusions, on est désormais dans la fabulation. Le sujet qui parle n’a plus aucune garantie de substance, d’être dans l’écrit qu’il produit. La consistance des êtres et des événements est rendue à la dimension imaginaire. Cette pré-histoire du roman contemporain orientera une traversée de la subjectivité rendue lisible dans l’identité du narrateur. Dans ses distances et ses retours, dans ses transparences et ses opacités.
2C’est une façon d’évoquer une certaine rupture reconnaissable dans l’art moderne. Au vingtième siècle, cette modernité commença par la reconnaissance de l’actualité esthétique des objets de culte primitifs arrachés des colonies. Fascinants, ces objets. Leur aura singulière perdure au-delà du contexte culturel où ils étaient adorés comme dieux, esprits, masques, totems, ancêtres, ou fétiches, puisque l’occident sécularisé qui les plaçait dans des musées et des galeries les admiraient comme des objets décoratifs ou des accessoires d’un théâtre vidé du sacré. C’étaient, pour les spectateurs de l’époque et au-delà, des figures de l’Autre. Comme si ce qu’ils représentaient était surtout une alternative à la subjectivité occidentale, liée à une notion bien tracée de « la culture », qui soulevait la nausée surréaliste, sa révolte. Ces objets semblaient nous offrir une autre façon de concevoir l’objet, et du coup, le sujet.
3À partir du sujet et de l’objet tout se brouille, côté identité ; mon parcours commence dans la rencontre entre objet d’art et sujet parlant pour aboutir à une lecture de stratégies romanesques élaborées par des auteurs contemporains. Beckett, Duras, Nicolas Bouvier, Nathalie Sarraute, Milan Kundera, et Catherine Safonoff entreraient dans cette perspective. Quelques romans de Safonoff et de Kundera, en particulier, proposent la construction de l’identité narrative depuis la rencontre entre un sujet et sa parole esthétique.
4Comme l’artiste primitif, le sujet ne laisse de lui-même dans son art que des traces énigmatiques. Comme l’amoureux de l’amour courtois, il met en scène « la Chose du plus grand désir », une belle incantation lacanienne reprise par le grand critique genevois, Roger Dragonetti, pour évoquer ce qui parle en pure perte, pour rien. Pour combler un vide difficile à cerner mais familier aux lecteurs de la modernité, amoureux et autres. La séduction de la formule nous vient autant de la modernité mallarméenne que de la littérature médiévale ; elle se donne, chez Lacan, comme une approche de la sublimation et du mystère qui la fonde. Encore plus proche du roman contemporain, Lacan travaille les termes du sujet et de l’objet à partir de la dimension qu’il appelle « l’extériorité intime » ou l’extimité. Ce terme paradoxal sert à préciser la nature du vide décoré des images de l’art primitif, comparés depuis le surréalisme aux images qui habitent l’art moderne. L’exemple qui le fascine, surtout, et qui a dû retenir son attention dans les écrits de Georges Bataille, ce sont les grottes préhistoriques comme Lascaux, où l’artiste primitif a laissé comme dans une chambre ou un atelier des animaux, des mains tracées, des contours et des figures. La peinture, l’écriture d’une trace jamais déchiffrée, mais avatar du sublime, peut-être, dans l’étrange rencontre de l’intimité d’un sujet et du lieu où il s’inscrit, un lieu hors du corps qui du coup en devient une sorte de boudoir avant la lettre, lieu de rêve et de magie, chambre claire, alcôve érotique.
5À la place d’une grotte, support matériel d’une peinture, ombre propice à la promenade esthétique d’un je parlant avant la lettre, et qui laisse des traces, l’écriture du roman pose le sujet de l’extimité d’emblée dans la narration, vision invisible à tous ceux qui ne regardent pas l’ombre – ou à l’ombre. Le narrateur, projection d’une illusion, est la source fictive de tout un monde. Protée, sujet de métamorphose, il porte en lui – en son extimité – la neutralité de l’écriture blanche, et en même temps, cet agent de la neutralité peut devenir ou incarner toutes les identités possibles, et tout ce qu’on veut. Homme, femme, enfant, le narrateur navigue entre la fiction et l’écriture. L’extimité – ou la narration – est le vecteur qui permet à la lectrice ou au lecteur d’entrer dans ce monde ; c’est l’extimité qui donne au narrateur la possibilité de nous prendre par la main, tel Virgile menant le personnage de Dante dans les cercles de l’enfer. Exemple qui fait penser à Beckett, surtout parce que Virgile n’aura pas droit au Paradis, tout comme les personnages façonnés par lui, Samuel Beckett, pour garnir des petits enfers irlandais.
6Le sujet se fait « léger » dans certaines écritures contemporaines. Léger, ou plutôt neutre, depuis l’héritage proustien (et plus loin, l’héritage trans-romantique) du narrateur « qui dit je mais qui n’est pas moi. » Près de nous, Italo Calvino joue un jeu ouvertement autobiographique, mais se réserve à son tour une sorte de marge proustienne, une zone d’ombre où se promène son sujet. Chez lui, l’ombre est nommée au terme de « l’opaque », tandis qu’il appelle « l’io » (le je) « un congegno » – que l’on pourrait traduire par artifice, appareil, mécanisme, ou même gadget. Ce je, désormais, promène sa parole ou sa signifiance dans le vide, tel l’acrobate japonais esquissé par Kafka, qui pose une échelle dans les airs pour ensuite la monter et prendre une pose en équilibre, sans le moindre soutien terrestre1. Ce tour d’acrobate, c’est la fiction moderne. Un courant du roman contemporain (à la fin du vingtième siècle, et au-delà) se retrouve à se débattre, à se promener, à l’ombre du sujet, dans le brouillard de l’imaginaire, accompagné par un « je » assez inquiétant – mécanisme doué de vie artificielle, poupée style Olympia qui finit par se casser en mille morceaux, ou bien : quoi, au juste ? Entre le ravissement érotique, rêvé chez les narrateurs complices dans les livres de Marguerite Duras, et les croulants gâteux et violents qui n’en finissent pas de claquer dans une brume alcoolisée chez Beckett, il y a des narrateurs qui tentent de passer inaperçus, faisant de l’ombre un foyer virtuel, qu’ils ne quittent que pour s’aventurer chez des personnages également menacés par l’ombre spectrale qui hante la modernité.
7Ce sujet léger peut se dissoudre dans l’observation du voyageur (journaliste et photographe) quasi-anonyme, fondre dans la dépression de ce voyageur, pour soudain ressurgir dans l’expérience mystique et grotesque du singulier : tel est le parcours autofictif du narrateur chez Nicolas Bouvier, dont Le Poisson Scorpion est un livre de « travel writing » qui se rapproche du roman. Marguerite Duras, dont les derniers textes ne rattrapent pas la prouesse du Ravissement de Lol V. Stein, roman-limite à plusieurs voix narratives, semble uniquement occupée à cerner le sujet de l’extimité : un retour au Ravissement prépare l’entre-deux de fiction et d’autobiographie dans L’Amant et L’Amant de la Chine du nord. De Nathalie Sarraute, on pourrait citer L’Usage de la parole ou l’autobiographie romancée Enfance, son dialogue situé entre deux je parlant. De Beckett, on pourrait citer un ensemble de romans, de récits et de pièces de théâtre, écrits depuis les années 1940 et jusqu’à la fin, qui mettent en scène la dissolution du sujet, des sujets, dans la langue. Pour mieux cerner le rôle trouble du narrateur, vecteur du sujet, l’entrée thématique de l’écriture dans le roman est le fil d’une lecture du narrateur seul de Retour, retour (1984), du narrateur multiple du Pont aux Heures (1996), et du narrateur dédoublé de L’Identité (1997)2 . Ce dernier est de Milan Kundera, écrivain de langue tchèque qui passa au français dans les années 1980 ; les premiers sont de la romancière romande Catherine Safonoff.
8Chez Safonoff, dans Retour, retour, le narrateur féminin prend place parmi des personnages dont l’histoire, jusque là, n’avait rien à voir avec sa solitude. Cette femme, après un voyage qu’elle écourte et pense avoir raté, rentre dans sa ville natale mais pour y faire un séjour clandestin, parmi des inconnus, comme si on lui avait jeté un sort. Dans la structure plus complexe de son roman intitulé Le Pont aux Heures, il y a plusieurs narrateurs, et ces narrateurs occupent différemment la place narrative lorsqu’ils parlent à la première, à la deuxième ou à la troisième personne. À plusieurs reprises, un personnage identifié à l’auteur fait effraction dans le domaine romanesque. Fictifs ou jouant à frôler le terrain autobiographique, les personnages de Safonoff tournent autour d’un vide central et se mettent diversement en marge de la société.
9Chez Milan Kundera, le narrateur invisible semble jouer un jeu plus traditionnel en présentant les deux personnages ensemble et tour à tour, lorsqu’il passe d’un personnage à l’autre. Mais le vide central prend de plus en plus de place, dans le roman, jusqu’au bout, lorsque le narrateur omniscient se démasque. Ce narrateur nous retire le tapis sous nos pieds tout en se démasquant : il n’est plus le narrateur qui sait tout. La descente de ses personnages les mène vers la perte de toute identité, y compris la perte du nom propre ; à l’avant-dernière page, le narrateur renonce à les accompagner dans leur descente et laisse la vérité aux ombres de l’inconscient. Ce narrateur partage avec celui de Retour, retour la volonté de tout dire mais aussi le refus d’inventer l’inconnu. Le statut de rêve ne se respecte pas ; les enfers restent intacts. Mais si la fin des deux romans de Safonoff semble boucler la boucle d’une descente pour laisser aux personnages une envolée – un. retour au chant, une naissance, la fin d’un voyage où le maléfice est enfin conjuré, congédié – la fin de L’Identité se sépare définitivement des moments lyriques vécus et rappelés tout au long de l’histoire du couple de Chantai et Jean-Marc. Le bonheur tout lumineux (un peu trop clair, propre, bourgeois et aseptisé autant que lyrique) de leur dîner normand a été remplacé par la lumière blessante d’un interrogatoire policier. Réveil d’un cauchemar ou retour d’une descente en enfer ? Le narrateur baisse les bras, il se pose la même question que la lectrice. Dans la nuit finale du roman, au milieu de son épouvante, les personnages se retrouvent – ou passent à côté de l’amour pour sombrer dans les tortures du simulacre. Dans cette nuit, Chantal refuse le contact des lèvres de son amant. Elle dit : « Je vais laisser la lampe allumée toute la nuit. Toutes les nuits3 ». Ce sont les derniers mots sur (et de) L’Identité.
10Le concept d’extimité – l’extériorité intime – entre dans ces trois romans d’une façon remarquable. Dans Retour, retour, il y a des jeux d’écriture, mais la narratrice jette ses papiers. Elle dit avoir perdu du temps, elle occupe une chambre à souvenirs mais ce sont les souvenirs d’un autre, le charmeur, Manuel à l’écharpe rouge, au diamant. Tout se met à basculer à partir d’une lettre jetée, et dans un moment de fièvre la narratrice souffre d’une extinction de voix, figure et incarnation d’une descente dans la solitude. C’est intenable, à la fin, la fièvre ou la conscience de ce qu’elle est en train de vivre lui voilent la raison ; elle se met à délirer. Après la mort mystérieuse de Manuel, beau danseur à l’écharpe rouge, qu’elle voit dans son délire, elle arrivera à sortir des marges qui la retiennent, de l’exil qu’elle s’était imposé. Les figures de la chambre vide et impersonnelle, et de la blancheur de la neige, neutre et mortelle, vont se dissoudre dans les larmes, cueillies par un personnage au nom de grâce, Gracia, à qui la narratrice avait fait une offrande – un cadeau éblouissant et miraculeusement vivant. C’est un magnifique bouquet de fleurs de toutes sortes, énorme, offert un vendredi, anniversaire de la Cène, mais personne n’en dit rien. Ceci est mon corps, mon sang. Pas un mot de tout cela. La voix éteinte reprendra ses couleurs, et le roman se termine par un retour, par une reprise de contact, de vive voix, au téléphone de la gare. Son retour boucle le départ et l’arrivée non consommée qui marqua le début du livre.
11Dans la narration multiple du Pont aux heures se constitue une sorte de famille féminine, et la mort de l’homme qui rend une étrange liberté à ces femmes est doublée par une autre mort, celle de la grand’mère du personnage de Méli. Couleur, chant, danse, images collées et regardées, lecture, écriture, un voyage raconté (à la deuxième personne) à la bien-aimée : tous ces éléments esthétiques entrent dans le roman. Retour, retour se construit dans une sorte de vide, tandis que ce roman se donne dans une richesse de sensations, de contours et d’identités. C’est une partition à plusieurs voix narratives. L’extimité prend des formes différentes, depuis la figure du cercle (du retour et de l’anneau) jusqu’au livre lu à haute voix et ensuite inventé. L’anneau est le don d’amour de Méli. C’est un objet intime qui voyage avec son porteur, le personnage aimé, Vrochunda la vagabonde, jusqu’à ce que la figure (ou l’amour même) entre dans le destin des personnages. À la fin du livre, ce sera Méli qui part en voyage, enfin libre, ayant consacré son lien avec Vrochunda de manière inattendue.
12« Pourquoi deux femmes ? » On torture le narrateur, ou la figure de l’auteur, passé à tabac par un certain « Commissaire »4. Méli, la liseuse « gardait encore un livre entre les mains, mais elle improvisait (ibid., p. 95) ». La lecture fond dans l’écriture ou dans la narration, on ne sait plus très bien, pour laisser émerger ce personnage papillon, désormais allégé de ses idées fausses, prêt à s’envoler. Le livre se termine dans cette légèreté, après un signe discret de l’auteur vers l’enfant de fiction qui va naître. Fils du voleur et de la chanteuse, ce sera encore une figure de l’extériorité intime, un corps de gitan transfiguré par le chant, la danse, l’acrobatie de l’écriture. Japanische Gaukler pour Kafka, gitana pour Safonoff.
13Et Kundera, lui ? L’inventeur de l’insoutenable légèreté de l’être mettrait l’accent sur « insoutenable », semble-t-il. Jean-Marc n’écrit que pour aider sa femme, du moins il le pense. L’extimité de l’écriture l’emmène plus loin. La bellissime cardinale qu’il crée et séduit, est-ce encore sa femme, Chantal ? Il n’en est plus très sûr. Il est triste, elle lui pose des questions, il lui répond : « J’ai imaginé que tu étais quelqu’un d’autre5 ». Tout cela prend des proportions inattendues malgré tout. La réalité virtuelle n’a pas attendu l’arrivée de l’informatique ; elle est là dès l’invention de l’écriture. Mais Jean-Marc n’en savait rien.
14Dans sa fable européenne, surtout française, Kundera nous mène dans d’autres zones de la subjectivité, plus accusatrices, plus froides. Il utilise un néologisme qui tombe comme une pierre lancée, et qui se répète : « désaimer (ibid., p. 15, p. 86) ». Conjurée, l’illusion ? Finie, la magie des décors ? La mise en scène de l’écriture dans ce roman est sombre, tout comme la fable de la France contemporaine, de l’érotisme infiltré de publicité qui s’est glissé sous notre peau, tout comme « le langage des couleurs » de l’amour prend le rouge de la chair, du vin, de la robe du cardinal, dans tous les sens, depuis la rose jusqu’au feu crématoire évoqué par Chantai enflammée, séduite par son amant déguisé, pauvre Cyrano incapable de faire face à la subversion qu’il a mise en marche. Rien de moins que la subversion de l’écriture, qui va de la transsubstantiation à la dé-substantiation (ibid., p. 132). De l’amour au « désamour » ou à l’angoisse, au désarroi.
15La légèreté du sujet est condamnée par l’auteur des lettres d’amour, qui dénonce secrètement sa femme pour avoir succombé à ses charmes de Cyrano, amoureux dans l’écriture se faisant passer pour un autre, « C.d.B. » Et puis, tout aussi vite, il lui pardonne, mais entre temps la machine mise en marche se révèle infernale. Le narrateur ajoute : si tout n’a pas été un mauvais rêve de part et d’autre. Tapis retiré : nous glissons dans le vide, où rien de ce que ce roman présente n’a eu lieu. Les personnages, eux aussi, glissent dans le vide. Il ne leur reste que l’atmosphère lourde d’angoisse d’un amour, plutôt d’un couple, et de sa mise à mort. La belle lumière incomparablement blanche, le rouge de l’érotisme sombrent dans la peur, la mort, l’enfer. À Londres, Chantal découvre que le vieillard ne sait plus son nom ; il l’appelle « Anne. » Mais il sait que son enfant est mort. Anne comme Roxane, objet d’amour véritable d’un écrivain masqué ? Anne comme l’anagramme habitant le nom de l’auteur autant que ceux de ses personnages venus d’ailleurs, Tamina, Sabine, Agnès ? Ou Anne comme la mère de la Vierge, la rose du monde ? On ne sait pas.
16La place du sujet qui parle dans la littérature a été vidée de sa plénitude, de son être, pour se retrouver du côté des spectres, des semblants, des coquilles, des ouvre-boîtes et autres gadgets qui permettent à l’auteur de se créer un masque – invisible, léger, dans la langue. Tel le chaman des cultures dites primitives, qui se charge des rapports entre le monde humain et matériel et l’autre monde, surnaturel et sacré, l’auteur porterait un masque comme un laissez-passer. Ce serait peut-être un des rôles du narrateur dans la fiction contemporaine. Ce masque permet de laisser son propre statut de sujet à l’ombre pour lui permettre de le dépasser comme l’acrobate de Kafka dépasse la loi de la gravité. Sans être devenu quelqu’un d’autre, ce personnage masqué n’est plus tout à fait lui-même. Ce vide, ce flottement de son identité, facilite le transfert de ceux qu’il guide dans la navigation du monde, des mondes. À l’occasion, un animai sacré peut lui prêter ses pouvoirs, ses ailes ou sa puissance. Son corps, son âme, ou peut-être son identité.
Notes de bas de page
1 Franz KAFKA, Tagebücher, édité par Hans-Gerd Koch, Michael Mülier, Malcolm Paisley, Frankfort sur le Main, S. Fischer Verlag, 1990, p. 14-15. Traduction de l’épigraphe établie avec l’aimable concours de Peter Henninger.
2 Ces deux romans de Catherine Safonoff sont parus aux éditions Zoé à Carouge-Genève, Suisse. L’Identité est paru chez Gallimard.
3 Milan KUNDERA, L’Identité, Gallimard, 1997, p. 207.
4 Catherine SAFONOFF, Retour, retour, Carouge-Genève, Zoé, 1984, p. 53-62.
5 M. KUNDERA, L’Identité, op. cit., p. 112.
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