Juan Bautista Alberdi et la construction régionale sud-américaine
p. 257-282
Texte intégral
1Alberdi fut un auteur prolifique. Il était aussi bien un propagandiste cherchant à mobiliser les acteurs politiques, qu’un intellectuel incapable de renoncer à ses principes. Dans le but d’émanciper la culture américaine de l’héritage espagnol qu’il considérait comme intellectuellement stagnant, il tira autant profit de « sa culture élitiste pour qui le salon et l’académie sont les champs de bataille et de conquête »1, que de sa vision française de la civilisation, source de progrès pour l’Argentine2.
2S’éloigner de l’Espagne signifiait s’approcher de la civilisation européenne et développer une identité américaine. C’est pourquoi, lorsqu’il affirmait que « beaucoup d’entre nous ont des parents espagnols et en chérissent la mémoire. Nous avons des liens avec des Espagnols dignes, qui nous font l’honneur de leur amitié […] Mais tout cela ne nous empêche pas de reconnaître que l’obstacle le plus grand au progrès de notre nouveau régime sont les fragments qui restent encore de l’ancien »3, son objectif était d’engager une transformation culturelle et politique vers un modèle républicain propre à l’Argentine. L’américanisme d’Alberdi rendait par ailleurs compte de sa recherche d’une philosophie originale : « Il n’y a pas de philosophie universelle, car il n’y a pas de solution universelle aux problèmes qui la constituent fondamentalement […] chaque pays et chaque époque doivent trouver des solutions spécifiques à leur existence4. »
3S’il préférait s’approcher de l’Europe, c’est parce qu’il y voyait une voie d’accès rapide au commerce et à l’industrie. Cependant, il ne s’agissait pas d’imiter d’autres nations mais plutôt d’en assimiler les progrès à partir de traités et de règles, c’est-à-dire à partir de la primauté de la loi. Il soutenait avec conviction :
« Loin de représenter un obstacle ou un danger pour l’indépendance de l’Amérique, l’Europe est la seule garantie de notre sécurité.5 »
4Selon Alberdi, l’émancipation et le progrès adviendraient à échelle sud-américaine. C’est pourquoi il souligne dans Bases :
« Notre politique devra être plus attentive au régime extérieur du pays qu’à son régime intérieur, pour pouvoir incarner le régime constitutionnel qui nous convient [...] Elle devra provoquer et chercher à établir des traités d’amitié et de commerce avec l’étranger, seule garantie de notre régime constitutionnel […] Il n’y a pas d’erreur plus grossière dans la politique extérieure de l’Amérique du Sud que la tendance à éviter les traités. Signez des traités avec l’étranger, sans crainte de vous enchaîner à l’ordre et à la culture. Craindre que les traités soient permanents, c’est craindre que les garanties individuelles sur notre sol le soient aussi […] Signez des traités avec toutes les nations, et non avec quelques-unes seulement, concédez-leur les mêmes garanties, afin qu’aucune d’entre elles ne puisse nous assujettir et pour que les unes servent d’obstacle aux aspirations des autres.6 »
5L’intégration des nations américaines, afin de prendre le chemin du progrès sous la protection de la loi, constitue la meilleure garantie contre les dictatures et les guerres, répéta Alberdi dans de nombreux textes. De plus, l’intégration des nations d’Amérique du Sud permettrait de freiner les appétits aussi bien des États-Unis que du Brésil, pays qu’Alberdi percevait comme des obstacles à la croissance des autres nations de la région. L’intégration fortifie l’État, tout comme la loi garantit la sécurité des individus :
« La solidarité américaine n’est pas la négation de l’indépendance et du patriotisme de chaque État ; c’est au contraire, sa garantie et son affirmation, de même qu’à l’intérieur de chaque État, l’autorité suprême de l’intérêt commun, loin de la nier, garantit la liberté de chaque citoyen.7 »
6Nous tenterons, dans cet article, de confronter la pensée de Juan Bautista Alberdi et la réalité sud-américaine actuelle. Cependant, rappelons que cet exercice comporte des risques, dans la mesure où les affirmations et les recherches effectuées, il y a 150 ans, s’adressaient à un monde très différent du nôtre. Une fois rappelées les limites de cette démarche, voici trois sujets fondamentaux à l’ordre du jour en Amérique latine qui ont été jadis des préoccupations majeures de la pensée alberdienne : les problèmes de l’américanisme, le rôle du Brésil et les processus d’intégration sud-américaine.
Alberdi et l’américanisme
7L’américanisme d’Alberdi s’opposait au panaméricanisme nordaméricain, parce qu’il y voyait un chemin menant à la prédominance du Nord sur le Sud. Alberdi rejetait donc logiquement la doctrine Monroe. Pour l’élite argentine, la relation avec l’Europe était vitale pour développer le commerce et l’économie du nouvel état et, en même temps, la construction étatique imposait une perspective nationaliste.
8« Qu’est-ce que la doctrine Monroe ? », se demandait Alberdi, il répondait amèrement : « la doctrine de l’égoïsme.8 » L’admiration qu’il portait aux institutions des États-Unis, à leur économie émergente, leurs lois et leur ouverture à l’immigration, n’aveuglait pas Alberdi quant au caractère prédateur de la puissance du Nord :
« Les États-Unis n’ont besoin ni d’armées ni de campagnes militaires pour prendre indirectement possession des républiques latines de l’Amérique du Sud et les transformer en leurs satellites ; les armes de conquête dont dispose naturellement leur système de gouvernement leur suffisent : 1) la fédération ; 2) la doctrine de Monroe. Ces armes, qui pour les États-Unis sont des forces, sont les causes les plus puissantes de dissolution et de ruine des républiques du Sud. […] La fédération, appliquée chez nous, à l’inverse de ce qui se passe aux États-Unis, en détruit les gouvernements et les démembre. En supprimant l’influence et l’aide de l’Europe dans ces républiques la doctrine Monroe en fait des colonies indirectes des Etats-Unis.9 »
9Il ajoutait, « la doctrine Monroe est l’expression naturelle de l’égoïsme des États-Unis, et on sait que le Brésil la professe aussi.10 » Comment expliquer la méfiance d’Alberdi ? L’annexion du Texas, du Nouveau- Mexique et de la Californie par les Nord-Américains étaient pour lui les véritables objectifs de la doctrine Monroe11. Alberdi fut toujours préoccupé par la perte de territoire :
« La République argentine a perdu Montevideo à cause des Brésiliens et les îles Malouines à cause des États-Unis, qui les ont données à l’Angleterre.12 »
10Nous n’insisterons pas sur le rejet par les gouvernements sud-américains, constitutionnellement catholiques, d’une doctrine protestante comme la doctrine Monroe, ni sur le fait que selon Alberdi cela conduirait le continent à un schisme religieux, voire à l’athéisme, car ces problèmes sont caractéristiques d’une certaine époque. Par contre, il nous semble important de relever que la doctrine Monroe est « la doctrine d’un égoïsme qui s’exprime par hasard dans son propre nom : Mon-roer, c’est-à-dire, ma-commode, mon-aliment, ma-pitance.13 » Les États-Unis voulaient l’unité pour dominer et mettre l’Amérique espagnole sous leur joug. Il poursuit :
« Mais dans quel intérêt intervenaient-ils ? Dans leur propre intérêt, celui d’exploiter et d’annexer les pays qu’ils prétendaient protéger contre le despotisme étranger.14 »
11Fidèle à sa vision pratique et à ses objectifs de progrès, il proclamait :
« Pas de doctrines ! Nous voulons des traités, des engagements pour l’action.15 »
12Dans l’histoire de l’Amérique du Sud, s’engager signifiait effectuer des emprunts, faire du commerce, produire de la culture grâce aux échanges avec l’Europe. D’ailleurs, la doctrine Monroe mettait à distance l’Europe, d’où provenait le courant civilisateur de la culture des peuples les plus élevés, et du commerce, source de stabilité et de dépassement de soi.
13Ruiz Moreno affirme que le rejet alberdien de la doctrine Monroe est un plaidoyer contre l’interventionnisme et une défense de l’humanitarisme16. Alberdi cherchait l’égalité et la coopération entre les peuples américains. L’histoire montra qu’il avait raison de se méfier. Dans sa lettre à Patricio Campbell, Simon Bolivar avertissait :
« Les États-Unis semblent destinés par la providence à couvrir l’Amérique de misère au nom de la liberté.17 »
14Les mises en garde d’Alberdi étaient les mêmes, elles visaient non seulement l’achat de la Floride, l’annexion du Texas, l’invasion du Mexique et du Nicaragua, ou l’occupation des îles Malouines par la Grande-Bretagne en 1833, mais aussi l’avidité à contrôler les ressources naturelles et les moyens de transport fluviaux et maritimes.
15Ce destin manifeste que craignait Alberdi est encore à l’œuvre aujourd’hui. La secrétaire d’État Hillary Clinton a récemment essayé de faire adopter ses propositions pour l’hémisphère Sud, lors de la réunion de juin 2010 de l’Organisation des États américains à Lima. Un journaliste nord-américain signale qu’il s’agit là d’un signe d’arrogance et d’amnésie historique, d’un retour de la doctrine Monroe :
« Ce que Clinton ne dit pas, c’est que l’administration Obama n’a pas mis fin au blocus de Cuba, qu’elle a oublié d’aborder la question de l’immigration, et qu’elle a gardé le silence sur le plan britannique de forage de gaz et de pétrole dans les eaux du Nord des îles Malouines.18 »
16L’échec de l’intégration sud-américaine, les divisions et les tensions qu’engendrent encore aujourd’hui les modèles dominants et la primauté des volontés individuelles sur les actions collectives, donnent raison aux prévisions d’Alberdi. Les pays les plus puissants du continent n’ont contribué, ni réellement ni efficacement, à la constitution d’un bloc continental capable de favoriser les intérêts communs.
Le Brésil et le regard alberdien
17Dans sa tentative de renforcer les idées républicaines, et attentif aux prétentions impériales des grandes nations du continent, Alberdi considérait que « le Brésil [était] partisan de la doctrine Monroe et l’allié naturel des Etats-Unis » et, par conséquent, un ennemi de la consolidation politique de l’Argentine et de son projet de construction nationale19. Le rejet à l’encontre du Brésil fait partie de la réaffirmation de sa vocation républicaine et de sa lutte contre les formes dictatoriales, incarnées dans son combat contre Juan Manuel de Rosas.
18Le juriste percevait le Brésil comme un pouvoir impérial qui dévasterait les nations voisines. Alberdi reconnaissait que son objectif était de « résister, protester, s’opposer au plan brésilien traditionnel […] consistant à reconstruire son empire au détriment du peuple, du sol et de l’honneur des républiques du Plata.20 » Il se méfiait du Brésil principalement en raison de sa tentative de restauration monarchique, contraire à ses propres idées républicaines. Les craintes que le Brésil éveillait chez lui sont, dans l’ensemble, justifiées. Alberdi prévoyait :
« Le Brésil prétend utiliser son monarchisme comme une diplomatie : il veut inspirer confiance à l’Europe en adoptant un régime semblable au sien et devenir le représentant de l’Europe en Amérique, jusqu’à ce qu’il réussisse à tirer de cette alliance quelque avantage territorial, moment à partir duquel il se proclamera partisan de Monroe et s’appropriera, au nom de l’américanisme, de ce qu’il aura pris à l’Amérique par les mains de l’Europe.21 »
19Ces préoccupations sont encore pertinentes quant au rôle que le Brésil occupe actuellement : ses rapports intensifiés avec l’Union européenne, sa vocation d’acteur régional hégémonique, sa revendication pour s’assurer un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
20Dans un paragraphe curieusement pertinent, Alberdi affirmait :
« La division des républiques espagnoles, ou leur démembrement, augmente le pouvoir relatif du Brésil.22 »
21Dans quelle mesure cette réflexion illumine-t-elle le chemin tortueux de la construction régionale de ces vingt dernières années ? Et comment le manque d’intégration sud-américaine a-t-il permis au Brésil de se distinguer du reste du continent ? Il est vrai que le Brésil a atteint, de façon méritée, un niveau élevé de compétitivité, ce qui a accentué son leadership global. Mais pour y parvenir, le Brésil n’a pas hésité à bousculer ses voisins.
22Par exemple, rappelons que l’Espagne, avec le gouvernement de Rodriguez Zapatero, a de nouveau mis l’Amérique latine au centre de sa politique extérieure. En 2005, Rodriguez Zapatero a insisté sur le contenu politique de l’association, en établissant une relation privilégiée avec l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie et le Mexique23. Cependant, le Brésil est devenu le partenaire le plus important de l’Espagne et c’est en investissant dans des ressources politiques et économiques que le gouvernement de Brasilia a acquis cette place privilégiée. Ce faisant, il tente d’incarner l’articulation entre l’Amérique du Sud et l’Union européenne. La croissance du Brésil en fait le partenaire le plus attirant de la région. Cet allié commercial gigantesque et puissant ne pouvait être exclu pour des raisons de langue ou de liens coloniaux. Selon les voix européennes elles-mêmes, la formation de l’association stratégique Union européenne-Brésil en 2007, et les trois sommets consécutifs qui ont eu lieu dans ce cadre, font de Brasilia l’interlocuteur privilégié de la région24. Comme l’a expliqué la commissaire des affaires extérieures, Benita Ferrero-Waldner, on attend du Brésil « qu’il ait une attitude responsable pour conclure les négociations entre l’Union européenne et le Mercosur »25. Le groupe des vingt-sept est le plus grand partenaire commercial du Brésil et celui qui y investit le plus : les échanges avec l’Union Européenne représentent 22,5 % de l’ensemble du commerce extérieur brésilien26. Il y a donc certaines ressemblances entre cet interlocuteur privilégié actuel et les visions alberdiennes d’un Brésil organe de l’Europe en Amérique. C’est d’ailleurs dans ces termes exacts que cela est présenté sur la page officielle de l’ambassade du Brésil en Espagne :
« La visite des monarques, en juillet 2000, souligna par son poids symbolique, au seuil du XXIe siècle, l’importance que l’Espagne donnait au Brésil dans sa politique étrangère.27 »
23L’ex-ambassadeur du Brésil en Espagne, Carlos Moreira García, défend les avantages de la coopération entre les deux pays. Ils ne se nourrissent pas seulement de l’augmentation notoire des investissements espagnols dans le plus grand pays d’Amérique du Sud, mais surtout du fait que « tous deux sont déterminés à jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale »28. Rodríguez Zapatero considéra les relations avec le Brésil comme prioritaires car « le caractère de puissance régionale du Brésil fait de lui l’allié le plus important de l’Espagne dans le sous-continent »29. Depuis l’économisation de la politique extérieure de l’Espagne et le début du processus des sommets ibéro-américains, le Brésil est devenu l’interlocuteur principal de l’Espagne, le reste de l’Amérique du Sud se retrouvant, dès lors, au second plan.
24L’Europe soutient cette démarche, car elle aussi a privilégié le rapprochement avec les acteurs brésiliens. Le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso, a dit :
« La majorité de nos citoyens ignore que l’Europe a plus investi au Brésil que dans tout le reste des principales économies émergentes (comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud). Nous voudrions pouvoir dire la même chose des autres partenaires latino-américains, mais pour cela nos investissements mutuels doivent jouir de stabilité et de garanties, et nos secteurs industriels doivent être en étroite relation pour optimiser les opportunités.30 »
25Le président Durão Barroso a souligné :
« Nous reconnaissons la qualité du Brésil comme acteur essentiel dans le club restreint de nos partenaires stratégiques.31 »
26Nous pourrions à nouveau affirmer que la place privilégiée du Brésil se révèle contraire au développement d’une communauté sud-américaine et que c’est au détriment des opportunités des autres pays que sa puissance augmente.
27En revanche, il est difficile d’appliquer les idées alberdiennes sur la pauvreté du Brésil à l’époque actuelle. Le climat torride et violent du Brésil contraste avec la plaine paisible et tempérée de la pampa argentine. Alberdi croyait que le déterminisme géographique et climatique pousserait le Brésil à conquérir d’autres terres, son énorme territoire n’étant pas adapté au bien-être de l’homme. Il pensait pour cette raison que l’immigration européenne, la plus souhaitée pour la construction de la civilisation, ne chercherait pas à s’installer dans ce territoire, trop agressif pour sa nature. Il affirmait :
« Le Brésil est l’État le plus pauvre de toute l’Amérique du Sud et celui qui a le plus besoin de territoires habitables pour des races européennes, bien qu’il soit aussi vaste et abondant que l’Afrique[...] N’ayant pas d’immigrés blancs pour ses terres de Noirs, il cherche naturellement les terres tempérées de ses voisins.32 »
28C’est en ces termes qu’Alberdi comprend la tendance impérialiste naturelle du Brésil. Or, ce n’est pas exactement ainsi que les événements se sont déroulés. On pourrait cependant discerner cette tendance impériale dans les mots prononcés par le président Luiz Inacio Lula da Silva lors de l’inauguration des quatre sommets latino-américains33 en décembre 2008. Même s’il ne s’agit évidemment plus aujourd’hui d’expansion territoriale, mais bien d’expansion politique :
« Quelque chose d’extraordinaire est en train d’arriver. Nous accomplissons plus que Bolívar lui-même lorsqu’il proclama la formation de la Grande Colombie : nous sommes en train de créer la grande nation sud-américaine.34 »
29Alberdi exprimait son mécontentement au sujet de la guerre du Paraguay et en rejetait la faute sur Sarmiento et Mitre en les accusant notemment de faire le jeu du Brésil parce que « les batailles que les Argentins livrent aujourd’hui au Paraguay ne servent qu’à remettre le Plata entre les mains des Bragance », c’est-à-dire de la monarchie. De 1822 à 1889, le Brésil était un empire à l’économie esclavagiste, et bien qu’il s’agisse d’une monarchie parlementaire, elle se distinguait beaucoup du modèle républicain défendu par Alberdi. Selon lui, le Brésil représentait un danger et risquait d’anéantir les principes fondateurs des républiques voisines. En particulier, « la liberté fluviale de laquelle dépend le commerce extérieur, destiné à peupler et à civiliser l’intérieur de cette partie d’Amérique »35, résumait les soucis fondamentaux de l’auteur quant à sa vision du progrès des nations américaines. C’est pourquoi Alberdi craignait que le Brésil ne joue le rôle de gendarme des mers de l’Atlantique, et restreigne le libre flux commercial indispensable aux intérêts des républiques voisines, pour qui la liberté fluviale universelle36 était nécessaire. Pour Alberdi, la liberté de navigation était un droit fondamental de la république, et les marines de guerre avaient la mission primordiale de « protéger les droits de commerce »37, car « la présence des forces navales est une garantie [aussi] essentielle à la liberté de commerce38 ».
30Pourrions-nous en déduire que l’Amazonia Azul et le développement d’un sous-marin à propulsion nucléaire représentent actuellement des risques militaires semblables à ceux que percevait Alberdi quand il craignait le contrôle brésilien sur la navigation ? La marine brésilienne développa le concept d’Amazonia Azul pour pousser le gouvernement à protéger l’Atlantique, tout comme les différents gouvernements démocratiques ont défendu l’autonomie du Brésil en Amazonie. Pendant les dix dernières années, la défense de la plate-forme continentale brésilienne est devenue une affaire de politique étrangère, au point d’étendre la notion de limites continentales du pays. Depuis que les nouvelles ressources sous-marines ont été découvertes, l’industrie pétrolière a intégré le concept de plate-forme continentale, et l’Agence nationale du pétrole a même proposé l’examen des restrictions présentes dans les traités internationaux afin de repousser la limite des 200 miles39.
31Le Brésil affiche, dans le domaine du nucléaire, la suprématie que craignait Alberdi. Le refus d’ouvrir ses portes aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de restreindre le niveau des inspections du mécanisme bilatéral de contrôle nucléaire (ABACC) avec l’Argentine alimentent les doutes concernant les plans du Brésil. En avril 2004, pendant le premier mandat de Lula da Silva, les autorités empêchèrent les inspecteurs de l’AIEA d’avoir intégralement accès à la nouvelle centrale d’enrichissement d’uranium de Rezende40, et refusèrent de signer le protocole additionnel du TNP, qui permettait à l’AIEA d’inspecter les sites nucléaires déclarés et non déclarés. Le gouvernement brésilien se défendit en disant qu’il s’agissait de préserver le secret industriel et demanda à ce que les nations qui n’avaient pas respecté leurs promesses de réduction d’armement reçoivent le même traitement. Un ambassadeur expliqua :
« Le renforcement du système de sauvegarde et d’entretien d’un régime de non-prolifération d’armes de destruction massive n’est pas soutenable sans un développement parallèle du domaine de contrôle des armes et du désarmement.41 »
32Cela ne justifie pas pour autant le refus de fournir les informations nécessaires aux inspecteurs argentins. Certains analystes pensent que la centrale nucléaire de Rezende constitue encore une menace pour la réussite du projet mondial de désarmement nucléaire. Rost Rubble prétend que le refus des inspecteurs pourrait signifier la présence d’une source secrète d’uranium, ce qui donnerait au pays une capacité de rupture facile entre l’uranium hautement enrichi et l’uranium peu enrichi. Par ailleurs, les autres pays pourraient légitimement demander des concessions semblables à celles qu’obtint le Brésil42. De plus, l’inquiétude augmente aussi depuis que le Brésil s’est rapproché de l’Iran, non seulement pour renforcer leurs liens économiques, industriels, scientifiques et technologiques, mais aussi pour négocier un accord sur les projets nucléaires iraniens, ce qui a engendré la méfiance de la communauté internationale43.
33Les questions de la modernisation des forces armées brésiliennes et de l’industrie de l’armement ont été posées dans le cadre de la nouvelle stratégie de défense nationale du président Lula, en décembre 2008. Dans ce texte, l’objectif visé est d’atteindre l’indépendance nationale et internationale à travers la maîtrise des technologies stratégiques de l’espace, de la cybernétique et du nucléaire. Rühle affirme que ces déclarations sèment le doute et explique :
« Une des raisons fondamentales est le fait que tout le programme d’enrichissement nucléaire se déroule sous le contrôle de la Marine.44 »
34Pendant la réunion du groupe des fournisseurs nucléaires (Nuclear Suppliers Group) en janvier 2009, les représentants du Brésil ont fermement refusé la moindre obligation visant une plus grande transparence dans le cadre du programme des sous-marins nucléaires. En novembre 2007, l’opinion publique a accueilli avec surprise les déclarations du général José Moreira, haut fonctionnaire du ministère de la Défense et consultant pour la mission permanente du Brésil auprès des Nations Unies :
« Si le gouvernement donne son accord, nous aurons à l’avenir la capacité de développer une arme nucléaire.45 »
35Quelques jours plus tard, le ministre de la Défense démentit les déclarations du général. Malgré cela, le vice-président José Alencar exprima dans une interview son soutien à l’idée de doter le Brésil de l’arme nucléaire, et se justifia par la nécessité de disposer d’un instrument de dissuasion pour défendre les 15 000 kilomètres de frontières et les riches ressources pétrolières en haute mer46. Le président da Silva a utilisé les mêmes arguments pour défendre le développement d’un sous-marin nucléaire :
« C’est une nécessité pour un pays qui possède non seulement une côte maritime comme la nôtre, mais aussi les richesses pétrolières qui ont été découvertes récemment sous l’océan.47 »
36La publication, en septembre 2009, de l’accord de coopération avec la France pour la construction d’un sous-marin nucléaire avec transfert de technologie a cristallisé l’intensité des aspirations de domination du Brésil dans l’Atlantique Sud à travers le développement d’une force navale. Le président français Nicolas Sarkozy a déclaré à ce sujet :
« Si la France accepte de transférer sa technologie militaire, c’est parce que nous sommes conscients que le Brésil a un grand potentiel de promotion de la paix et de la sécurité, ainsi qu’un grand potentiel économique et politique.48 »
37Le commandant des forces navales, l’Amiral Álvaro Pinto, a signalé que le projet comprenait de plus la construction de quatre sous-marins conventionnels, « qui seront utilisés dans les régions côtières », en complément du sous-marin nucléaire49.
38Le président du Brésil n’a cependant rien déclaré au sujet de l’acquisition d’armes nucléaires. Certains orateurs pensent que le gouvernement de Lula ne cherche pas à construire d’arme de destruction massive, mais qu’il fait cela dans l’objectif d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans tous les cas, si les désirs d’autonomie nucléaire viennent à se réaliser, le caractère impérial du Brésil serait confirmé, ce qui nous renverrait aux avertissements formulés par Alberdi, il y a 150 ans. Ainsi, les préoccupations d’Alberdi quant aux moyens de défense redeviennent d’actualité, aussi bien en raison du saut qualitatif que représente l’acquisition d’un sous-marin nucléaire pour le Brésil, que de l’achat absurde d’armes de la part de plusieurs pays sud-américains. Quels sont les besoins réels qui justifient cette course à l’armement ? Alberdi avertissait déjà :
« On peut se mettre d’accord sur le désarmement général en cédant à chaque État l’emploi des seules forces indispensables au maintien de l’ordre intérieur, et en déclarant hostile à l’Amérique celui qui conserverait des forces qui ne seraient pas indispensables.50 »
39Le président du Pérou, Alejandro Toledo (2001-2006), en accord avec ce précepte alberdien, avait appelé à un moratoire sur l’achat d’armements en Amérique du Sud51, dans les limites des besoins réels de défense de chaque nation. Cependant, sa proposition, comme auparavant celles d’Alberdi, ne rencontra aucune adhésion ; il y eut en Amérique du Sud de véritables et dévastatrices guerres régionales et malheureusement, nous assistons aujourd’hui à une véritable course à l’armement.
Alberdi et l’intégration sud-américaine dans l’actualité
40« La réunion de l’Amérique est notre solution », déclare Alberdi dans Memoria sobre la conveniencia y objetos de un Congreso General Americano52, écrit au Chili en 1844. Ce travail rédigé pour valider son diplôme d’avocat auprès de l’Université chilienne, obtint les félicitations du jury. Ce texte préconise l’intérêt de convoquer un congrès continental pour définir les moyens de garantir la paix et la prospérité économique et attirer ainsi la civilisation européenne. Certains auteurs le considèrent comme l’antécédent le plus notoire de la première conférence panaméricaine organisée par les États-Unis en 1889. D’autres auteurs, tels Nicolás Matienzo, soulignent que les principes exposés par le juriste de Tucumán furent à la base de la position du gouvernement argentin à cette conférence de Washington53.
41Alberdi, qui vivait depuis 1838 à l’étranger, avec de longs séjours en Uruguay et au Chili, avait compris que les nations sud-américaines affrontaient les mêmes problèmes. Le congrès était un remède aux maux dont souffrait l’Amérique désunie, à qui il manquait un ordre politique continental. Comme plusieurs autres dirigeants américanistes54, Alberdi pensait que le fait de fortifier les rapports entre les États de la région freinerait l’appétit des plus grands. Ce n’était pas une invasion étrangère qu’Alberdi craignait :
« Ne croyez pas que ce congrès se rassemble pour se mettre d’accord sur les moyens de résister à une agression externe, ceci n’est pas sur le point d’arriver en Amérique.55 »
42L’objectif d’un tel congrès était fort ambitieux car Alberdi préconisait « la recomposition de l’Amérique politique » en affirmant que, issue du modèle colonial, « l’Amérique est mal faite »56 : l’Espagne, avait divisé les territoires selon ses intérêts en termes d’extraction minière.
43Alberdi imaginait une Amérique du Sud, et non une Amérique latine comme l’avait conçue l’intelligentsia française57. Le congrès devait « délimiter de nouvelles frontières, en faire autre chose que de simples tracés de forts militaires et de bureaux de douane […] Plutôt que la pondération de nos forces militaires, ce congrès doit mettre à profit nos avantages commerciaux. La navigation et le transport constituent le nouvel et grand intérêt de la vie américaine »58. Cette conception alberdienne est-elle aujourd’hui présente dans les instances sud-américaines ? Afin d’évaluer l’actualité d’Alberdi, examinons deux organismes d’intégration régionale actuels : l’Unasur et l’Alba.
44Plusieurs indices laissent penser que l’Unasur n’est pas parvenu à dessiner une véritable politique d’intégration. Tout d’abord, le traité constitutif de l’Union des Nations sud-américaines (Unasur), adopté le 23 mai 2008 à Brasilia au Brésil, n’est parvenu qu’à six adoptions en deux ans (Argentine, Bolivie, Équateur, Guyane, Venezuela et Pérou).
45Deuxièmement, l’élection du président Néstor Kirchner au poste de premier secrétaire général de l’Unasur relève plus de l’arrangement politique circonstanciel que d’une perspective d’envergure régionale. Néstor Kirchner récusait les sommets régionaux pendant son mandat, mais privilégiait dans son agenda les questions de politique interne. Selon Carlos Malamud :
« L’élection de Kirchner reflète le manque de prise en compte du projet de l’Unasur de la part des présidents sud-américains. La candidature de Kirchner, à forte composante personnelle, est reliée à son projet de se présenter à nouveau comme candidat à la présidence argentine en 2011 [...] Le projet d’intégration sera une nouvelle fois ajourné.59 »
46Troisièmement, au lieu de privilégier les accords régionaux, l’engagement des présidents lors des sommets de l’Unasur fut inconstant et subordonné à leurs préoccupations nationales. Pendant le sommet de Lima, par exemple, seuls étaient présents les mandataires de la Colombie, du Pérou, du Paraguay, et le vice-président de la Bolivie. Il s’agissait alors de définir l’aide humanitaire à Haïti, en présence du mandataire haïtien. Celui-ci partit avec des promesses qui furent tenues par moins de la moitié des membres.
47Quatrièmement, les accords récemment signés entre le Mercosur et l’Union européenne ont remis à l’ordre du jour de vieilles promesses de coopération non tenues. L’Union européenne préfère le Mercosur car c’est un accord économique lui permettant d’avoir accès aux marchés des nations les plus dynamiques de la région, alors que l’Unasur est un accord politique, confus, instable et ambigu par rapport à d’autres traités comme la Communauté Andine des Nations (CAN), l’Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) et le Mercosur.
48Dans Bases, Alberdi encourageait la promotion et l’établissement de traités d’amitié et de commerce avec l’étranger, comme garanties d’autonomie et de progrès60. Sous l’égide des concepts de la théorie libérale institutionnelle, les instances de coopération furent rénovées dans les années 80 et de nouvelles propositions surgirent, conformes à la conviction que la coopération – comme le suggèrent les textes classiques sur le sujet61 – entraînait plus de bénéfices que la rivalité. Alors que la Can et le Mercosur ont des objectifs clairs, tel que la promotion du commerce et des échanges économiques, l’Unasur et l’Alba ont un caractère plus politique.
49Cinquièmement, comme nous l’avons déjà dit, il existe une tension entre le projet sud-américain et le rôle du Brésil. Dans ce sens, il nous semble impossible d’ignorer l’actualité des propos d’Alberdi :
« Les dangers des Républiques américaines sont en Amérique, leurs garanties sont en Europe […] Créer des appréhensions contre l’Europe, c’est les laisser sans défense face au pouvoir des États-Unis et du Brésil.62 »
50En effet, malgré les craintes que réveille le président Hugo Chávez, régulièrement relayées par la presse internationale, il est pour l’instant clair que dans la bataille tacite pour le leadership latino-américain entre le président vénézuélien et le gouvernement brésilien, c’est Lula, le chef du Parti Travailliste qui sort vainqueur. Les déséquilibres du sous-continent ne préoccupent pas la communauté internationale, mais provoquent des instabilités entre voisins. Alberdi avait une conception internationaliste du droit, il étendait les règles qui régissent les relations entre les personnes aux liens entre les nations. Il était persuadé que la paix et le progrès dépendent de la suprématie de la justice internationale et il avait confiance dans la capacité des traités internationaux à atteindre cet objectif63. Or, aujourd’hui, les équilibres internationaux américains reposent plus sur des leaderships présidentiels que sur le respect des accords.
51Alberdi rêvait d’une association sud-américaine fondée sur le commerce et l’industrie, et non sur les armes. Dans Memoria sobre la conveniencia de un Congreso General Americano, il affirme :
« Cette fois, ce n’est pas la ligue militaire de notre continent, et la centralisation de ses armes, qui sont appelées à nous organiser. Les intérêts de l’Amérique ont changé : ses ennemis politiques ont disparu […] L’époque politique et militaire est révolue : c’est aujourd’hui l’époque des entreprises matérielles, du commerce, de l’industrie et des richesses.64 »
52Dans notre interprétation, la coopération sud-américaine avance aujourd’hui plus en termes militaires qu’économiques. L’Unasur a réussi à mettre en place un Conseil de défense sud-américain, alors que l’intégration politique n’est pas encore pleinement adoptée. Ce conseil a pour objectif d’associer des capacités militaires et d’établir des accords entre les forces armées. Certains fantasment en y voyant le germe d’une OTAN sud-américaine, mais derrière les dialogues apparents, on devine l’intention du Brésil de vendre sa production d’armement conventionnel dans la région. Cela permettrait, tout comme la proposition douteuse faite conjointement au gouvernement turc et à l’Iran, de se montrer comme un acteur fondamental au sein de l’Amérique du Sud, et de légitimer par là sa prétention à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Alors que le Mercosur réussit à obtenir l’accord de ses membres pour établir une zone de paix, libre d’armes de destruction massive, l’Unasur déploie des capacités militaires et des desseins d’autonomie technologique.
53Alberdi se méfiait du Brésil, car – disait-il – ce pays avait entraîné l’Argentine dans une guerre fratricide qui parsema les champs de cadavres, en renvoyant à plus tard les objectifs de développement, d’éducation et de liberté, qui auraient dû guider les actes des dirigeants. Et il ajoutait « Les institutions du Plata sont faibles, pas les hommes.65 » Pour lui la guerre était une trahison envers le progrès. Il expliquait :
« Comment l’épée peut-elle accroître la richesse de la Nation ? En empêchant le travail, par le service militaire, qui la laisse sans bras, et par la guerre, qui la perturbe et la paralyse ?66 »
54Au début des années 90, Jorge Castañeda parlait d’africanisation de l’Amérique latine67. À travers ce concept, il prévoyait une période de désintérêt pour la région de la part de l’Amérique du Nord et de certaines puissances européennes. Le paradoxe de la fin de la guerre froide était que le retour à des gouvernements démocratiques et l’absence de conflit idéologique reléguaient la région à une place insignifiante. Mais aujourd’hui ce ne sont ni les coups d’états ni les modèles politiques de gauche qui attirent l’attention. Une nouvelle logique de formation de blocs et de renforcement des échanges commerciaux a réussi à faire de cette région un marché intéressant. Finalement, c’est l’avertissement réalisé il y a quelques années par le diplomate chilien Heraldo Muñoz qui s’est avéré le plus juste : il mettait en garde contre le fait que « l’Amérique latine […] ne voit plus son histoire comme indissolublement liée aux États-Unis »68. L’Amérique latine se rapproche des marchés globaux et de l’Europe. Cette Europe, pour Alberdi, devait être génératrice de civilisation et de stabilité. Cependant, l’Union européenne n’a pas réussi à lui transmettre ses institutions et sa solidité républicaine. Mais à qui revient la faute ? D’après Sberro et Bacaria Colom, à nos déficiences :
« Il y a cependant deux différences essentielles entre les modèles d’intégration européenne et latino-américaine : la construction d’institutions fortes et le renoncement clair à l’exercice de la souveraineté nationale en faveur d’une souveraineté commune ou partagée.69 »
55Malgré les vœux très chers d’Alberdi, l’intégration sud-américaine n’a pas modifié les vieilles conceptions souverainistes. Cela représente un échec encore plus important à l’aune des espoirs d’intégration latino-américaine des premiers caudillos de l’indépendance, comme Simon Bolívar ou José de San Martín. Ces désirs d’union furent plusieurs fois renouvelés dans l’histoire de la région : le premier traité ABC (Argentine, Brésil, Chili) relatif à la résolution des controverses signé le 25 mai 1915, le second pacte ABC, tenté par Perón, Vargas et Ibáñez en 1953, le Marché commun centre-américain de 1960, l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI), aussi fondée en 1960, les objectifs du Pacte andin de 1969 et sa transformation ultérieure en Communauté andine des nations (CAN) en 1996, la Communauté des Caraïbes fondée en 1973 (CARICOM), le Marché commun du Sud de 1991 (MERCOSUR), l’Union sud-américaine des nations (UNASUR) et la proposition de 2004 du président Chávez : l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre amérique (ALBA). Mais cette pluralité de projets et de mécanismes, au lieu d’évoquer des liens et des accords solides, met à nu la fragmentation et la compétition.
56De son côté, l’Alba se concentre, selon sa lettre de fondation, sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, en donnant la priorité à l’intégration latino-américaine et à la négociation de blocs sous-régionaux. Comme le disait le président Hugo Chávez Frías lors du troisième sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Association des États des Caraïbes, sur l’île Margarita en décembre 2001 :
« L’Alba trace les principes directeurs de la véritable intégration latino-américaine et caribéenne fondée sur la justice, et nous nous engageons à lutter ensemble pour la rendre possible. […] Le principe qui doit guider l’Alba est la solidarité entre les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes, fondée sur la pensée de Bolivar, […] et tant d’autres personnalités éminentes, sans nationalismes égoïstes, ni politiques nationales freinant l’objectif de construire une grande patrie en Amérique latine, comme l’ont rêvée les héros de nos luttes émancipatrices.70 »
57Alain Rouquié se demande ce que représente réellement Bolívar pour Chávez : accomplir son œuvre d’unification ? L’établissement d’un projet panaméricain différent ? L’espérance d’une présidence à vie ? Alain Rouquié penche plutôt pour l’idée qu’il s’agit là d’une référence révolutionnaire plus que d’une doctrine précise. Cette imprécision permet à Chávez d’agir de façon sui generis, sans véritablement adopter les principes du socialisme, mais en restant une sorte de guide et d’héritier de la tradition de Bolívar71. Il est vrai qu’il établit des politiques sociales généreuses mais cela ne signifie pas un changement profond, car, comme le dit l’auteur :
« Le niveau de vie des pauvres connaît quelques améliorations mais ils restent pauvres.72 »
58Alberdi avait de l’admiration pour Bolívar, il écrivit sans équivoque à son sujet :
« [Bolívar] est un homme d’État et un homme politique original. […] C’est l’homme qui a accompli le plus de faits positifs en Amérique.73 »
59Il dédicace même un de ses livres à San Martín, Belgrano, Bolívar et O´Higgins. En mettant sa doctrine sous les auspices de ces hommes glorieux, il affirme :
« Je prouve que je reconnais ce que l’Amérique leur doit et le respect que je leur témoigne moi-même.74 »
60Il précisera cependant :
« Mais tout comme en Europe la monarchie n’est pas le synonyme de tyrannie, en Amérique la république n’est pas une garantie de liberté.75 »
61Que suggérait-il à travers l’idée de république imparfaite en Amérique ? Les nations américaines étaient peu républicaines, car elles n’avaient encore acquis aucune structure économique et sociale comparable à celles des États européens76. Il affirmait avec regret :
« D’autres peuples possèdent peut-être en leur sein les germes de leur prospérité : ceux de l’Amérique les possèdent malheureusement en dehors d’eux-mêmes. La métropole n’a pas semé de graines de progrès, mais de stabilité et d’obéissance.77 »
62C’était une injonction aux nouvelles nations américaines pour qu’elles dépassent leurs différences et se développent grâce au commerce. Dans Memoria sobre el Congreso Americano, Alberdi ouvre une polémique à propos du congrès de Panamá de 182678, dénonçant que le principal objectif fut d’établir une alliance défensive contre les puissances européennes.
63La déclaration constitutive de l’Alba fait référence au 180e anniversaire du congrès de Panama. Mais les conclusions ne sont pas les mêmes :
« L’année où l’on commémore l’[…] anniversaire de la glorieuse victoire d’Ayacucho et de l’appel au congrès amphictyonique de Panamá, qui tenta d’établir l’unité de nos pays sans y parvenir, nous exprimons notre conviction que finalement, grâce à la consolidation de la révolution bolivarienne et à l’échec indiscutable des politiques néolibérales imposées à nos pays, les peuples latino-américains et caribéens trouveront le chemin de leur seconde et véritable indépendance. Le surgissement de l’Alternative bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique proposée par le président Hugo Rafael Chávez Frías en est l’expression la plus juste »79.
64Alberdi observerait-il cette proposition avec sympathie ? Nous ne le savons pas, mais il est certain qu’il se méfiait des déclarations grandiloquentes des leaders dont les intérêts n’épousaient pas la cause commune américaine :
« Ce n’est pas tant la distance que l’absence d’intérêts communs qui les éloigne, les isole les uns des autres [...] Il y a uniformité, non unité : il y a des analogies, des ressemblances mais pas de solidarité entre les états.80 »
65Même si, comme il l’expliquera dans Memoria sobre el Congreso Americano, l’échec du congrès de Panama n’était pas rédhibitoire pour unifier les nations américaines, sans pour autant donner la priorité à la défense et à la confrontation :
« L’indépendance américaine, sa dignité et ses prérogatives, ne reposent pas sur les baïonnettes de ces peuples. Elle suppose la création d’un chemin d’intégration continentale […] Il faut une carte pour orienter le parcours que devra prendre le navire commun pour sillonner la mer immense de l’avenir.81 »
66On pourrait trouver des ressemblances entre certains objectifs de l’Alba et les postulats d’Alberdi. Le juriste soutenait :
« Il est indispensable de protéger, de développer et de sauvegarder le commerce de l’Amérique avec elle-même et avec le monde transatlantique. C’est fondamental pour ses intérêts et sa prospérité commerciale.82 »
67Dès ses débuts, l’Alba fut défini comme l’alternative capable d’engendrer un développement par l’Amérique et pour l’Amérique. Les partenaires étrangers sont bienvenus, si et seulement si, ils réunissent les conditions nécessaires et n’ont aucune intention de soumettre ou de conquérir les pays latino-américains. Mais les échanges qu’Alberdi espérait étaient autres :
« Les grands intérêts de chacun de ces pays sont l’immigration, les capitaux, l’échange de matières premières, contre des instruments nécessaires à leur persistance.83 »
68Aujourd’hui les partenaires de l’Alba percevraient cela comme une politique néolibérale, la politique qui a appauvri les peuples des Amériques, et, comme l’affirmait le président bolivien, Evo Morales :
« La raison pour laquelle tant de sang [de la population exploitée] a coulé, c’est la cause du soulèvement du peuple bolivien, et elle porte un nom : le néolibéralisme.84 »
69Il n’est pas nécessaire de préciser que le temps a transformé les besoins des nations et qu’en Amérique, le néolibéralisme fut accompagné d’une exclusion sociale. L’engagement sud-américain d’Alberdi, qui correspond dans un certains sens avec les buts de l’Alba, est mis en évidence par son rapport aux finances : « Créer un statut américain et permanent pour les monnaies américaines […] », disait Alberdi, presque dans les termes utilisés par le président Chávez lorsqu’il annonça l’unification des monnaies latino-américaines, d’après un nouvel étalon : le Sucre. En effet, le premier article de la déclaration du septième sommet de l’Alba stipule que « le Traité constitutif du Système Unitaire de Compensation Régionale de paiements (SUCRE) est adopté comme instrument pour atteindre la souveraineté monétaire et financière, l’annulation de la dépendance envers le dollar nord-américain du commerce régional, la réduction des asymétries et la consolidation progressive d’une zone économique de développement partagé »85. Il s’agit d’un pas important « pour la souveraineté de nos peuples et pour nous libérer de la dictature du dollar, de la dictature néolibérale et de la dictature des multinationales », affirma le président vénézuélien86.
70Mais alors que l’Alba essaie d’homogénéiser l’association des nations autour d’une même idéologie, la proposition alberdienne était de s’associer tout en conservant les différences :
« On confond l’union avec l’unité, l’union et l’unité avec l’uniformité… L’union ne les refonde pas, ni ne les confond en un seul. L’union laisse à chacune son indépendance.87 »
71Alberdi imaginait une fédération entre les ex-colonies espagnoles. Elles ne pouvaient plus revenir au passé. Elles avaient adopté des formes de gouvernement et des modèles économiques, et créé de nouvelles nations. Leur force passait alors par la confédération, afin que les peuples de chacune d’entre elles échangent des biens et produisent ainsi plus de richesse. En dernière instance, pour Alberdi, la liberté de la nation signifiait pouvoir disposer de son destin en se passant de la domination d’une puissance. Il résumait cette idée en affirmant que « Liberté signifie souveraineté, pouvoir, autorité.88 »
Conclusion
72Dans El crimen de la guerra, Alberdi prévoyait une société des nations qui correspondait à son idéal de fédération régionale. Il affirmait :
« Le droit international sera un vain mot tant qu’il n’existera pas une autorité internationale, capable de convertir ce droit en loi et de faire de cette loi un fait vivant et palpitant.89 »
73Les organismes internationaux et régionaux qui existent de nos jours sont fondés sur l’intérêt, l’idéologie ou la faiblesse, mais pas sur l’instauration du droit international. L’autorité supranationale, dont on aperçoit les contours aujourd’hui, ne fait pas du droit sa loi, elle est instrument de domination.
74Pour pouvoir structurer l’unité sud-américaine, Alberdi défendait le règlement des litiges frontaliers, l’uniformité douanière, l’union postale, la limitation des armements, la prévention de la guerre, avec l’objectif de développer et peupler le vaste espace sud-américain90. Il mettait en garde aussi sur les éventuels risques de cette « greffe » :
« Gouverner, c’est peupler, mais sans oublier que peupler peut-être empester, abrutir, soumettre à l’esclavage, si au lieu d’être civilisée, la nation greffée ou immigrée est sous-développée, pauvre et corrompue.91 »
75Il est vrai qu’en Amérique latine, la nation – cette communauté imaginaire dit Rodolfo Stavenhagen – est le pays des Blancs, des Européens, des Créoles, des héritiers de la colonie, des gens civilisés issus de l’Europe92. Mais l’américanisme d’Alberdi était différent de celui de Bolívar, qui tendait à établir une autorité continentale américaine93. C’est pourquoi Chávez est peut-être bolivarien, avec son projet de contrôle sud-américain, mais pas alberdien, dans la mesure où cela implique d’abolir toute forme de subordination. Chez Alberdi, l’union devait être établie sur la base d’un équilibre politique qui permette le juste développement de chacune des nations. C’est pour cela que la lecture d’Alberdi aujourd’hui nous conduit à une conclusion amère. Certes, chercher à appliquer une pensée à des époques aussi distantes et aussi différentes peut nous conduire à une impasse. Mais cela n’invaliderait pas la grandeur des visionnaires qui, comme Alberdi, à des époques de construction de la nation, imaginèrent un futur de noblesse sud-américaine. Je ne contredirai pas la pensée avant-gardiste d’Alberdi, qui imaginait une société de nations, gouvernée par la loi internationale. Je n’écarterai pas non plus notre responsabilité dans le fait que 150 ans plus tard, nous n’ayons pas été capables d’accomplir les rêves laissés en héritage par les grands hommes de notre histoire.94
Notes de bas de page
1 Martín García Merou, préface à Juan Bautista Alberdi, Viajes y descripciones, Buenos Aires, El Ateneo, 1928, p. 4.
2 Juan Bautista Alberdi, Fragmento preliminar al estudio del derecho, Buenos Aires, Biblos, 1984, p. 153-154.
3 Juan Bautista Alberdi, « Reacción contra el españolismo », La Moda, 14 avril 1838, in Obras completas, tome I, Buenos Aires, La Tribuna Nacional, 1886, http://www.hacer.org/pdf.Espanolismo.pdf
4 Juan Bautista Alberdi, « Ideas para presidir a la confección del curso de filosofía contemporánea » http://www.alberdi.org.ar/PDF/alberdi-ideas_para_presidir.pdf., p. 1.
5 Juan Bautista Alberdi, Del gobierno en Sud-América, in Obras selectas, vol. XIII, Buenos Aires, La Facultad, 1920, p. 445.
6 Juan Manuel Licari, Pensamiento económico de Alberdi. La doctrina liberal, Universidad Nacional de Córdoba, 2002, p.15-16.
7 Juan Bautista Alberdi, El Brasil ante la democracia de América, Préface à l’édition de 1869, Buenos Aires, ediciones Ele, 1946, p. 276.
8 «La Doctrina Monroe y la América española», in Escritos póstumos, vol. IV: Notas Varias sobre la Doctrina Monroe, in Claves del Bicentenario, El pensamiento de Juan Bautista Alberdi, Buenos Aires, El Ateneo, 2010, p. 278.
9 Ibid., p. 273.
10 Juan Bautista Alberdi, «Política Exterior de la República Argentina», Escritos póstumos, tome III, Universidad Nacional de Quilmes, 2002, p. 40.
11 Juan Bautista Alberdi, «América», in Escritos póstumos, tome VII, op.cit., p. 74.
12 Juan Bautista Alberdi, «Del gobierno en Sud-América», Obras selectas, tome XIII, Buenos Aires, La Facultad, 1920, p. 452.
13 Juan Bautista Alberdi, «América», op.cit., p. 63-65.
14 Juan Bautista Alberdi, «Del gobierno en Sud-América», op.cit., p. 460.
15 Juan Bautista Alberdi, « América », op.cit., p. 66.
16 Isidoro Ruiz Moreno, El pensamiento internacional de Alberdi, Buenos Aires, Eudeba, 1969, p. 56-60.
17 « Carta al Coronel Patricio Campbell », lettre de Simón Bolívar au chargé d’affaires de S. M. B., Guayaquil, 5 août 1829, http://es.wikisource.org
18 Conn Hallinan, « A Bad Week for the Monroe Doctrine », Foreign Policy in focus, 14 juin 2010, http://www.fpif.org/blog/a_bad_week_for_the_monroe_doctrine
19 Juan Bautista Alberdi, El imperio del Brasil ante la democracia de América, (première édition en 1869) Obras completas, tome VI, 1886, p. 267 à 430. Il en existe plusieurs rééditions. Pour les citations, nous nous référons à celles de 1920 et 1946.
20 Op. cit., 1946, p. 7.
21 Ibid., p. 250-251.
22 Juan Bautista Alberdi, «Política Exterior de la República Argentina», Escritos póstumos,tome III, Universidad Nacional de Quilmes, 2002, p. 37.
23 Celestino del Arenal, «Entre la afirmación de la dimensión normativa y el reforzamiento del pragmatismo: la política exterior y de seguridad de España en 2007», Anuario Internacional CIDOB 2008. Claves para interpretar la Política Exterior Española y las Relaciones Internacionales en 2007, Barcelona, 2008, p. 337.
24 http://europa.eu/legislation_summaries/external_relations/relations_with_third_countries/latin_america/r14021_es.htm
25 El País, 4 juillet 2007, http://www.elpais.com/articulo/internacional/Cumbre/UE-Brasil/concluye/acuerdo/cooperacion/elpepuint/20070704elpepuint_22/Tes
26 http://www.lanacion.cl/brasil-y-union-europea-se-reunen-por-asociacion-estrategica/ noticias/2010-02-14/210808.html
27 Ambassade du Brésil, en Espagne, http://www.brasil.es
28 Carlos Moreira García et Franklin Martins, «Alianza Brasil-España, posibilidades y desafíos, Política Exterior, Madrid, vol. XIX, n° 105, mai-juin 2005, p. 110.
29 Celestino del Arenal, «La política española hacia América Latina en 2002», Anuario Elcano América Latina 2002, Madrid, 2002, p. 117.
30 José Manuel Barroso, « Cumbre de Lima, otra oportunidad », La Nación, Buenos Aires, 16 mai 2008.
31 BBC Mundo, 4 juillet 2007, http://news.bbc.co.uk/hi/spanish/latin_america/newsid_6267000/6267126.stm
32 Juan Bautista Alberdi, El Brasil ante la democracia de América, op. cit.,1946, p. 235-237.
33 Les 16 et 17 décembre 2008, les sommets présidentiels du groupe de Río, du Mercosur, de l’Unasur et le premier sommet des pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont eu lieu dans la station balnéaire brésilienne de Costa do Sauípe, dans l’État de Bahia.
34 «Está acontecendo uma coisa extraordinária», comemorou Lula. «Nós criamos mais do que Bolívar quando bradou a criação da Grande Colômbia, criamos a grande nação sul- americana», site Internet du gouvernement du Brésil, http://www.integracionsur.com/sudamerica/UnasurLulaBolivar.htm
35 Juan Bautista Alberdi, El Brasil ante la democracia de América, in Obras selectas, tome VI, Buenos Aires, La Facultad, 1920, p. 403-404.
36 Op.cit., p. 376.
37 Juan Bautista Alberdi, «Examen del gobierno que establece la Constitución Argentina, considerado en sus relaciones con los intereses extranjeros de navegación, de comercio y de paz», Organización de la Confederación Argentina, vol. II, Besançon, Imprenta de José Jacquin, 1858, p. 722.
38 Ibid. p. 40.
39 Luiz Carlos Torres y Hundrsen de Souza Ferreira, «Amazonia Azul: a fronteira brasileira no mar», Centro de Adestramento «Almirante Marques de Leão», ministère de la Défense du Brésil, http://www.mar.mil.br/dhn/dhn/amazoniazul.pdf. p. 5.
40 Hans Rühle, «Brazil and the Bomb. Vexing nuclear activities in South America», IP global org, cité sur defesanet.com, http://www.defesanet.com.br/docs1/ruhle_brazil_nuclear.pdf., p. 79-80.
41 Maria Rost Rublee, «The Nuclear Threshold States. Challenges and Opportunities Posed by Brazil and Japan», Nonproliferation Review, vol. 17, n°. 1, mars 2010, Monterey Institute of International Studies, James Martin Center for Nonproliferation Studies, p. 54.
42 Ibid., p. 55-56.
43 Ibid., p. 52.
44 Hans Rühle, op. cit., p. 79.
45 Ibid., p. 80-81.
46 Ibid., p. 80-81.
47 Dex Zucchi, « A New Nuclear Master. An analysis of Brazil’s nuclear submarine program Oil & gas deposits », Office of the Asia Pacific Advisor, 8 Lookout, April 12, 2010, http://www.lookoutnewspaper.com/issues/55/2010-04-12-15.pdf, p. 9.
48 BBC Mundo, 23 septembre 2008. http://news.bbc.co.uk/hi/spanish/latin_america/newsid_ 7798000/7798388.stm
49 El Nuevo Diario, 22/09/2008 http://www.elnuevodiario.com.ni/nacionales/27602.
50 Adolfo Posadas, « Ideas Políticas de Alberdi », in Pablo Rojas Paz, El pensamiento de Alberdi, Buenos Aires, Editorial Lautaro, 1943, p. 121.
51 Martín Tanaka, « El gobierno de Alejandro Toledo, o como funciona una democracia sin partidos », Política, Otoño, n° 42, Santiago, Chile, p. 139-140.
52 Juan Bautista Alberdi, Obras completas, Buenos Aires, La Tribuna Nacional, 1887, tome 2, p. 387 à 413, réédité in Obras selectas, tome VI, Buenos Aires, La Facultad, 1920.
53 José Nicolás Matienzo, « La política Americana de Alberdi », Revista Argentina de Ciencias Políticas, t.1, 1910, p. 28 ; cité par : Juan F. Armagnague, et Enrique F. Roig, dir., Estudios sobre el Mercosur, Mendoza, Ediciones Jurídicas Cuyo, 2007, p. 141.
54 En particulier l’idée de Simón Bolívar exposée lors du congrès de Panama de 1826, et de Francisco Miranda, voir Batista Ricaurte Soler, Idea y cuestión nacional latinoamericanas. De la independencia a la emergencia del imperialismo, Siglo XXI, Mexique, 1980, p. 22-40.
55 « Memoria sobre la conveniencia y objetos de un Congreso General Americano », in Obras selectas, vol. VI, op. cit., 1920, p. 8.
56 Ibid., p. 10.
57 L. M. Tisserand appela « L’Amérique latine » ce qui jusqu’alors était connu en Europe sous le nom de « Nouveau Monde » ou « Amérique du Sud ». Cf. Luiz Alberto Moniz Bandeira, « ¿América latina o Sudamérica ? », Clarín, Buenos Aires, 16 mai 2005.
58 Juan Bautista Alberdi, Memoria sobre la conveniencia y objetos de un Congreso General Americano, 1920, p 11-13.
59 Rogelio Núñez, « Unasur se « kirchneriza » », Infolatam, Buenos Aires, 4 mai 2010, http://www.infolatam.com/entrada/unasur_se_kirchneriza-20481.html
60 Juan Manuel Licari, op. cit., p. 15-16.
61 Nous faisons référence au texte classique de Robert O. Keohane et Joseph S. Nye, Poder e interdependencia : la política mundial en transición, Buenos Aires, Grupo Editor Latinoamericano, 1988.
62 Juan Bautista Alberdi, « La Doctrina de Monroe y la América Española » extrait de Escritos póstumos, Universidad Nacional de Quilmes, tome III, p. 268.
63 Juan Bautista Alberdi, Obras selectas, Buenos Aires, La Facultad, tome XVIII, p. 39.
64 Juan Bautista Alberdi, Obras completas, Tribuna Nacional, 1886-1887, tome II, Buenos Aires, p. 389-412.
65 Juan Bautista Alberdi, El Brasil ante la democracia de América, 1946, p. 14.
66 Juan Bautista Alberdi, « Estudios Políticos », in Obras selectas, vol. XVII, Buenos Aires, La Facultad, 1920, p. 282.
67 Jorge Castañeda, «Latinoamérica y el Final de la guerra fría», Leviatán, n° 42, Madrid, 1991.
68 Heraldo Muñoz, «¿Adiós a Estados Unidos?», in Joseph S. Tulchin et Ralph Spach, América Latina en el Nuevo sistema internacional, Barcelona, Ediciones Bellaterra, 2004, p. 116-117.
69 Stephan Sberro et Jordi Bacaria Colom, «La integración de América Latina. Entre la referencia europea y el modelo estadounidense», Foreign Affairs En Español, Eté 2002, http://www.foreignaffairs-esp.org/20020501faenespessay8471/stephan-sberro-jordi-bacaria-colom/la-integracion-de-america-latina-entre-la-referencia-europea-y-el-modelo-estadounidense.html.
70 Déclaration conjointe du président de la République bolivarienne du Venezuela et du président du Conseil d’état de la république de Cuba pour la création de l’ALBA, 14 décembre 2004.
71 Alain Rouquié, À l´ombre des dictatures. La démocratie en Amérique latine, Paris, Albin Michel, 2009, p. 237-249.
72 Ibid., p. 243.
73 « Sobre la conveniencia de un Congreso General Americano », in Claves del Bicentenario, El pensamiento de Juan Bautista Alberdi, Buenos Aires, El Ateneo, 2010, p.70-71.
74 Juan Bautista Alberdi, Del gobierno en Sud-América, p. 9.
75 Ibid., p. 444.
76 Tulio Halperín Donghi, Una nación para el desierto argentino. Buenos Aires, CEAL, 1992, p. 41.
77 Juan Bautista Alberdi, Memoria sobre la conveniencia y objetos de un Congreso General Americano, op. cit., 1920, p. 5-9 et 29.
78 Le congrès parvint à s’installer dans la ville de Panama le 22 juin 1826 et se sépara le 15 juillet. Des représentants de la Grande Colombie (qui comprenait les actuels Colombie, Équateur, Panama et Venezuela), du Pérou, de la Bolivie, du Mexique et des Provinces unies de l’Amérique Centrale (Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua et Costa Rica) s’y rendirent. Le congrès siégea à Panama, puis il fut déplacé à Mexico.
79 http://www.alianzabolivariana.org/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=2 060.
80 Juan Bautista Alberdi, « Del gobierno en Sud-América », Obras selectas, tome XIII, Buenos Aires, La Facultad, 1920, p. 468.
81 Juan Bautista Alberdi, Memoria sobre la conveniencia y objetos de un Congreso General Americano, 1920, p. 21-22.
82 Ibid., p. 75.
83 Juan Bautista Alberdi, Del gobierno en Sud-América, p. 468.
84 Cité par John Bellamy Foster, « The Latin American Revolt. An Introduction », Monthly Review, vol. 59, n° 3, http://www.monthlyreview.org/0707foster.php.
85 Déclaration du VIIe sommet de l’Alba, Cochabamba, Bolivie, 17 octobre 2009.
86 BBC Mundo, 17 septembre 2009. http://www.bbc.co.uk/mundo/america_latina/2009/10/091017_2012_alba_final_jrg.shtml
87 Juan Bautista Alberdi, « América », in Escritos póstumos, tome VII, op.cit., p. 82.
88 Juan Bautista Alberdi, « Estudios políticos », Obras selectas, Buenos Aires, La Facultad, 1920, tome XVII, p. 321.
89 Ibid., p. 254.
90 Cité par Adolfo Posadas, « Ideas Políticas de Alberdi », in Pablo Rojas Paz, El pensamiento de Alberdi, Buenos Aires, Editorial Lautaro, 1943, p. 121 et 153-154.
91 Juan Bautista Alberdi, « Estudios políticos », Obras selectas, Buenos Aires, La Facultad, 1920, tome XVII, p. 357.
92 Rodolfo Stavenhagen, « Cultura e Identidad en América Latina », in Celestino del Arenal et José Antonio Sanahuja (dir.), América Latina y los Bicentenarios : una agenda de futuro, Madrid, Siglo XXI-Fundación Carolina, 2010, p. 362.
93 Isidoro Ruiz Moreno, op. cit., p. 109-110.
94 Cette étude a été réalisée avec l’aide d’Emmanuel Ferrario, professeur assistant à l’université Torcuado Di Tella.
Auteur
Chercheur au CONICET, Professeur à l’Université Torcuato Di Tella, spécialisée en études de défense, questions militaires et politiques latino-américaines, coordinatrice du projet Leadership, sur le renouvèlement politique et pratiques démocratiques en Amérique Latine. Auteur notamment de Democracia y Seguridad en América Latina (2002), éditeur de El rompecabezas, conformando la seguridad hemisférica para el siglo XXI (2006), La OTAN y los desafíos en el MERCOSUR : Comunidades de seguridad y estabilidad democrática (2001), Control civil y fuerzas armadas en las nuevas democracias latinoamericanas (1999)
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