Chapitre VI. Le couple question-réponse : satellites et reprises
Étude comparative des corpus SNCF et CIO1
p. 131-147
Texte intégral
Corpus étudié | : SNCF | Phases I, II, III (en entier) |
CIO | Phase I n° 1-2 | |
Phase II n° 1-2 | ||
Phase III n° 1-2-3 |
1Cette étude complète celle qui a été présentée dans le recueil d’analyse linguistique du corpus SNCF (1985) Publication de l’Université de Paris III, 1988.
2L’étude qui suit propose un éclairage particulier de la structure fondamentale des dialogues finalisés, lié au rôle des reprises, à leurs caractéristiques et à leur intérêt dans le projet de réaliser un système de communication homme-machine au moyen de la parole.
3Dans le groupe « Dialogue homme-machine » j’ai été amené à collaborer avec l’étudiante en ergonomie de Paris V à la réalisation des deux expérimentations simulant des dialogues finalisés entre un homme et une machine. Après leur transcription, j ’ai étudié l’unité de base qui caractérise ce type de dialogue : le couple question/réponse, puis un des éléments essentiels du corpus = la reprise.
1. L’unité de base du dialogue finalisé
4L’unité de base du dialogue finalisé est constituée par l’association d’une requête avec une réponse définitive, c’est-à-dire une phrase aboutissant à une rupture du dialogue ou à l’expression d’une nouvelle requête. C’est pourquoi ces deux éléments, requête et réponse, font l’objet de nombreuses études.
5Les demandes de renseignements par téléphone ne se réduisent pas, le plus souvent, exclusivement au couple élémentaire Question/Réponse ; même si en théorie ils pourraient se suffire à eux-mêmes. Une période comporte également des éléments appelés « satellites » de la question (Q) ou de la réponse (R) et qui, comme leur nom l’indique, gravitent autour de ceux-ci, pour les compléter, les moduler, les préciser ou plus simplement les enregistrer. Ils ont également un rôle phatique essentiel : ils marquent pour la plupart le bon enregistrement du discours d’autrui et sa bonne interprétation. Ils permettent, en cas d’incompréhension, au locuteur de rectifier ses propos et de le faire le plus économiquement (donc le plus tôt) possible dans le dialogue.
2. Les satellites
6Remarques
71) Les exemples utilisés dans ce paragraphe ne proviennent pas de corpus existants, ils sont fabriqués de toutes pièces sur le modèle des énoncés du corpus SNCF. C désigne le correspondant et O l’opératrice.
82) Pour les autres abréviations utilisées dans le chapitre, voir l’annexe à la fin du chapitre.
2.1. Les satellites se classent dans les trois mêmes catégories quelle que soit leur position, après Q ou après R
9* questions complémentaires : ils se rattachent obligatoirement à Q ou à R (par phénomènes de reprise, d’anaphore ou d’ellipse).
C – je voudrais le prix du billet Paris-=rouen
O -en première ou en deuxième classe ?
10* confirmations : ce terme générique recouvre en fait les indications de typerhétorique relevées par M.A. Morel dans un article du DRLAV n° 29 intitulé : « Vers une rhétorique de la conversation » (1983 p. 29-68)
11– La confirmation
O -le train 3516 arrive à Paris à 16H58
C1 – oui il me convient parfaitement
12– La réfutation
C2 – non il arrive trop tard
13– La concession
C3 – oui c’est bien mais est-c’qu’il est direct ?
14* reprises de propos informatifs : elles reprennent textuellement les propos informatifs (heure, gare de départ, gare d’arrivée par exemple pour le corpus SNCF) sans les modifier
O – le billet deuxième classe Paris-Rouen aller retour coûte cent seize francs
C – cent seize francs
15La plupart du temps la reprise de propos informatifs (R.P. I.) s’effectue sur le dernier membre informatif des propos du locuteur précédent
2.2. Remarques générales
16* les trois éléments satellites peuvent apparaître isolés ou ensemble.
C – je voudrais les horaires des trains pour Amiens, s’il vous plaît
O – pour Amiens, oui, quel jour désirez-vous partir ?
17* les questions et les réponses peuvent être formulées de manière discontinue, entrecoupées par les reprises ou les confirmations.
C – je voudrais les horaires de train
O – oui
C – pour Béziers, s’il vous plaît
O -Béziers oui
C – vers le 23 octobre
O -d’accord
18* les confirmations et les reprises marquent directement l’enregistrement des informations citées précédemment par un interlocuteur. Les questions complémentaires agissent indirectement, elles sous-entendent la bonne (ou mauvaise) compréhension des propos précédents.
C – je voudrais le pix du billet Paris-Rouen
O – en première ou en deuxième classe ?
19Il y a ellipse de la phrase précédente, la question complémentaire comporte une valeur anaphorique qui renvoie à la phrase de base (dans cet exemple : le prix du billet Paris-Rouen). Sans cette dépendance, la question complémentaire pourrait porter sur d’autres contextes (politique, école, etc....).
20* La confirmation par « oui » ou « m m » est une confirmation neutre. La reprise, par contre, est l’acte le plus rassurant du dialogue ; elle confirme non seulement la bonne audition (les sons « entendus ») mais aussi la bonne compréhension (les sons « écoutés).
C -j’ voudrais l’ vingt-deux à Asnières
O -le vingt-deux à Asnières
C – oui
2.3. Les satellites dans le corpus CIO
21Dans ce corpus, les communications ne s’articulent pas autour d’une question principale à laquelle correspond une réponse dont on connaît le cadre de référence. Si le correspondant, à la SNCF, demande un renseignement horaire, il sait à l’avance que l’opératrice doit lui indiquer l’heure, les mintues, etc. ; il ne cherche à connaître qu’une précision.
22En interrogeant l’opératrice sur l’ergonomie et la psychologie du travail l’étudiant, par contre, découvre leurs contours au fur et à mesure qu’avance le dialogue. Ce dernier se caractérise par une succession de questions entre lesquelles s’intercalent les réponses et peu de satellites. La résolution d’une question est quasiment immédiate : toute question est porteuse de sens, mais comment déterminer les éléments, les paramètres manquants lorsque le domaine de référence est aussi vaste ? Quant à la réponse, elle apporte des informations et non des renseignements qui ne souffrent peu ou pas de rectifications ou de modifications au moyen d’un satellite. Au mieux, l’étudiant manifeste son enregistrement : « oui, m m, d’accord » ; par des confirmations qui ponctuent le discours d’autrui.
A) Les satellites de la question
23Il existe un enchaînement de questions et de réponses à partir de la requête initiale posée par l’étudiant(e) : (E). Les autres demandes qui la suivent, s’appuient sur les réponses successives données par l’opératrice : (O).

24Pour distinguer le moment où l’étudiant change de sujet, il faut apprécier l’autonomie de chaque question. Une question est autonome lorsqu’elle ne recourt pas aux informations données dans la réponse qui précède. Ce critère est parfois important pour distinguer une question autonome d’une question complémentaire dans ce type de dialogue.
M – bonjour quels renseignements désirez-vous obtenir ?
E1 – e : j’ voudrais savoir, les certificats à prendre en maîtrise, pour faire un dess d’ergonomie
M2- pour pouvoir faire un dess d’ergonomie, les certificats préférentiels existent sachant que cette année est constituée de deux certificats distincts je vais vous énumérer des couples de certificats préférentiels, premièrement psychologie expérimentale psychologie sociale, deuxièment psychologie expérimentale psychologie différentielle, troisièmement psychologie expérimentale physiologie, quatrièmement psychologie expérimentale mmsh, ai-je bien répondu à votre question ?
E2 – e : mmsh e ça : veut dire quoi ?
M3 – mmsh veut dire méthode mathématique des sciences de l’homme
E3- e : : cl est-ce qu’i(l) y a possibilité de faire deux dess en
même temps j’veux dire° : , / ergonomie e : combinée à psychologie du travail % tout % trop %
M4 – oui il est possible de faire un dess de psychologie du travail et un dess d’ergonomie en même temps
E4- est-c’qu’i(l) y a des : e : : recoup’ments au nvieau des : matières
M5 – oui il existe des recoupements au niveau des matières (CIO, 3-9)
B) Les satellites de la réponse
25Ils regroupent essentiellement des questions complémentaires et des confirmations qui ponctuent les réponses.

M22 – il s’agit de donner les éléments minimaux que ne peut ignorer l’ergonome mais non de viser à une formation spécialisée de type psycho-sociologique
E22- m
M23 – la psychologie des organisations étudie les organisations et les structures des entreprises, également les relations entre les satisfactions et les performances professionnelles, celte définition vous convient-elle ?
E23 – (h) m oui : : (h) m/ /–/ et que signifie analyse° du travail :
M24 – l’analyse du travail est la méthode centrale de l’ergonomie
E24- *m*
M25- C’ est une analyse qui débute par une étude de poste
E25 – *m* /–/ (h) et j’ voudrais savoir en quoi consiste° le programme d’informatique (CIO, 3-14)
3. Les reprises
26Le statut particulier des satellites leur dépendance étroite avec une question ou une réponse en font des foyers particulièrement propices à l’apparition des phénomènes de reprises, d’anaphores et d’ellipses.
27En dehors des reprises de propos informatif, les questions complémentaires accueillent souvent des reprises, ainsi que les « réponses liées à des questions » (c’est-à-dire non argumentatives) dans lesquelles les reprises peuvent porter sur des propos informatifs ou sur les éléments linguistiques constitutifs de la question posée.
3.1. Les différents types de reprises, leurs caractéristiques
3.1.1. Distinction reprise-répétition
28Il ne faut pas confondre reprise et répétition. La seconde est effectuée par le même locuteur alors que la première nécessite au moins deux locuteurs.
29exemple de répétition
30X – je crois, je crois que la : la etc.
31exemple de reprise
32O -le train arrive à 18H02
C-18H02
0 – oui
33La répétition peut avoir une valeur argumentative (discours d’un homme politique), la reprise beaucoup plus rarement. Elle est surtout un révélateur de la propagation de l’information au cours d’un dialogue, notamment lorsqu’il est finalisé.
34La plupart des reprises de ces deux corpus sont de type textuel. Contrairement à l’oral du débat il n’y a que très peu de reprises synonymiques. Autre particularité : une reprise est la réitération d’un seul propos (ou d’un groupe) rarement de plusieurs.
3.1.2. Les différents critères de différenciation
35Pour différencier les types de reprises nous avons utilisé des critères d’ordre syntaxique et sémantique.
Critères syntaxiques
36Une reprise fait intervenir deux éléments appartenant à deux séquences différentes. Nous nommons « élément de base » et « phrase de base » l’élément et la phrase cité en premier lieu. L’autre séquence se nomme : « de reprise » de même que la partie réitérée.

37Nous prenons en compte les critères syntaxiques suivants :
distance entre les deux éléments
type de la phrase de base
type de la phrase de reprise
type du groupe syntaxique repris
place du groupe syntaxique repris dans la phase de reprise.
Critères sémantiques
38Nous distinguons essentiellement trois sortes de critères :
reprise de propos informatif
reprise des éléments linguistiques qui constituent l’ossature d’une phrase
reprise d’autres propos que ceux cités auparavant.
3.1.3. Les différents types de reprise
39Nous avons relevé sur l’ensemble des corpus SNCF et CIO cinq types de reprises
Les reprises de propos informatifs
40Critères :
phrase de base : le plus souvent assertive
phrase de reprise : nominale ; assertive ou interrogative
distance entre les éléments : réduite
environnement syntaxique : la reprise est rarement suivie par d’autres énoncés (sinon présence d’une pause séparant les deux éléments)
les RPI peuvent être éliminés du discours, ou remplacés par une autre sorte de confirmation (oui, d’accord, bon etc.) sans altérer le sens du dialogue
les RPI transportent une information au contenu sémantique autonome.
08- (h) alors un aller r’tour : e en deuxième classe Paris Libourne, et : le prix est de quat (re)cent trente-huit francs CIO – alors quat (re)cent : trente-huit francs (SNCF, 1-13)
Les reprises liées à des réponses
41Critères :
phrase de base : interrogative
phrase de reprise : assertive
distance entre les éléments : réduite
reprise des éléments linguistiques et/ou de l’élément informatif
elles ont un rôle d’enchaînement interlocutionnel
2 types de questions possibles
421) les questions sont posées selon la norme en vigueur à l’écrit c’et-à-dire par la présence d’un pronom interrogatif ou par inversion du sujet (elles portent alors sur une interrogation totale)
017 – e : c’est pour quel jour que vous voulez rev’nir ?
C15 – e : pour revenir : e : / le même jour (SNCF, 1-6)
432) les questions posées en dehors de la norme écrite portent sur une alternative
44en « ou ».
011 – départ Paris gare de Lyon quatorze heures arrivée alors e Lyon : part-dieu ou lyon perrache ?
C10 – Lyon part-dieu (SNCF, 1-21)
Les reprises insérées dans les questions complémentaires
45Critères :
phrase de base : assertive
phrase de reprise : interrogative
distance entre les éléments : proche ou très éloignée
type de propos repris : propos informatif
les éléments peuvent être pronominalisés, sous entendus mais jamais totalement éliminés de la phrase sous peine d’attenter au sens de celle-ci (ellipses, anaphores)
025 – donc çaf rait cent quatre°-vingt-quatorze plus cent vingt et un, normal ment
C25 – pourquoi cent vingt et un ? (SNCF, 1-29)
Les reprises argumentatives
46Il faut remarquer l’absence quasi-totale des reprises argumentatives dans ces corpus alors qu’elles constituent la plus grande partie des reprises dans l’oral du débat, [cf. M. A. MOREL 1985)
06- (h) ah Dreux ou Nonancourt
C7 – oui mais sans chang’ ment hein, pour Nonancourt (SNCF, 1-3)
Les reprises de propos informatif très éloignées
47Elles apportent une information qui a été prononcée par l’interlocuteur plusieurs échanges auparavant.
48Elles témoignent de l’enregistrement différé d’une information.
08 – Vers dix-huit heures (h) alors vous avez un train à : : , dix-huit heures cinquante
C7 – oui
C9 – départ Paris gare de Lyon
C8- oui
010 – arrivée Dôle-ville à vingt et une heures quarante-sept
C9 – « vingt et une heures »/ sans chang’ment alors § par le TGV §§
011- §-non sans chang’ment §§
C10 – dix-huit heures § cinquante §§ (SNCF, 1-20)
3.2. La répartition des reprises selon les trois phases et les expérimentations
3.2.1. Les bases de répartition
49Corpus SNCF : pour établir nos calculs, nous avons relevé l’ensemble des reprises effectuées par le correspondant en phases 2 et 3 et les cent premières communications en phase 1. Elles portent toutes sur des demandes de renseignement horaires ou/et de prix.
50Phase I : communications numérotées de 1 à41 moins celles notées 7,10, 11,12,14,15,18,20,22,23,25,26,27,31,32,34. (Elles ont été exclues car elles n’abordent pas exclusivement les deux sujets retenus pour notre étude : demandes de renseignements horaires ou/et de prix).
51Corpus CIO : les relevés sont établis à partir d’un échantillon de vingt pages manuscrites environ pour chaque phase. Les reprises étudiées sont celles du correspondant (étudiant) uniquement
3.2.2. La répartition des reprises dans le corpus SNCF (se référer au tableau ci-contre)
52L’opposition est nette entre dialogue Homme-Homme et dialogue Homme-Machine. Les deux dernières phases (2 et 3) sont épurées de reprises, mais aussi de confirmations etc. ; soit de presque tous les éléments phatiques qui ponctuent le dialogue finalisé spontané. La longueur des communications s’en ressent. (En phase 3 les communications sont un peu plus étoffées en raison des demandes de reformulation) mais surtout le nombre de reprises par page diminue considérablement en phase Homme-Machine. Celle-ci, après chaque information pose une question au correspondant : « Ce train vous convient-il ? », « Ce renseignement vous satisfait-il ? » etc. qui l’empêche d’effectuer spontanément des reprises.
CORPUS S.N.C.F.

CORPUS C.I. O,

53La distribution des reprises par phases prend en compte ce phénomène, diminuant considérablement les RPI et utilisant des RR et des RQ en dialogue Homme-Machine.
54Les autres types de reprises sont marginaux ; le fait qu’il n’y ait aucun RA en phase 3 marque l’inhibition des correspondants face à une machine qui leur impose des contraintes de production. D’autre part, dans l’ensemble des 3 phases les reprises très éloignées (TE) sont rares. Au nombre de RPI (TE) il faut tout de même ajouter un certain nombre de RQ, assez souvent éloignées de leur phrase de base. La distance entre elles deux allant croissant de la phase 1 à la phase 3. La reprise permet alors de restituer le dialogue de manière précise plutôt que d’utiliser des anaphores ou des ellipses (qui sont toujours proches de leur phrase de base de façon à être correctement interprétées).
3.2 3. La répartition des reprises dans le corpus CIO. (Se référer au tableau ci-contre)
55Il faut essentiellement noter dans l’étude de ce corpus l’étonnante stabilité d’une phase à l’autre du nombre de reprises par page, à comparer avec l’écart existant dans le corpus SNCF. Ceci est dû à la nature de chaque dialogue.
SNCF | : dialogue finalisé type demande de renseignements |
CIO | : dialogue finalisé type demande d’informations |
56L’ensemble des satellites est beaucoup moins important et de nature différente dans le corpus CIO.
57Par contre, nous retrouvons, de façon accentuée, l’écart entre les dialogues Homme-Homme et Homme-Machine pour lesquels deux types de reprises sont à considérer : les RPI en Homme-Homme et les RQ en Homme-Machine.
58L’unité Q/R est si brève en phase 3 que les RPI (TE) ne sont pas employées. Le peu d’utilisation des RQ en phase 1 est due à l’emploi massif, en dialogue spontané, d’anaphores et d’ellipses. On retrouve d’ailleurs ce phénomène dans le corpus SNCF. L’absence quasi-totale de RR marque le manque de questions posées par la machine à l’étudiant, en raison de l’impossibilité de trouver les paramètres manquants dans l’élaboration de la requête. Quelle que soit la phrase considérée, personne n’utilise de RA : l’information n’est pas attendue dans des termes précis, il n’est donc pas utile de prendre position, sauf en de très rares cas :
E-]...] c’est un scandale ! (CIO, 1.1).
3.3. Le rôle de l’importance des reprises dans un dialogue finalisé
59L’importance des RPI est primordiale dans un dialogue finalisé type demande de renseignements (exemple : corpus CIO). En fait plus le dialogue a une finalité précise, plus le nombre des RPI augmente. Une étude des dialogues finalisés effectuée dans un centre de renseignements téléphoniques des PTT, comporterait un très grand nombre de RPI et une très grande interactivité.
60En effet les RPI permettent, plus précisément que les simples confirmations, de rassurer son interlocuteur sur le bon enregistement de ses propos, et de s’assurer soi-même de la bonne écoute de l’information. Il permet ainsi à son interlocuteur de poursuivre son discours dans des conditions de sécurité optimales en matière d’information transmise.
61D’autre part, elles mettent en valeur les éléments clefs du dialogue : les propos informatifs essentiels à l’accomplissement de la tâche (exemple pour le corpus SNCF : les horaires, les prix, les numéros de train).
62Les autres reprises sont également (notamment RQ) des gages de la bonne circulation des informations d’un locuteur à l’autre, mais de façon moins explicite que les RPI. Elles marquent un désengagement du locuteur dans le dialogue, au cours duquel il n’est pas nécessaire de thématiser les éléments informatifs clefs.
4. Conclusion
63L’élaboration d’un système de communication Homme-Machine impose la prise en compte des RPI et des autres reprises dans les dialogues hautement finalisés.
64Il apparaît, au vu des corpus SNCF et CIO, que les questions posées par la machine après les séquences informatives entravent le déroulement spontané du dialogue. Elles empêchent le correspondant d’effectuer, au mieux une reprise, au pire une confirmation. D’autre part la formulation des requêtes n’est pas accompagnée par la machine d’éléments de confirmation (en raison du protocole qui stipule que le correspondant doit avoir l’initiative dans le dialogue). En omettant de rassurer son interlocuteur, au début même du dialogue, le compère, simulant la machine, tend à créer un dialogue sans interactivité dans lequel le correspondant se sent peu à son aise.
65Le type de canal utilisé : le téléphone, n’est pas sans incidence sur le nombre de RPI recueillies. On peut raisonnablement estimer qu’il est un facteur d’amplification du nombre de reprises, et notamment des RPI, en comparaison avec une situation in visu. Dans celle-ci en effet, les confirmations et peut-être les reprises elles-mêmes seraient compensées par des marques visibles pour l’interlocuteur.
66L’étude de ces comportements permettrait de mettre à jour les caractéristiques des différents dialogues finalisés par téléphone dans leurs écarts avec des situations ordinaires et par là même élaborer des systèmes de communication Homme-Machine qui ne se bornent pas exclusivement au dialogue de type : demande de renseignements.
67L’utilisation du canal audio-visuel dans la reconnaissance, non plus seulement du signal sonore, mais du comportement langagier d’une personne, ouvrirait des perspectives tant pour l’étude du dialogue Homme-Homme que du dialogue Homme-Machine.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
C | : confirmation |
C | : correspondant |
E | : étudiant(e) |
M | : machine |
0 | : opératrice |
Q | : question |
q | : question complémentaire |
R | : réponse |
r | : réponse à question complémentaire |
RA | : reprise argumentative |
RPI | : reprise de propos informatif |
RPI (TE) | : reprise de propos informatif très éloignée |
RQ | : reprise insérée dans une question complémentaire |
RR | : reprise liée à une réponse |
Notes de bas de page
1 L’analyse consacrée au corpus SNCF se trouve dans l’ouvrage remis au GRECO en 1985 et publié par le Centre de Publication de Paris III en 1988.
Auteur
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2004
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Analyses linguistiques de discours de vulgarisation
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1999
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2013
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