Liberalisme et conservatisme dans la pensée d’Alberdi
p. 236-254
Texte intégral
1Il est important de rappeler les précautions à prendre lorsque nous parlons de l’idéologie des acteurs politiques du XIXe siècle latino-américain. Les termes « libéral » et « conservateur » correspondent rarement à une description précise des principes qui régissent leurs actions. D’une part, certains secteurs de la pensée de l’époque se caractérisent plus par l’éclectisme et la fusion d’idéologies que par une prise de position absolue. D’autre part, les exigences du processus de construction institutionnelle du milieu du XIXe siècle placent constamment ces acteurs face à un dilemme : construire une autorité tout en limitant son pouvoir selon les principes libéraux de l’époque. Certains combinent des éléments théoriques hétérogènes, voire contradictoires, afin de servir une pratique politique concrète1. C’est précisément l’éclectisme d’Alberdi qui a permis diverses « appropriations » idéologiques de son œuvre tout au long de l’histoire, comme le montrent bien les articles d’Horacio Tarcus et d’Eduardo Jozami.
2Nous tenterons de dégager les « substrats » de pensée conservatrice et de pensée libérale chez Alberdi, et de comprendre les tensions provoquées par leur cohabitation dans deux domaines : la Constitution conçue comme instrument de protection des droits individuels, mais surtout de construction de l’autorité politique, processus qui établit un programme pour l’avenir, tout en tenant compte d’un héritage historique particulier ; et la défense du libéralisme économique, qui élève le savoir pratique au rang de véritable moteur du développement social, contre la tradition du savoir lettré et du prestige politique ou militaire. Cette défense de l’action spontanée du savoir pratique est cependant affaiblie par la justification des facultés extraordinaires du pouvoir exécutif comme instrument de réforme économique. Cette tension entre la défense des libertés individuelles et la construction parallèle d’instruments d’autorité politique caractérise l’ensemble de l’œuvre d’Alberdi.
Une Constitution provisoire : liberté et autorité dans la république possible2
3Dans les Bases, de 1852, Alberdi explique le pragmatisme avec lequel il appréhende la rédaction d’un modèle Constitutionnel pour l’organisation de l’Argentine après la chute de Rosas. Cette Constitution « provisoire » doit répondre aux exigences du moment sans nécessairement incarner de modèle universel. Comme un architecte participant à l’« œuvre interminable » de la construction politique, il peut installer les échafaudages d’une certaine façon aujourd’hui, et les déplacer demain selon les besoins du contexte. Cette approche pragmatique est difficilement compatible avec l’idée conservatrice d’une « Constitution historique » en tant qu’accumulation d’une sagesse transcendant le raisonnement politique circonstanciel3.
4La Constitution est le programme d’une nouvelle politique destinée à favoriser l’industrie, le peuplement et l’introduction de nouvelles habitudes de travail et de comportement civique afin de remplacer les enthousiasmes guerriers et archaïques des dernières décennies. Les immigrants européens sont appelés à peupler et à transformer matériellement et culturellement le territoire argentin. L’esprit de cette Constitution est de leur offrir un cadre de liberté civile et des garanties susceptibles de les attirer. Alberdi appelle, dans Sistema económico y rentístico de la Confederación Argentina, de 1854, à abolir radicalement tout héritage législatif colonial afin de le remplacer par de nouvelles lois plus adaptées à l’esprit de la nouvelle Constitution, ce qui dénote une vision très peu conservatrice4.
5Toutes ces transformations matérielles et culturelles ne peuvent cependant remplir leurs fonctions qu’à condition que le cadre institutionnel instable engendré par des décennies de guerre civile et d’insurrection ne disparaisse. La construction d’une autorité nationale forte est la condition nécessaire pour mettre fin au « Moyen Âge » ou « féodalisme » des caudillos qui fait obstacle au progrès. Quelle forme institutionnelle doit prendre cette autorité nationale ? « Le bel exemple du Brésil », affirme Alberdi, n’est pas viable au Río de la Plata, où il est impossible de songer à une monarchie pour garantir la stabilité institutionnelle. L’exemple le plus proche est à l’époque le Chili, sa république « portalienne » et sa Constitution de 1833. Le régime politique établi par Diego Portales incarne, selon Alberdi, les paroles attribuées à Simon Bolívar : les États de l’Amérique hispanique ont besoin de dirigeants appelés présidents mais ayant le pouvoir des rois. La concentration des pouvoirs dans l’exécutif national selon le modèle de la Constitution chilienne permet de préserver, dans le nouveau cadre républicain, l’ordre et la stabilité du principe monarchique.
6Ce choix ne se fonde pas seulement sur les exigences de transformation matérielle du pays, il s’agit aussi de la reconnaissance de l’héritage historique du passé colonial et de la dictature de Rosas ; Alberdi le décrit comme l’articulation de « la tradition du passé » et de « la chaîne de la vie moderne ». Nous pouvons ici trouver une trace du penchant conservateur de la pensée d’Alberdi :
« La république ne peut prendre d’autres formes quand elle succède directement à la monarchie ; le nouveau régime doit nécessairement contenir quelques éléments de l’ancien ; on ne peut passer directement d’un âge du peuple à l’autre.5 »
7C’est donc dans l’exemple chilien que se forge la première approche conservatrice selon laquelle le maintien de l’ordre est fondé sur la continuité historique des modes de concentration de l’autorité, dans un mouvement allant d’une monarchie dépassée par les circonstances historiques aux nouvelles formes de république constitutionnelle. Les personnages qui inspirent Alberdi sur ce versant conservateur au milieu du XIXe siècle sont Mariano Egaña et le général Bulnes, et non pas Bonald et De Maistre6.
8L’idée selon laquelle la loi est le produit de l’évolution historique de la société est présente dans l’œuvre d’Alberdi dès ses débuts, lorsqu’il est sous l’influence de l’école du droit allemand dirigée par Savigny, à travers sa lecture de Lerminier. Dans Fragmento Preliminar al Estudio del Derecho (1837), Alberdi reconnaît :
« J’ai ouvert Lerminier et ses pages brûlantes ont transformé ma pensée comme le livre de Savigny transforma les siennes. Je ne conçois plus le droit comme une suite de lois écrites. J’ai découvert qu’il s’agissait de la loi morale du développement harmonieux des êtres sociaux, la Constitution même de la société... »
9Cependant, Alberdi est aussi l’héritier de la génération révolutionnaire et il n’est pas question pour lui de se contenter du résultat de l’évolution historique. La loi a toujours conservé pour Alberdi son rôle transformateur, ce qui est d’ailleurs une source de tension dans sa pensée7.
10Dans le projet institutionnel alberdien, où son souci du maintien de l’ordre et de l’autorité doit trouver un prolongement juridique, la limitation du droit de vote à un secteur restreint de la population occupe un rôle central. On peut difficilement qualifier cette position de conservatrice, étant donné que de nombreux libéraux du XIXe siècle soutenaient des systèmes électoraux restrictifs8.
11Dans les Bases, Alberdi ne s’arrête sur la « question électorale » que dans quelques paragraphes. « Sans une importante modification du système électoral de la République argentine », affirme-t-il, « il faudra renoncer à l’espoir d’obtenir un gouvernement digne de l’œuvre du suffrage ». Il est remarquable qu’au milieu du XIXe siècle, Alberdi ne soit pas soucieux des dangers que l’expansion du suffrage pouvait engendrer à l’avenir, mais qu’il se désole des conséquences des erreurs passées qui exigeaient une « importante modification » du système électoral en vigueur. Alberdi pense à la façon dont le régime de Rosas s’est appuyé sur la loi électorale votée en 1821 par le gouvernement libéral de Rivadavia. Cette première génération de libéraux a, selon Alberdi, oublié « que la prudence exige de tenir compte des conditions d’éducation et de bien-être matériel pour garantir un suffrage pur et juste », et a installé un suffrage trop large mettant en danger la durabilité des nouvelles institutions.
12Avec le même pragmatisme qui a présidé à la fusion des principes centristes et fédéralistes dans son projet de Constitution, Alberdi suggère une solution modérée à cette expansion du droit de vote, à travers le retour au vote indirect qu’avait supprimé la loi de 1821 :
« Pour éviter les inconvénients d’une brusque suppression des droits dont dispose la masse, il est possible d’utiliser un système de vote double et triple, c’est le meilleur moyen de purifier le suffrage universel sans le diminuer ni le supprimer, et de préparer les masses à l’exercice futur du suffrage direct. »
13Dans Elementos del Derecho Público Provincial Argentino, écrit en 1854, sa critique du suffrage élargi est encore plus explicite :
« Le système électoral est le fondement du gouvernement représentatif. Voter signifie savoir distinguer et délibérer. L’ignorance ne distingue pas, elle cherche un orateur et choisit un tyran. La misère ne délibère pas, elle se vend. Retirer le vote des mains de l’ignorance et de l’indigence, c’est garantir la pureté et la réussite de son exercice. »
14Dans une profession de foi libérale, il finit par souligner la priorité des objets et de l’étendue du pouvoir des institutions politiques sur les mécanismes de vote des titulaires :
« Législature ou conseil d’administration, gouverneur ou junte économique, les titres n’ont pas d’importance. Les objets et l’étendue du pouvoir, voilà ce qui compte. »
15Alberdi invite ainsi à se concentrer sur les avantages de la « république possible », celle dans laquelle les libertés civiles et économiques engendrent un processus de transformation sociale, qui entraîne l’avènement de la « république véritable » :
« heureusement, la république, si féconde dans ses formes, reconnaît plusieurs degrés et se prête à toutes les exigences de l’âge et de l’espace. Savoir l’adapter à notre âge, c’est là tout l’art de nous constituer. »
16Les principes de la nouvelle Constitution joueront un rôle fondamental dans le destin du projet républicain :
« Le succès du système républicain dans un pays comme le nôtre repose sur le système électoral. »
17Pendant la transition de la « république possible » à la « république véritable », ce système combine tous les filtres et les restrictions nécessaires à la stabilité de l’autorité.
18Des années plus tard, la défaite de la Confédération face aux forces de Buenos Aires à la bataille de Pavón (1861) instaure un paysage politique très différent. Le projet institutionnel prend alors la forme d’un fédéralisme encore plus décentralisé en raison de la réforme constitutionnelle engagée par Buenos Aires. Alberdi accentue à cette occasion ses critiques contre l’ascension politique de Buenos Aires au sein de l’organisation nationale et contre l’affaiblissement des mécanismes de contrôle du gouvernement national vis-à-vis des gouvernements provinciaux. Dans un texte écrit en 1862, il dénonce la « cohabitation » du gouvernement de la province de Buenos Aires et du gouvernement national dans la ville de Buenos Aires, « les deux causes principales de l’anarchie ». Dans ce processus, affirme Alberdi, « les gouvernants sont plus l’instrument que la cause », instruments des deux forces historiques qui luttent pour contrôler les ressources du port. L’instabilité politique, les guerres civiles et l’anarchie perpétuelle ne sont dues, ni à la race, ni à la république, mais plutôt à la faiblesse structurelle et institutionnelle du gouvernement national, qui ne parvient pas à imposer son autorité sur tout le territoire9. Dans une lettre à son ami Juan María Gutiérrez, recteur de l’université de Buenos Aires sous le gouvernement de Mitre, Alberdi se réjouit de savoir que son texte a reçu un bon accueil dans La Nación, le journal de Mitre, et interprète cela comme le signe d’un accord sur la nécessité de résoudre la question de la ville de Buenos Aires en tant que capitale fédérale10.
19Le contexte international devient au même moment une source d’inspiration pour ses arguments en faveur de la centralisation du gouvernement national. D’un côté, la guerre de Sécession aux États-Unis, où l’on assistait, non pas à l’affrontement des forces de la centralisation et de celles de la décentralisation, mais au contraire à l’affrontement de deux États très centralisés. D’un autre côté, l’incursion de Napoléon III au Mexique, perçue comme le profit que tirait un pouvoir politique centralisé de la faiblesse engendrée par le fédéralisme en Amérique du Sud. Dans une autre lettre à Juan María Gutiérrez, écrite en octobre 1862, Alberdi souligne :
« V. n’a cessé d’être attentif aux événements qui ont lieu au Mexique et aux États- Unis. Le destin du Nouveau Monde dans son ensemble est en jeu là-bas. Ces deux questions sont étroitement liées malgré les apparences. Le démembrement des États-Unis fait partie de la politique européenne au Mexique, il sert à garantir la stabilité du nouvel ordre en train de s’y établir. Le démantèlement de la grande république semble inévitable [..…] Le centralisme, le pouvoir unitaire, est vécu par tous comme une nécessité. Il en est de même ici au sud. Si la république se divise, V. aura deux états unitaires indépendants ; dans le cas contraire, la fédération des 36 États unis sera transformée en un vaste état unitaire.11 »
20Alberdi réfléchit alors très clairement à la possibilité d’un régime « quasi monarchique », et imagine, avec certaines hésitations, un nouveau changement pour les jeunes nations. Il propose de s’aligner sur « un gouvernement à l’européenne », une formule associant centralisation politique et inamovibilité de l’exécutif, instauré grâce à l’intervention européenne dans une « assemblée des deux mondes » convoquée afin d’assurer la stabilité politique des nations américaines :
« Qu’est-ce que le gouvernement à l’européenne ? Ce n’est pas exactement une monarchie, mais une centralisation et une inamovibilité, c’est-à-dire que ces conditions sont associées à la république à travers la monarchie […] Il faut faire de la république, une monarchie sans roi et sans dynastie. […] À quoi se réduit cette transformation ? […] À la façon de décider et d’être du pouvoir exécutif sur quoi repose le secret de la liberté, et non pas à ses attributions et pouvoirs. Cette variation a pour objectif de trouver la paix et l’ordre et de les associer à la liberté. Le chef suprême de l’État ne sera pas élu périodiquement mais une fois pour toutes. Son pouvoir est héréditaire selon la loi de la nation, et dans l’ordre déterminé par la nation. Sa durabilité n’implique que la durabilité de l’ordre. »
21Ses brouillons, commencés en 1863, se terminent par une note datée de 1867, probablement inspirée par la restauration de la république au Mexique et la fin tragique de l’empereur Maximilien. Alberdi y affirme avoir abandonné ses postulats étant donné « les expériences réalisées dans les deux Amériques »12.
22L’isolement politique prolongé d’Alberdi, durant la décennie suivante, va le convaincre des conséquences dangereuses de la concentration du pouvoir politique pour les opposants. Alberdi fait alors l’expérience « du peu de garanties de sécurité sur lequel on peut compter lorsqu’on déplaît au pouvoir »13. Les retards de paiement de ses honoraires de diplomate de la Confédération en Europe, l’annulation de ses fonctions ainsi que la peur pour sa vie et son intégrité physique, le marqueront beaucoup et le réduiront à rester « enveloppé dans une atmosphère d’inquiétude et de timidité permanente », selon les observations que fit Lucio V. Mansilla après l’avoir personnellement rencontré à Paris14. Alberdi retrouve alors son attachement à une liberté conçue comme sécurité personnelle et, se fondant sur Montesquieu, il rappelle qu’« être libre signifie être certain que sa personne, sa vie, ses biens ne seront pas attaqués en raison d’opinions qui déplaisent au gouvernement ». En Argentine, les différents régimes politiques avaient eu, sur ce point, la même attitude :
« La raison qui m’éloigne de mon pays et de son régime dit libéral est la même qui m’a poussé à le quitter lorsqu’il était soumis à un gouvernement tyrannique : le peu de sécurité personnelle dont jouit celui qui déplaît au pouvoir. »
23Cependant cette expérience n’entama pas sa volonté de concilier l’ordre et les idéaux de liberté en Argentine et jusqu’à la fin de sa carrière politique, il resta convaincu que c’était possible. Au début des années 1880, la défaite des milices de Buenos Aires face aux troupes nationales, la fédéralisation de la ville de Buenos Aires et l’élection présidentielle du général Roca furent le cadre de la publication de ses deux dernières œuvres : La omnipotencia del estado es la negación de la libertad individual, et La República Argentina consolidada con la ciudad de Buenos Aires como Capital.
24Dans La omnipotencia del estado es la negación de la libertad individual, où l’on devine l’influence de Benjamin Constant et de Fustel de Coulanges, on trouve une critique féroce de l’ancienne conception de la liberté, accusée d’entraver l’avènement de la liberté des modernes :
« La patrie comme la concevaient les Grecs et les Romains était essentiellement opposée à l’idée que nous en avons aujourd’hui […] La patrie est libre dans la mesure où elle ne dépend pas de l’étranger ; mais un individu n’est pas libre quand il dépend de l’État de façon absolue et universelle. »
25Sa défense de la liberté individuelle comme axe du système politique moderne semble contredire certaines des affirmations de La República Argentina consolidada con la ciudad de Buenos Aires como Capital, pourtant publié la même année. Alberdi, témoin du conflit engendré par le projet de fédéralisation qu’il défendait, y concentre à nouveau ses propos sur l’ordre et la sécurité comme valeurs fondamentales. Examinant la nécessité de réguler la presse pendant le conflit, Alberdi reconnaît que cette régulation limite la liberté d’expression, et la justifie :
« Nous nous trouvons dans le cas du voile dont parle Montesquieu, qui doit parfois couvrir la statue de la liberté pour la sauver du fléau de la guerre civile ou même de la débauche qui pourrait la tuer. »
26Il n’évoque pas les conséquences dangereuses que ce régime d’exception pourrait par la suite faire peser sur la liberté, probablement parce qu’Alberdi a une obsession : le gouvernement national doit contrôler définitivement Buenos Aires, la rebelle15.
Libéralisme économique et formes du savoir social
27Alberdi est donc soucieux de préserver l’ordre et la stabilité politique pour favoriser le progrès, et s’il insiste sur la construction d’un pouvoir politique fort et sur la centralisation du régime fédéral argentin comme conditions nécessaires à celui-ci, il donne aussi une grande importance au libéralisme économique. Aussi bien dans Bases (1852) que dans Sistema económico y rentístico de la Confederación Argentina según la Constitución de 1853 (1854), il reste dans la même ligne. La prospérité du pays sera « l’œuvre spontanée des choses et non une création officielle ». Ce que les gouvernements ont de mieux à faire en matière d’économie est « ne pas gêner, laisser faire ». La prudence invite à se méfier « des gouvernements qui décrètent beaucoup comme des médecins qui prescrivent beaucoup ». Adam Smith et Jean-Baptiste Say sont souvent cités dans les écrits annexes à l’adoption de la Constitution de 1853 :
« La doctrine économique de la Constitution argentine appartient à l’école de la liberté économique, il ne faut pas aller chercher ailleurs des commentaires ou des secours pour l’adoption du droit organique de cette Constitution.16 »
28Plus tard, il défend le libéralisme économique, affirmant que le libreéchange est l’antidote aux passions militaires qui dominent en Amérique du Sud depuis l’Indépendance. Ainsi, dans son écrit sur « la guerre ou le césarisme du Nouveau Monde », ajouté au texte El crimen de la guerra (1870), il reprend les arguments proposés par Benjamin Constant sur les vertus pacificatrices du commerce, soutenant que le chemin le plus sûr vers la paix consiste à rendre les nations dépendantes les unes des autres pour leur « subsistance, leur confort et leur grandeur ». Cette interdépendance n’éloigne pas seulement les risques de guerre en la rendant contraire aux intérêts de tous, elle fait de l’ensemble des nations « une sorte de nation universelle, en unifiant et en renforçant leurs intérêts ». Le corollaire de cette position est une condamnation sévère des mouvements protectionnistes :
« L’industrie qui exige de son gouvernement une protection contre l’industrie d’une autre nation qui la menace de sa seule supériorité, demande au gouvernement de jouer un rôle qui n’est pas le sien et fait preuve d’une lâcheté honteuse. »
29Le gouvernement n’a pas été institué au bénéfice d’un certain groupe « mais plutôt pour le bien de l’État dans son ensemble […] C’est le gardien des lois qui protègent le droit de chacun de jouir d’une vie bon marché, plus précieux que le droit de produire et de vendre cher17 ».
30La défense du libéralisme classique et des limites que celui-ci assigne à l’intervention du gouvernement dans la vie des particuliers réapparaitra dans les commentaires critiques du projet de code civil élaboré par Dalmacio Vélez Sarsfield sur plusieurs années et adopté en 1869. Alberdi avait déjà souligné dans Sistema Económico y Rentístico de 1854 qu’il préférait des « lois partielles » à un code pour remplacer l’ancienne législation coloniale par de nouvelles normes en accord avec l’esprit libéral de la nouvelle Constitution. Il continue dans ce texte de pencher du côté de Lerminier et de Savigny dans la polémique qui a opposé ce dernier à Thibaut, et défend « une méthode de réforme législative par des lois isolées ou partielles, car guidée par l’expérience, qui donne les lois normales que doit copier fidèlement toute assemblée prudente et sensée18 ». Alberdi ajoute à cette critique, fondée sur une certaine philosophie du droit, des arguments concernant une réglementation excessive (« la profusion législative ») que le nouveau code prétend produire avec plus de 4 000 articles, et qui est contraire à l’esprit libéral de la Constitution :
« De toutes les abondances et les profusions de ce monde, que Dieu protège mon pays de la profusion législative : la seule richesse qui effraie la liberté et surtout la richesse elle-même. […] Un code épais est un mausolée élevé à la mémoire de la défunte liberté. »
31Une deuxième série de critiques porte sur l’incompatibilité d’une Constitution libérale républicaine et d’un code fondé sur des précédents impériaux (Vélez s’était servi de l’œuvre de Freitas, juriste de l’empire brésilien).
« Les lois d’une monarchie ne peuvent convenir à une république pour tout ce qui concerne l’autorité parentale [...], le système héréditaire, la Constitution de la famille démocratique et républicaine. La mère de famille brésilienne, le foyer domestique basé sur le service, le rejeton d’un empire, l’hidalgo aristocratique et privilégié par la législation monarchique du Brésil sont-ils des exemples pour les mères argentines, les familles argentines et les citoyens de la démocratie argentine ? »
32Alberdi défend « la famille démocratique et républicaine » en soulignant l’importance des institutions de la société civile face à l’État : si la famille n’est pas démocratique, soutient-il, l’État ne le sera jamais. Une famille démocratique implique l’égalité des droits de propriété, d’héritage et de liberté pour tous les membres de la famille, principe qui peut être dénaturé par l’introduction de normes civiles propres aux sociétés aristocratiques. Il ajoute qu’en n’adoptant pas des normes de nationalité et de liberté religieuse plus larges, le code met en danger les incitations à l’immigration mises en place par la Constitution ; le refus principalement visé est celui de « séculariser le contrat de mariage […], de donner au pouvoir civil la faculté exclusive de valider l’état civil des personnes19 ».
33Enfin, dans un écrit de 1871, Alberdi reproche une nouvelle fois au code civil sa réglementation excessive (c’est le code le plus long du monde), avec une nouvelle arme, la sociologie évolutionniste de Herbert Spencer, qu’il cite à plusieurs reprises :
« Si les réformes civiles effectuées au Plata étaient fondées sur la sociologie, l’idée d’un code, c’est-à-dire de la ratification de 4028 articles de loi, ne serait venue à l’esprit d’aucun de ses auteurs ou promoteurs. Étant donné que la société et sa loi sont le produit d’une évolution naturelle, comme tout organisme vivant, qu’il soit individuel ou social, un code doit se contenter d’être le résumé de la vie d’une société ; il ne peut être le programme de son avenir indéfini et indéfinissable. […] Doter une société de toute sa législation quand elle ne fait que commencer à exister et que ni le nom de sociologie ni celui de sciences de la société ne sont connus, consiste à commettre l’américanisme le plus naïf et le plus ridicule dont est capable la comédie du gouvernement libre.20 »
34Outre la liberté économique et la limitation des interventions de l’État dans la vie économique, Alberdi défend un troisième pilier de la pensée libérale : celui qui met l’accent, comme dit Ezequiel Gallo, sur « la capacité créatrice de l’homme du commun » au détriment des « experts » et de leurs prétentions à faire autorité sur la société grâce au monopole de la connaissance scientifique et technique21.
35Dans les Bases de 1852 (chap. XI, « l’éducation n’est pas l’instruction »), Alberdi fait part de sa méfiance envers l’éducation formelle 248 aussi bien au niveau primaire (ce qui entrainera les polémiques avec Sarmiento) qu’universitaire :
« Dans nos républiques, l’instruction supérieure fut aussi stérile et inadaptée à nos besoins [que l’instruction primaire]. Que sont nos instituts et nos universités si ce n’est des usines de charlatanisme, d’oisiveté, de démagogie et de prétention diplômée ? […] Pour que l’instruction soit féconde elle doit se concentrer sur les sciences et les arts appliqués, sur les choses pratiques, les langues vivantes et les connaissances d’utilité matérielle immédiate. »
36Sa confiance dans les bienfaits civilisateurs du commerce et de l’industrie, et sa position critique à l’égard de la glorification des élites politiques et de l’héroïsme militaire caractéristiques de la culture politique hispano-américaine de la première moitié du XIXe siècle, sont des constantes dans l’œuvre d’Alberdi, et il affirma toujours que les nouvelles nations devaient adopter un modèle éducatif qui accompagnât ce changement.
37On retrouve en 1876, dans sa biographie de l’homme d’affaires américain William Wheelwright, édificateur de chemins de fer dans plusieurs pays latino-américains, l’idée que le commerce et l’industrie sont les véritables moteurs de la transformation des nations hispano-américaines :
« Quand l’histoire américaine écrira dans ses annales ce qui compte réellement à l’échelle d’une société, la guerre et les guerriers, la politique et les politiciens laisseront le pouvoir qu’ils monopolisent aujourd’hui à l’industrie et aux industriels, aux commerçants et au commerce, qui sont les authentiques représentants du bien public moderne. »
38La présence d’hommes comme Wheelwright en Amérique incarne la bonne influence que peut avoir la race anglo-saxonne sur la race latine. Wheelwright est « le genre d’homme dont l’Amérique du Sud a besoin » si elle veut connaître les mêmes progrès que la société nord-américaine. Le héros de la paix qui incarne le progrès « parce qu’il représente la vapeur et l’électricité, forces vouées au service de l’homme.22 »
39Dans Estudios económicos, écrit en 1876 mais publié dans ses œuvres posthumes, Alberdi affirme à nouveau que le travail « pratique » contribue bien plus à la transformation économique et culturelle du pays que celui des hommes de lettres. Ce qui débouche logiquement sur une critique sévère de l’éducation universitaire d’inspiration « littéraire » en Amérique du Sud :
« Les seuls produits typiquement nationaux des universités d’Amérique du Sud sont le docteur en droit et l’avocat […] Ici la science est étouffée par la littérature. L’activité intellectuelle ressemble à celle d’une école de rhétorique. »
40Ce constat de la prédominance des lettres sur les sciences dans l’éducation supérieure dépasse le simple avertissement des problèmes que le manque de scientifiques engendrera pour le développement économique des nouvelles nations ; il atteint à une analyse socioculturelle des conséquences de la primauté « des hommes lettrés » et de leur expression classique, la « littérature historique, la politique militante, la poésie, le théâtre, la presse, le conte, la jurisprudence, la théologie, en un mot les sciences morales » :
« La science apaise, la littérature exalte. La science est la lumière, la raison, la pensée froide, et la réflexion. La littérature est l’illusion, le mystère, la fiction, la passion, l’éloquence, l’harmonie, l’ivresse de l’âme : l’enthousiasme. […] Les conséquences sociales de cette orientation de la culture intellectuelle sont l’exaltation et l’enthousiasme des esprits, l’exagération, la vanité et l’orgueil, ce qui a généralement pour conséquence que les hommes publics s’occupant de lettres, de politique, de presse et des affaires du gouvernement n’acceptent pas la critique et la contradiction. »
41En dernière instance, la survalorisation de l’éducation formelle des « hommes lettrés » (catégorie dans laquelle s’inscrivent non seulement les hommes de lettres mais aussi les journalistes, les avocats, les juristes, et les politiciens en général) participe à la réapparition des passions et des enthousiasmes que l’industrie et le doux commerce doivent apaiser. La rhétorique des hommes politiques latino-américains est l’expression parfaite de ces dangers, imbue de ces « enthousiasmes » littéraires, elle glisse rapidement vers les « enthousiasmes politiques » :
« La vanité de nos demi-savants a engendré plus de mal que la brutalité de nos tyrans ignorants. Le simple bon sens de nos hommes pratiques est une meilleure règle pour gouverner que les pédantes réminiscences de Grèce ou de Rome. […] La politique du bon sens exige que les discours et les actes du gouvernement soient sérieux et simples.23 »
42Considérer le savoir pratique des travailleurs comme l’élément vital du développement de l’économie et de la civilisation en général amène Alberdi à contredire la formule que Sarmiento a défendue dans Facundo (1845) concernant le rôle des campagnes et des villes comme berceaux respectifs de la barbarie et de la civilisation. Dans la polémique de 1853 avec Sarmiento, Alberdi contredit tout d’abord l’interprétation sur les origines historiques de la barbarie dans le Río de la Plata : Sarmiento se trompe en situant le Moyen Âge et l’ancien régime espagnol dans les campagnes, et le XIXe siècle et la modernité dans les villes. Aussi bien la colonie que la révolution se sont implantées dans les champs et dans les villes, et établir des « antipathies artificielles » entre des secteurs qui se complètent et ont besoin les uns des autres est une façon d’attiser l’anarchie ambiante. Plus encore, « une politique ne sachant pas s’appuyer sur la campagne pour résoudre le problème de notre organisation et de notre progrès serait aveugle, car elle ignorerait le seul levier qui fait bouger ce monde désert », conclut Alberdi24.
43Vingt ans plus tard, il durcit encore sa critique de cette interprétation de l’histoire argentine fondée sur la confrontation entre les campagnes barbares et les villes civilisées, en soulignant le rôle moteur des campagnes argentines dans la croissance économique, agent de la véritable civilisation :
« Ces campagnes et ces paysans ne représentent la barbarie que dans les livres qui ne comprennent pas la civilisation. »
44Il appelle « barbarie lettrée » le gouvernement de Sarmiento (1868- 1874) : la véritable civilisation repose sur le potentiel économique des campagnes, alors que la véritable barbarie se trouve chez les gouvernements qui prétendent être libéraux mais dont les actions arbitraires alimentent le factionnalisme politique et le culte des gloires militaires25. L’inversion des termes de la formule de Sarmiento a un corollaire des plus tranchants :
« Le moindre propriétaire terrien, le simple agriculteur, l’humble gaucho qui veille sur le bétail, rendent des services plus importants et plus directs à la richesse, à la population, à la civilisation européiste du pays, je ne dirais pas que le guerrier – véritable épouvantail de notre civilisation – mais que tous nos hommes de lettres, poètes et orateurs, les plus fiers et les plus prétentieux.26 »
45Il est important de souligner que l’adhésion aux principes du libéralisme économique est à chaque fois accompagnée de l’affirmation que l’autorité nationale est l’instrument de réforme par excellence. Alberdi pense que la liberté économique ne sera pas instituée suite à une pression sociale sur les corps législatifs, mais au contraire par le pouvoir exécutif, qui doit, pour orchestrer les réformes, disposer d’« autorisations spéciales », voire de « facultés universelles » :
« Je ne vois pas pourquoi, dans certains cas, on ne pourrait donner des facultés universelles pour vaincre le retard et la pauvreté, alors qu’on les utilise pour vaincre le désordre qui n’en est que la conséquence. Il existe de nombreuses situations où donner des facultés spéciales au pouvoir exécutif peut être le seul moyen d’accomplir certaines réformes dont l’exécution peut être longue, difficile, et incertaine si on la confie à une assemblée composée par des citoyens plus habiles qu’instruits et plus divisés par des petites rivalités que prêts à œuvrer dans le sens d’une pensée commune. Ainsi sont réalisées les réformes des lois civiles et commerciales, et en général tous les projets qui, en raison de leur volume, leur technicité, et du besoin d’unité dans leur exécution, sont mieux et plus rapidement réalisés par quelques mains compétentes que par plusieurs mal préparées27. »
46De la même façon, dans Sistema Económico y Rentístico, il insiste sur le fait que le pouvoir exécutif doit disposer d’autorisations spéciales pour pouvoir réformer la législation de fond, et en particulier pour faciliter l’abrogation de la législation coloniale qui fait obstacle à la progression de la liberté économique :
« Sous la république, la méthode efficace et rapide de légiférer sur les points techniques et complexes de droit civil ou commercial, consiste à conférer des autorisations spéciales au pouvoir exécutif. En Amérique du Sud, on donne des facultés extraordinaires pour déterrer, faire des embargos et emprisonner ; on n’en donne jamais pour décréter des routes, abroger des lois civiles qui détruisent les richesses, ou fonder des institutions qui sauvent la civilisation28. »
47Cette fois encore, la présence simultanée de l’élaboration de ces instruments de pouvoir et de l’adoption des droits et des libertés ne semble pas problématique pour Alberdi, pas plus que la défense du savoir pratique de milliers d’hommes et de femmes parallèlement à celle du besoin de « quelques mains compétentes » pour adopter les réformes législatives29.
Conclusions : ordre et liberté dans une république instable
48Dans ces pages, nous avons tenté de montrer comment, chez Alberdi, l’effort pour penser des institutions politiques garantissant l’efficacité d’une autorité nationale forte va de pair avec la défense du libéralisme économique et avec toutes les dimensions les plus importantes du libéralisme du XIXe siècle. Les notions de « république possible » et de « gouvernement à l’européenne », élaborées à différents moments de sa pensée, montrent son souci permanent de la défense des formes de gouvernement garantissant efficacement la sécurité et l’ordre public et rendant possible une transformation économique encouragée par l’intégration à l’expansion du capitalisme atlantique. Ces notions incarnent aussi un héritage historique particulier qu’il faut « nouer » au développement de la vie moderne. L’instabilité politique engendrée par l’entrée précipitée dans la vie républicaine exige cette cohabitation entre le neuf et l’ancien.
49Par ailleurs, certains aspects de la théorie libérale d’Alberdi dépassent l’instrumentalisation du libéralisme économique, considéré comme outil de transformation matérielle du pays. Nous avons examiné plusieurs étapes de la critique d’Alberdi à l’encontre de la prétention des élites lettrées à privilégier leurs formes de savoir et à exploiter les idéaux classiques du « patriotisme » et de la « gloire militaire » comme valeurs sociales. D’autres concepts classiques de la pensée libérale du XIXe siècle sont considérés par Alberdi comme des éléments centraux du développement social : le libre-échange comme pacificateur des passions et des conflits et la défense du libre développement des formes de connaissance pratique comme alternative au savoir technocratique.
50Pour finir, soulignons la place que l’expérience politique française occupe dans la formation de la pensée d’Alberdi. La nécessité de donner aux républiques américaines un pouvoir exécutif fort, vigoureux et indépendant, sans pour autant revenir à la monarchie, c’est-à-dire l’idéal de Bolívar de présidents républicains ayant les possibilités d’action des rois, n’était après tout pas très éloignée des débats dont Alberdi avait été le témoin lors de la seconde République française30. Nous pouvons facilement trouver des points communs entre la « république possible » alberdienne, centrée sur la primauté des libertés économiques et civiles et l’ajournement de l’exercice des droits politiques, et la « phase libérale » du Second Empire dans laquelle, pour l’empereur, « la reconstruction de la société doit s´opérer d’abord par la liberté économique, qu’il n’a pu imposer – le traité de libre-échange le montre –, et que cette liberté sera suivie de libertés civiles et en dernière instance, "comme couronnement de l’édifice", des libertés politiques »31. Le souci de la troisième République de mettre en place un pouvoir exécutif fort aura pour conséquence en Argentine – par l’intermédiaire de l’influence de Laboulaye en Amérique latine – le triomphe du général Roca aux élections de 1880 et le processus de forte centralisation politique et de consolidation du pouvoir exécutif national naissant. Depuis son dernier exil parisien, Alberdi aura à peine le temps d’apercevoir la transformation matérielle et culturelle du pays, provoquée par l’immigration et les investissements européens.
Notes de bas de page
1 Jorge E. Dotti, Las vetas del texto. Una lectura filosófica de Alberdi, los positivistas, Juan B. Justo, Buenos Aires, Puntosur editores, 1990; Charles Hale, «The Reconstruction of Nineteenth-Century Politics in Spanish America: A Case for the History of Ideas», Latin American Research Review, vol. VIII, n°. 2, 1973; Charles Hale, «Political and Social Ideas in Latin America, 1870-1930», Cambridge History of Latin America, vol. IV, 1986.
2 Pour différents points de vue sur la configuration de la pensée politique d’Alberdi, voir Natalio Botana, La tradición republicana. Alberdi, Sarmiento y las ideas políticas de su tiempo, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, 1984 ; Oscar Terán, Alberdi póstumo, Buenos Aires, Puntosur editores, 1988, et Escritos de Juan Bautista Alberdi. El redactor de la ley. Présentation et sélection de textes d’Oscar Terán, Bernal, Universidad Nacional de Quilmes, 1996 ; Tulio Halperín Donghi, « Una Nación para el desierto argentino », in Proyecto y Construcción de una nación (Argentina 1846-1880), compilación prólogo y cronología, Caracas, Biblioteca Ayacucho, 1980 ; Ezequiel Gallo, « Liberalismo, centralismo y federalismo : Alberdi y Alem en el 80 », in E. Gallo, Vida, Libertad, Propiedad. Reflexiones sobre el liberalismo clásico y la historia Buenos Aires : Editorial de la Universidad de Tres de Febrero, 2008, Jorge Mayer, Alberdi y su tiempo, Buenos Aires, Eudeba, 1963 ; Jeremy Adelman, « Between Order and Liberty. Juan Bautista Alberdi and the Intellectual Origins of Argentine Constitutionalism », Latin American Research Review, vol. 42, n° 2, juin 2007 ; Gabriel Negretto et José Antonio Aguilar-Rivera, « Rethinking the Legacy of the Liberal State in Latin America, The cases of Argentina 1853- 1916 and Mexico 1857-1910 », Journal of Latin American Studies, 32 : 2, 2000 ; Roberto Gargarella, Los fundamentos legales de la desigualdad. El constitucionalismo en América (1776-1860) Buenos Aires, Siglo XXI, 2005.
3 Cf. J.G.A. Pocock, « Burke and the Ancient Constitution : A Problem in the History of Ideas », in J.G.A. Pocock, Politics, Language & Time. Essays on Political Thought and History, The University of Chicago Press, 1989. Pour le cas de l’Amérique, voir José Carlos Chiaramonte, « The ‘Ancient Constitution’ after Independence (1808-1852) », Hispanic American Historical Review, 90 :3, 2010.
4 Juan Bautista Alberdi, Sistema Económico y Rentístico de la Confederación Argentina según su Constitución de 1853, 1854 : « La Constitution est en quelque sorte une grande loi dérogatoire [...] Pour parfaire l’organisation de notre liberté économique, il est impératif de détruire notre organisation coloniale. »
5 Alberdi, Bases y puntos de partida para la organización política de la República Argentina, 1852, chap. XII. Dans ce texte, sa réflexion s’achève avec un dernier regard sur la France : « La République française, rejeton de la monarchie, se serait sauvée par ce moyen, mais le radicalisme excessif l’obligera à revenir à la monarchie ».
6 Voir la Biografía del General Bulnes d’Alberdi, 1846, et El pensamiento conservador de Alberdi y la Constitución de 1853 de Dardo Pérez Guilhou, Buenos Aires, Depalma, 1984, p. 31-43.
7 Dotti, op. cit., p. 28 ; Botana, op. cit., p. 300. Sur les problèmes posés dans l’histoire intellectuelle en général et dans l’examen de la pensée d’Alberdi en particulier, par l’oscillation entre les pôles de l’historicisme/romantisme et des idées réformatrices des Lumières, voir Elías José Palti, El momento romántico. Nación, historia y lenguajes políticos en la Argentina del siglo XIX, Buenos Aires, Eudeba, 2009.
8 Alan S. Kahan, Liberalism in Nineteenth-Century Europe : The Political Culture of Limited Suffrage,New York : Palgrave MacMillan, 2003 ; Alexander Keyssar, The Right to Vote : The Contested History of Democracy in the United States, New York, Basic Books, 2000 ; Richard Franklin Bensel, The American Ballot Box in the Mid-Nineteenth Century Cambridge, Cambridge University Press, 2004.
9 Juan Bautista Alberdi, De la anarquía y sus dos causas principales, del gobierno y sus dos elementos necesarios en la República Argentina, con motivo de su reorganización por Buenos Aires,1862, in Obras completas, vol. VI.
10 Juan Bautista Alberdi, Cartas inéditas a Juan María Gutiérrez y a Félix Frías, recueil et introduction de Jorge M. Mayer et Ernesto A. Martínez, Buenos Aires, Editorial Luz del Día, 1953, p. 183.
11 Ibid., p. 180. Sur la création par la Confédération des États du Sud des États-Unis d’un État central aussi puissant que celui de l’Union du Nord, voir Richard Franklin Bensel, Yankee Leviathan. The Origins of Central State Authority in America, 1859-1877, Cambridge University Press, 1990.
12 Juan Bautista Alberdi, Del gobierno en Sudamérica según las miras de su revolución fundamental, tome IV des Escritos póstumos, Buenos Aires, 1896.
13 Juan Bautista Alberdi, Palabras de un ausente en que explica a sus amigos del Plata los motivos de su alejamiento (première édition 1874), tome VII des Obras completas.
14 Lucio V. Mansilla, Retratos y recuerdos (première édition 1894), Buenos Aires, Paradiso, 2005, p. 124.
15 Cf. Ezequiel Gallo, « Liberalismo, centralismo y federalismo : Alberdi y Alem en el 80 », op. cit., Sur la référence à Montesquieu et aux régimes d’exception en Amérique Latine voir José Antonio Aguilar Rivera, El manto liberal. Los poderes de emergencia en México 1821-1876, México, Universidad Nacional Autónoma de México, 2001, et Brian Loveman, The Constitution of Tyranny. Regimes of Exception in Spanish America, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1993.
16 Juan Bautista Alberdi, Bases, chap. xxxiv ; Sistema Económico y Rentístico, introduction.
17 Juan Bautista Alberdi, El crimen de la guerra, vol. II des Escritos póstumos.
18 Juan Bautista Alberdi, Sistema económico y rentístico, 1854, Première partie, chap. III et El proyecto de Código Civil para la República Argentina,1868, in Obras completas, tome VII. Sur l’impact de l’historicisme de Savigny chez Lerminier, Laboulaye et d’autres historiens et juristes français influents en Amérique latine, voir Bonnie G. Smith, « The Rise and Fall of Eugène Lerminier », French Historical Studies, vol. XII, n°.3, 1982, p. 377- 400 ; Donald R. Kelley, Historians and the Law in Postrevolutionary France, Princeton University Press, 1984 ; sur cette influence ailleurs en Amérique latine, Charles Hale, The Transformation of Liberalism in Late Nineteenth-Century Mexico, Princeton University Press, 1989.
19 Juan Bautista Alberdi, El proyecto de Código Civil para la República Argentina, op.cit.
20 Juan Bautista Alberdi, Estudios sobre el Código Civil de la República Argentina, redactado por el doctor D. Dalmacio Vélez Sarsfield y aprobado por el Honorable Congreso de la República Argentina el 29 de Septiembre de 1869, in Escritos póstumos, tome VIII.
21 Ezequiel Gallo, Vida, Libertad, Propiedad. Reflexiones sobre el liberalismo clásico y la historia, op. cit., et Natalio Botana, La tradición republicana, op.cit.
22 Juan Bautista Alberdi, La vida y los trabajos industriales de William Wheelwright en la América del Sud, in Obras completas, vol. VIII.
23 Juan Bautista Alberdi, Estudios económicos, in Escritos póstumos, vol. I, chap. 8. Le concept d’ « enthousiasme » utilisé par Alberdi provient d’Adam Smith, qu’il cite, bien qu’en en modifiant le sens que lui donne ce dernier : tandis que Smith oppose la science à la superstition et à l’enthousiasme religieux (Science is the great antidote to the poison of enthusiasm and superstition), Alberdi appelle enthousiasme le symptôme des passions politiques. Voir Adam Smith, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776), livre V, chap. I, partie III, art. 3. Sur l’enthousiasme politique des hommes de lettres pendant la Révolution française, voir l’analyse classique d’Alexis de Tocqueville au premier chapitre de la troisième partie de L’Ancien régime et la révolution (1856). Voir Albert Hirschmann, The Passions and the Interests, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1977, pour la tradition de pensée du doux commerce.
24 Juan Bautista Alberdi, Cartas Quillotanas (1853), Troisième lettre.
25 Juan Bautista Alberdi, Palabras de un ausente, 1874.
26 Juan Bautista Alberdi, Estudios económicos (1871), in Escritos póstumos, tome I, chap. 8.
27 Juan Bautista Alberdi, Bases, chap. XXVI.
28 Juan Bautista Alberdi, Sistema Económico y Rentístico, 1re partie, chap. III.
29 Voir les œuvres citées d’Aguilar Rivera et de Loveman sur les régimes d’exception en Amérique Latine au XIXe siècle et leurs conséquences.
30 Lucien Jaume, « Tocqueville y el problema del Poder Ejecutivo en 1848 », in Darío Roldán (éd.), Lecturas de Tocqueville, Madrid, Siglo XXI, 2007.
31 Francis Démier, La France du XIXe siècle 1814-1914, Paris, Seuil, 2000, p. 275.
Auteur
Docteur en Histoire Moderne de l’University of Oxford. Professeur d’Histoire à l’Universidad de San Andrés - Buenos Aires, il est notamment l’auteur de Los liberales reformistas. La cuestión social en la Argentina, 1890 - 1916 (1995) et Judicial Institutions in Nineteenth Century Latina America (1999)
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