« Un qualificatif, c’est déjà une opinion... »1
Qualification adjectivale et détermination du sens en anglais contemporain dans les expressions figées figurées comportant une partie du corps
p. 77-104
Texte intégral
Introduction
1La question que nous souhaitons aborder ici se situe à la charnière de plusieurs axes de recherche, qui constitueront autant de pistes vers lesquelles nous nous tournerons de façon ponctuelle afin d’en exploiter certains éléments dont nous tenterons de définir le rôle dans la détermination du sens des expressions de notre corpus.
2C’est ainsi qu’à partir de la théorie des opérations énonciatives élaborée par A. Culioli, nous nous intéresserons au rôle de l’énonciateur comme structurateur de l’énoncé et donc comme responsable in fine du sens. Nous ferons également appel aux travaux d’I. Tamba-Mecz sur le sens figuré,2 dont nous retiendrons surtout l’approche syntaxico-sémantique des tours figurés. Nous prendrons aussi en compte les travaux du L.A.D.L.3, dont l’étude systématique des expressions figées du français fournira de précieuses indications tant sur la fréquence que sur la syntaxe – entre autres – de ce type d’expressions, indications transférables dans une large mesure à notre corpus d’expressions anglaises. Enfin, last but not least, nous nous tournerons vers la récente théorie du prototype telle que la propose G. Lakoff dans Women, fire and dangerous things 4 ; nous nous consacrerons plus particulièrement à l’aspect sémantique de cette théorie, présenté, développé et commenté par G. Kleiber dans La sémantique du prototype 5.
3A la lumière de ces différents travaux et à partir de la description d’un corpus anglais d’expressions figées figurées6 comportant un nom de partie du corps (Npc) et présentant toutes la séquence : det + adj + Npc. nous aborderons la question du rôle de la qualification adjectivale dans la détermination du sens. Pour ce faire, nous analyserons notre corpus d’un point de vue lexico-sémantique selon trois niveaux : quelles parties du corps, quels adjectifs, pour parler de quoi ?7
I. Le corpus8
I.1. Sources
4Constituer un corpus aussi exhaustif que possible d’expressions dans une langue qui n’est ni sa langue maternelle, ni celle du pays où l’on réside relève de la gageure si l’on ne veut s’en tenir qu’à des exemples attestés dans la littérature, dans la presse ou dans des conversations. Nous avons donc logiquement eu recours à des dictionnaires d’idiomes ainsi qu’à des dictionnaires unilingues généraux9, qui nous semblent présenter de par leur nombre (six en tout) une garantie satisfaisante d’exhaustivité. Cependant, il convient de garder à l’esprit que si on les trouve à l’indicatif en tant qu’entrées dans les dictionnaires, ces expressions sont en fait autant de locutions de discours qui sont prises en charge par un énonciateur. Négliger ce point reviendrait en effet à nier l’existence et le rôle de structurateur de la langue de ce dernier.
I.2. Critères de sélection
5Quatre critères ont gouverné la constitution du corpus : deux critères sont relatifs au type d’expressions choisies (i.e. figées et figurées), les deux autres concernent la séquence retenue pour l’analyse du rôle de la qualification adjectivale dans la détermination du sens.
I.2.1. des expressions figées en Npc
6Les études statistiques réalisées par le L.A.D.L. ont établi que le nombre et la fréquence des constructions figées dans la langue étaient supérieurs à ceux des constructions dites « libres ». De plus, même si, comme le précise M. Gross, « les phrases figées ne sont qu’exceptionnellement entièrement figées »10, il ajoute cependant que « les noms de parties du corps sont contraints »11. Si l’on considère en outre que l’un des piliers de la sémantique du prototype est constitué par l’affirmation selon laquelle la raison est fondée sur notre expérience corporelle du monde12, il devenait possible d’espérer, par l’observation de ce que l’anglais « fait de son corps », pénétrer d’une certaine manière dans la mise en place de la conceptualisation opérée par la langue.
I.2.2. des expressions figurées
7Pour G. Lakoff et M. Johnson13, les deux pôles autour desquels s’organise la mise en place de toute catégorisation sont l’expérience corporelle, déjà mentionnée, et l’imaginaire, qui se manifeste principalement dans la langue par la métaphore et la métonymie. Qu’il s’agisse de concevoir une chose en termes d’une autre ou par mise en relation de termes entre eux, on peut admettre que d’un point de vue sémantique ces processus sont générateurs de sens figuré. On voit dès lors l’intérêt que peuvent présenter les constructions figées, puisqu’elles offrent par définition l’avantage de présenter un état stabilisé de ces manifestations.
I.2.3. la séquence det + adj + NPC
8Le schéma : det + adj + Npc s’est rapidement imposé comme représentatif de la qualification adjectivale au sein des énoncés retenus, et ce pour deux raisons. L’une, matérielle, concerne le nombre d’expressions. En effet, sur un corpus de près de 900 expressions figées figurées en Npc, nous avons extrait près de 250 expressions contenant un ou plusieurs adjectifs, de types différents. L’adjectivation au sein de ces expressions n’est donc pas un phénomène marginal. Ceci s’explique en partie par certaines caractéristiques de l’anglais, en particulier la capacité de composition (une quarantaine d’expresssions contiennent des adjectifs de ce genre, composés de diverses façons, et qui mériteraient à eux seuls qu’on y consacre un article). Nous avons donc résolu de restreindre notre corpus aux expressions présentant la séquence la plus fréquemment présente, dans deux configurations générales cependant : base verbale + det + adj + Npc. comme dans :
(1) give someone the evil eye,
9et : base verbale + préposition + det + adj + Npc. comme dans :
(2) catch someone on the wrong foot.
10Dans les deux configurations, il est clair que la qualification apportée par l’adjectif porte directement sur le Npc qui suit. Notre corpus se trouve ainsi réduit à une centaine d’expressions, nombre a priori davantage susceptible de permettre le repérage de constantes.
11La seconde raison relève d’une volonté de neutraliser au maximum les effets possibles de la syntaxe sur la détermination du sens des expressions de notre corpus. En effet, s’il est vrai, comme l’ont montré M. Gross pour les expressions figées et I. Tamba-Mecz pour les tours figurés14, qu’il n’y a de syntaxe particulière ni à celles-ci, ni à ceux-là, cela ne signifie pas nécessairement que la syntaxe n’entre pas dans la détermination du sens. Il était donc souhaitable, dans le cadre d’une étude du rôle de la qualification adjectivale d’un point de vue lexico-sémantique, de gommer les éventuelles influences syntaxiques ou en tout cas de les homogénéiser en ne retenant qu’un type d’organisation syntaxique, de manière à pouvoir focaliser notre analyse sur le phénomène de surface que constitue la présence d’un adjectif à côté d’un substantif, la combinaison des deux étant perçue comme un tout.
12Notons enfin que le schéma retenu est le schéma canonique de la qualification adjectivale, qui apparaît dans les exemples de la rubrique « l’adjectif qualificatif » des grammaires traditionnelles15, ce qui, d’un point de vue prototypique, correspond bien à sa plus grande fréquence dans notre corpus.
II. Quelles parties du corps ? pourquoi ?
13Une première constatation s’impose : les parties du corps humain ne présentent aucun caractère réfractaire à la qualification adjectivale. En effet, sur 68 Npc générateurs d’expressions figées16, près de la moitié (31 pour être exact) se retrouvent dans des expressions présentant la séquence det + adi + Npc. Ajoutons que les 37 Npc restants peuvent soit apparaître dans des expressions contenant des adjectifs mais ne correspondant pas à la séquence retenue, soit n’apparaître que dans un nombre restreint d’expressions ne comportant pas d’adjectif.
14S’il est vrai que d’un point de vue objectif la notion de partie du corps semble pouvoir se catégoriser selon des critères de type « condition nécessaire et suffisante » formulés de la manière la plus simple qui soit en termes d’appartenance ou de non appartenance à l’entité « corps humain », il n’en reste pas moins que certaines parties du corps semblent constituer des « meilleurs exemplaires » de la catégorie, ceux que l’on trouvera au niveau que E. Rosch appelle le « niveau de base » de la catégorisation, dont Kleiber montre qu’il s’agit du niveau le plus directement accessible et le plus informatif17. Sans entrer dans le détail d’une approche prototypique18 de l’organisation de la catégorie « parties du corps », il suffit par exemple de se rappeler les descriptions des livres de sciences naturelles ou de leçons de choses de notre enfance pour que revienne en mémoire la leçon précisant que le corps humain se compose de : « la tête, le tronc et les membres », dans cet ordre ; ou bien encore de consulter la définition du mot « corps » dans le Petit Robert, pour y trouver le même regroupement, assorti de ce qui semble bien être une liste précise des éléments contenus dans chaque classe.19
II.1. La tête
15On s’aperçoit dès lors que le nombre et la diversité des Npc de notre corpus se répartit selon ces regroupements, en respectant la prédominance accordée à la classe « tête ». En effet, 14 Npc sur les 31 relevés (soit près de la moitié) relèvent de cette classe ; on y trouve, par ordre décroissant du nombre d’expressions les contenant, eye (11 expressions) ; head (10) ; face (5) ; tangue (4) ; ear, hair, neck, nose (2) ; jaw, lip, mouth, skull, throat, tooth (1), pour un nombre total de 44 expressions.
16Que le référent « tête » soit particulièrement présent, avec head et face, n’est pas en soi surprenant. Une partie des expressions concernées illustre en effet la métonymie le visage pour la personne, dont Lakoff et Johnson20 montrent qu’elle joue un rôle important dans notre culture. C’est elle qu’on retrouve dans :
(3) be more than / not be /just a pretty face
(4) be a big head
(5) be a hot head.
17Une autre explication, qui complète la précédente et vaut à la fois pour head, face, eye et tongue est à rechercher dans la notion que Kleiber21 nomme les « traits partie de », qui régissent le niveau de base de la catégorisation et se répartissent en « très bons attributs » et « pas très bons attributs » en fonction de caractéristiques de saillance perceptuelle et / ou de signification fonctionnelle que définit notre interaction avec l’objet considéré. Ainsi, c’est parce que nous identifions d’abord une personne par son visage, sa tête, (saillance perceptuelle, exploitée par exemple dans les « trombinoscopes » que constituent certains enseignants), et parce que la tête offre de toute évidence une saillance perceptuelle en tant qu’extrémité supérieure du corps que head, et dans une moindre mesure face 22, constituent des « très bons attributs » du trait « partie du corps », justifiant ainsi la prototypicalité de head. On notera aussi qu’un enfant dessinant un « bonhomme » commence par la tête et le visage.
18De même, si l’on s’intéresse aux « traits partie de » du référent head, il est immédiat que eye constitue du point de vue de la signification fonctionnelle un « très bon attribut » : comme le fait remarquer W.E. Cooper23, la vue est probablement le sens le plus important dans l’obtention par l’homme d’informations sur son environnement. C’est précisément parce que head et eye présentent cette combinaison de saillance perceptuelle et de signification fonctionnelle qu’ils constituent de « très bons attributs », des représentants prototypiques, respectivement de « partie du corps » et « partie de la tête » et qu’ils se trouvent par conséquent dans un plus grand nombre d’expressions figées.24
19Enfin, une démarche similaire permet d’établir que tongue constitue un représentant prototypique de « partie de la bouche », de par la combinaison d’une saillance perceptuelle dont tous les enfants sont capables de se servir pour marquer leur désaccord ou leur mécontentement, et d’une signification fonctionnelle liée à son rôle dans la production de la parole ; les quatre expressions de notre corpus le confirment :
(6) have a sharp tangue
(7) keep a civil tangue in one’s head
(8) keep a quiet / still tongue in one’s head
(9) speak with aforked tangue,
20ainsi que la quasi-totalité des expressions figées contenant tangue (20 sur 21).
II.2. Les membres
21Trente-cinq expressions regroupent 10 Npc. Si l’on conserve une approche en termes de saillance perceptuelle et de signification fonctionnelle, il n’est nullement surprenant de constater que l’organe du toucher, hand, rassemble à lui seul 19 expressions présentant la séquence : det + adi + Npc.
22La saillance perceptuelle est assurée, comme pour head, par le fait que hand constitue une extrémité du corps ; on notera d’ailleurs que pour les membres inférieurs foot offre cette même caractéristique et présente 8 expressions. La différence de capacité pour ces deux Npc à entrer dans la composition d’expressions figées semble pouvoir s’expliquer en termes de signification fonctionnelle, puisqu’il est immédiat que hand présente un éventail de fonctions que foot ne possède pas, comme le traduit agréablement l’expression :
(10) have two left feet.
23Comme pour head, les caractéristiques de hand se diversifient pour laisser apparaître les traits « partie de » dont finger, présent dans 4 expressions, se révèle sans surprise être un « très bon attribut » présentant à la fois saillance perceptuelle et signification fonctionnelle, et fist, thumb et palm de moins bons attributs, producteurs de deux expressions pour les premiers et d’une seule pour le dernier.
24On note également qu’un glissement de type métonymique semble transmettre au moins en partie la signification fonctionnelle associée à hand vers arm et celle associée à foot vers leg. En effet, sur les cinq expressions contenant arm, trois présentent une qualification adjectivale identique associée à arm ou à hand, à savoir right dans :
(11) be someone’s right arm/hand,
25à rapprocher d’un point de vue signification fonctionnelle de
(12) would give one’s right arm for someone or something,
26et open dans
(13) receive someone with open arms,
27à rapprocher de
(14) treat someone with an open hand.
28Quant au Npc leg, il est interchangeable avec foot dans deux des quatre expressions où il figure :
(15) stand on one’s own two legs / feet (16) the boot is on the other leg / foot.
II.3. Les autres Npc
29De la troisième classe de Npc proposée par le Petit Robert, le tronc, seuls back et breast se trouvent présents dans notre corpus, chacun dans une seule expression. Pour ces deux Npc comme pour les autres parties du corps relevées dans un petit nombre (deux au plus) d’expressions contenant la séquence det + adi + Npc et dont nous n’avons encore rien dit, nous avançons l’hypothèse qu’elles ne présentent pas à un degré suffisant cette combinaison de saillance perceptuelle et / ou de signification fonctionnelle. Plusieurs éléments semblent confirmer cette hypothèse.
30Tout d’abord, on peut affirmer qu’il existe un « degré zéro » de la saillance perceptuelle, celui au niveau duquel on localise une partie du corps. C’est ce niveau que les parents s’efforcent de faire atteindre aux enfants entre un et deux ans à grand renfort de pointages du doigt et de répétitions des questions : « Où est ton (ta) [Npc] ? » et « Montre-moi ton (ta) [Npc] », jusqu’à ce qu’à chaque Npc énoncé soit associé par l’enfant l’objet référé correct. On peut sans risque affirmer que ce degré zéro est acquis par tout locuteur adulte. Sachant que nos sens nous permettent de percevoir d’abord d’une entité quelle qu’elle soit les éléments qui en sont à la périphérie, on peut considérer que pour l’entité « corps » les parties extérieures, immédiatement perceptibles, et parmi celles-ci, celles qui se trouvent le plus à la périphérie (tête, main, pied) présenteront un « plus haut degré » de saillance perceptuelle.
31Dans la mesure où – insiste justement Lakoff – nous conceptualisons notre expérience selon une dimension anthropomorphique, il n’est pas surprenant de constater que les Npc les plus susceptibles d’entrer dans la composition d’expressions figées sont ceux qui renvoient à des parties du corps immédiatement perceptibles : 27 Npc de notre corpus sur 31 pourraient être désignés par l’enfant dont nous parlions ci-dessus parce que les parties du corps auxquelles ils renvoient sont directement « montrables » ; seuls quatre Npc renvoyant à des parties internes (blood, heurt, boue, stomach), non directement perceptibles25, apparaissent. C’est, pensons-nous, la notion de signification fonctionnelle qui justifie pour une bonne part leur présence.
32La notion de signification fonctionnelle semble pouvoir justifier la présence d’un nombre significatif d’expressions contenant blood (7) et heart (5)26. En tant que référents de parties internes du corps, ces Npc ne peuvent prétendre à une localisation-désignation précise.27 par contre, si on envisage ces parties du corps en termes des fonctions qu’on leur attribue, de ce à quoi ils servent, de ce à quoi ils nous servent (la dimension anthropomorphique de la conceptualisation reste centrale), il est immédiat que blood apparaîtra comme synonyme de transmetteur de vie et d’hérédité comme l’indiquent :
(17) bring fresh / new /young blood
(18) have blue blood in one’s veins
(19) be someone’s own flesh and blood.
33Quant à heart, on lui attribue communément la fonction de siège des sentiments, tant positifs que négatifs, comme le montrent :
(20) do something with a heavy (light) heart
(21) put someone in good heart.
34Deux remarques s’imposent encore, à partir de heart. Comme nous l’indiquons en note pour blood, heart offre également une saillance perceptuelle, présente sous forme de manifestations physiologiques localisées dont nous avons tous un jour fait l’expérience dans diverses situations, et bien mise en évidence par le Professeur Cabrol28. Enfin, notons que la notion de signification fonctionnelle comporte une dimension culturelle non négligeable : dans un stimulant article consacré à l’analyse sémantique des Npc en san, S. Platiel montre comment « dans cette société, [...] on attribue au foie les caractéristiques qui, chez nous, sont attachées au cœur »29. La signification fonctionnelle se définira par conséquent comme la ou les fonctions principales que les membres d’une même communauté attribuent à tel ou tel élément de la réalité extra-linguistique à partir des interactions qu’ils ont avec cet élément.
35Il semble donc que l’on puisse conclure à l’existence d’une relation entre le degré de saillance perceptuelle et / ou de signification fonctionnelle des Npc et leur capacité à entrer dans la composition d’expressions figées figurées comportant la séquence det + adi + Npc.
III. Quels adjectifs ? pourquoi ?
36Si l’observation directe de notre corpus permettait, à partir de données numériques, de supposer que certaines parties du corps semblaient constituer de « meilleurs exemplaires » de leur catégorie, les données numériques concernant les adjectifs semblent à première vue nettement moins révélatrices. En effet, les 31 Npc relevés se voient associer jusqu’à 67 adjectifs différents, dont 63 n’apparaissent qu’une ou deux fois. Les quatre adjectifs restants, à savoir good, own, heavy et big, respectivement présents dans 7, 5, 3 et 3 expressions, n’en méritent que davantage notre attention.
III.1. Des meilleurs exemplaires d’adjectifs ?
37Dans son application de la théorie des prototypes à une approche cognitiviste de la grammaire, G. Lakoff30 explique que certaines langues ne possèdent qu’un petit nombre d’adjectifs (12 pour le Haoussa par exemple), mais que ces derniers sont alors loin d’être arbitraires. Au contraire, il s’agira d’adjectifs présentant des « central adjectival meanings like big-small, good-bad, old-young, hard-soft, etc... ». On imagine sans peine la paire heavy-light figurant dans cette liste. On peut démontrer que ces paires de propriétés antonymiques sont effectivement centrales dans la conceptualisation cognitive de notre environnement. M. Bierwisch31 précise que l’enfant maîtrise la structure de ces antonymes avant d’avoir reçu de manière scolaire des rudiments de géométrie ou de physique. Ajoutons, pour tenter de rendre compte du déséquilibre relatif des deux éléments de ces paires dans notre corpus, que l’élément dominant est celui que les enfants apprennent en premier : good, dans ses deux acceptions de « bon » ou « bien » apparaît très tôt dans la bouche des parents pour inciter un enfant à manger ou à sourire par exemple ; de plus, lorsque le stade oral est atteint et que l’enfant teste en les goûtant diverses choses qui peuvent effectivement être dangereuses pour lui, l’énoncé type des parents ne devient pas « c’est mauvais ! » mais « c’est pas bon ! », de même qu’en cas d’obstination du bambin qui découvre par exemple que les mains servent à tirer les cheveux32, on essaiera de lui faire comprendre que « c’est pas bien ! » plutôt que « c’est mal ! ». Enfin, si par la suite il s’irrite de ne pouvoir soulever un objet trop lourd, on lui expliquera que précisément « c’est trop lourd » avant de l’encourager à soulever tel autre objet dont on lui dira « ça c’est pas lourd, tu peux y aller ». Il s’agit donc bien là en ce sens de « meilleurs exemplaires » de la catégorie « adjectifs ».
III.2. Des adjectifs objectifs ?
38On ne s’étonnera guère que ces adjectifs présentent, au même titre que certains Npc, la caractéristique « plus susceptible d’entrer dans la composition d’expressions figées », de par ce caractère prototypique de leur catégorie. Ajoutons que tous sont au moins présents dans des expressions figées contenant précisément des Npc prototypiques : nos quatre adjectifs (good, own, heavy et big) se trouvent par exemple associés à hand, dont nous avons longuement développé le côté représentatif de la catégorie « parties du corps ». La dimension anthropomorphique intervient ici de la même manière que pour les Npc, s’appliquant cette fois à la notion de « propriété » véhiculée par ces adjectifs. Ce sont les propriétés considérées par nous, êtres humains interagissant avec les objets (dont les parties du corps), comme significatives en ce que nous les rencontrons en premier lieu et le plus souvent, qui seront considérées par nous, énonciateurs structurateurs de la langue, comme le mieux à même de rendre compte de notre expérience. Faut-il en conclure que ces propriétés sont éminemment subjectives ? Si tel était le cas, la séquence adj + Npc serait nécessairement arbitraire, et on voit mal comment une telle association pourrait donner naissance à des expressions figées sémantiquement stables. Il faut donc qu’elles soient, d’une certaine manière, objectives. Voici comment.
39Plus qu’une qualité intrinsèque de l’objet considéré, indépendamment de toute interaction humaine, il convient, comme le souligne à juste titre L. Danon-Boileau33, de considérer que l’adjectif véhicule une « caractérisation objectivable » de l’objet, en ce sens où l’énonciateur qui associe tel adjectif à tel référent le fait avec34 « la conscience d’une certaine stabilité, d’une régularité [...] qui découle de la présomption d’une perception du monde et d’une interaction avec ce monde partagées », partagées par et avec le co-énonciateur bien entendu.35
40Ainsi heavy, ou big, mais aussi la grande majorité des adjectifs de notre corpus semblent présenter ce trait de « propriété objectivable », fondé sur la notion de perception / interaction partagée par les locuteurs d’une langue. C’est le cas par exemple pour clean, que l’on trouve dans :
(22) have clean hands
(23) make a clean breast of something.
41Notons que cette analyse nous semble pouvoir s’appliquer également à good, apparemment plus subjectif que heavy ou big. En effet, nous pensons que la notion de perception / interaction partagée comporte, comme pour les phénomènes de saillance perceptuelle et / ou de signification fonctionnelle en ce qui concerne les parties du corps, une dimension culturelle non négligeable, que l’on peut illustrer par exemple par l’existence d’un accord (conscient ou non) sur le fait que manger sa soupe ou sera considéré par les locuteurs anglais appartenant à la catégorie « parents » comme « good », alors que tirer les cheveux sera considéré par ces mêmes personnes comme « not good ». Il ne nous semble pas incohérent d’imaginer sous d’autres cieux un groupe humain attribuant une valeur good de salutation par exemple au fait de tirer les cheveux.36
42Ceci nous semble particulièrement s’appliquer aux adjectifs des expressions figées, dans la mesure où, lexicalisées en tant qu’entités homogènes indivisibles, ces expressions présentent par définition une unité lexicale, syntaxique et sémantique, qui ne pourrait être maintenue si l’on envisageait de remettre en question la notion de propriété typique associée à l’adjectif. Un désaccord entre deux énonciateurs sur l’information contenue dans un énoncé comme :
(24) Don’t worry, he can be trusted ; your money is in good hands
43ne serait pas formulé en termes de :
(24’) What do you mean by good ?,
44mais plutôt :
(24") What do you mean good hands ? (he bas robbed every one in my family)
45par exemple.37 Pour les deux énonciateurs, la propriété contenue dans good et associée à ø + hand + pluriel est forcément la même. Ce qui pose problème, c’est l’attribution de cette propriété à la personne dont ils parlent.
III.3. Le cas de own
46Own, qui apparaît dans 5 expressions de notre corpus, pose l’apparent problème dans la séquence one’s + own + Npc de véhiculer un caractère univoque d’attribution au sujet de l’énoncé de la propriété de l’objet qualifié, lorsque l’objet qualifié en question a pour caractéristique principale de déjà constituer une partie inaliénable du corps. Or, l’effet de sens produit n’est nullement de redondance.
47Nous avons pensé dans un premier temps que la présence de l’adjectif pouvait constituer la clé de l’interprétation figurée de l’expression. En effet, il semblait qu’à :
(25’) slit one’s throat
48on ne pouvait accorder qu’une signification non figurée de mode de suicide ou d’accident et que par contre c’était la présence de own dans :
(25) slit one’s own throat
49qui autorisait une interprétation en termes d’atteinte déterminée (sous l’effet de la colère par exemple) aux intérêts du sujet, bloquant l’interprétation d’atteinte à sa vie. Une analyse similaire permettait dans cette perspective de distinguer :
(26’) stand on one’s two feet
50comme description non figurée d’une manière de se tenir, de
(26) stand on one’s own twofeet,
51où own permettait l’interprétation figurée en termes de volonté farouche du sujet de rester réaliste.
52Cependant, cette hypothèse qui laissait présager, trop facilement sans doute, du rôle de la qualification adjectivale dans la détermination du sens figuré de nos expressions, dut être abandonnée, car il était évident que la présence de own n’était pas la clé de l’interprétation figurée dans :
(27) take the law into one’s own hands.
53Une propriété attribuée à own et dont on peut penser qu’elle est partagée par les locuteurs l’utilisant dans les expressions ci-dessus semble permettre de réunir ces expressions. Il s’agit de la notion de détermination du sujet à réaliser l’action contenue dans le verbe. Mais si l’on peut admettre que cette propriété fait de own un « adjectif objectivable », tel que nous en avons défini le fonctionnement, pour les expressions (25) à (27), le problème reste entier pour :
(28) be a man after someone’s own heart
(29) be someone’s own flesh and blood.
54Il convient de noter que ces deux expressions présentent un état, à la différence des expressions (25) à (27), et que les parties du corps concernées sont des parties internes du corps. On peut émettre l’hypothèse que le type de verbe (état ou action) déclenche de façon systématique et partagée la mobilisation de qualités différentes, et qu’entre également en jeu le type (interne ou externe) de partie du corps. Il nous est impossible d’en dire davantage, à ceci près que own se trouve associé dans les exemples de notre corpus à des Npc qui renvoient à des parties du corps présentant toutes une saillance perceptuelle et / ou une signification fonctionnelle clairement définies.
55La question de l’adjectif dans la séquence det + adj + Npc des expressions figées peut donc se concevoir en termes de propriétés d’origine anthropomorphique (interaction homme / environnement) mais néanmoins objectivables (c’est-à-dire considérée comme partagée par les locuteurs d’une langue), associées à des parties du corps présentant un certain degré de saillance perceptuelle et / ou de signification fonctionnelle.
IV. Pour parler de quoi ?
IV.1. Un jeu de rôles
56Le sens figuré des expressions figées de notre corpus est le résultat de surface, stable et homogène, de la combinaison complexe des traits des parties du corps présentes et des propriétés véhiculées par les adjectifs retenus commme distinctifs par les locuteurs anglais sur la base de la perception / interaction entre chaque énonciateur et le reste du monde (y compris les parties de son propre corps). Comme nous l’avons appris avec le cas de own, on ne peut affirmer que la qualification adjectivale soit détentrice du passage d’une interprétation non figurée à une interprétation figurée. Si cette fonction peut être attribuée à l’adjectif dans certains cas, rien ne permet de généraliser.
57Ici, l’adjectif pourra n’avoir qu’un simple rôle d’intensifieur de la saillance perceptuelle ou de la signification fonctionnelle du Npc qui suit. Ainsi, dans :
(30) give someone a big / good hand for something
58l’adjectif vient préciser l’intensité des applaudissements (intensifieur de la signification fonctionnelle de hand)38.
59Là, lorsque l’expression figée met en place, par l’intermédiaire du Npc, un rapport métonymique avec le sujet de l’énoncé, l’adjectif ne qualifiera pas le sujet mais la saillance perceptuelle ou la signification fonctionnelle de la partie du corps en question. Ainsi :
(32) be a big head
60opère une relation d’identification métonymique entre le sujet potentiel et le référent head. C’est cependant la signification fonctionnelle asssociée à head, à savoir l’intelligence, qui se voit attribuer la qualité big.
61Ailleurs, l’adjectif sera régi par le Npc qui suit, pour n’apparaître qu’en tant qu’attributif d’une propriété physique exclusive à ce Npc, sans pour autant créer d’ambiguité quant à l’interprétation de l’expression comme figurée. C’est le cas dans les expressions suivantes, où l’adjectif vient nier la signification fonctionnelle prototypique associée au Npc qui suit :
(33) fall on deaf ears
(34) turn a deafear to something
(35) turn a blind eye to someone or something.
62De ces exemples comme des précédents, il ressort que la qualification adjectivale est bien une composante indispensable de l’élaboration du sens figuré des expressions figées en Npc tel qu’il apparaît en « surface ». Il ressort également que le sémantisme du syntagme verbal peut aussi entrer en ligne de compte, tout comme le font les Npc, à des degrés variables. Le linguiste se retrouve ainsi devant la tâche de tenter d’établir les divers degrés d’intervention de ces différents éléments dans l’élaboration du sens. La première étape de ce travail consiste en une description des figures de surface, du point de vue des domaines sémantiques que touchent les expressions figées en Npc. C’est une ébauche bien incomplète de ce que pourrait être une telle description que le tableau ci-dessous prétend, modestement, proposer.
IV.2. Tableau récapitulatif
63Le tableau qui suit n’est nullement exhaustif, pas plus qu’il n’attribue par sa présentation au seul adjectif le rôle de détenteur de la signification figurée des expressions concernées. Nous nous sommes attaché à regrouper en champs sémantiques larges les effets de sens véhiculés par une majorité d’expressions de notre corpus afin de tenter de faire ressortir quels adjectifs, associés à quels Npc, produisaient quel effet de sens.
64Nous nous sommes attaché à regrouper les expressions de notre corpus par oppositions de thèmes. Cette distinction, pour arbitraire qu’elle puisse paraître, nous a permis de faire figurer les trois-quarts des expressions relevées. Nous avons également choisi de faire figurer tous les Npc relevés, face à tous les thèmes retenus ; il nous semble en effet aussi intéressant de voir quels Npc ne servent pas à parler de quels thèmes. Les autres expressions auraient nécessité l’ajout de nombreuses rubriques, à un seul élément et ne présentant pas d’opposition de thème, ce qui aurait considérablement alourdi la présentation. Aussi nous contenterons-nous de citer la possibilité d’une rubrique « gourmandise » pour :
(36) have a sweet tooth
65ou d’une rubrique « kleptomanie » pour :
(37) have light / sticky fingers.
Conclusion
66L’étude de la séquence det + adi +Npc dans les expressions figées figurées nous a permis de mettre en évidence le fait que ces expressions ont pour cible un animé humain, énonciateur, co-énonciateur ou tierce personne. Nous avons pu constater qu’elles opéraient une caractérisation de l’animé humain « visé » en termes d’état (compétence, intelligence, innocence), d’activité (parler, médire), ou d’attitude (arrogance, bon accueil). Nous avons en outre pu analyser le fonctionnement de la dimension anthropomorphique interactionnelle de la conceptualisation, en particulier dans le domaine des traits distinctifs des Npc (saillance perceptuelle, signification fonctionnelle) et de la « caractérisation objectivable » au moyen de l’adjectif.
67Enfin, le rôle déterminant de l’énonciateur a également été mis en évidence ; comme l’explique L. Danon-Boileau39 ; « les adjectifs [...] ne font que marquer la façon dont la conscience qui juge (l’énonciateur) se donne ou ressent ce dont il parle ». En d’autres termes, nous espérons avoir montré que, même associé de façon stable et contrainte à certains Npc, un qualificatif, c’est bien une opinion.





Bibliographie
Ouvrages de référence
CLARK, J. O.E. (1988) Wordwise – a Dictionary of English Idioms, Harrap, Londres, 593 pages.
LONG, T. H. et al. (1979, rev. 1990) Dictionary of English Idioms, Longman, Londres, 387 pages.
SPEARS, R. A. (1987) American idioms dictionary, Harrap, Londres, 463 pages.
Cobuild English Language Dictionary, (1987), Collins, Londres, 1703 pages.
Dictionary of Contemporary English, (1987), Longman, Londres, 1229 pages.
The Collins English Dictionary, (1986), Collins, Londres, 1771 pages.
Articles et ouvrages cités
BERCKER, F. (1994) Etude comparative anglais-français des expressions figées figurées comportant un ou plusieurs noms de parties du corps humain, Thèse de doctorat, Université de Paris III.
BERLAND-DELÉPINE, S. (1989) La grammaire anglaise de l’étudiant, Ophrys, Paris, 606 pages.
COOPER, W. E. (1974) « Primacy relations among English sensation referents », Linguistics, n° 137, Mouton, pp. 5-11.
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KLEIBER, G. (1990) La sémantique du prototype – Catégories et sens lexical. Puf, Paris, 199 pages.
LA BIBLE (1972 pour la traduction). Le Livre de poche, Paris.
LAKOFF, G. (1987) Women, fire, and dangerous things, the University of Chicago Press, Chicago et Londres, 614 pages.
LAKOFF, G. & JOHNSON, M. (1980, 1985 pour la traduction) Les métaphores dans la vie quotidienne. Editions de Minuit, Paris, 254 pages.
PLATIEL, S. (1992) « Corps physique, corps psychique. Analyse sémantique des composés formés avec des termes désignant une partie du corps en san », Graines de Parole, pp. 361-371.
ROBERT, P. (1981) Dictionnaire de la langue française Petit Robert, éditions Le Robert, Paris, 2172 pages.
TAMBA-MECZ, I. (1981) Le sens figuré. Puf, Paris, 199 pages.
Annexe
ANNEXE 1
arm
be someone’s right arm / hand40
receive / welcome someone with open arms
stretch the (long)1 arm of coincidence
the long arm of the law
would give one’s right arm for someone or something
back
have a broad back
blood
be someone’s own flesh and blood
cause bad blood between people
do something in cold blood
do something in hot blood
fresh / new / young blood
hâve blue blood in one’s veins
bone
eut / strip something down to the bare bones
breast
make a clean breast of something
ear
fall on deaf ears
turn a deaf ear to something
eye
be a private eye
be a sight for sore eyes
can see something with the naked eye
do something in the public eye
do something under someone’s very eyes / nose
give someone the evil eye
give someone the glad eye
have a roving eye for someone or something
have square eyes
have [keep]2 one’s / a(n) beady / eagle eye on someone or something
turn a blind eye to someone or something
face
be more than / not be / just a pretty face
give someone a red face
keep a straight / poker face
pull / make a (long) face at someone
put on a good / brave / bold face
finger
have green fingers (GB) / a green thumb (US)
hâve light / sticky fingers
have more of something in one’s little finger than someone else has in his whole body
twist / wrap / wind someone around one’s little finger
fist
have an iron fist / hand in a velvet glove
use the mailed fist
foot / feet
catch someone on the wrong foot
have flying feet
have two left feet
put one’s best foot forward
stand on one’s own two feet / legs
start / get off on the right foot
start / get off on the wrong foot
the boot is on the other foot / leg
hair
get [have] someone by the short hairs
give someone gray hair (US)
hand
be a cool hand
be a dab / great hand at something
be an old hand at doing something
be in good hands
be someone’s right hand / arm
corne the heavy hand with someone
do something with a heavy hand
do something with a high hand
do something with a strong hand
do something with one’s bare hands
give someone a big / good hand for something
give someone a free hand with something
give someone the glad hand
get / win / gain [have] the upper / whip hand
have an iron hand / fist in a velvet glove
have clean hands
rule someone or something with an iron hand
take the law into one’s own hands
treat someone with an open hand
head
be a big head
be a hot head
beat someone / win [lose] by a short head / neck
get something into one’s thick head / skull
have a good head on one’s shoulders
have a strong head / stomach
have [keep] a level head
have a swelled / swollen head
keep a cool head
rear / raise its ugly head
heart
be a man after someone’s own heart
do something with a heavy heart
do something with a light heart
put fresh / new heart into someone
put someone [be] in good heart
jaw
have a good jaw with someone
knee
go to someone on bended knee(s)
leg
find / get one’s sea legs
pull the other leg
stand on one’s own two legs / feet
the boot is on the other leg / foot
lip
keep a stiff upper lip
mouth
have a big mouth
neck
beat someone / win [lose] by a short neck / head
hâve the brass neck to do something
nose
do something under someone’s very nose / eyes
get a bloody nose
palm
have an itching palm
shoulder
give someone the cold shoulder
have broad shoulders
skin
have a thick skin
have a thin skin
skull
get something into one’s thick skull / head
stomach
have a strong stomach / head
throat
eut / slit one’s own throat
thumb
have a green thumb (US) / green fingers (GB)
stick out like a sore thumb
tongue
have a sharp tongue
keep a civil tongue in one’s head
keep a quiet / still tongue in one’s head
speak with a forked tongue
tooth
have a sweet tooth
ANNEXE 2
cause bad blood between people
cut / strip something down to the bare bones of something
do something with one’s bare hands
have [keep] one’s / a(n) beady / eagle eye on someone or something
go to someone on bended knee(s)
be a big head
give someone a big / good hand for something
have a big mouth
turn a blind eye to someone or something
get a bloody nose
have blue blood in one’s veins
have the brass neck to do something
have a broad back
have broad shoulders
keep a civil tongue in one’s head
have clean hands
make a clean breast of something
do something in cold blood
give someone the cold shoulder
be a cool hand
keep a cool head
be a dab / great hand at something
fall on deaf ears
turn a deaf ear to something
give someone the evil eye
have flying feet
speak with a forked tongue
give someone a free hand with something
fresh / new / young blood
put fresh / new heart into someone
give someone the glad hand
give someone the glad eye
be in good hands
give someone a good / big hand for something
have a good head on one’s shoulders
have a good jaw with someone
put on a good / brave / bold face
put one’s best foot forward
put someone [be] in good heart
give someone gray hair (US)
have green fingers (GB) / a green thumb (US)
corne the heavy hand with someone
do something with a heavy hand
do something with a heavy heart
do something with a high hand
be a hot head
do something in hot blood
have an iron fist / hand in a velvet glove
rule someone or something with an iron hand
have an itching palm
have two left feet
have [keep] a level head
do something with a light heart
hâve light / sticky fingers
have more of something in one’s little finger than someone else has in his whole body
twist / wrap / wind somgone around one’s little finger
pull / make a (long) face at someone
stretch the (long) arm of coincidence
the long arm of the law
use the mailed fist
can see something with the naked eye
be an old hand at doing something
receive / welcome someone with open arms
treat someone with an open hand
pull the other leg
the boot is on the other foot / leg
be a man after someone’s own heart
be someone’s own flesh and blood
cut / slit one’s own throat
stand on one’s own two feet / legs
take the law into one’s own hands
be more than / not be / just a pretty face
be a private eye
do something in the public eye
keep a quiet / still tongue in one’s head
give someone a red face
be someone’s right arm / hand
would give one’s right arm / eyeteeth / back teeth / ears for someone or something
start / get off on the right foot41
have a roving eye for someone or something
find / get one’s sea legs
have a sharp tongue
beat someone / win [lose] by a short head / neck
get [have] someone by the short hairs
be a sight for sore eyes
stick out like a sore thumb
have square eyes
keep a stiff upper lip
keep a straight / poker face
do something with a strong hand
have a strong head / stomach
have a sweet tooth
have a swelled / swollen head
get something into one’s thick skull / head
have a thick skin
have a thin skin
have two left feet
stand on one’s own two feet / legs
rear / raise its ugly head
get / win / gain [have] the upper / whip hand
keep a stiff upper lip
do something under someone’s very eyes / nose
catch someone on the wrong foot
start / get off on the wrong foot
Notes de bas de page
1 Bruno Gauron, ombudsman à Radio Canada, dans un entretien accordé à Télérama, 29/01/92.
2 Irène Tamba-Mecz (1981).
3 Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique. Toutes nos références concernant les travaux du L.A.D.L proviennent, sauf indication contraire, d’articles publiés dans Langages, n° 90 : Les expressions figées, sous la direction de Laurence Danlos, Larousse, juin 1988.
4 The University of Chicago Press, 1987.
5 La sémantique du prototype – Catégories et sens lexical. Puf, 1990.
6 Termes que nous définirons avec soin par contraste avec des expressions non figées et / ou non figurées, (cf. infra 1.2)
7 Cet article reprend partiellement et sous une forme sensiblement différente l’argumentation d’un chapitre de notre doctorat (1994).
8 Cf. annexes en fin d’article.
9 Cf. bibliographie en fin d’article.
10 Cf. M. Gross (1988) p. 22.
11 idem, p. 18.
12 « Reason has a bodily basis », explique G. Lakoff, op. cit., p. xi.
13 Metaphors we live by, the University of Chicago Press, 1980. Nous travaillons dans cet article à partir d’une traduction : Les métaphores dans la vie quotidienne. Editions de Minuit, 1985.
14 Op. cit. p. 22 (M. Gross) et p. 188 (I. Tamba-Mecz).
15 Cf. par exemple S. Berland-Delépine (1989) p. 334.
16 Chiffre établi par nous dans le cadre de notre doctorat.
17 Op. cit. pp. 82-88.
18 On lira avec profit sur ce point l’analyse de la catégorie « oiseau » que propose G. Kleiber (op. cit. ch. 2.).
19 Le Petit Robert, éditions Le Robert, 1981, p. 395 : « Les parties du corps : membres (bras, avant-bras, main, cuisse, jambe, pied), tête (crâne, cou, face), tronc (épaule, buste, poitrine, sein, dos, thorax, hanche, ceinture, bassin, abdomen, ventre) ; peau, muscles, squelette, humeurs, sang. ».
20 Op. cit. p. 46 : « Si vous me demandez de montrer une photo de mon fils et que je vous montre une photo de son visage, vous serez satisfait. Mais si je vous montre une photo de son corps sans visage, vous considérerez que cela ne suffit pas. »
21 Op. cit. pp. 96-97. Nous résumons ici l’argumentation de l’auteur.
22 La saillance perceptuelle de head nous semble supérieure à celle de face dans la mesure où lorsque qu’une personne s’approche, on perçoit d’abord la tête avant de pouvoir distinguer les traits du visage.
23 William E. Cooper (1974) p. II.
24 W.E. Cooper montre qu’il existe une relation entre l’importance de certaines modalités sensorielles (la vue en particulier) et la capacité des référents de cette modalité à être présents dans diverses combinaisons syntaxico-sémantiques.
25 Dans l’émission télévisée La Marche du siècle du 21/11/90 consacrée aux dons d’organes, le professeur Cabrol, spécialiste des transplantations d’organes, expliquait à juste titre : « On a un cœur qu’on sent vivre ; il suit nos émotions, nos désirs ; c’est notre compagnon. [...] On a des reins, un foie, on ne les sent pas marcher... ».
26 Voire 6 si l’on considère que heart et stomach sont interchangeables dans l’unique expression contenant stomach.
27 Précisons cependant que ceci ne veut pas dire qu’ils n’offrent aucune saillance perceptuelle ; les manifestations physiologiques accompagnant certaines émotions relèvent de ce domaine et ont été scientifiquement démontrées, comme l’indique G. Lakoff dans son analyse de anger (Op. cit. p. 407). Cf. par exemple do something in cold (hot) blood.
28 Cf. note 25 ci-dessus.
29 (1992), p. 363. Nous soulignons. Précisons également que le san est une langue de la famille mandé, parlée au Burkina Faso.
30 Op. cit. p. 290. G. Lakoff y cite les travaux de Dixon (1982), en particulier : « Where have all the adjectives gone ? »
31 Cité par G. Kleiber, op. cit. pp. 93-94.
32 Cf. net [have] sometme by the short hoirs.
33 Cité par Kleiber. Op. cit. p. 95.
34 Op. cit. p. 95.
35 Ajoutons que la notion de partage associée à une bonne compréhension interindividuelle nous semble largement dépasser le simple cadre de la compréhension des expressions figées en Npc.
36 Cette dimension culturelle de certains adjectifs, qui permet à nos yeux de les considérer, du moins dans le strict cadre des expressions figées en Npc, comme (culturellement) objectivables ne nous semble guère avoir été développée par G. Kleiber. qui classe good parmi les adjectifs subjectifs (p. 93). Il est vrai qu’il ne consacre pas spécifiquement son étude des adjectifs à ces expressions, dont par ailleurs il suggère que les prendre en compte « permettrait de donner une assise plus "univoque" à ce savoir typique présumé partagé » (p. 78).
37 C’est ce qui ressort des réponses proposées par toutes les personnes, anglicistes et anglophones, à qui nous avons présenté (24) et (24") (moins la parenthèse) sous forme de dialogue, en leur demandant de bien vouloir donner une glose de (24") : tous ont proposé des gloses comme : « Tu plaisantes ? », « Tu sais quelque chose que je ne sais pas ? » (qu’il a des amis banquiers par exemple, ou qu’il l’est lui-même), ou l’ont fait suivre d’une explication comme celle que nous avons retenue dans la parenthèse. Aucun n’a interprété (24") comme demande d’explication de be in good hands.
38 Notons également que l’adjectif permet ici de distinguer (30) de :
(30’) give someone a hand.
Un autre exemple de l’adjectif comme « simple » intensifieur serait :
(31) have [keep] one’s /a(n) beudy / eugle eye on someone or something où l’adjectif ne semble avoir qu’une valeur d’intensifieur par rapport à :
(31’) have [keep ! one’s /u(n) eye on someone or something.
39 (1987) ch. 2, p. 49. Nous tenons à remercier L. Danon-Boileau, notre directeur de recherche, et les membres du groupe TELOS pour leurs relectures riches en remarques et suggestions.
40 / signale une interchangeabilité entre les mots qu’il sépare.
41 Il s’agit ici d’un right différent du précédent, non pas contraire de left mais contraire de wrong, comme le confirme l’existence de start / get off on the wrong foot.
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L’argumentation aujourd’hui
Positions théoriques en confrontation
Marianne Doury et Sophie Moirand (dir.)
2004
L’astronomie dans les médias
Analyses linguistiques de discours de vulgarisation
Jean-Claude Beacco (dir.)
1999
L'acte de nommer
Une dynamique entre langue et discours
Georgeta Cislaru, Olivia Guérin, Katia Morim et al. (dir.)
2007
Cartographie des émotions
Propositions linguistiques et sociolinguistiques
Fabienne Baider et Georgeta Cislaru (dir.)
2013
Médiativité, polyphonie et modalité en français
Etudes synchroniques et diachroniques
Jean-Claude Anscombre, Evelyne Oppermann-Marsaux et Amalia Rodriguez Somolinos (dir.)
2014
Dire l’événement
Langage, mémoire, société
Sophie Moirand, Sandrine Reboul-Touré, Danielle Londei et al. (dir.)
2013