Héra, le navire et la demeure : offrandes, divinité et société en Grèce archaïque1
p. 113-122
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Texte intégral
1Un des problèmes récurrents de l’archéologie et de l’histoire des cultes est l’analyse de la relation entre les attributions ou modes d’intervention d’une divinité dans la société et les formes prises par son culte, sous le double rapport de la localisation de ses sanctuaires et du choix des objets qui y étaient déposés, en qualité soit d’instruments du culte (en usage ou consacrés), soit d’offrandes à proprement parler. Sur ce dernier point, toute méthode se heurte aux difficultés d’interprétation nées à la fois de l’ignorance où nous nous trouvons souvent du contexte rituel de l’usage d’un objet dans un sanctuaire, et de l’éventuelle “polysémie” de l’offrande - la pluralité d’intentions et les significations sous- jacentes à sa consécration1. De ce fait, toute étude des offrandes hors de leur contexte s’avère aléatoire ou trop généralisante. On peut bien repérer des séries caractéristiques paraissant définir les traits dominants d’une divinité ; mais il n’est pas rare de trouver alors des recoupements entre plusieurs divinités ou, inversement, des singularités propres à un sanctuaire qui paraissent sans rapport avec la conception globale de la figure divine. Le problème paraît encore plus aigu dans le cas des déesses, dont les domaines d’intervention : fécondité et fertilité, courotrophie et initiations, mariage et naissance, sont souvent proches alors que leurs modes d’intervention sont, eux, très différents.
2Les cultes d’Héra semblent cependant fournir un cas où l’on peut identifier certains types d’offrandes qui éclairent la nature de la divinité en évitant le double écueil de la généralisation superficielle et du particularisme local, même s’ils (ou grâce au fait qu’ils) n’appartiennent pas aux séries les plus répandues et forment des groupes d’objets qui semblent au premier abord n’avoir aucun lien apparent entre eux. Les sanctuaires d’Héra ont en effet livré deux genres d’offrandes qui ne leur sont associés ni de façon exclusive - on les trouve chez d’autres divinités -, ni de façon systématique – ils ne figurent pas dans tous les lieux de culte de la déesse -, mais de manière nettement plus fréquente qu’ailleurs : ce sont les modèles réduits d’édifices et de navires (fig. 1).
3Les modèles réduits d’édifices sont bien connus depuis les découvertes anciennes effectuées dans les sanctuaires de Prosymna en Argolide et de Pérachora en Corinthie, où furent mis au jour plusieurs exemplaires de terre cuite d’époque géométrique : quatre à Pérachora, dont un qui serait le plus ancien de la série, du début ou de la première moitié du viiie siècle, et trois autres très fragmentaires ; un à Prosymna, de la fin du viiie ou début du viie siècle2. Ils ont généralement été considérés comme des modèles réduits de temples, mais cette interprétation demeure sujette à caution dans la mesure où ils appartiennent à une époque où il n’existe encore guère de critères architecturaux qui permettent de distinguer toujours un édifice cultuel d’un édifice domestique, voire fonctions cultuelles et fonctions domestiques à l’intérieur d’un même édifice : les temples ne deviennent vraiment identifiables comme tels qu’à partir du moment où leur architecture se sépare résolument de l’architecture domestique à la fin de l’époque géométrique. Le problème est le même pour les modèles réduits, dont l’interprétation dépend de surcroît de la restitution qu’on en donne3.
4De plus, parmi les nombreux modèles réduits d’époque archaïque maintenant répertoriés, seuls ceux qui abritent une idole ou qui ont manifestement une forme de temple périptère peuvent être considérés avec certitude comme des édifices cultuels4 ; les autres, c’est à dire la majorité, semblent correspondre à des maisons d’habitation. C’est le cas de l’importante série découverte à Samos : les trente-trois exemplaires provenant de l’Héraion, en pierre et datables pour l’essentiel entre la fin du viiie et le milieu du vie siècle, représentent ainsi différents types d’édifices (maisons-tours, maisons ovales, édifices à abside) attestés dans l’architecture contemporaine ou, parfois, perpétuant des formes qui semblent passées hors d’usage mais conservent leur valeur symbolique5. D’autres sanctuaires (acropole d’Athènes, Aétos d’Ithaque, Athéna Chalkioikos à Sparte), voire des tombes, ont livré des modèles réduits d’époque archaïque, mais jamais en séries aussi homogènes et importantes que dans les sanctuaires d’Héra.
5Les modèles réduits de navires trouvés en contexte cultuel datent eux aussi de la période qui s’étend du Géométrique récent au milieu ou à la deuxième moitié du vie siècle. Les modèles réduits en terre cuite en sont la forme la plus répandue dans un certain nombre de sanctuaires proches de la mer : Inatos en Crète, Délos, Égine (Aphaia), Isthmia, Pérachora, Ischia, mais aussi sur les acropoles d’Athènes et de Larissa sur l’Hermos ; une quinzaine d’exemplaires ont par ailleurs été mis au jour à Corinthe, sans doute sur leur lieu de fabrication (quartier des potiers), mais les quelques exemplaires trouvés dans les dépôts votifs de Corinthie ne laissent guère de doute sur la destination cultuelle de ces objets6. Là encore, c’est l’Héraion de Samos qui a fourni le groupe le plus consistant et le plus original sous la forme de vingt-deux maquettes ou plutôt silhouettes de navires, cette fois en bois, d’une taille variant de trente à cinquante centimètres ; leur présence est d’autant plus significative que de vrais navires ont également été consacrés dans le sanctuaire à l’époque archaïque7. Sans que, de nouveau, ce type d’offrande soit réservé exclusivement à Héra ni ne forme une catégorie rigoureusement homogène, l’attrait particulier de la déesse pour les modèles de navire paraît confirmé par les barques de bronze d’origine sarde trouvées dans l’Héraion du cap Lacinien à Crotone et dans celui de Gravisca, sanctuaires où étaient également offertes des ancres de navire et qui fournissent ainsi un remarquable contrepoint occidental et non-grec aux séries samiennes ou corinthiennes8.
6Ces deux types d’offrande ont donc en commun à la fois leur association préferentielle - mais non exclusive - à Héra, singulièrement évidente à Samos en raison de conditions de préservation exceptionnelles9. A ce point, plusieurs types d’analyse sont possibles pour rendre compte de ce phénomène. On peut considérer qu’il est arbitraire d’isoler et de rapprocher ainsi deux catégories d’objets dont chacune devrait recevoir une explication propre, leur réunion demeurant sinon fortuite, du moins purement conjoncturelle, en fonction de contextes particuliers et non d’un caractère fondamental de la divinité. On soulignera alors aisément tout ce qui unit Héra au monde de la navigation : dans ses sanctuaires ouverts sur le monde maritime, par leur situation à proximité d’un rivage abordable ou d’un port (Samos, Cumes, et plus tard dans les emporia de Naucratis et Gravisca), ou bien en position de vigie sur un cap, un promontoire où ils constituaient un amer remarquable même s’ils n’étaient pas directement accessibles de la mer (Pérachora, cap Lacinien) ; et dans les mythes qui font de Jason le héros favori de la déesse (déjà dans Odyssée, XII, 69-72) et, avec les Argonautes, le fondateur des sanctuaires de Samos et de l’embouchure du Sele près de Poséidonia10. Dans ces sanctuaires “maritimes”, Héra serait une divinité protectrice de la navigation comme Athéna, Eilithya, Aphaia ou Aphrodite pouvaient l’être ailleurs ; et c’est dans ces sanctuaires que les modèles de navire avoisineraient les modèles de maisons qui refléteraient le rôle plus fondamental d’Héra dans la protection de l’univers domestique et la perpétuation de l’oikos.
7Dans cette perspective cependant, les attributs d’une divinité finissent par se présenter comme une collection, une juxtaposition presque fortuite de fonctions séparées qui, même si on y voit le résultat d’un processus historique : stratification de traits hérités d’un passé plus ou moins lointain11, ou confluence de traditions régionales originellement distinctes, n’éclaire ni la logique propre à la divinité et à son culte en fonction de laquelle cette conjonction aurait été opérée, ni le sens que celle-ci pouvait revêtir à l’époque où les offrandes la rendent manifeste. Une autre analyse possible consisterait alors à étudier le processus d’agrégation des différentes composantes d’une figure divine sanctuaire par sanctuaire, afin de déterminer le rôle qu’y jouaient les facteurs strictement locaux. Pour Héra, la singularité des offrandes de Samos semblerait ainsi appeler une explication particulière : pourquoi, en effet, la conjonction du navire et de la demeure revêt-elle là une forme si distincte ? L’état exceptionnel de conservation des objets peut rendre compte de l’abondance des séries samiennes, ou de la préservation d’offrandes en bois normalement vouées à la destruction ; mais il ne peut expliquer ni leur typologie originale, ni leur parfaite coïncidence chronologique, les modèles réduits de navire et de maison tombant l’un et l’autre en désuétude vers le milieu ou dans la seconde moitié du vie siècle.
8Notre ignorance du rôle de ces modèles ou maquettes dans les rites limite les possibilités d’interprétation. La fonction rituelle des navires ou barques en réduction, peut-être dans des processions comme on l’a supposé à propos de l’Héraion du Sele, reflète évidemment la place fondamentale de la mer dans les mythes, l’histoire, l’aménagement et les fêtes du sanctuaire. C’est en effet du côté de la mer que se trouvait l’accès principal à l’Héraion jusqu’au viie siècle, et le “port d’Héra” était, assez vraisemblablement déjà à haute époque, le théâtre de la fête des Tonaia au cours de laquelle la statue de la déesse était portée jusqu’au rivage, rite censé commémorer la tentative avortée d’enlèvement de la déesse par les pirates tyrrhéniens ; enfin les navires réels consacrés dans le sanctuaire avaient été offerts conjointement à Héra et Poséidon12. On peut néanmoins aller au delà de ces généralités ; en effet, l’association demeure/navire évoque de façon frappante le double visage d’une société que l’on serait tenté d’assimiler au “modèle égéen” identifié par les ethnologues de la Grèce moderne : une société insulaire où, à la différence du “modèle péloponnésien” rural et patrilinéaire, les hommes se consacrent pour la plupart aux métiers de la mer et sont propriétaires des bateaux qu’ils lèguent à leurs fils, tandis que les femmes sont propriétaires des maisons qu’elles apportent en dot et transmettent à leurs filles, et jouissent d’une grande autonomie à terre en ce qui concerne la gestion des affaires familiales13. Bien entendu, on se gardera d’appliquer rétrospectivement et sans précaution un exemple moderne à la Grèce archaïque. Cependant, ce rapprochement a le mérite de replacer le mariage, et l’apport de la maison qui l’accompagne, au centre du problème. L’importance du navire à Samos peut refléter simplement la place essentielle que tenaient les relations maritimes dans la société samienne archaïque, si ce n’est dans la fondation et les premiers temps du sanctuaire (voir infra). Mais l’insistance sur la maison, symbole de l’univers domestique, souligne par contraste l’absence presque totale à Samos des offrandes féminines de métal si caractéristiques des sanctuaires continentaux d’Héra : les épingles, surtout dans le Péloponnèse, et les fibules, principalement en Grèce centrale et septentrionale14. Les modèles de maisons samiens, consacrés dans le sanctuaire de la divinité protectrice du mariage (et peut-être à l’occasion des mariages ?), semblent donc être une version particulière de la catégorie générale des offrandes évoquant la souveraineté d’Héra sur le monde féminin et domestique de l’oikos ; et cette particularité pourrait refléter les spécificités d’une société insulaire et maritime où la mobilité des hommes fait ressortir la nécessité du pôle stable, féminin, dans la transmission des demeures et la définition de l’appartenance au groupe.
9Il convient dès lors de dépasser l’analyse locale pour se demander si cette conjonction/opposition entre demeure et navigation, stabilité du foyer et mouvement du voyage, féminin et masculin, si nette à Samos, n’éclaire pas un caractère fondamental de la figure d’Héra qui apparaîtrait ailleurs sous d’autres formes. La mythologie y invite, qui associe de façon privilégiée la déesse souveraine à deux héros explorateurs des confins du monde, Jason et Héraclès, tous deux fondateurs présumés de plusieurs de ses cultes au cours de leurs pérégrinations15. Mais bien d’autres aspects des sanctuaires et des offrandes de la divinité pourraient en découler. Ainsi, la proportion notable des offrandes d’origine non locale, voire non grecque est un fait remarquable dans maints sanctuaires de la déesse, même si l’on ne tient pas compte des objets d’origine orientale (comme les phiales et bols à libation) que l’on trouve en séries dans la plupart des grands sanctuaires archaïques où ils furent introduits en tant qu’instruments de culte16. C’est derechef à Samos, où les objets non grecs représentent près des trois quarts des offrandes non strictement locales ou régionales aux viiie et viie siècles, que le phénomène est le plus frappant ; il est bien attesté aussi à Pérachora où un groupe consistant de sceaux et ivoires phéniciens, ainsi que nombre d’objets de Grèce de l’Est jouxtent les offrandes purement locales. Il s’agit assurément dans ces deux cas de cités, Samos, Corinthe, dont on pourrait invoquer une fois encore la vocation maritime et commerçante pour expliquer les singularités de leurs pratiques votives. D’autres exemples cependant n’ont plus rien à voir avec l’influence supposée des navigations : c’est le cas des parures indigènes trouvées à l’Héraion de Crotone en même temps que la barque sarde, qui témoignent des contacts établis au viie siècle avec les sociétés œnôtres de l’arrière-pays17.
10De façon assez inattendue, l’Héraion d’Argolide, sanctuaire résolument continental, illustre lui aussi cette particularité. Il apparaît en effet qu’au viiie siècle, d’après les données connues, une grande partie des bronzes de prix - trépieds, figurines animales des poignées de trépied ou indépendantes - consacrés dans le sanctuaire était d’origine extérieure, principalement corinthienne, mais aussi attique ou laconienne18. Le fait n’aurait rien de surprenant si l’Héraion avait été non pas le grand sanctuaire central de l’Argolide, mais un sanctuaire interrégional comme Olympie ou Delphes, où l’influence des grandes cités se faisait sentir tour à tour, ou bien si l’Argolide avait été dépourvue de tradition métallurgique, ce qui n’était évidemment pas le cas. Par ailleurs, si les trépieds avaient été les prix de victoires remportées hors de l’Argolide, on s’attendrait à trouver aussi, réciproquement, des bronzes d’origine extérieure dans les grands sanctuaires associés aux cités voisines : or les trépieds trouvés à Isthmia sont exclusivement corinthiens et ceux de l’acropole d’Athènes sont considérés comme représentatifs de la production attique19. Il s’agit donc d’un trait spécifique du sanctuaire d’Héra dont les panégyries, unissant les diverses communautés de la plaine qu’il dominait (fig. 2), étaient sans doute l’occasion de multiples échanges, alliances et rivalités ritualisées. Dans ce contexte, n’associer la fonction commémorative du trépied qu’au seul domaine de la compétition agonistique paraît trop réducteur : il faut plutôt l’étendre à toute occasion où le mnèma monumental permettait de matérialiser et de garder vivant le souvenir d’un événement considéré comme primordial dans l’ensemble des relations sociales et “diplomatiques” nouées autour du sanctuaire. L’offrande de bronzes de prestige de production étrangère à l’Héraion peut ainsi être interprétée comme une forme de publicité et de commémoration des alliances établies entre des “princes” d’Argolide et des régions voisines, peut-être par le biais de l’hospitalité, principale occasion, dans l’Odyssée, du don du trépied, à laquelle la sanction divine donne un caractère quasiment ostentatoire, et peut-être aussi par le moyen de mariages, dont l’évocation n’aurait rien de déplacé dans un sanctuaire d’Héra20.
11Tous ces exemples suggèrent qu’Héra patronnait une forme particulière d’articulation entre l’intérieur et l’extérieur, l’oikos et l’étranger, qu’une comparaison permettra de préciser davantage. Il existe en effet une autre divinité postée sur le seuil entre le familier et l’inconnu : Artémis, qu’un mythe comme celui des Proïtides, chassées d’Argolide par la colère d’Héra, ensuite guéries et purifiées par Artémis en Arcadie, place clairement en vis-à-vis de la déesse souveraine. Ses sanctuaires ont eux aussi souvent accueilli des offrandes ou des pratiques d’origine étrangère, comme à Phères (Artémis Enodia), à Sparte (Ortheia) où les rites archaïques ont intégré l’usage de masques d’origine phénicienne, à Ephèse enfin où l’Artémision a livré des offrandes cimmériennes aussi bien qu’orientales21. Là encore, la mention de deux sanctuaires continentaux à côté du sanctuaire portuaire d’Ephèse montre que l’importance des échanges et des contacts avec l’étranger peut accentuer, mais ne peut suffire à expliquer l’introduction d’éléments exotiques. Cependant, l’Artémision d’Ephèse montre bien ce qui distingue Héra d’Artémis. Le sanctuaire a en effet livré, outre les offrandes non grecques, des traces de sacrifices de type sémitique. La place faite aux pratiques cultuelles non grecques illustre bien la spécificité d’Artémis dont les mythes et les rites, aux portes mêmes de la cité aussi bien que sur les confins du territoire ou sur les rivages, effacent momentanément les repères habituels, brouillent pour un temps les distinctions habituelles entre le familier et l’étranger comme ils abolissent, par le travestissement, la frontière entre le masculin et le féminin, l’humain et l’animal ou le divin22. C’est évidemment à une tout autre forme de contact entre l’intérieur et l’extérieur que préside Héra, et cette différence se lit dans la structure des sanctuaires et l’organisation des cultes. L’Héraion de Samos a bien livré des figurines orientales qui, parce qu’elles supposent l’assimilation d’une divinité étrangère à la déesse grecque, prouvent que le sanctuaire était également fréquenté par des non-Grecs23 ; mais on n’y a trouvé aucune trace de pratiques sacrificielles exotiques, et le contraste entre l’aménagement de l’Artémision éphésien, où plusieurs espaces rituels distincts semblent avoir coexisté autour du temple au viie, et peut-être dès le viiie siècle, et celui du sanctuaire samien, fortement centré sur son autel unique, souligne cette différence fondamentale entre les deux divinités et leurs cultes respectifs.
12Le vis-à-vis entre Artémis et Héra n’est donc pas à lire, à l’exemple de celui que J.-P. Vernant avait mis en lumière entre Hermès et Hestia24, comme une opposition entre l’extérieur et l’intérieur, l’inconnu et le familier, le monde de la quête hors de l’espace balisé et celui du foyer, mais plutôt comme une tension entre deux types d’articulation entre le familier et l’étranger. Du côté d’Héra, les frontières ne sont pas abolies et les distinctions brouillées, mais au contraire un ordre établi pour régulariser, canaliser, harmoniser les relations entre les deux univers, et cet ordre ne peut être mieux symbolisé que par l’institution qui, dans la société, constitue la forme primordiale et le ressort fondamental de l’échange équilibré, soumis à une loi commune acceptée par les deux parties : le mariage. Le rôle d’Héra dans la protection des échanges et de l’ouverture sur le monde extérieur, ouverture qui se traduit par l’intégration ritualisée d’un élément exogène, semble donc consubstantiel à sa figure d’épouse souveraine, et transparaît d’une façon ou d’une autre dans tous ses cultes même si des conditions locales particulières en accentuent les manifestations dans les cités maritimes ou coloniales.
13Ce trait permet ainsi de mieux comprendre l’implantation des sanctuaires de la déesse et la dialectique particulière que leur position médiane instaure entre situation centrale et situation liminale. Dans la plupart des cas, les sanctuaires fondés sous l’impulsion ou la dépendance d’une cité, situés sur un cap dans le territoire (Pérachora, cap Lacinien) ou un promontoire en surplomb du port (Cumes, Byzance), à la limite de la ville (à l’angle sud-ouest de Naxos, au pied des murs de Crotone, à faible distance des murs de Platées) ou encore près des fleuves (Poséidonia, Métaponte), traduisent la fonction médiatrice du culte par leur installation sur un seuil significatif, jalonnant le passage entre l’espace de la cité (ville ou territoire) et l’univers extérieur25 ; aussi ces balises fixèrent-elles parfois les mythes des héros, comme Jason ou Héraclès, que leurs exploits portaient à la limite de l’univers connu ou civilisé. Mais certains sanctuaires, moins directement dépendants d’une cité à l’origine, matérialisent cette fonction d’une autre façon. Ainsi, l’Héraion d’Argolide constitue visiblement un meson que sa position intermédiaire plaçait au cœur des relations entre les communautés locales aussi bien qu’entre celles-ci et les régions voisines ; la fonction médiatrice du culte se reflète d’abord dans sa centralité, et c’est dans ce cadre que se mit progressivement en place la relation privilégiée entre Argos et le sanctuaire. Or, il se pourrait que dans un premier temps l’histoire de l’Héraion de Samos ait été également déterminée par une forme de centralité égéenne plutôt que par ses liens avec la cité voisine. La convergence vers le sanctuaire d’offrandes provenant de tous les rivages de la Méditerranée orientale peut donner une image de cette centralité pour les viiie et viie siècles26, image artificielle cependant, car l’origine des objets ne peut être systématiquement confondue avec l’identité de ceux qui les consacraient au terme de parcours et d’échanges dont le détail nous échappe. Dans quelques cas néanmoins, le cheminement des offrandes semble illustrer cette centralité égéenne du sanctuaire. Ainsi en est-il des célèbres pièces de harnachement de cheval : le frontal et les œillères de bronze, qui se trouvaient à l’origine, vers la fin du ixe siècle, dans le trésor du roi Hazael de Damas, ainsi que l’attestent leurs inscriptions en araméen. L’une au moins des œillères aboutit dans le sanctuaire d’Apollon Daphnéphoros à Erétrie vers la fin du viiie siècle ; le frontal fut apporté en offrande à l’Héraion de Samos à une époque non précisée, mais avant le vie siècle en tout cas27. On peut concevoir que ces pièces aient été disjointes à un moment donné, peut-être à la suite du pillage de Damas par les Assyriens en 732, et soient arrivées séparément dans les deux sanctuaires grecs ; ce serait là une belle coïncidence. Mais, étant donné le rôle moteur que les Eubéens, et en premier lieu leurs aristocrates qui seront réputés aussi comme éleveurs de chevaux, tels les hippobotai chalcidiens, jouaient depuis longtemps dans les échanges avec le Proche-Orient, il paraît au moins aussi vraisemblable que ces pièces de harnachement aient pu arriver ensemble entre les mains d’un seigneur érétrien qui les aurait alors séparées pour en offrir une partie au dieu de sa propre cité, et une partie à l’Héra de Samos.
14Une telle répartition des offrandes confirmerait que la déesse régnait sur les échanges égéens et sur un ensemble de relations régionales d’une façon qui n’est pas sans rappeler son rôle en Argolide où s’opérait un partage analogue des activités cultuelles entre les sanctuaires de chaque cité et le sanctuaire commun. Elle apporterait ainsi un nouvel éclairage sur le rôle d’Héra dans la colonisation eubéenne, souligné par Nazarena Valenza Mele pour qui la protection dispensée par la déesse sur les navigations à longue distance, aussi bien que l’importance particulière des mythes et des cultes d’Héra en Eubée, auraient fait de la divinité la véritable archégète des fondations eubéennes28. Assurément, le patronage d’une divinité régulatrice des échanges entre le familier et l’étranger paraît tout à fait adapté aux entreprises eubéennes vers l’Orient et l’Occident et à la cohabitation avec des non-Grecs, comme à Pithécusses : Héra jalonnerait les parcours et les fondations des Eubéens de la même manière que l’autre divinité “liminale”, Artémis, jalonne ceux des Phocéens au vie siècle29. Mais s’agit-il d’une Héra exclusivement eubéenne, locale ? L’Artémis des Phocéens était celle d’Ephèse, dont le culte, à défaut d’être véritablement fédéral, rayonnait sur l’ensemble des Ioniens ; l’Héra qui a guidé les premières expéditions eubéennes, différente de l’Héra péloponnésienne des cités achéennes, plus territoriale, pourrait avoir été plus proche de la divinité “égéenne” de Samos que d’aucun de ses avatars continentaux.
15L’analogie fonctionnelle entre le sanctuaire de Samos et celui d’Argolide, par delà les différences de contexte, pourrait éclairer aussi certains aspects de leur histoire. Non qu’elle suffise à donner consistance aux légendes qui voulaient placer le premier dans la mouvance du second30 : des différences sont perceptibles dès l’origine. L’apparition du culte d’Héra à Prosymna, au plus tard vers la fin du ixe siècle, s’inscrit dans l’évolution des relations entre les différentes communautés d’Argolide : lointain héritage, peut-être, d’un culte dynastique de Tirynthe de l’âge du Bronze31, son implantation sur un site mycénien déserté, à peu près à équidistance des principales bourgades, paraît refléter à la fois le renforcement de l’unité culturelle de la région et le nouvel équilibre qui s’y était instauré à l’époque géométrique. Il se trouve ainsi au cœur des processus de rivalité et d’appropriation symboliques par lesquels se constituent les grandes cités au viiie siècle. Inversement, bien que les débuts du culte de Samos restent mal connus, ils semblent antérieurs au développement de la cité, encore embryonnaire au viiie siècle alors que le sanctuaire est florissant et qu’est édifié le premier hécatompédon (vers 750 ?). Ce n’est qu’à la fin du viie siècle que la construction de la voie sacrée modifie l’accès au sanctuaire et matérialise l’axe désormais privilégié établi entre la ville et son sanctuaire extra-urbain32. Le culte a sans doute servi de point de ralliement à la population de l’île à l’époque géométrique, mais on peut se demander dans quelle mesure il ne doit pas son essor primitif, si ce n’est même sa fondation, à sa fonction de lieu de rencontre pour l’ensemble des îles et cités littorales avoisinantes, ainsi que pour les navigateurs parcourant ces eaux, ce qui devait en faire le sanctuaire central de l’espace d’échanges qui se dessine dès le ixe siècle entre l’Egée et le monde cypro-levantin. La vocation maritime des Samiens qui s’affirma au cours de l’époque archaïque pour culminer avec la “thalassocratie” de Polycrate, pourrait donc être en partie la cause de l’ouverture du sanctuaire aux offrandes extérieures, mais aussi en partie la conséquence du rôle central du culte dans le monde égéen : l’essor de Samos aurait été stimulé par celui du sanctuaire quand les navigations et les échanges se multiplièrent aux viiie et viie siècles. Ceci permettrait de comprendre le contraste entre la richesse et la diversité des offrandes, preuves d’une fréquentation intensive, et la relative modestie architecturale du sanctuaire pendant tout le viie siècle : ce n’est qu’à partir de la fin du siècle que les termes du rapport entre sanctuaire et cité s’inversent et que le premier doit l’essentiel de son éclat à la seconde dont la puissance s’est affirmée et se traduit par d’ambitieux programmes architecturaux.
16Cependant, dans le même temps que les constructions se multipliaient, les offrandes changaient ou disparaissaient : ainsi, dès le milieu ou la seconde moitié du vie siècle à Samos, au plus tard au début du ve ailleurs, l’usage d’offrir maisons et navires miniatures prit fin. Cette évolution est à mettre en rapport avec l’ensemble des transformations qui affectèrent les sanctuaires et les pratiques cultuelles dans la dernière phase de l’archaïsme : l’édification de temples monumentaux coïncida parfois avec une réorganisation du culte, comme à Éphèse où la construction du gigantesque temple de Crésus mit fin à l’éclatement de l’espace rituel en plusieurs pôles ; à Samos aussi, l’intervention massive de la cité (temple de Rhoikos, achevé vers 560) modifia la signification du culte en faisant passer l’accent de l’ouverture sur l’extérieur, si manifeste dans les offrandes antérieures, aux manifestations unitaires et unificatrices des grands rites et édifices collectifs33. Il ne s’agit pas là uniquement d’initiatives de rois ou de tyrans sourcilleux : ces changements s’insèrent dans un ensemble de mutations où les problèmes d’articulation des différents segments de la société, et de la société avec le monde extérieur, auparavant posés en termes essentiellement cultuels, passent dans d’autres domaines de la vie commune. La disparition des offrandes ou des rites caractéristiques de l’époque archaïque coïncide ainsi, dans la seconde moitié du vie siècle, avec le mouvement qui vit le champ politique devenir le véritable meson de la société, comme le montre, à Samos même, l’épisode fameux de Maiandros déposant le pouvoir “au centre”34.
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Notes de bas de page
1 Voir les remarques analogues de Ph. Brize dans ce même volume.
2 Payne 1940, 32-40 ; Schattner 1990, 33-40.
3 Schattner 1990, 173-176, 210-212 ; Trianti 1984.
4 C’est le cas des modèles réduits de temples de la fin de l’archaïsme en Grèce d’Occident, qui n’entrent pas dans le cadre de cette étude : Staccioli 1968 ; Danner 1992, 36-48.
5 Schattner 1990, 99-128.
6 Johnston 1985, 42 (n° 7), 52-53 (n° 1-2), 65-71 (n° 26-28, 30-31, 33-48), 72-74 (n° 50-52). Les chenêts en forme de navire des tombes de Crète et d’Argolide, inclus par l’auteur dans son répertoire (Ibid., 39-42, n° 2-5), ne peuvent cependant pas être considérés comme de véritables “modèles”. Egine : Sinn 1988, 151-152.
7 Ohly 1953, 111-119 ; Kopcke 1967, 145 sqq. ; Kyrieleis 1980, 89-105 ; Johnston 1985, 54-64 (n° 3-24).
8 Lattanzi 1991 et R. Spadea dans ce volume. On reconnaît (trop ?) volontiers, depuis Frickenhaus 1912, 63, n° 9 et 124-125, une barque dans le support oblong empli de fleurs d’astérion que la déesse porte sur l’épaule sur certaines figurines, non sans faire le rapprochement avec certains rites modernes comme la célèbre procession de la Madonna del Granato à Capaccio, au sud de Paestum ; y voir nécessairement un symbole maritime paraît cependant excessif.
9 Les modèles de navire réapparurent en milieu insulaire à l’époque hellénistique, mais en moins grand nombre (Johnston 1985, 85-121).
10 Samos : Pausanias, VII, 4, 4 ; Poseidonia : Strabon, V, C 251. Héra à Cumes, en surplomb du port (comme le dépôt votif d’Ischia où furent trouvés trois modèles de navire) : Valenza Mele 1977, 498-504 ; Valenza Mele 1991-92, 9-17. Un sanctuaire d’Héra se dressait également sur le promontoire de la Corne d’or à Byzance (Dion. Byz., fr 9 = Müller, Geogr. Gr. Min. II, 23), et l’épithète Akraia donnée à la divinité correspond souvent à ce type de sanctuaire. Voir aussi pour Vélia le texte de G. Tocco dans ce volume.
11 Hadzisteliou-Price 1978, 87, verrait ainsi dans l’aspect maritime des déesses la survivance d’un trait minoen. Quelques modèles réduits de navires ont en effet été trouvés dans des sanctuaires crétois et grecs du Bronze moyen et récent, en particulier Aghia Irini de Céos (Jonhston 1985, 12-34).
12 Tonaia : Athénée, XV, 672 b-e. Topographie du sanctuaire : synthèse récente de Kyrieleis 1993, 130 et 136. Navires : Ohly 1953, 111-112.
13 Voir par exemple l’étude très éclairante de Beopoulou 1981, 191-199. Je dois à Maria Couroucli d’avoir eu connaissance de cet article, ce dont je la remercie vivement.
14 Kilian 1975 ; Kilian-Dirlmeier 1984 ; et l’étude de Ph. Brize dans ce volume.
15 Jason : cf. n. 10. Héraclès, fondateur présumé du culte d’Héra Lacinia (Diodore de Sicile, IV, 24, 7), est largement représenté sur les métopes de l’Héraion du Sele.
16 Strøm 1992.
17 Samos, Pérachora : synthèse de Kilian-Dirlmeier 1985 et Strøm 1992. Crotone : cf. n. 6.
18 Rolley 1992, en part. 42-43, 46, 48-49.
19 Les trépieds d’Isthmia seront publiés par I. Raubitschek dans Isthmia VII. The metal objects. Trépieds d’Athènes : Touloupa 1972.
20 J’ai développé cette analyse dans “Cité et territoire : un modèle argien ?”, dans Argos et l’Argolide. Topographie et urbanisme (éd. A. Pariente et G. Touchais), (EFAthènes, Recherches franco-helléniques 3, sous presse), et dans Polignac 1996.
21 Phères : Kilian-Dirlmeier 1985 ; Sparte : Carter 1987 ; Éphèse : synthèse récente de Bammer 1991. Il est intéressant de noter qu’un sanctuaire d’Artémis a été trouvé précisément à la sortie de Samos vers l’Héraion, près du port : voir le texte de Ph. Zaphiropoulou dans ce volume.
22 Voir en dernier lieu Ellinger 1993.
23 Kyrieleis 1979 (rapprochement avec le déesse Gula de Babylone) ; Samos VIII, 33 (Héra et Mut) ; et Ph. Brize dans ce volume.
24 Vernant 1965, 124-170.
25 Les sanctuaires d’emporion, comme celui de Gravisca, constituent évidemment une autre illustration de cette position “entre-deux”.
26 Kilian-Dirlmeier 1985, fig. 20.
27 Kyrieleis/Röllig 1988 ; Charbonnet 1986. Voir aussi Strøm 1992, 48 et Röllig 1992, 97.
28 Cf. note 10. Knoepfler 1981 a supposé l’existence d’un Héraion près du rivage de Lefkandi, à la limite des territoires de Chalcis et d’Érétrie, après l’abandon de l’habitat de l’âge du fer, mais son hypothèse, pour séduisante qu’elle soit, ne repose que sur des reconstitutions fragiles.
29 Gras 1987 ; Malkin 1992 ; Bats 1994, 141-143.
30 Pausanias, VII, 4, 4 : la première statue de Samos aurait été apportée d’Argos. Athénée, XV, 672 a-b : Admète, fille d’Eurysthée, devient prêtresse d’Héra à Samos.
31 La plupart des traditions relatives aux origines du culte d’Héra en Argolide concernent en effet Tirynthe (Frickenhaus 1912, 19-24). Sur les débuts du sanctuaire, voir le texte de M.-F. Billot dans ce volume.
32 Kyrieleis 1993, 130.
33 La disparition, dans la seconde moitié du vie siècle, de la “vaisselle d’Héra” utilisée lors de repas rituels dans le sanctuaire (Kron 1988, en part. 144-145) paraît être un autre signe de ces mutations, que l’on peut rapprocher du déclin concomitant des repas rituels pratiqués sur les sommets de la chora attique au profit des cultes civiques (Polignac 1995, 95-98).
34 Hérodote, III, 142.
Notes de fin
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