Le lieu de culte de Méfitis dans les Ampsancti ualles : des sources documentaires hétérogènes
p. 145-181
Texte intégral
1Une divinité nommée Méfitis est attestée par des inscriptions (parfois aussi par des toponymes) sur une dizaine1 de sites de l’Italie centro-méridionale. Aussi a-t-on reconnu depuis longtemps en Méfitis une “déesse osque”2 (on peut même davantage circonscrire son domaine d’origine : en l’état actuel des occurrences, il semble se restreindre à la Lucanie interne, à l’Hirpinie et à la Campanie, au Latium méridional : fig. 1). C’est également pourquoi on suppose que, si son culte est en outre signalé à Rome (elle possédait sur l’Esquilin un bois sacré, lucus3, et un temple, aedes4), c’est parce qu’il y a été importé5. De là, il aurait essaimé plus au nord encore, ce qui explique qu’on le retrouve en Lombardie actuelle, à Crémone (Cremona)6 et à Lodi Vecchio (Laus Pompeia)7 (fig. 1). Cette diffusion du culte de Méfitis hors de son terroir d’origine, surprenante à certains égards, mériterait un supplément d’enquête. Mais ce n’est pas là le sujet de la présente étude.
2Si l’on s’en tient uniquement aux attestations au sud de Rome, un fait frappe : il ne s’agit, dans tous les cas, que d’inscriptions, osques ou latines (voire, comme je l’ai déjà dit, d’indices toponymiques), à une exception près. Le sanctuaire de Méfitis à Ampsanctus en Hirpinie est le seul à être également mentionné par des sources littéraires, au demeurant assez nombreuses8. C’est déjà là une présomption de son importance relative par rapport aux autres lieux de culte de la déesse, éventuellement même de sa primauté. Et voici peut-être une confirmation de ce fait : dans l’utile carte établie par M. Lejeune (fig. 1), les sanctuaires d’Hirpinie – Æclanum, Ampsanctus, Aequum Tuticum – occupent une position médiane dans l’aire de répartition des occurrences du théonyme, si bien qu’ils apparaissent en quelque sorte comme l’épicentre du culte. Cette place éminente du “pôle hirpin” mérite d’autant plus d’être rappelée que la découverte, voilà un tiers de siècle9, d’un autre sanctuaire de Méfitis, à Rossano di Vaglio en Lucanie interne – que les sources antiques ne mentionnent pas, mais dont la fouille a révélé l’exceptionnelle richesse, en structures monumentales, en inscriptions10, en mobilier - a largement éclipsé la renommée d’Ampsanctus. Mais que, dans les dernières décennies, Rossano di Vaglio soit arrivé au premier plan, ne doit pas faire oublier que, pour les Anciens, le lieu de culte de loin le plus célèbre de Méfitis se trouvait en Hirpinie.
Une documentation abondante et hétérogène
3Dès lors, une mise à plat de toutes les données disponibles s’impose11. Une documentation copieuse et variée fait de ce sanctuaire un cas d’école12 : il est rare – sauf dans quelques situations privilégiées : les grands temples de Rome et de ses alentours, quelques autres lieux de culte fameux disséminés dans la péninsule – de disposer à la fois de textes littéraires (une bonne douzaine ici)13, d’inscriptions (au moins une)14, de structures (même si celles-ci posent divers problèmes)15, d’éléments de décor architectural16, sans oublier bien sûr un abondant mobilier archéologique, dont la plus grande partie constitue ce qu’il est convenu d’appeler le dépôt votif du “vado mortale”17 (c’est-à-dire du ravin qui court au sud du lac sulfureux) : un lot exceptionnel de sculptures en bois, des statuettes en bronze et surtout en terre cuite18, de la céramique, des bijoux, de nombreuses monnaies19.
4Il convient enfin d’ajouter que la topographie même du vallon (fig. 2), avec ses caractéristiques naturelles inconfondables, son activité paravolcanique intense – le petit “lac des soufflards” (laghetto dei soffioni) qui bouillonne continuellement sous l’effet des gaz (fig. 3), le lit du torrent en contrebas où s’accumule l’anhydride carbonique (fig. 4) -constitue pour ainsi dire une source documentaire indépendante. En tout état de cause, plusieurs siècles avant la découverte, entre lac et ravin, d’une unique inscription mentionnant Mefitis Aravina20, ce sont justement les propriétés géophysiques du site qui ont permis aux lettrés et antiquaires d’identifier la “bouche des enfers” pestilentielle dont parlait les auteurs anciens. Certes, cette identification ne s’est pas faite sans tâtonnements. Dans son Italia illustrata (Venise, 1503), Flavio Biondo donnait une localisation erronée d’Ampsanctus, qu’il situait près de Rieti en Sabine, voulant concilier les données de Virgile (« il est un lieu, au milieu de l’Italie... les vallées d’Ampsanctus »21) et de ses glossateurs (« les chorographes appellent ce lieu l’ombilic de l’Italie »22), avec celles de Varron (« dans le territoire de Réate, le lac de Cutilia... est l’ombilic de l’Italie »23). Biondo sera d’ailleurs suivi par divers humanistes, entre autres Alde Manuce et Leandro Alberti24. C’est à Philipp Clüver (Cluverius), dans son Italia antiqua (Leyde, 1624), qu’il reviendra d’établir définitivement la localisation correcte du sanctuaire hirpin de Méfitis (fig. 5). Il vaut la peine de citer ce développement – au reste plein de saveur –, parce que l’identification découle à la fois d’un toponyme conservé (Mufiti) et d’un examen autoptique :
5« Au-delà de Taurasi, sous le bourg de Frigento, se trouve le sinistre lac d’Ampsanctus, mentionné par Cicéron, Virgile, Pline et Claudien. Aujourd’hui, les habitants de l’endroit l’appellent en langue vulgaire “Mufiti”. Cicéron (de diuinatione, livre I) : « Ne voyons-nous pas combien est grande la variété des terres ? Certaines d’entre elles sont mortelles, comme celle d’Ampsanctus chez les Hirpini et Plutonia en Asie, que nous avons vues ». Pline (livre II, ch. 93) : « Parlons des merveilles de la terre... : ailleurs, les émanations mortelles issues de trous ou dues au genre même du terrain, tantôt fatales aux oiseaux seuls, comme au Soracte, dans le voisinage de Rome, tantôt à tous les êtres excepté l’homme, parfois à l’homme aussi, comme dans les territoires de Sinuessa et de Pouzzoles. On appelle “cheminées”, ailleurs “Trous de Charon”, ces cavités exhalant un souffle fatal, tel encore chez les Hirpini, à Ampsanctus, ce lac (sic) voisin du temple de Méphitis, mortel pour ceux qui y pénètrent ». Voilà qui est tout est à fait ridicule. Qui trouverait-on en effet d’assez fou pour vouloir entrer dans ces eaux, de couleur sombre et d’odeur repoussante, qui jaillissent à hauteur d’homme en bouillonnant à grand bruit, au milieu d’un petit lac de forme triangulaire ? Oui vraiment, quand moi-même je m’en approchais, de loin déjà (car on sentait son odeur à un mille), je me bouchais très soigneusement le nez pour ne pas prendre mal... Mais ce qu’il y a de plus admirable dans ce lac, c’est ceci : alors que l’eau est projetée en hauteur avec tant de force, jamais pourtant le lac ne s’accroît. Elle retombe à la verticale dans son tourbillon »25.
6Cluverius, on le remarquera en passant, corrige indûment le texte de Pline, qui ne mentionne pas un « lac (lacum) voisin du temple de Méphitis », mais en fait un « lieu (locum) voisin du temple de Méphitis ». D’où son étonnement dédaigneux (ridiculum hoc sane) puisqu’il pense que le Naturaliste envisage le cas de qui entrerait dans les eaux d’un lac. L’erreur qu’il commet26 n’en est pas moins intéressante. Ce qu’il a vu de ses yeux – et ce que nous pouvons voir nous-mêmes, aujourd’hui encore (fig. 2-3) –, c’est un petit lac en ébullition. Aussi veut-il que Pline en parle lui aussi, alors qu’en réalité, un seul témoignage antique fait d’Ampsanctus un lac, le glossaire du tardif Vibius Sequester27. C’est toujours de “tourbillon” (uorago) ou de “source” (fons, scaturrigo) dont il s’agit28. On voit là à l’œuvre – même s’il aboutit en l’occurrence à un contresens – l’effort pour faire parfaitement coïncider sources textuelles et réalités topographiques. On y reviendra29. Pour l’instant, contentons-nous de noter que, si les deux catégories d’“évidences” – pour user d’un anglicisme – peuvent être confrontées l’une à l’autre, c’est bien que la géomorphologie du site constitue en soi une source d’information, et donc un type de document à utiliser pour la description du lieu de culte30.
7Au xviie-xviiie s., des érudits locaux prennent le relais, se réclamant de l’autorité de Cluverius pour rattacher définitivement et à bon droit Ampsanctus à leur Hirpinie – comme d’ailleurs les textes antiques y invitaient31: Scipione Bella Bonna d’Avellino32, Leonardo di Capua de Bagnoli Irpino, et surtout Vincenzo Maria Santoli, archiprêtre de Rocca San Felice, dont l’ouvrage De Mephiti et valli-bus Anxanti libri tres..., paru à Naples en 1783, constitue, avec ses observations de visu, sa récolte d’inscriptions et de monnaies, ses planches (fig. 6-7), une étape incontournable pour la connaissance du site33. Il est clair que toute cette littérature érudite constitue un autre filon documentaire encore, à prendre absolument en compte, même si les informations qu’elle donne peuvent être sujettes à caution, en particulier lorsqu’elles veulent “coller” à toute force aux données antiques, virgiliennes surtout. Quel crédit par exemple accorder aux descriptions que font Bella Bonna et Santoli d’une grotte (la grotta dei Bagni de Villamaina)34, que l’on voulait identifier à la “caverne effroyable”, le specus horrendum dont parle Virgile35 malgré son éloignement relatif du site36, et qui de toute façon s’effondra en 182237 ? Un peu plus tard (en 1834), l’anglais Daubeny reconnaît pour sa part dans une cavité près du lac le specus virgilien, “so that... the poet’s description is exactly verified”38.
8Au total donc, une documentation plutôt vaste, mais hétérogène. L’hétérogénéité est d’abord chronologique : les ex-voto retrouvés dans le lit du torrent se laissent dater entre le ve et le iiie s. av. J.-C. ; les monnaies, de l’époque archaïque aux derniers siècles av. n. è. (tandis que les émissions impériales sont rares) ; les structures fouillées entre ier s. av. et ier s. ap. J.-C. (avec cependant une dernière phase au ive) ; les textes entre la République tardive (Cicéron) et l’Empire tardif (Servius, Claudien). Elle est ensuite spatiale : on a d’un côté le vallon, théâtre d’une activité paravolcanique spectaculaire et lieu d’accumulation des ex-voto ; de l’autre, la colline de S. Felicita, sur les pentes des laquelle se disposent des structures qui restent “périphériques”39 par rapport au cœur du sanctuaire. C’est enfin, en quelque sorte, une hétérogénéité de points de vue. On a l’impression très nette que les sources littéraires, les inscriptions et les autres trouvailles archéologiques ne parlent pas de la même chose. Les premières décrivent presque exclusivement une curiosité naturelle, les secondes définissent un lieu de culte40.
9Ces différences réelles ne doivent pourtant pas nous dissuader de chercher à combiner les diverses catégories de sources entre elles. Quelque précaution qu’il faille prendre en recourant à la méthode combinatoire, quelque conscience qu’il convienne d’avoir des dangers que son usage non critique comporte, il est toutefois clair qu’on ne peut obtenir de résultats – en l’espèce, restituer le faciès, le fonctionnement d’un lieu de culte, et si possible la perception même qu’on en avait – qu’au travers d’une approche globale, qui mobilise toutes les bribes d’information disponibles. Simplement, il faut d’abord analyser avec soin, pour elles-mêmes, chacune des séries documentaires, avant de chercher à les rapprocher et à les éclairer les unes par les autres. Deux brèves enquêtes de ce genre sont proposées ci-dessous : d’abord un classement et une tentative d’évaluation des sources littéraires. Ensuite, la confrontation de celles-ci et des réalités de terrain, c’est-à-dire de la topographie du site.
Les sources littéraires
10On dispose donc d’une douzaine de textes qui parlent d’Ampsanctus en Hirpinie. Mais en fait, la plus grande partie de ce qui a été écrit dessus dépend, directement ou indirectement, de Virgile. Rappelons brièvement le contexte : l’Érinye Allecto, sur ordre de Junon, est sortie du Tartare pour allumer la guerre entre Troyens, Latins et Rutules ; sa mission accomplie, elle y replonge, en passant par une faille dans le sol, une “bouche des Enfers” qui s’ouvre justement dans les Ampsancti ualles.
11« Il est un lieu, au milieu de l’Italie, sous de hautes montagnes, célèbre et renommé en de nombreux pays : les vallées d’Ampsanctus. De ses épaisses frondaisons l’écrase la sombre forêt qui, de part et d’autre, le flanque. Au milieu, à grand fracas retentit sur les roches un torrent qui se tord en tournoyant. On montre là un antre effroyable et les soupiraux du sauvage Dis (saeui spiracula Ditis) ; un tourbillon énorme, résurgence de l’Achéron, ouvre sa gueule empestée. L’Erinye s’y cacha. L’odieuse divinité soulageait ciel et terres de sa présence »41.
12Voilà un texte dont l’autorité est telle qu’il a conditionné tout ou presque tout ce qui s’est écrit par la suite sur ce lieu. Cela vaut bien sûr pour les scolies à l’Énéide42. Mais il faut également reconnaître des échos virgiliens dans des textes poétiques ou rhétoriques de l’antiquité tardive qui mentionnent le toponyme en passant. Ainsi Claudien qui, pour marquer l’inversion des signes lorsque dans les Enfers sont fêtées les noces de Proserpine et Pluton, reprend le vocabulaire même de Virgile : « l’Ampsanctus retint son souffle. Le tourbillon se tut, le torrent s’arrêta »43. Chez les polémistes chrétiens (Saint Augustin, Marius Mercator, Sidoine Apollinaire), Ampsanctus est employé métonymiquement pour désigner la mauvaise odeur44. Le référent géographique ne disparaît pourtant pas tout à fait. L’endroit est encore correctement situé. Julien, propagateur de l’hérésie pélagienne, était évêque d’Æclanum. Pour cela, la source jaillissante d’Ampsanctus peut être dite conregionalis, « de la même région que lui »45.
13La dérivation virgilienne de la majeure partie de notre documentation une fois reconnue, restent pour l’essentiel trois textes de base : Cicéron, Virgile lui-même et Pline l’ancien. Sont-ils indépendants entre eux ? La récurrence de certains termes et expressions peut en faire douter.
14Cicéron : « eh quoi ? Ne voyons-nous pas quelle est la variété des types de terre ? Il en est une partie de mortelle (mortifera), comme à Ampsanctus en Hirpinie (ut Ampsancti in Hirpinis) et les Plutonia en Asie, que nous avons vus »46.
15Pline : « on appelle ’soupiraux’ (spiracula), ou bien ’Charonea’, ces fosses qui exhalent un souffle mortel (mortiferum) ; de même en Hirpinie à Ampsanctus (item in Hirpinis Ampsancti), ce lieu près du temple de Méphitis : ceux qui y entrent meurent »47.
16L’emploi du même mot technique rare, spiraculum, “soupirail”, chez Virgile et Pline, est surtout concluant. Il révèle l’usage d’une source commune. Or celle-ci ne peut être que Varron. Celui-ci -comme plus tard Pline – donnait aux Charoneia et Acheronteia le nom générique de “soupiraux”, spiracula, parce que ce sont les « lieux (loca) par lesquels la terre exhale son souffle (spiritum) »48. Davantage même : il donnait une liste des « lieux de ce genre en Italie » (loca in Italia... huius modi)49. L’érudition de l’antiquaire relevait ainsi l’existence, dans la péninsule, de sites sulfureux qui constituaient comme la contrepartie des bien plus célèbres Charonia d’Asie Mineure50 ou encore, en Grèce propre, du Ténare laconien51 par lequel, disait-on, Héraklès avait ramené Cerbère des Enfers52. Eux aussi pouvaient être appelés “soupiraux de Pluton”, spiracula Ditis53. Il est donc vraisemblable, non seulement que Cicéron, Virgile et Pline dérivent largement de Vairon54, mais encore qu’une partie des données fournies par les scoliastes à l’Enéide ont la même origine. Parmi celles-ci, l’information sans doute la plus intéressante se trouve chez Servius55 :
17« On dit que se trouve là (= à Ampsanctus) une entrée des enfers, parce que l’air pesant tue ceux qui s’approchent. C’est à ce point qu’en ce lieu on n’immolait pas les victimes, mais qu’on les mettait à l’eau et que l’odeur les faisait périr. En cela consistait l’approbation divine. Il faut savoir que Varron énumère combien de lieux de ce genre existent en Italie ».
18Ce type d’immolation rappelle le modus operandi des sacrifices au Ploutônion de Hiérapolis, au Charônion d’Acharaka entre Tralles et Nysa, et sans doute aussi au Charônion de Magnésie du Méandre. A Hiérapolis, on conduisait des taureaux à l’intérieur du péribole enclosant l’orifice (στóμιoν) aux exhalaisons délétères et ils s’effondraient asphyxiés. On les en retirait morts56. À Acharaka, une fois l’an, des éphèbes portaient à la course, du gymnase jusqu’à l’antre mortifère, un taureau. On l’y déposait, il faisait quelques pas et s’écroulait inanimé57. À Magnésie du Méandre, des monnaies impériales représentent le taureau s’affaissant au seuil de la caverne58. Ces rapprochements ne doivent pas conduire à suspecter l’authenticité du sacrifice par asphyxie d’Ampsanctus, à n’y voir qu’un décalque érudit des mises à mort de taureaux dans les Charônia. Les scénographies sont trop différentes, et l’abattage ne se fait pas exactement de la même façon : à Ampsanctus intervient un élément – l’eau –, absent ailleurs, décisif ici puisque les gaz tuent les victimes “mises au contact de l’eau”, ad aquam adplicatae. Et, soit dit en passant, ce détail montre une connaissance réelle des caractéristiques physiques du lieu, puisqu’effectivement les émissions d’anhydride carbonique se produisent dans le petit lac (les “soffioni”) et sur ses rives, ainsi que dans le torrent (les “fressole”), avant de s’accumuler en nappe dans la saignée encaissée de celui-ci (le “vado mortale”). Le renseignement conservé par Servius paraît donc digne de foi. On peut même se demander s’il ne remonte pas lui aussi à Varron, cité juste après par le scoliaste. Car celui-ci s’était intéressé aux eaux mortifères59 et aurait très bien pu mettre en parallèle les rites attestés auprès des “soupiraux de Dis” en Orient et en Occident.
19Une autre information, également transmise par Servius, semble dériver d’une source de nature différente, géographique ou mieux “chorographique” (c’est-à-dire de géographie régionale60) – à moins qu’elle n’ait, elle aussi, transité par Varron : « les chorographes appellent ce lieu l’ombilic de l’Italie »61. A priori, cette dernière possibilité est à exclure, parce que la localisation de l’umbilicus Italiae, du centre géométrique de la péninsule62, dans les vallées d’Ampsanctus s’oppose à une autre identification du nombril de d’Italie, cette fois aux “Eaux Cutiliennes” dans le territoire de Reate en Sabine, justement due à Varron63. Et l’on a vu plus haut que l’existence de deux ombilics distincts de l’Italie antique n’avait pas été sans troubler les humanistes qui pour cela avaient d’abord situé Ampsanctus en Sabine ! 64En fait, la conception varronienne est certainement postérieure à celle des “chorographes” (toutes deux supposent une Italie unifiée, à traiter comme un tout pourvu d’un centre repérable, mais celui que retient Varron se situe au milieu d’une Italie établie dans ses frontière définitives, des Alpes au détroit de Messine, « d’Aoste à Reggio », ab Augusta Praetoria... ad oppidum Regium65, tandis que les chorographi envisagent une Italie plus restreinte, le sud parcouru par la via Appia ou peut-être l’Italie péninsulaire sans la Cisalpine66). Mais il est possible que Varron ait mentionné l’opinion de ses prédécesseurs, les chorographes, pour la contester ensuite et lui substituer une autre localisation, plus conforme aux limites de l’Italie de son temps. Quoi qu’il en soit, la conception pré-varronienne d’un centre géographique de la péninsule à Ampsanctus n’a pas été oubliée, puisqu’on en retrouve l’écho chez Virgile : « Il est un lieu, au milieu de l’Italie..., les vallées d’Ampsanctus ».
20Il n’est par contre nul besoin d’imaginer une source indépendante pour une autre indication topographique, apparemment aberrante, que l’on trouve à trois reprises : la localisation d’Ampsanctus en Lucanie. La scolie de Ti. Claudius Donatus donne la solution de ce petit problème : « Donatus dit, en décrivant ce lieu, qu’il est en Lucanie, aux environs du fleuve appelé Calor »67. La confusion entre Calor hirpin (le Calore actuel, qui coule effectivement à une dizaine de km du vallon de S. Felicita) et Calor lucanien (le cours supérieur du Tanagro) est probable. L’homonymie des deux fleuves a d’ailleurs donné lieu à d’autres méprises d’érudits antiques68. Il s’agit donc d’une erreur qui, une fois introduite dans la tradition, a été répétée sans discernement, par le tardif Vibius Sequester (« Ampsanctus, en Lucanie, dont le souffle tue les oiseaux »69), ou encore dans le glossaire attribué à Placide : « Mefitis : déesse qu’en plusieurs lieux d’Italie on honore religieusement. En Lucanie aussi, il y a une source consacrée à cette déesse, d’où sort une odeur de soufre très forte »70. La description est suffisamment précise pour ne laisser aucun doute. C’est bien du sanctuaire hirpin dont il s’agit, mais mal placé.
21Parmi les sources de nos sources littéraires, faut-il également faire une place, à côté de lectures érudites, à la connaissance directe du lieu ? L’un des textes de base de notre documentation, celui de Cicéron, y renvoie explicitement. Le bref passage du De diuinatione s’appuie sur une expérience personnelle des “terres mortifères” : « eh quoi ? Ne voyons-nous pas quelle est la variété des types de terre ? Il en est une partie de mortelle, comme Ampsanctus en Hirpinie et les Plutonia en Asie, que nous avons vus ».
22À qui et à quoi se réfère la relative quae uidimus ? Dans le dialogue, c’est Quintus Cicéron, le frère de l’orateur, qui parie. Gouverneur d’Asie, entre 61 et 58 av. J.-C., il aurait pu alors visiter les Plutonia de sa province71. C’est donc seulement eux qu’il dirait avoir vus. A. S. Pease, dans sa monumentale édition du De diuinatione, préfère toutefois une autre solution72. Le pluriel enveloppe Marcus qui, dans son voyage vers sa province de Cilicie, en juillet-août 5173, emprunte la vallée du Méandre où se trouvent les “trous de Charon” les plus fameux, en particulier celui d’Hiérapolis de Phrygie. Mais on remarquera aussi qu’inversement, au retour de son proconsulat, Cicéron remonte la via Appia depuis Brindisi et fait étape à Æclanum le 6 décembre 5074 – à une vingtaine de km à peine d’Ampsanctus. Il est dès lors tentant de considérer que Cicéron a visité aussi bien les Plutonia d’Asie qu’Ampsanctus en Hirpinie, les premiers en partant pour sa province, le deuxième en en revenant75.
23Cette excursion à Ampsanctus, si elle a bien eu lieu, fait de Cicéron le premier visiteur connu du site, près de dix-sept siècles avant Philipp Clüver. Elle enrichit les sources antiques dont on dispose d’une dimension supplémentaire : celle de l’expérience vécue. Mais elle est également intéressante d’un autre point de vue. Elle montre que le vallon est devenu, pour ainsi dire, un but touristique76. Et cela, parce qu’il s’agit d’une “curiosité” – d’une curiosité physique s’entend, d’une merveille de la nature. D’une manière plus générale, on aura observé que les sources littéraires mettent l’accent sur les caractéristiques naturelles du lieu, sur les composantes du paysage (les monts, les forêts, le torrent, etc.)77, et tout particulièrement sur les spectaculaires manifestations de volcanisme (secondaire) dont il est le théâtre, tandis qu’elles laissent presque complètement dans l’ombre les aspects cultuels. Le site est plusieurs fois désigné par le terme générique de “locus”78, mais il n’y a que deux textes (Pline et Ti. Claudius Donatus) qui définissent Ampsanctus comme un sanctuaire (fanum et aedes)79. Deux brèves notices seulement l’attribuent à Méfitis80. Enfin, Servius est l’unique auteur à mentionner les sacrifices qui s’y déroulaient81. Ainsi, si l’endroit est fama multis memoratus in oris, « fameux en de nombreux pays » comme dit Virgile, il doit en fait sa célébrité à ses eaux sulfureuses, au pouvoir délétère de ses exhalaisons de gaz toxiques. Dans une autre étude82, j’ai souligné que le regard des autres – Grecs et Romains – sur les lieux de culte italiques privilégie délibérément les composantes du paysage de préférence aux éventuelles constructions du sanctuaire, et surtout considère leurs propriétés (géo)physiques comme des mirabilia, des θαυμαστά, dignes pour cela – et seulement pour cela –de mention. On peut citer des cas analogues : le petit lac, lui aussi sulfureux de Naftia en Sicile, dans le sanctuaire indigène des Palikoi83, le lac Vadimon dans la vallée du Tibre84, ou encore celui des Aquae Cutiliae en Sabine. Ces “Eaux Cutiliennes” sont sulfureuses85, possèdent des vertus thérapeutiques86, et surtout sur elles flotte une île, « merveille qui ne le cède à aucune autre » (πρᾶγμα... θαυμάτων ούδενος δεὐτερον)87. Mais en face de tant de textes qui rapportent avec étonnement ce paradoxon88 ou bien mentionnent les cures thermales que les empereurs suivaient là (deux d’entre eux y moururent, Vespasien et Titus89), on n’en trouve qu’un seul90 qui mentionne le caractère “divin” (θεοπρεπές), “inviolable” (ἄβατον) des Aquae Cutiliae, consacrées à Niké-Victoria (peut-être Vacuna91 ?). Il s’agit donc bien d’un sanctuaire où avaient d’ailleurs lieu des sacrifices annuels92.
24Comment expliquer cette disjonction qu’opèrent nos sources entre cadre naturel et consécration religieuse ? S’agit-il d’un relatif désintérêt de leur part pour les cultes italiques ? Ou de la disparition d’un grand nombre d’entre eux à l’époque romaine (à Ansanto toutefois, la documentation archéologique et numismatique93 plaide plutôt pour une certaine continuité, même si la fréquentation baisse ou change de formes, à en juger par les ex-voto. En tout cas, un temple, aedes, existait encore à l’époque de Pline) ? Quoi qu’il en soit, le champ est libre désormais pour divers essais de resémantisation de ces paysages si suggestifs : la transformation du sanctuaire des vallées d’Ampsanctus en une “bouche d’Enfer”, la substitution de l’Érinye Allecto à Méfitis sanctionnent assurément l’un des plus réussis.
25Ce glissement de sens, qu’il serait tentant d’attribuer à l’art de Virgile, est en fait antérieur, puisque Cicéron, lorsqu’il compose le De Diuinatione (en 44 av. J.-C), compare Ampsanctus aux Plutonia, et qu’avant encore Varron le rangeait parmi les Charoneia ou Acheronteia. Dans l’Énéide, le divorce entre Méfitis et Ampsanctus est déjà accompli, en apparence au moins. Le nom de la déesse n’est pas prononcé dans l’ekphrasis des vers VII, 563-571. Par contre, l’on trouve bien le nom mefitis attesté dans le livre VII – mais c’est d’un nom commun qu’il s’agit, au sens d’exhalaison sulfureuse et puante. Ces “puanteurs cruelles”94, saeuam mefitim, sont celles qu’exhale la “ténébreuse Albunea”, bois et source sacrés du vieux Latium, où le roi Latinus vient consulter l’oracle de Faunus. Le site de l’oracle est généralement identifié aujourd’hui avec le lieu-dit Zolforata (ou Zolforatella) – au nom transparent –, sur la route entre Lavinium - Prattica di Marc et le lac Albain95.
26L’emploi métonymique du théonyme reste extrêmement limité. Scolies96 et imitations virgiliennes avouées97 mises à part, on ne peut guère citer, outre Virgile, que Perse98 et Ennode99. Contrairement à ce qu’affirme Servius (« au sens propre, mephitis c’est la puanteur de la terre qui émane des eaux sulfureuses »100), on ne croit plus guère que Méfitis soit la personnification de ces eaux .et de leurs miasmes putrides. Et l’on préfère généralement aujourd’hui, aux étymologies qui s’appuyaient sur l’idée d’exhalaisons nocives ou enivrantes, celles qui font référence aux notions toutes différentes de “milieu”, de “médiation”101. Mais il n’entre pas dans les objectifs de cette enquête de discuter l’étymologie du théonyme. Celle-ci, en tout état de cause, ne saurait épuiser la personnalité de la déesse. Remarquons tout de même que la recherche moderne a d’autant plus volontiers fait passer au second plan les traits “méphitiques” de la divinité (au sens moderne du terme : sulfureux et nauséabonds) qu’elle se focalisait sur un autre sanctuaire de Méfitis, celui de Rossano di Vaglio en Lucanie, dont les eaux gazeuses et les phénomènes de volcanisme secondaire sont complètement absents.
27Dans l’antiquité au contraire, les vallées d’Ampsanctus abritaient le sanctuaire incontestablement le plus fameux de Méfitis, le seul dont fasse mention la tradition textuelle (du moins pour ce qui concerne le terroir d’origine du culte). Aussi est-ce sans doute à cause du renom même du lieu et de ses étonnantes propriétés que les noms propres Ampsanctus et Méfitis – indépendamment d’ailleurs l’un de l’autre – sont devenus synonymes de mauvaise odeur. En définitive, même les sources littéraires qui ne parlent que de miasmes méphitiques en général102, qui emploient le terme méfitis pour dire la puanteur de la terre et des eaux, voire la puanteur corporelle, renvoient indirectement – de manière consciente ou inconsciente, c’est un autre problème – au vallon sulfureux de Rocca S. Felice. À leur horizon de référence se situe de toute façon le sanctuaire hirpin de Méfitis, la mofette per excellence.
Au-delà des sources littéraires : la réalité topographique
28La description virgilienne, les scolies et les imitations de celle-ci accumulent les topoi, les lieux communs de la nature sauvage : la forêt épaisse et sombre, le torrent qui roule ses eaux à grand fracas, l’antre secret... À première lecture, il semble bien qu’on ait affaire à un paysage purement topique, à une mise en scène conventionnelle. Dès lors, il serait vain de chercher des correspondances avec la réalité, un paysage existant derrière l’ekphrasis103. On pourrait même être tenté de repérer des contaminations avec des topoi d’autres provenances : les oiseaux que tue l’haleine empoisonnée du lac104 font penser à l’Averne, l’Aornos “sans oiseaux”, la plus fameuse des bouches d’enfer italiennes105.
29Ce point de vue, même s’il est méthodologiquement prudent, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il suffit de visiter le site, encore aujourd’hui entouré d’un enclos sur lequel, à intervalles réguliers, des écriteaux portent “danger de mort”, pour s’en convaincre. Les oiseaux et les petits quadrupèdes morts disséminés sur la rive du lac et dans le lit du torrent (fig. 4) font clairement voir, sans qu’il soit besoin de longue démonstration, à quel point les sources textuelles antiques sont pour l’essentiel dignes de foi. La vérification est encore possible, dans ce cas privilégié, parce que le site, pratiquement intact, n’a que peu changé depuis l’époque romaine, les éboulements et les glissements de terrain mis à part, malgré aussi l’abattage, au temps de Murat, de la forêt qui couvrait la rive droite106. Le vallon lui-même et le torrent qui court au fond se laissent identifier sans peine. Quant à la vorago dont parle Virgile, il s’agit certes d’un terme dont le vocabulaire poétique latin a fait un large emploi, et qui dans l’Énéide en particulier renvoie toujours aux fleuves infernaux107. Mais vorago, on le remarquera aussi, enveloppe une image précise, que les traductions courantes par “gouffre” ne rendent qu’insuffisamment. C’est toujours un trou d’eau, qui referme sa surface en général trouble et limoneuse sur ce qu’il engloutit : une fondrière (dans un marais)108, un tourbillon (dans un fleuve109, ou dans la mer110, par exemple Charybde111), le lacus Curtius en plein forum romain112. Précisément parce qu’elle tire vers l’en-bas à travers l’eau, la vorago est susceptible de désigner ces entrées des Enfers où l’on plaçait le Styx, l’Achéron, le Cocyte et le Phlégéton. Il suffit de relire le début de la catabase d’Énée au livre VI : « de là part la voie qui mène aux ondes de l’Achéron tartaréen. Voici l’abîme que trouble la boue et un tourbillon immense, qui bouillonne et éructe tout son limon dans le Cocyte »113.
30Cette description conviendrait assurément bien au lac sulfureux de Rocca S. Felice que les “soffioni” divisent en bassins circulaires, qui semblent perpétuellement en ébullition et boueux parce que saturés de particules en suspension (fig. 3). En période de basses eaux se voient encore mieux les cuvettes au centre desquelles sort l’anhydride carbonique. L’archiprêtre Santoli les représente comme deux sortes de tourbillons (duo veluti vortices114), au printemps 1779, après sept mois de sécheresse (fig. 7). En somme, le lac d’Ampsanctus correspond à l’image virgilienne des eaux infernales (ou l’inverse !). On comprend que le poète en fasse une résurgence de l’Achéron115. Servius, lui, dans son commentaire au passage qui nous occupe, glose uorago : Acherontis exaestuatio (“bouillonnement de l’Achéron”)116 donnant ainsi, au terme qu’emploie le poète, une signification qui pourrait tout à fait s’appliquer à l’activité de la mofette d’Ansanto.
31On ne voit pas par contre, du moins dans l’état actuel des lieux, à quoi pourrait correspondre la “grotte effroyable”, l’horrendum specus de Virgile, que d’ailleurs le poète est seul à mentionner. On a vu plus haut que les tentatives d’identification, assez peu convaincantes au demeurant, des érudits et voyageurs des xviiie-xixe siècles n’avaient pas manqué117. Aussi bien, cet “antre” est-il sans doute l’élément le plus conventionnel de l’ekphrasis118. S’il y figure, c’est qu’il y a été, me semble-t-il, appelé119 par l’idée de faille, de béance dans le sol qu’implique le concept de spiraculum hérité de Varron120. Ainsi, ce sont des “soupiraux” qu’il faut en fait chercher, “par où la terre exhale son souffle”121. On les trouve effectivement, dans les vallées d’Ampsanctus, dans les eaux mêmes du lac (ce sont les soufflards, “soffioni”), sur ses berges (ce sont des cheminées de remontée des gaz), dans le torrent (les “fresso-le”). En définitive, la confrontation entre les données littéraires et celles du terrain amène à une conclusion nuancée. Il serait évidemment absurde de nier qu’il y ait une construction littéraire derrière la description de Virgile, et que sa mise en forme réponde à des codes précis. Mais il serait tout aussi faux de sous-estimer le poids du référent topographique.
32Une fois que l’on a reconnu l’importance réelle (et pas seulement poétique) du cadre naturel, il devient possible d’insérer les vallées d’Ampsanctus dans une catégorie de lieux de culte différente de celle des sanctuaires normalement équipés et gérés par la communauté. Tandis que ces derniers, après avoir été “libérés et délimités par la parole”122, donc dégagés de toute servitude religieuse antérieure, sont attribués par les magistrats aux dieux au moment de la consécration et de la dédicace, deviennent la propriété de ceux-ci et sont dès lors affectés au service divin, la situation se présente différemment pour ces lieux de culte qu’on pourrait appeler “naturels” (mais d’autres dénominations ont été proposées. Les historiens des religions modernes en parlent quelquefois comme des “lieux cosmiques”123. Et l’on a vu que les sources latines emploient tout simplement le terme locus pour désigner le site d’Ansanto124). Ce qui distingue les lieux de culte “naturels” n’est pas tant – même si ce trait a son importance – la sauvagerie native d’un paysage souvent grandiose, demeuré intact ou touché seulement marginalement par l’homme. C’est plus encore l’immédiateté avec laquelle se sent la présence divine. « Il y a là une divinité », numen inest. Cette formule récurrente (en particulier dans l’œuvre d’Ovide) s’applique aux bois sacrés, aux luci (celui de Junon à Falerii125, le lucus romain où Numa consulte Picus et Faunus126, la sylve des Muses127). De même, le lac de Cutiliae dont il a déjà été question possède, selon Denys d’Halicarnasse128, « quelque chose qui convient à une divinité » (τιθεοπρεπές). Du petit lac sulfureux de Naftia en Sicile, lieu de culte des Palikoi, émane également de la θεοπρέπεια, de la “majesté divine”129. Et l’on pourrait multiplier les citations. À Ansanto comme a Naftia ce sont des phénomènes de volcanisme secondaire – le lac perpétuellement en ébullition, la rumeur sourde des soufflards – qui rendent manifeste la présence divine. Dans ce dernier cas toutefois, la dangerosité même de ces phénomènes, le risque bien réel d’aphyxie qui vient du sous-sol contribueront à faire mettre l’accent, à l’époque romaine, sur le caractère chtonien du site au détriment des aspects proprement cultuels, et donc à réinterpréter Ansanto comme une entrée des Enfers.
33Les vallées d’Ampsanctus constituent donc un sanctuaire naturel typique. Il n’en va pas de même, notons-le, pour n’importe quel lieu de culte de Méfitis. Celui de Rossano di Vaglio en Lucanie, au contraire, apparaît comme étroitement lié à une communauté politique (qui, au reste, n’est pas identifiée avec certitude). La preuve en est le groupe consistant de dédicaces officielles, faites par des magistrats, et la parure monumentale du complexe, renouvelée jusqu’à la fin de la république ou aux débuts du principat130. Il n’y a pas de temple, c’est vrai (ou, moins probablement, il n’a pas encore été identifié). Néanmoins, les salles et les portiques qui gravitent autour de la cour dallée dont un autel allongé occupe le centre (le “sagrato”) créent un écrin architectural pour le culte, et relèguent le paysage au second plan. Celui-ci n’est pas absent (et, par suite, le contraste entre Ansanto et Rossano n’est pas absolu) mais il est en quelque sorte mis à distance. Ce n’est donc pas la personnalité de Méfitis qui impose le choix de tel ou tel type de sanctuaire, de tel ou tel milieu naturel131 qui serait toujours valable pour elle. Les situations doivent être analysées cas par cas. On remarquera par exemple que, si Rossano et Ansanto sont très différents, Rossano peut être plus utilement rapproché d’un autre lieu de culte hirpin de Méfitis, un sanctuaire suburbain d’Aeclanum : même organisation de l’espace autour d’une cour centrale bordée de rangées de pièces, tandis que bases et statues sont disposées sur les côtés (fig. 8). Et l’on peut ajouter : moisson épigraphique consistante (quoique bien sûr beaucoup plus importante à Rossano), révélant dans les deux cas une pluralité de divinités132.
34Les œuvres de l’homme ne sont pas entièrement absentes du lieu de culte “naturel” d’Ampsanctus. Une seule source textuelle – l’Histoire naturelle de Pline – mentionne un temple, aecles133. L’enquête archéologique a, de son côté, mis au jour des structures, pertinentes à un cheminement et à un portique134, situées sur le versant qui domine la rive gauche du torrent, à une bonne centaine de mètres du petit lac. En tout état de cause, il aurait été dangereux de construire au fond du vallon, où s’accumule et stagne l’anhydride carbonique. La première phase de ces structures remonte à la première moitié du ier s. av. J.-C. Mais on note également des réfections au ier s. ap. J.-C, et une reprise partielle au ive s.135 Si l’on ne peut attribuer avec une certitude absolue ces structures au sanctuaire de Méfitis, l’hypothèse est extrêmement vraisemblable parce que le portique surplombe justement le torrent (mais il lui tourne apparemment le dos, puisque le stylobate conservé regarde vers le haut de la colline. Faut-il penser que se trouvaient de ce côté une voie d’accès136, voire un édifice de culte137 ? L’état du portique, très lacunaire à cause des glissements de terrain, autorise en tout état de cause, plusieurs propositions de restitution : on pourrait éventuellement penser à un portique double138, voire à des propylées).
35Cette disjonction nette, archéologiquement documentée, entre les constructions et le site naturel, apparaît tout aussi clairement dans le texte de Pline139. Celui-ci mentionne « un lieu près du temple de Méphitis », ad Mephitis aedem locum, et distingue donc bien deux choses : l’aedes, le locus. Que l’accès au locus lui-même soit interdit en temps normal se déduit du membre de phrase qui suit immédiatement : « ceux qui y sont entrés périssent ». La mort sanctionne la transgression de qui voudrait pénétrer dans l’aire du lac et du torrent. Le sanctuaire est donc divisé en deux parties : l’une d’elles est en quelque sorte commune aux hommes et à la déesse ; c’est là que sont édifiés le temple et sans doute aussi des annexes. L’autre, au contraire, est exclusivement réservée à Méfitis. L’accès ne devait être autorisé que pour la célébration des rites sacrificiels. Ceux-ci prenaient place sur les rives du lac, ou dans le “vado mortale” puisque la litatio – c’est le terme même que Servius choisit d’employer140 –, l’approbation par la divinité de l’animal qui lui est offert, au lieu d’être vérifiée par l’examen des exta, comme c’est la règle, se déduisait du comportement des victimes “mises au contact de l’eau”, ad aquam adplicatae. Si elles ressentaient les effets des émanations gazeuses et tombaient asphyxiées, le consentement divin était censé être obtenu. À ce propos, on notera un intéressant détail qui n’a pas jusqu’ici, me semble-t-il, attiré l’attention : la victime préférentielle devait être le porc. De nombreuses dents de porcin ont été en effet retrouvées dans le lit du torrent141. On peut penser qu’au contraire bovins et ovins auraient été prémunis contre la nappe toxique par leur plus grande hauteur au garrot142.
36La bipartition d’un lieu de culte en deux secteurs bien distincts, l’un permis à l’homme, l’autre prohibé, se rencontre ailleurs143. Il en est ainsi aux sources du Clitumne144 : un pont marque la limite entre les deux sphères, sacrée et profane. En aval, il est permis de se baigner. En amont, c’est interdit, mais on peut circuler en barque145. Nombreuses sont les monnaies (stipes) jetées dans l’eau limpide146.
37Le domaine naturel de la divinité est donc interdit à l’homme – sauf en certaines circonstances précises, liées au déroulement du culte. Le cas des Aquae Cutiliae en Sabine a déjà été évoqué plus haut. Le petit lac doit demeurer “inviolé” (ἄβατον), et c’est pourquoi un enclos, matérialisé par des bandelettes, empêche que l’on s’approche de l’eau. Une fois l’an toutefois, on considère comme conforme à l’ordre religieux (ὃσιον)147 que des sacrifiants abordent sur l’île flottante qui occupe le centre du lac pour accomplir les rites prescrits par le νόμος. Un autre exemple éclairant est celui du bois sacré de Marica à Minturnes, aux confins entre Latium et Campanie. Lui aussi est ἄβατον148 et devrait être pour cela contourné, comme le montre l’épisode de la fuite de Marius – encore que Marius pour prendre un raccourci et rejoindre la mer passe finalement à travers le lucus de la nymphe, quitte à la remercier par un ex-voto peint149. Les sanctuaires “naturels” et les bois sacrés du monde italique, comme les luci des colonies latines (Luceria, Spolète150), de Rome même et de son ager (le lucus Deae Diae, “lui aussi impénétrable pour le commun des mortels” selon une formule de J. Scheid151), sont en quelque sorte des “enclaves” divines sur le territoire de la cité152. Ils sont pour cela inaccessibles153 et en général entourés d’un enclos154.
38Revenons à Ampsanctus. Le toponyme même a été interprété par Servius comme exprimant l’idée d’une barrière infranchissable et sainte. Il glose ainsi l’expression virgilienne Ampsancti ualles : « d’un lieu amsanctus, c’est-à-dire religieusement inviolable de tous côtés (omni parte sanctus) : [Virgile] dit qu’il est entouré de forêts et d’un torrent au cours retentissant »155. Servius a bien sûr présente à l’esprit la distinction classique entre (locus) sacer, sanctus, religiosus156 : « est sanctus ce qui est défendu et fortifié contre les violations humaines »157 (et c’est pourquoi les enceintes urbaines sont saintes158). Peu importe que l’étymologie proposée par Servius soit vraie ou fausse159. Elle n’en est pas moins révélatrice. L’impénétrabilité des vallées d’Ampsanctus est avant tout due, comme le souligne Virgile et comme le répètent ses commentateurs, aux forêts (et dans une moindre mesure aussi au torrent) qui l’entourent. En paraphrasant Servius, on pourrait dire : Ampsanctus, quia ambitur siluis160. Mais ont été également vues, dans les années 50 (et malheureusement peu ou pas documentées), les traces possibles d’un ou de plusieurs enclos : des murs, sur la rive droite du torrent « qui fermaient peut-être l’aire sacrée »161 ; un pont, qui semble-t-il enjambait le torrent ; des pieux le long de celui-ci162. L’une de ces limites, naturelles ou artificielles, nous ne savons pas laquelle, servait de confín entre le domaine de la déesse et la partie du site dans laquelle les hommes pouvaient rentrer. Pour être plus précis, on aimerait savoir d’où provenaient les ex-voto de bois, métal et terre cuite retrouvés accumulés dans le lit fangeux du torrent. Deux hypothèses se présentent à l’esprit (qui d’ailleurs ne s’excluent pas l’une l’autre). La première est qu’une partie des ex-voto (peut-être les plus grands, comme par exemple les statues et statuettes de bois : fig. 9-10) aient glissé le long de la pente jusqu’au fond du ravin. En ce cas, ils auraient été exposés à l’origine sur le versant même, quelque part au-dessus du pont. La seconde est que certaines offrandes aient été directement jetées dans le torrent : cela a pu être le cas des nombreuses monnaies retrouvées163, qui constituent une véritable stips 166 (on se rappellera le parallèle fourni par les stipes parsemant le lit du Clitumne). Ni dans l’une ni dans l’autre hypothèse, il n’était besoin que le donateur pénétrât dans le domaine de la déesse pour s’acquitter de son vœu en déposant son ex-voto. Par contre, sur la rive opposée (donc du côté du lac), lors des fouilles Onorato, ont été trouvées en position de chute des patères de bronze et de bois, avec une épaisse coulée de charbon de bois, peut-être les résidus d’opérations sacrificielles164. En tout état de cause, les lacunes de notre documentation ne nous permettent malheureusement pas de reconstruire avec sûreté les modes de présentation des divers types d’offrandes.
39Avant de conclure, il faut dire ceci : il est évident que, même et y compris dans un sanctuaire “naturel” dont le paysage semble immuable, la dimension chronologique, les mutations historiques doivent être prises en compte. Ampsanctus n’est pas davantage hors du temps que n’importe quel autre lieu de culte. Les pratiques votives changent, et donc également la mise en place des ex-voto dans l’espace du sanctuaire. La topographie de celui-ci se transforme en conséquence, surtout si la construction de nouveaux édifices en déplace plus ou moins le centre de gravité. Enfin et surtout, le statut administratif et politique des territoires sur lesquels il se trouve évolue avec l’avancée de la conquête romaine. De ces trois points de vue, le lieu de culte de Méfitis à Rocca S. Felice connaît lui aussi quelques modifications.
40Les ex-voto retrouvés dans le vallon ne descendent pas plus bas que la fin iiie début iie s. av. J.-C, selon les éditeurs165. Il faut toutefois prendre en compte la présence de quelques ex-voto anatomiques166 (celle de têtes votives est douteuse167) qui peuvent ne pas être plus récents, mais qui renvoient en tout état de cause à une sphère culturelle et cultuelle différente : celle de Rome. Les monnaies, elles, continuent à être attestées jusqu’à la fin de la République et à l’époque impériale168. Là aussi, le poids de Rome s’affirme, peut-être plus encore que ne le laisserait penser l’état actuel de la documentation numismatique. Alors que, pour des raisons facilement compréhensibles, l’argent est sans doute un peu sur-représenté dans les médailliers d’Avellino et de Naples, à l’époque de Santoli la trouvaille la plus fréquente in alueo torrentis était celle de « monnaies de bronze romaines avec l’habituel type de Janus à deux têtes... »169.
41Or, c’est probablement à la suite de la deuxième guerre punique170 que tout le territoire avoisinant, confisqué, devient domaine public du peuple romain, ager publicus populi Romani, plus tard loti par la lex Sempronia agraria (comme le prouvent les cippes gracchiens retrouvés dans un rayon de 10-20 km autour de Rocca S. Felice ; trois d’entre eux proviennent de la commune même171). Le lieu de culte passe sous la juridiction de Rome, alors qu’il appartenait avant à des alliés (on entend même souvent dire qu’il s’agissait alors d’un sanctuaire fédéral des Hirpini. Pourquoi pas, mais rien ne le prouve). Changement radical qui ne pouvait pas ne pas avoir de répercussions sur le sanctuaire lui-même, sa fréquentation et jusqu’à son existence. D’où peut-être l’interruption des offrandes de terre cuite. On remarquera qu’inversement c’est à partir du iie s. av. J.-C. qu’est attestée l’existence d’un sanctuaire suburbain de Méfitis, juste à l’extérieur du périmètre urbain d’Æclanum, à 18 km d’Ansanto172. Méfitis y est associée semble-t-il à Mars et à Faunus173. La grande famille des Magii y effectue des dons et des travaux174.
42De la première moitié du ier s. av. J.-C. – au moment donc où le municipe (?) tout proche de Frigento175 reçoit en bloc ses monuments publics176 – datent, à Ampsanctus, des édifices177 qui signalent sans doute une certaine reprise du sanctuaire, même si nous ne savons pas s’ils constituent la première parure architecturale du sanctuaire où s’ils ne font que la renouveler. En tout cas, une aedes existait à l’époque de Pline. Même si ces structures sont périphériques tandis que le petit lac reste le centre d’attraction du site, elles marquent incontestablement un déplacement vers la colline de S. Felicita. La possible installation d’un pagus sur la hauteur, puis l’érection de l’église porteront ce mouvement à son terme178.
43On le disait en commençant179 : l’hétérogénéité de la documentation dont on dispose est en partie chronologique (telle série de données date de telle période, telle autre d’une autre), en partie spatiale (en contrebas le vallon mortel, sur la hauteur la colline de S. Felicita) ; elle résulte aussi d’une diversité de points de vue (Ampsanctus, merveille naturelle ou lieu de culte ?). L’histoire du sanctuaire sur la longue durée permet dans une certaine mesure de rendre compte de ces différences. Car c’est le domaine exclusif de la déesse, dans son sanctuaire naturel, qui se transforme en curiosité – et même en bouche d’Enfer –, après qu’on a cessé d’y déposer les ex-voto anthropomorphes qui ont fini dans le torrent. Le culte n’en continue pas moins, sans doute dans le vallon (mais seules les monnaies l’attestent désormais), sûrement sur la colline où surgissent de nouvelles constructions. Double déplacement, en définitive : Méfitis qui possédait en propre la combe aux eaux sulfureuses dont les pouvoirs mortels passaient pour exprimer son assentiment aux sacrifices qu’on lui adressait, Méfitis donc n’est plus mentionnée qu’en tant que titulaire d’un temple180. Tandis que le site voisin (ad Mephitis aedem locum) va être exclusivement désigné par le toponyme Ampsanctus, sans référence à la déesse.
Bibliographie
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Annexe
Appendice. Ampsancti in Hirpinis
Sources littéraires, épigraphiques, archéologiques et bibliographie
REGIO II. Apulia : Frigento(?)
Th. Mommsen, dans le CIL IX (p. 91) assigne par prudence à un volontairement vague ager inter Abellinum, Aeclanum, Compsam, ne sachant à quel centre antique les rattacher, les inscriptions retrouvées dans une vingtaine de bourgades modernes. L’une de celles-ci, Frigento, a livré en 1957 2 inscriptions publiques tardo-républicaines (ILLRP, 598-599) puis, plus récemment, d’autres témoignages épigraphiques (G. Colucci Pescatori, dans Studi sull’Italia dei Sanniti, Milan, 2000, p. 47-55) qui pourraient en faire un municipium régi par des IVvirs, urbanisé peu après la guerre sociale (malgré sa grande proximité d’Æclanum : moins de 12 km) et qui reçoit alors, en bloc, son équipement monumental (murum, portas, forum, porticus, curia[m], cisterna[m] : ILLRP, 598). Au ier s. de n. è., des inscriptions funéraires de Frigento et de Rocca S. Felice (NSA, 1925, p. 26) font connaître des IIvirs appartenant à la tribu Galeria. A Rocca S. Felice même, sur la colline de S. Felicita, un pagus a dû se développer, à partir de l’époque tardo-républicaine. Il est documenté à la fois par des structures (Gambino 1991, 591-596), des tombes et des inscriptions (CIL IX, 1027-1034 et p.-ê. 1012-1015). L’une d’elles mentionne des praefecti, sans doute les magistrats du vicus (ILLRP, 600 et n. ad loc.)
Avant la guerre sociale, on peut supposer que les collines entre l’Appia, le Calore, le massif du Cervialto, appartenaient à l’ager publicus, loti à partir de 133 par la lex Sempronia agraria (8 cippes ont été retrouvés, dont 3 à Rocca San Felice : CIL IX 1024-1026). C’est donc un territoire confisqué, peut-être à Compsa (Lib. col., 1, 210.7 ; 261.1-2 L. ; ou à Abellinum ; moins vraisemblablement à Æclanum) durant la 2e guerre punique (Liv., XXIV, 20, 4-5), à cause de sa défection (XXIII, 1, 1-3). Reste ouvert le problème de la localisation de Phistelia, communauté connue seulement par ses émissions monétaires, retrouvées en assez grand nombre justement dans le vallon de S. Felicita.
MEFITE, S. FELICITA (ROCCA S. FELICE) : AMPSANCTI181 IN HIRPINIS. FONS, FANUM ET AEDES MEFITIS
Les Ampsancti ualles, site naturel fameux pour son lac sulfureux, objet à ce titre d’assez nombreuses mentions et notices érudites dans l’antiquité, considéré même, pour sa centralité, comme un « ombilic de l’Italie » (textes 3 et 3a), ne sont dites consacrées à Méfitis que par Pline qui parle d’un temple, aedes (texte 4). Ailleurs (texte 9), il est fait allusion à une source, fons, de Méfitis, située (par erreur ?) en Lucanie. Des scholies à l’Énéide parlent enfin d’un sanctuaire, fanum (texte 3c) et de sacrifices (avec un type de litatio particulier : texte 3a), mais ne les réfèrent pas nommément à Méfitis. La localisation du site était déjà connue des antiquaires des xviie-xviiie siècles, d’autant plus que le toponyme Mufiti avait été conservé (Cluverius 1624, II, 1201), et que demeuraient parfaitement reconnaissables la topographie du vallon et les phénomènes de volcanisme secondaire dont il est le théâtre (Santoli 1783 ; Macchia 1838). À une demi-douzaine de km au sud est de Frigento, à mi-chemin entre l’Appia et l’église de S.ta Felicita, le petit lac de Mefite (diam. env. 48 m ; prof. 2 m) bouillonne en libérant de l’anhydride carbonique (les “soffioni”) (Di Nocera et al. 1999). À côté se trouve le lit d’un torrent, le “Vado Mortale”, dans lequel furent récupérés plusieurs centaines d’ex-voto, en 1953-1960 (publiés par Bottini, Rainini, Isnenghi Colazzo 1976). On ne dispose malheureusement que de données imprécises sur le contexte archéologique de ces trouvailles (Onorato 1960, 32-35 ; Gambino 1991, 582-591). Sur la rive du torrent, en aval, s’ouvrait une grotte, vue aux xviie-xviiie s. (Bella Bona 1656 ; Santoli 1783, 35-36), mais qui se serait effondrée en 1822 (Macchia 1838, 35). Des fouilles limitées, à une centaine de m du lac, sur le rebord septentrional de la colline de S. Felicita, ont eu lieu en 1971-1972 (Rainini 1985). Elles ont mis au jour un portique et des murs de terrassement délimitant un cheminement. Au sommet de la colline (la dénivellation atteint une centaine de m), à 700 m env. du lac, s’élève la petite église qui possède des fragments de sculpture, de terres cuites architecturales, d’inscriptions, tandis que ses abords ont livré des structures pertinentes au pagus tardo-républicain et impérial (voir supra). La chapelle est consacrée à S. Felicita et à ses 7 fils martyrs dont la fête, les 9-10 juillet, était l’occasion d’une “foire très fréquentée” (frequentissimum emporium : Santoli 1783, 93).
SOURCES LITTÉRAIRES182
1. Varron, ap. Serv. ad Æn., VII, 563
(voir 3a pour le texte intégral de la scolie)
Sciendum sane Varronem enumerare quot loca in
Italia sint huius modi.
Il faut savoir que Vairon énumère combien de lieux de ce genre existent en Italie (i.e. possédant des eaux sulfureuses, comme la vallée d’Ampsanctus).
1a. Isidore de Séville, Étymologies, XIV, 9, 2
Spiracula appellata omnia loca pestiferi spiritus, quae Graeci ’Xαρώνεια appellant vel ’Aχερόντεια . Etiam Varro spiraculum dicit huiuscemodi locum ; et spiracula ex eo dicuntur loca qua terra spiritum edit.
Sont appelés “soupiraux” tous les lieux à l’odeur pestilentielle, que les Grecs nomment “gouffres de Charon” ou “de l’Achéron”. Varron aussi appelle “soupirail” un lieu de ce genre ; on les nomme soupiraux, parce que ce sont les lieux par lesquels la terre exhale son souffle.
2. Cicéron, Div., I, 36, 79
Quid enim, non videmus quam sint varia terrarum genera ? Ex quibus et mortifera quaedam pars est ut Ampsancti in Hirpinis et in Asia Plutonia, quae vidimus.
Ne voyons-nous pas combien est grande la variété des terres ? Certaines d’entre elles sont mortelles, comme celle d’Ampsanctus chez les Hirpini et Plutonia en Asie, que nous avons vues (trad. G. Freyburger, J. Scheid, Paris, Les Belles Lettres, 1992).
3. Virgile, Æn., VII, 563-571
Est locus Italiae medio sub montibus altis nobilis et fama multis memoratus in oris, Ampsancti valles : densis hunc frondibus atrum urguet utrimque latus nemoris medioque fragosus dat sonitum saxis et torto vertice torrens. Hic specus horrendum et saevi spiracula Ditis monstrantur, ruptoque ingens Acheronte vorago pestiferas aperit fauces, quis condita Erinys, Inuisum numen, terras caelumque leuabat.
Il est un lieu, au milieu de l’Italie, sous de hautes montagnes, célèbre et renommé en de nombreux pays : les vallées d’Ampsanctus. De ses épaisses frondaisons l’écrase la sombre forêt qui, de part et d’autre, le flanque. Au milieu, à grand fracas retentit sur les roches un torrent qui se tord en tournoyant. On montre là un antre effroyable et les soupiraux du sauvage Dis ; un tourbillon énorme, résurgence de l’Achéron, ouvre sa gueule empestée. L’Erinye s’y cacha. L’odieuse divinité soulageait ciel et terres de sa présence.
3a. Servius, Commentaire à l’Énéide, VII, 563-571
ITALIAE MEDIO, hunc locum umbilicum Italiae chorographi dicunt. Est autem in latere Campaniae et Apuliae, ubi Hirpini sunt, et habet aquas sulphureas, ideo graviores, quia ambitur silvis. Ideo autem ibi aditus esse dicitur inferorum, quod gravis odor iuxta accedentes necat, adeo ut victimae circa hunc locum non immolarentur, sed odore perirent ad aquam adplicatae, et hoc erat genus litationis. Sciendum sane Varronem enumerare quot loca in Italia sint huius modi : unde etiam Donatus dicit Lucaniae esse qui describitur locus, circa fluvium qui Calor vocatur.
Les chorographes appellent ce lieu “l’ombilic de l’Italie”. Il est en effet à la limite de la Campanie et de l’Apulie, là où sont les Hirpini; il possède des eaux sulfureuses, et pour cela plus lourdes, parce qu’il est entouré de forêts. On dit que c’est là une entrée des enfers, parce que l’air pesant tue ceux qui s’approchent. C’est à ce point qu’en ce lieu on n’immolait pas les victimes, mais qu’on les mettait à l’eau et que l’odeur les faisait périr. En cela consistait l’approbation divine. Il faut savoir que Varron énumère combien de lieux de ce genre existent en Italie. Quant à Donatus, il dit, en décrivant ce lieu, qu’il est en Lucanie, aux environs du fleuve appelé Calor.
3b. Servius, Commentaire à l’Énéide, VII, 565
AMSANCTI VALLES loci amsancti, id est omni parte sancti : quem dicit et silvis cinctum et fragoso fluvio torrente.
Les vallées d’Amsanctus : d’un lieu “amsanctus”, c’est-à-dire religieusement inviolable de tous côtés : il dit qu’il est entouré de forêts et d’un torrent au cours retentissant.
3c. Claud. Donat., Commentaire à l’Énéide, VII, 565
EST LOCUS... AMPSANCTI VALLES : dixit regio-nem in qua esset locus et in qua eius parte, dixit etiam nomen Ampsancti a fani vocabulo ac nemoris, dixit situm, quod in valle haberetur.
Il dit dans quelle région se trouve le lieu, et dans quelle partie de celle-ci ; il mentionne aussi le nom d’Ampsanctus d’après le toponyme du sanctuaire et du bois ; il dit qu’il est situé dans une vallée.
4. Pline, Histoire naturelle, II, 208
Spiracula vocant, alii Charonea, scrobes mortife-rum spiritum exhalantes ; item in Hirpinis Ampsancti ad Mephitis aedem locum, quem qui intravere moriuntur ; simili modo Hierapoli in Asia, Matris tantum Magnae sacerdoti innoxium.
On appelle “cheminées”, ailleurs “Trous de Charon”, ces cavités exhalant un souffle fatal, tel encore chez les Hirpini, à Ampsanctus, ce lieu voisin du temple de Méphitis, mortel pour ceux qui y pénètrent ; ou un autre semblable à Hiérapolis, en Asie, où seul le prêtre de la Grande Déesse n’éprouve aucun mal (trad. J. Beaujeu, CUF, 1950).
5. Claud., Rapt. Pros., II, 349-350
flatumque repressit Amsanctus : fixo tacuit torrente vorago.
L’Amsanctus retint son souffle : le tourbillon se tut, le torrent s’arrêta.
6. Vibius Sequester De fluminibus, fontibus, lacubus, nemoribus, paludibus, montibus, genti-bus per litteras libellus 185, p. 33 Gelsomino
LACUS
Auernus...,
Acheros...,
Aecicus...
Ampsanctus, Lucaniae, cuius halitus volucres necat.
Ampsanctus, en Lucanie, dont le souffle tue les oiseaux.
7. Aug., Contra Iul., I, 48, 37
Hic tu, sacerdos religiosissime rhetorque doctissi-me, exhalas tristius et horridius aliquid quam vel Amsancti vallis vel puteus Averni, imo scelestius quam ipsa in his locis idolorum cultura commiserat.
[Julien :] ici, ô prêtre très religieux et rhéteur très docte, tu exhales quelque chose de plus infect et de plus pernicieux que le souffle de la vallée d’Amsanctus ou du puits de l’Averne, ou plutôt l’impiété de ton langage l’emporte sur les sacrilèges mêmes que le culte des idoles avait fait commettre en ces lieux (trad. Bardot 1871).
8. Marius Mercator, Subnot., IV, 2
Te verissime Ampsanctinae scaturriginis conregio-nalis tuae taeterrimus fetor, te Averni lacus nocentis-simus halitus te postremo Atabulus provinciae tuae pestifer halitus inflavit.
Mais toi, ce sont assurément la puanteur repoussante de la source jaillissante d’Ampsanctus, ta voisine, l’haleine empoisonnée du lac Averne, l’Atabule enfin, souffle empoisonné de ta province, qui t’ont gonflé.
9. Glossaria Latina IV
(II. Glossae dubiae Placidi, M 6), p. 43 Lindsay 1930 Mefitis : dea quae pluribus Italiae locis religiose colitur ; et in Lucanis quoque huius deae fons est, ex quo gravissimus odor redditur sulphureus.
(Mefitis) déesse qu’en plusieurs lieux d’Italie on honore religieusement ; en Lucanie aussi il y a une source consacrée à cette déesse, d’où sort une odeur de soufre très forte.
10. Sid., III, 13, 8
...nares circumsedentium ventilata duplicis Ampsancti peste funestat.
« (Je ne parle pas de ses aisselles à l’odeur acide de bouc qui dressent un rempart autour de sa personne) et souillent les narines de l’assistance des effluves pestilentiels d’un double Ampsanctus » (trad. A. Loyen, CUF, 1970).
APPENDICE : mefitis = “mauvaise odeur” sans référence explicite à Ampsanctus
11. Virg. Æn., VII, 81-84
At rex sollicitus monstris oracula Fauni, Fatidici genitoris, aditque lucosque sub alta Consulit Albunea, nemorum quae maxima sacro Fonte sonat saevamque exhalat opaca mefitim.
Alors le roi, que troublent ces prodiges, recourt aux oracles de son père Faunus, sous la haute Albunea, il prend conseil des clairières saintes : c’est la plus grande de toutes les forêts, pleine du bruit d’une source sacrée, faisant monter dans l’ombre l’haleine de cruelles vapeurs (trad. J. Perret, CUF, 1978).
11a. Servius, Commentaire à l’Énéide, VII, 81
mephitis proprie est terrae putor qui de aquis nas-citur sulphuratis et est in nemoribus gravior ex densitate silvarum. Alii Mephitin deum volunt Leucotheae connexum, sicut est Veneri Adonis, Dianae Virbius. Alii Mephitin Iunonem volunt, quam aerem esse constat, novimus autem putorem non nisi ex aeris corruptione nasci, sicut etiam bonum odo-rem de aere incorrupto, ut sit Mephitis dea odoris gravissimi, id est grave olentis.
Méphitis : c’est proprement la puanteur de la terre, qui naît des eaux sulfureuses, et qui est plus forte dans les forêts à cause de l’épaisseur des bois. Les uns veulent que Méphitis soit un dieu lié à Leucothée, comme Adonis à Vénus, Virbius à Diane. Pour d’autres, Méphitis est Junon qui assurément est l’air. Or, nous savons que la puanteur n’a pas d’autre cause que la corruption de l’air – de la même manière que la bonne odeur naît de l’air pur : aussi Méphitis est-elle la déesse de l’odeur très forte, c’est-à-dire fétide.
11a bis. Corp. Gloss. Lat., V, p. 554, 38 Goetz
Mephitis terrae putor qui de aquis nascitur. Méphitis : c’est proprement la puanteur de la terre, qui naît des eaux.
11b. Claud. Donat., ad Æn., VII, 80
hi luci fuerunt sub alta sylua, quae diceretur Albunea ; illic fuerat fons luci numinibus sacer, sed qui exhalaret mephitim saeuam, id est odorem grauissimum.
Ces clairières se trouvaient sous une haute forêt, qu’on appelait Albunea ; là se trouvait une source consacrée aux divinités du bois, mais qui exhalait une puanteur cruelle, c’est-à-dire une odeur très forte.
11b. Porphyr., ad Hor. Carm., III, 18 éd. Holder (1894)
Faune nymfarum fugientium amator. Faunum invocat, quem aiunt inferum ac pestilentem deum esse ; secundum quae et nunc Horatius loquitur, cum eum orat, ut lenis per agros suos transeat, et Vergilius in septimo significat, cum apud Mefitim pestiferi odoris paludem lucum eum habere ostendit et in consulendo oraculo eius uideri multa simulacra miris modis volitantia.
“Faunus amoureux des nymphes qui te fuient”. Il invoque Faunus, qu’on dit être un dieu infernal et pestilentiel, d’après ce que dit aussi Horace, lorsqu’il le prie de s’apaiser en traversant ses champs. Et Virgile l’indique au livre VII, lorsqu’il montre qu’il avait un bois auprès du marais Méphitis à l’odeur empestée et dit qu’en consultant son oracle on voyait voleter d’étonnante façon de nombreux fantômes.
11c. Auson., Cento nupt., 111
Est in secessu, tenuis quo semita ducit, ignea rima micans : exhalat opaca mephitim. Nulli fas casto sceleratum insistere limen. Hic specus horrendum...
Dans un lieu retiré, où conduit un étroit sentier, une fissure enflammée palpite : elle fait monter dans l’ombre des vapeurs méphitiques. Nul être pur n’a le droit de se tenir sur son seuil sans commettre de faute. Voilà la caverne effroyable...
11d. Priscian., Inst., VII, p. 328 Keil
Mephitis quoque, quod proprium est a Graeco μεσίτις , ut quibusdam uidetur, mutatione s in f translatum, rationabiliter in im fecit accusatiuum. Virgilius in VII
« saeuam exhalat opaca Mephitim. »
Méphitis aussi, qui est un nom propre, du grec μεσίτις, selon l’opinion de certains, par changement du s en f, a logiquement un accusatif en im. Virgile au livre VII :
“elle exhale dans l’ombre des puanteurs cruelles”.
11e. Schol. Pers., 3, 99 éd. Jahn (cité texte 12)
Sulphureas mefites, a loco foetido dixit, qui in Italia graviter spirat ut Virgilius :
saeuamque exhalat opaca mephitin.
Id est indigestionem ; vomitus sulfurei.
Il parle de “mefites sulfureux” d’après un lieu fétide, en Italie, qui émet un souffle lourd, comme dit Virgile, “elle exhale dans l’ombre des puanteurs cruelles” donc indigestion ; vomissements sulfureux.
12. Perse, Sat., III, 99
Turgidus hic epulis atque albo ventre lavatur, Gutture sulpureas lente exhalante mefites Gonflé de mets et le ventre blanchâtre le bonhomme se baigne, tandis que sa gorge exhale lentement des miasmes sulfureux (trad. A. Cartault, CUF, 1966).
12a. Schol. Pers., 3, 99. Voir 11e.
13. Heges., 1, 35, 3.
[Herodes] templum etiam Caesari de marmore albo condidit ad fontes Iordanis adeo immemor fac-tus religionis, ut homini templum sacraret usumque gentium induceret. Loco autem Panium est, ubi mons altitudinis excelsae uertice summo in sublime porrigitur, cuius in latere umbrosum aperitur antrum, per quod graue olentis praecipitii profundum saeuam exhalat mefitim.
(Hérode) fonda même pour César un temple de marbre blanc aux sources du Jourdain – il était devenu à ce point oublieux de la religion qu’il consacrait un temple à un homme et introduisait l’usage des gentils. Il se trouve à l’emplacement de Panias, là où une montagne d’une grande altitude élève en l’air son haut sommet. Sur son flanc s’ouvre un antre obscur, par lequel les profondeurs de l’abîme fétide font monter de cruelles vapeurs.
14. Ennod., Carm., II, 112, 7.
Oscula nulla petas, madidam suspende mephitim. Ne demande pas de baisers, retiens ce miasme moite.
15. Sid., III, 13, 6
Praetendit os etiam labris plumbeum rictu ferinum, gingiuis purulentum dentibus buxeum, quod spurcat frequenter exhalatus e concauo molarium computrescentum mephiticus odor, quem supercumulat esculenta ructatio de dapibus hesternis e redundantum sentina cenarum.
Quant à la bouche, elle est proéminente, a des lèvres couleur de plomb, un rictus de bête sauvage, des gencives purulentes, des dents jaunes et est fréquemment infectée par l’odeur fétide que laisse échapper le creux des molaires entièrement gâtées et qu’amplifient encore les éructations alimentaires des festins de la veille et le trop-plein de dîners excessifs (trad. A. Loyen, CUF, 1970).
PRÉSENTATION THÉMATIQUE DES SOURCES
1. Localisation :
en Italie : 1 ; 1 le ; au centre de l’Italie : 3 ; 3a.
en Hirpinie : 2 ; 3a ; 4 ; 8.
en Lucanie : 3a ; 6 ; 9.
près du Calor : 3a.
à Ampsanctus : 2 ; 3 ; 3b ; 3c ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 10.
2. Identification du lieu de culte :
locus : 1 ; la ; 3 ; 3a ; 3b ; 3c ; 4 ; 9; 11e.
spiraculum : la ; 3 ; 4.
entrée des Enfers : 3 ; 3a.
rapproché de toponymes évoquant une entrée des Enfers : la ; 2 ; 4 ; 7 ; 8.
inviolabilité, sainteté : 3b ; 9.
lieu de culte de Mefitis : 4 ; 9, 11e.
fanum : 3c.
aedes : 4.
3. Éléments topographiques :
vallée(s) : 3 ; 3b ; 3c ; 7.
montes : 3. - specus : 3.
vorago : 3 ; 5.
nemus, silva, lucus : 3 ; 3a ; 3b.
torrens : 3 ; 3b ; 3c ; 5.
fons, scaturrigo : 9 ; 8.
4. Propriétés :
eaux sulfureuses : 3a ; 9 ; 11e.
eaux mortifères, “pestifères” : 3 ; 3a ; 6.
souffle (de la terre) mortifère, “pestifère” : la ; 2 ; 3.
mauvaise odeur, pesante : 7 ; 8 ; 9 ; 10 ; 11e..
tue les oiseaux : 6.
met à mort les victimes : 3a.
SOURCES ÉPIGRAPHIQUES
Inscription sinistroverse, sur imbrex (Rainini 1985, 118) ou sur vase de céramique commune grossière (Antonini 1981, 56), perdue, mais dont une reproduction photographique a été publiée. Elle aurait été retrouvée « sul margine del laghetto della Mefite » (lettre de S. Ferri, citée par Antonini 1981), ou plus exactement au confluent du torrent et du caccavo, l’émissaire du lac des soffioni (Gambino 1991, 585-586) et proviendrait en fait d’un tas de déblais des fouilles Onorato.
luvkis vel[...]
mefiteί[...]
aravinaί[...]
Lucius Vel[...] à Mefitis Aravina.
Aravina = des arva, « des labours, des champs » (Lejeune 1990, 45 et 54 ; cf. RV 21 et 26 : de fait, l’épiclèse est connue par 2 inscriptions de formulaire identique, mais de date différente, provenant de Rossano di Vaglio) ; = des arvia (cf. Tab. Ig.), « des exta, des entrailles, de la divination » (Prosdoscimi 1989, 519).
Une autre inscription osque, perdue et non documentée, aurait été retrouvée en 1954 le long du sentier (en partie pavé) conduisant de la Masseria Belfiore à “l’area sacra” (lettre de Don N. Gambino à Onorato, du 24.9.1953, citée par Rainini 1985, 5).
À la collection Zigarelli appartenait une tablette de bronze « trouvée dit-on près du lac d’Amsancus » (tabula aerea rep. ut aiunt ad lacum Amsancti) admise par Mommsen dans le CIL IX, 1023 :
DAEO AE
RESIA
VICTORIA V
L.S.
Mommsen considère que daeo (= deo) est employé ici absolument. Gambino 1976 rapproche cette inscription de celle d’Aeclanum (CIL IX, 1092, au deus aetemus) et y voit un témoignage de culte oriental.
SOURCES ARCHÉOLOGIQUES
Structures. Tout aussi importantes que les structures construites – au demeurant d’extension limitées, du moins dans l’état actuel des connaissances – sont les caractéristiques naturelles, topographiques et géomorphologiques, d’un site dont le cœur est constitué par le lac des soffioni, tandis que les œuvres de l’homme sont en quelque sorte rejetées à la périphérie du domaine propre de la déesse. Sur la topographie de ce sanctuaire “naturel” (Cazanove 2003), avec ses manifestations de volcanisme secondaire, voir supra, introduction et Di Nocera et al. 1999.
En 1953-1954 ont été vus (mais non documentés) quelques vestiges (Rainini 1985, 3-7, synthétise utilement les quelques données disponibles) : a) d’un pont (enjambant le torrent dans la zone dite des fressole) « qui servait à rejoindre le lac ». Le long du torrent se trouvaient ensuite des pieux plantés à 1 m d’intervalle, « avec au-dessous une feuille de bronze » (s’agit-il d’une protection contre la pourriture ?).
b) de mur(s) entre torrent et lac. Il a été supposé qu’il s’agissait de la clôture du sanctuaire (dans les années 70, ont été encore vus les restes d’un mur formant un angle droit sur le côté droit du torrent) ;
c) d’une voie d’accès au sud, sur la colline de S. Felicita, provenant de Masseria Belfiore. Un tronçon pavé en aurait été vu, avant d’être détruit par des travaux agricoles (la ferme est elle-même reliée par un chemin à la petite église de S. Felicita, à 650 m env. à vol d’oiseau du lac. Gambino 1991, 574, suppose que « le lieu de culte chrétien s’est superposé au lieu de culte païen »). En revanche, la mention isolée de vestiges – provenant du lit du torrent – d’un “temple de bois” semble fantaisiste (Augusti 1967). Il doit s’agir d’une confusion avec les restes de pieux mentionnés ci-dessus.
En 1971-1972, sur le rebord de la colline de S. Felicita, à un centaine de m au sud du lac, ont été fouillées des structures publiées quelques années plus tard (Rainini 1985) et considérées par l’auteur comme “périphériques”. Seul un foyer rectangulaire remonte au iiie s. av. J.-C. Les autres structures – un portique (s’ouvrant vers le sud, vers la colline, et non vers le torrent qu’il domine, à moins qu’il ne s’agisse d’une porticus duplex ou de propylées : Cazanove 2003) et, juste à l’est mais non exactement aligné, une sorte de promenoir, entre deux murs de soutènement, que l’on suit sur 22,4 m – ne remontent pas plus haut que la première moitié du ier s. av. J.-C, et ont subi diverses restructurations au ier s. ap. J.-C. La connexion de ces aménagements avec le lac et le culte de Mefitis ne peut être entièrement établie, même si l’hypothèse est probable. Au ive s. d. n. è. fut en outre construite une petite tour circulaire, dont on ne sait si elle se rattache au sanctuaire encore existant, où à une réoccupation de nature différente (Rainini 1996, 91-94).
Décor architectural. Une antéfixe aurait été cédée par le propriétaire des terrains à la Surintendance, en 1954 (Rainini 1985, 6). Elle n’a pas été retrouvée depuis.
À peu de distance de la facade de l’église de S. Felicita, ont été retrouvées des plaques de terre cuite à sujet dionysiaque, des corniches à rinceaux, des gargouilles en forme de mufles de lion, des anté-fixes à palmette (Gambino 1991, fig. 62-68, 573, 592-593, 594). Il s’agit peut-être d’un décor de temple, que Gambino 1991, 573 (et 322, fig. 50), met en rapport avec « la tête de marbre... aujourd’hui encastrée dans la facade de l’église [qui] pouvait avoir appartenu à la statue de la divinité vénérée en ce lieu ».
Mobilier. Les 470 exemplaires ou fragments d’ex-voto figurés (pour la plupart anthropomorphes), publiés en 1976 (Bottini Rainini Isnenghi Colazzo 1976), ont été retrouvés dans le lit fangeux du torrent (Onorato 1960, 32), en deux points (Gambino
1991, 582-591) : pour l’essentiel, sur une vingtaine de m en aval, à partir du pilier de pont signalé ci-dessus ; et, une cinquantaine de m plus loin, au confluent d’où provient également la dédicace à Mefitis Aravina (voir supra).
Sur les 470 objets, 16 sont en bois, 7 en bronze, le reste en terre cuite. La classe d’objets la plus originale, en bois, comprend 1 petite statue (1,35 m), 6 grandes statuettes, 5 têtes détachées, 3 fragments difficilement interprétables et 1 patère, le tout datable (selon les éditeurs) de la deuxième moitié du vie au ive s. av. J.-C. (mais la chronologie de tels objets est très difficile à établir ; on a même pu les rapprocher des séries gallo-romaines beaucoup plus récentes des Sources de la Seine ou de Chamalières : Deyts 1983, 165 et suiv.).
Les 7 statuettes de bronze, toutes masculines (datations proposées : de l’époque archaïque au ive-iiie s. av. J.-C), rentrent en revanche dans la catégorie bien connue des “dépôts italiques” de tradition sabellique. Hercule est représenté sûrement une fois, et peut-être sur 2 autres ex.
Les terres cuites relèvent, elles, de deux filons distincts : un premier groupe, très minoritaire, dérive de créations campaniennes (Teano, Capoue, Minturnes) datables de l’archaïsme jusqu’au ive s. Le deuxième groupe consiste essentiellement en imitations locales de « Tanagras », le plus souvent élaborées ou reélaborées en Grande Grèce, échelonnées du Ve au iiie s. Peu de divinités : Athéna (2 ex.), Aphrodite (2 ex. ?), 1 Éros. Les statuettes masculines sont très peu nombreuses (20 ex. et fr.), au regard des statuettes féminines assises (6 ex.) et debout (157 ex.), et des petites têtes pertinentes à des statuettes féminines (également 157 ex.). Les attributs, stéréotypés, ne sont pas très fréquents : oinochoé et kalathos (34 ex.), colombe (8 ex.), enfant(s) (4 ex.), phiale (1 ex.), sanglier (1 ex.), sans parler des couronnes de lierre, avec élément floral, etc. Les statuettes d’animaux sont très peu nombreuses. Quelques fragments d’orteils pourraient à la rigueur être attribués à des ex-voto anatomiques.
On ne sait s’il faut attribuer au sanctuaire de Mefitis les 53 terres cuites de la collection Zigarelli léguées en 1889 au musée d’Avellino. Pour les contemporains, la provenance ne faisait pas de doute (Macchia 1838, 11), peut-être précisément de la colline au sud du lac (Modestino 1838). Cette attribution a été ensuite rejetée (Onorato 1960, 20 ; Colucci Pescatori 1975, 215-220), sauf pour 3 statuettes qui portent explicitement l’indication “Ansanto”. Un catalogue exhaustif de ces terres cuites votives est fourni par Rainini 1986-1987. On notera l’importance relative du filon “étrusco-latial-campanien” (9 têtes ; ex-voto anatomiques : 2 masques et 3 pieds) et du filon paestan (16 statuettes masculines et féminines tenant porcelet et/ou corbeille + 3 têtes pertinentes),
Parmi les 505 n°s de céramique publiés (pour la plupart des formes à vernis noir des ive-iiie s.), les thymiateria (17 ex.) et les vases miniatures (18 ex. + 15 petites cruches) rentrent clairement dans la catégorie des ex-voto. On reconnaîtra par contre des ustensiles cultuels dans les 2 patères de bronze (Cazanove 2003, 167) et peut-être dans l’unique patère de bois retrouvée (Bottini Rainini Isnenghi Colazzo 1976, 379, 23).
On compte 84 fibules, quelques autres bijoux en or, bronze et ambre (les éléments d’un collier) (Guzzo 1998, 27-36), et un petit nombre d’éléments de ceinturons en bronze.
De nombreuses monnaies ont été retrouvées à toutes époques dans le lit du torrent et sur la colline de S. Felicita. Santoli 1783, 87-89, fait état de nombreuses trouvailles, in alveo torrentis : d’abord, des séries romaines de bronze “à la proue” ; puis des émissions de Grande Grèce ; il affirme enfin détenir plus d’une centaine d’oboles (anépigraphes) tête féminine / lion, type aujourd’hui généralement attribué à Phistelia.
Les trouvailles numismatiques continuent ensuite d’alimenter les collections privées et publiques : la collection Zigarelli passée au musée d’Avellino, dont les 130 monnaies antiques proviendraient en partie « dalla Mefite di Rocca S. Felice » (Grella 1990, 260-280) ; et, par la suite, diverses collections privées passées au musée de Naples (Stazio 1954 publie 53 monnaies, dont 2 statères incus de Sybaris et Métaponte).
Les fouilles Onorato dans le “vado mortale” ont livré 172 monnaies. Parmi les émissions grecques, celles des centres dauniens sont les mieux représentées (Arpi, Lucera, Teate : 55 ex.), suivies par celles de Naples (37 ex.), tandis qu’on compte 58 monnaies de Rome républicaine.
Le legs Gambino en 1967 enrichit le Museo Irpino de 130 monnaies (Grella 1990, 240) : 95 proviennent de Valle d’Ansanto, 35 de la colline de S. Felicita. D’autres trouvailles, passées aussi au musée d’Avellino, sont dites également provenir de la zone de S. Felicita (Grella 1983).
Le tableau ci-dessous regroupe donc des monnaies de fonds différents, et dont la provenance n’est pas toujours assurée. Aussi aurait-il été trompeur de fournir des totaux par centres d’émission.
Restes osseux (et autres restes organiques).
Onorato 1960, 33, signale « un nombre notable de dents de sanglier trouvés dans la fouille ». Il faut comprendre bien sûr qu’il s’agit de dents de porcins. Gambino 1991, 583, mentionne également des mâchoires d’ovins (trouvées en aval du pont présumé, avec des noyaux de dattes et d’olives, des noisettes, des pépins de raisin, des grains).
Notes de bas de page
1 Neuf sites, à s’en tenir aux seules inscriptions (sanctuaire de la Madonna di Canneto près de Settefrati, à la limite entre Latium méridional, Abruzzes et Molise : CIL X, 5047 ; Capoue et Pompei en Campanie : respectivement CIL X, 3811 et E. Vetter, Handbuch der italischen Dialekte I, Heidelberg, 1953, n° 32 ; Ampsanctus, Aeclanum, Aequum Tuticum en Hirpinie : resp. infra p. 173-174, Vetter, Handbuch, n° 162, CIL IX 1421 ; Rossano di Vaglio, Potentia, Grumentum en Lucanie : resp. infra n. 9, CIL X, 130-133, CIL X, 203) ; 11 en incluant 2 toponymes significatifs (le lieu-dit Méfete au nord-ouest d’Aquinum, d’où proviennent des terres cuites votives : A. Giannetti, “Testimonianze archeologiche provenienti dalla località di Mefete in Aquinum”, RendLincei, XXVIII, 1973, p. 51-61 ; Id., “Suppellettile sepolcrale e votiva proveniente dall’agro di Aquinum (contrade S. Pietro Vetere e Mefete)”, RendLincei, XXX, 1975, p. 211-221. Et d’autre part le sorgenti del Mefito sur le territoire de Suessula, aujourd’hui Cancello). On évitera par contre d’attribuer à Méfitis des lieux de culte anonymes de Lucanie ou d’Hipinie, comme cela a été fait quelquefois. Cette tendance à une sorte de “pan-méfitis-me” diffus doit beaucoup à la notoriété qu’a acquise, dans les trente dernières années, le sanctuaire de Rossano di Vaglio.
2 M. Lejeune, “Méfitis déesse osque”, CRAI, 1986, p. 202-213.
3 Varr., LL, V, 49 : secundae regionis Esquiliae. Alii has scrip-serunt ab excubiis regis dictas, alii ab eo quod excultae a rege Tullio essent. Huic origini magis concinunt loca uicina, quod ibi lucus dicitur Facutalis et Larum Querquetulanum sacellum et lucus (corr. Laetus ; lacus codd.) Méfitis et Iunonis Lucinae, quorum angusti fines. Non mirum : iam diu enim late auaritia una est : “au second canton appartiennent les Esquilies. Selon certains écrits, leur nom vient des excubiae regis (postes de la garde royale) ; selon d’autres du fait qu’elles ont été plantées (excultae) par le roi. Les alentours concordent bien mieux avec cette dernière éty-mologie, car c’est là que se trouve le bois sacré appelé Facutalis (le Fagutal, la Hêtraie), le petit temple des Lares Querquetulani (Lares de la Chênaie), enfin les bosquets consacrés à Méfitis et à Juno Lucina, et dont les dimensions sont exiguës. Fait naturel d’ailleurs ; depuis longtemps aux alentours, il n’y a plus que la seule Avarice” (trad. J. Collart, 1954). La correction lucus (pour lacus) est rendue certaine par le contexte.
4 Festus, p. 476 L. : (Oppius autem appellatus est, ut ait Varro rerum humanarum lib. VIII, ab Opitre Oppio Tusculano, qui cum praesidio Tusculanorum missus ad Romam tuendam, dum Tullus Hostilius Veios oppugnaret, consederat in Carinis et ibi castra habuerat.) Similiter Cispium a Laeuo Cispio Anagnino, qui eiusdem rei causa eam partem Esquiliarum, quae iacet ad uicum Patricium uersus, in qua regione est aedis Mefitis, tuitus est : (l’Oppius a été nommé, à ce que dit Varron dans le livre VIII des Antiquités Humaines, d’après Opiter Oppius de Tusculum qui, avec une garnison de Tusculans, avait été envoyé à Rome pour la défendre au moment où Tullus Hostilius assiégeait Véies, et s’était établi sur les Carines où il avait son camp. Semblablement, le Cispius (aurait été nommé) d’après Lucius Cispius d’Anagni qui, pour la même raison, défendait cette partie de l’Esquilin qui regarde vers le Célius : c’est la région dans laquelle se trouve le temple de Méfitis”. Une hypothèse de localisation du lucus se trouve dans F. Coarelli, “Il culto di Mefitis in Campania e a Roma”, dans I culti della Campania antica. Atti del Convegno intemazionale di studi in ricordo di Nazarena Valenza Mele (Napoli, 15-17 maggio 1995), Rome, 1998, p. 185-190 ; pl. 50.
5 M. Lejeune, “Méfitis déesse osque”. cit. supra n. 2, p. 14, pensait que l’introduction de Méfitis à Rome remontait « probablement au temps des rois : Méfitis y pourrait être arrivée avec les dieux sabins dits de Titus Tatius ». F. Coarelli, “Il culto di Méfitis”, cit. supra n. 4, p. 189, estime au contraire que le triomphe de Samnitibus, Tarentinis et Lucanis de L. Papirius Cursor, en 272 av. J.-C, pouvait constituer « une excellente occasion pour Yeuocatio d’un culte lucanien, qui serait en ce cas à identifier avec celui de Rossano di Vaglio ».
6 Tac., Hist., III, 33 : per quadriduum Cremona suffecit. Cum omnia sacra profanaque in igne considerent, solum Mefitis tem-plum stetit ante moenia, loco seu numine defensum : “Pendant quatre jours, Crémone leur suffit. Alors que tous les édifices sacrés et profanes s’abîmaient dans le feu, seul le temple de Méfitis resta debout ; situé hors des murs, sa position le protégea, ou la divinité” (trad. H. Le Bonniec, CUF, 1989).
7 CIL, V, 6353 : Mefiti / L.Caesius / Asiaticus / VI.vir.Flavialis / aram.et.mensa IIII / dédit.L.D.D.D. Mommsen mentionne l’opinion de ceux qui attribuent l’épigraphe à Crémone (et qui se fondent eux-mêmes sur le texte de Tacite cité n. précédente), mais préfère la conserver à Laus Pompeia où est attesté un autre VIvir flauialis (CIL, V, 6369). D’un sanctuaire citué sur les bords de l’Adda provient toute une série de dédicaces à Hercule (CIL, VI, 6344-6352). On ne sait s’il faut en rapprocher la dédicace à Méfitis.
8 Infra, p. 170-171.
9 Les fouilles à Rossano di Vaglio ont débuté en 1969 : un historique des premières découvertes se trouve dans D. Ada-mesteanu, M. Lejeune, “Il santuario lucano di Macchia di Rossano di Vaglio”, Atti Accad. Naz. Lincei, ser. 8, XVI, 1971-1972, p. 39-82 ; part. p. 39 et suiv. Un rapport préliminaire est paru en 1990 : D. Adamesteanu, H. Dilthey, Macchia di Rossano. Il santuario della Mefitis. Rapporto preliminare, Galatina, 1992 (voir aussi “Rossano di Vaglio” dans BTCGI, XVII, 2001, p. 123-127). Les fouilles de la Surintendance archéologique de Basilicate dans le sanctuaire ont repris en 1998 (M.L. Nava, in Atti XXXVIII Conv. Studi Magna Grecia, Naples, 1999 [2000], p. 704-706) et ont recommencé à donner leur moisson épigraphique : M. L. Nava, P. Poccetti, “Il santuario lucano di Rossano di Vaglio. Una nuova dedica osca ad Ercole”, MEFRA, 113, 2001, 1, p. 95-122.
10 M. Lejeune, Méfitis d’après les dédicaces lucaniennes de Rossano di Vaglio, Louvain-la-Neuve, 1990 ; et maintenant P. Poccetti, art. cit. n. précédente.
11 Voir infra, p. 169, la fiche “Mefite, S. Felicita (Rocca S. Felice) : Ampsancti in Hirpinis. Fons, fanum et aedes Mefitis.
12 C’est pour cette raison qu’on avait choisi de traiter le cas d’Ampsanctus, pour son exemplarité même, dans une table ronde consacrée aux problème de méthode que pose l’utilisation et le croisement des sources documentaires dans la description des lieux de culte.
13 Infra, p. 170-171.
14 Infra, p. 173-174.
15 Infra, p. 174.
16 Infra, p. 174-175.
17 Publié par A. Bottini, I. Rainini, S. Isnenghi Colazzo, “Valle d’Ansanto. Rocca S. Felice (Avellino). Il deposito votivo del santuario di Mefite”, NSA, 1976, p. 359-524.
18 Infra, p. 175.
19 Infra, p. 176.
20 L’inscription, découverte lors de la deuxième campagne de fouilles dans le lit du torrent, en 1957, n’a été publiée qu’un quart de siècle plus tard : R. Antonini, “Dedica osca a Mefite Aravina dalla Valle d’Ansanto (AV)”, AION(Arch.), III, 1981, p. 55-60 (et infra, p. 173-174).
21 Virgile, Æn., VII, 563-570 : est locus Italiae medio... Ampsancti valles. Voir infra, p. 170, texte 3.
22 Serv, ad Æn., VII, 563 : hunc locum umbilicum Italiae chorographi dicunt. Voir infra, p. 170-171, texte 3a.
23 Varr., ap. Plin., NH, III, 109 : In agro Reatino Cutiliae la-cum, in quo fluctuetur insula, Italiae umbilicum esse M. Varro tra-dit ; Solin, II, 22, p. 37 Mommsen : (Italia umbilicum, ut Varro tradit, in agro Reatino habet. Je reviens sur la question des 2 ombilics distincts de l’Italie (Ampsanctus et Cutilia) dans une étude à paraître : O. de Cazanove, “Il luogo di culto di Mefitis nelle Ampsancti valles, santuario naturale e ombelico d’Italia : dalla topografia alla corografia”, dans Il culto della dea Mefite e la valle d’Ansanto. Ricerche su un giacimento archeologico e culturale dei Samnites Hirpini (Avellino, 18-20 ottobre 2002), sous presse.
24 V. M. Santoli, De Mephiti et vallibus Anxancti libri trles, cum observationibus super nonnullis urbibus Hirpinorum, Naples, 1783, p. 94 et suiv. : Petrus Valeriani, Altus Manutius, Franciscus Floridus, Lodovicus a Caerda, Flavius Bondus, & Leander Alberti crediderunt, per Valles Anxanti, designatum a Poeta Lacum Velinum, in Sabina, sed perperam. Cette erreur resurgira par la suite : Santoli signale plus loin une dissertation de R. Venuti (1765) qui localise Ampsanctus à nouveau in territorio sabino, à Poggio Catino. D’autres auteurs qui ont voulu eux aussi situer Ampsanctus en Sabine sont cités dans l’utile recension de la bibliographie ancienne due à N. Gambino, La Mefite nella Valle d’Ansanto di Vincenzo Maria Santoli. Rilettura dopo duecento anni 1783-1983, Rocca San Felice, 1991, p. 203 et suiv. ; 255 et suiv. ; 791 et suiv.
25 P. Cluver, Italia antiqua, Leyde, 1624, II, p. 1201-1202 : “Porrò suprà Taurasium, sub Fricento opido est dirus AMPSANCTUS LACUS, Ciceroni, Virgilio, Plinio & Claudiano memoratus. Vulgò hodiéque dicitur adcolis Mufiti. Cicerone de Divinatione lib. I : Quid enim, non videmus, quàm sunt varia terrarum genera ? ex quibus & mortifera quaedam pars est : ut est Ampsancti in Hirpinis. Plinius lib. II cap. XCIII : Terrae miracula dicamus. Spiritus letales alibi, aut ipso loci situ mortiferi : alibi volucribus tantùm ; ut Soracte, vicino Urbis tractu : alibi praeter hominem caeteris animantibus : nonnumquàm & hominibus ; ut in Sinuessano agro & Puteolano. spiracula vocant : alii Charoneas scrobes, mortiferum spiritum exhalanteis. item in Hirpinis Ampsancti ad Mephitis aedem lacum. quem qui intravêre, moriun-tur. Ridiculum hoc sanè. Quis enim reperiatur, nisi mente tota cap-tus, homo, qui aquas intrare uelit, qua ; aterrimo colore odoreque teterrimo, in medio lacus, qui triangulà est forma, circuitu modico, ad uiri proceritatem ingenti cum fragore ebulliant ? Sanè quum ad eum ego accederem, è longinquo (nam ad mille passus odor eius occurrebat) nares summâ diligentiâ obturabam ; ne quid mali contraherem... Italiae in medio dixit ; nempe inter superum infe-rumque mare. De cœtero montes heic nulli alti ; nisi qui satis longè dissiti, prœdictum opidum Fricento sustinent. Nec silvis circum-datus lacus : nisi quòd haud procul vallis, in septemtriones producta, utrimque nemoribus vestiatur. At id in lacu maximè miran-dum ; quòd, quum aqua tanta vi in altitudinem eructetur, num-quàm tamen lacus excrescat ; sed aqua perpendiculariter in vora-ginem suam recidat. TEMPLUM deœ MEPHITIS juxtà fuisse situm, suprà ex Plinio intelleximus.” Pour les citations de Cicéron et de Pline ont été données les traductions, respectivement de G. Freyburger et J. Scheid, Paris, 1992, et de J. Beaujeu, CUF, 1950.
26 De même M. Torcia, correspondant de V.M. Santoli à la fin du xviiie s. : “e qui noi deviando dall’opinione adottata dal nostro Santoli leggiam con Leonardo di Capua lacum e non locum ; primo perchè il caratteristico è di lago ; secondo perchè dal testo scorgesi chiaramente che Plinio volesse localmente indicar questo lago...” : cité dans V. M. Santoli, Narrazione de’ fenomeni osservati nel suolo irpino, Naples, 1795, p. 35, n. 2.
27 Vib. Sequest., De fluminibus... 185, p. 33 Gelsomino (texte cité infra p. 171,6).
28 Vorago : Verg., Æn., VII, 569 ; Claud., Rapt. Pros., II, 350. Fons : Gloss.L IV dub. Plac. M 6. Scaturrigo : Marius Mercator, Subnot., IV, 2. Voir infra, p. 171, présentation thématique des sources.
29 Infra, p. 160 et suiv.
30 Dans la fiche reproduite en appendice, p.169 et suiv., la géomorphologie et les caractères géophysiques du site ne sont pas regroupés sous une rubrique indépendante. Il en est question, à la fois dans le développement introductif (p. 170) et dans la rubrique “sources archéologiques”, juste avant la description des structures (p. 174) – puisque ce sont justement les phénomènes naturels dont le vallon est le théâtre qui expliquent que les structures soient cantonnées en périphérie. Sur cette bipartition du lieu de culte et la notion de “sanctuaire naturel”, infra, p. 161 et suiv.
31 Cic., Diu., I, 36, 79 : Ampsancti in Hirpinis ; Plin., NH, II, 208 : in Hirpinis Ampsancti ; Serv., ad Æn., VII, 563 : hunc locum... ubi Hirpini sunt. D’autres indications indirectes sont fournies par Donatus (en Lucanie : ap. Serv., ad Æn., VII, 563), cl par Marius Mercator (Subnot., IV, 2 : Julien évêque d’AEclanum conregionalis de la source d’Ampsanctus).
32 S. Bella Bona, Ragguagli della città di Avellino, Trani, 1656, p. 22-24.
33 Une réédition commentée est parue par les soins de N. Gambino, op. cit. n. 24.
34 V. M. Santoli, op. cit. n. 24, p. 35-36.
35 Æn., VII, 568.
36 Le Terme di S. Teodoro, entre Villamaina et Rocca S. Felice, sont baignés par le torrent qui emprunte le “Vado Mortale”, mais 3 km env. plus en aval, peu avant le confluent avec le Fredane.
37 Information fournie par P. Macchia, Sulla Valle d’Ansanto e sulle acque termo-minerali di Villamaina in Principato Ultra, Naples, 1838, p. 35.
38 Ch. Daubeny, Narrative of an excursion to the lake Amsanctus and to Mount Vultur in Apulia in 1834, Oxford, 1835, p. 15.
39 I. Rainini, Il santuario di Mefite in Valle D’Ansanto, Rome, 1985, p. 21 et suiv. ; id., “Il santuario di Mefite nella valle d’Ansanto”, dans G. Colucci Pescatori, E. Cuozzo, F Barra éd., Storia illustrata di Avellino e dell’Irpinia. I. L’Irpinia antica, Avellino, 1996, p. 81-97, part. p. 91 et suiv.
40 Sur ce point, voir infra p. 158 et suiv.
41 Verg., Æn., VII, 563-571 (cit. infra p. 170, texte 3).
42 Serv., ad Æn., VII, 563 ; 565 ; Claud. Donat., ad Æn., VII, 565 ; cf. Schol. Pers., 3, 99 : textes cités infra, p. 170-171, 3a-d.
43 Claud., Rapt. Pros., II, 349-350 (cit. infra p. 171, texte 5).
44 Aug., Contra Iul., I, 48, 37 ; Marius Mercator, Subnot., IV, 2 ; Sid., III, 13, 8. Textes cités infra, p. 171, 7-8 et 10.
45 Marius Mercator, loc. cit. Chez Augustin au contraire (loc. cit.), c’est Julien qui est censé parler et accabler son adversaire (Augustin lui-même) en comparant ses paroles aux miasmes d’Ampsanctus ou à ceux de l’Averne.
46 Cic, Diu., I, 36, 79 (texte cité infra p. 170, 2).
47 Plin., NH, II, 208 (texte cité infra p. 171,4).
48 Varr. ap. Isid. Hisp., Etym., XIV, 9, 2 (cit. infra p. 170, 1a).
49 Varron, ap. Serv. ad Æn., VII, 563 (texte cit. infra p. 170, 1 et 170-171, 3a).
50 Strab., XII, 8, 16. Sur leur localisation, voir récemment P. Bernard, “L’Aornos bactrien et l’Aornos indien. Philostrate et Taxila : géographie, mythe et réalité”, Topoi, 6-2, 1996, p. 475-529 (part. p. 490 et suiv.). Je remercie Y. Leclerc d’avoir attiré mon attention sur cet article.
51 Pour le Ténare, voir Apul., Met., VI, 18, 1-2 : Lacedaemo Achaiae nobilis ciuitas non longe sita est : huius conterminam deuiis abditam locis quaere Taenarum. Inibi spiraculum Ditis et per portas hiantes monstratur iter inuium. C’est là bien sûr une réminiscence de la description virgilienne d’Ampsanctus, le vocabulaire le montre (Virgile : saeui spiracula Ditis monstrantur ; Apulée : spiraculum Ditis et... monstratur iter). Apulée le confirme d’ailleurs dans un autre passage (De mundo, 17), où il cite “les poètes” mais parle cette fois du Ploutônion de Hiérapolis de Phrygie : uidi et ipse apud Hierapolim Phrygiae non adeo ardui montis uicinum latus natiui oris hiatu reseratumet tenuis neque editae marginis ambitu circumdatum. Siue illa, ut poetae uolunt, Ditis spiracula dicenda sunt, seu mortiferos anhelitus eos credi prior ratio est, proxima quaeque animalia et in aluum prona atque proiecta uenenati spiritus contagione corripiunt et uertice circumacta interimunt.
52 Serv., ad Georg., IV, 466.
53 Le Ténare est également appelé spiraculum par Solin (7, 5, p. 56 Mommsen : in Laconica spiraculum est Taenaron). Un peu plus loin, à deux reprises (7, 12 et 27-28), Solin cite Varron, à propos des eaux mortelles d’Arcadie et de Béotie (sur Varron source de Solin, voir en dernier lieu F. J. Fernandez Nieto, éd. de Solin, Coleción de hechos memorables (Bibl. Clás. Gredos, 291), Madrid, 2001, p. 49). Il est donc possible que Varron ait déjà parlé du spiraculum du Ténare.
54 De son côté, M. Lejeune, “Méfitis, déesse osque”, art. cit. supra n. 2, p. 211, suggère prudemment une origine varronienne pour l’étymologie par mesitis proposée par Priscien (Inst., VII, p. 328 Keil) : texte cité infra, p. 172, 1 ld.
55 Serv., ad Æn., VII, 563 (texte cité infra, p. 170-171, 3a).
56 Strab., XIII, 4, 14 (630).
57 Strab., XIV, 1, 44 ; cf. P. Bernard, “L’Aornos bactrien...”, cit. supra n. 50, p. 494-495 (et 493, fig. 5 b).
58 P. Bernard, “L’Aornos bactrien...”, cit. supra n. 50, p. 495-496 (et 493, fig. 5 c).
59 Cf. supra n. 53.
60 Cl. Nicolet, L’inventaire du monde, Paris, 1988, p. 12, 80, 120-121, 268-269 ; id., “De Vérone au Champ de Mars. Chorographia et carte dAgrippa”, MEFRA, 100, 1988, p. 127 sq.
61 Serv., ad Æn., VII, 563 (texte cité infra p. 170-171, 3a).
62 L’umbilicus Italiae est un concept clairement géographique (de la même manière que l’ỏμφαλòς τ ῆςγῆς, à Delphes, se trouve au centre de la carte ionienne), aussi bien chez Varron conservé par Pline et Solin (textes cités n. suivante) que chez Servius, où il est attribué à des chorographi.
63 Varr., ap. Plin., NH, III, 109 : In agro Reatino Cutiliae lacum, in quo fluctuetur insula, Italiae umbilicum esse M. Varro tradit. Solin, II, 23, p. 37 Mommsen : Verum Italiae longitudo, quae ab Augusta Praetoria per urbem Capuamque porrigitur usque ad oppidum Regium, decies centenas et viginti milia passuum col-ligit, latitudo ubi plurimum quadringenta decem, ubi minimum centum triginta sex ; artissima est ad portum quem Hannibalis castra dicunt, neque excedit quadraginta milia ; umbilicum, ut Varro tradit, in agro Reatino habet. At in solidum spatium cir-cuitus uniuersi vicies centena quadraginta nouem sunt.
64 Supra p. 150.
65 Solin., loc. cit. supra n. 63.
66 Je développe ces points dans une étude à paraître : O. de Cazanove, “Il luogo di culto di Mefitis nelle Ampsancti ualles, cit. supra n. 13. J’indique, dans la même étude, pour quelles raisons Ampsanctus pouvait également apparaître comme “au milieu de l’Italie” ainsi que le dit Virgile, mais en prenant cette fois la péninsule dans le sens de la largeur.
67 Serv, ad Æn., VII, 563 (texte cité infra, p. 170-171, 3a).
68 Ainsi, sur le lieu de la mort de Ti. Sempronius Gracchus, le grand oncle des Gracques, en 212 av. J.-C. que l’on situait ou bien in Lucanis, ad campos qui ueteres uocantur, ou bien in agro Beneuentano prope Calorem fluuium : Liv., XXV, 16, 25 - 17, 3 ; cf. A. Russi, Lucania romana, San Severo, 1995, p. 12.
69 Vibius Sequester, De fluminibus..., 185, p. 33 Gelsomino (texte cité infra, p. 171,6).
70 Gloss.L IV dub. Plac. M 6 (texte cité infra, p. 171, 9).
71 S. Timpanaro, éd. du De diuinatione, 1988, I, 79, n. ad loc. Sur les Charônia d’Asie Mineure, voir supra, p. 155 et suiv..
72 A. S. Pease, M. Tulli de divinatione liber primus, Univ. of Illinois, 1920, p. 232-233, n. 3f (I, 79, ad loc.) (= M. Tulli Ciceronis de divinatione libri duo, Darmstadt, 1973).
73 L. W. Hunter, “Cicero’s journey to his province of Cilicia in 51 B.C.”, JRS, III, 1913, p. 73-97, et carte, fig. 6, p. 74. Pease, loc. cit., ajoute : “Quintus was with his brother in Cilicia, and if he did not actually accompany him on this trip he probably reached that province by the same route”.
74 Cic, Att., VII, 1 ; cf. P. Grimal, Cicéron, Paris, 1986, p. 295.
75 D’autres solutions sont possibles. Cicéron peut s’être arrêté à Ampsanctus lors d’un autre de ses voyages sur l’Appia : à son retour d’exil ou encore en partant pour sa province. De toute façon entre l’été 57 et l’automne 50.
76 Dans l’ekphrasis virgilienne, le verbe monstrantur, (“on montre là un antre effroyable et les soupiraux du sauvage Dis” : Æn., VII, 569) a parfois été interprété comme l’indice d’une visite de Virgile à Ampsanctus. Récemment toutefois, N. Horsfall, Virgil, Aeneid 7. A commentary, Leyde-Boston-Cologne, 2000, p. 374, a fait justice de cette interprétation.
77 Voir infra p. 173, “présentation thématique des sources”.
78 Virgile, Æn., VII, 563 ; Plin., NH,,11, 208 ; Servius, ad Æn.., VII, 563 et 565 ; Claud. Donat., ad Æn.., VII, 565 ; cf. Vairon, ap. Serv. ad Æn., VII, 563 et ap. Isid. Hisp., Etym., XIV, 9, 2 ; Gloss. LIV dub. Plac. M 6.
79 Plin., NH, II, 208 (cit. infra p. 171, texte 4) ; Claud. Donat., ad Æn., VII, 565 (cité infra p. 171, texte 3c).
80 Plin., loc. cit. ; Gloss.LIV dub. Plac. M 6 (cit. infra p. 171, texte 9).
81 Serv., ad Æn., VII, 563 (cit. infra p. 170, texte 3a).
82 O. de Cazanove, “Les lieux de culte italiques. Approches romaines, désignations indigènes”, dans A. Vauchez ed., Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires, Coll. EFR 273, Roma, 2000, p. 31-41.
83 Hippys de Rhégion (FGrHist., IIIb, 554, fr. 3) apud Antigone de Carystos, Histoire admirable, 121 ; Diod. Sic, XI, 88, 6 et suiv. ; Verg., Æn., IX, 585 ; Macr, Sat., V, 19, 15 et suiv. Le rapprochement entre Ampsanctus et le sanctuaire des Palikoi est déjà esquissé dans O. de Cazanove, “La penisola italiana prima della conquista romana”, dans A. Vauchez éd., Storia dell’Italia religiosa. I. L’antichità e il medioevo, Rome-Bari, 1993, p. 9-39, part. p. 37-38.
84 Plin., Epist., VIII, 5 ; cf. Plin., NH, II, 209 ; Sen., Nat. Quaest., III, 25, 8 ; Sotion, De mir. Font.
85 Pass. Nerei et Achill., 20.
86 Strab., V, 3, 1 (228) ; Plin., NH, XXXI, 10 ; 59 ; Anth. Pal, IX, 349 ; Vitr., VIII, 3, 5 ; Cels., 4, 12 ; Cael. Aur., Chron., 3, 2, 45.
87 Dion. Hal., I, 15, 2 ; cf. Varr., LL, V, 71 ; Plin., NH, II, 209 ; III, 109 ; Sen., Quaest. Nat., III, 25, 7 ou 8 ; P.-Fest., p. 44 L. ; Macr., Sat., I, 7, 28-30.
88 Il est à ce titre mentionné par le paradoxographe Sotion, 37.
89 Suet., Vesp.,, 34 ; Tit., 11, 1 ; Cass. Dio, 66, 17, 1.
90 Dion. Hal., I, 15, 1.
91 Hor., Epist., I, 10, 49 et schol. ad loc.
92 Dion. Hal., loc. cit.
93 Cf. infra p. 174-176.
94 Je ne sais s’il y a, dans le sonnet des voyelles de Rimbaud (« A noir corset velu des mouches éclatantes / Qui bombinent autour des puanteurs cruelles »), une réminiscence virgilienne consciente. C’est en tout cas, me semble-t-il, la meilleure traduction possible en français de l’expression latine, même au prix d’un passage du singulier au pluriel.
95 M. Guarducci, “Albunea”, dans Studi in onore di G. Funaioli, Rome, 1955, p. 120-127, a repoussé la localisation de l’épisode dans le territoire de Tibur. Probus (ad Georg., I, 10) est en effet explicite : Albunea, Laurentinorum silua. Mise au point plus récente de D. Briquel, “Les voix oraculaires”, dans Les bois sacrés, Naples, 1993, p. 77-90, part. p. 85-88. Sur le site de la Zolforata, et le sanctuaire voisin de Tor Tignosa, voir F. Castagnoli éd., Lavinium I, Rome, 1972, p. 93-94 ; M. Torelli, Lavinio e Roma, Rome, 1984, p. 179-187 ; M. Fenelli, “Lavinio”, BTCGI, VIII, Pise-Rome, 1990, p. 461-518, part. p. 488 (et carte).
96 Serv. ad Æn., VII, 81 ; Porphyr. ad Hor. carm., III, 18 (textes cités infra p. 172, 11a-b)
97 Heges., 1, 35, 3 (texte cité infra p. 173, 13) ; Auson., Cento nupt., 110 (texte cité infra p. 172, 11c). La fin – licencieuse – de ce centon, qui juxtapose vers et demi-vers virgiliens, rapproche pour une fois les “exhalaisons méphitiques” de VII, 84 et la “caverne effroyable” d’Ampsanctus en VII, 568... mais c’est pour évoquer le sexe féminin que l’époux va déflorer.
98 Perse, Sat., III, 99 (texte cité infra p. 173, 12).
99 Ennod., Carm., II, 112, 7 (texte cité infra p. 173, 14).
100 Serv. loc. cit. n.96.
101 Sur les différentes étymologies proposées, voir entre autres P. Poccetti, “Mefitis”, AION(Lingu.), IV, 1982, p. 237-260 ; D. Silvestri, “Mefitis”, ibid., p. 261-266 ; M. Lejeune, “Méfitis déesse osque”, art. cité supra n. 2, p. 210-213. Priscien déjà (Inst., VII, p. 328 Keil) faisait dériver Méfitis du gr. μƐσίτις, “médiatrice” : mephitis quoque, quod proprium est a Graeco mesi’ti», ut qui-busdam uidetur, mutatione s in f translatum...
102 Textes regroupés en appendice dans la fiche proposée infra : p. 172-173, 11-15.
103 Remarques en ce sens de N. Horsfall, dans sa récente édition du livre VII de YEnéide (Virgil, Aeneid 7. cit. supra n.76), p. 369 et suiv.
104 Vibius Sequester, De fluminibus..., 185, p. 33 Gelsomino (texte cité infra p. 171, 6).
105 Soph., fr. 748 Pearson ; Ps. Arstt., Mir. ausc, 839a ; Strab., V, 4, 5 (244) ; Lucr., VI, 738 et suiv. ; Verg., Æn., VI, 236-242 ; Plin., XXXI, 21.
106 Le précieux témoignage d’un voyageur anglais nous en informe, l’éminent chimiste et géologue Ch. Daubeny qui visite le site en 1834 (Narrative of an excursion..., cit. supra n. 38, p. 15-16) : « it was only in the time of Murat that the wood on the right hand was cut down... (a resident gentleman) assured me, that the health of the inhabitants fde Villamaina, à 5 km plus à l’est] had appeared to suffer materially, since the cutting down of the wood which lay betwixt them and the mephitic lake ; that they were sensible of the odour proceeding from it when the wind blew from that quarter, which was not the case before ; and that they attributed the insalubrity of the situation to that circumstance. My informant further assured me, that the inhabitants of Villa Maina are noted for the sallowness of their complexions, and that the disease to which they are chiefly subject is an affection of the liver ». Sur la rive gauche subsiste, bien diminuée, la macchia Mefite.
107 verg., Æn., VI, 296 (cit. infra) ; VII, 569 ; IX, 105 et X, 114. Vorago s’applique aussi à l’entrée des Enfers chez Sen., Here, f., 666 ; Nat. Quaest., VI, 32, 4 ; Stat., Theb., VI, 382 ; IX, 504 ; Serv., ad Æn., VII, 569 ; ad Georg., IV, 466.
108 Bell. Hisp., 29, 2, 4 ; Catul., 17, 11 et 26 ; Liv., XXII, 2, 5 et 6 ; XXXVI, 18, 4 ; XLIV, 8, 6 ; Apul., Met., IX, 9, 4 ; Sil, Pun., V, 617 ; XII, 127 ; XIII, 562 ; Vitruv., Arch., X, 16, 7 ; Frontin., Strat., II, 5, 7.
109 Cic, Din., I, 73.
110 Plin., NH, VI, 147.
111 Liv., XXIX, 17, 13 ; Cic., Pis., 41, 9 ; De orat., III, 163.
112 Liv., VII, 6, 2 ; Per., VII, 12.
113 Verg., Æn., VI, 295-297 : Hinc uia tartarei quae fert Acherontis ad undas / turbidus hic caeno uastaque uoragine gurges / aestuat atque omnem Cocyto eructat harenam.
114 V. M. Santoli, De Mephiti..., cit. supra n. 24, p. 3.
115 Deux autres textes parlent, plus simplement, de “source”, scaturrigo : Marius Mercator, Subnot., IV, 2 (texte cité infra p. 171, 8) ou fons (Gloss. Lat., IV, p. 43 Lindsay : texte cité infra p. 171, 9).
116 Serv., ad Æn., VII, 569.
117 Supra, p. 153.
118 H. Lavagne, Operosa antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien (BEFAR, 272), 1988, part. p. 189 et suiv.
119 ... y compris par l’allitération.
120 Pline (NH, II, 208, texte cité infra p. 171, 4) ne dit pas autre chose : Spiracula vocant, alii Charonea, scrobes mortiferum spiritum exhalantes. Les scrobes sont des cavités, des fosses. Daubeny (Narrative of an excursion, cit. supra n. 38) avait bien senti que le specus virgilien n’était pas autre chose qu’une faille dans la roche. Santoli (De Mephiti..., cit. supra n. 24, p. 4) parle d’un foramen seu rima sur la rive nord du lac. Cette cheminée, noire de dépôts carbonés, est encore active et bien visible.
121 Étymologie vraisemblablement varronienne, conservée par Isid. Hisp., Etym., XIV, 9, 2 (texte cité infra, p. 170, 1a).
122 Ce sont des loci liberati atque effati : A. Magdelain, Recherches sur l’imperium, la loi curiate et les auspices d’investiture, Paris, 1968, p. 57-67.
123 A. Dupront, Du sacré, Paris, 1987, p. 387-388 et 516-518.
124 Supra n. 78.
125 Ov., Am., III, 13, 7.
126 Ov., F., III, 295.
127 Ov., Am., III, 1, 2. Même formule, dans un autre contexte : AA, III, 547 ; Fab. Quintil., Decl. Min., 323, 15, 1 ; 244.
128 I, 15, 1.
129 Diod. Sic, XI, 89, 5. Les autres sources sur les Palikoi sont citées supra n. 83.
130 Voir la bibliographie donnée supra n. 9.
131 On pense bien sûr à l’absence complète, à Rossano di Vaglio, au lucus Mefitis de Rome, etc., de toute manifestation de volcanisme secondaire.
132 Le lieu de culte suburbain de Mefitis à Aeclanum n'a pas fait objet de foulles. Les inscription et les éléments arhiteturaux ont pu être récupérés, juste avant la destruction complète de tous les vestiges antiques. Le plan du sanctuaire a été dressé par I. Sgobbo (“Mirabella Eclano. Monumenti epigrafici oschi scoperti ad Æclanum”, NSA, 6, 1930, p. 400-411) sur la foi d’indications fournies par le propriétaire du terrain, et sur un examen autoptique des quelques éléments encore in situ. On aurait ainsi une cour quadrangulaire d’env. 22 m x 27 m, délimitée à l’ouest et au sud par un simple mur de péribole. Sur le côté est se trouvait une file (ou deux ?) de pièces rectangulaires (4 m x 5,5 m) dont quelques murs ont été vus par Sgobbo lui-même (en traits pleins sur son schéma). Le côté nord, enfin, est le moins clair : les différents murs s’interrompent sans logique reconnaissable. C’est pourtant le long de ce quatrième côté que se trouvait la base inscrite en forme d’autel, avec dédicace à Mefitis. Elle s’élevait sur un plan de pose fait de deux dalles grossières.
L’ensemble des murs du complexe est attribué par Sgobbo à la “tarda età romana” (mais des structures en opus incertum ont été vues en prospection, dans la zone limitrophe : G. Colucci Pescatori, “Evidenze archeologiche in Irpinia”, dans La romanisation du Samnium aux iie et ier siècles av. J.-C, Naples, 1991, p. 85-122 ; p. 99). Ils contenaient de nombreux éléments de réemploi, et permettent de supposer l’existence, dans une première phase, d’une structure en grand appareil de blocs de travertin, ainsi que de colonnades.
L’inscription Vetter 162 figure sur une base de blocs de travertin en forme d’autel (h. : 1,08 m ; largeur en facade : 1,13 m ; faces lat. : 0,84 m). Les moulures, de base et de cimaise, sont respectivement en forme de doucine droite et de doucine renversée, cette dernière surmontée d’un pulvinus. Un encastrement au centre de la face sup. (48 x 40 cm) devait pouvoir accueillir la plinthe d’une statue, semble-t-il creuse (l’encastrement présente une rainure périmétrale surcreusée), et donc plutôt en terre cuite ou en bronze qu’en pierre. Toutefois, deux fragments d’une statue féminine en marbre (un peu plus que grandeur nature) ont été retrouvés à côté de la base : jambe drapée, visage du nez au menton. Il s’agirait, selon Sgobbo, d’une réfection d’“époque romaine”. L’inscription est en facade (lettres, 1. 1 : 4 cm ; 1. 2 : 5 cm) : Siviiu Magiu / Mefit (c’est-à-dire Sivia Magia Mefit[i] (Sgobbo) : « Sivia Magia (a fait ce don) à Méfitis »).
L’inscription Vetter 163 est un bloc de travertin en réemploi dans le mur est de la cour du sanctuaire : G[a]v[iis]. Magiis. P[a]k[ieis] / Flakis / famatted (selon Sgobbo : « Gavius Magius Flacius, fils de Pacius, a ordonné (l’exécution) »).
L’inscription Vetter 164, également sur bloc de travertin, a été retrouvée muré dans un puits, à une vingtaine de m du carrefour entre la nationale et la route conduisant à Mirabella Eclano. La provenance du sanctuaire de Méfitis (à 300 m env.) est possible, mais pas certaine : Mamrt / Fatdatd. I. Sgobbo avait développé Mam[e]rt[i] fat[e]dat[e]d, avec un verbe au parfait. Il s’agit en fait, de la formule [...b]rat datd, comme l’a établi Vetter.
Enfin, l’inscription Vetter 165 est aussi un bloc de travertin en réemploi dans un mur. Elle provient probablement (Sgobbo) d’un fonds de terre attenant à la propriété Martiniello, où ont été retrouvées les inscriptions précédentes. La pertinence au même lieu de culte est donc possible, mais non assurée. Dans le cas contraire, les éléments architecturaux signalés par Sgobbo (chapiteaux, tambours, corniches), de même provenance que Vetter 165, seraient à attribuer au démantèlement d’une chapelle de Fatuus / Faunus : Fatuveis, “de Fatuus”.
133 Plin., NH, II, 208 (texte cité infra p. 171,4).
134 Celui-ci, publié scientifiquement par I. Rainini, Il santuario di Mefite, cit. supra n. 39, p. 21 et suiv., n’est autre que ce que la tradition érudite, à partir du xviiie s. et des fouilles de V.M. Santoli, De Mephiti..., cit. supra n. 24, p. 93-94 (III, 14), avait interprété comme le temple de la déesse.
135 I. Rainini, Il santuario di Mefite, cit. supra n. 39, p. 117 et suiv.
136 Voir à ce sujet les observations de N. Gambino rapportées par I. Rainini, Il santuario di Mefite, cit. supra n. 39, p. 5 et n. 8. Cette voie d’accès – des lambeaux de pavement ont été retrouvés – serait venue de Masseria Belfiore qui est elle-même unie par un chemin à l’église de S. Felicita (cf. feuillet IGM 186 IV NE). Le cheminement lui-même est appelé “una sorta di piccola ierà odòs par Rainini, dans la contribution publiée dans le présent volume.
137 Il est difficile de ne pas penser à ce propos aux terres cuites architecturales retrouvées à proximité immédiate de l’église de S. Felicita, au sommet de la colline : infra p. 174.
138 En ce cas, le portique – qui est techniquement un portique entre retours (R. Ginouvès, Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine, III, C.É.R.F., 84, 1998, p. 75-76) dont l’extrémité ouest a disparu, si bien que sa longueur n’est plus restituable – aurait été également ouvert vers le nord, c’est-à-dire le vallon. On note en tout cas la présence d’un mur (mentionné par I. Rainini, Il santuario di Mefite, cit. supra n. 39, p. 21 et pl. B) qui se raccorde à angle droit avec le petit côté conservé du portique, divisant ainsi longitudinalement celui-ci en deux parties. La partie nord, ouverte sur le stylobate encore existant, faisait 3,55 m de large. La partie sud (emportée par les éboulis) pouvait consister en une file de pièces, en une deuxième nef, voire, comme on l’a dit, s’ouvrir du côté opposé s’il s’agissait d’un portique double.
139 Plin., NH, II, 208 (texte cité infra p. 171, 4).
140 Serv., ad Æn., VII, 563-571 : gravis odor iuxta accedentes necat, adeo ut victimae circa hune locum non immolarentur, sed odore perirent ad aquam adplicatae, et hoc erat genus litationis (texte cité in extenso infra p. 170, 3a).
141 Cf. infra p. 176.
142 On peut rappeler à ce propos que G.L. Tagliamonte, I Sanniti, Milano, 1996, p. 68, mentionne « le pecore » et « le greggi » qui « sino a non molti decenni fa... venivano condotte presso ‘Le Mufite’ per essere immerse, a pagamento, nel laghetto ». Les immersions de bétail dans les eaux sulfureuses pour combattre la gale pouvaient cependant avoir lieu aussi dans d’autres résurgence alentour (entre autres les “mefitel-le”) : P. Macchia, Sulla Valle d’Ansanto e sulle acque termominerali di Villamaina in Principato Ultra, Naples, 1838, p. 27 et suiv.
143 Au sanctuaire sicilien des Palikoi, des recherches archéologiques récentes ont mis en évidence, sur les pentes de Rocchicella, l’existence d’un complexe architectural (hestiatorion du ve s. ; peut-être temple) dominant la plaine où se trouve le lac sulfureux de Naftia (L. Maniscalco, B.E. Mc Connell, “Ricerche e scavi attorno a Palikè”, Kokalos, XLIII-XLIV, 1997-1998, p. 173-199). Deux pôles donc, naturel et monumental, étagés sur le même axe perspectif, mais distincts. La similitude avec le val d’Ansanto dominé par la colline de S. Felicita vaut la peine d’être notée.
144 Importante analyse de J. Scheid, “Pline le jeune et les sanctuaires d’Ialie. Observations sur les lettres IV, 1, VIII, 8 et IX, 39” dans A. Chastagnol, S. Demougin, Cl. Lepelley éd., Splendidissima ciuitas. Etudes d’histoire romaine en hommage à François Jacques, p. 241-258, qui rappelle aussi que dans le sanctuaire rural de Cérès qu’il fait restaurer, Pline le Jeune fait ajouter des portiques à l’aedes proprement dite, « celle-ci à l’usage de la déesse, ceux-là à l’usage des hommes » (illam ad usum deae, has ad hominum : Plin., Epist., IX, 39, 3). Les sources sur le sanctuaire du Clitumne sont commodément réunies par A. Dubourdieu, “Les sources du Clitumne. De l’utilisation et du classement des sources littéraires”, Cahiers du centre Gustave-Glots, VIII, 1997, p. 131-149. Voir aussi l’inscription de Tibur Lapideis profaneis, intus sacrum (CIL, I2, 1486 = XIV, 3574 = ILLRP, 510 et le commentaire d’A. Valvo, “Lapides profaneis, intus sacrum. Alcune osservazioni intorno a CIL, I2, 1486”, Aevum, LXI, 1987, p. 113-122.
145 Plin., Epist., VIII, 8, 9 : is [pons] terminus sacri profa-nique : in superiore parte nauigare tantum, infra etiam natare concessum.
146 Ibid., 2 : hune subter exit fons et exprimitur pluribus uenis sed imparibus, eluctatusque quem facit gurgitem lato gremio patescit, purus et uitreus, ut numerare iactas stipes et relucentes calculos possis.
147 Sur le sens d’ὃσιος voir J. Rudhardt, Pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique2, Paris, 1992, p. 30-36 (e p. VIII-IX).
148 Plut., Mar., 39, 8.
149 Sur l’épisode, O. de Cazanove, “Suspension d’ex-voto dans les bois sacrés”, dans Les bois sacrés. Actes du colloque international organisé par le Centre Jean Bérard et l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Naples, 23-25 Novembre 1989, Naples, 1993, p. 111-126, part. p. 125-126.
150 ILLRP, 504-506.
151 H. Broise, J. Scheid, “Étude d’un cas : le lucus deae Diae à Rome”, dans Les bois sacrés, cit. supra n.149, p. 145-157, part. p. 150.
152 Voir également sur ce point les définitions de J. Scheid, “Lucus, nemus. Qu’est-ce qu’un bois sacré ?”, ibid., p. 13-20, part. p. 19-20 (... le lucus, le tescum... ces trous dans l’espace ouvert des hommes...”).
153 Le bois sacré de Marica est “sans routes”, ἀνοδίαις : Plut., Mar., 37, 9.
154 Les Aquae Cutiliae (Dion. Hal., I, 15, 1), mais aussi le bois sacré de Diane à Nemi (Ov., F., III, 267-268), le lucus du Fondo Patturelli à côté de Capoue (E. Vetter, Handbuch der italischen Dialekte I, Heidelberg, 1953, n° 81 ; cf. M. Lejeune, “Enclos sacré dans les épigraphies indigènes d’Italie”, dans Les bois sacrés, cit. supra n. 149, p. 93-101, part. p. 94 et suiv. ; la récente reprise des fouilles a permis de découvrir un mur de clôture : S. De Caro, dans Atti Taranto 1997, p. 806), etc.
155 Serv., ad Æn., VII, 565 (texte cité infra p. 171, 3b).
156 Fest., p. 348-350 L. : sacrum aedificium, consecratum deo ; sanctum murum, qui sit circum oppidum ; religiosum sepulcrum, ubi mortuus sepultus aut humatus sit, satis constare ait. Cf. H. Fugier, Recherches sur l’expression du sacré dans la langue latine, Strasbourg, 1963.
157 Marcian. ap. Dig., I, 8, 8 : sanctum est quod ab iniuria hominum defensum atque munitum est. Cf. Y. Thomas, “Sanctio. Les défenses de la loi”, L’écrit du temps, 19, 1988, p. 61-84.
158 Fest., loc. cit. supra : sanctum murum, qui sit circum oppidum.
159 Le problème est celui de l’expression du concept de “saint, inviolable” dans les langues italiques. Le seul terme qu’on pourrait éventuellement rapprocher du lat. sanctus est le théonyme (sabin ?) Semo Sancus Dius Fidius, à son tour assez souvent rapproché de Fisie Sansie attesté dans les tables Eugubines. Mais ces différents rapprochements sont fragiles.
160 L’expression quia ambitur siluis se trouve chez Servius, ad Æn., VII, 563 (texte cité infra p. 170, 3a). Toutefois, même s’il me semble possible que le verbe ambitur ait été employé par Servius précisément pour faire écho au toponyme Ampsanctus, la proposition quia ambitur siluis veut expliquer pourquoi l’air est plus fort et pesant au milieu des bois, comme l’indique un autre passage du commentaire à l’Énéide (ad AEn., VII, 81 = testo 11a : terrae putor... in nemoribus grauior ex densitate siluarum). Sur les bois qui, jusqu’au début du XIXe s., flanquaient le vallon, voir supra n.106.
161 Lettre du 12.11.1954 de N. Gambino adressée à A. Maiuri, alors Surintendant de Campanie, citée par I. Rainini, Il santuario di Mefite, cit. supra n. 39, p. 5 et suiv. (qui regroupe toutes les informations provenant des fouilles antérieures). Voir depuis N. Gambino, La Mefite..., cit. supra n. 24, p. 582-591, part. schéma p. 605.
162 Cf. infra p. 174.
163 Infra p. 175-176.
164 n. Gambino, La Mefite..., cit. supra n. 24, p. 583-584, parle d’un “plan incliné” (sur la rive droite du torrent, donc au nord) couvert de charbon de bois qui se serait déversé de « deux récipients plats de bronze » (sans doute les 2 patères publiées dans les NSA 1976, p. 495, sous les n°s 1111-1112). « Plus profond » fut récupérée une patère de bois « aujourd’hui au Museo Irpino » (c’est donc sûrement le n° 23 dans NSA 1976, p. 379). On rappelera à ce propos qu’il existait des ustensiles sacrificiels en bois, entre autres chez les populations sabelliques. En 290, M’ Curius Dentatus, vainqueur de Pyrrhus et des Samnites, ne prélève sur le butin qu’une “burette de hêtre” (guttus faginus) pour sacrifier : Plin., XVI, 185. Voir aussi Varr., LL, V, 121 : capides et minores capulae a capiendo, quod ansatae ut prehendi possent, id est capi. Harum figuras in vasis sacris ligneas ac fictiles antiquas etiam nunc videmus.
165 I. Rainini, “Il deposito votivo...”, cit. supra n. 17, p. 524.
166 I. Rainini, “Il deposito votivo...”, cit. supra n. 17, p. 466-468 (gruppo i) : fragments de pieds grandeur nature : n°s 437, 440, peut-être 441 ; sans doute un doigt n° 432 et peut-être des fr. de mains (436, 437-439). N. Gambino, La Mefite..., cit. supra n.24, p. 516, fig. 107, donne une photographie d’un membre fragmentaire de terre cuite aux parois épaisses qui proviendrait “du torrent” (ibid., XII). La collection Zigarelli (voir n. suivante) comprenait aussi des ex-voto anatomiques, masques (3) et pieds (3).
167 Les 9 têtes de la collection Zigarelli sont publiées par I. Rainini (“Terrecotte votive della collezione Zigarelli nel museo provinciale di Avellino”, Ann. Fac. Lett. Univ. Perugia, XXIV (n.s. X), 1986/1987, p. 187-229, part. p. 191-199) qui émet des doutes sur leur provenance d’Ansanto. Elles peuvent venir d’ailleurs : à titre d’exemple, on signalera qu’un contemporain de Zigarelli, P. Macchia (Sulla Valle di Ansanto... cit. supra n. 37, p. 32) indiquait qu’en 1836, à Villamaina (fontaine de Formolano) « si scavarono molte figuline, statuette di argilla cotta, simili a quelle rinvenute presso Ansanto. Le più erano dell’altezza di circa mezzo piede, rappresentanti gente togata, idoletti, come quelli di Giove Ammone, baccanti con ghirlande di edera. Pezzi di varie teste della naturai grandezza vi erano ancora e di mediocre scultura ; altre assai più piccole portavano capelli, che dicevi all’ultima moda, e talune con specie di pagliettine alla toscana. Vi si scavarono busti infranti e ben punteggiati, avvanzi di coppe, di patere e di altri vasi di non dispregevole ornato, e di vasi lacrimali si trovarono in gran copia ». Les “têtes grandeur nature” sont des exvoto étrusco-latio-campaniens (peut-être aussi les statuettes de togati).
168 Infra p. 175-176.
169 V.M. Santoli, De Mephiti..., cit. supra n. 24, p. 87-88. Quant aux pièces d’argent les plus fréquentes, ce sont, selon Santoli, les émissions aujourd’hui attribuées à Phistelia.
170 L’alternative serait de penser à une confiscation dès la troisième guerre samnite, comme lager Taurasinus plus au nord, qui accueillera en 180 av. J.-C. les Ligures déportés : A. La Regina, “L’elogio di Scipione Barbato”, DdArch., II, 1968, p. 173 et suiv.
171 CIL IX 1024-1026.
172 Voir supra, p. 163 n. 132.
173 ... si les inscriptions Vetter 164-165, trouvées à peu de distance, proviennent bien du même lieu de culte où a été trouvée l’inscription mentionnant un don fait par Sivia Magia à Méfitis (Vetter 162) : supra n. 132.
174 Vetter 162-163.
175 Sur la question de Frigento, voir infra p. 179.
176 ILLRP, 598.
177 Certains (le portique, le “cheminement”) sont documentés par des structures. D’autres – ou d’un autre (le temple) ? – on ne connaît que le décor architectural en terre cuite (infra p. 174).
178 Infra p. 169-170 (introduction de la fiche).
179 Supra p. 153.
180 Seule exception, la glose qui mentionne “une source consacrée à cette déesse” (Gloss. Lat. IV p. 43 Lindsay : texte cité infra p. 171, 9).
181 Le toponyme pose problème. Il s’agit vraisemblablement d’un nom de lieu sabellique (malgré la pseudo-étymologie latine avancée par Servius, texte 3 b), transcrit ensuite plus ou moins lidèlement en latin. S’il n’est pas possible, en l’état actuel de la documentation, de remonter jusqu’à ce toponyme originel, peut-on du moins établir quelle appellation avaient retenue les premiers auteurs qui en parlent ? Pour Norden 1915, 23 et suiv., assez souvent suivi sur ce point (Andreussi 1984, 186), la forme Ampsancti qu’on trouve chez Cicéron, Pline, Virgile (infra, textes 2-3-4), c’est-à-dire les « textes de base » de notre documentation (Cazanove 2003, 155) serait un pluriel. Effectivement le nominatif singulier Ampsanctus n’est attesté que tardivement (infra, textes 5-6). Toutefois, Ampsancti pourrait aussi être un génitif singulier chez Virgile (c’est l’avis de Horsfall 2000, 372). Ses commentateurs antiques, en tout cas, le comprenaient clairement ainsi (infra, textes 3 b-c) : Serv., ad Æn., VII, 565 l’accorde au singulier (Amsancti ualles, loci amsancti... quem dicit... cinctum...) encore qu’il transforme Am(p)sanctus en adjectif (alors qu’il existe l’adjectif ampsanctinus : texte 8). Dans la formule Ampsancti in Hirpinis chez. Cicéron et Pline, il s’agirait alors un locatif (mais la solution d’un nominatif pluriel est tout de même plus simple : voir le parallélisme en chiasme Ampsancti in Hirpinis et in Asia Plutonia chez Cic).
182 Sauf indication contraire, les traductions sont de l’auteur.
Auteur
Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
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