Chapitre 6. Les maisons : plans et évolutions
p. 117-180
Texte intégral
1Dans ce chapitre, on essaie de décrire l’organisation et l’évolution de certaines maisons hellénistiques de Mégara : il ne s’agit pas à proprement parler d’une étude architecturale mais d’une approche essentiellement planimétrique et fonctionnelle. Ici encore, comme dans les parties précédentes, la pauvreté des documents de fouilles a bridé l’analyse et l’interprétation des vestiges. Ainsi, pour cadrer au mieux les hypothèses sur ce « niveau intermédiaire » que constituaient les maisons, j’ai choisi de recourir d’un côté aux données du « niveau inférieur », à savoir les éléments de construction décrits précédemment, et de l’autre à celles du « niveau supérieur », c’est-à-dire l’organisation urbaine1. L’organisation urbaine peut être décrite à partir des îlots, que l’on définira simplement comme étant des espaces limités par des rues et constitués d’un ensemble d’édifices : d’un point de vue spatial, les îlots hellénistiques de Mégara sont donc définis par les rues hellénistiques, qui sont bien souvent d’anciennes rues archaïques dont le tracé a parfois été assez légèrement modifié2. De ce fait, les îlots hellénistiques ont acquis au fil du temps des formes irrégulières contraintes par des réaménagements de la voirie plutôt que par le cadre rigide d’un lotissement régulier, qui était le mode d’organisation prévalent aux premiers temps de la colonie3. Ces contraintes dues à certains projets urbanistiques ont par exemple été particulièrement fortes aux abords de la fortification où il était nécessaire de conserver un espace libre pour la rue pomériale4. Les transformations des rues archaïques D1 et D4 au sud et à l’est de l’agora, en lien avec le remaniement de la place, ont également influencé fortement l’emprise des îlots hellénistiques dans cette partie de la ville (fig. 55). Ainsi les tracés des voies ont-ils eu un impact direct sur les enveloppes des îlots et, partant, sur l’organisation planimétrique des maisons à l’intérieur de ces îlots. On se fixera donc comme cadre d’étude des îlots particulièrement concernés par des réaménagements de la voirie : les îlots VI et IX, situés immédiatement à l’est de la fortification, ainsi que l’îlot XV, encadré à l’ouest par la rue D4 sud et à l’est par la rue D1 sud.
2On ouvrira cette enquête par les maisons hellénistiques qui ont été le mieux documentées : la maison IX A de l’îlot IX, grâce à une fouille stratigraphique sommaire 5, et la maison XV B de l’îlot XV, objet d’une étude architecturale complète6. Chacune de ces deux maisons possède en outre une définition architecturale typique, dont il nous faut dire à présent quelques mots. La maison XV B, puisqu’elle comportait à l’origine un péristyle autour de sa cour principale, peut donc être qualifiée de « maison à péristyle ». Dans l’architecture domestique, ce que l’on définit comme péristyle est un ensemble de trois ou quatre portiques qui bordent la cour7. Le premier péristyle connu appartient à l’architecture publique : c’est celui du Pompeion du Céramique d’Athènes, construit en 402. On ne connaît pas de péristyles dans les maisons avant ceux d’Érétrie au début du ive siècle et ceux de Vergina dans la deuxième moitié de ce siècle. Les modalités de son introduction dans les habitations grecques sont bien documentées à Olynthe où les cours étroites des maisons du ve siècle ont été remplacées vers le milieu du ive siècle par des cours à péristyle8. La définition archéologique du péristyle ne pose donc pas de problèmes : ce sont plutôt les implications sociales de sa présence dans une habitation qui ouvrent la voie à des interprétations diverses et variées. La maison IX A, dans sa première phase, était du type « maison à pastas », un terme que l’on oppose souvent au type de la « maison à prostas ». Bien que Vitruve soit censé être à l’origine de cette différenciation terminologique, force est de constater qu’il ne faisait pas de distinction entre pastas et prostas : l’une et l’autre correspondaient au côté nord d’un péristyle et se présentaient sous la forme d’un long espace situé entre deux antes surmontées d’une architrave et d’une profondeur égale aux deux-tiers de la distance entre les antes ; les trois autres côtés du péristyle possédaient quant à eux des portiques identiques9. Ce sont bel et bien les archéologues contemporains qui ont établi la définition de la pastas, en premier lieu les fouilleurs d’Olynthe lorsqu’ils ont constaté que le côté nord de la cour des maisons d’Olynthe répondait parfaitement à la description de l’auteur latin. Ils ont alors décidé de baptiser ces espaces « pastas », même lorsque les autres côtés n’avaient pas de portiques (ce qui était le plus souvent le cas) : ils ont ainsi explicitement défini le type de la « maison à pastas » comme une maison comportant un seul et unique portique situé dans la partie nord, à l’interface entre une cour et des pièces fermées10. L’ancêtre de cette pastas est probablement apparu dans des maisons géométriques et archaïques de Grèce égéenne (Thorikos, Éleusis, Égine, Delphes), mais on en trouve aussi à la même époque à Mégara Hyblaea11. Dans le monde grec égéen et micrasiatique, cette configuration était bien implantée à la fin du ive siècle (Érétrie, Pella, Rhodes, Cos) et elle s’est maintenue aux iie et ier siècles dans des maisons de Délos, Pergame ou Priène12. Quant au terme prostas, il a d’abord été utilisé par les fouilleurs de Priène qui cherchaient à interpréter le plan caractéristique des maisons de Priène à la lumière des indications de Vitruve13. Ainsi la chambre et son antichambre/vestibule ouvrant au sud sur la cour devaient selon eux correspondre à l’oecus et à la prostas de Vitruve14. Les types de maisons à prostas et à pastas tels que les ont définis les archéologues retranscrivent donc deux organisations différentes de la partie nord de la maison, vraisemblablement en correspondance avec la zone climatique et les modèles d’origine15.
3Outre leurs planimétries caractéristiques, la maison IX A et la maison XV B fournissent des informations précieuses qui m’ont permis d’émettre des hypothèses non seulement sur ces deux habitations mais également sur certaines maisons de l’îlot VI. Car, pour ces dernières, l’analyse s’avère particulièrement ardue. D’abord à cause d’une situation rendue très complexe par l’enchevêtrement des vestiges qui décourage toute étude architecturale extensive. Ensuite parce qu’aucune coupe stratigraphique n’y a été faite à l’époque des fouilles et que les seuls relevés dont on dispose aujourd’hui ont été réalisés au début des recherches. Dans cette situation, l’approche basée sur l’analyse des éléments de construction et de l’urbanisme s’est révélée essentielle. Cela laisse malheureusement de nombreuses zones d’ombre que seuls une fouille stratigraphique et un enregistrement précis des données auraient permis de résoudre. Cela oblige également à postuler parfois l’existence de « murs fantômes », c’est-à-dire des murs qui auraient été initialement fondés sur des murs archaïques dans un premier temps, puis démontés dans une phase suivante : ces propositions, qui correspondent à des situations maintes fois attestées dans la construction ancienne (situations formalisées ici avec le type de fondations F3) m’ont semblé le plus à même de résoudre avec vraisemblance certains problèmes architecturaux.
L’îlot IX et la maison IX A : la « maison hellénistique du chantier A »
4Ce que l’on nomme îlot IX est un espace dont les contours ne sont pas intégralement connus puisque la zone a été très peu fouillée. Néanmoins les vestiges qui ont été dégagés, ajoutés à ceux visibles sur certaines photographies aériennes16, permettent de définir l’îlot IX hellénistique en posant comme limites : au nord, la rue B ; à l’ouest et au sud, la rue pomériale de l’enceinte hellénistique ; à l’est, la rue D3. On le verra plus loin dans ce paragraphe, l’espace ainsi déterminé s’étendait sur l’emprise des deux îlots archaïques 8 et 9 et a donc oblitéré la rue archaïque D2.
5La maison IX A a été repérée et dégagée lors de la première campagne de fouilles de F. Villard en 1949, dans ce qui s’appelait au départ le « sondage A » avant de devenir rapidement le « chantier A ». Le compte rendu de cette campagne a largement privilégié ce secteur, notamment par la publication de plans et de coupes stratigraphiques 17 ; il existe en outre de nombreux documents d’archive inédits (coupes transversales du secteur, photographies et journaux de fouilles). À partir de cette documentation actualisée et réinterprétée, je propose ici une nouvelle lecture des vestiges hellénistiques et, dans une moindre mesure, de ceux qui les ont précédés et suivis18. La chronologie des constructions du « chantier A » s’inspire de celle de F. Villard qui avait distingué cinq époques, rapportées ici à trois grandes périodes repérées chacune par une couleur sur les coupes des structures et le plan d’ensemble19 (fig. 56 et 63). Les différents faits archéologiques sont situés par rapport à ces trois périodes principales dans un schéma type matrice de Harris (fig. 62).
6Les trois périodes chronologiques sont :
La période archaïque (première « période Villard »), représentée en noir.
La période hellénistique (deuxième et troisième « périodes Villard »), celle de la maison et de l’enceinte, représentée en rose.
La période tardive (quatrième et cinquième « périodes Villard »), celle des remaniements internes à la maison et des ajouts à l’est et à l’ouest, représentée en vert.
La période archaïque : les préexistences
7L’intérêt de recenser les vestiges de la période archaïque est d’abord de pouvoir les distinguer de ceux de la période suivante et ensuite de déterminer leurs influences éventuelles. Les structures énumérées dans Mégara 1 à partir des hypothèses formulées dans Villard 1951 devraient a priori appartenir à cette phase20. Or les deux publications présentent quelques divergences entre elles, ou bien elles donnent parfois des interprétations incorrectes : des compléments et des modifications ont ainsi été suggérés dans Mégara 5 et c’est à partir de cette relecture que l’on va procéder à certaines rectifications21.
8Le mur 38,21, tronçon isolé qui séparait les secteurs A1 et A2, doit être archaïque : ses fondations sont trop basses pour être celles d’un mur tardif et trop hautes pour faire partie des fondations de la maison hellénistique (fig. 57). De plus, ce mur est arasé au niveau où commence la couche hellénistique (fig. 58). Au nord de la pièce archaïque 38,14b, les deux murs est-ouest 38,24 et 38,25 étaient considérés comme tardifs dans le plan publié par F. Villard22 et ils ne faisaient pas partie des constructions archaïques sur le feuillet 38 de Mégara 1 alors qu’ils pourraient effectivement être archaïques. En effet, la coupe stratigraphique du « sondage XII » (qui correspond ici à la pièce 38,14b) montre qu’ils sont fondés dans le niveau « archaïque 1 remanié », englobés dans la « couche mélangée » et situés sous la couche hellénistique tardive (fig. 59). D’autre part, ils sont presque perpendiculaires au mur archaïque 38,7. Au vu de l’implantation de 38,24 et 38,25, les constructeurs ont forcément dû tenir compte du mur 38,7 (conservé jusqu’à une hauteur de 0,80 m)23 : ils pourraient donc lui avoir été associés dans une phase archaïque plus récente. Il y a ensuite les murs 38,68 et 38,56. Le second a servi de fondations pour le mur tardif 38,39 tandis que le niveau d’arasement et la position des deux murs 38,68 et 38,56 dans la rue pomériale de l’enceinte hellénistique plaident pour des constructions archaïques24. Plus au sud se trouve le mur 38,48 qui se situe dans la continuité directe du mur archaïque 38,8 (fig. 56). Plusieurs photographies suggèrent qu’il est construit plus bas que le mur tardif 38,47 puisqu’il apparaît caché par ce dernier sur ces photographies : il ne serait donc pas tardif et, comme il est situé dans la rue pomériale, il doit être archaïque. Toujours dans la rue pomériale, au nord, une partie du mur 38,54 semble fermer à l’ouest les pièces 38,14a et 38,14b. Au niveau de son intersection avec le mur 38,16, il est trop bas pour constituer les fondations des murs tardifs adjacents ou pour être lui-même tardif. Or il est considéré comme tel dans le plan publié par F. Villard alors qu’il est présenté dans le texte comme faisant partie d’une superposition de murs archaïques25 : d’après cette description, il passe sur le mur 38,16, tourne vers l’est en venant le chemiser au sud, puis bifurque vers le nord. Si l’on se fie à ce passage, au plan et à la photo, il semblerait bien que le mur 38,54 soit archaïque, d’une phase postérieure à celle de 38,16 et donc de 38,14a/14b (c’est-à-dire du viie siècle). Cette réflexion nous amène au mur massif 38,28 que 38,54 longe par l’ouest. Dans le plan, la partie sud de 38,28 est en fait le mur archaïque 38,18 auquel a été ensuite ajouté dans Mégara 1 un petit tronçon au nord26 : en suivant ces conclusions formulées en deux temps, on en déduit que le mur 38,28 a dû reprendre exactement le tracé de 38,18, venant même sans doute se fonder dessus. Il semblerait néanmoins plus cohérent de faire de 38,28 et 38,18 un seul et même mur, d’autant qu’il constitue la bordure ouest de la rue archaïque D2, qui a été ensuite oblitérée par les constructions postérieures27.
9On remarquera donc que les structures archaïques, qui étaient les prédécesseurs directs des constructions hellénistiques dans la séquence chronologique, occupaient l’espace de manière complètement différente : la rue D2 et les murs diviseurs de lots qui structuraient l’occupation à l’époque archaïque n’ont pas été repris par l’urbanisme hellénistique28. Bien souvent, les niveaux de circulation des périodes suivantes passaient juste au-dessus des niveaux d’arasement des murs archaïques : c’est par exemple le cas du béton de la pièce 6 qui s’appuyait en partie sur les murs 38,19/47,2 et 38,18 (fig. 57). Certains murs hellénistiques utilisaient également des murs archaïques comme fondations, mais de manière limitée : c’est le cas de 47,16 avec 47,3 ou, dans une moindre mesure, de 47,15 ; 47,18 ; 38,53 ; 38,30 et 38,29 avec 38,18/47,1 (fig. 56). Cette oblitération des structures archaïques par l’enceinte et la maison hellénistique pourrait être autant due à un hiatus chronologique conséquent qu’à un mode d’occupation radicalement différent : quoi qu’il en soit, il est donc bien justifié de séparer ces deux périodes.
La période hellénistique : stratigraphies et techniques de construction
10Nous disposons de deux coupes stratigraphiques pour les structures hellénistiques : une sur la pièce 6 (secteur A6, fig. 60) et l’autre sur la pièce 1/2 (secteurs A1 et A2, fig. 58). La première coupe montre un béton de tuileau posé sur un niveau: il s’agissait bien d’un béton de tuileau29, plus exactement d’un nucleus (couche supérieure du béton) et de son rudus (couche inférieure du béton) dont le niveau précédemment évoqué constituait manifestement le statumen, c’est-à-dire la fondation. Dans ce niveau, le fouilleur signale une monnaie d’Agathocle, une monnaie de Hiéron II et des fragments de céramique du style de Gnathia30 : la construction du béton a donc dû intervenir au plus tôt à partir du deuxième quart du iiie siècle, et certainement plus tard. Sous ce niveau se trouvait un « sol jaune »31 qui devait être le niveau de circulation lié au mur 38,19/47,2 et qui recouvrait à son tour une couche du viie siècle. Cette même stratigraphie « avec deux niveaux hellénistiques séparés par un béton et un niveau archaïque » est par ailleurs signalée par F. Villard32 dans la pièce 4 (secteurs A3 et A4) et dans la pièce 16/17 (secteurs A16 et A17). D’autre part, les enduits muraux associés à ces bétons ont sans doute été restaurés et refaits plusieurs fois durant l’occupation de la maison : l’enduit des murs de la pièce 6 (fig. 70), très épais, semblait ainsi constitué de deux couches qui pourraient représenter deux phases de réalisation33. Outre les enduits muraux, les bétons étaient associés à des éléments architectoniques comme une canalisation en terre cuite, des tuiles plates, des margelles de puits « en encorbellement » et des seuils (appartenant clairement au type b2 du classement p. 47-50)34. Les murs de la maison présentaient des fondations en moellons bruts surmontés d’une assise de réglage en grandes dalles épaisses ; ces fondations allaient jusqu’au rocher et ont vraisemblablement été construites en comblant des tranchées plutôt qu’en remblayant au fur et à mesure de la construction35. La première assise de l’élévation, la seule qui ait été parfois conservée, était majoritairement formée de blocs de grand appareil, à l’exception d’empilements de moellons taillés et de petits moellons bruts parfois intercalés entre deux blocs36. Le seul système d’évacuation conservé était un tronçon de canalisation en deux parties qui passait au travers des fondations des murs 47,18 et 47,1537 : sa construction a donc été contemporaine de celle des murs de la maison38 et on a fait l’hypothèse précédemment que cette évacuation était peut-être en liaison avec le puits 47,1439. On ne sait d’ailleurs pas grand-chose des puits du secteur, à part donc la forme de certaines de leurs margelles. D’autre part, il n’y a pas d’indices architecturaux de la présence d’escaliers et F. Villard ne signale pas de niveaux stratigraphiques correspondant à l’effondrement d’un étage. On sait néanmoins que des tuiles plates ont été retrouvées de façon assez abondante dans le secteur, que certaines étaient dotées d’une ouverture circulaire40 et que les éléments incurvés qui constituaient la deuxième partie de la canalisation étaient clairement des couvre-joints en remploi41. Il y a donc une forte probabilité que les toitures de la maison hellénistique aient été de type mixte. Cependant, le fouilleur mentionne également des couvre-joints « étroits, minces et anguleux » qu’il associait aux phases les plus tardives42, ce qui peut poser une question d’ordre chronologique : si ces couvre-joints polygonaux sont réellement plus tardifs, alors les toits mixtes du début ont pu être remplacés par des toits de type corinthien ; s’ils sont contemporains, il faut alors supposer que la toiture de la maison combinait les deux systèmes de couverture43. La présence de tuiles indique en tout cas que les toits étaient en pente, avec des dispositions peut-être différentes selon la partie de la maison : au-dessus de l’aile ouest, les toitures pouvaient être en pupitre, déversant les eaux de pluie directement dans la rue pomériale, et celles de l’aile nord pouvaient être à double pente, avec un faîte situé à l’aplomb du mur 47,15, évacuant l’eau à la fois derrière la maison et dans la cour.
La période hellénistique : la phase 1 de la maison IX A
11De la « première période hellénistique », telle qu’elle a été définie par F. Villard, ne relevaient en fait que le tronçon de mur 47,26 et le mur 38,19/47,2 (Villard 1951, p. 23). Or, ce dernier a été finalement considéré comme archaïque44 aussi bien sur le plan publié par F. Villard que dans Mégara 1 car il s’agit du mur de bordure est de la rue archaïque D2. Quant au mur 47,26, il a été défini comme hellénistique seulement parce que ses fondations étaient posées sur la terre et qu’elles contenaient « des fragments de tuile »45. L’existence de cette « première période hellénistique » ne tenant au final qu’à ce témoignage isolé et peu étayé, la distinction entre une « première période hellénistique » et une « deuxième période hellénistique » ne me semble donc pas pertinente46 : c’est pourquoi on ne considère ici qu’une seule et unique « période hellénistique ».
12La limite ouest de l’ensemble appelé « maison IX A » a été directement influencée par le tracé du mur de fortification dont elle suivait l’inflexion au sud afin de dégager l’espace de la rue pomériale : la maison IX A était donc contemporaine de l’enceinte ou postérieure de peu47. Le plan à l’est est incomplet et il n’est véritablement clair que dans les parties nord et ouest de l’édifice. Comme on va le voir à présent, il semble possible d’attribuer à l’état initial du bâtiment (phase 1) les pièces 1/2, 6, 15 ainsi que les espaces occupés ensuite par les pièces 3/4/5 et 16/17 ; pour la partie sud, on ajoute les pièces 28, 32 et 33 (fig. 61).
13Le plan initial que l’on restitue est celui d’une maison à pastas qui constitue ainsi la phase 1 de la maison IX A. La pastas correspondait à la pièce 16/17 et elle s’étendait devant les pièces 6 et 3/4/5 situées au nord ; à l’ouest, il donnait sur la pièce 15. Au sud de la pastas se trouvaient les secteurs A25 et A27 qui formaient la cour 25/27, certainement libre de constructions, du moins dans la phase 1 puisque les murs qui occupaient cet espace étaient tous soit archaïques soit tardifs. Enfin l’enfilade des pièces 28/32/33 venait vraisemblablement compléter le plan de ce premier état. Dans cette phase, les éléments les plus caractéristiques de la maison étaient la cour et la pastas : la première constituait un espace découvert et central, lieu des activités domestiques et/ou artisanales effectuées à l’air libre ; la seconde était un espace couvert mais non fermé, offrant un endroit abrité des intempéries mais suffisamment clair et aéré pour s’adonner vraisemblablement aux mêmes tâches que dans la cour. La pièce 28, avec son seuil d’entrée assez monumental (plus de 3,5 m de long), était le vestibule48. La pièce 1/2, en tant qu’exèdre, a pu constituer une salle d’un certain prestige tandis que les pièces 6 et 3/4/5, dans cette configuration, pouvaient assumer diverses fonctions.
14Cette phase pose pourtant un certain nombre de questions : on ne sait rien de ce qui se passait au sud-ouest de la maison, où la pièce 33 disparaissait dans la berme, tandis qu’à l’est, ce sont des murs postérieurs à la maison et des remaniements qui empêchent de discerner la planimétrie d’origine49. En se basant sur certaines données de construction, on peut malgré tout avancer quelques hypothèses. Les cas du dallage 47,24 et du puits 47,7 sont intéressants puisque tous deux étaient situés juste à l’est de la maison (fig. 56). En reprenant strictement les indications données par F. Villard, on peut établir la séquence de construction suivante50 :
1. Murs de la pièce archaïque 47,5.
2. Puits 47,7 ; canalisation ; (mur 47,26).
3. Mur 47,18 (stylobate) ; dallage 47,24.
4. Mur tardif 47,25.
15Les étapes 2 et 3 impliquent que le puits 47,7 serait antérieur à la construction de la maison : effectivement, l’angle du stylobate 47,18 semble avoir été volontairement dévié pour l’éviter tandis que le comblement du puits appartiendrait à la « phase hellénistique antérieure » selon les termes du fouilleur. Par conséquent, selon le découpage chronologique que l’on a adopté, si le puits 47,7 est plus ancien, il ne peut être qu’archaïque : il serait donc resté en usage dans la première phase de la maison (phase 1) avant d’être rebouché lors du remaniement de la pastas (phase 2), par exemple avec des éléments architectoniques51. Dans cette hypothèse, l’emprise de la maison devait donc s’étendre à l’est jusqu’à inclure l’espace autour du puits 47,7 avec lequel la pastas devait certainement communiquer. D’autre part, le dallage 47,24 est considéré par F. Villard comme contemporain du stylobate 47,18, car il s’appuie sur lui, et postérieur au puits, puisqu’il est situé plus haut. On objectera que la relation entre 47,18 et 47,24 pourrait signifier tout simplement que le mur 47,18 était encore visible lorsque le dallage 47,24 a été posé52 : le dallage pourrait donc dater de la phase 2, ce que l’on retiendra. La nouvelle séquence de construction ainsi proposée est résumée dans un schéma chronologique type matrice de Harris (fig. 62).
16Les hypothèses sur le puits 47,7 et le dallage 47,24 impliquent que la cour devait s’étendre plus vers l’est dans les phases 1 et 2. Néanmoins, il reste à savoir où s’arrêtait cette extension : autrement dit, quelle était la limite orientale de la maison ? On peut retenir deux possibilités. Les pièces 15, 1/2 et 6 étant trois cellules contiguës aux dimensions régulières et quasiment identiques53, on peut proposer que la pièce 3/4/5 formait une quatrième cellule de même module : le mur est de la maison se serait ainsi situé dans l’axe du retour du stylobate 47,18, l’espace autour du puits devenant une sorte d’excroissance. Il n’y a cependant pas de traces des fondations d’un tel mur est, qui aurait dû passer sous les murs 47,20 et 47,22 (fig. 57). On peut postuler sinon que la limite est de la maison se trouvait au niveau du mur ouest de la pièce archaïque 47,9 : ce dernier aurait alors servi de fondations au mur de limite est de la maison, les blocs de l’élévation ayant été démontés lorsqu’on a construit la structure tardive adossée à la maison (phase tardive, voir infra). Ainsi le mur 47,16, qui était d’ailleurs construit sur le mur archaïque 47,3, se serait poursuivi plus à l’est jusqu’au niveau du mur ouest54 de 47,9. Cette hypothétique limite orientale, dont on n’avait pas d’indices convaincants au sud du mur ouest de 47,9, a récemment gagné plus de crédit grâce à des photographies aériennes sur lesquelles on devine un mur oblique qui pourraient justement correspondre au tronçon méridional de la limite est de la maison (fig. 63) : c’est donc cette hypothèse sur le mur est que j’ai décidé de favoriser ici. Par ailleurs, ces mêmes documents permettent de répondre à la question de la partie sud-ouest de la maison : on voit nettement que, après la pièce 33, se trouvait une dernière salle de taille approximativement égale à celle de la pièce 32. La partie méridionale du mur de limite est devait venir se raccrocher à l’angle de cette pièce ce qui, au passage, explique pourquoi ce mur avait un tracé oblique (fig. 61).
17L’analyse des accès aux différentes pièces permet de restituer les circulations à l’intérieur de la maison dans la phase 1 et de fournir une vision plus fonctionnelle du plan. C’est la présence de seuils qui permet le plus facilement d’identifier les passages. On note ainsi que la pastas formait un espace intermédiaire entre la cour et les pièces 6 et 3/4/5 qu’elle desservait respectivement via les seuils 38s4 et 47s3 ; il y avait également un passage entre la pastas et la pièce 15, probablement équipé d’une porte55. D’autre part, un passage dans le mur 38,43 donnait accès à la pièce 28 par le seuil 38s9 qui est, en l’état, la seule entrée repérable de la maison. Lorsqu’il n’y a pas de seuils, la lecture du plan se complique : se pose alors la question de savoir comment on accédait à certaines pièces. Par exemple, on ne décèle pas a priori d’accès à la pièce 1/2 ni de liens entre les pièces de l’aile sud-ouest (28, 32 et 33) et le reste de la maison (fig. 56). Plusieurs raisons peuvent expliquer qu’on ne puisse plus repérer un seuil a posteriori : il était construit en matériaux périssables (bois, argile) ; c’était une simple dalle indiscernable des autres blocs de l’assise de réglage ; il a été recouvert par d’autres blocs lorsque le passage a été condamné56. Dans le cas de la pièce 1/2, on pourrait penser à un passage matérialisé dans un bloc de l’assise de réglage, comme c’est normalement le cas dans le premier état d’un édifice. Or les murs 38,29 38,30 et 38,32 ne comportaient visiblement ni les aménagements caractéristiques d’un seuil ni de passages condamnés57 : il ne reste donc que le mur 38,31 pour situer un indispensable accès. Effectivement, ce dernier semble avoir été construit d’une manière particulière : l’élévation comportait deux blocs de grand appareil, situés chacun à une extrémité du mur avec, entre les deux, un appareil assez hétéroclite de moellons taillés et de moellons bruts (fig. 64). Ce type d’appareil ne correspond pas à ceux des autres murs de la phase 1 et il semble raisonnable d’y voir plutôt un bouchage qui aurait modifié l’accès à la pièce 1/258 : le mur 38,31 devait donc initialement comporter une large ouverture (environ 4 m), éventuellement entrecoupée d’un ou plusieurs supports. Autrement dit, la pièce 1/2 était vraisemblablement une exèdre59. Examinons à présent les rapports potentiels entre la pièce 28, sa large entrée (seuil 38s9) et les espaces attenants. À part l’entrée avec le seuil 38s9, la situation ici est la même que précédemment : aucune des assises de réglage ne montre d’aménagements pour un système de fermeture. Côté nord, le mur 38,38 commun avec la pièce 15 a semble-t-il conservé son appareil initial seulement sur la moitié est, l’autre partie ayant été visiblement rajoutée (fig. 64). Il est donc fort probable que le mur d’origine ne s’élevait que sur la partie est de l’assise de réglage et que le passage entre 28 et 15 se trouvait dans l’espace laissé libre. D’autre part, la cour était séparée de la pièce 28 par le mur 38,44 qui faisait architecturalement le raccord entre l’orientation de la partie nord de la maison et celle des pièces au sud, ce qui explique sa courte longueur et son tracé oblique : il est difficile d’y imaginer un passage. Concernant les pièces 32 et 33, F. Villard avait noté qu’il s’agissait de pièces « s’ouvrant toutes vers l’extérieur et indépendantes les unes des autres » et que c’était donc probablement des boutiques 60. L’analyse des documents permet seulement de remarquer que les premières assises, là où elles sont conservées, se limitent uniquement à la partie centrale des murs 38,45 ; 47,37 ; 47,38 et 47,39 (fig. 64) : cette disposition était peut-être destinée à ménager des passages sur les côtés mais il n’est pas possible d’en dire plus. Seule la pièce 32 a par ailleurs été suffisamment dégagée pour y déceler un éventuel accès depuis la rue pomériale, ce qui ne semble pas avoir été le cas61.
18Pour le premier état de la maison, on peut donc proposer les schémas de circulation suivants. L’entrée se faisait par la pièce 28 (seuil 38s9) d’où on pouvait passer soit dans la pièce 15, soit dans la 32 puis, de là, dans les pièces sud. De la pièce 15 on pouvait ensuite accéder à la fois à la pièce 1/2 et à la pastas, cette dernière commandant l’accès à la fois aux pièces du nord et à la cour. Enfin les pièces 6 et 3/4/5 communiquaient indépendamment entre elles par un passage muni d’une porte (voir plus bas). Même chose entre la pièce 15 et la pastas où la présence certaine d’une porte permettait de créer deux espaces indépendants avec d’un côté les pièces de l’aile ouest et de l’autre les pièces nord, la pastas et la cour62 : cette partition était peut-être destinée à séparer les différentes activités tenues à l’intérieur de la maison. On ne peut manquer de s’interroger sur les pièces 32 et 33 qui, dans cette restitution, auraient été des sortes de pièces aveugles : nous avons cependant trop peu de matière pour en dire plus et les éléments de réponse se trouvent d’ailleurs peut-être dans les parties non fouillées.
La période hellénistique tardive : les remaniements et les transformations (phases 2, 2bis et tardive)
19Dans ce paragraphe sont abordés à la fois les remaniements internes à la maison et les transformations autour de la maison. Contrairement aux structures des périodes archaïque et hellénistique, qui formaient dans ce secteur des ensembles homogènes et bien différenciés, ce regroupement peut apparaître un peu forcé. Cette façon de procéder est avant tout un moyen de faire ressortir la maison en tant qu’édifice architecturalement cohérent, de rendre son premier état plus lisible et de simplifier le discours. On va donc considérer ici les faits archéologiques attribués de façon générale à la période tardive et tenter ensuite de les répartir en différentes phases : phase 2, phase 2bis et phase tardive. Côté ouest de la maison, après l’abandon de l’enceinte, l’espace de la rue pomériale a été remblayé et occupé par de nouvelles constructions. À l’est sont apparues des structures qui présentaient des orientations divergentes : l’explication se trouve probablement encore plus à l’est, car ces structures étaient perpendiculaires à la rue D3 (fig. 56). Il n’est pas possible d’établir un lien chronologique direct entre les constructions à l’ouest et celles à l’est mais elles ont néanmoins en commun le fait de comporter des murs fondés bien au-dessus de la roche-mère et implantés dans une couche qui devait correspondre, au moins en partie, à un remblaiement. Ces structures représentent à proprement parler les « structures tardives », associées à la phase du même nom ; elles ont été édifiées à partir d’un niveau correspondant au niveau d’arasement des murs de la phase 1, comme le montrent les coupes stratigraphiques et les relevés en coupes.
20Du côté est de la maison se trouvait ce que F. Villard a décrit comme une « série de murs visiblement adossés à la construction, sans fondations profondes, sans aucun doute postérieure63 » : il s’agit manifestement des murs 47,20 à 47,27, 47,23 à 47,29 et 47,35 (fig. 57). La partie ouest du 47,20 était posée en oblique sur le retour du stylobate 47,18 et en partie sur le mur 47,15 ; le bas de ses fondations se trouvait à environ une cinquantaine de centimètres du rocher et son appareil de moellons bruts était bien différent de celui des murs de la maison (fig. 65). Tous ces éléments montrent que l’on a opéré là une transformation de la partie est de la maison : le mur 47,20 appartenait à une nouvelle construction liée à une nouvelle organisation de l’espace, en rapport avec la rue D3, qui est venue partiellement oblitérer la maison. À cette construction, on peut ajouter les murs 47,22, 47,35 et 47,28 : compte-tenu de leurs orientations, de leurs côtes et de leurs appareils, 47,22 et 47,35 devaient former la cloison d’une pièce également constituée par 47,20 et 47,28. Dans le même ordre d’idée, on associerait volontiers le muret 47,41 situé plus à l’est à la partie sud de 47,20, qui est fondé à 90 cm de la roche64. Un autre mur, le 47,27, constituait visiblement un ajout, tout comme les murs 47,21 et 47,23 (non représentés sur la fig. 57) construits de la même façon et fondés également à 1 m du sol géologique (fig. 65)65. Enfin, une dernière structure a été décrite par le fouilleur comme postérieure au mur 47,23, auquel elle était adossée66 : c’est une petite pièce en forme de trapèze créée par le mur 47,25 et dotée du seuil 47s5, ouvrant à l’ouest sur la cour 25/27 qui était peut-être toujours un espace découvert et sans constructions.
21Côté ouest, soit entre la maison et l’enceinte hellénistique, se trouvaient plusieurs murs qualifiés par F. Villard de « chaotiques », construits avec des éléments hellénistiques remployés et posés sur des fondations peu soignées en pierraille67. S’ils apparaissent effectivement comme ayant des fondations hautes et des appareils assez sommaires, ces murs n’en dessinaient pas moins des structures cohérentes qui s’inséraient opportunément entre les édifices hellénistiques, sur lesquels elles s’appuyaient (fig. 66). Au nord, le haut du seuil 38s2 se situait à environ 1,4 m de la roche, soit nettement au-dessus du niveau des seuils de la maison hellénistique68 ; il était englobé dans la structure 38,33 contre laquelle semblait s’adosser le mur 38,34, parallèle au mur hellénistique 38,32 à environ 1,20 m à l’ouest : il y a là un ensemble aux contours réguliers et aux angles droits qui reprenait la direction de l’enceinte et de la maison. Plus au sud, les murs 38,39 38,40 et 38,47 et les seuils 38s7 et 38s8 s’articulaient pour former trois cellules : deux qui prenaient appui à l’ouest sur l’enceinte et une à l’est contre la pièce 28. Le dallage 38,41 constituait le sol d’une de ces pièces dont le niveau semblait condamner de fait l’entrée avec le seuil 38s9, plus bas69. Sur quasiment tout ce côté ouest, on remarque en outre que les murs de la maison ont été démontés jusqu’à leur assise de réglage : s’il est clair que celle du mur 38,35 a servi de base à l’édification d’un mur tardif, on peut se demander si les anciens murs 38,52 ; 38,43 et une bonne part du mur 38,32 n’étaient pas aussi recouverts dans la phase tardive70.
22Pour finir, il y a les restructurations de l’espace interne de la maison, notamment au niveau des passages. Ainsi, l’ouverture entre la pièce 15 et la pastas 16/17 a été bouchée 71 ; en examinant de plus près cette intervention, on constate que la dalle du seuil 38s5, puisqu’elle ne faisait pas partie de l’assise de réglage, devait donc déjà correspondre à un deuxième état du passage : dans le premier état (phase 1) il devait donc y avoir un accès fermé vraisemblablement au moyen d’un bâti dormant72. Dans un deuxième temps (phase 2), on a équipé le passage avec le seuil 38s5, certainement lorsque l’on a construit le béton dans la pastas73. Enfin, ce passage a été condamné dans un troisième temps (phase tardive, fig. 67b). Dans la pastas, l’édification des murs 47,19 et 47,42 est indubitablement intervenue dans la phase tardive, après la mise en place du béton, puisque ces murs reposent dessus74 : on a ainsi cloisonné le portique avec le mur 47,19 et créé deux pièces (16 et 17) fermées par le mur 47,42 et reliées par le seuil 47s4 (fig. 68 et 69) ; c’est probablement à ce moment aussi qu’a été condamné le passage avec le seuil 38s5. On relève un autre passage plusieurs fois remanié entre les pièces 6 et 3/4/5. En effet, dans la partie nord du mur 47,36, juste au-dessus du béton, on discerne nettement une dalle posée sur l’assise de réglage et insérée entre deux blocs de la première assise de l’élévation (fig. 70). Cette dalle correspond clairement à un seuil, le seuil 47s1, flanqué de deux blocs présentant la feuillure caractéristique des jambages de porte (discernables sur la fig. 56 ; voir aussi p. 53-54 pour les jambages). À l’instar de la baie avec le seuil38s5, le présent passage devait donc initialement se trouver au niveau de l’assise de réglage (phase 1) puis les jambages ont été modifiés afin d’insérer le seuil (phase 2). De plus, on s’aperçoit à la lecture des documents que ce second état du passage a lui-même subi une transformation75 : un nouveau bloc a en fait été placé à l’intérieur de la baie, contre le jambage sud, afin de réduire la largeur de l’accès. Vraisemblablement, la réduction de la largeur du passage a dû être imposée par la construction du mur 47,17 qui venait s’adosser au mur 47,36 à l’endroit précis où se trouvait le nouveau jambage. Dans cette phase (phase 2bis), on a donc opéré une partition de la pièce initiale 3/4/5 en créant la pièce 5 (voir salle de bains A4, p. 95). Enfin, dans un quatrième état, on a condamné définitivement le passage entre la pièce 6 et la pièce 3/4 (phase tardive).
23L’aile ouest de la maison a aussi été restructurée, comme le montrent les murs 38,31 ; 38,36 et 38,38 et les seuils 38s3 et 38s6. Le mur 38,31, dans lequel on a disposé le seuil 38s3, était en fait le bouchage de la baie qui permettait la circulation entre la pièce 1/2 et la pièce 15 (fig. 67a). Dans le même temps ou plus tard76, la pièce 15 a été divisée en deux par la cloison 38,36, créant un couloir dans la partie ouest, fermé à chaque extrémité par les seuils 38s6 et 38s3. La moitié est de l’ancienne pièce 15 ne présentait pas d’autres moyens d’accès identifiables dans cet état mais il est probable qu’il y ait eu une ouverture dans le mur 38,36. Le rehaussement du niveau de circulation, matérialisé par les seuils 38s6 et 38s3 qui étaient vraisemblablement à la même cote, implique que le niveau rehaussé ne pouvait fonctionner avec les seuils 38s5 et 38s9 : la grande porte avec le seuil 38s9 a dû alors être abandonnée77.
24Si l’on tente à présent de relier chronologiquement toutes ces restructurations, on peut dégager une « phase 2 », une « phase 2bis » et une « phase tardive » entre lesquelles se répartissent les structures de la période tardive. La mise en place du seuil 38s5 doit s’expliquer par la construction du béton de la pastas et le rehaussement probable du niveau de circulation qui s’est ensuivi ; ce doit être aussi le cas pour le seuil 47s1 (qui, du reste, conserve des traces de l’enduit manifestement associé au béton). Par conséquent, je formule l’hypothèse que la construction des différents bétons se serait produite au même moment et que la pose du seuil 38s5 serait contemporaine de celle de 47s1 : c’est la phase 2 (fig. 71). Plus tard, la construction du mur 47,17 a provoqué le remaniement du passage avec le seuil 47s1 et a probablement signifié aussi la destruction d’une partie du béton de l’ancienne pièce 3/4/5 : c’est la phase 2bis (fig. 72). Dans l’aile ouest de la maison, les niveaux de circulation indiqués par les seuils 38s6 et 38s3, si on les compare aux niveaux liés à 38s5, amènent à la conclusion suivante : la pose de ces seuils, réalisée avec le remaniement des murs 38,36 et 38,38, s’est faite au moment où le passage entre la pièce 15 et la pastas a été bouchée (ou juste après). En l’absence de tout autre moyen de communication avéré, ceci a donc eu pour conséquence d’isoler l’ancienne aile ouest du reste de l’édifice (voir p. 128). Comme on l’a suggéré un peu plus haut, c’est probablement au même moment que le portique a été fermé par le mur 47,19 et divisé en deux pièces. Cette phase de remaniements majeurs, au cours de laquelle le passage avec le seuil 38s9 aurait été abandonné, a donc probablement eu lieu alors que l’on remblayait et que l’on occupait l’ancienne rue pomériale : c’est la phase tardive (fig. 73). Pour le côté est du chantier, cela est plus difficile à déterminer : sans doute que la structure à laquelle appartenait le mur 47,20 était à peu près contemporaine de la restructuration de la pastas.
25Le tableau 10 liste les principaux faits archéologiques liés aux différentes phases de la maison IX A.
26Tableau 10
Période | Murs | Seuils | Sols | Elém. Hydr. |
Archaïque | 38,21 38,14b 38,24 38,25 38,68 38,56 38,48 38,54 38,28 | |||
Hellénistique (phase 1) | 38,29 38,30 38,32 38,35 38,38 38,43 38,44 38,45 38,52 47,16 47,18 47,37 47,38 47,39 | 38s4 47s3 38s9 | Canalisation 47,7 | |
Hellénistique (phases 2 et 2 bis) | 38,29 38,30 38,32 38,35 38,38 38,43 38,44 38,45 38,52 47,16 47,37 47,38 47,39 | 38s4 38s5 47s1 47s3 38s9 | Pièce 3/4/5 Pièce 6 Pièce 16/17 47,24 | Canalisation 47,14 |
Hellénistique (phase tardive) | 38,29 38,30 38,31 38,33 38,34 38,35 38,36 38,38 38,39 38,40 38,44 38,45 38,47 47,16 47,19 47,20 47,21 47,22 47,23 47,27 47,28 47,29 47,35 47,37 47,38 47,39 47,41 47,42 | 38s2 38s3 38s6 38s7 38s8 47s4 47s5 | 38,41 |
Conclusions sur la maison IX A
27Le secteur du chantier A de 1949 offre donc un exemple typique et relativement clair des évolutions urbaines intervenues au voisinage de l’enceinte entre l’époque archaïque et l’époque romaine. La fin de l’organisation urbaine archaïque fut en effet sanctionnée par la construction de la première enceinte hellénistique alors que la fin de l’urbanisme hellénistique et le début de l’époque romaine le furent par la destruction de la deuxième enceinte hellénistique. Le tracé de la première enceinte hellénistique a non seulement matérialisé cette nouvelle limite entre espace extérieur et espace intérieur à la ville mais il a également influé, via sa rue pomériale, sur la bordure des îlots adjacents. L’enceinte hellénistique, dans ses deux états, fut donc un élément structurant pour les îlots qui la bordaient, ce que l’on vient de voir pour l’îlot IX et que l’on retrouvera lors de l’étude des habitations de l’îlot VI. La maison IX A portait la marque des évolutions de l’îlot IX : sa limite ouest, au tracé atypique fait de lignes brisées, coïncidait avec celle de l’îlot avant d’être totalement gommée par les constructions tardives appuyées sur le mur d’enceinte ; sa limite est a disparu sous de nouvelles structures perpendiculaires à la rue D3, également limite orientale de l’îlot. L’organisation interne de la maison était au départ celle d’une « maison à pastas », du moins dans sa partie est, le côté ouest étant assez peu canonique par rapport à l’archétype78. Cette organisation a été modifiée notamment sous l’influence de certaines évolutions techniques, comme les bétons de tuileau, et de nouveaux aménagements, comme la salle de bains. La chronologie de ces diverses évolutions est malheureusement très imprécise. En effet, la limite occidentale de la maison lors de sa construction (phase 1) a été dictée par le parcours de l’enceinte ; elle a suivi le tracé de deux courtines qui appartenaient vraisemblablement à la première enceinte hellénistique mais qui ont été reprises telles quelles dans la deuxième enceinte hellénistique : autrement dit, la phase 1 de la maison se situe dans un intervalle de temps allant du début du ive au milieu du iiie siècle79. Les bétons de tuileau qui apparaissent dans la phase 2 datent au moins d’après le milieu du iiie siècle (voire plus tard, si on se rapporte à une hypothèse que je développerai plus loin, p. 243-249)80. Enfin les restructurations de la phase 3 sont postérieures au démantèlement de l’enceinte à la fin du iiie siècle.
L’îlot XV : la maison XV B (maison 49,19)
28L’îlot hellénistique XV désigne l’espace qui était bordé par l’agora au nord, par la rue D4 à l’ouest et par la rue D1 à l’est (fig. 74). On suppose logiquement que c’est la rue B qui devait servir de limite au sud bien que la partie méridionale de l’îlot n’ait pas été dégagée. L’îlot archaïque 15, dont le front nord jouxtait l’agora, a dû être raboté vers la fin du viie siècle81, reculant de quelques mètres pour laisser de l’espace au « temple sud » (ou « bâtiment g ») et à la « stoa est »82 (ou « bâtiment f »). Cet îlot 15 était pour le reste dévolu à des habitations. Après l’époque archaïque, c’est inversement l’emprise de l’agora qui a été diminuée tandis que les rues D4 et D1, initialement parallèles, ont été infléchies jusqu’à converger vers le sanctuair 41,6 ou édifice XV A. Ce fait n’est sans doute pas fortuit car ce bâtiment, quelles qu’aient été ses différentes fonctions au cours du temps, devait revêtir une certaine importance83. C’est en tout cas la raison pour laquelle l’îlot hellénistique XV possède cette forme particulière. L’autre édifice important de l’îlot était la maison XV B (connue précédemment en tant que « maison 49,19 ») qui occupait toute la largeur de l’îlot et près du tiers de sa longueur. Cette habitation a été présentée de façon succincte par ses fouilleurs selon une configuration qui correspondait en fait à l’un de ses états les plus tardifs84. En tant que maison à péristyle, elle revêt un certain intérêt pour l’archéologie de la Sicile hellénistique et elle a de ce fait souvent intéressé les chercheurs85. C’est ainsi qu’en 2010, elle a été l’objet d’une étude architecturale approfondie par une équipe d’archéologues et d’architectes dirigée par A. Haug et D. Steuernagel (fig. 75)86. L’un des problèmes que les auteurs ont cherché notamment à résoudre porte sur la configuration du plan initial de la maison XV B, c’est-à-dire non seulement les limites de la maison mais également son organisation interne, la question centrale étant de savoir si un plan à deux cours a pu exister dès le départ. Ils se sont aussi interrogés sur la forme du péristyle, à savoir son nombre de côtés, et les modalités de circulation à l’intérieur de la maison. Ces travaux représentent aujourd’hui l’état de connaissance le plus poussé sur la maison XV B, que l’on présentera brièvement dans un premier temps. Dans un second temps, je m’appuierai sur ceux-ci pour proposer d’autres hypothèses sur l’évolution de la maison XV B et notamment sur son premier état.
L’étude architecturale
29L’histoire de la maison XV B est liée à celle de l’îlot XV, dans une période que l’on peut seulement qualifier de « post-archaïque » (voir chronologie infra). Avant la construction de la maison XV B, la partie sud de l’îlot était occupée par quatre maisons accolées les unes aux autres et réparties de part et d’autre d’un axe longitudinal qui divisait l’îlot en deux parties de largeurs inégales (fig. 76). Dans le quadrant sud-ouest se trouvait la maison XV E dont la majeure partie n’a pas été fouillée, mais qui semble appartenir aux premières constructions post-archaïques ; contre elle, à l’est, la maison XV F, elle aussi en grande partie non fouillée ; au nord de la maison XV E et de la maison XV F se trouvaient respectivement la maison XV C et la maison XV D. La maison XV D et la maison XV F ont vraisemblablement été construites après XV E et XV C87. Enfin, au nord des maisons XV C et XV D, plusieurs indices montrent qu’il existait des structures antérieures à la conception de la maison XV B, visibles en particulier dans les limites ouest et sud (et peut-être est) de la future pièce B16. Au final, il apparaît assez clairement que la maison XV B a été conçue sur l’emprise de constructions antérieures, qu’elle a en partie réutilisées, bouleversant légèrement l’ancienne limite avec les maisons XV C et XV D. La situation est quelque peu différente dans la partie nord de la maison XV B car il n’y a pas de traces de structures immédiatement postérieures à l’époque archaïque88. Ainsi, on peut raisonnablement supposer que, pendant un certain temps, rien ne se trouvait ici entre l’atelier métallurgique de l’édifice XV A et les structures antérieures à la maison XV B. Cette phase a été appelée « phase pré-péristyle »89.
30Le plan initial de la maison XV B, c’est-à-dire le projet architectural d’origine, est appelé « phase péristyle 1 » (fig. 77). La question de la présence initiale de deux cours peut se résoudre en examinant les appareils des façades est (sur la rue D1) et ouest (sur la rue D4)90. Effectivement, on observe une rupture et un changement de technique dans les murs de la façade ouest, à la transition entre les pièces B12 et B11, néanmoins interprétés par les auteurs comme une réfection des tronçons 50,15 et 49,26c (fig. 78). L’observation du stylobate du péristyle (cour B1) apporte également un indice sur le plan d’origine. En effet, la partie ouest du stylobate (mur 49,55a) se prolonge au nord en 49,55b et 49,55c. De plus, le mur 49,63 qui séparait les deux cours est construit dans le même appareil que le stylobate et il est liaisonné avec lui au niveau des fondations. D’autre part, il apparaît que les murs de bordures dans la partie nord de la cour B2 (50,22 et 50,29) devaient initialement s’étendre jusqu’au mur nord. Ce dernier (le mur 50,20a-b-c) comporte effectivement en deux endroits un groupe de blocs de grandes dimensions91 qui sont situés dans le prolongement des murs est et ouest de la cour B2 (fig. 79) : A. Haug et D. Steuernagel en déduisent que les liaisonnements de ces murs avec le mur 50,20 devaient se trouver à ces deux emplacements. Cela tend à prouver par ailleurs que ce mur constituait bien la limite nord de la maison (voir supra), la limite sud devant être a priori définie par le côté sud de la cour B1. Selon ces observations92, la maison XV B « phase péristyle 1 » possédait donc bien initialement les deux cours B1 et B2. Concernant la forme du péristyle, l’étude architecturale a montré de manière convaincante que le promenoir est allé initialement jusqu’au niveau des murs 49,63-49,7393. Il s’agissait donc d’un péristyle à trois côtés dont nous ne connaissons malheureusement aucun élément de l’élévation : à la suite des auteurs de Mégara 3, A. Haug et D. Steuernagel ont suggéré le recours à des éléments en bois, colonnes, chapiteaux et architraves dont la répartition nous est également inconnue94.
31Ces données permettent de reconstituer les circulations à l’intérieur de la maison durant cette phase. On passait d’une cour à l’autre via l’un des promenoirs : à l’extrémité nord de chacun, les auteurs restituent deux passages, le seuil 49s21 à l’est et les dalles 49,50 à l’ouest. Les accès à la maison XV B ont aussi connu plusieurs états : sur le côté est, les pièces B3 et B4 comportaient chacune une entrée qui n’ont clairement pas pu fonctionner en même temps. La comparaison des côtes du seuil 49s3 (B3) et du seuil 49s6 (B4) prouve que c’était la pièce B4 qui jouait le rôle de vestibule d’entrée dans la « phase péristyle 1 ». Enfin, à l’ouest, dans le mur 49,24 de la pièce B16, on ne peut que postuler à l’origine l’existence d’un accès depuis la rue D4 à cause du bloc 49s16 qui présente des aménagements de seuil mais dont le positionnement ne permet pas de conclure de manière catégorique95.
32La grande pièce B15 sort du lot, comparée aux autres salles appartenant à la « phase péristyle 1 » ; elle est encadrée au nord par B14 et au sud par B1696. La pièce B15 a été créée durant cette première phase de la maison XV B lors de la construction97 du mur 49,31 : B15 était alors reliée à B16, tandis que les autres accès à B16 (seuils 49s16 et 49s12) étaient sans doute condamnés98. Par ailleurs, le mur 49,32 au nord de la pièce B15 a été restructuré par la suite, empêchant de voir s’il y avait une éventuelle communication avec B14 dans la « phase péristyle 1 ». A. Haug et D. Steuernagel retiennent cependant cette possibilité et suggèrent que B15 formait alors un Dreiraumgruppe99 avec B14 et B16. Autour de la cour B2, la pièce B6 est celle qui a subi le plus de transformations ; dans cette première phase, la pièce était séparée de la cour par le mur 50,28. Les pièces B7 et B8 n’en formaient qu’une dans le plan initial de la maison à Péristyle. Les auteurs rangent également B12 parmi les structures du plan originel à cause des liaisonnements et des appareils de ses murs : elle devrait d’ailleurs sa forme peu conventionnelle à l’adaptation des limites ouest de la maison au nouveau tracé de la rue D4 (voir infra). Enfin l’angle nord-ouest et le côté nord de la cour, occupés respectivement par B10 et B9, sont trop mal préservés pour être évalués (ibid., p. 49-56).
33Dans la deuxième phase principale, la « phase péristyle 2 », le péristyle a été restructuré (fig. 80). Sa forme particulière à deux côtés et demi100 est due à la construction du mur 49,70a qui a bouché le promenoir est au niveau de la transition entre les pièces B3 et B4. Au même endroit, le stylobate a été remanié en y insérant les aménagements pour un seuil de porte (49s10) ; enfin, le mur 49,72 qui séparait les pièces B4 et B5 a été prolongé jusqu’au stylobate101. Les circulations dans la maison ont par là même été modifiées : désormais, il fallait passer dans la cour B1 (via le seuil 49s10 dans le stylobate) avant de pouvoir pénétrer dans la cour B2 (par le seuil 49s13). C’était dans cette phase l’unique passage entre les deux cours, dont la séparation a été matérialisée sur toute la largeur de la maison par des murs102. L’entrée via B4 a été condamnée, comme en témoignent les blocs posés sur le seuil 49s6, et remplacée par le passage avec le seuil 49s3 dans la pièce B3. Durant la « phase péristyle 2 », B15 aurait été agrandie vers l’ouest (mur 49,25), tandis que le mur 49,32 aurait été remanié et le passage vers B14, supprimé. Enfin, dans ce même état ou dans un état postérieur, la pièce B17 (avec le sol 49p2 de même composition que 49p1) a été insérée dans l’angle sud-est de B16.
34Du côté de la cour B2, les pièces B7 et B8 ont été créées en divisant la pièce unique d’origine par le mur 50,35 avec le seuil 50s22 : B7 communiquait avec la cour B2 et B8 n’était alors plus accessible que depuis B7. À l’inverse, la pièce B6 a été agrandie par le démontage de 50,28 et la construction plus à l’ouest du mur 50,26 et du coude 50,27. Ce remaniement est probablement en lien avec le remodelage du péristyle103 : on a peut-être voulu alors aligner la bordure est de la cour B2 (mur 50,26) avec le mur 49,66 nouvellement construit sur le stylobate. De l’autre côté de la cour, des réaménagements notables ont également eu lieu lorsque la pièce B13 a été subdivisée en B13a et B13b par le mur 49,43. La pièce B12 n’a pas été retouchée104. Enfin la pièce B9 est visiblement issue d’un partitionnement de la cour créé par la construction du mur 50,23.
35Dans l’ultime phase identifiée, la « phase post-péristyle », a eu lieu une restructuration globale de la maison de la XV B, notamment de sa partie sud (fig. 81). Dans le promenoir sud, le massif 49,54 doté de deux marches sur son côté est correspond sans doute à la base d’un escalier, qui a pu également servir de palier pour accéder au seuil 49s9 situé dans le mur 49,46b. La situation de ce seuil et sa cote sont d’ailleurs parfaitement cohérentes avec celles d’autres seuils en rapport avec des pièces situées au sud de la maison105 : il est donc très probable que ces pièces, qui appartenaient à l’origine à d’autres maisons (voir plus haut), ont été alors annexées par la maison XV B. Cela semble d’autant plus probable que, dans le secteur sud-est, se trouvaient désormais des passages vers la pièce D2 via les seuils 49s1 et 58s15. Ces seuils, auxquels s’ajoutent le seuil 49s4 et le sol 49p3, ont des cotes similaires correspondant à un niveau de circulation (ca. 19,7 m) bien plus élevé que celui du promenoir (ca. 19,35 m) : par conséquent, ce dernier n’existait vraisemblablement plus en tant que tel. Toujours dans l’aile est de la maison, la pièce B19 a été construite à l’intérieur de B18 qui semble elle aussi le résultat d’une construction postérieure, comme le montre la facture106 de son mur ouest 49,67. Le rehaussement des niveaux de circulation de la maison est sans doute à mettre en relation avec celui de la rue D1, bien perceptible dans les cotes des imposants blocs en calcaire de Melilli qui constituaient les seuils107 50s1/s2 et 50s3 (19,50 m). L’insertion de ces seuils est manifestement la dernière de cette série de modifications initiée dans la phase 2 avec la transformation du péristyle108. Enfin des tronçons de mur se développaient dans la cour B2 et en partie dans la cour B1, mais une partie d’entre eux a été démontée lors des fouilles et ils ne sont plus visibles que sur des plans et des photographies : il n’est pas possible pour ces raisons de relier ces murs aux interventions dans la partie sud, mais leur présence indique une transformation radicale des cours et une toute nouvelle organisation de l’habitat ne devant plus grand-chose à l’ancienne maison à péristyle109.
Commentaires sur l’étude architecturale
36Les hypothèses émises par A. Haug et D. Steuernagel sur la maison XV B sont parfaitement valides et recevables. Toutefois, il est possible de proposer une autre vision de la première phase de la maison à péristyle XV B, différente de la « phase péristyle 1 » décrite dans ce qui précède110. Il y a en effet des axes et des proportions qui transparaissent dans le plan de la maison XV B et qui me semblent correspondre à une réalité archéologique propre à la période « post-archaïque » (fig. 82).
37Les orientations de cette période post-archaïque reprenaient celles de l’époque archaïque : c’était le cas des rues D1 et D4 avant leur transformation et des maisons XV C-D-E-F au sud de l’îlot XV. Je suggère que cette logique de construction ait été également suivie dans la première phase de la maison XV B (fig. 83). La façade originelle de la maison XV B sur la rue D1 était en partie constituée par le mur 58,50a, construit selon le même appareil et avec la même orientation que le mur 58,49 au sud, qui appartenait à la maison XV D (fig. 84).
38Or l’orientation de 58,50a et de 58,49 est précisément celle de la rue D1 archaïque et post-archaïque : je postule donc que l’intégralité de la façade initiale de la maison XV B sur la rue D1 devait se poursuivre selon cette même direction. Qui plus est, le mur 58,50b construit à la suite de 58,50a représente un changement flagrant d’appareil, changement que l’on retrouve au nord dans les murs suivants et qui me semble constituer un autre état de la façade111. Ce serait l’inflexion plus tardive de la rue D1 en direction de l’édifice XV A112 qui expliquerait la construction du mur 58,50b dans un appareil nettement différent de celui du mur 58,50a et de 58,49113. De la même façon que la façade est a suivi les transformations de la rue D1, la façade ouest de la maison XV B retranscrit indubitablement le nouveau parcours de la rue D4 (fig. 75 et 82). Rappelons que, à l’époque archaïque, la rue D4 s’arrêtait avant le « temple sud » c’est-à-dire à peu près au niveau où s’est trouvée ensuite la jonction des murs 49,26c et 50,15114. La rue D4 a ensuite été prolongée et orientée en direction de l’édifice XV A : cette opération a donc eu lieu après la transformation de l’agora archaïque et vraisemblablement au moment de la construction de XV A. Les murs 49,26a-b-c de la maison XV B suivent ce nouveau tracé de D4 et présentent en outre une forte ressemblance avec les appareils des murs de l’édifice XV A (fig. 85). Ce n’est pas le cas des murs 50,15 et 41,69 comme on le voit à nouveau dans le très net changement d’appareil entre les murs 49,26c et 50,15 : les murs 50,15 et 41,69 relèveraient d’une phase postérieure, probablement la même que celle des murs 58,50b à 50,41a-b, plutôt qu’à une reconstruction, comme proposé par A. Haug et D. Steuernagel. En direction du sud, la façade ouest d’origine devait se trouver dans le prolongement du mur 49,26a et se raccorder au mur 49,30a, comme restitué par A. Haug et D. Steuernagel dans la « phase péristyle 1 »115.
39Si l’on suit ces nouvelles hypothèses, la limite nord de la phase initiale de la maison XV B était donc différente de celle proposée par les deux chercheurs, c’est-à-dire que la maison XV B ne s’étendait pas dès le départ jusqu’au (futur) mur 50,20. La présence des chaînages dans ce mur116 appartiendrait alors à une phase suivante, durant laquelle on aurait construit le mur 50,20 et agrandi la maison vers le nord en prolongeant les murs de la façade est et de la façade ouest. La limite nord, côté est, aurait été constituée par un mur érigé sur le mur archaïque 50,3 et appuyé également sur le mur 50,1 de l’ancienne « stoa est » ; côté ouest, cette limite pourrait correspondre au mur 49,37 (fig. 83). Il nous faut toutefois supposer alors l’existence entre ces deux tronçons d’un mur disparu sans laisser de traces visibles aujourd’hui117. La limite sud de la maison XV B correspondrait également118 aux murs 49,30 ; 49,46 ; 49,64 et 58,38.
40Cette restitution de l’enveloppe externe du premier état de la maison XV B impliquait peut-être une organisation interne différente de celle proposée par A. Haug et D. Steuernagel. À l’origine, les composants du stylobate étaient les murs 49,63 49,65 49,62 et 49,55a mais le lien architectural entre 49,63 et 49,65 n’est plus visible119. Je propose cependant, pour des considérations de symétrie et de proportions, que 49,65 pouvait se prolonger au nord et venir se chaîner à angle droit avec 49,63. Le mur de fond du promenoir est devait avoir un tracé rectiligne, dans le prolongement des murs 49,67 et 49,68 : la configuration des pièces de ce côté était sans doute légèrement différente, d’autant plus que le mur de façade est, tel que je le restitue, suivait un autre tracé (voir supra). Entre les pièces B3 et B4, le mur de partition pourrait avoir été construit sur le mur archaïque 49,14 (et démonté ensuite), conférant à B3 un aspect de couloir/vestibule d’entrée : cette suggestion aurait ainsi le mérite d’expliquer les interventions visibles sur le seuil 49s8 situé dans l’axe du mur 49,14 (fig. 86). Peut-être y avait-il également un mur construit sur le mur archaïque 49,16. Dans la partie nord de la maison, le mur 50,28, qui est situé dans l’axe de 49,65, pouvait venir s’adosser à l’angle nord-ouest du stylobate de la même façon que les murs 49,55b et 49,55c situés en face120 (voir plus haut). Dans cette hypothèse, B2 aurait été une toute petite cour ou, plutôt, un espace découvert sur lequel donnaient B12 et B13 à l’ouest121. À l’est, la pièce B6 devait avoir une forme différente, son mur nord et son mur est étant aussi ceux de la maison (voir plus haut) ; quant à son mur sud, je suggère de le faire correspondre aux vestiges sous le mur 49,73 dont l’orientation cadre bien avec l’hypothèse122.
41Cet ensemble de propositions décrit une phase de la maison XV B qui se placerait donc entre la « phase pré-péristyle » et la « phase péristyle 1 » définies par A. Haug et D. Steuernagel : autrement dit, il s’agirait du tout premier état de la maison XV B, qui pourrait être contemporain de, ou légèrement postérieur à, la construction de l’édifice XV A (pour les arguments évoqués précédemment). Dernière remarque : si la solution du péristyle à trois côtés est plausible aussi bien dans ce premier état que dans la « phase péristyle 1 », il me semble également possible d’envisager un péristyle à quatre côtés dans ce premier état. Cela supposerait l’existence d’une colonnade libre sur le stylobate nord (mur 49,63), solution architecturalement viable, ce qui ferait de B2 un espace singulièrement mis en valeur. Dans la « phase péristyle 1 », où B2 était devenue une véritable cour, cela n’aurait par contre plus de sens.
Conclusions sur la maison XV B
42Le cas de la maison XV B illustre l’influence que certaines interventions urbanistiques ont pu avoir sur les plans des maisons. Elle est en effet située à la transition entre une partie méridionale de l’îlot XV qui suivait encore les orientations archaïques et une partie nord progressivement influencée par la présence de l’édifice XV A en tête d’îlot : il en a résulté la forme irrégulière et inhabituelle de la maison XV B, fruit des efforts des constructeurs pour s’adapter à ces diverses orientations. Après sa conception, la maison XV B a connu des réaménagements de son espace interne d’une portée somme toute limitée car ils ont surtout eu pour conséquence de modifier les schémas de circulation, comme dans la phase 2 de la maison IX A. Dans ses évolutions plus tardives, celles de la « phase post-péristyle », les modifications ont été plus conséquentes : l’espace de la maison a été agrandi en annexant d’autres maisons au sud, contrairement à la maison IX A (phase 3) qui a été subdivisée et répartie entre différentes habitations123. C’est à cette période que la maison XV B a vraisemblablement reçu ses aménagements les plus modernes qu’étaient la salle de bains et les latrines.
43Ces phases, qui décrivent une chronologie relative, sont difficilement rattachables à une chronologie absolue, comme pour la plupart des vestiges post-archaïques de Mégara. Les propositions d’A. Haug et D. Steuernagel s’appuient sur certaines données du « chantier A », notamment le découpage chronologique et les techniques de construction associées, que nous avons précédemment examinées124. Ils ont d’autre part recours à la chronologie générale du site après l’époque archaïque telle que proposée par G. Vallet et F. Villard125. Ainsi, en se basant à la fois sur ces références historiques, sur les techniques de construction et sur des comparaisons avec les maisons de Morgantina, ils suggèrent de placer la « phase pré-péristyle » de la maison XV B à l’époque de Timoléon, la « phase péristyle 1 » dans le courant du iiie siècle et les remaniements de la « phase péristyle 2 » à la fin du iiie siècle (après la deuxième guerre punique) tandis que la toute dernière phase se situerait entre cette époque et le ier siècle av. J.-C.126. Si je ne reprends pas les mêmes arguments, notamment chronologiques127, mes propositions ne diffèrent guère. Le terminus post quem pour la première phase de la maison XV B telle que je la restitue est la construction de l’édifice XV A dans la deuxième moitié du ive siècle : c’est sa présence à cet endroit qui est à l’origine du tracé de la façade ouest de la maison XV B128. À l’autre extrémité de l’histoire architecturale, je placerais volontiers la phase d’extension de la maison (« phase post-péristyle » Haug-Steuernagel) à l’époque romaine de Mégara, soit au plus tôt à la fin du iiie siècle129. C’est donc dans le courant du iiie siècle que je situerais également la création du plan à deux cours (« phase péristyle 1 » Haug-Steuernagel), peut-être même dans la deuxième moitié de ce siècle, puis les remaniements de la cour à péristyle B1 (« phase péristyle 2 » Haug-Steuernagel). Quant à l’époque de la première configuration de l’îlot XV, celle qui a suivi et remplacé l’îlot 15 archaïque (« phase pré-péristyle » Haug-Steuernagel) et dans laquelle se trouvait le prédécesseur de la maison XV B, on ne peut que se contenter d’un large intervalle chronologique allant du 2e quart du ve au milieu du ive siècle.
L’îlot VI : le quartier des maisons 13,22 (= PR2_A2) et VI G-H (= R2_G2)
44À l’époque archaïque, l’îlot 6, qui précéda l’îlot hellénistique VI, bordait par l’ouest la majeure partie de l’agora (fig. 87) et accueillait plusieurs édifices d’importance, notamment l’hestiatorion, le « temple ouest », le « bâtiment coudé » et l’hérôon130. À l’époque hellénistique, l’emprise de l’îlot a été agrandie en direction de l’ouest : l’îlot VI incluait ainsi l’îlot 6 plus une partie de l’îlot 3 situé à l’ouest de la rue C2 archaïque (fig. 55). Trois édifices remarquables se dressaient alors dans l’îlot VI (selon les appellations de Mégara 3) : au nord, le bâtiment 23,24, dorénavant appelé VI A ; juste au sud, la maison 13,22 ; plus bas, la maison 22,23, dorénavant appelée VI G-H (voir fig. 88). Le bâtiment 23,24, qui n’était certainement pas une maison, sort donc du cadre de cet ouvrage mais, à cause de son importance dans l’îlot VI, on y consacrera un petit développement plus loin. Parce qu’il donnait sur l’agora, qu’il était situé au croisement de trois des rues principales du plateau nord (A, B et C1) et qu’il s’est trouvé ensuite aux abords de la porte ouest hellénistique, l’îlot 6/VI a été le plus densément occupé. Le résultat est un entremêlement de constructions de toutes époques avec, bien souvent, plusieurs états pour un même édifice. Cependant, il est possible dans une certaine mesure de démêler l’écheveau et d’arriver à identifier des structures aux plans cohérents, dont on peut également tenter de déterminer la période d’appartenance. Cela nécessite un patient travail d’observation et de tri, d’autant qu’on ne dispose ici d’aucune coupe stratigraphique et de seulement deux relevés en section des vestiges lors de la fouille. Les règles d’analyse définies en préambule de ce chapitre et utilisées dans les îlots IX et XV ont dû être poussées au maximum de leurs possibilités131. Ainsi l’îlot XV et la maison XV B devaient leur forme au nouveau parcours des rues D1 et D4 en lien avec la réorganisation de l’agora tandis que l’îlot IX, avec la maison IX A, a été remodelé suivant le tracé de l’enceinte et de sa rue pomériale. C’est également l’enceinte hellénistique, par ses deux phases principales, qui a le plus fortement pesé sur l’organisation de l’îlot VI : la phase R2, la plus récente, celle que l’on peut voir aujourd’hui sur le site, et la phase R1, plus ancienne132. Je fais donc le postulat que les tracés de R1 et de R2 sont chacun à l’origine de deux systèmes d’orientation différents suivis tour à tour par les édifices de l’îlot VI. J’ai d’autre part distingué deux autres systèmes d’orientation liés à deux autres « événements urbanistiques » : le plus ancien est la réoccupation de Mégara au début de l’époque classique, qui regroupe donc les constructions ayant directement repris les orientations de structures archaïques133 ; l’autre événement correspond à la nouvelle occupation de l’espace urbain qui se met en place à l’époque romaine et comprend les constructions érigées au-dessus ou contre l’enceinte R2 après sa désaffection (fig. 89). Ces quatre systèmes d’orientation, qui répondent à quatre grands « événements urbanistiques », peuvent être définis avec les termes chronologiques : « période post-archaïque », « période enceinte R1 », « période enceinte R2 » et « période post-enceinte R2 ». On peut raisonnablement proposer les repères suivants pour placer ces périodes en chronologie absolue :
Période post-archaïque : 483 à milieu du ive siècle av. J.-C.
Période enceinte R1 : milieu du ive siècle à milieu du iiie siècle av. J.-C.
Période enceinte R2 : milieu du iiie siècle à fin du iiie siècle av. J.-C.
Période post-enceinte R2 : iie et ier siècles av. J.-C.
45C’est à partir des acronymes de ces périodes (PA, R1, R2 et PR2) que l’on nommera les édifices et leurs différents états ; certains de ces états correspondent parfois à l’un de ceux identifiés dans Mégara 3 et dans l’Atlas de Mégara 7 (généralement pour la « période enceinte R2 ») : le cas échéant, on indiquera alors les équivalences de noms.
46Le critère des « systèmes d’orientation » n’est pas toujours suffisant pour faire le tri entre les différentes constructions, particulièrement entre celles de la « période enceinte R1 » et celles de la « période enceinte R2 » : c’est là qu’intervient la deuxième règle d’analyse. Cette règle se base sur les éléments du « niveau inférieur », c’est-à-dire sur les éléments de construction des maisons, via notamment les cotes des seuils de porte, des sols et des assises de réglages. Par suite, ces cotes permettent d’estimer les niveaux de circulation correspondants, chaque niveau étant censé représenter une période donnée. Ainsi, lorsque les niveaux de deux secteurs voisins diffèrent nettement, on postule qu’ils représentent deux périodes chronologiques différentes. Cette deuxième règle nécessite cependant une utilisation plus prudente que la première134. Il faut également tenir compte de la topographie naturelle du terrain caractérisée dans l’îlot VI par deux lignes de pentes principales135 : l’une est orientée NE-SO et l’autre est quasiment sud-nord ; les deux partent d’un point culminant situé grosso modo dans le secteur de la tour III de l’enceinte R2 (fig. 89).
47Pour chaque édifice, on a regroupé dans un tableau les valeurs mesurées ou estimées de certaines cotes caractéristiques (voir en annexe le tableau 4, p. 277).
La « période post-archaïque »
48Pour la « période post-archaïque », je distingue deux édifices situés tous deux autour du bâtiment archaïque b ou hestiatorion (31,4) : la maison PA1 et la maison PA2 (fig. 90). Elles relèveraient de cette période pour plusieurs raisons. D’abord car elles reprenaient exactement l’orientation du bâtiment 31,4 dont elles réutilisaient certains éléments (fig. 91). Ensuite, parce que PA1 et PA2 comportaient deux ensembles de murs (22,33c-34c-35c et 22,30a-31a-33a) dont les appareils diffèrent nettement de ceux des murs alentour136. Enfin, on peut aussi ajouter que les cotes prises au sommet de ces murs montrent que leur niveau d’arasement est situé nettement plus bas que celui des murs qui les entourent.
49L’emprise de la maison PA2 recouvrait une bonne partie de celle du bâtiment 31,4. Le niveau d’arasement des anciens murs de 31,4 correspond à ce qui devait être le niveau des sols de PA2, logiquement situés un peu au-dessus des fondations des murs de PA2 (fig. 92).
50Plusieurs murs ont été enlevés par les fouilleurs afin de dégager le plan de l’édifice archaïque 31,4 et ne sont plus visibles que sur les documents de fouilles. Il y a d’abord le mur 22,72 et le mur 22,71, qui étaient placés contre des murs de 31,4 et qui devaient être des fondations, dont le sommet était visiblement à la même hauteur que celui des assises de réglage de 31,4. Ensuite le mur 22,73, qui était fondé sur un mur de 31,4 et devait encore comporter une partie de son élévation au moment des fouilles : il était probablement raccordé au mur 22,30a-31a-32a par un chaînage en crossette dont on voit encore l’un des blocs (fig. 95).
51Le mur 22,30a-31a-32a est lui encore visible et il constituait la limite sud de la maison PA2 ; les murs 22,71 ; 22,72 et 22,73 étaient des murs de refend (fig. 93). La limite ouest de PA2 devait reprendre le mur ouest de 31,4 mais elle n’a pas laissé de vestiges tangibles : la présence d’un bloc de chaînage dans 22,30a-31a-32a autorise toutefois à la reconstruire par symétrie avec 22,73. La limite nord reste elle aussi hypothétique : elle se trouvait peut-être au niveau de l’extrémité nord de 22,71. On observera pour finir que la partie à l’est du mur 22,73, telle qu’on la restitue137, semble correspondre à un portique à cause de son plan oblong.
52La maison PA1 s’appuyait sur une partie du mur ouest de PA2. Son mur de limite sud était constitué par l’ensemble 22,33c-34c-35c auquel s’ajoutait une petite partie de ce qui sera plus tard le mur 22,32c.
53En examinant l’ensemble 22,33c-34c-35c et 22,32c, on remarque au moins deux césures (fig. 94)138. La première (césure 1) est très nette : il s’agit manifestement d’une saignée plus tardive qui a été pratiquée dans le mur de façade afin de liaisonner le futur mur 22,34b (au cours de la « période enceinte R1 », voir plus bas). La deuxième césure (césure 2) marque la fin de ce mur et elle coïncide avec un empilement de deux moellons pris dans les fondations. Ces moellons sont alignés avec le mur ouest de 31,4 et ils pourraient donc constituer les vestiges des fondations du mur mitoyen de PA1 et PA2139. Côté opposé, dans le mur 22,32a, deux blocs posés sur le mur ouest de 31,4 correspondraient également aux restes de ce mur mitoyen : le bloc à l’est pourrait être le chaînage d’angle du mur ouest de PA2140, tandis que le second ferait la liaison avec le mur 22,33a (fig. 95) ; il se situe d’ailleurs au même niveau que l’assise de réglage de 22,33c-34c-35c (environ 19,3 m).
54La limite ouest de PA1 était constituée par le mur 22,35d prolongé vers le nord par les murs 22,56a (puis 22,55d) : le parement interne de 22,56a s’appuie en effet contre l’angle de 22,35d et 22,35a (fig. 96) et il est bien aligné avec le parement interne de 22,35d (fig. 91). L’un des blocs du mur 22,56a pourrait marquer la fin du mur de limite ouest et l’emplacement du liaisonnement avec le mur de limite nord de PA1 (fig. 97).
55À l’intérieur de la maison, le mur 22,33a-34a-35a constituait le mur de partition principal ; le mur 22,35b était l’une des cloisons et il appartenait au plan initial comme le prouve l’un des blocs de son élévation chaîné avec 22,35c et 22,34c (fig. 98).
La « période enceinte R1 »
56L’édification de l’enceinte R1 s’est accompagnée de la création d’une rue pomériale d’environ 6 m de large : c’est ce que nous indiquent plusieurs murs situés au nord de l’îlot VI, sous l’emprise du futur bâtiment 23,24, qui suivaient fidèlement le tracé de la fortification R1 et de sa porte ouest. Au sud, on discerne plusieurs bâtiments contemporains de l’enceinte R1, dont certains présentent clairement deux états : on découpera donc la « période enceinte R1 » en deux phases. La première de ces deux phases a dû être contemporaine de la construction de l’enceinte R1 (fig. 99). C’est dans cette phase qu’est apparu un édifice dont on appellera le premier état R1_B1 (fig. 100). On note en premier lieu le mur 23,28 dont on ne connaît que les fondations, construites de façon particulièrement régulière et massive (fig. 101)141. Ce mur était percé de deux baies avec des seuils de type a modifié (14s1 et 23s28, cotes moyennes : 19,9 m).
57À l’est, il est probable que le premier état de ce mur s’arrêtait juste après le seuil 23s28, à l’endroit où devait se trouver la tête d’un mur nord-sud (limite orientale de R1_B1, reconstituée par symétrie avec la limite occidentale, voir ci-dessous). À l’ouest du mur 23,28, la situation a été complexifiée par les restaurations modernes (fig. 102), dans ce qui sera ensuite la partie est du mur 14,59 (« période enceinte R2 »)142. Néanmoins, je pense que 23,28 devait se prolonger vers l’ouest et qu’il y avait dans ce prolongement un troisième seuil, dont l’existence a d’ailleurs été documentée lors des fouilles (fig. 103) ; sa position peut être reconstruite par symétrie avec le seuil 23s28 par rapport au seuil 14s1 : la construction est en effet identique de part et d’autre du seuil 14s1 qui semble donc être un axe de symétrie.
58D’autres indices sur le premier état de R1_B1 ont été conservés dans les fondations des murs 14,59 et 13,136, construits dans une phase suivante (« période enceinte R2 », voir p. 169) : il semble que le mur ouest de R1_B1 devait se trouver au niveau où on observe un changement dans les appareils des fondations de ces deux murs.
59On restitue enfin la limite sud de R1_B1 dans le prolongement de 22,65a, en partie appuyée à l’est sur le mur nord du « temple ouest » (voir note 145).
60À l’intérieur de l’édifice R1_B1, l’examen du mur 14,61 montre qu’il y avait alors un passage vers l’ouest (fig. 104), qui a été ensuite condamné lorsque 14,61 a été surélevé143 dans la « période enceinte R2 »144. Par ailleurs, les murs 23,27 ; 22,65d et 22,65a sont liaisonnés au niveau de leurs fondations ; en outre 23,27 comporte deux seuils superposés dont le plus bas est situé quasiment à la même cote que 14s1 et 23s28 (20,04 m) : 23,27 ; 22,65d et 22,65a appartenaient donc à l’état R1_B1. Enfin 23,31 est chaîné à 22,65a et devait également l’être à 23,28 mais le tronçon nord de cette phase n’existe plus en tant que tel (fig. 105)145.
61Contre cette maison, à l’est, venait s’appuyer la maison R1_C1, au plan plus vague, dont les contours étaient les murs 23,49 et 31,28, fondés sur des murs archaïques et encore partiellement conservés. Au sud, la maison R1_C1 possédait sans doute un mur mitoyen avec l’édifice PA2. Au cours de toute la « période enceinte R1 », PA2 est demeurée substantiellement inchangée (fig. 106). Le mur 22,30a a été prolongé vers l’est et devait se raccorder au mur 31,28 (fig. 107) : dans cette phase146, la maison PA2 s’étendait donc jusqu’à la rue C1. C’est d’ailleurs à ce moment que, à la suite de 31,28, une nouvelle façade sur la rue C1 a dû se mettre en place avec les murs 22,30b (également démonté), 31,23b et 31,23a (fig. 108). On notera au passage que la partie nord de 31,23b présente une succession d’états147 dont celui qui nous intéresse ici, avec le premier seuil 31s15 (cote : 19,74 m ; fig. 109).
62À l’intérieur de l’îlot, la maison PA1 a disparu alors que sont apparues les maisons R1_G1, R1_H1 et R1_I. À l’ouest, la plupart des éléments de la maison PA1 ont été réutilisés par la partie sud de la maison R1_E1 et par la maison R1_G1 : ces constructions suivaient donc toujours en partie les orientations de la période « post-archaïque ».
63La maison R1_H1 était mitoyenne de PA2. Plus au sud, on a fixé la limite entre R1_H1 et R1_I au niveau du tronçon nord du mur 22,27 en forme de L, construit en longs blocs de grand appareil et dont le prolongement vers l’est devait venir se lier ou s’appuyer à 31,23b. Le mur 31,15c était sans doute un mur de refend de la maison R1_I alors que 31,15a (du type M2c : a telaio peu élaboré) marquait sa limite sud148 : d’ailleurs, le mur 31,15a était liaisonné à 31,23a (fig. 108).
64Dans le cas de la maison R1_E1, c’est l’union d’une partie nord nouvellement construite selon les orientations de l’enceinte R1 et des anciennes pièces de PA1 qui explique son plan quelque peu irrégulier. Cette hypothèse est pourtant vraisemblable, notamment en raison de la présence du seuil 22s11 qui ouvrait vers le sud sur ce qui était clairement une cour. Ainsi, les limites nord et ouest de R1_E1 sont en partie constituées du mur 22,63a dont la partie ouest est liaisonnée avec le mur 22,63d (fig. 110) ; outre le mur 22,63a, la limite nord comportait les tronçons 22,62a et 22,61a ; ces murs nouvellement construits suivaient les orientations de l’enceinte R1. La limite ouest de R1_E1 était prolongée au sud par 22,55d : cette reconstruction est étayée par l’un des blocs de l’extrémité sud de 22,63d, posé à une cote proche (19,34 m) de celle d’un autre bloc (19,14 m) visiblement rajouté dans le prolongement du mur 22,55d (fig. 111). La partie centrale de cette limite ouest, manquante, a donc dû être démontée au cours de la « période post-enceinte R2 »149 ; elle comportait certainement un accès à la maison R1_E1. La limite sud de R1_E1 était constituée par les deux nouveaux murs 22,54c et 22,55c : le mur 22,55c est en effet adossé à 22,56a, déjà présent dans la « période post-archaïque ». Ce mur de limite, parallèle à l’ensemble 22,33a-34a-35a, a pourtant été clairement construit à l’écart, sans doute afin de favoriser l’écoulement des eaux de pluie. Enfin, la limite orientale était, dans sa plus grande partie, un mur mitoyen avec PA2.
65De son côté, la maison R1_G1 s’est attribué les anciennes pièces sud de PA1, faisant du mur 22,33a-34a-35a sa limite nord tout en conservant la limite est de PA1. Un nouveau mur 22,36d a été adossé à 22,35d et le prolongeait en direction du sud (fig. 112) tandis qu’on créait une nouvelle partition de l’espace interne avec le mur 22,34b : c’est ce mur qui fut à l’origine de l’une des césures précédemment évoquées (voir la « césure 1 », fig. 94). Le passage ménagé dans 22,34b avec le seuil 22s15 donnait alors une configuration du type Dreiraumgruppe à la partie nord de R1_G1150. On suppose qu’un autre mur devait se trouver dans l’axe de 22,34b vers le sud, eu égard à la forme du bloc en chaînage dans 22,34c. L’accès à R1_G1 devait se faire depuis la rue pomériale à l’ouest et donnait directement dans la cour151. Quant à la limite sud, on propose de la placer arbitrairement dans l’axe du tronçon nord du mur 22,27.
66Au cours de cette « période enceinte R1 », la maison R1_B1 et sans doute les maisons R1_H1 et R1_I ont connu des réaménagements d’une importance suffisante pour les regrouper dans une phase à part entière, la deuxième de cette période (fig. 113).
67La maison R1_B1 a été alors remaniée selon une nouvelle configuration que l’on appellera maison R1_B2 (fig. 114). Elle a en effet été agrandie et restructurée : le mur 23,28 a été prolongé vers l’est et on a construit le mur 23,29, ce qui a dégagé l’espace pour une nouvelle pièce (fig. 115). La limite orientale de R1_B2 n’est indiquée que par le début de 23,29 au niveau de sa liaison avec 23,28 mais on peut raisonnablement penser que la suite de 23,29 a été fondée sur le mur nord du « temple ouest » archaïque (voir n. 145). Le tronçon nord du mur 23,31, qui comportait clairement plusieurs états, a certainement été rectifié à ce moment (voir p. 156-158 et fig. 105).
68Les niveaux de circulation à l’intérieur de R1_B2 ont été manifestement rehaussés si bien que de nouveaux seuils ont été mis en place (23s34) ou bien ont remplacé les précédents (dans les murs 14,61, fig. 116, et 23,28, voir p. 156-158) : par voie de conséquence, les trois grands seuils dans le mur nord ont dû être condamnés152. Au sud de la maison R1_B2, le seuil 22s2 ainsi que le dallage 22p1 ont été posés et devaient faire partie d’une sorte de corridor d’accès153 à la maison R1_E1 (dont l’un des seuils d’entrée était 22s9). Les limites sud et ouest de R1_B2 sont restées inchangées par rapport à celles de R1_B1.
69D’autres remaniements sont peut-être intervenus dans cette deuxième phase lorsque les maisons R1_H1 et R1_I ont été regroupées en un seul édifice R1_H2 (fig. 117-118).
70La configuration interne de cette nouvelle structure R1_H2 comportait des éléments marquants : d’abord, les trois dallages 22p4, 22p5 et 31p1 ; ensuite, le bassin 22,78 et son évacuation 31,24, la citerne 31,21 (décrite dans la partie concernée) ainsi que les deux fours 31,19a et 31,19b liés au dallage 31p1. Les trois dallages étaient à des niveaux différents ce qui implique qu’ils devaient se trouver chacun dans des pièces différentes, ayant elles aussi probablement des fonctions différentes154 : l’une avait ainsi le sol 22p4 (cote moyenne : 19,07 m) et le bassin 22,78 tandis qu’une autre avait le dallage 22p5 (cote moyenne : 19,37 m). La salle traversée par la canalisation 31,24 (cote moyenne de la couverture : 19,20 m) comportait dans son angle sud-est la citerne 31,21 (cote maxi de l’entourage : 19,70 m) ; elle communiquait probablement avec la pièce au sol 31p1 (cote moyenne : 19,47 m) et aux deux fours 31,19a et 31,19b. Notons pour finir que l’édifice R1_H2 n’était manifestement pas une maison : ses divers aménagements plaident plutôt pour un établissement thermal qui existait certainement avant les bains de l’agora, construits vers le milieu du iiie siècle155.
Le cas du bâtiment VI A
71À ce stade, il m’apparaît indispensable de faire un petit excursus sur un édifice qui, bien qu’il n’ait sans doute jamais été une maison, tenait une place importante dans l’îlot VI. Le bâtiment 23,24, que l’on appelle désormais VI A, était une bâtisse aux dimensions imposantes puisqu’il occupait toute la largeur de l’îlot VI, de la rue pomériale à la rue C1. Il était borné au nord par la rue A et possédait un plan en forme de U ouvert vers le sud via une grande cour centrale. Cette planimétrie a été notée par F. Villard dès son dégagement en 1949 : il insistait d’ailleurs sur son caractère obscur, d’autant qu’il y associait plusieurs pièces situées au sud et visiblement séparées du reste de l’édifice156. Le bâtiment VI A, nommé alors « maison du chantier III », avait été relié à une « première période hellénistique » comprise entre le dernier quart du ive et le iiie siècle selon la chronologie du fouilleur157. L’hypothèse la plus probable aujourd’hui158 est que le bâtiment VI A a été construit sous cette forme en U après l’édification de l’enceinte R2. Si cette restitution du bâtiment VI A avec un portique au nord et deux longues ailes à l’ouest et à l’est est parfaitement recevable, il me semble pourtant qu’elle pourrait appartenir à un deuxième état : je suggère en effet que, dans son premier état, le bâtiment VI A était un « portique à avancées159 (fig. 119) et que les longues ailes auraient été construites dans un deuxième temps (fig. 120).
72Le plan d’un édifice de ce type peut se lire côté ouest où l’on voit un très net changement d’appareil entre la partie nord et la partie sud du mur 14,81a, précisément au niveau du mur 14,68a : la partie nord de 14,81a et le mur 14,68a donneraient ainsi la forme de l’avancée ouest du portique (fig. 121). Dans le deuxième état, cette avancée aurait été prolongée pour former le plan que l’on connaît : c’est alors qu’aurait été construit le mur 14,68c afin de raccorder l’ancienne avancée ouest à la partie sud de la nouvelle aile ouest via l’escalier 14,68b, visiblement inséré à la fois dans 14,68a et 14,81a (voir p. 85). Pour que cette restitution tienne, il faut d’abord reconstruire par symétrie la partie est du bâtiment et supposer que les murs de l’avancée est, aujourd’hui manquants, s’appuyaient sur une partie du mur sud de l’héroôn archaïque, chose théoriquement possible. Ensuite, il faut résoudre la question des différents niveaux de circulation dans et autour de l’édifice160. Je postule donc l’existence dans ce premier état de murs de soutènement construits dans le prolongement des murs 14,81a et 23,76 afin de créer trois terrasses correspondant l’une à la cote de la rue pomériale, l’autre à la cote de la cour et la dernière à la cote de la rue C1 ; ces murs de soutènement auraient été réutilisés par la suite pour fonder les ailes est et ouest du deuxième état. À l’intérieur du bâtiment 23,24, ces différences de cote pourraient être résolues en créant trois ensembles indépendants de pièces : dans l’avancée ouest, une salle ne communiquant qu’avec la rue pomériale ; un groupe de trois pièces reliées à la cour par le portique ; un groupe de trois autres pièces dans la partie est161, dont deux ouvraient sur la rue C1.
73D’un point de vue chronologique, on sait que le bâtiment VI A a dû être construit après l’abandon de l’enceinte R1 puisqu’il en oblitère une partie ; il est également clair qu’il était en fonction à l’époque de l’enceinte R2 et qu’il l’est resté encore après (voir plus bas). Il semble ainsi logique de penser que le bâtiment VI A était contemporain de l’enceinte R2, voire légèrement postérieur : il est quasiment aligné sur le mur de fortification et suffisamment éloigné de lui pour dégager l’espace d’une rue pomériale. L’hypothèse proposée ici ne contredit pas cette chronologie : elle introduit seulement l’idée de l’existence préalable d’un portique à avancées dont on connaît par ailleurs d’autres exemples en Sicile162.
La « période enceinte R2 »
74Lorsque l’enceinte R2 a été érigée, l’îlot VI a pris une nouvelle forme et la plupart des structures de la période précédente ont été alors transformées (fig. 122). Au niveau de l’îlot VI, l’enceinte R2 suivait un tracé parallèle à celui de R1 et décalé de quelques mètres vers l’ouest : les orientations des nouveaux édifices de l’îlot étaient donc quasiment les mêmes que celles des précédents. La rue pomériale de R2 a elle aussi été décalée de plusieurs mètres vers l’ouest, ce qui a dégagé l’espace pour la création de deux nouveaux édifices dans l’îlot VI, entre la porte ouest et la tour III : les maisons R2_A1 et R2_D ; la nouvelle rue pomériale était aussi plus large puisque, dans ce secteur, elle mesurait 10 m. Le bord oriental de cette voie était désormais matérialisé par le mur 14,81a du bâtiment VI A et par l’ensemble de murs 13,68-68b-68c-68d-68e, murs de façade des nouvelles maisons R2_A1 et R2_D (fig. 123). Par ailleurs, on constate que la plupart des niveaux de circulation dans l’îlot VI ont été rehaussés, certainement en raison de remblaiements effectués lors de la construction de l’enceinte R2 et de sa rue pomériale163.
75La maison R2_A1 a exploité la partie ouest de R1_B2 en s’appuyant probablement sur certains de ses murs, ce que semble indiquer l’appareil du nouveau mur 14,59, limite nord de R2_A1 (fig. 124) : le lit de pose de son assise de réglage est quasiment au même niveau que le lit d’attente de l’assise de réglage164 de 23,28. L’entrée dans la maison R2_A1 devait se faire depuis la rue pomériale via le grand seuil 13s13 (cote : 20,69 m) qui donnait ensuite sur une cour centrale dont le niveau de circulation se situait à environ 20,55 m.
76Le mur sud de la cour (13,84) était percé de trois passages dont les seuils 13s8 (cote : 20,70 m), 13s15 (cote : 20,63 m) et 13s2 (cote : 20,60 m) ouvraient sur trois pièces de dimensions très similaires. Au nord de la cour, on restitue trois pièces symétriques par rapport à celles du sud : le mur de séparation entre la pièce centrale et la pièce orientale reprendrait ainsi le mur de façade de l’ancienne maison R1_B1/B2. Leurs ouvertures seraient également en vis-à-vis avec celles des pièces du sud : l’un des seuils qui figure dans le mur 13,136 (13s16, cote : 20,74 m) est d’ailleurs situé exactement en face165 du seuil 13s8.
77La limite est de R2_A1 correspondait aux murs 14,61, 22,65d et 22,63d ce qui expliquerait alors pourquoi le deuxième seuil du mur 14,61 (fig. 116) et le seuil 22s2 dans 22,61d ont été condamnés (fig. 110). La limite sud devait être la même que celle des pièces méridionales avec les murs 22,59 et 13,88 ; un bloc dans le mur de façade 13,68b-c semble indiquer l’existence d’un ancien mur dans le prolongement des deux autres.
78La maison R2_B3, qui a succédé à R1_B2, a donc vu sa superficie réduite par R2_A1, mais cette perte a été compensée par l’annexion au sud du corridor qui desservait auparavant R1_E1. L’élévation générale des niveaux de circulation n’a pas fondamentalement bouleversé l’organisation interne de R2_B3 (le dallage 22p1 ayant dû être enfoui sous un nouveau sol). Il a toutefois fallu prévoir une nouvelle entrée au nord, comme à l’époque de R1_B1, avec un niveau rehaussé : c’est ce que montre le bloc de seuil posé sur le seuil précédent 14s1, seulement visible sur une photo de fouilles (fig. 125).
79Au bord de la rue C1, la maison R1_C1 est devenue R2_C2 en bénéficiant au passage d’un agrandissement de sa superficie par rapport à R1_C1, comme en témoigne l’existence des murs 23,46 23,50 et 23,51. Un nouveau mur de refend 22,76 (en bonne partie disparu) a été construit et a pu être en rapport avec les latrines 22,68166. Si l’on admet ces modifications, on en déduira que l’ancienne maison PA2 a été modifiée pour former dorénavant la maison R2_F, plus réduite. Il est néanmoins possible aussi qu’il n’y ait plus eu aucune construction à cet emplacement167.
80La maison R2_E2 n’a pas subi de modifications majeures par rapport à l’état précédent R1_E1, à part la disparition de son entrée au nord (voir ci-dessus). Le nouvel accès se trouvait désormais sur la rue pomériale, par le biais d’une ouverture ménagée entre les têtes des murs 13,68b et 13,68a, toujours présente aujourd’hui ; on arrivait ensuite au seuil 22s20 dont la cote (20,47 m) correspond bien au niveau de la rue pomériale tel qu’on l’a restitué dans ce secteur. Dans l’angle sud-ouest de R2_E2, on a construit le mur 22,79 dans le prolongement du mur 22,56a que l’on a à nouveau surélevé, comme semblent le montrer les traces sur le seuil 22s20 et sur le bloc en dessous (fig. 111).
81Au sud de R2_A1, on postule l’existence d’un bâtiment R2_D en raison du mur 13,68a qui constituait certainement la façade d’un édifice sur la rue pomériale (fig. 126). Sa limite est devait correspondre à la limite ouest de R2_E2 et R2_G2 mais le reste de son contour est peu clair, d’autant plus qu’on se heurte au sud à la limite de la zone fouillée.
82Le changement le plus important attribué à la « période enceinte R2 » est la création de la maison R2_G2, pour laquelle je propose un plan finalement très proche de ceux qui ont été publiés précédemment168. Chronologiquement parlant, R2_G2 fait immédiatement suite à R1_G1 et R1_H2 puisqu’elle est issue de leur réunion. L’ancien complexe thermal R1_H2 a certainement dû être délaissé peu après la construction des Bains hellénistiques vers le milieu du iiie siècle et c’est donc à cette époque que l’on pourrait situer la conception de R2_G2.
83À l’intérieur, comme pour tous les édifices de l’îlot VI, les niveaux de circulation ont été surélevés (voir tableau 4 en annexe, p. 277) : c’est ce que l’on observe par exemple côté rue C1 avec le nouveau seuil 31s15 (19,96 m) posé sur le précédent (fig. 109 et p. 47). Plusieurs murs ont d’autre part été ajoutés (22,28 ; 22,30c ; 22,31b ; 22,31c et 22,32b), dont on ne connaît que les fondations formées de hauts empilements de petits moellons bruts et de fragments de tuiles, surmontés d’une assise de réglage en grands blocs parallélépipédiques (type F2). Les murs de refend 22,31b et 22,32b ont été chaînés aux murs des périodes précédentes 22,30a-31a-32a (fig. 127) qui ont donc été en partie abattus pour ce faire (à moins qu’ils n’aient été déjà effondrés). Le mur 22,28 marquait la séparation entre les deux cours : le seuil 22s5 (cote : 19,86 m) permet de restituer un niveau aux alentours de 19,80 m pour la cour est et de 19,75 m pour la cour ouest169. Le mur 22,33b a remplacé l’ancien mur est de la pièce 22,33 et réduit sa surface, en partie accaparée par la nouvelle pièce 22,32 : deux ensembles de trois pièces distinctes ont ainsi été créés dans l’aile nord170. Le seuil 22s7, déjà modifié lors de la période précédente, a pu l’être à nouveau comme en témoigne son aspect (fig. 128). Au sud-est, on a construit le mur 22,42 qui venait s’adosser à 22,28 et on y a installé le seuil 22s1 (cote : 19,96 m) qui pouvait ainsi constituer une entrée secondaire dans la cour est. L’angle sud-ouest de la maison R2_G2 n’a pas été dégagé mais il est possible de le reconstituer grâce aux murs existants 22,26a, 22,26c ; 22,37 ; et 22,36b. Dans cette partie ouest de la maison se trouvaient les salles 22,34 et 22,36, équipées de sols bétonnés et d’enduits muraux, ce qui a conduit les auteurs de Mégara 3 à supposer qu’il s’agissait de la partie « d’habitation » ; inversement, ils proposaient de faire des pièces de la partie est des boutiques171. Je me contenterai pour ma part de noter que le seuil 22s2 était particulièrement large et imposant (2,66 m) et que cet ensemble de pièces 22,30-31-32 disposait d’autres seuils (22s4 et 22s6) de réalisation soignée (seuils de type b, en calcaire blanc de Melilli, voir p. 48-49) : la partie est de la maison R2_G2, du moins à cette période, possédait donc elle aussi un certain prestige172.
84Cette habitation est en tout cas un exemple clair d’une maison à deux cours conçue grâce à l’annexion d’autres édifices et elle illustre une pratique bien établie dans le monde hellénistique. Cela se voit en particulier à Pompéi dès l’orée du iie siècle, notamment avec la célèbre maison du Faune, mais aussi dans d’autres cités campaniennes et toscanes173. Nous l’avons également signalé à Monte Iato et surtout à Morgantina où les réorganisations des maisons laissent encore entrevoir les empreintes des précédentes174.
La « période post-enceinte R2 »
85On conclut cette analyse de l’îlot VI par la « période post-enceinte R2 » définie par la désaffection de l’enceinte R2 et sa réutilisation partielle pour ériger de nouvelles constructions (fig. 129). Je ne me concentrerai ici que sur les modifications qui me semblent les plus significatives pour l’îlot VI. Après la conquête romaine, l’enceinte R2 est démantelée mais elle n’est pas rasée jusqu’aux fondations : son niveau d’arasement correspond en fait peu ou prou à celui de la rue pomériale (entre 20,4 et 20,5 m) et c’est là-dessus que s’établirent les nouveaux niveaux de circulation. Deux des maisons construites sur la fortification, les maisons PR2_J et PR2_K, l’illustrent bien (fig. 130) : la première était desservie depuis la rue par le seuil 5s1 au nord (cote : 20,6 m), tandis que l’autre possédait entre autres deux sols en béton de tuileau encore visibles en coupe dans la berme (cotes : 20,48 et 20,50 m).
86La pièce 14,59b de l’ancienne maison R2_A1, devenue la maison PR2_A2, a été agrandie175 et étendue par-dessus l’ancien mur 14,61 jusqu’au niveau du nouveau mur 23,36 (fig. 131). La partie sud de PR2_A2 était organisée autour de la structure thermale appelée « bains de Gnaius Modius » : ainsi, les espaces desservis par les seuils 13s10, 13s7 et 13s3 devaient être des pièces de service ou des commodités en rapport avec les bains auxquels on accédait par l’étroit passage avec le seuil 13s5, l’entrée à l’ouest depuis la rue étant destinée aux usagers. Le seuil 13s8, qui ouvrait sur le petit corridor des bains, ne me semble pas être en adéquation avec l’ensemble et a dû logiquement être condamné176. Cette maison PR2_A2 correspond à la maison 13,22 telle que décrite177 dans Mégara 3.
87L’espace de la rue pomériale a d’autre part été accaparé par les édifices qui la bordaient auparavant. Le bâtiment VI A a ainsi été agrandi vers l’ouest via l’ensemble de murs 14,57 14,54 et 14,50, qui formaient probablement un espace découvert auquel on accédait par le seuil 14s12 (cote : 20,48 m). Entre les murs 14,81a et 13,68e, on a réalisé un bouchage et placé le seuil 14s16 juste en face (cote : 20,46 m) qui permettait d’accéder à la cour du nouvel état du bâtiment 23,24 (fig. 131). L’aile est du bâtiment VI A a également été remaniée et oblitérée au sud par une construction particulière, identifiée comme étant un triclinium178. Il faut néanmoins la signaler ici car cette structure suivait assez fidèlement le système d’orientations de la « période post-enceinte R2 », comme les maisons PR2_K, PR2_J et comme les ajouts apportés au bâtiment VI A et à l’ancienne maison R2_A1. Je pense d’ailleurs que ces orientations ont été en quelque sorte dictées par la maison R2_G2 qui, à part quelques modifications mineures, est demeurée inchangée à cette période et l’est peut-être restée jusqu’à la fin de la ville antique179.
Conclusions sur les maisons de l’îlot VI
88Les habitations de l’îlot VI représentent des exemples assez remarquables d’un urbanisme « opportuniste », dicté non par des règles strictes mais par des arrangements ou des réarrangements donnant des situations souvent biscornues (tableau 11). En témoignent par exemple ces couloirs d’accès que l’on a mis en évidence dans au moins deux cas et qui représentaient des solutions contraintes, détournées, afin de garantir l’accès à certaines maisons180. Les réorganisations des espaces habités se sont souvent faites au détriment d’autres espaces qui étaient alors annexés et partagés entre plusieurs habitations. À défaut donc d’une stricte politique de lotissement, ces transformations sont néanmoins la preuve qu’il devait exister une forme de cadastre à Mégara qui permettait d’établir les limites des propriétés et d’autoriser le cas échéant leur partage. Les contraintes engendrées par cet « urbanisme de réoccupation » expliquent sans doute aussi pourquoi il ne semble pas y avoir eu d’habitations aux planimétries particulières, du type plan à pastas ou à péristyle notamment. Il était manifestement trop compliqué dans ces circonstances, celles d’un réaménagement constant de structures déjà existantes, de suivre un type de plan aux canons probablement un peu trop rigoureux. À part l’indispensable espace découvert (la cour), qui était central ou rejeté dans un angle suivant les possibilités, on ne voit donc pas émerger de plan particulier dans l’histoire architecturale de l’îlot VI. Celle-ci est d’ailleurs longue, même dans les limites que l’on s’est fixées : elle débute à la réoccupation de la ville, un peu avant le milieu du ve siècle, et s’étend bien au-delà de la chute de Mégara. Elle est scandée par ces réalisations urbanistiques majeures que furent les deux enceintes hellénistiques qui donnent le cadre chronologique dans lequel inscrire les édifices de l’îlot VI, qui n’étaient d’ailleurs peut-être pas toujours des habitations (comme la « maison » PA2181, ou R2_H2, probable établissement balnéaire). Dans la longue chronologie de cet îlot, déjà bien définie je pense par le découpage adopté182, je retiendrai surtout la création de la maison R2_G2 (= maison 22,23 = VI G-H), exemple clair d’une maison à deux cours (au sens planimétrique, du moins) que l’on peut assez facilement situer dans la deuxième moitié du iiie siècle. Cela pourrait en effet être une indication que ce type particulier de grande habitation n’a pas existé à Mégara avant le milieu du iiie siècle, comme ce fut probablement le cas aussi pour la maison XV B183.
Tableau 11 - Liste des principaux faits archéologiques liés aux principales maisons de l’îlot VI.
Maison PA1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,33c-34c-35c 22,33a-34a-35a 22,35b 22,35d 22,56 | |||
Maison PA2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,30a-31a-33a 22,71 22,72, 22,73 | |||
Maison R1_B1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
23,28 23,27, 22,65d 22,65a 14,61 23,31 | 14s1 23s28 | ||
Maison R1_C1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
23,49 31,28 | |||
Maison R1_E1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,63a, 22,62a 22,61a 22,63d 22,55d 22,54c 22,55c | 22s11 22s9 | ||
Maison R1_G1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,33a-34a-35a 22,36d 22,35d 22,34b | 22s15 22s12 22s7 | 22p2 | |
Maison R1_B2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
23,28 23,27, 22,65d 22,65a 14,61 23,31 23,29 | 14s1 23s28 23s34 22s2 | 22p1 | |
Maison R1_H2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,27 31,23b 31,15c 31,15a 31,23a 22,30a-31a-33a 22,30b 31,14 31,14c 31,14d 31,14b 31,20 31,18 | 22s7 31s15 | 22p4, 22p5 31p1 | 22,78 31,24 31,21 |
Maison R2_A1 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
14,59 13,136 14,61, 22,65d 22,63d 22,59 13,88 13,68b-c | 13s13 13s8 13s15 13s2 13s16 | ||
Maison R2_B3 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
23,28 23,27, 22,65d 22,65a 14,61 23,31 23,29 23,30 22,66 | |||
Maison R2_C2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
23,49 31,28 23,46 23,50 23,51 22,76 | 22,68 | ||
Maison R2_E2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,63a, 22,62a 22,61a 22,63d 22,55d 22,54c 22,55c 22,79 | 22s11 22s9 22s20 | ||
Maison R2_G2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
22,33a-34a-35a 22,36d 22,35d 22,34b 22,28, 22,30c, 22,31b, 22,31c 22,32b 22,30a-31a-33a 22,30b 31,23b 22,42 22,26a 22,26c 22,37 22,36a 22,37 | 22s12 22s15 31s15 22s5 22s2 22s4 22s6 | 22p2 22p3 | |
Maison PR2_A2 | |||
Murs | Seuils | Sols | Élém. Hydr. |
14,59 13,136 14,61, 22,65d 22,63d 22,59 13,88 13,68b-c | 13s10, 13s7 13s3 13s5 | Bains de « Gnaius Modius » |
Conclusion sur les maisons
89À travers ces hypothèses sur l’habitat de Mégara aux époques post-archaïque et hellénistique, je me suis efforcé de mettre en évidence des constructions à la planimétrie cohérente et fonctionnelle, en tenant compte en particulier du problème de l’accès à ces maisons (singulièrement compliqué dans l’îlot VI). J’ai également proposé une évolution chronologique des habitations en me basant notamment sur celles des enceintes et des rues. Voici en synthèse ce que l’on peut dire à présent sur les maisons hellénistiques de Mégara, en considérant les différentes planimétries au travers de la chronologie. Le tableau 12 présente l’ensemble des maisons en les classant par type de plan et par période chronologique184.
Tableau 12 - Ensemble des maisons classées par type de plan et par période chronologique.
Post-archaïque | Hellénistique ancien « période enceinte R1 » | Hellénistique « période enceinte R2 » | Hellénistique tardif ou Romain « période post-enceinte R2 » | |
Cour centrale | PA1 | B1 B2 ? E1 H1 I | A1 C2 E2 F Maison IX A phases 2 et 2bis | A2 Maison IX A phase tardive |
Cour centrale avec pastas | PA2 ? | Maison IX A phase 1 | ||
Cour centrale avec péristyle | XV B phase 1 (Mège) | |||
Deux cours | XV B phase 1 | G2 XV B phase 2 | G2 XV B phase post-péristyle | |
Cour d’angle | B2 ? C1 ? G1 | B3 ? |
90On commencera cette synthèse par le plan « à pastas », qui est l’un des plus caractéristiques de l’architecture domestique grecque185. Il peut être surprenant de constater que, dans notre corpus mégarien, seule la maison IX A possédait une pastas et, encore, uniquement dans son premier état186. C’était pourtant la forme traditionnelle de l’habitat mégarien des viie et vie siècles187 : on pourrait donc s’attendre à la retrouver aux époques postérieures, en tout état de cause au début de l’époque hellénistique. De fait, nous avons mis en exergue l’existence probable de maisons à pastas à Morgantina, au moins jusqu’au début du iiie siècle188. Les exemples du quartier hellénistico-romain d’Agrigente prouvent aussi que, même à l’époque hellénistique tardive, le plan à pastas s’était maintenu en Sicile189. Sa rareté à Mégara, à des époques où il est bien représenté ailleurs, semble donc incongrue bien que cela puisse aussi s’expliquer par le fait que la ville hellénistique n’a pas été entièrement dégagée. Ce serait semble-t-il la même situation à Syracuse où seule une maison du iie-ier siècles comportait une pastas190. Dans les deux cas, de nouvelles fouilles apporteraient peut-être un éclairage différent, même si on ne manquera pas d’observer que le corpus des habitations hellénistiques, tant de Mégara que de Syracuse, est relativement fourni : la rareté des maisons à pastas pourrait donc aussi avoir une explication « chrono-culturelle ». Au cœur du territoire syracusain à l’époque hellénistique, il est possible qu’on ne construisait plus guère d’habitations de ce type.
91La cour à péristyle est considérée, à juste titre, comme la marque des maisons riches et l’apanage des habitants aisés, donc réservée à une élite191. Le fait qu’il n’y ait qu’un seul exemple de maison à péristyle à Mégara (la maison XV B phase 1 et phase 2) apparaît ainsi bien moins surprenant que pour le plan à pastas. Les circonstances de l’apparition de telles maisons dans le monde grec ont été bien documentées à Olynthe où, dès le milieu du ive siècle, des maisons relativement simples ont été transformées et où des cours à péristyle sont venues remplacer les anciennes cours étroites, souvent non sans difficultés d’ailleurs. Ainsi, pour tirer le meilleur effet d’une telle cour, il fallait prévoir des maisons d’une surface de 500 m² en moyenne, soit plus que l’habitat type d’époque classique192. Cette assertion est intéressante car aucune maison de Mégara n’atteignait cette surface, tant s’en faut, à part justement la maison XV B193. Dans les autres sites de Sicile où l’on trouve des maisons à péristyle, cette condition est bel et bien satisfaite, comme à Monte Iato194, Morgantina195 et Solonte196 ou bien, hors de Sicile, à Érétrie197. Néanmoins, au sein d’exemples siciliens qui appartiennent tous au plein iiie siècle, on relèvera que la construction de la maison XV B et de sa cour à péristyle pourrait être relativement précoce si elle remonte effectivement à la deuxième moitié du ive siècle198. Il y aurait alors peut-être un lien avec le fait que les colonnes étaient en bois, comme s’il s’agissait là d’une architecture encore balbutiante qui n’aurait pas pleinement intégré ses modèles de Méditerranée orientale.
92Le plan à deux cours comporte lui aussi peu d’exemples dans l’habitat antique en général, d’autant qu’il n’est pas toujours facilement lisible199. De plus, son existence semble liée à celle du péristyle puisque l’une des deux cours était elle-même souvent une cour à péristyle et que les plus anciens témoignages connus se trouvent en Grèce égéenne (Érétrie) et en Macédoine (Pella). L’apparition du plan à deux cours en Sicile a manifestement accusé un certain retard par rapport à la Méditerranée orientale200 : les exemples les plus significatifs que nous connaissons sont à Monte Iato et à Morgantina et aucun ne remonte effectivement au-delà du plein iiie siècle201 (tous possèdent par ailleurs une cour à péristyle). À Mégara, c’est la maison XV B qui s’en rapprochait le plus. Il est possible que cette nouvelle conception de la planimétrie des maisons ait été dictée par une volonté de séparation plus stricte des espaces de l’habitation avec une cour dévolue aux activités domestiques, de destination privée, et l’autre cour (celle à péristyle) permettant de recevoir les invités202. Cette séparation semble effectivement se manifester dans le plan de la maison XV B, comme le soutiennent A. Haug et D. Steuernagel, du moins pour les phases 1 et 2. L’autre exemple mégarien de plan à deux cours est la maison R2_G2 de l’îlot VI, qui résultait clairement de l’annexion d’une habitation par une autre. La répartition des activités entre les deux cours, telle que la supposaient les auteurs de Mégara 3 avec une partie « publique » ou de « réception » à l’ouest et une partie « privée » ou « domestique » à l’est, n’est pas aussi certaine203. Certes, les pièces les plus élaborées se trouvaient autour de la cour occidentale tandis que, aux dires des fouilleurs, la partie orientale ne comportait pas de sols en place, donc a fortiori de sols construits204. On objectera cependant que les pièces au nord-est comportaient aussi des éléments architecturaux remarquables, en l’occurrence leurs seuils. Qui plus est, dans cette phase à deux cours, le seul accès connu se trouvait à l’est, sur la rue C1205 : pour arriver dans la cour ouest, il fallait donc d’abord passer dans la cour est206. En ce sens, il serait plus logique de supposer que la partie « publique » se trouvait à l’est et la partie « privée » à l’ouest. On voit effectivement, comme on le faisait remarquer en début de paragraphe, qu’il est souvent difficile d’interpréter l’utilisation de ces maisons à deux cours de façon satisfaisante.
93La maison à cour d’angle est un type de plan bien mis en évidence dans l’étude des maisons puniques de Sélinonte et dont les origines seraient à chercher au Proche-Orient au début de l’âge du fer207. Ce modèle, sans doute venu dans l’Ouest avec les colons phéniciens, semble donc revêtir une forte connotation punique. De fait, parmi tous les sites examinés dans cette étude, il n’est présent nulle part ailleurs qu’à Sélinonte et Mégara. Néanmoins, seule la maison R1_G1, l’une des prédécesseurs de R2_G2, me semble clairement relever de ce type : je suis moins affirmatif concernant R1_B2, R2_B3 et R1_C1 bien que, dans chaque cas, on note la présence d’un puits dans l’un des angles de la maison, ce qui constitue un indice convaincant de l’existence d’une cour à cet endroit208. Quoi qu’il en soit de son origine, cette planimétrie avec une cour excentrée et rejetée à l’angle de l’habitation est en tout cas inhabituelle en contexte grec, où l’on préfère généralement une cour centrale. Cela me semble donc suffisamment intrigant pour être mentionné, bien que cela puisse être seulement dû aux contraintes particulières à l’îlot VI209.
94Nous en arrivons pour terminer au plan à cour centrale, de loin le plus répandu dans l’habitat grec : Mégara ne faisait pas exception à la règle puisqu’il était le plus représenté, quelle que soit l’époque. La liste des exemples de maisons à cour centrale est donc particulièrement longue, même si on se restreint aux seuls sites auxquels on s’est intéressé ici : Camarine, Géla, Morgantina, Tyndaris et Solonte auxquels on peut ajouter Scornavacche et la première phase de la maison à Péristyle 1 de Monte Iato210. Le succès de ce type de plan tenait peut-être à des exigences sociales. En effet, le plan à cour centrale correspondait à un modèle global, un archétype, dont les types « à pastas », « à prostas » et parfois « à péristyle » ne seraient finalement que des déclinaisons211. Ces trois types d’habitation, bien que différents d’un point de vue planimétrique et architectural, possédaient effectivement des similitudes essentielles : l’accès unique était généralement masqué aux parties domestiques de la maison et la cour était positionnée de manière à ce qu’il soit possible de voir tous les mouvements entre les pièces situées autour ; à l’inverse, on pouvait facilement voir ce qui se passait dans la cour depuis l’intérieur d’une pièce. À travers ces trois types, nous aurions donc des réponses formellement différentes à un même problème, impératif : le contrôle des interactions entre occupants de la maison et visiteurs212. La prédominance du plan à cour centrale s’expliquerait également par le fait qu’il aurait mieux convenu aux organisations urbaines régulières et normatives d’époque classique : le choix de continuer à construire des maisons à cour centrale à l’époque hellénistique serait donc le signe d’un certain conservatisme architectural213. Cette hypothèse ne fonctionne pas pour des sites comme Scornavacche et Mégara, où on ne connaît pas d’urbanisme normé à l’époque classique : si les habitants ont préféré construire ce genre de maisons, ce n’est donc pas pour perpétuer un ancien modèle mais bien plutôt parce que ces habitations simples et traditionnelles répondaient le mieux à leurs préoccupations sociales et économiques.
Notes de bas de page
1 On rappelle que le thème de l’urbanisme de la Mégara classique, hellénistique et romaine est amplement traité dans Mégara 7 : il n’y a donc pas lieu de s’étendre ici sur le sujet. Au fil de l’étude, quelques considérations générales seront toutefois nécessaires afin de comprendre le contexte urbain dans lequel s’insérait l’habitat hellénistique de Mégara.
2 D’un point de vue chronologique, les îlots hellénistiques de Mégara sont les successeurs des îlots archaïques et on pourrait donc parler aussi bien d’îlots « post-archaïques ».
3 Contrairement à leurs prédécesseurs archaïques qui étaient, dans leur grande majorité, réguliers car issus d’un processus de lotissement cohérent. Les caractéristiques des îlots archaïques ont été bien établies par les recherches précédentes, notamment dans Mégara 1, p. 325-345, Mégara 5, p. 523-546 et Tréziny 1999.
4 Ce néologisme, que j’emploierai systématiquement par la suite, désigne la rue ou l’espace libre situé entre le mur d’enceinte et les premiers bâtiments. Cet espace était nécessaire d’un point de vue poliorcétique afin de permettre l’accès aux fortifications en cas de besoin, mais il était également très pratique pour faciliter les circulations à l’intérieur de la ville. Sur l’origine de ce mot, adapté pour la langue française par H. Tréziny, voir Mégara 5 (p. 138, n. 135) ; sur son occurrence : ibid., p. 474.
5 Villard 1951.
6 Haug, Steuernagel 2014a.
7 Selon le Dictionnaire de l’Architecture, « un péristyle est formé de plusieurs portiques » (Ginouvès 1998, p. 10). Voir aussi Nevett 1999, p. 22.
8 Hoepfner, Schwandner 1986, p. 270.
9 Vitruve De Arch. 6,7,1.
10 Robinson, Graham 1938, p. 161-164.
11 W. Hoepfner et E.-L. Schwandner notent également que la maison à pastas tirait son origine des maisons archaïques avec pièces au nord et cour au sud, caractéristique des premières cités coloniales (Hoepfner et Schwandner 1986, p. 268-269).
12 De Miro 2009, p. 383-384.
13 Et bien que ces derniers fussent naturellement conscients des travers de la description vitruvienne, comme T. Wiegand avait pris soin de le rappeler : les exemples utilisés par l’architecte romain étaient des maisons luxueuses visibles de son temps, à l’époque augustéenne, notamment celles de Pompéi (Wiegand, Schrader 1904, p. 289). Il est intéressant de noter à ce sujet que M. Schede (Schede 1964, p. 98-99) ne parle pas de prostas pour les maisons de Priène mais d’antichambre/vestibule alors que, dans des publications récentes comme Ferla 2005 ou Rumscheid 2010, les auteurs entérinent de fait l’usage du terme prostas.
14 Wiegand, Schrader 1904, p. 289.
15 L.C. Nevett, tout en reconnaissant la validité de cette typologie des maisons grecques, prévient que la différenciation opérée par les archéologues entre maisons à pastas et maisons à prostas ne transcrit pas toujours bien la réalité archéologique et qu’elle tend à effacer les nombreux traits communs entre ces deux types (Nevett 1999, p. 81). Elle préfère par conséquent définir un type plus générique : la maison à cour avec entrée unique, c’est-à-dire une maison dotée d’un seul accès, dont la surface était en grande partie dévolue à une cour et où les pièces principales au nord étaient accessibles via un portique (ibid., p. 123). Ajoutons que la maison à pastas tend à avoir un plan carré alors que celui de la maison à prostas est plus souvent un long rectangle (Hoepfner et Schwandner 1986, p. 268).
16 On reviendra sur ces documents très prometteurs en conclusion de cette partie (chap. 7).
17 Il s’agit de Villard 1951.
18 La nomenclature définie à l’époque était basée sur le découpage du chantier en différents secteurs, désignés sur le plan par des numéros et dans le texte par l’acronyme « A + numéro ». J’ai choisi de conserver cette nomenclature afin de faciliter la comparaison avec la publication de 1951, même si elle est parfois mal adaptée au discours, en particulier lorsqu’une structure architecturale cohérente, comme une pièce, est désignée par plusieurs numéros. Ainsi, lorsqu’une pièce correspond exactement à un secteur donné, j’utilise son numéro pour désigner cette pièce dans le texte ; si, par contre, une pièce couvre plusieurs secteurs, je nomme alors cette pièce avec les numéros de tous les secteurs concernés. Par exemple, la « pièce 6 » correspond au « secteur A6 » et la « pièce 1/2 » correspond à la fois au « secteur A1 » et au « secteur A2 ». La numérotation des structures et les couleurs suivent les principes de l’Atlas de Mégara (voir Mégara 7). Les coupes stratigraphiques publiées (Villard 1951, p. 19, fig. 4) ont été mises au net telles quelles tandis que celles qui étaient simplement décrites ont été représentées de façon schématique. Les descriptions et les datations sont celles de F. Villard : seuls les motifs représentant les différentes couches ont été changés en conservant toutefois la même logique que celle du fouilleur. Ce dernier raisonnait « en niveau » et désignait chaque niveau par un numéro en fonction de son ordre d’apparition dans la stratigraphie et non d’après une référence chronologique : ainsi, un « niveau 2 » peut aussi bien désigner une couche d’interface entre deux périodes (que l’auteur nomme « niveau mélangé ») qu’un niveau hellénistique ancien succédant à un niveau hellénistique récent (selon les expressions de l’auteur).
19 Villard 1951, p. 23.
20 Mégara 1, p. 99-102, 117-120.
21 Mégara 5, p. 402-403, 407.
22 Villard 1951, fig. 3.
23 Mégara 1 p. 100.
24 On aura l’occasion d’utiliser cet argument plusieurs fois : la rue pomériale de l’enceinte hellénistique fonctionne en même temps que l’enceinte et que la maison hellénistique, donc toute structure située sur cette voie est soit plus ancienne (archaïque), soit plus récente (hellénistique tardive).
25 Villard 1951, p. 21.
26 Mégara 1, p. 102.
27 On peut également s’interroger sur l’épaisseur de ce mur, sans équivalent sur l’ensemble du chantier A, qui semblerait constituer les fondations d’un mur par conséquent colossal.
28 Mégara 5, p. 403.
29 Villard 1951, p. 28, n. 1.
30 Ibid., p. 20, n. 1.
31 On a déjà évoqué ces sols ainsi nommés à cause de leur couleur provenant de panchina concassée.
32 Villard 1951, p. 20.
33 Cela pourrait être aussi la couche de préparation et la couche de finition (voir p. 47). D’autre part, la stratigraphie de la pièce 1/2 montre la présence d’un cailloutis dans la partie est (secteur A2) interprété par le fouilleur comme étant le sol de la pièce (Villard 1951, p. 18), sol qui était à peu de chose près au même niveau que le béton des pièces 6 et 4 (fig. 57) : il s’agissait donc peut-être du type de sol qui recouvrait à l’origine toutes les pièces de l’édifice.
34 Ce sont ceux que F. Villard décrit parmi les constructions de la « troisième époque », c’est-à-dire de la « deuxième période hellénistique » (Villard 1951, p. 28). Rappelons que l’on ne considère ici qu’une seule période hellénistique.
35 Villard 1951, p. 27, n. 4 (voir aussi p. 43).
36 Ces appareils se rapprochent beaucoup des fondations de type F2 associées à une élévation de type M3, à la variante des petits moellons intercalaires près.
37 Voir fig. 64 ; voir aussi p. 83.
38 Un espace avait été prévu pour elle entre deux blocs de l’assise de réglage de 47,18 (Villard 1951, p. 22, n. 3).
39 Voir p. 78.
40 Villard 1951, p. 28, n. 2.
41 Pratique assez courante (voir note 184, chap. 4).
42 Villard 1951, p. 29.
43 Cette solution technique a été proposée dans les maisons hellénistiques d’Érétrie, voir Ducrey, Metzger, Reber 1993, p. 66-69 et Reber 1998, p. 125-130.
44 Villard 1951 (fig. 3) qui contredit donc le texte (p. 21-22 et p. 27-28). Mégara 1, p. 102.
45 Villard 1951, p. 22.
46 Ce mur 47,26 pourrait d’ailleurs être tout aussi bien d’époque archaïque tardive car il passe juste sur le mur ouest de 47,5. Du reste, F. Villard admettait une très grande similitude entre les constructions de la deuxième période hellénistique et celles de la première (ibid., p. 28).
47 On rappelle qu’un chapitre de Mégara 7 (chap. 4) est intégralement consacré à l’enceinte et à ses différentes phases. H. Tréziny propose de dater ce tronçon d’enceinte (appartenant à l’enceinte R1) d’avant la construction de la « fortification hiéronienne » (ou enceinte R2) c’est-à-dire dans un intervalle chronologique assez large allant du début du ive au milieu du iiie siècle (voir note 132, p. 150-151).
48 Qui plus est, sa forme inusuelle et peu ergonomique semble mieux adaptée à une pièce d’accès et de transition plutôt que d’habitation et/ou de travail.
49 Voir paragraphe « La période héllénistique tardive ».
50 Villard 1951, p. 22-23. La partie ouest du dallage est en effet appuyée contre l’angle sud-est de 47,18 (fig. 56).
51 Ibid., p. 22, n. 2. Ce puits est effectivement classé comme archaïque dans Mégara 1 à cause de la découverte d’un peu de céramique archaïque tardive accompagnée de « quelques tessons hellénistiques en surface » (Mégara 1, p. 118). La description du comblement dans Mégara 1 est d’ailleurs en contradiction avec celle de Villard 1951 (p. 28, n. 3) : dans l’une, il n’est fait aucune mention d’une margelle alors que, dans l’autre, il est question d’une margelle faite d’un « anneau d’arenaria monolithe » retrouvée dans le puits. Toujours à propos du comblement, les matériaux de la « phase hellénistique antérieure » évoqués dans le rapport de fouille ou, plus précisément, les « blocs de construction hellénistique de bonne époque » notés dans le journal de fouille, deviennent « quelques tessons » dans la monographie. Quoi qu’il en soit, ce sont les éléments du remplissage les plus récents qui doivent dater l’abandon du puits.
52 Villard 1951, p. 22. On notera d’ailleurs que le dallage est disposé en oblique par rapport à ce mur.
53 Les dimensions de ces pièces peuvent suggérer l’existence de modules de mesures. En effet, les dimensions des pièces 6, 1/2 et 15 prises à l’entraxe des murs sont très proches puisqu’elles s’échelonnent entre 5,23 m et 5,33 m (E-O) et entre 5,07 m et 5,22 m (N-S). Ces mesures reproduites sur au moins trois pièces d’un même édifice ne semblent pas être totalement fortuites et elles pourraient signer l’existence de modules de constructions basés sur une unité donnée (pied ou coudée).
54 Rappelons d’ailleurs que F. Villard disait à propos de ce mur qu’il faisait partie d’un ensemble de « petits murs de pierres sèches formés de pierres entassées et [qui] n’ont jamais, certainement, constitué des murs d’habitation : il pourrait s’agir, simplement, de murs de clôture. Noyés dans le niveau archaïque, ils sont de date difficilement déterminable » (Villard 1951, p. 27, n. 1). Interprétation confirmée dans Mégara 1 (p. 118-119).
55 Voir paragraphe « La période hellénistique tardive ».
56 Les seuils en bois étaient sans doute la règle dans les maisons archaïques mais ils semblent bel et bien avoir disparu à l’époque hellénistique, comme en témoigne le grand nombre d’exemplaires en pierre (voir p. 48 et 55). Bien que possible en théorie, leur présence me semble très improbable dans le cadre d’une habitation relativement cossue comme la maison IX A.
57 La fermeture a pu être assurée par des éléments rapportés, c’est-à-dire structurellement indépendants, comme une dalle dotée des aménagements pour la fermeture, posée à l’intérieur de la pièce et fixée par des crampons ou des agrafes. Aucune structure de ce genre n’est visible sur les documents ni n’a été signalée par le fouilleur ; plus généralement, on n’en connaît aucune à Mégara (voir également p. 51-53).
58 Voir paragraphe « La période hellénistique tardive ».
59 Voir p. 113-114.
60 Villard 1951, p. 33. L’insertion de boutiques indépendantes est un dispositif bien attesté dans de nombreuses habitations. Dans le cas présent, ces pièces avaient en plus l’avantage d’être au bord de la rue pomériale qui représentait une artère certainement importante de la Mégara hellénistique.
61 On ne relève sur le plan que deux petites mortaises carrées creusées dans deux blocs contigus du mur 47,52. Ces évidements apparaissent plus proches de trous de louve ou de pince que de mortaises destinées à des éléments d’huisserie : il n’y aurait donc pas eu a priori de passage de ce côté-là.
62 Voir p. 132.
63 Villard 1951, p. 22-23.
64 Comme le précise F. Villard, ibid., p. 20.
65 Ibid., p. 23, n. 1.
66 Ibid., p. 23.
67 Ibid., p. 29, n. 1. Leur présence dans l’espace de l’ancienne rue pomériale conduit à les dater d’après 213 av. J.-C., date de la prise de Mégara par les troupes de Marcellus et moment après lequel on considère généralement que les fortifications ont été en partie démantelées.
68 Le haut du seuil 47s2 est à environ 1 m du rocher. Les seuils 47s3 et 38s4 devaient avoir des cotes légèrement plus basses d’après la hauteur des assises de réglage.
69 Dans ce même secteur se trouvaient les tronçons de mur 38,42 et 38,46 à la présence desquels je n’ai pas trouvé d’explications satisfaisantes : 38,42 est posé sur la terre et passe sous 38,39 tandis que 38,46 est fondé sur un empilement de moellons ; les deux affleurent au-dessus de 38,43 (fig. 64 et 66).
70 Voir infra.
71 La situation est la suivante (fig. 67b) : le seuil 38s5 est posé sur l’assise de réglage du mur 38,37, il est encadré par deux piédroits appartenant à la première assise de l’élévation et il est surmonté par un empilement de petits blocs liés à la terre.
72 Voir p. 51-53.
73 On voit en tout cas nettement que le béton est plus bas que le haut du seuil.
74 Villard 1951, p. 22.
75 C’est avant tout le relevé qui permet d’accréditer cette hypothèse car on y discerne nettement la forme de ce bloc avec une feuillure au nord pour les battants et une autre au sud pour s’encastrer dans le précédent jambage. Les photos montrent également la présence de ce nouveau jambage.
76 Le mur 38,36 s’appuie manifestement sur 38,31.
77 Voir p. 128.
78 Voir p. 119.
79 Voir la chronologie des fortifications dans Mégara 7, p. 131-134.
80 L’analyse précise de la monnaie de Hiéron II et des fragments de céramique du style de Gnathia (voir p. 124) seraient ici des éléments de datation déterminants.
81 Mégara 1, p. 336-337.
82 Ibid., p. 219-224.
83 Le cas de cet édifice est abordé plus en détail dans Mégara 7, p. 193-201. C’était initialement un atelier métallurgique, mis en place vers la fin du ive siècle (voir aussi Tréziny 2012).
84 Mégara 3, p. 45-47.
85 Voir les mentions faites en particulier dans Wolf 2003 ; Nevett 1999 ; Trümper 1998 ; Sposito 1995 ; Dalcher 1994 ; Tsakirgis 1984.
86 Cette étude a été publiée dans Haug, Steuernagel 2014a. Une version synthétique de ces recherches se trouve dans Mégara 7, p. 155-181.
87 Haug, Steuernagel 2014a, p. 26-29.
88 Et il n’y avait pas de structures archaïques non plus (voir supra).
89 Haug, Steuernagel 2014a, p. 29-31.
90 Si l’on y décèle une césure ou un coup de sabre, cela pourrait signifier qu’il y avait au départ deux édifices distincts avec chacun sa propre cour, réunis dans un second temps pour former la maison XV B ; dans le cas contraire, on peut supposer qu’elle n’avait pas deux cours dès l’origine.
91 L’un de ces groupes est d’ailleurs cet empilement de trois blocs, connu sous le nom de « Hieronian masonry chain » : voir la définition et l’utilisation de ce terme par L. Karlsson pour les fortifications « hiéroniennes », p. 18 et p. 200. Ces assemblages de blocs tranchent effectivement avec le reste de l’appareil, en petits moellons, assimilable d’ailleurs au type M1b du classement.
92 Haug, Steuernagel 2014a, p. 31-35.
93 Voir p. 144.
94 Haug, Steuernagel 2014a, p. 36-40.
95 Ibid., p. 40-43.
96 Voir aussi p. 110-112.
97 Les traces d’abrasion sur la partie nord du seuil 49s12 situées juste dans l’alignement du mur 49,31, correspondent au lit d’attente d’une assise du mur 49,31 et montrent bien que ce mur a été rajouté. Il devait ainsi se liaisonner avec 49,49a ; de plus, la cote du seuil 49s15, situé dans 49,31, est plus élevée que celle du seuil 49s14, ce qui confirmerait ce fait.
98 Dans une phase « pré-péristyle » et dans le cas où il y avait effectivement un accès depuis la rue D4 (voir supra), B16 aurait été un vestibule puisqu’elle donnait directement accès au reste de la maison par l’intermédiaire du seuil 49s12.
99 Haug, Steuernagel 2014a, p. 43-46. Cette interprétation a été discutée dans l’analyse de B15 et B17 (voir p. 110-112).
100 Qui est celle publiée dans Mégara 3, p. 45-47.
101 Haug, Steuernagel 2014a, p. 36-40.
102 Ibid., p. 40-43. Le passage à l’est a été clairement bouché et peut-être aussi celui à l’ouest : c’est dans ce contexte qu’on peut expliquer la mise en place du seuil 49s13 dans le mur 49,63 entre les deux cours et la création du seuil 49s10 précédemment évoqué dans le stylobate (tronçon 49,66a). C’est dans ce même train de rénovations qu’A. Haug et D. Steuernagel placent la modification du seuil 49s14 de la pièce B15 par l’insertion d’un seuil plus petit, légèrement désaxé : en raison du positionnement de ce nouveau seuil, ils proposent de faire de B15 un andrôn.
103 Cela a peut-être aussi été favorisé par la modification des circulations entre les deux cours : dans la phase précédente, on circulait d’une cour à l’autre via les promenoirs. Dans cette phase, un petit dégagement avait d’ailleurs être créé dans l’angle sud-est de la cour B2 (murs 50,28 et 50,30), manifestement pour permettre les circulations depuis le promenoir est. C’est dans ce petit dégagement que se trouvait l’aménagement rectangulaire et massif 50,31, interprété comme un koprôn et auquel on a fait allusion p. 78.
104 Haug, Steuernagel 2014a, p. 49-56. Son mur sud 49,35 est liaisonné au niveau des fondations tant avec 49,26 à l’ouest qu’avec 49,55 à l’est, mais il n’est pas possible de discerner les liaisonnements du mur nord 49,37 avec les autres murs. C’est ce mur 49,37 qui a par ailleurs servi d’archétype pour le type de murs M3 (voir p. 43-44).
105 Il y a le seuil 49s2 entre D2 et D3, le seuil 49s5 entre D3 et C5 et seuil 49s7 entre C5 et C6.
106 Le seuil 49s4 inséré dans ce dernier est d’ailleurs bien au-dessus du niveau de circulation du péristyle mais correspond par contre tout à fait à celui du béton qui recouvrait la pièce B18 : tous ces éléments sont donc manifestement des ajouts tardifs apportés à l’angle sud-est de la maison. Notons au passage que les auteurs considèrent la partie nord de B18 comme l’emplacement des latrines (voir p. 98-99).
107 Le double seuil 50s1/s2 était destiné à une porte cochère et il porte d’ailleurs les ornières creusées par les roues des chariots ; 50s3 servait à une porte piétonne avec un seul battant.
108 Dans cette « phase post-péristyle », 50,26 et 50,27 ont dû être à leur tour arasés et il est fort probable que l’on entrait alors directement dans la cour B2. A. Haug et D. Steuernagel notent également que la mise en place des seuils 50s1/s2 et 50s3 a dû correspondre à une importante opération de remaniement de la façade au niveau de B6 (fig. 84).
109 Haug, Steuernagel 2014a, p. 57-60.
110 Je ne peux que renouveler ici, comme en introduction de ce chapitre, les avertissements sur certaines des hypothèses qui suivent et qui pourraient apparaître hardies, en l’absence parfois d’indices matériels. Je veux mettre à nouveau l’accent sur le fait que les fouilles anciennes de Mégara ont été très mal documentées et que certaines traces subtiles à lire (comme des fondations de mur) ont pu échapper aux fouilleurs qui n’étaient pas en permanence sur le terrain pour suivre les travaux.
111 Sauf le mur 50,40, pour les raisons données plus haut.
112 Les récentes recherches sur l’urbanisme de la période « post-archaïque » suggèrent effectivement que cette inflexion de D1 serait relativement tardive. Le parcours de la rue D1 n’a pas été modifié en une seule fois mais par étapes successives : la rue a d’abord été « translatée » de deux à trois mètres vers l’ouest entre l’édifice XV A et le débouché sur l’agora de la rue A ; ce n’est qu’ensuite qu’elle a été infléchie en direction de l’édifice XV A (voir Mégara 7, p. 140-142).
113 Voir p. 138-140.
114 Voir p. 138.
115 Cette situation appelle deux observations formelles : la façade ouest de la maison XV B était donc légèrement en retrait par rapport à la limite est de la rue D4 archaïque ; par contre, la façade ouest de la maison XV C mordait assez franchement sur l’espace de la rue. En ce cas, on aurait là les indices d’un premier remaniement du parcours de D4.
116 Voir p. 138.
117 Ou lors de la fouille (voir note 110), sachant qu’on se trouve là dans une rue, qui est un secteur souvent bien complexe à déchiffrer pour l’archéologue.
118 La limite nord des maisons XV C et XV D était constituée par les murs suivants : à l’est, 58,38 et 49,64 ; à l’ouest, 49,30a-b-c ; au centre, la limite a disparu mais elle a été restituée par symétrie avec le décrochement entre les maisons XV E et XV F (fig. 75). Lors de la construction de la maison XV B, cette limite a été modifiée et se trouvait désormais au niveau des murs 49,46a-b puis elle faisait ensuite un coude vers le nord, comme l’indique encore le bloc 49,47, avant de continuer son tracé initial via les murs 49,30a-b (voir Haug, Steuernagel 2014a, p. 23-31).
119 On a évoqué plus haut les remaniements importants qui ont concerné les murs 49,66a ; 49,66b et 49,63 dans la « phase péristyle 2 » et qui ont conféré cette forme irrégulière au portique. Les pièces B4 et B5 ont été impliquées dans ces transformations (Haug, Steuernagel 2014a, p. 36-37).
120 Les blocs ayant servi à construire la structure 50,31 pourraient d’ailleurs provenir de ce tronçon manquant.
121 Ces deux pièces faisaient effectivement partie du plan initial (voir les justifications sur le mur 49,35 note 104).
122 Ces vestiges ont d’ailleurs été signalés par A. Haug et D. Steuernagel (Haug, Steuernagel 2014a, p. 30-31, 49-51). Ils font partie de ces structures antérieures à la maison XV B (évoquées en préambule) qui n’étaient pas des structures archaïques.
123 Le principe reste le même puisque, dans les deux cas, des maisons ont été démantelées au profit d’autres. Néanmoins, la différence avec la maison IX A est que c’est l’habitation plus ancienne, la maison XV B, qui a pris le pas sur les maisons environnantes et les a absorbées. Cette tendance à réutiliser et remodeler des espaces appartenant à plusieurs maisons est typique des époques tardives de Mégara, comme on le voit plus loin avec l’îlot VI.
124 Voir p. 120 et p. 125.
125 Vallet, Villard 1958a.
126 Haug, Steuernagel 2014a, p. 61-64.
127 J’ai suggéré de redéfinir, p. 120, les périodes chronologiques proposées par F. Villard. Cependant, à l’instar des collègues allemands, je note que les appareils des murs de la première phase de la maison IX A offrent beaucoup de similitudes avec ceux de la maison XV B. Quant à la chronologie de Mégara après l’époque archaïque, établie d’après les nouvelles recherches, voir p. 181-185.
128 Voir supra.
129 En raison notamment de la présence des latrines 58,42 : voir l’argumentaire p. 89-92.
130 Mégara 1, p. 199-211.
131 On rappelle que la première règle se base sur les éléments du « niveau supérieur », c’est-à-dire sur les répercussions que certains aménagements urbains ont pu avoir, par l’intermédiaire des voies de circulation, sur les îlots et leur organisation interne (voir préambule p. 117).
132 Influence répercutée par l’intermédiaire de la rue pomériale, espace intercalaire de largeur globalement constante, situé entre la fortification et la bordure ouest de l’îlot VI. La question des fortifications hellénistiques de Mégara Hyblaea fait l’objet d’un chapitre de Mégara 7 (chap. 4) et je n’en présenterai donc ici que les données qui concernent l’îlot VI. La phase R1 est très mal conservée et on en connaît surtout deux tours curvilignes disposées de part et d’autre de la rue A ; dans ce même secteur se trouvent aussi des éléments de fondation qui appartenaient certainement à une porte située contre la tour sud. À partir de ce point, seuls quelques vestiges de murs permettent de retracer le parcours de R1 vers le sud jusqu’à une autre tour curviligne, très ruinée, située près de la porte sud-ouest de R2. Après l’abandon de R1, une nouvelle enceinte R2 a été érigée ; au niveau de l’îlot VI, la nouvelle fortification suivait un tracé parallèle à celui qu’empruntait R1 avec une translation d’une dizaine de mètres vers l’ouest. Comme l’ensemble des vestiges post-archaïques, la chronologie de l’enceinte hellénistique reste hypothétique à cause d’une documentation archéologique évanescente. H. Tréziny avance toutefois des arguments solides pour proposer une datation de R2 à l’époque du règne de Hiéron, plus certainement au cours du troisième quart du iiie siècle. Rappelons que cette dernière a ensuite été désaffectée après la conquête de Mégara par Marcellus en 213 av. J.-C. L’enceinte R1 possède une histoire architecturale plus longue, faite d’une succession bien identifiée de plusieurs états : le premier, celui de la construction, pourrait débuter dès la fin du ve siècle tandis que le dernier est très certainement postérieur au milieu du ive siècle (Mégara 7, p. 131-134).
133 Ces structures archaïques sont : le bâtiment d ou hestiatorion, le bâtiment c ou « temple ouest » et le bâtiment a ou « bâtiment coudé » (fig. 87). Dans l’îlot 6 archaïque, ces édifices publics ont été les derniers construits puisqu’ils sont datés du vie siècle (Mégara 1, p. 195-206). On peut désormais parler, pour les constructions postérieures qui ont repris leurs orientations, d’une période de « réoccupation », en l’occurrence celle du retour des habitants à Mégara après la déportation de 483 av. J.-C. (voir en particulier Mégara 7, p. 52-54).
134 J’ai notamment appliqué une certaine tolérance sur ces valeurs de cote afin de tenir compte des petites variations des niveaux de circulation au cours d’une même période.
135 Les conséquences pour le pendage des rues autour de l’îlot VI sont les suivantes : la rue A accusait un dénivelé négatif assez marqué d’ouest en est entre la rue pomériale (de R1 et de R2) et la rue C1 ; la rue pomériale (de R1 et de R2) était d’abord en légère montée vers le sud depuis la rue A jusqu’au secteur de la tour III avant de redescendre ; parallèlement, la rue C1 montait assez nettement depuis la rue A jusqu’au sud de l’hestiatorion et redescendait ensuite. À titre indicatif, les valeurs de dénivelés sont respectivement de l’ordre de -0,7 m, +0,3 m et +0,5 m.
136 Leurs élévations sont en effet construites selon le type M1a avec une facture bien régulière. Leurs fondations sont par contre différentes : 22,33c-34c-35c possède une première assise de réglage en moellons taillés posés sur une couche de terre avec quelques pierres (fig. 94) ; 22,30a-31a-32a est fondé sur un empilement de brocailles et moellons.
137 Les murs anciennement posés sur le mur est de 31,4 (eux aussi démontés) me semblent en effet postérieurs à la maison PA2 (fig. 93) : l’extrémité orientale de 22,30a, construite différemment du reste du mur, serait donc un rajout destiné à raccorder, dans une phase suivante, 22,30a-31a-32a à ces murs.
138 Il y en a probablement une troisième, moins nette, qui correspondrait alors à un mur de refend symétrique de 22,35b.
139 L’empilement s’étage entre 18,46 m et 19,08 m ; les lits de pose des assises de réglage de 31,4 se situent autour de 18,50 m et leurs lits d’attente autour de 18,90 m.
140 Voir supra.
141 Une première assise de réglage en moellons taillés, posée sur la terre mélangée à quelques cailloux et tessons, et une deuxième assise en grands blocs rectangulaires. L’ensemble rappelle beaucoup les murs de la maison IX A, mis à part le bas des fondations.
142 Voir p. 171.
143 Passage matérialisé par un seuil légèrement plus bas que 14s1 et 23s28 : 19,84 m pour respectivement 19,99 et 19,94 m.
144 Voir p. 171.
145 Le bloc d’angle de 23,31 et 22,65a est nettement visible et son lit de pose est à 19,17 m. Le lit de pose de l’assise de réglage de 23,28 dans le prolongement de 23,31 est à 19,40 m : l’existence à cet endroit d’un raccord entre 23,31 et 23,28 semble donc plausible. On notera pour finir que la cote 19,40 m correspond au niveau d’arasement des murs plus anciens situés sous l’emprise de l’édifice R1_B1, dont le mur nord du « temple ouest ».
146 Bâti sur le mur est du bâtiment 31,4 et, pour cette raison, démonté par les fouilleurs, ce mur 31,28 est visible sur plusieurs photos de fouilles.
147 Ces différents états sont marqués par des dalles probablement archaïques, surmontées de deux blocs a priori de la période « post-archaïque » et peut-être en relation avec la structure 22,19, puis le premier seuil 31s15 (cote : 19,74 m) attribué à la nouvelle façade et à la maison R1_H1. Cela suppose donc qu’il y avait une différence de 0,15 m entre le niveau de circulation à l’intérieur de la maison (seuil 22s17 : 19,60 m) et le haut du seuil 31s15, ce qui me semble fonctionnellement possible. Un deuxième seuil sera ensuite posé sur le premier seuil 31s15 dans la « période post-enceinte R2 », celle de la maison R2_G2 (ou « maison 22,23 », voir p. 172-174).
148 Il est toutefois possible que la maison R1_H1 et R1_I n’en aient fait qu’une dès cette époque, comme on le postule pour la phase suivante, auquel cas le tronçon nord du mur 22,27 et mur 31,14 étaient des refends de l’ensemble et le mur 31,15a était sa limite sud. Cependant l’existence de deux maisons semble plus plausible, chacune ayant alors une superficie comparable à celle des autres maisons.
149 Voir p. 174-177.
150 Voir p. 108-110.
151 La cote de la rue pomériale, restituée aux alentours de 20 m dans ce secteur (voir tableau 4 en annexe, p. 277), représenterait une différence de niveau notable avec la cour de la maison G1 à cause du niveau indiqué par le seuil 22s7 (19,61 m). Cette différence pourrait être toutefois facilement compensée soit par le seuil d’entrée depuis la rue, soit en remaniant le seuil 22s7, ce qui a effectivement été le cas à un moment donné (voir p. 173).
152 Les cotes de ces nouveaux seuils s’échelonnent entre 20,21 et 20,26 m, d’où un niveau de circulation restitué aux alentours de 20,15 m, nettement au-dessus du haut des seuils du mur nord (19,90 m).
153 Dans la phase précédente, celle de la maison R1_B1, les niveaux de circulation étaient moins élevés. Peut-être que le corridor en question était alors un passage non fermé permettant d’accéder entre autres à la maison R1_E1 : des blocs de grand appareil situés sous le seuil 22s2 étaient peut-être en rapport avec ce passage (fig. 110). La pose du sol 22p1 (cote moyenne : 19,91 m) n’a pas rendu caduc le seuil 22s9 (cote : 18,86 m) si l’on considère que ce dallage, malheureusement lacunaire, semble nettement descendre en direction de 22s9.
154 Le mur de refend principal dans R1_H2 suivait une direction nord-sud et il était constitué par l’ensemble 31,14-14a-14b-14c dont le tronçon 31,14c a été démonté lors des fouilles, en même temps que 31,14d. Le mur que je restitue dans le prolongement de 31,14d vers l’ouest est rendu nécessaire par la différence de niveau entre le sol 22p4 (cote moyenne : 19,07 m) et le seuil 22s17 (19,65 m). Enfin la séparation entre 22p4 et 22p5 est assurée par un mur ou un muret dont les fondations sont encore conservées seulement dans sa partie nord.
155 Voir Mégara 7, p. 224-233.
156 Villard 1951, surtout fig. 2 et p. 30-32. Dans Mégara 3 (p. 18-19), où cet édifice devient la « maison 23,24 », les deux pièces les plus à l’ouest ont finalement été attribuées à la maison 13,22.
157 Villard 1951, p. 49-52.
158 Étude du bâtiment dans Mégara 7, p. 240-244.
159 Selon la définition dans Ginouvès 1998, p. 78. Ce type d’édifice est aussi appelé « stoa à paraskénia ».
160 Il y avait en effet des niveaux différents entre la rue pomériale côté ouest (env. 20,15 m d’après la cote du seuil 14s17), la cour (env. 19,95 m d’après la cote du stylobate) et la rue C1 à l’est (env. 19,10 m d’après la cote des seuils 23s6 et 23s5).
161 On peut d’ailleurs remarquer que ces trois pièces reprendraient ainsi les contours des salles les plus symboliques de l’ancien hérôon (voir Mégara 7, p. 243).
162 Notamment celles de Solonte (Wolf 2013, p. 19-20), d’Héloros et Halaesa (pour ces deux dernières, résumé et bibliographie complète ibid., p. 54-55 ; p. 55, n. 157 ; p. 50-51 ; p. 50, n. 146). Ces édifices sont datés de la première moitié du iie siècle, voire de la deuxième moitié du iiie siècle pour la stoa d’Héloros, attribuée à Hiéron II.
163 Des opérations de remblaiements ont sans doute eu lieu à chaque fois lors de la mise en place des enceintes R1 et R2 et de leurs rues pomériales afin de niveler la pente entre le secteur de la rue A et celui de la tour III.
164 Bien qu’on ne sache pas réellement ce qu’il en était dans la partie restaurée ensuite à l’époque des fouilles ; il me semble néanmoins probable que le mur 14,59 devait utiliser la partie occidentale de 23,28 comme fondation.
165 Ce mur 13,136 a été considérablement restauré dans les années 1980 mais la comparaison entre son état actuel et des documents de fouille montre que le seuil 13s16 est probablement en place.
166 Voir p. 92.
167 Voir p. 174-177.
168 Ceux de la maison 22,23 de Mégara 3 (p. 74-76) et de la maison VI G-H de Mégara 7 (p. 418).
169 Sur la cour est se trouvaient les seuils 31s15, 22s2 (19,95 m) et 22s4 (19,90 m). Sur la cour ouest, le seuil 22s8 (19,87 m).
170 On ne peut cependant parler de Dreiraumgruppe pour le groupe à l’est (salles 22,30-31-32) qui comportait deux seuils sur la cour : 22s4 et 22s2. On a déjà discuté de celui qui donnait sur la cour ouest et qui représenterait une adaptation locale du Dreiraumgruppe (voir p. 108-110).
171 Mégara 3, p. 76.
172 On peut effectivement supposer que la pièce 22,30 ait été transformée plus tard en boutique : le seuil 22s2, qui était auparavant du type a, a été remanié en « seuil de boutique » (type c), un type qui est vraisemblablement apparu à l’époque républicaine, c’est-à-dire, pour Mégara, après 213 (voir p. 56).
173 Gros 2001, p. 45-55, 58-60.
174 Voir partie 3, p. 216-218.
175 Ce sont les photos de fouilles qui le montrent (fig. 131). Il est tout à fait possible que l’extension de la pièce 14,59b n’ait eu lieu que bien plus tard dans la « période post-enceinte R2 » : au début, la configuration de 14,59a et 14,59b pouvait très bien être encore celle de la « période enceinte R2 ». D’autre part, il se peut que le bâtiment VI A ait été en quelque sorte relié à la maison par la pièce 14,59b qui aurait fait la jonction entre le nord de la maison PR2_A2 et l’aile ouest du bâtiment VI A.
176 Voir p. 100-102.
177 Mégara 3, p. 15-16.
178 Décrit dans Mégara 7, p. 261-262.
179 Il serait alors piquant de constater que cette maison, dont les origines et les orientations remontaient probablement à la période de réoccupation du site au ve siècle, a permis de retrouver, sans doute fortuitement et près de trois siècles après, les axes de construction qui prévalaient alors.
180 Situation qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de plusieurs quartiers de Délos.
181 Voir n. 186.
182 Voir p. 151-153.
183 Voir p. 148-149.
184 La définition des périodes chronologiques est celle utilisée pour l’îlot VI (voir p. 151-153), à laquelle j’ai rattaché les différentes phases de la maison IX A et de la maison XV B. Les types de plan se retrouvent notamment chez W. Hoepfner et E.-L. Schwandner (Hoepfner et Schwandner 1986) où ils ont été documentés dans le contexte des cités grecques d’époques classique et hellénistique. Ces définitions ont été souvent reprises depuis et parfois amendées, en particulier par L.C. Nevett (Nevett 1999). Le type dit « à cour d’angle » est quant à lui issu notamment des travaux de S. Helas sur les maisons puniques de Sélinonte (Helas 2011).
185 Voir p. 119.
186 Notre reconstitution de la maison PA2 laisse apparaître la présence possible d’un portique. Celui-ci se serait toutefois situé devant la maison, vers l’est et directement sur la rue C1 : cette configuration ainsi que l’emplacement de PA2 sur l’ancien hestiatorion pourraient d’ailleurs indiquer qu’il ne s’agissait pas d’une maison. Aucune pastas n’a non plus été reconnue dans les autres maisons décrites dans Mégara 3, p. 81-84 et dont nous n’avons pas discuté ici.
187 Mégara 5, p. 469-471.
188 Voir partie 3, p. 216-218.
189 Voir partie 3, p. 220.
190 Voir partie 3, p. 203.
191 E. De Miro propose de distinguer les grands péristyles, réservés à des maisons « aristocratiques » comme celles de Pompéi, des petits péristyles, plutôt destinés aux maisons « bourgeoises », type Délos (De Miro 2009, p. 387).
192 Hoepfner, Schwandner 1986, p. 270.
193 La maison XV B couvre environ 892 m² ; la maison IX A a une surface autour de 400 m² ; les autres maisons sont bien en deçà, comme la maison RH1_E1 (environ 232 m²) ou la maison RH2_C2 (environ 221 m²).
194 Maison à Péristyle 1 (première phase) : env. 523 m². Maison à Péristyle 2 : env. 1 298 m².
195 Maison de la Citerne à l’arche : env. 943 m². Maison de Pappalardo : env. 540 m². Maison de Ganymède : env. 559 m².
196 Gymnase : 590 m². Maison de Léda : 490 m².
197 Maison aux Mosaïques : 625 m². Maison IB : 750 m². Maison II : 1 260 m².
198 Voir p. 148-149.
199 Force est de constater, à la suite de M.-C. Hellmann, que les plans de maisons à deux cours sont souvent peu clairs, en l’absence de données de fouilles précises (Hellmann 2010, p. 81).
200 Nevett 1999, p. 153.
201 Monte Iato : extension de la maison à Péristyle 1 vers 200 ; construction de la maison à Péristyle 2 vers 180/170 (voir partie 3, p. 223-224). Morgantina : maison de la Citerne à l’arche au iiie siècle (voir partie 3, p. 212-213) ; maison du Magistrat au iiie siècle (Tsakirgis 1990, p. 430) ; maison des Chapiteaux toscans au iie siècle (ibid., p. 432).
202 Nevett 1999, p. 124-126.
203 Voir p. 172-174.
204 Mégara 3, p. 76.
205 Il n’est pas possible de savoir s’il y avait une autre entrée côté ouest puisque la zone n’est pas fouillée. La présence d’une file de maisons de ce côté, à la suite de R2_A1 et R2_D, rend cette hypothèse peu probable, à moins de supposer à nouveau une sorte de dégagement entre deux maisons, comme nous l’avons fait entre R2_A1 et R2_D pour la maison R2_E2.
206 Voir p. 172-174.
207 Type 3 de la classification de S. Helas : voir partie 3, p. 233-234.
208 Pour la maison R1_B2 et son successeur R2_B3, il s’agit du puits 23,43 ; pour la maison R1_C1, c’est le puits 23,47. Les deux ont ensuite été reconvertis en puisards et faisaient vraisemblablement partie d’un même système de gestion des déchets (voir p. 77-80).
209 Voir p. 149-153.
210 Camarine : îlot E38 et maison de l’autel (voir partie 3, p. 193-194). Géla : villa Iacona (voir partie 3, p. 190-191). Morgantina : maisons des ve et ive siècles (voir partie 3, p. 215-218). Tyndaris : plans restitués des maisons des ive et iiie siècles de l’insula IV (voir partie 3, p. 198-199). Solonte : maisons à péristyle (voir partie 3, p. 225-226). Scornavacche (voir partie 3, p. 240-242). Monte Iato : Dalcher 1994, p. 14-16.
211 Cet archétype est celui de la maison à cour avec entrée unique, défini par L.C. Nevett (voir n. 15, p. 119). Le type de la « maison à Herdraum » (maison à « pièce-foyer »), surtout présent en Grèce du nord et inconnu en Sicile, est une autre variation sur ce même thème.
212 Nevett 1999, p. 125-126.
213 Isler 2010, p. 324.
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