Chapitre 4. Les éléments de la construction
p. 41-85
Texte intégral
Les murs
Matériaux
1La proche région de Mégara, on l’a dit, recèle des gisements de calcarénites en abondance qui ont fourni l’essentiel des matériaux de construction, quelles que soient les époques. L’éventualité qu’il y ait eu des élévations de murs construites en adobe reste envisageable, bien qu’aucun témoignage archéologique de ce type n’existe à Mégara1. Même si cela est plutôt rare, on trouve effectivement des villes antiques où la pierre a été massivement, voire exclusivement, utilisée pour la construction des murs, par exemple à Monte Iato2 ou à ScornavaccheMarina Covolan2022-12-14T16:16:00MC3. L’abondance de la pierre à Mégara même et dans le proche voisinage justifierait qu’elle ait été l’unique matériau employé dans la construction des murs, sans se risquer à invoquer des habitudes de construction ou des raisons culturelles dont on ne connaît rien. Il semble donc prudent et réaliste de s’en tenir à cette hypothèse et d’admettre que l’intégralité des murs périmétriques, et même des murs porteurs, était réalisée en pierre4. D’autre part, il n’y a plus trace de marbre parmi les vestiges de Mégara, bien qu’on sache qu’il avait été importé des Cyclades pour décorer certains édifices archaïques de l’agora5. En effet, il n’y a pas de gisements de marbre en Sicile : rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait été très peu utilisé dans les maisons. Les éléments architectoniques en marbre ont probablement dû être transformés sur place, car on connaît au moins un four à chaux d’époque tardive, installé directement sur l’ancienne agora.
Classement typologique
2Dans le classement suivant, on a séparé les techniques employées dans les fondations (tableau 1) de celles utilisées pour les élévations (tableau 2) afin de mieux décrire les différentes stratégies de construction et de mettre en évidence des associations entre types de fondations et types d’élévation (tableau 3).
Les fondations
3Type F1
Ce type de fondation est en fait un ancien mur réutilisé et éventuellement surmonté d’une couche de cailloux et de tessons mélangés à la terre.
4Type F2
Fondation avec assise de réglage en blocs de dimensions assez homogènes ; cette assise est posée sur un empilement de cailloux formant un empattement, parfois assez élevé.
5Type F3
Il n’y a pas d’assise de réglage et on passe directement de l’appareil de fondations à l’appareil du mur. Les fondations sont alors constituées d’un ensemble plutôt ordonné de cailloux ou de moellons bruts de dimensions hétérogènes, formant parfois un empattement.
Tableau 1
Types | Localisation | Références | Illustration |
F1 | Mur sur enceinte R2 | Mégara 7, p. 408-411 | fig. 6a |
Mur 31,15a sur mur nord bâtiment 30,5, maison VI J | Mégara 7, p. 434-435 | fig. 6b | |
F2 | Mur 22,32b, maison VI G-H | Mégara 7, p. 418-419 | fig. 6c |
Mur 38,43, maison IX A | Mégara 7, p. 444-445 | fig. 6d | |
Mur 58,28a, maison XV F | Mégara 7, p. 470-471 | fig. 6e | |
F3 | Mur 30,15b, maison VI K | Mégara 7, p. 432-433 | fig. 6f |
Les élévations
6Type M1
Appareil à double parement, éléments liés à la terre. Parement interne d’aspect assez régulier, constitué de cailloux avec parfois quelques fragments de tuiles et de meules (fig. 7a). Les parements externes peuvent se décomposer ainsi.
7Type M1a
Moellons rectangulaires taillés et dressés, de dimensions presque homogènes ; assises régulières, de différentes hauteurs ; pas ou très peu de décrochements.
8Type M1b
Moellons rectangulaires taillés et dressés, de dimensions hétérogènes ; les assises sont horizontales mais irrégulières, d’où de fréquents décrochements rattrapés par l’insertion de petites cales et de bouchons.
9Type M2
Appartient au type d’appareil appelé à « cadres et remplissage »6 ; il est caractérisé par l’alternance d’orthostates placés debout et en parpaing (formant les cadres) entre lesquelles sont empilés de petits éléments sur plusieurs assises (les remplissages). Les remplissages sont à double parement et leurs éléments sont liés à la terre : les parements internes présentent les mêmes caractéristiques que ceux des murs M1a ou M1b (fig. 7c, 7g et 7l). On peut décomposer les parements externes du type M2 ainsi.
10Type M2a
Il y a plusieurs orthostates par pan de mur : les largeurs des cadres et des remplissages sont équivalentes ; remplissages de type M1a : tous les éléments sont bien taillés, bien dressés et de dimensions respectives plutôt homogènes 7.
11Type M2b
Version moins élaborée du type précédent. Il y a moins d’orthostates, les remplissages ont toujours des assises horizontales, mais les dimensions des moellons sont plus hétérogènes, d’où des décrochages plus fréquents rappelant le type M1b.
12Type M2c
Peu d’orthostates : un ou deux par pan ; remplissages négligés.
13Type M3
Appareil à parement unique ; assises en grands blocs parallélépipédiques de longueurs hétérogènes.
Tableau 2
Types | Localisation | Références | Illustration |
M1a | Mur 22,31a (parement sud), mur nord maison VI G, pièce 31 | Mégara 7, p. 418-419 | fig. 7b |
M1b | Mur 58,34 (parement est), maison XV D, entre pièces D2 et D3 | Mégara 7, p. 470-471 | fig. 7e |
Mur 30,47b (parement ouest), maison X M, entre pièces 47 et 48 | Mégara 7, p. 432-433, 446-447 | fig. 7f | |
M2b | Mur 14,85 (parement ouest) | Mégara 7, p. 412-413 | fig. 7d |
Mur 33,76 (parement nord) | Mégara 7, p. 438-439 | fig. 7h | |
M2c | Mur 31,15a (parement sud), mur sud maison VI J | Mégara 7, p. 435-436 | fig. 7k |
M3 | Mur 49,37 (parement sud), maison XV B, entre pièces B11 et B12 | Mégara 7, p. 460-461 Haug, Steuernagel 2014a, p. 54-56 | fig. 7i |
Mur 49,37 (parement nord), maison XV B, entre pièces B11 et B12 | fig. 7j |
Tableau 3
Types | Localisation | Références | |
Élévations | Fondations | ||
M1a | F3 | Mur 58,28a, entre maisons XV D et XV F, pièces D4, D5 et D6 | Mégara 7, p. 470-471 |
F3 | Mur 49,22b, entre maisons XV C et XV F, pièces C7, C8 et C9 | Mégara 7, p. 460-461 | |
F1 | Mur 22,30a-31a-32a, mur nord maison VI G-H, pièces 30, 31 et 32 | Mégara 7, p. 418-419 | |
M1b | F3 | Mur 58,34, maison XV D, entre pièces D2 et D3 | Mégara 7, p. 470-471 |
F3 | Mur 58,28b, entre maisons XV D et XV F, pièce D7 | Mégara 7, p. 470-471 | |
F3 | Murs 34,11a et 34,11b, îlot XIX | Mégara 7, p. 440-441 | |
F3 | Mur 41,75a, mur nord maison X C, pièce 75 | Mégara 7, p. 450-451 | |
F3 | Mur 30,47b, maison X M, entre pièces 47 et 48 | Mégara 7, p. 432-433 | |
M2b | F1 | Mur 33,76, îlot XVI | Mégara 7, p. 437-438 |
F3 | Mur 30,44, mur de façade de maison X M sur rue C1 | Mégara 7, p. 432-433 | |
M2c | F1 | Mur 31,15a, mur sud maison VI J | Mégara 7, p. 433-434 |
M3 | F2 | Mur 49,33, maison XV B, entre pièces B13 et B14 | Mégara 7, p. 460-461 Haug, Steuernagel 2014a, p. 54-56 |
F2 | Mur 49,37, maison XV B, entre pièces B11 et B12 | Mégara 7, p. 460-461 Haug, Steuernagel 2014a, p. 54-56 | |
F2 | Mur 50,35, maison XV B, entre pièces B7 et B8 | Mégara 7, p. 462-465 Haug, Steuernagel 2014a, p. 49-54 | |
F2 | Mur 58,49, mur de façade de maison XV D sur rue D1, pièce D2 | Mégara 7, p. 470-471 |
Analyse des techniques de construction
14Les stratégies choisies pour bâtir les fondations ne sont pas autrement inhabituelles. Ainsi, le fait d’utiliser un mur plus ancien comme fondations (type F1) n’est pas surprenant dans un site qui présente une aussi longue continuité d’occupation : les constructeurs avaient intérêt, lorsque cela était possible, à réutiliser les structures précédentes. Le recours aux fondations de type F2 est lié au type de l’élévation (tableau 3). Enfin, les fondations de type F3 représentent une façon courante et usuelle de fonder un mur en entassant soigneusement des cailloux et des petits moellons, généralement sur une largeur plus importante que l’élévation, afin de lui donner une solidité et une stabilité satisfaisantes ; de plus, ce genre d’éléments était abondant et facilement disponible sur place. En l’absence de données stratigraphiques, on retient que les fondations ont pu être construites de deux manières : en les élevant directement sur le niveau de circulation, puis en les remblayant jusqu’à les recouvrir, ou en empilant des éléments à l’intérieur d’une tranchée. Il est ainsi probable que les fondations de faible hauteur aient été réalisées par « remblaiement » ; c’est le cas de la plupart de celles de type F2, tandis que celles de type F3, souvent hautes d’environ 0,50 m et allant jusqu’à 1,50 m, ont dû être construites « par tranchées »8. Parmi les différents types d’élévation, les murs de type M1 sont la solution la plus évidente et la plus simple à mettre en œuvre, techniquement parlant. Sans surprise, on constate donc que la majorité des murs visibles sur le site est construite de cette manière : l’explication tient sans doute à la pratique du remploi. Ce doit être également le cas des murs de type M3 qui sont toutefois beaucoup moins répandus, probablement parce qu’ils comportent des blocs de dimensions importantes. Peu de maisons possèdent d’ailleurs des murs de ce type et il s’agit à chaque fois de demeures aux caractéristiques assez particulières : la maison 22,23 (ou VI G-H), par ses dimensions, la maison XV B, seule maison à péristyle connue à Mégara ou bien la maison IX A, située en bordure de la voie pomériale, près de la porte sud-ouest de l’enceinte hellénistique9. Face à ces deux types d’élévation, les appareils de type M2 apparaissent comme un possible compromis qui associerait la facilité de construction du type M1 à la solidité du type M3, tout en réutilisant différents formats de pierres. Enfin, on relève des associations privilégiées entre fondations et élévations : il s’agit des binômes type F3-type M1 et type F2-type M3. Pour le premier, on retrouve sans surprise les deux techniques les plus utilisées et les plus simples, qui utilisent des éléments de dimensions similaires. L’existence du second binôme s’explique facilement car le moyen le plus adapté pour fonder une élévation en grand appareil reste d’utiliser au moins une assise en grand appareil dans les fondations (l’assise de réglage). Cette habitude de remployer des éléments pour la construction explique pour une large part le grand nombre de murs de types M1 et M2 ainsi que de leurs fondations associées F3 et F2.
15Si l’on s’intéresse à présent aux habitudes de construction, on note que l’abondance des matériaux disponibles sur place pour la récupération n’a certainement pas incité les maçons et les architectes de Mégara à extraire de nouveaux éléments, ce qui les a naturellement conduits à souvent reprendre les mêmes appareils de murs que leurs prédécesseurs10. C’est, en effet, une tendance globale. Au rang des continuités avec l’époque archaïque se trouvent ainsi les murs de types M1 et M2, très proches dans leur conception des murs de type 3 et de type 4 du classement de Mégara 1, c’est-à-dire des murs mettant en œuvre des moellons ou des blocs avec des dimensions et des degrés de finition divers. Cependant, les habitudes de construction de l’époque hellénistique (et classique) présentent aussi des ruptures par rapport à celles de l’époque archaïque, notamment l’appareil à cadres et remplissages (le type M2), inconnus à l’époque précédente. Les autres évolutions se lisent dans la mise en œuvre des blocs : la plupart des appareils de murs décrits ci-dessus sont des techniques à double parement, dont les éléments sont désormais liés entre eux par un mortier de terre. Il s’agit là de deux nouveautés remarquables car presque aucun des types de murs décrits dans le classement de Mégara 1 ne présentait ces caractéristiques11.
16L’analyse montre d’autre part que les constructeurs mégariens de l’époque hellénistique n’ont développé ni utilisé de techniques réellement originales ou novatrices dans le contexte de leur époque et de leur aire géographique. Ainsi, on retrouve cette tendance à superposer des murs nouveaux sur des murs anciens (type F1) notamment sur l’acropole de Géla où les décombres dus à la destruction de la fin du ve siècle ont été réutilisés au cours de la phase suivante en les superposant aux ruines des anciens bâtiments, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une couche de matériaux damés, en reprenant toujours les orientations et les alignements précédents. On le voit finalement partout où il y a eu une longue occupation, entrecoupée de discontinuités. À Camarine, les techniques employées pour la maison de l’Autel sont par ailleurs très similaires à l’association entre type F3 et type M1b. De façon générale, les murs ressemblant à l’appareil type M1 étaient bien répandus tant en contexte grec, où ils seraient plutôt relatifs à des structures tardives (iiie siècle et surtout iie-ier siècle), que punique12. L’appareil de type M2, souvent appelé a telaio dans la littérature archéologique italienne, est signalé plus particulièrement dans les phases puniques de Sélinonte et Solonte mais également sur l’acropole de Géla et à Agrigente. Dans les exemples de Sélinonte, l’espace entre les orthostates était en général plus étroit (0,35 m en moyenne) que dans les murs mégariens où il est d’au moins 1 m. À Solonte, où il est comparé à l’opus africanum en raison de piliers quadrangulaires insérés dans le corps d’un mur, on le trouve dans de rares structures13. L’appareil a telaio a été signalé à plusieurs reprises à Géla, en particulier sur le côté nord de l’acropole où les édifices liés à la réoccupation « post-405 » avaient pour la plupart des murs a telaio aux cadres formés par de hauts blocs en calcaire, bien taillés, posés en orthostate et aux remplissages faits de « panneaux » de pierres et de tuiles liées à l’argile. Enfin, dans l’îlot I de la porte II d’Agrigente, les techniques de construction au ive siècle étaient très irrégulières, mettant en œuvre des galets, des éclats d’arenaria et de nombreux matériaux remployés (fragments de tuiles, blocs quadrangulaires de dimensions diverses), liés ensemble par un mortier de terre ; ces remplois étaient en grande partie issus des structures précédentes détruites vers la fin du ve siècle. Certains chercheurs ont effectivement souligné à quel point ce type de construction pouvait s’entendre comme une technique opportuniste, mettant en œuvre blocs et moellons de récupération. Ainsi G. Fiorentini, qui les désigne également comme un appareil « a pseudo-telaio », pense que ce type de murs correspondrait à la nécessité de construire (ou de reconstruire) rapidement avec peu de pierres à disposition14. L’origine punique de la technique est néanmoins souvent mise en avant, manifestement à bon droit. S. Helas rappelle ainsi qu’on la rencontre dès la fin du viie siècle à Carthage et bien plus tard dans d’autres sites nord-africains tels que Kerkouane et Byrsa, ainsi que Nora, Monte Sirai (Sardaigne) et Motyè15. Enfin, les parements internes en petits éléments mélangés associés à ce type d’appareil se retrouvent tant à Camarine, Géla et Morgantina qu’à Tyndaris et Sélinonte16.
17Le tableau 4 résume les rapprochements entre les types définis à Mégara (fondations, élévations, associations et parements internes) et les exemples comparables connus ailleurs.
Tableau 4
Type | Autres occurrences | Références |
F1 | Géla, quartier de l’Acropole | De Miro, Fiorentini 1978, p. 435-36 |
Tyndaris, insula IV (techniques I et II) | Aiosa 2010, p. 28-30 | |
Morgantina (colline ouest) | Stillwell 1963, p. 169 ; Stillwell 1967, p. 246-249 | |
Sélinonte | Helas 2011, p. 43-44 | |
Camarine, maisons de l’Autel et du « grand îlot » | Pelagatti 1962, p. 262 | |
Camarine, maisons de l’îlot A34 | Pelagatti 2006b, p. 49-50 | |
M1 | Syracuse, maisons 1, 3, 5, 6 et 7 du quartier de Giardino Spagna (« muratura ordinaria ») | Cultrera 1943, p. 38-42 |
Syracuse, maisons 2 et 5 du secteur de l’amphithéâtre | Gentili 1951, p. 332 | |
Tyndaris, maison C de l’insula IV (technique II) | Aiosa 2010, p. 28 | |
Sélinonte | Helas 2011, p. 37-39 | |
M2 | Sélinonte | Helas 2011, p. 41 |
Solonte | Wolf 2003, p. 6-7 | |
Géla | Orlandini 1957a, p. 49-53 | |
Agrigente, quartier de la porte II | De Orsola 1991, p. 80-81 | |
Binôme F3-M1b | Camarine, maisons de l’Autel et du « grand îlot » | Pelagatti 1962, p. 261 |
Parements internes | Camarine, maisons de l’Autel et du « grand îlot » | Pelagatti 1962, p. 262 ; Pelagatti 1980, p. 519 |
Camarine, maisons de l’îlot A34 | Pelagatti 2006b, p. 49-50 | |
Géla, Capo Soprano | Adamesteanu, Orlandini 1960, p. 165 | |
Morgantina | Tsakirgis 1984, p. 310-312 | |
Tyndaris, insula IV (techniques I et II) | Aiosa 2010, p. 28-30 | |
Sélinonte | Helas 2011, p. 37-39 |
Les enduits
18Il y a peu à dire sur les enduits utilisés pour recouvrir les murs, car très peu sont conservés17. Leur usage devait néanmoins être une habitude assez répandue dans la Mégara hellénistique, car la facture des parements intérieurs des types M1 et M2 rendait leur présence nécessaire à des fins d’isolation. Ceux que l’on a identifiés sont tous d’une facture très simple, que l’on peut décliner en deux techniques selon l’aspect de la couche supérieure ou « couche de finition » : l’une est un mortier de chaux fin, avec souvent des traces de pigment (rouge ou ocre, fig. 8a, c), et l’autre est un mélange de mortier et d’un tuileau assez fin (fig. 8b, d). L’une et l’autre étaient généralement appliquées sur une première « couche de préparation », plus grossière. Dans tous les cas, l’observation à la loupe binoculaire a montré la présence dans ces couches de petits mollusques, preuve que le sable utilisé était d’origine marine18. Il faut également noter que les seuls cas d’emploi des enduits en mortier de tuileau se trouvent dans la salle g de la maison 13,22 (les « bains de Gnaius Modius ») ou dans plusieurs salles des bains hellénistiques. Ce type d’enduit se composait de deux couches : une couche de préparation ou d’accroche (environ 7 mm d’épaisseur) faite d’un mélange de sable marin et de chaux blanche ; une couche de finition (environ 2 mm d’épaisseur) constituée d’une poudre de tuileau (granulométrie inférieure à 1 mm) et de chaux blanche (examen à la loupe binoculaire, grossissement × 6,5). On peut supposer sans trop de risques de se tromper que cette technique devait logiquement posséder une résistance accrue à l’eau. Malgré tout, on est loin des multiples couches préconisées par Vitruve19 ou même des cinq que l’on retrouve souvent dans la maison à Péristyle 1 de Monte Iato20. Il y a cependant des correspondances évidentes entre les types de couche utilisés sur les deux sites. Ainsi, la couche 1 (épaisseur entre 0,10 et 1 cm) et la couche 2 (épaisseur entre 2 et 2,5 cm) sont décrites comme des mortiers grossiers dont l’agrégat en petits éclats de calcaire a une granulométrie d’environ 3 mm : tant leur composition que leur fonction me semblent rejoindre la couche qualifiée de « couche de préparation » des enduits mégariens. Les couches 3 (épaisseur entre 0,80 et 1,20 cm) et 4 (épaisseur entre 0,20 et 0,30 cm) ne se distinguent des deux précédentes que par une granulométrie nettement plus fine : l’une comme l’autre sont similaires à la couche de finition. Enfin la couche 5 (épaisseur jusqu’à 0,20 cm) représente en fait la peinture appliquée a fresco, comme celle occasionnellement observée à Mégara. Notons pour terminer qu’on ne connaît pas de cas d’enduits extérieurs.
Les seuils et les passages
Typologie des seuils
19Le classement typologique des seuils de Mégara Hyblaea présenté ici est issu de travaux plus anciens qui avaient permis de recenser les seuils de Mégara, de les caractériser et de les classer en différents types21. Cette étude a notamment permis de déterminer que, dans plus d’un cas sur quatre, ces seuils avaient été remaniés afin de mettre en place un système de fermeture différent ce qui, d’un point de vue strictement typologique, a pour effet de faire passer le seuil remanié d’une catégorie à une autre. Surtout, on peut interpréter ce remaniement d’un point de vue fonctionnel qui traduit une réorganisation – pour ne pas dire une nouvelle phase – de la structure à laquelle appartient le seuil remanié. Le matériau utilisé dans la plupart des seuils mégariens était la panchina, ce qui explique leur état d’usure et de dégradation. C’est sans doute pour remédier à cela que les constructeurs ont parfois choisi le calcaire de Melilli, plus résistant et indéniablement plus esthétique22. L’utilisation du bois pour fabriquer les seuils reste une possibilité bien qu’il n’en existe pas de vestiges. Le recensement des seuils a livré au total 394 exemplaires, répartis en cinq types principaux. Sur l’ensemble de ces blocs, seule une toute petite partie appartient à coup sûr à des constructions publiques, qui sont pour la plupart d’époque archaïque. Le tableau 5 donne le bilan comptable de la répartition des seuils par type.
Tableau 5
Type | Description | Quantité (pourcentage sur 380) |
Archaïque | 14 | |
Type a | Sillon longitudinal large | 171 (45 %) |
Type b | Canaux d’insertion | 60 (15,8 %) |
Type c | Rainure longitudinale | 9 (2,4 %) |
Type d | Mortaises latérales | 42 (11 %) |
Type e | Sans mortaises ni cavités | 50 (13,2 %) |
Indéterminé | Type non identifiable | 48 (12,6 %) |
Total | 394 (380 + 14) |
20Type a
C’est de loin le type de seuil le plus répandu à Mégara Hyblaea : on en recense cent soixante et onze.
Comme caractéristique principale, il présente un sillon sur sa face supérieure, de longueur égale ou légèrement inférieure à celle du bloc, et placé plus près de l’avant du seuil que de l’arrière. Sa largeur et sa profondeur sont de l’ordre d’une dizaine de centimètres. Cette catégorie de seuils est celle qui a subi le plus de remaniements, que l’on peut répartir en deux groupes. Sur les blocs du premier groupe, on a créé une feuillure adjacente au sillon, moins longue et moins profonde que celui-ci. L’opération effectuée sur les autres blocs est plus aboutie. On a également dégagé une feuillure dans laquelle on a creusé sur toute sa largeur deux canaux perpendiculaires au sillon, placés près des extrémités de la feuillure (fig. 9).
21Type b
C’est un groupe de seuils qui présente une homogénéité morphologique remarquable car, contrairement au type précédent, il n’a fait que très rarement l’objet de remaniements ; c’est également le type le mieux représenté après le type a, puisqu’on en compte soixante exemplaires. Ce type possède deux variantes dont la première caractéristique commune est une feuillure de dimensions inférieures à celles du bloc, de sorte que le pas fait retour sur les côtés. L’autre caractéristique est la présence de deux canaux d’insertion creusés perpendiculairement au seuil et placés sur les bords de la feuillure : c’est la forme de ces canaux qui permet de distinguer les deux catégories. La très grande majorité de ces seuils est dotée d’une gâche creusée dans la feuillure, tout près du pas. Pour la première variante identifiée (nettement moins courante que la seconde), les canaux d’insertion sont droits et couvrent toute la largeur de la feuillure. Dans la deuxième variante, ces canaux prennent la forme très caractéristique d’un gamma majuscule23. Lorsqu’il y en a deux, ils adoptent une position symétrique par rapport à l’axe transversal du bloc. Lorsqu’il n’y en a qu’un seul, il est généralement situé à gauche (fig. 10).
22Type c
Il en existe très peu sur le site : neuf exemplaires. Les seuils de ce type se définissent par une caractéristique principale : sur une moitié du bloc, la face supérieure est entaillée d’un sillon environ deux fois moins large que ceux trouvés sur le type a (nous la qualifierons d’ailleurs de « rainure »). Je n’ai pas noté de réelles variantes au sein de ce groupe, bien qu’il ait pu en exister. En effet, sur quatre des neuf blocs, seule la partie avec la rainure est conservée : quand l’autre partie existe, elle comporte un canal d’insertion en gamma mais, lorsqu’elle manque, on peut très bien imaginer une autre sorte d’aménagement, correspondant à un autre système de fermeture (fig. 11).
23Type d
On dénombre quarante-deux seuils de ce type à Mégara Hyblaea. La caractéristique commune aux blocs de cette catégorie est la présence de deux mortaises quadrangulaires positionnées aux extrémités du seuil (plus rarement, d’une seule mortaise). Comme pour le type a, la majorité des seuils de type d a été modifiée, de façons similaires. La première variante consiste donc en l’ajout d’une feuillure. Dans la deuxième variante, en plus de la feuillure, on a également creusé deux canaux d’insertion au niveau des mortaises (fig. 12).
24Type e
On recense quarante-huit seuils de ce type à Mégara Hyblaea. Il s’agit de blocs généralement bien dressés qui sont dépourvus des cavités et des mortaises attribuables à un système de fermeture. On distingue cependant deux catégories : une partie (moins de la moitié) des seuils a sa face supérieure complètement plane alors que les autres possèdent une feuillure (fig. 13).
Les systèmes de fermeture
25Les divers dispositifs de fermeture peuvent se ranger en deux grandes catégories : il y a ceux qui mettent en jeu un système à pivot et crapaudine et ceux qui utilisent des charnières ou des ensembles à gonds et pentures. Chacune de ces catégories a en commun la présence d’un ou deux battants mais le reste des pièces d’huisserie est différent. Chacun des types de seuil, suivant sa morphologie, est donc adapté à l’une ou l’autre catégorie. Les seuils de type e ne permettent pas d’accueillir directement un système de fermeture et ils nécessitent donc certains aménagements supplémentaires. Quant à ceux de type c, ils impliquent également un dispositif un peu à part. Le tableau 6 présente l’association entre types de seuil et systèmes de fermeture.
Tableau 6
Système de fermeture | Types de seuil |
Sans aménagements pour système de fermeture | Type e |
Battants mobiles par pivots et crapaudines | Type a Type b Type d |
Battants mobiles par charnières ou par gonds et pentures | Type a Type d |
Battant mobile et panneaux amovibles (« seuils de boutique » ou « seuils à glissière ») | Type c |
26On constate d’emblée que deux types (le type a et le type d) peuvent accueillir deux systèmes différents : il s’agit en fait de variantes de ces types qui ont des caractéristiques similaires et qui traduisent donc une même évolution technique.
L’huisserie
27Le système à charnières ou à gonds et pentures utilisé avec certains seuils de type a et de type d reposait sur la présence d’un dormant sur lequel étaient fixés les charnières ou les gonds qui permettaient la rotation du battant. Les menuisiers pouvaient alors opter pour la solution à un seul vantail, large et donc plus pesant, ou à deux battants, peu ergonomique. Dans ce dernier cas la partie inférieure du bâti dormant (la sole) devait être logée dans le sillon, ou les mortaises de la dalle, et dépasser la surface de quelques centimètres pour offrir un butoir aux vantaux. Aucune de ces deux solutions n’était vraiment satisfaisante en l’état et on comprend mieux la présence d’une feuillure (et donc d’un pas) pour certains seuils de type a et de type d : c’était alors la feuillure et non la sole qui servait de butoir (fig. 14).
28Le système à pivot et crapaudine utilisé avec les seuils de type b et les variantes particulières des seuils de type a et de type d supposait des aménagements différents. Les battants étaient équipés de pivots sur leurs faces inférieure et supérieure ; ce pouvait être soit des pièces métalliques soit des excroissances de bois renforcées par du métal. Ces pivots tournaient dans des crapaudines creusées dans la dalle, aux extrémités ; elles se présentaient sous la forme de petites cuvettes ou bien de plaques de métal scellées dans le bloc24. Sur le seuil lui-même les découpes, droite ou en gamma, servaient à introduire le vantail en le présentant perpendiculairement au seuil, en plaçant ensuite le pivot supérieur dans la crapaudine du linteau 25 puis en faisant glisser le pivot inférieur le long de la rainure jusqu’à sa crapaudine (située à l’extrémité de la découpe). Pour rendre l’opération possible, le pivot supérieur devait être légèrement plus long que le pivot inférieur, et éventuellement être raboté pour faciliter l’inclinaison du battant. Si les seuils de type b étaient prévus dès le départ pour accueillir un tel dispositif, les seuils de type a et de type d ont dû être modifiés en ce sens en taillant dans le bloc des mortaises en gamma : il s’agit donc bien d’une évolution technique dont on verra plus bas les possibles implications chronologiques.
29Les seuils de type e, lorsque c’étaient de simples dalles, n’étaient pas forcément associés à un système de fermeture. Lorsqu’ils se trouvaient dans des passages intérieurs ou bien des entrées de salles par nature ouvertes (exèdres), on peut très bien imaginer que l’embrasure était libre de toute porte ou simplement dissimulée par un rideau26. Dans les cas où il y avait bel et bien une fermeture de la baie, celle-ci devait donc fonctionner avec des éléments rapportés. En théorie, ces éléments pouvaient relever de l’un ou l’autre système de fermeture. Quant aux exemplaires avec feuillure, l’explication la plus plausible est de supposer que celle-ci, au lieu de servir directement de butée pour les battants, permettait d’encastrer un dormant en bois. Mais, pour que ce dernier reste en place, il fallait certainement recourir à des cales ou à des coins insérés entre le dormant et l’encadrement de la porte. Dans cette hypothèse, seul le dispositif à charnières ou gonds et pentures est envisageable (fig. 15).
30Le fonctionnement du système de fermeture associé aux seuils de type c dépendait de cette rainure très caractéristique creusée dans une partie de la face supérieure du seuil : celle-ci était destinée à accueillir des panneaux amovibles que l’on insérait un par un. Pour cela, il fallait que la face inférieure du linteau soit également munie d’une rainure située en vis-à-vis de celle du seuil. L’autre partie du seuil était pourvue d’une feuillure et accueillait un battant. Pour mettre en place un panneau, il suffisait de le présenter obliquement au niveau de cette feuillure puis de l’insérer dans la rainure du linteau (creusée plus profondément à cet effet). On le rabattait ensuite contre le pas et on le faisait glisser jusqu’à sa position finale (fig. 16). La configuration de ce dispositif fait qu’il était particulièrement adapté pour fermer l’entrée d’une boutique et c’est d’ailleurs sous le nom de « seuil de boutique » que ce seuil est généralement connu dans la littérature archéologique27.
Les jambages et les linteaux
31Certains des seuils recensés sont encore associés in situ à un ou à deux jambages : il y a au total cinquante et un de ces passages avec piédroit(s) encore visibles à Mégara. Les linteaux, quant à eux, manquent totalement ; on peut néanmoins les restituer soit avec une feuillure pour accueillir le bâti dormant pour le système à charnières ou gonds et pentures, soit avec des contre-crapaudines pour les systèmes à pivots. Dans l’ensemble des cas, les jambages se présentent sous la forme de blocs indépendants reposant complètement ou en partie seulement sur la dalle de seuil qu’ils encadrent28. Un grand nombre d’entre eux ont leurs tableaux taillés de façon à former une feuillure. Lorsqu’il y avait un bâti dormant (pour certains des seuils de type a, de type d et de type e), la feuillure des jambages aidait à maintenir correctement en place les éléments verticaux de la fermeture (fig. 17). Les constructeurs devaient alors procéder d’une façon particulière pour mettre en place la sole du dormant lorsque les piédroits mordaient sur le seuil car il fallait à la fois insérer la sole dans le sillon et l’engager sous les jambages : on suppose que celle-ci devait nécessairement être composée de deux parties que l’on plaçait l’une après l’autre. Afin d’accroître la solidité de l’ensemble, ces deux parties étaient probablement solidarisées entre elles par un tenon et une mortaise ou par des crampons métalliques. C’est d’ailleurs un système de liaison similaire qui devait permettre d’assembler entre eux les autres éléments du dormant. Pour les systèmes à pivot (certains seuils de type a, de type c et de type d ainsi que tous les seuils de type b), la présence d’une feuillure dans les jambages s’expliquait par la nécessité de protéger les portes au niveau des pivots, ceux-ci jouant dans l’angle intérieur de la feuillure des jambages (fig. 18)29.
Le verrouillage
32Les systèmes de verrouillage des portes, tels qu’on peut les restituer, se basaient sur plusieurs principes généraux, bien exposés ailleurs et sur lesquels on ne reviendra pas ici30. On signalera seulement qu’il existe à Mégara quelques exemplaires de clés qui correspondent aux serrures antiques. Certaines proviennent de contextes indéterminés mais d’autres sont clairement associées à une maison d’époque républicaine (fig. 19).
Considérations chronologiques
33Sur l’ensemble du corpus, quatorze seuils seulement peuvent être considérés à coup sûr comme archaïques, tous les autres étant par conséquent « post-archaïques » ce qui, dans le cas de Mégara, signifie bien souvent qu’ils étaient « hellénistiques » au sens large31. L’identification de ces seuils archaïques mérite que l’on s’y penche rapidement ici car il y a certains enseignements à en tirer. Leur faible nombre pourrait d’abord indiquer qu’on avait alors très peu recours à la pierre et que les seuils archaïques devaient être dans leur majorité construits en matériaux périssables. On peut aussi supposer qu’il s’agissait de simples dalles que l’on ne peut donc pas distinguer des autres éléments du mur. Cela peut se concevoir pour des passages intérieurs, beaucoup moins dans le cas d’ouvertures sur l’extérieur qui n’auraient donc pas été fermées32. Il est donc probable qu’à Mégara la très grande majorité des seuils des maisons archaïques étaient en bois33, d’autant que tous les seuils en pierre semblent bien trop imposants et monumentaux pour avoir été utilisés dans un contexte domestique. Ces derniers, outre leurs grandes dimensions, ne comportaient aucun de ces aménagements caractéristiques d’un dispositif de fermeture à pivots et crapaudines. La feuillure dite « trapézoïdale » apparaît même comme typique des seuils de cette époque, cette forme particulière étant certainement destinée à mieux maintenir la sole du dormant (fig. 13). Pour résumer, il est donc vraisemblable que c’était principalement les bâtiments publics de la Mégara archaïque qui étaient dotés de seuils en pierre permettant de fermer les passages avec des portes comportant des battants montés sur gonds ou sur charnières34.
34La très grande majorité des seuils présents à Mégara Hyblaea appartient donc à la ville classique, hellénistique et romaine. Pour autant l’approche chronologique des seuils mégariens n’échappe pas au flou qui prévaut à Mégara dès lors qu’il est question de dater des éléments d’architecture. Il est néanmoins possible d’opérer des rapprochements avec des sites présentant des contextes chronologiques et culturels similaires, en particulier grâce aux classements typologiques des seuils issus de quatre sites (Morgantina, Olbia-de-Provence, Pompéi et Claudia Baelo) dont est tiré le tableau comparatif ci-dessus (tableau 7). La plupart de ces seuils ayant l’avantage d’appartenir à des contextes mieux datés, on peut donc tenter d’établir des correspondances chronologiques avec ceux de Mégara.
Tableau 7
Système de fermeture | Pompéi | Claudia Baelo | Olbia-de-Provence | Morgantina | Mégara Hyblaea |
Sans aménagements pour système de fermeture | Type A | Type e | |||
Battants mobiles par pivots et crapaudines | Type A | Type 2 | Type C1a Type C2 et seuil VI, 5 | Type I Type II Type III | Type a Type b Type d |
Battants mobiles par charnières ou par gonds et pentures | Type B1 sauf seuil VI, 5 | Type a Type d | |||
Battant mobile et panneaux amovibles (« seuils de boutique » ou « seuils à glissière ») | Type C | Type 3 | Type B2 Type D1a Type D1b Type D2 | Type V | Type c |
35Le premier constat porte sur deux systèmes de fermeture qui se retrouvent dans les cinq classements typologiques : le système à panneaux amovibles et le système à pivots et crapaudines. C’est donc sur ces deux principes que l’on va appuyer en priorité le raisonnement.
36Pour le système à panneaux amovibles (celui des « seuils de boutiques »), le classement de Pompéi montre qu’il y avait une présence récurrente de ce type de seuil dans la phase romaine35. Les systèmes typologiques d’Olbia36 et de Claudia Baelo37, qui correspondent à un contexte chrono-culturel similaire à celui du classement de Pompéi, confirment cette tendance. On retrouve également le seuil de boutique à Glanum38 et Délos39, à chaque fois dans des contextes archéologiques relevant de la période romaine. De même, à Morgantina, sa présence n’est signalée que dans des structures datant d’après la conquête romaine de la cité40. Enfin, on en a retrouvé un à Camarine, dans une pièce de la stoa nord modifiée à l’époque romaine. Il apparaît au final que ce type de seuil ne semble pas exister en dehors de la période romaine41 : on peut assez sûrement en conclure que le seuil de boutique arrive avec la conquête romaine, voire qu’il s’agit d’une invention romaine.
37Les conclusions chronologiques sur le système à pivots et crapaudines sont moins évidentes car son existence est attestée dans des contextes nombreux et variés. À Délos, aux époques archaïque et classique, on le retrouve aussi bien dans la façade du Trésor 1 que dans l’entrée ouest du Létôon, le prodomos de l’Héraion B ou l’Oikos des Naxiens42. Le quartier de la Porte du Silène à Thasos recèle au moins deux exemples de seuils fonctionnant avec des crapaudines, datés aux alentours de 500 av. J.-C. par le fouilleur43. À Olynthe, donc à l’époque classique, il s’agit du seul système connu pour les seuils en pierre des maisons44. Cela semble être également la norme adoptée pour équiper les habitations de Priène à l’époque hellénistique : M. Schede y relève la présence systématique de seuils monolithes à feuillure avec des crapaudines circulaires creusées à même le bloc45. Toujours à l’époque hellénistique, les exemples abondent aussi bien à Érétrie46 qu’à Délos. Il s’agit donc là d’un principe connu et utilisé en différents endroits et à différentes époques, même si l’on peut noter une apparition assez franche dans les maisons à l’époque hellénistique. Le meilleur point d’appui chronologique vient en définitive de Morgantina où deux des types de seuil associés au système à pivots et crapaudines ressemblent fortement aux deux variantes du type b de Mégara : ceux qui possèdent des canaux d’insertion en gamma se rapprochent ainsi du type I de Morgantina et ceux qui ont des canaux droits, du type III. Or le type I est vraisemblablement attesté dès le milieu du iiie siècle av. J.-C. avant d’être modifié vers le milieu du iie siècle av. J.-C., période où le type III fait son apparition 47. Il est donc extrêmement tentant d’attribuer une datation similaire au type b de Mégara, dont les caractéristiques bien particulières sont très similaires. Signalons également que ce type de seuil se retrouve à Camarine, où on l’a observé dans la maison de l’Autel, construite après le milieu du iiie siècle (fig. 20). D’autre part, on a évoqué plus haut l’évolution technique de certains seuils de type a et de type d, modifiés afin de pouvoir accueillir un système de fermeture à pivots et crapaudines. Or cette évolution pourrait très bien être avoir été inspirée par les caractéristiques des seuils de type b et résulterait de l’adaptation aux seuils de type a et d d’un dispositif de fermeture plus performant. D’ailleurs, R. Kyllingstad et E. Sjöqvist avaient déjà publié dans leur classement un seuil à sillon large modifié par l’ajout de canaux d’insertion48.
38Ce rapide raisonnement sur l’aspect chronologique des seuils de Mégara montre donc que deux types de seuil (ou plutôt deux systèmes de fermeture) peuvent être attribués à des périodes relativement précises. C’est en tout cas vrai pour le type c qui ainsi ferait son apparition à la fin du iiie siècle, soit après la conquête de Mégara par les troupes romaines. C’est un peu plus vague pour le type b et les variantes des types a et d qui se rapprochent du type b : je formule toutefois l’hypothèse que les premières occurrences doivent se situer vers le début du iiie ou la fin du ive siècle. C’est-à-dire que le système à pivots et crapaudines n’était pas encore utilisé à l’époque archaïque, voire au début de l’époque classique, où l’on devait avoir recours au système à gonds et pentures associé avec certains seuils de type a et d ou même de type e. À Camarine, les passages situés dans les têtes d’îlots sur la platéia B étaient marqués par des « seuils monolithes »49. Ceux que j’ai pu repérer, dans un état très dégradé, étaient effectivement constitués par un unique bloc ; surtout, ils étaient très proches des seuils type a avec feuillure (comparer fig. 9 et fig. 20). Ces vestiges appartiendraient à la « ville de Timoléon », soit à des structures du dernier tiers du ive siècle. Dans le quartier de la maison de l’Autel, les seuils et leurs piédroits sont décrits comme de « gros blocs en remploi »50 ; très bien conservés, ceux-ci confirment l’interprétation des seuils de la platéia B, certains présentant même les mortaises latérales pour l’insertion des pivots des battants (comparaisons fig. 9 et fig. 20). D’autre part, une étude des seuils de Sélinonte a montré en premier lieu que les crapaudines taillées en forme de cuvette et ménagées dans la dalle étaient non seulement rares mais aussi qu’elles ne se trouvaient que dans les maisons grecques. La même remarque vaut pour les mortaises appelées ici en gamma, qui caractérisent les seuils du type b. La solution technique adoptée pour les seuils de la période punique (dernier quart du ive siècle à milieu du iiie siècle) consistait en un sillon creusé dans la longueur et de deux petits canaux perpendiculaires au sillon et placés vers les extrémités de la dalle51 : il s’agit précisément des mêmes aménagements que ceux que l’on trouve à Mégara dans des seuils de type a avec feuillure et sillons latéraux. Rappelons pour finir que le remploi des blocs de seuils, comme pour les éléments de murs, était monnaie courante à Mégara : ceux-ci pouvaient être soit réutilisés ailleurs, dans des élévations ou des fondations de mur, soit laissés en place afin de servir de base pour les élévations suivantes (lorsqu’on condamnait un passage).
Les sols
39On distinguera dans la suite les différents types de sols de la façon suivante. Il y a d’abord le « sol brut », non aménagé, constitué par exemple par la surface de la roche-mère. Il y a ensuite les sols d’origine anthropique. Parmi ceux-ci figure en premier lieu le « sol aménagé » réalisé par apport de terre ou de sable, de graviers ou de cailloux, autrement dit le « sol en terre battue » ou « en compactage de terre ». Ces sols ne sont pratiquement plus visibles aujourd’hui à Mégara, même si leur présence dans l’habitat quelle que soit l’époque ne fait aucun doute52. Dans la suite de l’ouvrage, on parlera uniquement d’un autre genre de sol d’origine anthropique : les « sols construits », une appellation qui englobe à la fois les bétons et les pavements.
40Il n’y avait pas de matériaux spécifiquement importés pour la réalisation des sols construits. Les dalles des dallages de pierre sont issues des roches locales et les briques cuites (ou les morceaux de tuiles) utilisées dans certains pavements étaient très vraisemblablement produites sur place à partir de l’argile limoneuse qui abonde dans les cours d’eaux voisins. La chaux, les sables calcaires et le tuileau qui composent les sols bétonnés ont naturellement la même origine locale que les matériaux dont ils sont issus.
Typologie des sols construits
Les sols bétonnés
41Avant de commencer la discussion sur les « sols bétonnés », il est nécessaire de préciser ce que j’entends par cette expression. J’ai choisi de ne pas utiliser des termes courants dans la littérature archéologique comme opus signinum ou cocciopesto à cause de leur sens souvent ambivalent et peu clair53. Dans tout ce qui suit, je parlerai donc de « sol bétonné » de manière générale et, selon la granulométrie, de « béton » ou de « mortier ».
42Les sols bétonnés mégariens sont de trois types : béton de tuileau, et béton de tuileau à tesselles, mortier de calcaire. Sur l’ensemble du site, on connaît trente-six sols en béton de tuileau (avec ou sans tesselles) et cinq sols en mortier de calcaire (tableau 8).
Tableau 8 - Liste des sols bétonnés à Mégara.
Type | Localisation | Références |
Bétons de tuileau | 5 sols (?), immédiatement à l’ouest de la maison 13,22, bâtiments construits par-dessus l’enceinte hellénistique R2 et presque entièrement démontés lors des fouilles. | Mégara 3, p. 16 ; Mégara 7, p. 408-411 |
Sol 14p1, maison 13,22, pièce b | Mégara 3, p. 14, fig. 13 et p. 15-16 Mégara 7, p. 412-413 (fig. 21d) | |
Sol 14p2, maison 13,22, pièce c | ||
Sol 13p1-p2 (le même sol couvre les pièces h et i), maison 13,22, pièces h et i (« bains de Gnaius Modius ») | Mégara 3, p. 14, fig. 13 et p. 15-16 Mégara 7, p. 408-411 Mège 2013, p. 207, fig. 6 et p. 211 | |
Sol 13p4, maison 13,22, couloir entre les pièces h et g (« bains de Gnaius Modius ») | Mégara 3, p. 14, fig. 13 et p. 15-16 Mégara 7, p. 408-411 (fig. 21c) | |
Sol 13p3, maison 13,22, pièce g (« bains de Gnaius Modius ») | ||
Sol 13,51, édifice inconnu situé dans la rue pomériale de l’enceinte hellénistique R2, au sud-ouest de la maison 13,22 | Mégara 7, p. 408-411 | |
Sol 23p1, bâtiment VI A, pièce sud-est | Mégara 3, p. 18-20, fig. 17 Mégara 7, p. 420-423 | |
Sol 23p3, au sud du bâtiment VI A | ||
Sol 22p3, maison VI G-H, pièce 36 | Mégara 3, p. 74-76, fig. 53 Mégara 7, p. 418-419 (fig. 21b) | |
Sol 21p2, maison VI Mb, partie sud de la pièce 36 | Mégara 3, p. 86-88, fig. 59 Mégara 7, p. 432-433 | |
Sol 32p1, Bains hellénistiques, pièce 21b | Mégara 3, p. 49-60, fig. 37 Mégara 7, p. 436-437 | |
Sol 32p2, Bains hellénistiques, pièce 21c | ||
Sol 32p3, Bains hellénistiques, pièce 21e | ||
Sol 32p4, Bains hellénistiques, pièce 21f | ||
Sol 32p5, Bains hellénistiques, pièce 21d | ||
Sol 32p6, Bains hellénistiques, pièce 21g | ||
Sol 32p7, Bains hellénistiques, pièce 21i | ||
Sol 32p8, Bains hellénistiques, pièce 21h | ||
Sol 32p9, Bains hellénistiques, pièce 21l | ||
Sol 32p10, Bains hellénistiques, pièce 21m | ||
Sol 32p11, Bains hellénistiques, pièce 21k | ||
1 sol mentionné dans Mégara 3 mais manquant, maison X M, pièce 41 | Mégara 3, p. 81-83, fig. 57 Mégara 7, p. 432-433 | |
Sol 39p2, maison X N, pièce 20 | Mégara 3, p. 82-84, fig. 57 Mégara 7, p. 446-447 | |
1 sol, maison IX A, pièce 6 | Villard 1951, p. 18-20, fig. 3 Mégara 7, p. 458-459 | |
1 sol, maison IX A, pièces 16 et 17 | Villard 1951, p. 18-20, 22, fig. 3 Mégara 7, p. 444-445, 458-459 | |
1 sol, maison IX A, pièce 4 | Villard 1951, p. 18-20, fig. 3 Mégara 7, p. 458-459 Mège 2013, p. 203-206, fig. 2 | |
Sol 50p1, bâtiment XV A, pièce 7 | Mégara 3, p. 35-39, fig. 30 Mégara 7, p. 450-451 Mège 2013, p. 206-210, fig. 3 | |
Sol 49p3, maison XV B, pièce B18 | Haug, Steuernagel 2014a, Plan 6, p. 46-49, 61 Mégara 7, p. 470-471 Mège 2013, p. 207, fig. 4 et p. 210 | |
Sol 58p1, maison XV F (pièce 58,28P) | Mégara 7, p. 470-471 | |
Sol 58p2, maison XV F (pièce 58,28G) | ||
Sol 58p5, pièce en face de la palestre hellénistique, de l’autre côté de la rue B | Voir Mégara 7, p. 476-477 | |
Mortiers de calcaire | Sol 22p2, maison VI G-H, pièce 34 | Mégara 3, p. 75, fig. 53 et p. 74-76 Mégara 7, p. 418-419 |
Sol 30p1, maison X L (= 40,15), pièce 60 | Mégara 3, p. 82-83, fig. 57 Mégara 7, p. 432-433, 435-436 (fig. 22a) | |
Sol 49p1, maison XV B, pièce B15 | Haug, Steuernagel 2014a, Plan 6 et p. 43-44 Mégara 7, p. 460-461 (fig. 22b) | |
Sol 49p2, maison XV B, pièce B17 | ||
Sol 58p4, maison XVIII F, pièce nord-ouest | Mégara 7, p. 470-471 (71 à 73) |
43Outre le sable, les agrégats utilisés pour la fabrication de ces sols étaient donc soit du tuileau, soit des débris de roches calcaires. La chaux est le seul liant identifiable. Pour autant qu’on ait pu le constater en coupe, on retrouve exactement pour les bétons de tuileau les niveaux de construction tels que les a décrits Vitruve, ce qui autorise à utiliser les mêmes termes54. Ainsi, de bas en haut, on rencontre d’abord une couche de gros cailloux faisant radier de fondation (le statumen), puis une couche de cailloutis ou de gravier pris dans un mortier (le rudus ou ruderatio) et enfin le nucleus. C’est cette dernière couche qui est un béton de tuileau, éventuellement agrémenté de tesselles. L’épaisseur du rudus est de l’ordre de 8-10 cm et celle du nucleus d’environ 1 cm (fig. 21a). Pour les mortiers de calcaire, la dernière couche n’existe pas et c’est donc le rudus qui se trouve en surface ; son épaisseur est équivalente à celle des bétons de tuileau (fig. 22c).
44Sur les bétons de tuileau à tesselles, les motifs sont organisés selon les dispositions suivantes :
semis irréguliers,
semis réguliers parallèles,
semis réguliers en oblique,
quadrillage losangé,
méandres de svastikas et carrés,
crossettes.
45Les tesselles utilisées pour la décoration étaient blanches, à part celles des motifs du sol 14p255 et de l’inscription à l’entrée des bains dits de « Gnaius Modius »56. Il faut préciser qu’il est question dans tous les cas de tesselles disjointes entre elles : autrement dit, aucun de ces sols ne peut être qualifié de mosaïque ou, plus exactement, de pavement de mosaïque. Les semis irréguliers de tesselles sont composés de tesselles disposées de façon non ordonnée (fig. 21b) ; les semis réguliers peuvent être soit parallèles (ou perpendiculaires) aux murs de la pièce, soit disposés à l’oblique par rapport à eux : ce sont les seuls motifs en tesselles attestés dans les maisons de Mégara (fig. 21c). L’exception est à nouveau le sol 14p2 de la salle de réception 14,59b dont le décor comporte un quadrillage de losanges figurant le paillasson d’entrée de la salle et un décor central de méandres constitués d’une alternance de svastikas et de carrés avec des crossettes de tesselles blanches et bleues au centre des carrés (fig. 21d). Les angles des losanges ainsi que le cadre du motif central (une tesselle sur deux) comportaient également des tesselles bleues. Les bétons de tuileau étaient les seuls sols bétonnés à être décorés ; néanmoins, on peut envisager que les sols en mortier de calcaire aient été peints et ce, même si aucune trace de peinture ne subsiste aujourd’hui (fig. 22a-b)57.
46La technique des sols bétonnés répondait au besoin d’avoir des niveaux de circulation qui soient solides, résistants à l’usage et imperméables lorsqu’ils se trouvaient dans des endroits directement exposés à l’eau ou soumis à un nettoyage fréquent. Leur imperméabilité leur était conférée par l’ajout dans le mortier d’une substance qui provoquait un durcissement plus rapide de la chaux (par carbonatation) et permettait d’autre part au mélange de résister à l’action de l’eau. La nature de cette substance variait selon les lieux, les époques et les matériaux disponibles sur place : à Mégara, ce rôle de durcisseur et, éventuellement, de composant imperméabilisant, était assuré par le tuileau (pour les bétons de tuileau) ou par la concrétion qui se formait en surface (pour les mortiers de calcaire). Les sols bétonnés étaient employés aussi bien dans les édifices publics que dans les habitations privées et se trouvaient surtout au rez-de-chaussée bien que parfois à l’étage58. Notons pour finir que la présence des sols bétonnés allait généralement de pair avec celle de revêtements muraux.
47Les bétons de tuileau ont connu une diffusion importante dans l’architecture domestique sicéliote à partir du iiie siècle. Il serait inutile de redonner ici la liste complète des bétons de tuileau connus en Sicile : ce travail de recensement et de catalogage a été fait de façon (quasi) exhaustive ailleurs59. Je voudrais plutôt me pencher sur la situation dans les sites auxquels on s’intéresse ici, afin de la comparer à celle de Mégara. Pour la Sicile orientale, on relève la présence de bétons de tuileau à Camarine (dans le quartier de la maison de l’Autel), à Géla (dans la villa Iacona) et à Tyndaris. Néanmoins, c’est à Syracuse et surtout à Morgantina que l’on a le plus d’exemples60.
48L’un des sols de la maison de l’Autel est un béton de tuileau à tesselles avec des motifs assez complexes : il s’agit d’une partie centrale en tesselles blanches dessinant un motif d’écailles de poisson et d’un cadre formé d’un méandre de svastikas et de carrés alternés en tesselles noires et tesselles blanches (fig. 23a)61. Celui-ci ne ressemble donc pas au seul décor élaboré du répertoire domestique mégarien, le sol 14p2, mais on retrouve par contre le décor à files parallèles de tesselles blanches sur plusieurs sols de Mégara : dans l’une des pièces de la maison de l’Autel et dans l’une de celles du « grand îlot », décrite comme une pièce de service (fig. 23b et 23c)62. Dans la villa Iacona à Géla, l’une des pièces au nord possède un mortier rose (les fouilleurs parlent eux d’un « cocciopesto rosé ») irrégulièrement incrusté de fragments de marbre blanc, accompagné d’un enduit pariétal (composé d’une première couche de 4-6 cm d’épaisseur recouverte d’une deuxième, très fine, de couleur grise, épaisse de 0,20 cm). Dans la pièce voisine, désormais interprétée comme andrôn, se trouve une banquette périphérique de 0,95 m de large, surélevée de 8 cm par rapport au reste de la pièce, faite d’un mortier peint en rouge (les fouilleurs le décrivent comme un « cocciopesto rouge »), aux rebords moulurés63. Enfin, à Tyndaris, les exemples connus dans les maisons sont bien moins nombreux puisque, dans la maison C de l’insula IV, un seul sol bétonné a été mis au jour : il s’agit d’un béton de tuileau décoré de deux files de tesselles blanches qui s’étiraient parallèlement à deux de ses murs. De gros fragments rectangulaires ou losangés de marbre et de brèche polychromes furent manifestement ajoutés dans un second temps au niveau de la partie centrale64.
49Les bétons de tuileau de Syracuse sont signalés de façon générale dans des contextes d’époque romaine, ce qui irait dans le sens de leur arrivée dans les maisons syracusaines à partir de la fin du iiie siècle65. Plusieurs bétons de tuileau à tesselles ont été décrits dans les fouilles anciennes (et généralement désignés comme des opus signinum) mais, comme on va le voir plus loin avec Morgantina, les motifs de tesselles présents sur ces bétons de tuileau n’ont pas exactement la même disposition que celle que l’on connaît à Mégara pour le sol 14p2. Ce type de sol a été rencontré dans les deux salles principales de la maison romaine au cryptoportique de Tychè, l’un comportant un simple semis de tesselles et l’autre un semis de tesselles alternées avec des crossettes66. Toujours dans Tychè a été mis au jour un béton de tuileaux à tesselles avec une bordure à méandres encadrant un panneau central en quadrillage de losanges, appartenant selon le fouilleur à une maison romaine67. La pièce (f) de la maison 2 près de l’amphithéâtre romain avait notamment un enduit mural rouge, peut-être à imitation architecturale, associé à un béton de tuileau à tesselles blanches qui comportait un motif central à quadrillage de losanges, un paillasson à méandres de svastikas et carrés et des bordures en semis réguliers parallèles68. Dans la maison 6, l’une des pièces comportait encore dans un angle un béton de tuileau à méandres de svastikas et carrés en tesselles blanches69. L’une des pièces de la maison « pré-augustéenne » du viale Timoleonte possédait un béton de tuileau avec un quadrillage de losanges en tesselles blanches au centre, encadré par deux files de tesselles. La pièce adjacente était décorée d’un béton de tuileau à tesselles plus sophistiqué : les bordures étaient composées d’une file de tesselles blanches parallèles aux murs à l’extérieur et à l’intérieur, et de semis réguliers de crossettes noires et blanches entre les deux files ; le panneau central (large de 1,1 m et long de 2,4 m) comportait un dessin de larges demi-cercles et quart-de-cercles tangents en tesselles noires et blanches70.
50À Morgantina, beaucoup de sols décorés se trouvent dans les maisons et la plupart de ces sols sont des bétons de tuileau71. Leur structure se compose d’abord d’une couche de terre ou de sable surmontée de gros cailloux, puis d’une épaisseur de 7 à 10 cm de mortier et tessons mêlés, et enfin du niveau de béton de tuileau composé dans les meilleurs exemples presque entièrement de morceaux de terre cuite. Ce dernier niveau est le plus souvent agrémenté de tesselles disposées dans le mélange frais avant de procéder au lissage72. Cette mise en œuvre du béton de tuileau est en tout point comparable à celle que nous venons de voir pour Mégara. L’organisation des tesselles consiste généralement en un unique motif couvrant toute la surface du sol, une composition souvent utilisée dans des lieux de circulation comme les couloirs ou les portiques (fig. 24a). Le motif central avec bordure est un autre arrangement assez courant, avec des bordures normalement assez étroites et de largeurs inégales, une disposition qui ne semble pas avoir été l’apanage d’un type de pièce comme les salles de banquet ou les salles de réception73. Celles-ci adoptaient plutôt des sols à mosaïques ou bien des bétons de tuileau avec un motif central et deux bordures différentes. L’usage de deux motifs distincts dans deux parties différentes d’une pièce aurait quant à lui été réservé aux chambres à coucher 74. Il faut noter deux différences fondamentales entre Morgantina et Mégara concernant l’organisation des motifs de tesselles : aucune partition du décor n’est connue dans les exemplaires mégariens, non plus que les bordures doubles. Quant au seul cas de paillasson ou, plutôt, de pseudo-paillasson (celui du sol 14p2), il nous semble très peu probable qu’il ait pu faire partie du décor d’une chambre à coucher75. Enfin les dispositions à motif unique des bétons de Mégara ne se trouvaient jamais dans des espaces de circulation, tout du moins dans les maisons76. Il y avait une plus grande diversité de types de motifs utilisés dans les bétons de tuileau à tesselles de Morgantina mais les manières de les réaliser étaient par contre tout à fait comparables à ceux de Mégara. La datation de ces sols n’a pu être réalisée que ponctuellement, lorsque des sondages de contrôle ne risquaient pas d’endommager une structure bien conservée : les constructions les plus anciennes ont été situées au début du iiie siècle et elles se sont poursuivies ensuite jusqu’à l’abandon du site, c’est-à-dire dans la première moitié du ier siècle apr. J.-C.77. Ces quelques éléments de datation ne sont pas suffisamment nombreux pour déterminer de façon suffisante l’époque de construction des premiers bétons de tuileau. Les éléments avancés en particulier pour la maison de Pappalardo se réfèrent à des fouilles anciennes et mal documentées, n’indiquant qu’une datation générique dans le courant du iiie siècle78. Pour la maison du Magistrat, ces éléments me semblent plus convaincants en ce qu’ils mentionnent des bétons de tuileaux plus anciens situés sous des sols plus récents qui ne peuvent cependant pas remonter au-delà du second quart du iiie siècle79.
51Hors de la Sicile orientale, les sols bétonnés sont particulièrement bien attestés à Monte Iato, Solonte et Sélinonte. Les matériaux de base utilisés dans la maison à Péristyle 1 de Monte Iato pour les « sols en mortier coulé » (Gussmörtelböden) sont les mêmes que ceux des enduits muraux80 : chaux, agrégats (morceaux de terre cuite, éclats de pierres, sable) et eau. Seule la couche supérieure pouvait être différente d’un sol à l’autre tandis que les couches inférieures étaient constituées de la même manière : un radier de pierres posé sur le sol naturel et surmonté de deux couches de béton étendues sur une épaisseur de 10-15 cm ; la première couche était un béton « maigre », constitué essentiellement de gravier lié avec peu de chaux ; la seconde comportait uniquement du tuileau comme agrégat et pouvait être éventuellement peinte en rouge ou décorée de tesselles, lorsqu’elle ne supportait pas la dernière couche réservée à la mosaïque. Les tesselles étaient de petits cubes de 1-2 cm3 de calcaire blanc ou de marbre81. Cette structure est, sans surprise, la même que celle que l’on a décrite à Mégara Hyblaea ; par ailleurs, le répertoire des motifs de tesselles est également assez proche de celui que nous connaissons82. Le corpus des sols bétonnés de Monte Iato comportait en particulier des mosaïques, des pavements d’éclats de pierres blanches, des sols appelés opus signinum, cocciopesto, opus spicatum et divers types de sols à base de chaux83. La plupart remontent à la période hellénistique de Monte Iato mais certains sont de l’époque archaïque et du début de l’époque classique. De façon générale, les mosaïques étaient rares à Monte Iato et c’étaient uniquement des mosaïques de tesselles84. L’opus signinum était décoré des mêmes tesselles blanches utilisées dans les mosaïques, parfois semées irrégulièrement (pièce sur le côté sud de l’agora), plus rarement organisées en losanges placés sur les contours d’une pièce et délimités par une ligne blanche (salle au nord du premier bouleuterion, contemporaine du sol en mosaïque). Le sol de l’ambulatoire du péristyle de la maison S1 était un opus signinum, de même que la maison du sondage 1125 à en juger par les éboulis. Tous ces exemples de sols appartiennent au plein iiie siècle85. Le cocciopesto semble avoir été moins utilisé. On le trouverait cependant dès la fin du ive siècle dans l’architecture publique (scène basse du théâtre, rez-de-chaussée du bâtiment de scène, portiques et salles de l’agora). En contexte privé, il y a un exemple de cocciopesto dans l’andrôn sud de la maison à Péristyle 286 et des bribes dans le sondage 1000 (en remplacement d’un sol en chaux). La chronologie du cocciopesto à Monte Iato indiquerait donc un usage de la fin du ive jusqu’à la fin du iie siècle, soit durant toute l’époque hellénistique ; il n’est toutefois pas possible de l’associer à un type de pièce en particulier87.
52Les sols bétonnés abondaient dans des villes comme Solonte et Sélinonte. Si, pour Solonte, il semble que ces sols datent d’une période assez tardive située entre le iiie siècle et le ier siècle, ce qui ne peut correspondre à la période punique de la ville88, c’est le contraire à Sélinonte où ils appartiennent presqu’en intégralité à la ville punique, donc entre le milieu du ive siècle et le milieu du iiie siècle89. Les sols bétonnés de Solonte font partie des éléments d’architecture les plus couramment utilisés dans l’épineux débat de la datation des maisons90. Ils étaient constitués par un mortier à base de chaux avec un agrégat soit en éclats de calcaire dolomitique soit en fragments de terre cuite et comportaient une solide fondation d’environ 0,30 m de hauteur, constituée parfois de trois niveaux de brocaille posée en hérisson, sur laquelle était étendu le béton (de tuileau ou d’éclats de calcaire). Les semis de tesselles des bétons de tuileau de Solonte n’apparaissaient que dans les bassins des cours à péristyle. Parmi les motifs plus complexes, le quadrillage de losanges semblait être plutôt répandu (maison à Cour) et parfois associé à un seuil en méandres de svastikas et carrés (maison 1, insula 7 où il apparaît à la fois dans l’oecus et dans un cubiculum). Le motif à losanges est traditionnellement tenu pour être le plus ancien et, à Solonte, ces bétons de tuileau étaient associés à des enduits du premier style91. Les Cocciopesto-Böden de Sélinonte comportaient un nombre important de tessons mélangés à une forte quantité de chaux, avec parfois également de petits cailloux de calcaire ou de marne, du sable, des petits galets et de rares mollusques92. Leur épaisseur totale variait entre 2,65 et 3,65 cm en moyenne. Ils ont été classés en cinq types selon deux critères : le nombre de couches et le traitement de la couche supérieure. Le type 1 est un béton simple (cinq à six exemples) ; le type 2, un béton double, avec une couche supérieure plus fine (treize exemples) ; le type 3, un béton simple avec éclats de pierre ou tessons soit mélangés à la pâte (donc désordonnés, type 3a : trois à six cas), soit enfoncés dedans (donc disposés régulièrement, type 3b : cinq cas) ; le type 4, un béton double avec éclats de pierre ou tessons enfoncés dans la couche supérieure (cinq cas) ; enfin le type 5, un béton simple avec petites pierres disposées les unes contre les autres, n’a été repéré qu’une seule fois. Dans le cas des bétons doubles, les deux couches correspondent à celles identifiées à Mégara comme étant le rudus (ici, la couche inférieure) et le nucleus (couche supérieure) ; toutefois, la couche inférieure des bétons de Sélinonte est nettement moins épaisse que le rudus des bétons mégariens : entre 2 et 3 cm contre 8 cm en moyenne.
53L’autre catégorie de sols bétonnés, les bétons ou mortiers de calcaire, était beaucoup moins bien représentée en Sicile. On les trouve ainsi surtout à Monte Iato où les sols en béton étaient faits d’un mélange de chaux et de sable ou de gravier, trop peu caractérisés pour pouvoir y discerner plusieurs types. Néanmoins, certains semblaient être plus résistants, comme ceux dans la maison du sondage 1000, dans l’andrôn septentrional de la maison à Péristyle 2, dans la pièce ouest derrière le portique nord de l’agora (peut-être une réfection) et enfin sur la petite place au sud du bâtiment de scène (utilisé vraisemblablement pour égaliser la surface de la roche-mère). La plupart de ces bétons étaient plutôt peu résistants, comme celui de la pièce 11 de la maison à Péristyle 1, peint en rose, qui a pourtant exceptionnellement bien résisté ; les autres étaient faits d’une couche fine qui a dû être renouvelée plusieurs fois93. Si la plupart de ces sols bétonnés de Monte Iato semblent trouver des rapprochements avec le corpus mégarien, on retiendra qu’ils sont visiblement apparus au moins un siècle avant ceux de Mégara.
54Le tableau 9 résume les différents exemples cités.
Tableau 9
Type | Autres occurrences | Références |
Bétons de tuileau | Monte Iato, maison à Péristyle 2, andrôn sud | Isler 1997b, p. 24-25 |
Monte Iato, sondage 1000 | ||
Bétons de tuileau à tesselles | Camarine, maison de l’Autel | Pelagatti 2006a, p. 23, fig. 13, 15 et 16 Pelagatti 1962, p. 259 (fig. 23a) |
Camarine, maison de l’Autel | Pelagatti 2006a, p. 22, fig. 9 (fig. 23c) | |
Camarine, maison du Grand Îlot | Pelagatti 2006a, p. 23, fig. 12 (fig. 23b) | |
Géla, villa Iacona | Pilo 2006, p. 153-156 Adamesteanu, Orlandini 1956, p. 345 | |
Tyndaris, insula IV, maison C | Aiosa 2010, p. 24-25 | |
Syracuse, maison romaine au cryptoportique (2 sols) | Orsi 1902 | |
Syracuse, maison romaine | Orsi 1905, p. 191 | |
Syracuse, quartier de l’amphithéâtre, maison 2, pièce f | Gentili 1951, p. 281-282, fig. 17 | |
Syracuse, quartier de l’amphithéâtre, maison 6 | Gentili 1951, p. 292-293 et fig. 26 | |
Syracuse, viale Timoleonte (2 sols) | Gentili 1956, p. 101-103 | |
Morgantina, maison du chapiteau dorique, portique sud (sol 9) | Tsakirgis 1990, p. 428 (fig. 24a) | |
Morgantina, maison du chapiteau dorique, pièce 3 (sol 2) | Tsakirgis 1990, p. 427-428 (fig. 24b) | |
Monte Iato, maison à Péristyle 1, pièces 2a, 15, 17, 21 et 22 | Brem 2000, p. 71-74 | |
Monte Iato, maison à Péristyle S1, péristyle | Isler 1997b, p. 23-24 | |
Monte Iato, sondage 1125 (1 sol) | ||
Solonte, bassins des cours à péristyle (plusieurs sols) | Greco 1997, p. 40-42 | |
Solonte, maison à Cour | ||
Solonte, insula 7, maison 1, oecus et cubiculum (2 sols) | ||
Mortiers de calcaire | Monte Iato, maison à Péristyle 1, pièce 11 | Isler 1997b, p. 26-27 |
Monte Iato, sondage 1000 | ||
Monte Iato, maison à Péristyle 2, andrôn septentrional |
Les pavements
55À Mégara, les « sols assemblés » les plus courants étaient de loin les dallages, notamment ceux en pierre : un seul dallage recourt exclusivement à des dalles en terre cuite tandis qu’un autre associe dalles en pierre et dalles en terre cuite (fig. 25c). Les carrelages de briques sont également peu répandus.
56Les dallages en pierre que l’on a recensés comportent très peu de dalles en panchina ou en calcaire de Mellili, même en remploi (fig. 25a-b). La nature assez tendre de la panchina peut expliquer que l’on ait répugné à utiliser ce matériau pour constituer un niveau de circulation ; quant au calcaire de Mellili, ce serait plutôt le coût en main-d’œuvre de son débitage en dalles qui justifierait son absence. Cela étant, les bâtisseurs se tournaient tout normalement vers les gisements locaux, pour peu que la roche y offrît une solidité satisfaisante pour construire le dallage ou le pavage d’une habitation : c’est donc le troisième type de roche (faciès Qc) qui a manifestement été employé à Mégara94. Les dallages de pierre à Mégara ont des éléments assez grossiers, dressés mais non plans, de modules très divers et assemblés à joints vifs. Ils étaient posés à même le sol, sans préparation autre qu’un probable aplanissement et en tout cas jamais sur des lambourdes95. À Sélinonte, les sols des pièces les plus sollicitées, en premier lieu les cours mais aussi les couloirs, consistaient en un pavement de pierres plates ou de fragments de briques, plus rarement de dalles de pierres. Ces éléments étaient souvent en remploi et disposés de façon sommaire96.
57L’utilisation d’éléments en terre cuite était beaucoup plus rare dans les pavements de Mégara. Dans les deux dallages de ce type que l’on connaît, on a utilisé des dalles de modules constants qui s’apparentent fort à des briques. L’un (appelé ici sol 33p1 = 33,97e dans l’Atlas de Mégara 7, fig. 25d) comportait des briques de module rectangulaire (0,66 × 0,48 × 0,10 m) et l’autre (le sol 24p1 = 24,36b dans l’Atlas de Mégara 7, fig. 25c) des briques de module carré (0,59 × 0,08 m). Comme pour les dallages en pierre, ces éléments en terre cuite étaient posés directement sur le sol et assemblés à joints vifs. Il existait d’autres types de pavements avec des éléments en terre cuite qui ne sont pas des dallages mais plutôt des carrelages à cause de la dimension et de la mise en œuvre de leurs éléments. On en connaît deux, en tout et pour tout : les sols 13p6 (= 13,127 dans l’Atlas de Mégara 7) et 21p1 (fig. 25e). Ces deux pavements étaient constitués de fragments grossièrement quadrangulaires issus de tuiles ou de briques, de longueurs comprises entre 5 et 10 cm et d’épaisseurs de l’ordre de 2 ou 3 cm, qui étaient ensuite coulés et solidarisés dans un mortier reposant sur un béton grossier. Cette sous-représentation des pavements en terre cuite par rapport à ceux en pierre peut étonner. En Sicile, on trouve à Morgantina, dans la maison de la Citerne à l’arche, des dallages de briques carrées97. À Syracuse, la maison 6, dégagée près de l’amphithéâtre romain, possédait un carrelage en petits carreaux de terre cuite d’apparence très semblable aux sols 13p6 et 21p1 évoqués plus haut ; la maison mitoyenne avait également ce type de sol : des carreaux de 6 cm de côté, associés à un béton de tuileau, comme pour le sol 21p1 de Mégara98. La cour de la maison 6 avait un sol constitué en partie d’un béton de tuileau et en partie de réfections de sols réalisées en petits carreaux de terre cuite99. Cette association rappelle fortement un exemple connu à Mégara où une même pièce était dotée d’un carrelage au nord, aux éléments de dimensions comparables, et d’un béton de tuileau au sud : sur la base d’autres indices, la maison VI M, à laquelle appartenait ce sol, a été interprétée comme une boulangerie romaine100. Il est intéressant de noter également qu’en Grande Grèce, donc dans un contexte proche de celui de la Sicile, plusieurs habitations hellénistiques de Velia possédaient un impluvium dont le fond était constitué par un dallage de briques disposées à plat, face inférieure sur le dessus101. La Casa dei Leoni à Locres Épizéphyréenne a abrité, tout au long de son histoire, différentes pièces pourvues de pavements en terre cuite. La pièce d, dans la première phase de l’habitation, avait un dallage de tuiles posées à plat et irrégulièrement ajustées102. Plus tard, à la troisième phase de l’habitation, une petite pièce avec un pavement a été ajoutée du côté nord-ouest : elle est interprétée comme des latrines103. Deux autres pièces ont également possédé à un moment donné un pavement à base de tuiles, mais celles-ci étaient liées par un mortier de calcaire : il s’agit du premier état de l’andrôn et d’une salle de bains104.
Chronologie des sols construits
58Tout comme les murs ou les seuils, on ne peut raisonnablement s’attendre à obtenir une datation précise en étudiant la facture d’un sol construit. La technique à la base des sols bétonnés est très ancienne : on en connaît des manifestations concrètes en Anatolie dès le Néolithique où des matériaux à base de calcite et de pouzzolane ont servi, après calcination et mélange, à produire du plâtre 105. Au cours du Bronze récent, à Chypre, des mortiers à base de tuileau fin ont été mis en évidence dans des sols et des structures hydrauliques démontrant, de la part des constructeurs, une connaissance au moins empirique des propriétés hydrauliques du tuileau en tant qu’agrégat106. De là, ce type de mélange semble s’être diffusé dès l’âge du fer dans le Levant tout proche, notamment à Jérusalem où on a trouvé du tuileau dans le mortier revêtant des citernes du xe siècle107. En Grèce continentale, des sols bétonnés ne sont apparus qu’à partir du milieu du ve siècle dans les édifices publics et vers la fin de ce siècle dans les habitations108. L’origine de la technique est donc manifestement à situer au Proche-Orient, d’où elle se serait diffusée vers l’ouest de la Méditerranée par l’entremise des Phéniciens. Les sols bétonnés apparaissent ainsi au ve siècle dans le monde carthaginois109 et on les retrouve en Sicile, comme on l’a vu, dès la fin du ive siècle dans les maisons puniques de Sélinonte ainsi qu’à Monte Iato dans les édifices publics. Les bétons de tuileau sont bien attestés à Morgantina au iiie siècle et vers la fin du siècle à Ségeste, lors de la première phase de construction de la Casa del Navarca110. Enfin, dès le début du iiie siècle, voire avant, les bétons de tuileau se répandent en Italie du Sud, en particulier en Campanie111, avant de devenir prépondérants dans tout le monde romain à partir du iie siècle et jusqu’aux ier-iie siècles apr. J.-C.112. Les bétons de tuileau de Mégara doivent donc s’inscrire dans ce large spectre chronologique en ne remontant probablement pas au-delà du ive siècle, bien que certains éléments semblent indiquer qu’ils pourraient être nettement plus tardifs et dater d’après le milieu du iiie siècle. C’est probablement aussi le cas des mortiers de calcaire113.
59Il y a peu à dire sur les dallages de pierre, dont on sait qu’ils ont été employés dans les édifices publics du monde grec dès le début de l’époque archaïque et qu’ils ont commencé à s’imposer dans l’habitat vers la fin de l’époque classique. Quant à l’argile cuite, elle fut utilisée assez tôt sous forme de tuiles pour les couvertures (dès la fin du viie siècle pour les tuiles dites « protocorinthiennes ») mais les Grecs répugnèrent longtemps à l’employer dans la construction des murs114. Utilisées en remploi dans les sols, les briques et les tuiles en terre cuite connurent souvent de la sorte un deuxième usage115. L’un des carrelages de brique de Mégara a été attribué par F. Villard à une maison construite entre le milieu du iie et le troisième quart du ier siècle116 ; deux autres carrelages, les sols 13p6 et 21p1, appartenaient à des maisons romaines, donc après 213 av. J.-C. ; c’est également le cas pour les sols de Syracuse évoqués plus haut117. L’usage d’éléments d’argile ad hoc dans un sol assemblé était bien répandu à Velia avec les briques locales appelées en italien « mattoni di tipo eleate » ou « mattoni velini »118. Cuites dans des fours spéciaux, elles commencèrent à être utilisées dans la construction dès le début du iiie siècle, voire dès la fin du ive siècle119. Globalement, la brique cuite n’apparaît que tardivement dans l’architecture grecque et seulement sous l’influence romaine120. Visiblement et sans surprise, c’est aussi le cas à Mégara.
Les couvertures
60L’étude des couvertures a volontairement été limitée à l’étude de la typologie des tuiles, faute de données de fouilles suffisantes121. Cette étude typologique a elle aussi dû faire face à certaines carences avant de parvenir à des résultats permettant de restituer les toitures des habitations hellénistiques de Mégara : le corpus des tuiles sur lequel elle s’appuie comporte en effet une quarantaine d’exemplaires qui ont été simplement collectés sur le site ou dans des rebuts des fouilles anciennes122. Afin de me guider dans cette collecte, j’ai notamment sélectionné des éléments possédant une couleur de surface jaune vif, a priori inconnue dans les productions archaïques. Il a également fallu étudier les tuiles issues de contextes archaïques pour confirmer ce postulat et dégager des caractéristiques propres aux tuiles archaïques. Enfin, l’observation des types de tuiles remployées dans des structures clairement hellénistiques m’a permis d’affiner cette sélection.
Les tuiles archaïques
61La rareté des tuiles tant dans la stratigraphie que dans le comblement des puits sur l’agora archaïque avait déjà été soulignée par G. Vallet et F. Villard : ils s’étaient donc limités à écrire que les couvertures en tuiles n’existaient pas dans les premiers siècles de Mégara et qu’elles n’avaient commencé à s’imposer qu’au vie siècle123. Les fouilles du plateau sud, en particulier, ont permis d’apporter une nouvelle documentation sur les tuiles archaïques, avec des contextes de découverte bien déterminés et des enregistrements plus précis. Ce matériel nous est connu à travers deux environnements : l’un, funéraire, est celui des tombes dites « à tuiles », notamment les tombes « en bâtière » ; l’autre, plus riche, est directement lié à l’habitat via le comblement de puits abandonnés124. L’examen des formes montre que toutes les tuiles de courant étaient plates, avec des profils assez variés et des rebords latéraux plus ou moins arrondis125 ; les couvre-joints étaient tous courbes. Cela confirme donc la situation déjà relevée pour les maisons archaïques de l’agora126 : les édifices du plateau sud possédaient des toits mixtes et aucun d’entre eux ne remonte au-delà du vie siècle (les plus récents datant de la fin du ve siècle).
Le matériel hellénistique
62Cet examen des tuiles archaïques a effectivement permis de confirmer qu’aucune ne présentait cette couleur jaune vif en surface, qui est donc caractéristique des productions hellénistiques de Mégara127 (fig. 26e). Les tuiles de courant hellénistiques que j’ai collectées sont toutes plates, avec des rebords arrondis, tandis que les couvre-joints sont tous polygonaux (fig. 26a, b). Un détail montre que des couvre-joints courbes devaient pourtant bien exister. Deux exemplaires de tuiles faîtières comportent en effet un aménagement en demi-cercle servant à insérer la tête du premier couvre-joint de la file (fig. 26c) : ce fait semble suffisamment probant pour penser que les couvre-joints associés à ces tuiles faîtières étaient manifestement courbes128. Ces tuiles faîtières sont convexes et présentent à une extrémité une mouluration décorative faite de trois boudins de tailles différentes. Enfin, j’ai pu retrouver un type particulier de tuile de courant : il s’agit d’une tuile à douille (parfois appelée « tuile à opaion »), elle aussi plate, dont l’orifice était destiné à l’aération et en partie à l’éclairage (fig. 26d). Avec cette tuile à douille, on possède donc un assortiment complet des différents types de tuiles utilisées à l’époque hellénistique ; toutefois, on ignore leurs dimensions précises puisqu’aucune n’a été retrouvée entière. Seul le diamètre de l’orifice circulaire de la tuile à douille permet de se faire une idée de la largeur de cette tuile : environ 53 cm. Par suite, j’ai décidé de fixer de façon conventionnelle les valeurs suivantes dans les restitutions : 80 cm pour la longueur des tuiles de courant et des couvre-joints et 53 cm pour la largeur des tuiles de courant et la longueur des tuiles faîtières 129. Par rapport à l’époque archaïque, on voit donc que les habitudes de construction ont évolué à l’époque hellénistique : si les toits mixtes existent toujours, on note l’apparition de toits corinthiens, ces deux types de toiture pouvant éventuellement coexister au sein d’un même édifice130. Les profils des tuiles de courant, avec leurs rebords latéraux arrondis, ne sont pas non plus radicalement différents ; d’autre part, on note l’absence à toutes les époques de tuiles à couvre-joints131.
63Ailleurs, on relève des productions qui montrent beaucoup de similitudes avec celles de Mégara comme à Syracuse où, lors de la fouille des Bains hellénistiques, des couvre-joints polygonaux et une tuile à douille ont été documentés132. Les couvertures des maisons de la Morgantina hellénistique étaient uniquement du type mixte133. Les publications sur la Sicile ne permettent cependant pas toujours d’effectuer des comparaisons aussi précises entre les types de tuiles134 : on peut simplement dire que les toitures des maisons hellénistiques de Géla étaient de type mixte ou corinthien135 et que les toits de Scornavacche étaient seulement de type mixte136. Dans ce rapide recensement, la maison à Péristyle 1 de Monte Iato représente un cas à part puisqu’elle est la seule qui possédait des toitures laconiennes137. Les maisons puniques de Sélinonte constituaient également un cas particulier dans la Sicile hellénistique puisqu’elles avaient vraisemblablement des toits plats ; néanmoins, cela ne doit pas surprendre dans un contexte d’habitat punique138. Ce court bilan, évidemment non exhaustif, montre donc des tendances régionales dans la conception des toitures en Sicile et en Grande Grèce à l’époque hellénistique : on remarque effectivement que les toits de type corinthien représentaient une évolution désormais bien établie, avec des formes de tuiles souvent semblables d’un site à l’autre, sans pour autant signer la fin des toitures mixtes. Pour conclure, on signalera un cas récemment étudié près de l’agora de Sélinonte et qui offre des perspectives chronologiques intéressantes. Lors de cette fouille, un toit de bâtiment effondré a été mis au jour in situ : il s’agit donc d’une découverte en contexte de l’ensemble des tuiles d’une toiture laissée telle quelle après son effondrement. Le bâtiment en question a été construit au vie siècle puis restructuré au ve siècle à une époque où Sélinonte était encore une cité sicéliote. Aux côtés des tuiles de courant plates se trouvaient des couvre-joints courbes : toutes ces tuiles ont des dimensions, des profils et des compositions similaires à ceux des tuiles archaïques de Mégara. Surtout, on y rencontre des couvre-joints polygonaux139 qui, eux, n’existaient pas dans la Mégara archaïque (y compris au début du ve siècle). On peut donc supposer que ceux-ci ont fait leur apparition à Sélinonte au cours du ve siècle et il n’est pas déraisonnable de penser qu’ils aient commencé à apparaître à cette époque aussi dans les toitures des maisons mégariennes.
Les équipements hydrauliques
64Les équipements hydrauliques regroupent ici tout un ensemble d’installations qui visaient, d’une part, à alimenter les maisons en eau potable et, d’autre part, à les débarrasser des eaux usées (et plus généralement des déchets domestiques).
65Depuis le début des recherches archéologiques à Mégara Hyblaea, de nombreux puits ont été mis au jour, rythmant le paysage urbain et devenant même un marqueur fiable pour identifier la présence d’un habitat archaïque140. À l’époque, la richesse des réserves d’eaux souterraines devait être suffisante pour que les habitants puissent se reposer uniquement sur le puisage pour s’alimenter en eau ; cela semblait être encore le cas à l’époque hellénistique puisque l’on connaît également de nombreux puits. Cependant, on a repéré plusieurs structures hellénistiques qui s’apparentent à des citernes, donc à des dispositifs de collecte de l’eau de pluie, ce qui étonne et mérite explication. D’un autre côté, l’évacuation des eaux usées n’a pris une forme organisée qu’à l’époque hellénistique sous la forme d’égouts enterrés et couverts, attestés dans la rue C1, à l’ouest de l’agora et en petite partie dans la rue D4 : il s’agissait là d’un dispositif collectif et lié à une organisation urbaine, qui a été traité ailleurs141. Dans le même temps, des installations de même nature ont été identifiées à l’intérieur des habitations142. Dévolues à la mise à l’écart des rebuts humains et animaux, on n’en a pas signalé dans les maisons archaïques de Mégara, dont elles étaient certainement absentes.
Les puits
66Aucun puits attribuable à l’époque hellénistique n’a été récemment fouillé. En l’absence de données sur les boyaux de ces puits, on se contentera donc de supposer que les techniques de forage étaient globalement les mêmes qu’à l’époque archaïque143 et on s’intéressera uniquement à la partie extérieure des puits hellénistiques, c’est-à-dire aux margelles. On prendra d’ailleurs bien soin de distinguer la base de la margelle de la margelle proprement dite : il ne s’agit pas uniquement de sémantique car bien souvent la margelle a disparu, ne laissant que sa base144.
67Les exemples de puits documentés ici présentent une relative diversité de formes et d’usages ; plusieurs d’entre eux entrent d’ailleurs dans la catégorie des fosses à déchets, en tant que puits reconvertis (fig. 27)145. On a relevé sur ces margelles et ces bases un diamètre d’embouchure compris généralement entre 0,55 et 0,70 m (les diamètres des boyaux mesurés lors des fouilles étant légèrement supérieurs : entre 0,75 et 0,90 m). Il y a d’abord des bases de margelle, monolithes ou non, avec un sillon circulaire peu profond creusé autour de l’embouchure (puisard 23,44 et puits 58,30 et 64,16). Le puisard 23,44 est un ancien puits dont la base de margelle était faite de deux blocs dotés chacun d’une partie du sillon circulaire. D’autre part, le puits 40,53 possédait une base monolithe sans sillon circulaire ; les caractéristiques de ce dernier n’empêchent pas d’ailleurs de restituer une margelle en terre cuite comme pour le puits 31,33 (non représenté ici) où se trouvent encore quelques fragments du pithos qui faisaient office de margelle. Certaines margelles en pierre ont été taillées dans un bloc, parfois posé sur une petite élévation de cailloux formant la base (puits 42,53 et 58,30 ; fosses à déchets 23,43 et 31,66). Le cas du puits 58,30 est intéressant car il présente manifestement deux états : dans le premier, la base de margelle était constituée de quatre blocs disposés en croix autour de l’embouchure, chacun comportant une partie du sillon circulaire pour une margelle en terre cuite ; dans le second état, cette base de margelle supportait une margelle monolithe dont la partie basse est de forme globalement rectangulaire et dont le haut est en forme de cylindre. C’est ce même genre de margelles que l’on retrouve sur les fosses à déchets 23,43 et 31,66 ; celle du puits 42,53 est similaire, avec une forme moins massive et plus allongée. Ainsi, il n’est pas impossible que l’on ait progressivement remplacé les margelles en terre cuite de l’époque archaïque par des margelles monolithes, inconnues à l’époque archaïque, comme le montre la succession d’états du puits 58,30 : cette possibilité est facilement envisageable dans un site comme Mégara, riche en pierre brutes ou récupérées sur d’anciennes structures146. D’ailleurs, le puits 42,53 appartient à un contexte d’époque tardive, celui d’un secteur daté de l’époque romaine par F. Villard (journal de fouilles 1967), alors que le puits 31,33, avec sa margelle faite d’un pithos en remploi, est situé à un niveau qui le place indubitablement parmi les structures d’époque hellénistique ancienne (voire classique). Le recours aux margelles monolithes semble donc bel et bien être une innovation des époques post-archaïques, même si l’utilisation de margelles en terre cuite a vraisemblablement perduré. Les bases de margelles monolithes, quant à elles, pourraient remonter à la fin du vie siècle147.
68À Syracuse, le puits SYP40 avait une margelle en gros blocs portant une entaille circulaire autour de l’embouchure148 qui rappelle notamment le puits 58,30. Les puits (et les citernes) documentés à Géla étaient équipés de margelles au corps de forme tronconique, à l’embouchure souvent décorée149 ; parmi celles-ci, deux ont été retrouvées dans les maisons de l’Acropole et datées au maximum du troisième quart du ive siècle pour l’une et à une époque plus tardive pour l’autre150. Quelques puits ont été repérés à Camarine, notamment celui de la maison de l’Autel, avec une embouchure rectangulaire entourée de moellons taillés. Notons également le puits de l’agora avec sa base de margelle massive, quadrangulaire et percée d’une embouchure circulaire, composée de deux blocs jointifs151, exactement comme celle du puits 40,53. À Morgantina, où les maisons étaient très bien pourvues en citernes, seul un puits serait attesté en contexte domestique à l’époque hellénistique, dans la maison de la Double Citerne152.
69Je voudrais conclure sur les puits de Mégara en avançant une hypothèse : à l’époque hellénistique, certains d’entre eux étaient peut-être munis de margelles en « arulae cylindriques ». Ce que l’on entend ici par le terme « arula cylindrique » est un type d’objet bien représenté à l’époque hellénistique à Mégara mais également sur de nombreux autres sites sicéliotes153, et le terme « arula » utilisé par les archéologues et les historiens de l’art dès le xixe siècle leur confère des fonctions unilatéralement cultuelles154. Ce sont des cylindres creux en terre cuite dans lesquels on peut distinguer trois parties (base, fût et sommet) et dont le décor emprunte très souvent ses motifs au répertoire de l’architecture monumentale (fig. 28)155. Le qualificatif « cylindrique », plus pratique, n’est d’ailleurs pas rigoureusement exact puisque ces objets ont un profil soit tronconique renversé, avec un sommet plus large que la base, soit « en bobine », c’est-à-dire avec un sommet et une base de diamètres égaux et un fût plus fin. Les exemplaires que l’on connaît ont tous été retrouvés en morceaux, ce qui complique l’estimation de leurs dimensions ; les plus grands exemplaires du corpus mégarien auraient eu un diamètre de fût de l’ordre de 0,50-0,60 m et donc, compte tenu de leur profil, un diamètre sensiblement différent au sommet et à la base ; leurs épaisseurs au sommet et à la base varient entre 3 et 5 cm. Le diamètre des embouchures ou des sillons circulaires de certains puits étant aux alentours de 0,65-0,70 m et les sillons présentant une largeur de 5-8 cm, cette hypothèse est donc techniquement envisageable156. Surtout, l’une de ces arulae cylindriques a été découverte in situ en tant que margelle du puits 51,11 situé au nord-est de l’agora de Mégara (journal de fouilles 1967 de F. Villard). Qui plus est, il existe de nombreux exemples d’objets très similaires utilisés indifféremment comme margelles de citernes ou de puits, bien que ce soit dans des contextes plus tardifs à Délos et à Pompéi. Néanmoins, l’arula cylindrique du puits 51,11 était placée en sens inverse, ce qui dénote une utilisation opportuniste et non ad hoc ; de plus, les margelles de Délos et la plupart de celles de Pompéi n’étaient pas en terre cuite mais en pierre157.
Les fosses à déchets
70Ces installations sont classées parmi les équipements hydrauliques car elles recevaient également des eaux usées en plus de toutes sortes de déchets domestiques ou de rebuts d’activité artisanale. Elles pouvaient faire partie d’un système plus complexe constitué de dispositifs d’alimentation puis d’évacuation des liquides, parfois en lien avec des salles d’eau ou des latrines. Les fosses à déchets sont difficiles à reconnaître et à identifier158. Les structures discutées ci-dessous se scindent en deux catégories correspondantes chacune à deux faits archéologiques différents : j’ai choisi en effet de distinguer formellement les puisards des fosses à déchets. Le puisard, ou puits perdu, est un puits tari que l’on a reconverti en une fosse à déchets : ainsi, n’importe quel puits pouvait théoriquement (et facilement) être réaffecté159. Néanmoins, on ne peut formellement identifier un puits en tant que puisard que lorsqu’il est associé à une conduite d’eau puisque cette situation écarte de fait toute autre utilisation possible du puits en question. Le volume d’un puits offrait alors à peu de frais un espace conséquent et facilement accessible pour enfouir les déchets, d’autant que la fréquence des puits taris était amenée à se multiplier au fur et à mesure de l’occupation du site160. Il y a toutefois une objection importante à cette pratique, qui n’avait certainement pas échappé à ses utilisateurs : le risque de contamination des nappes phréatiques par les déchets organiques accumulés dans le puisard. Quelle que soit la réalité d’une telle menace, il n’est pas exclu que ce soit une des raisons pour lesquelles le second type de structure, la fosse à déchets, ait été élaboré.
71Les fosses à déchets que l’on a reconnues sont généralement des cavités peu profondes, souvent situées dans les rues, creusées dans le sol et chemisées par des pierres ; leurs contours peuvent être quadrangulaires ou ovoïdes et ils sont soulignés par un entourage de moellons ou de blocs où l’on a pris soin de ménager une ouverture, parfois plusieurs, afin de recevoir ou d’évacuer les déchets161. C’est le cas pour certaines fosses qui fonctionnaient avec des salles d’eau ou des latrines : les latrines 30,22 et la fosse 30,22a située tout contre, dans la rue C1 (fig. 37), la salle d’eau 42,78 et la fosse 42,81 (fig. 45), la salle d’eau 50,87 et la fosse 50,118 (fig. 43). Par contre, on n’a pas pu établir de relations directes avec d’autres structures pour les fosses 33,94 ; 40,6 et 41,32b, bien que toutes comportent des aménagements pour une adduction ou une évacuation (fig. 29)162. La fosse 58,51 associée à l’évacuation 58,46163 est d’un autre type : c’est une construction assez massive, en forme de coffre, située dans la rue D1 et appuyée contre le mur 58,50a (façade de la maison XV B sur la rue) ; dans ce mur se trouvait l’évacuation qui débouchait directement à l’intérieur de la fosse 58,51 (fig. 44). D’autres fosses à déchets faisaient certainement partie d’un système plus complexe impliquant des canalisations construites au sein d’espaces domestiques ou artisanaux ; il y a, là aussi, une part d’incertitude puisque de telles relations n’ont pas été mises en évidence lors des fouilles et qu’elles sont parfois peu évidentes sur le terrain. Ainsi la canalisation 31,56, qui provenait de l’intérieur d’un bâtiment en passant sous les seuils 31s7 et 31s9, débouchait au voisinage d’un petit aménagement, que l’on pourrait volontiers interpréter comme une fosse à déchets, en face d’une ouverture placée sous le seuil 31s10 et située à un peu plus de 3 m de la fosse 31,66 (fig. 30). Ailleurs, au nord des latrines 22,68, l’ancien puits 23,44 reconverti en puisard et la fosse 23,43 étaient reliés au circuit de canalisation 23,45, circuit qui aurait également impliqué le puisard 23,47 plus au sud (fig. 30) ; ce dernier aurait servi à recueillir les eaux usées des latrines 22,68164. Si, en particulier dans le cas de 23,43, 23,44 et 23,45, la relation semble malgré tout assez nette, d’autres restent très conjecturelles puisque les vestiges ont disparu, ne laissant que des plans et des photos pour formuler une hypothèse. On peut ainsi mentionner un exemple dans la maison IX A, fouillée en 1949 et recouverte aussitôt après. Une canalisation provenant de l’intérieur de la maison, très fragmentaire, pourrait avoir eu d’une façon ou d’une autre un lien avec le puits 47,14 situé à proximité (fig. 56 et p. 126-127) : celui-ci serait soit un ancien puits réaffecté en puits perdu, ce qui concernerait directement notre sujet, soit au contraire un puits « récent » ayant alors entraîné le démantèlement de la canalisation165.
72Ces exemples relativement nombreux de fosses à déchets montrent bien que, dans les demeures de la Mégara hellénistique, on a voulu mettre en place des équipements destinés à rationaliser le traitement des déchets domestiques et à minimiser l’inconfort qu’ils généraient, notamment en évitant de les déverser directement sur la voie publique. De tels dispositifs n’existaient pas sous cette forme à l’époque archaïque et, d’ailleurs, il n’est pas rare que l’on ait remployé des structures archaïques pour les installer. Pour autant, leurs prémices seraient relativement anciennes et pourraient dater d’une époque située entre le vie et le ive siècle av. J.-C., c’est-à-dire avant qu’apparaissent dans certaines villes de véritables réseaux d’égouts collectifs166. À Mégara, cette évolution semble nettement plus récente : la plupart des fosses, notamment celles liées à la maison XV B, sont assurément plus tardives que le ive siècle167. Quant aux égouts, leur mise en place ne daterait que du iiie siècle, au moins pour une partie d’entre eux168. On ne dispose malheureusement pas d’éléments de comparaison pour la Sicile où l’étude de ce type de structures a été jusqu’ici négligée.
Les citernes
73Ce moyen d’alimentation en eau, très courant sur d’autres sites, n’a pas été formellement attesté à Mégara, ni pour l’époque archaïque, ni pour les époques suivantes. En effet, on n’a pas identifié (ou on n’a pas reconnu) de structures qui présenteraient tous les critères canoniques d’une citerne169. Comme pour les fosses à déchets, il n’est pas toujours aisé de déterminer jusqu’à quelle hauteur elles pouvaient émerger au-dessus du niveau de circulation, même si elles étaient normalement censées être enterrées170. Cependant, les constructions que l’on va présenter semblent pouvoir supporter cette identification, au moins à titre de proposition. Ces aménagements se répartissent en deux groupes selon leur forme, arrondie ou quadrangulaire, et tous présentent au minimum des traces d’enduit sur leurs parois. Les structures 39,21 et 40,26 ont une forme globalement arrondie. La première est un quart-de-cercle incomplet d’un rayon moyen de 2,3 m, encastré dans l’angle sud-est de la pièce 39,20 ; elle est entourée de moellons au sommet mais seulement sur une assise, la partie orientale conservant des lambeaux d’enduit ; sa profondeur réelle est difficilement estimable, d’autant que la paroi nord a été restaurée171. La seconde, la citerne 40,26, fait un cercle complet d’environ 1,20 m de diamètre ; ses parois en moellons ont conservé en grande partie l’enduit hydraulique ; faute de fouilles appropriées, nous n’en connaissons pas non plus la profondeur. Juste au nord de cette structure, quatre blocs contigus, creusés d’un sillon, font un coude en direction de l’embouchure de la citerne, formant indubitablement une arrivée d’eau (fig. 31). La deuxième catégorie de ces réservoirs est d’une facture complètement différente et assez inattendue : en effet, les parois dessinent un rectangle et elles sont construites avec des moellons ou des blocs quadrangulaires et bien dressés. On a reconnu deux structures de ce type, 30,17 et 31,21, qui sont de dimensions et de techniques très similaires avec des parois aux assises horizontales mais irrégulières, liaisonnées aux angles par des joints en besace ; des traces d’enduit sont encore visibles sur certaines des parois (fig. 32). L’ensemble forme une construction d’aspect assez massif, en particulier 30,17 dont la paroi nord s’appuie sur l’un des murs en grand appareil du « bâtiment a » archaïque. Surtout, chacune possède une ouverture située dans une des parois, près du sommet, ce qui est un indice supplémentaire pour leur identification comme citernes172.
74Aucune des citernes potentielles que nous venons de passer en revue ne ressemble aux types dits « campaniformes », c’est-à-dire au profil en cloche et au fond circulaire ou rectangulaire, très courants en Sicile grecque. Presque toutes les maisons de Morgantina en possédaient au moins une : il s’agissait la plupart du temps de fosses en forme de bouteille, revêtues d’un enduit imperméable et ouvrant sur la cour du péristyle ou dans un des portiques173. On en connaît également plusieurs à Géla, découvertes au centre de la ville antique et moderne174. À Syracuse, toutes les citernes documentées par P. Orsi étaient de type campaniforme ou conique, à part une citerne trouvée dans la gare ferroviaire et datée des ive-iiie siècles par le fouilleur : la citerne SYC10, rectangulaire (6 × 3 m), aux parois enduites d’un revêtement imperméable, couverte par de grandes dalles et munie d’une ouverture circulaire pour le puisage175. Sa forme autorise effectivement à la rapprocher des structures 30,17 et 31,21 présentées ci-dessus. Cela reste le seul exemple similaire à ces deux structures, et aucune ne ressemble non plus au modèle des citernes puniques traditionnelles, de plans allongés, avec des angles arrondis ou bien en forme de L, que l’on trouve dans les cours des maisons de Sélinonte176.
75Quoi qu’il en soit, le petit nombre de citernes mégariennes empêche de parvenir à une conclusion définitive sur les habitudes de construction. On peut néanmoins interpréter cette faible quantité de citernes comme une indication que les habitants de la petite ville de Mégara devaient disposer de suffisamment d’eau de source, ce que semble confirmer le nombre de puits hellénistiques (environ une soixantaine connue). Le recours à ces réservoirs d’eau de pluie pouvait donc être lié à des activités non domestiques177. C’était très certainement le cas de la citerne 31,21 qui se situait au centre d’un complexe où, sur une surface d’environ 80 m², on recense : trois sols dallés (22p4, 22p5 et 31p1), deux fours (31,19a et 19b) qui flanquent le dallage 31p1, un puits et un bassin (22,41 et 22,78) liés au dallage 22p5, et une canalisation 31,24 communiquant avec le bassin 22,78 et débouchant dans la rue C1 (fig. 33). En l’absence de données (mobilier et stratigraphie), on peut simplement énoncer que l’activité qui se tenait là devait être étroitement liée à l’utilisation d’eau, d’autant que la conformation des deux fours interdit d’y voir autre chose que des chauffe-eau178. Toutefois, la présence de citernes hellénistiques et/ou romaines à Mégara pourrait trouver son explication ailleurs, dans un phénomène récemment mis en exergue en Sicile grecque et qui remonterait à la fin du ve siècle. Une enquête menée en particulier à Syracuse, Camarine, Géla et Sélinonte dans des contextes domestiques montre un recours croissant aux citernes alors même que des puits restaient en fonction : la présence d’eaux souterraines, même en abondance, n’a donc pas empêché la coexistence de ces deux moyens d’alimentation en eau potable179. L’une des explications avancées est le fait que, à partir du ive siècle, les autorités civiques n’assumaient plus vraiment les besoins en eau de la population qui se voyait alors obligée de fonctionner en autarcie et de diversifier ses sources d’approvisionnement. Le développement de l’artisanat, la croissance démographique et une exploitation agricole de plus en plus intensive entraînant une déforestation seraient d’autres causes potentielles. Enfin, on peut invoquer un possible changement climatique entre le ive et le iiie siècle, qui aurait entraîné une période de sécheresse marquée en Méditerranée : si ce phénomène semble moins bien attesté en Sicile, il pourrait néanmoins avoir joué un rôle180.
Les évacuations
76À Mégara, les conduites d’évacuation étaient généralement simples et se réduisaient souvent à un espace étroit entre deux blocs du mur de façade181. L’évacuation 58,46 était un peu plus élaborée, constituée par trois petites dalles encadrant l’embouchure et insérées dans l’appareil du mur (fig. 44). Parfois aussi, on insérait des éléments en terre cuite dans la façade : on a déjà signalé une sorte d’élément de tuyauterie dans la fosse 41,32b182, finalement très similaire à un autre qui se trouvait au bas du mur 50,42c ; on peut compléter cette liste avec un arrangement fait de deux couvre-joints courbes surmontés par une tuile de courant plate que l’on a placé dans le mur 41,72 pour déboucher dans la rue D4. Il existait tout de même des solutions techniques plus sophistiquées ressemblant fortement aux canalisations des égouts publics, avec des dalles posées de chant sur les bords et d’autres disposées à plat sur le fond et éventuellement en couverture. On citera à nouveau les conduits 23,45 et 31,56 associés à des fosses à déchets (fig. 30) auxquels on peut ajouter 31,24 et 30,49 (non représentés) ainsi que l’évacuation communiquant avec le sol en briques 24p1 (fig. 34). Cela étant, ces derniers exemples donnent l’impression d’être d’époque plutôt tardive, comme la canalisation du sol 24p1, probablement construit à l’époque romaine183, ou bien les canalisations 30,49 et 31,56 qui appartiendraient, selon les notes de fouilles de G. Vallet et F. Villard, à des structures d’époque républicaine. Pour conclure sur ce thème succinct des évacuations, on décrira celle de la maison IX A, rapidement évoquée à propos des fosses à déchets (fig. 69). Cette conduite était constituée d’un premier tronçon fait de plusieurs cylindres assemblés entre eux et sans doute reliés par un mortier ou par du plomb coulé (il est difficile d’être plus précis sur la technique employée) ; ce tronçon passait sous le sol bétonné de la pastas et devait servir à évacuer les eaux usées provenant de l’intérieur de la maison. Le deuxième tronçon se trouvait dans la cour et il ne comportait plus que deux éléments concaves au moment des fouilles, plus larges que le tuyau et probablement non recouverts : cet arrangement devait permettre à la fois d’acheminer les eaux usées provenant du tuyau, de drainer l’eau de pluie et de recevoir les déchets liquides que l’on versait directement dedans184.
77À l’image des fosses à déchets, l’installation d’évacuations menant les eaux usées hors des maisons semble être une innovation du ive siècle185. Le peu d’éléments de comparaison tirés d’autres sites de Sicile montrent que des solutions plus élaborées que celles de Mégara n’étaient pas rares. C’est le cas notamment à Morgantina, où on connaît des tuyaux semblables à celui de la maison IX A186, à Monte Iato187 et à Sélinonte188. Tous ces exemples appartenaient à des structures construites ou réaménagées au plus tôt à la fin du ive siècle.
Les escaliers
78L’étude des rares vestiges d’escaliers dans les maisons hellénistiques de Mégara est intimement liée à la question de la présence d’un étage. Les recherches sur l’habitat archaïque, faute de preuves, n’ont pas considéré cette possibilité et ont toutes conclu à des maisons organisées autour d’espaces de plain-pied, ce qui était loin d’être exceptionnel dans l’habitat grec antique189. Parfois, la présence dans les cours de certaines maisons d’un portique ou d’une pastas autorise à restituer une galerie au niveau supérieur190. Toutefois, pour répondre au mieux à cette question, il nous faut trouver des indices de l’existence d’un escalier, comme une base constituée d’un bloc muni de mortaises pour arrimer le limon, bien attestée à Olynthe191. Ce peut être aussi des marches en pierre formant tout ou partie d’un escalier, comme dans la « maison a » de l’îlot I du quartier de la Porte du Silène à Thasos : cinq marches constituées par des dalles de gneiss ou de marbre solidement fondées devaient être complétées par une volée en bois soutenue par des poteaux qui s’appuyaient sur des bases circulaires en marbre192. Enfin, l’emplacement d’un escalier en bois peut parfois se lire en négatif grâce à la trace laissée par le contre-limon et les marches sur le mur de cage193.
79Ce dernier critère ne peut être utilisé à Mégara où les élévations des murs sont trop mal conservées : les escaliers que nous avons identifiés de manière certaine ont donc des caractères évidents. Les structures 14,68b, 30,45, 49,54 et 50,84 possèdent entre deux et trois marches reposant sur un massif constitué de deux murs et d’un remplissage de terre, de brocaille et parfois de morceaux de tuiles (fig. 35)194. La technique de construction est rigoureusement la même pour chaque structure : la volée se développait entre deux murs dont l’un existait déjà en tant qu’élément de la maison, soit comme mur de façade (50,84) soit comme mur de refend ; parallèlement à ce mur, un autre mur était construit qui définissait ainsi la largeur de l’escalier et créait également un volume pour le remplissage195. L’intention dans la mise en œuvre de 14,68b est la même, bien que légèrement différente, avec des marches situées sur un côté du massif et permettant d’accéder à un palier à l’est duquel devait débuter la volée. Cette homogénéité des techniques de construction incite à localiser d’autres escaliers potentiels, même en l’absence de marches ou de remplissage : la structure 58,90, située juste au sud du seuil 58s14 et appuyée contre le mur de façade 58,88c ou la structure 42,78 (interprétée comme une salle de bains)196 au-dessus de laquelle on suppose l’existence d’une volée d’escalier en bois. Enfin un bloc isolé, 42s19, au départ interprété en tant que seuil (d’où son nom), semble plutôt représenter les deux marches de départ d’un escalier, par ailleurs complètement disparu (fig. 35).
80En Sicile antique, on ne connaît précisément que les départs d’escaliers décrits à Sélinonte, qui se rapprochent assez logiquement de ceux de Mégara. Ces escaliers se trouvaient systématiquement dans les cours197 ; dans les habitations les plus élaborées, ils possédaient une base constituée de plusieurs marches en pierre appuyées sur un massif : dans ce cas précis, ils ne possédaient probablement qu’une seule volée (en attestent la longueur et la largeur du massif). La plupart des escaliers à base maçonnée étaient à double volée, la seconde se trouvant à angle droit ou à 180° par rapport à la première. Le massif était appuyé contre un mur par l’un de ses longs côtés, les autres côtés libres étant constitués d’un muret, et l’espace intermédiaire était rempli de terre et de petits matériaux de construction198.
Conclusions sur les éléments de la construction
81Les appareils des murs et des fondations, suffisamment variés pour être regroupés en plusieurs types, montrent avant tout beaucoup de similitudes avec ceux des maisons siciliennes de la même période. Le constat le plus inattendu est la présence d’appareils a telaio, généralement considérés comme puniques, dans un site qui est toujours resté éloigné de la zone d’influence carthaginoise : cela pourrait néanmoins être lié à la pratique du remploi, particulièrement développée à Mégara. Les seuils de porte offrent des points de comparaison intéressants, en particulier avec Morgantina et Camarine, bien que les solutions techniques adoptées par les constructeurs mégariens, à la base des différents types du corpus, se retrouvent logiquement dans nombre de sites contemporains. Les niveaux de circulation des maisons, matérialisés par ce qu’on a appelé « sols construits », ne possédaient pas une grande diversité ; dans le cas des bétons, cela pourrait être dû à une apparition relativement tardive de ces sols qui, en soi, constitue un phénomène intéressant199. L’évolution des couvertures des habitations mégariennes a suivi une tendance bien attestée ailleurs en Sicile avec l’apparition manifeste des toitures corinthiennes à l’époque hellénistique. Tout comme les bétons, ces éléments architecturaux bénéficieraient particulièrement de l’apport de fouilles méthodiques qui, dans ce cas, permettraient de préciser l’époque de transition entre toits uniquement mixtes et toits corinthiens.
82L’étude des équipements hydrauliques est sans doute celle qui a apporté le plus de résultats nouveaux sur l’habitat hellénistique de Mégara. Certes, comme beaucoup des éléments décrits ci-dessus, ces équipements bénéficient d’un « effet de contraste » du fait qu’ils n’existaient pas ou peu à l’époque archaïque. Les puits étaient toutefois bien présents dans les maisons archaïques, où ils constituaient un véritable marqueur de l’habitat, et ils ont naturellement peu évolué ensuite ; la question des margelles, et notamment des arulae cylindriques, serait pourtant un moyen de caractériser l’une de ces évolutions. Une autre évolution est la reconversion de certains puits en puisards ; avec les fosses à déchets et les évacuations, les puisards constituaient les maillons de toute une chaîne d’innovations destinées à améliorer l’hygiène et le confort, bien perceptibles dans le monde méditerranéen, et impliquant sans doute une gestion des déchets à l’échelle de la ville, assurée par les égouts. Enfin, l’identification de citernes à Mégara reste sujette à caution, notamment en raison de leur morphologie, bien que la présence nouvelle de ces moyens de stockage puisse avoir une explication plus générale, attestée ailleurs en Sicile ; il pourrait également exister un lien de cause à effet entre la désaffectation de certains puits et l’apparition des citernes.
Notes de bas de page
1 Dans des contextes similaires et malgré un très petit nombre de trouvailles, certains chercheurs ont postulé l’existence de murs en briques. Ainsi, à Érétrie (Ducrey, Metzger, Reber 1993, p. 36 ; Reber 1998, p. 23) et à Morgantina (Tsakirgis 1984, p. 241, 306-307), on restitue des élévations de murs en adobe. Pour Mégara, l’argument le plus lourd en faveur de l’utilisation de l’argile pour la construction est géographique compte tenu de la proximité immédiate du fleuve Cantera, riche en alluvions. G. Vallet et F. Villard n’ont signalé presque aucune trace d’argile durant leurs fouilles (Mégara 1, p. 247, n. 2) : cette absence pourrait être imputable aux importants phénomènes d’érosion sur un site balayé par les vents marins et détrempé par les pluies, où bien des vestiges post-archaïques (voire parfois archaïques) affleurent à une dizaine de centimètres seulement de la surface.
2 Dalcher 1994, p. 16-17.
3 Voir partie 3, p. 240.
4 Voir déjà sur ce point les conclusions de Mégara 1, p. 258 et Mégara 5, p. 459.
5 Mégara 1, p. 249, n. 3.
6 Voir Ginouvès, Martin 1985, p. 101-102.
7 Ce type « idéal » ou canonique n’a pas été repéré à Mégara mais sa présence dans la typologie me semble néanmoins nécessaire.
8 Ces suppositions vont dans le sens d’observations de F. Villard qui, lors de ses premières fouilles, avait pu distinguer des « fondations construites sur le côté » de celles réalisées « par-dessus » (Villard 1951, p. 24 et 27).
9 Voir fig. 5.
10 D’une autre manière, les fondations de type F1, en utilisant des murs préexistants comme soubassements, s’inscrivent également dans une logique de continuité.
11 Il n’y a guère que les murs de type 7, très rares au demeurant (voir la liste dans Mégara 5, p. 460-463), qui possédaient deux parements dont seul le parement intérieur avait ses éléments liés à la terre. Par ailleurs, le style de ces parements est différent de ce que l’on peut rencontrer pour les types M1 et M3 où les éléments sont de plus petite taille (cailloux et petits moellons) et régulièrement constitués de fragments de meules et de tuiles en remploi.
12 À Sélinonte, dans la ville punique, les blocs des murs provenaient pour la plupart d’édifices grecs. Le fait d’utiliser en bonne partie du matériel récupéré sur des bâtiments détruits, blocs taillés et fragments à peine dégrossis, a logiquement influencé les techniques de construction des murs : par exemple, il n’y avait pas d’appareil régulier. Leurs éléments étaient liés entre eux par un mortier de terre assez grossier contenant souvent de petits cailloux et des tessons. D’une épaisseur variante entre 0,30 et 0,50 m, les murs étaient normalement à double parement, le parement interne étant alors réalisé avec des éléments plus petits (Helas 2011, p. 37-39).
13 Rattachées à la première période du site, voir partie 1, p. 29 et partie 3, p. 226.
14 Fiorentini 2002, p. 156-157.
15 Helas 2011, p. 41. Ce point a été rappelé dans une publication récente sur l’architecture domestique phénico-punique en Sicile et en Sardaigne (Montanero Vico 2014, p. 99) et on y reviendra plus loin à propos de Sélinonte et de l’habitat punique (voir partie 3, p. 231).
16 À Géla, on note l’existence de parements internes construits en petites pierres liées à la terre, notamment dans l’édifice dégagé lors de la construction du nouvel hôpital dans le quartier de Capo Soprano (Adamesteanu, Orlandini 1960, p. 165) ; à Morgantina, les murs à double parement étaient le plus souvent des murs périmétriques, construits alors avec des blocs taillés à l’extérieur et des petits moellons bruts à l’intérieur, recouverts d’un enduit (Tsakirgis 1984, p. 310-312).
17 Tous les enduits conservés ont été recensés lors de l’inventaire des sols dans Mège 2010, p. 89-93, 96-97, 99-105, 107-109 et 113 ; également dans la description de la « salle k » de la maison 30,11 (Mège 2010, p. 150-151).
18 C’est en effet un sable plus adapté à la confection d’enduits que le sable de carrière car il sèche plus lentement (Vassal 2006, p. 29).
19 Vitruve, De Arch. 7, 3, 3-6.
20 Ces cinq couches étaient superposées les unes aux autres et possédaient des fonctions différentes : une couche d’accroche (couche 1), une couche de support (couche 2), une couche de couverture (couche 3), une couche supérieure (couche 4) et une couche peinte (couche 5), voir Brem 2000, p. 33-35. Lorsque ces cinq couches sont présentes, l’auteur parle d’un « enduit de qualité 1 » alors que, dans le cas d’un « enduit de qualité 2 », il manque la couche 3 : aucun des deux ne peut donc être formellement rapproché des enduits à deux couches de Mégara, a fortiori des enduits à couche unique.
21 Il s’agissait d’un mémoire de Master 1 produit par l’auteur en 2009. Les résultats furent repris et amendés dans le mémoire de Master 2 (Mège 2010).
22 Comme cela a été supposé dans l’introduction (p. 34), cette évolution semble appartenir à la pleine époque hellénistique de Mégara ; du reste, on ne connaît pas de seuils archaïques faits dans ce matériau.
23 Dans de rares exemples, le gamma est arrondi.
24 Ce type de crapaudines est connu ailleurs (Délos, Thasos et Érétrie, entre autres) mais on n’en a pas trouvé trace à Mégara Hyblaea.
25 Située dans le linteau (ou le contre-linteau) en vis-à-vis de la crapaudine creusée dans le seuil, elle est aussi appelée contre-crapaudine.
26 Sur cette possibilité, voir par exemple Reber 1998, p. 125.
27 Cf. le type 3 et le type V dans Didierjean, Ney, Paillet 1986 (p. 147-148), le type D dans Bouet 1995, le type C dans Hori 1992.
28 Selon Ginouvès 1992, p. 46, il convient d’appeler ces jambages « parastades » puisqu’ils sont indépendants des murs de la baie. À Mégara, ces parastades étaient constitués de plusieurs blocs empilés mais seul le premier est conservé.
29 Sur ce point, particulièrement crucial pour les poternes et les portes de fortifications, cf. Lawrence 1979, p. 249-256 et Winter 1971, p. 254-259.
30 On en trouve un exposé complet dans C. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, IV.2, R-S, p. 1241-1248, et III.1, H-K, p. 603-609.
31 Liste et analyse dans Mège 2010, p. 103-106.
32 Le fait de rapporter au seuil des éléments du système de fermeture, tel qu’on l’a évoqué plus haut pour le type e, reste une éventualité. Mais cela semble un peu sophistiqué pour des seuils domestiques à une époque où l’habitat restait relativement simple. À Délos, on n’en trouve en tout cas que dans des maisons de la basse époque hellénistique : Chamonard 1922, p. 262-264 et Llinas 1973.
33 On en connaît d’ailleurs à des époques plus tardives sur de nombreux sites, dont Olynthe (Robinson, Graham 1938, p. 251) et Morgantina (Kyllingstad, Sjöqvist 1965, p. 23-25).
34 À l’exception peut-être du seuil 58s18 dans le mur 58,19c, qui pourrait appartenir à une maison archaïque (Mégara 5, p. 413). Sur le plateau sud, dans le lot 3 de l’îlot 11, le bloc 4407 marquait le seuil de la pièce 4401 au début du vie siècle (ibid., p. 143-144).
35 Hori 1992.
36 Bouet 1995.
37 Didierjean, Ney, Paillet 1986, p. 147-148.
38 Rolland 1946, p. 72.
39 Chamonard 1922, p. 265-267.
40 Kyllingstadt, Sjöqvist 1965.
41 C’est le cas sur les autres sites étudiés dans Mège 2010 : Érétrie, Olynthe et Thasos.
42 Vallois 1978, p. 438-439 ; Fraisse, Llinas 1995, p. 437-438.
43 Grandjean 1988, p. 402-403.
44 Robinson, Graham 1938, p. 253-255.
45 Cf. Schede 1964, p. 96-107 ; c’est également la période à laquelle on trouve le plus de seuils à crapaudines dans le quartier de la Porte du Silène à Thasos.
46 Reber 1998, p. 123-124.
47 Pour ces indications chronologiques, Kyllingstadt, Sjöqvist 1965, p. 23-25. On ne les considérera toutefois que pour ce qu’elles sont : des indications dont la précision chronologique reste approximative, à cause du manque de données stratigraphiques.
48 Seuil qu’ils avaient rangé dans le type III de leur classement (Kyllingstad, Sjöqvist 1965, p. 28 et fig. 10).
49 Di Stefano 2000, p. 199.
50 Pelagatti 1962, p. 261.
51 Helas 2011, p. 44-46.
52 Les fouilleurs de Mégara ont signalé à maintes reprises la présence de « sols jaunes » qui se sont avérés être des couches résultant du broyage et du compactage de débris de panchina. Si ces sols ont aujourd’hui quasiment disparu du paysage archéologique mégarien, on peut raisonnablement penser que la majorité des niveaux de circulation des habitations était en terre battue, au vu de la faible quantité de dallages et de bétons.
53 C’est la démarche effectuée par V. Vassal, en particulier dans son ouvrage sur les sols en opus signinum (Vassal 2006). À sa suite, je recourrai également à un vocabulaire qui me semble plus précis et sans équivoque. La liste des types de décor est également extraite de Vassal 2006, p. 7 et c’est elle qui servira de base à la description des bétons de tuileau à tesselles. Pour une définition plus précise des termes employés ici pour décrire les sols bétonnés, on se rapportera à Ginouvès, Martin 1985, p. 50-51.
54 Vitruve, Arch. 7, 1, 1-3.
55 Voir infra.
56 Voir chapitre 5, p. 100.
57 On connaît cela à Olynthe (Robinson, Graham 1938, p. 170-171) et à Morgantina (Tsakirgis 1984, p. 390). À Marseille, un sol de mortier jaune décoré d’une frise peinte de postes, daté dans le courant du ive siècle, a été découvert dans une maison dont le premier état remonte à la deuxième moitié du ve siècle (Rothé, Tréziny 2005, p. 436) ; la rotonde des thermes de la rue Leca, construite dans le troisième quart du ive siècle, avait un sol en mortier de chaux aux nombreuses inclusions de micas et une bande concentrique rouge peinte en surface (ibid., p. 473). Pour Mégara, cette possibilité est suggérée par le traitement des enduits muraux (voir plus haut). Ces exemples et d’autres sont cités dans Guimier-Sorbets 2010, p. 29-32. Les types de décor vont du monochrome au figuré, ainsi que géométrique et végétal. L’auteur souligne que cette habitude connue dès l’époque classique s’est surtout répandue à l’époque hellénistique, d’Orient en Occident, dans des contextes aussi bien helléniques que puniques, dans des maisons mais aussi des tombes.
58 Vassal 2006, p. 87.
59 Catalogue des bétons de tuileau à tesselles, pour tout l’espace méditerranéen (plus la Suisse) dans Tang 2018, p. 261-329. Géographiquement plus restreint et centré sur la plupart des pays méditerranéens, catalogue des bétons de tuileau dans Vassal 2006, p. 107-212. Pour les sols bétonnés de Pompéi, Région VI, citons la thèse d’E. Zulini : Zulini 2012, p. 11-627. Mentionnons aussi les travaux de P. Bruneau à Délos, avec notamment ce qu’il nomme « pavements de ciment » : Bruneau 1972, p. 22-24.
60 Voir partie 3, p. 208.
61 Voir Pelagatti 2006a, p. 23, fig. 13, 15 et 16 et Pelagatti 1962, p. 259. Des fragments d’un autre type de béton de tuileau à tesselles jonchent la cour de la maison de l’Autel et laissent apparaître des quadrillages de losanges en tesselles blanches et des méandres de carrés et svastikas en tesselles noires. L’épaisseur totale de béton est consistante, de l’ordre d’une trentaine de centimètres.
62 Pelagatti 2006a, p. 22-23, fig. 9 et 12.
63 Cette pièce avait été à l’origine interprétée comme un impluvium. Sur cette pièce et les fouilles de la villa en général, voir p. 190.
64 Aiosa 2010, p. 24-25.
65 Voir partie 3, p. 201-204.
66 Orsi 1902.
67 Orsi 1915, p. 191.
68 Gentili 1951, p. 281-282, fig. 17.
69 Ibid., p. 292-293 et fig. 26, p. 292.
70 Gentili 1956, p. 101-103.
71 Tsakirgis 1990, p. 425.
72 Ibid., p. 435.
73 Le catalogue des bétons de tuileaux de Morgantina est nettement plus riche que le corpus mégarien, en nombre (quatre-vingt-un contre seize dans les maisons de Mégara) comme en décoration. La rareté des bétons de tuileaux à Mégara m’incite à penser qu’ils avaient une utilisation restreinte à des types de pièces bien particuliers (voir chapitre 5, p. 104) alors que le spectre est nettement plus large à Morgantina.
74 Les paillassons et les seuils en tesselles restent relativement rares, B. Tsakirgis faisant d’ailleurs la distinction entre les « pseudo-paillassons », qui se trouvent dans la pièce et interrompent le motif de la bordure, et les seuils, qui se trouvent directement dans le passage (voir fig. 24b) ; les premiers auraient été plus souvent associés aux chambres à coucher et les seconds, aux exèdres (Tsakirgis 1990, p. 436-438).
75 Voir ci-dessus.
76 Parmi les types de motifs utilisés à Morgantina par les constructeurs, et que l’on retrouve à Mégara, les semis réguliers parallèles sont les plus répandus mais leur variante oblique l’est, elle, beaucoup moins ; B. Tsakirgis note qu’ils n’étaient jamais utilisés pour former des motifs centraux. À l’inverse, les quadrillages de losanges n’étaient positionnés qu’au centre ou éventuellement sur toute la surface d’une pièce. Les méandres, comme les semis, ne se trouvent pas non plus en tant que motifs centraux mais plutôt en bordure ; parmi ces méandres, le dessin de svastikas et carrés alternés était le plus populaire avec le plus souvent un petit arrangement de tesselles au centre des carrés ; la complexité de ce type de décor semble l’avoir surtout promis aux salles plus prestigieuses (Tsakirgis 1990, p. 438-439). Là encore, on relève des divergences significatives concernant les modalités de mise en œuvre des motifs puisque le seul exemple connu de quadrillage de losanges se rencontre pour un paillasson et que l’unique méandre de svastikas et carrés est utilisé pour former un motif central (à nouveau dans le sol 14p2). J’ai cependant la même interprétation puisque j’attribue ce décor complexe à une salle de prestige (14,59b).
77 Tsakirgis 1990, p. 441.
78 Il s’agit du sol 37 du portique est (Tsakirgis 1990, p. 431, n. 35).
79 Tsakirgis 1990, p. 441. Il s’agit ici du sol 29 de la pièce 5 et du sol de la cour sud (ibid., p. 430-431, n. 30). Parmi le mobilier le plus récent, deux pièces de Hiéron II qui, en tant que TPQ, indiqueraient des périodes situées après 269 (date généralement retenue pour son accession au pouvoir), voire bien plus récentes encore : la monnaie D/profil de Hiéron II R/cavalier est datée aux alentours de 230 dans Carroccio 2004, p. 83-84. Cette émission monétaire a également été retrouvée dans la maison de Ganymède et elle relèverait de la période de fréquentation de la maison (iiie siècle) selon Bell 2011, p. 107, n. 13.
80 Voir description p. 47.
81 Brem 2000, p. 69-70. Selon l’auteur, ce type de sol peut être appelé de façon générale opus signinum, indifféremment du motif formé par les tesselles.
82 Les sols des pièces 15, 17, 21 et 22, intégralement conservés, présentent un motif à semis de tesselles (les pièces 15 et 17 sont interprétées comme les annexes latérales du Dreiraumgruppe). L’auteur distingue néanmoins les semis des pièces 15, 21 et 22 réalisés avec des tesselles nettement plus grosses. L’extension ouest de l’ambulatoire nord du péristyle (pièce 2a) ne comporte plus l’intégralité de son sol : il s’agissait vraisemblablement d’un motif central en quadrillage de losanges, encadré par une rangée de tesselles, puis une bordure en méandres de svastikas et carrés (Brem 2000, p. 71-74).
83 Isler 1997b, p. 23-24. H.P. Isler différencie l’opus signinum du cocciopesto par la présence de tesselles.
84 Ibid., p. 21-22.
85 Ibid., p. 23-24.
86 Pièce 3, voir plus loin, p. 66.
87 Isler 1997b, p. 24-25.
88 Voir partie 1, p. 28.
89 Voir partie 3, p. 234-235.
90 Voir partie 3, p. 225-226.
91 Greco 1997, p. 40-42.
92 Les types de sol les plus caractéristiques de la Sélinonte punique sont réunis par S. Helas sous le terme général de « sol en mortier coulé » (Gussmörtelboden) ou parfois « sol/plancher en mortier » (Mörtelestrich) et « sol en terrazzo » (Terrazzoboden), où le terme terrazzo désigne un béton de tuileau avec éclats minéraux. Ces termes côtoient, ce qui ne simplifie pas la compréhension, l’expression « sol en cocciopesto » (Cocciopesto-Böden) qu’elle définit d’après le terme cocciopesto c’est-à-dire un mélange avec des morceaux de céramique écrasés comme agrégat. On comprend ainsi que presque tous les sols en béton/mortier que S. Helas a pu étudier à Sélinonte sont finalement des Cocciopesto-Böden. Ce qu’elle nomme « opus signinum » ne désigne par contre qu’une sous-catégorie de ce type de sol, c’est-à-dire précisément le sol en béton/mortier de tuileau décoré de tesselles (Helas 2011, p. 65).
93 Isler 1997b, p. 26-27.
94 À Délos, par exemple, la roche la plus utilisée pour les sols assemblés était le gneiss : on retrouve ainsi des dallages en gneiss principalement dans les cours, appareillés à joints vifs avec plus ou moins de soin et de régularité, et dans quelques secteurs bien déterminés (impluvia, portiques) ; les vestibules et, plus rarement, les latrines pouvaient également être dotés de ces dallages (Chamonard 1922, p. 394). À Thasos, les pavements de gneiss ou de marbre (abondant sur l’île) ou les deux associés étaient de la même façon sommairement mis en œuvre, à part peut-être au début de l’époque hellénistique (Grandjean 1988, p. 405).
95 Une technique assez particulière de sols assemblés en pierre, que l’on avait désignée un temps par le terme « appareil en hérisson », est représentée par les deux sols 51p1 et 51p2 qui ont été mis au jour à peu près au même endroit, près de l’angle nord-est de l’agora, dans deux pièces contiguës. Il s’avère en fait qu’il s’agirait plutôt des fondations de sols bétonnés (voir plus haut), comme on peut le voir à l’agora de Solonte (Wolf 2003, Taf.7.2) ou dans une des maisons puniques de Sélinonte (Helas 2011, p. 254).
96 Helas 2011, p. 64-65.
97 La pièce 17, immédiatement au nord du vestibule 11, était recouverte d’un dallage de briques carrées que l’on retrouve d’ailleurs dans le bassin de la cour nord et dans la pièce 16. La cour était entourée d’un péristyle à 4 × 3 colonnes avec un portique nord plus profond, signe selon les fouilleurs de la présence d’une pastas antérieure au péristyle. À l’époque de la pastas, la cour était pavée par de petits cubes en terre cuite et elle possédait une citerne, vraisemblablement comblée lorsque la cour sud et sa propre citerne ont été annexées ; dans cette phase, les ambulatoires du péristyle nord ont été revêtus d’un cocciopesto (Tsakirgis 1984, p. 142 ; Stillwell 1963, p. 168).
98 Gentili 1951, p. 292-293, fig. 27.
99 Concernant le sol de la cour de la maison 6, G.V. Gentili précise qu’il recouvrait une rangée de moellons taillés, appartenant donc à un mur antérieur dont l’appareil daterait des ive-iiie siècles ; la maison 6 elle-même daterait du ier siècle.
100 Celle-ci est évoquée dans Mégara 7 (p. 264-266). Il s’agit de la maison 30,12 selon l’ancienne nomenclature, dans laquelle on avait déjà retrouvé de la campanienne C (Mégara 3, p. 86-88). Les sols en question se trouvent dans la « pièce e » et ont été regroupés sous le terme 21p1 dans Mège 2010.
101 Cicala 2006, p. 104 ; Cicala, Fiammenghi, Vecchio 2003, p. 180.
102 Il s’agit peut-être d’une boutique : Barra Bagnasco 1992, p. 26-27.
103 Ibid., p. 38.
104 Ibid., p. 27-28, 32.
105 Hauptmann, Yalcin 2001.
106 Theodoridou, Ioannou, Philokyprou 2013. Voir également Guimier-Sorbets 2010 (p. 29) qui cite des exemples encore plus anciens de sols à base d’argile et de chaux en Crète et en Grèce continentale.
107 Vassal 2006, p. 34.
108 À Olympie, dans les bains (Mallwitz 1972, p. 270) ; voir aussi Ginouvès 1962, p. 43. À Athènes, dans les bains du Dipylon (Greco 2014a, p. 1315-1316). À Olynthe, dans les maisons : Robinson, Mylonas 1946, p. 289.
109 À part en Sardaigne et en Espagne, où ce n’est qu’au début de la domination romaine, à partir du dernier quart du iiie siècle, qu’ils font leur apparition (Tang 2015, p. 35-37).
110 Scovazzo 1997, p. 108-109.
111 Parmi les contextes les plus anciens, citons : la domus 5 à Fregellae (fin du ive siècle : Coarelli 1995, p. 19) ; une tombe à hypogée de Naples (première moitié du iiie siècle : Baldassarre 1997, p. 523-530) ; un andrôn de Civita di Tricarico en Lucanie (iiie siècle : Cazanove 1996, p. 901-941). Il est attesté de multiples fois à Pompéi : voir notamment Coarelli, Pesando 2005, p. 104, 150, 221.
112 Vassal 2006, p. 43 ; Dunbabin 1994, p. 31, n. 15.
113 Voir partie 3, p. 246-247.
114 Orlandos 1966, p. 67.
115 Oleson 2008, p. 239.
116 Villard 1951, p. 29.
117 Voir p. 62-63.
118 On peut parler ici sans trop d’exagération d’une fabrication quasi-industrielle, centralisée, organisée par la cité et confiée à la responsabilité d’un magistrat dont le sigle était dûment estampillé sur chaque brique (Mingazzini 1954, p. 42).
119 Mingazzini 1954, p. 44-47.
120 Hellmann 2002, p. 108 ; Adam 2008, p. 157-158.
121 Dans ce qui suit, on utilisera les termes « tuile (de courant) plate » plutôt que « tuile (de courant) corinthienne » et « couvre-joint polygonal » plutôt que « couvre-joint corinthien » ; de même, on écrira « tuile (de courant) courbe » plutôt que « tuile (de courant) laconienne » et « couvre-joint courbe » plutôt que « couvre-joint laconien ». En revanche, on conservera les noms usuels des types de toits (ou toitures) car ils ne portent pas d’ambiguïtés et sont plus faciles d’usage : corinthien (tuiles de courant plates et couvre-joints polygonaux), laconien (tuiles de courant et couvre-joints courbes), mixte (tuiles de courant plates et couvre-joints courbes).
122 Contrairement aux murs, seuils et sols, aucun de ces éléments de couverture n’était donc dans sa position initiale de fonctionnement, ni même dans un niveau de destruction. Autrement dit, impossible de connaître leur contexte archéologique de découverte.
123 Mégara 1, p. 257.
124 Pour les tombes à tuiles : sépultures 7409 et 7410, plateau sud, fouille 74 du chantier 7 (Mégara 5, p. 219-228, fig. 261). Pour les puits : puits 2204 (= 77/04), plateau sud, chantier 2, (Mégara 5, p. 95-118) ; puits 4311 (= 79/01), plateau sud, fouille 43 (Mégara 5, p. 135-137, fig. 145) ; puits 126 (= 79/02), plateau sud, chantier 1, temple ZR (Mégara 5, p. 71-74, fig. 71).
125 Pour la tombe 7409, la tuile verticale faisait 54 cm de largeur ; pour la tombe 7410, celle du fond avait une largeur de 54 cm et une longueur de 84 cm.
126 J’ai effectivement pu utiliser dans mon analyse les tuiles extraites du comblement du puits H13 de la maison 40,2, fouillée par H. Tréziny en 1973 au sud de l’agora archaïque (Mégara 1, p. 304-314), et opportunément conservées dans les réserves.
127 Cette couleur de surface est obtenue à partir d’une pâte de couleur rouge vif dans laquelle a été utilisé un dégraissant d’origine volcanique, à la granulométrie importante, parfois accompagné de chamotte. La présence de ce type de dégraissant ne surprend pas dans une région située à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau de l’Etna. C’est vraisemblablement au cours de la cuisson et après un traitement spécifique de l’objet (peut-être par une détrempe à l’eau de mer) que la surface des tuiles devait prendre cette couleur jaune vif.
128 Au passage, l’existence de telles tuiles est également la preuve qu’il existait des toits en double pente aussi bien à l’époque archaïque qu’à l’époque hellénistique.
129 Notons d’ailleurs que la largeur des tuiles archaïques est de 54 cm en moyenne.
130 C’est ce que propose K. Reber dans le quartier ouest à Érétrie (Reber 1998, p. 125-130).
131 Ces tuiles réunissaient dans un même élément la partie « courant » et la partie « couvre-joint » et remplissaient ainsi les deux fonctions. Leur absence peut surprendre car c’était une solution technique assez courante dans l’antiquité grecque : voir Hellmann 2002, p. 298-315 ; Hellmann 2010, p. 167-169 ; Martin 1965, p. 65-80 ; Winter 1993, p. 21-32.
132 Cultrera 1938, p. 289-290, fig. 16 et 17a.
133 Tsakirgis 1984, p. 346, n. 26. L’examen autoptique des tuiles conservées dans les réserves du musée d’Aidone montre qu’elles étaient de factures proches de celles de Mégara : on y a notamment trouvé des tuiles à douilles, d’un type différent de celle de Mégara, mais pas de tuiles faîtières. C’est l’occasion de remercier ici chaleureusement M. Bell qui nous a ouvert les réserves du musée en mai 2012.
134 Contrairement aux tuiles hellénistiques de la Casa dei Leoni à Locres Épizéphyréenne. Les tuiles de ce corpus ont été reliées aux différentes phases de la Casa dei Leoni, ce qui les place dans une fourchette chronologique allant du milieu du ive siècle au milieu du iiie siècle (Barra Bagnasco 1992, p. 319-325).
135 Dans un édifice du quartier de Capo Soprano, les fouilleurs notent que les deux pièces étaient remplies de fragments de tuiles de courant plates et de couvre-joints à sections pentagonales qui formaient, précisent-ils, les couvertures habituelles (Adamesteanu, Orlandini 1960, p. 165). Parmi les décombres recouvrant les Bains figurait aussi une épaisse couche de tuiles plates et de couvre-joints à sections pentagonales mais également semi-circulaires (ibid., p. 181-202). Pour rappel, les toitures des époques précédentes étaient a priori seulement mixtes (d’après les fouilles du secteur de l’ancienne gare ferroviaire : Spagnolo 1991, p. 58-66).
136 Type appelé « sicilien » dans Gafà 2000, p. 259.
137 Dalcher 1994, p. 62-63.
138 Helas 2011, p. 60-61.
139 L’auteure, M. Jonasch, restitue ainsi des toitures mixtes mais avec un arrangement rare de rangées de couvre-joints différentes (Jonasch 2009, p. 4, fig. 10).
140 À tel point que le postulat « une maison égale un puits » semble être systématiquement vérifié pour cette époque (Mégara 5, p. 487).
141 Voir Mégara 7, p. 142-146.
142 La contribution d’E. Owens, M. Trümper et G. Zuchtriegel (Owens, Trümper, Zuchtriegel 2011) apporte un éclairage notable sur ce thème pour le monde grec.
143 On renvoie pour cela aux différentes publications des fouilles du plateau sud et de l’agora, notamment Mégara 5 (p. 486-512).
144 C’est ce que les auteurs de Mégara 5 ont constaté dans les bâtiments archaïques du plateau sud où ne demeuraient souvent que les bases de margelle, sous forme de petites élévations de pierres entourant l’embouchure, tandis que les margelles elles-mêmes ont parfois été retrouvées dans le puits, fragments de cylindres de terre cuite ou pithoi remployés (Mégara 5, p. 486).
145 Voir aussi p. 77.
146 À cause de leur forme, je suggère que les margelles monolithes de 23,43 et 58,30 étaient peut-être d’anciens chapiteaux doriques au centre desquels on aurait percé un orifice. F. Villard parle laconiquement de « margelles en encorbellement » pour les puits hellénistiques du chantier A. Celle du puits 47,7 est décrite comme un « anneau d’arenaria monolithe », retrouvé dans le comblement du conduit (Villard 1951, p. 28). Il n’existe aucune photographie ou aucun dessin détaillé de ces margelles.
147 Comme celles des puits 49,5 (Mégara 1, p. 124) 29,6 (Mégara 1, p. 75) et le puits 126 (Mégara 5, p. 70-71). Voir aussi Mégara 5, p. 487.
148 Selon le classement dans Collin Bouffier 1992, p. 217-218.
149 Adamesteanu, Orlandini 1960, p. 134-137.
150 De Miro, Fiorentini 1978, p. 445-446.
151 Collin Bouffier 2006, p. 188-191.
152 Tsakirgis 1984, p. 336, 370, n. 170.
153 Les arulae cylindriques en terre cuite de Sicile et leur remploi en tant que margelles ont fait l’objet d’une étude que j’espère pouvoir publier prochainement. On se contentera de dire ici qu’on en a retrouvé à Syracuse, Géla, Camarine, Morgantina et Agrigente.
154 Voir à ce propos C. Daremberg, E. Saglio (dir.). Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, I.1, A-B, Paris, 1877 (Graz, 1969, p. 347-352, surtout p. 349).
155 Par exemple des denticules et des rangs d’oves, des triglyphes et métopes pour le sommet et des moulurations type doucines ou cavets pour la base.
156 Les puits 40,53, 58,30 (premier état) et 64,16.
157 Les ouvrages de référence sur ces objets restent, pour Délos, Deonna 1938 (p. 94-96) et, pour Pompéi, Pernice 1932 (p. 16-30). W. Deonna a notamment avancé l’hypothèse que certains autels cylindriques auraient été désaffectés, évidés puis réutilisés en tant que margelles (Deonna 1938, p. 96), suivant en cela une idée formulée auparavant par J. Chamonard (Chamonard 1922, p. 348). E. Pernice a de son côté rapporté le cas d’une margelle endommagée retrouvée posée en sens inverse sur l’orifice d’une citerne de Pompéi ; la partie inférieure s’était brisée et, afin de pouvoir réutiliser la margelle, on avait limé la fracture et posé la margelle en la retournant. Un deuxième exemplaire, dont seul le sommet est conservé, a manifestement été remployé de la même façon. L’auteur attribue une origine sicilienne à cette habitude de fabriquer des margelles en terre cuite. Il relève également l’existence des arulae cylindriques de Syracuse qui, pour lui, « ne peuvent guère avoir été autre chose que des margelles de puits » (Pernice 1932, p. 18).
158 Dans une contribution consacrée à ces structures dans le monde grec, il est ainsi suggéré que « if a pit is lined with bricks and can neither be a cistern (i.e. because it could not hold water) nor a storage room or cellar [...] this structure can be interpreted as a kopron » où koprôn est le terme consacré pour les fosses à déchets (Owens, Trümper, Zuchtriegel 2011, p. 30). C’est en effet cette définition par élimination que j’ai suivie, à la différence qu’aucune des structures présentées ici comme fosses à déchets ne comporte d’entourage de briques ; cette absence n’est toutefois pas si étonnante compte tenu de ce que l’on sait des habitudes de construction à Mégara, du moins avant l’époque romaine (voir p. 41).
159 Les auteurs de Mégara 5 évoquent le cas de ces puits archaïques « inachevés », en nombre trop conséquent pour être fortuits. Ils ne retiennent pas toutefois une possible fonction comme puisards (Mégara 5, p. 511-512).
160 Ibid., p. 488. Pour rappel, le diamètre du boyau se situe entre 0,75 et 0,90 m tandis que la profondeur varie entre 5 et 9 m : ibid., p. 486.
161 Bien entendu, la distinction que l’on fait ici entre le chemisage (partie interne) et l’entourage (partie externe) est artificielle car dépendante du niveau où s’est arrêtée la fouille. Lorsqu’il a été possible d’estimer le niveau de circulation contemporain de la fosse (voir par exemple 41,32b, 50,31 ou 58,51), il apparaît bel et bien que l’essentiel de la structure devait être enterré et que seule la couverture devait dépasser un peu, certainement afin de pouvoir manipuler les dalles ou les planches qui la constituaient lorsque l’on voulait curer la fosse.
162 Pourtant, 33,94 et 41,32b étaient manifestement destinées à recevoir les eaux usées provenant d’une maison (ou de plusieurs). En particulier, la configuration de 41,32b est intéressante car elle se trouve au débouché de l’espacement 41,32a entre deux, ce dernier jouant donc le rôle dévolu à un ambitus en recueillant les eaux usées provenant des maisons au nord et au sud. L’autre détail notable est la présence d’un bout de tuyau en céramique en forme de U, situé juste sous la dalle de couverture, dans le prolongement de l’ambitus, et vraisemblablement chargé d’amener les déchets dans la fosse.
163 Voir par ailleurs chap. 5, p. 89-92.
164 Voir chap. 5, p. 92.
165 Les anciens Grecs prenaient le plus grand soin à séparer les évacuations des eaux usées et les systèmes d’alimentation en eau potable afin d’éviter de les souiller (Hellmann 2010, p. 175). Dans ce dernier cas, le nouveau puits 47,14 aurait remplacé l’ancien puits 47,7 situé non loin. F. Villard précise bien que le puits 7 (= 47,7) a été condamné et comblé par du matériel de la « première période hellénistique », donc entre la fin du ive et la fin du iiie siècle (Villard 1951, p. 28, n. 3), et qu’il a pu être foré avant la construction de la maison (Villard 1951, p. 22, n. 2).
166 Owens, Trümper, Zuchtriegel 2011, p. 29-31.
167 Voir p. 149-151.
168 L’un des seuls critères de datation que l’on possède est le TAQ fourni par la construction de la deuxième enceinte hellénistique ; cela concerne la section des égouts qui, depuis les Bains, débouchait dans le fossé le long de l’enceinte, juste au nord de la Porte ouest. Bains et deuxième enceinte dateraient environ du milieu du iiie siècle (voir Mégara 7, p. 133-134, 224-233).
169 Parmi les critères figurent le mortier hydraulique sur les parois et la présence d’un bassin de décantation. Cela ne peut néanmoins constituer qu’un « bon indice d’identification » (Bouffier 2014, p. 181).
170 Ginouvès 1992, p. 207-209.
171 La jonction entre l’entourage de cette citerne et le mur au sud est réalisée par un revêtement assez curieux, très mal conservé, dont on ne connaît pas la fonction si ce n’est que son imperméabilité devait avoir en rapport avec l’utilisation de la citerne. Une partie de ce sol est constituée de morceaux de tuiles placées de chant et coulés dans un mortier. Il s’agit très probablement d’un niveau de fondation car, en d’autres endroits, ce sol semble être recouvert par un béton de tuileau.
172 Néanmoins, il n’y a aucune conduite conservée qui soit en rapport avec ces ouvertures : on ne peut donc pas déterminer si c’était une embouchure destinée à une arrivée d’eau ou, au contraire, à une surverse alimentant un bassin de décantation.
173 Tsakirgis 1984, p. 334-335.
174 Deux citernes en cloche près de l’Hôtel de Ville, dont l’une avait une embouchure de 1 m de diamètre pour une profondeur de 5 m et un diamètre à la base de 3,60 m ; ses parois étaient enduites (Adamesteanu, Orlandini 1956, p. 269-270). D’autres citernes en cloche ont été signalées dans le secteur nord de la colline. L’une d’entre elles avait une profondeur de 5,37 m et un diamètre à la base de 2,85 m et comportait une petite cuvette creusée dans le fond afin de faire décanter les eaux. Ses parois étaient enduites d’un mortier de chaux et de sable (épaisseur : 0,50 cm) et son col (hauteur : 0,85 m) était chemisé par un cylindre en terre cuite (hauteur : 0,53 m) (Adamesteanu, Orlandini 1960, p. 72-75). Plus loin se trouvait une autre citerne, dont on ne connaît que la profondeur : 5,2 m (ibid., p. 77-79).
175 Dans le corpus établi par Collin Bouffier 1992, p. 227-228.
176 Les parois de ces citernes étaient constituées de murs en pierre, enduits, et la couverture consistait en de grandes dalles mises côte à côte et suffisamment longues pour être placées dans la largeur ; ces dalles de couverture étaient normalement enfouies dans le sol, voire recouvertes d’un béton de tuileau. Le type « en cloche » est peu répandu à Sélinonte. Ces citernes étaient alimentées par des conduites en terre cuite ou en pierre, ménagées dans le sol et dans les murs afin de conduire les eaux de pluie (Helas 2011, p. 88-93).
177 Hellmann 2010, p. 172.
178 On pourrait penser à une foulerie voire une teinturerie ou une laverie (si l’on interprète les fours comme les chambres de chauffe d’une chaudière). Il semble plus probable en l’état d’interpréter ce complexe comme un établissement de bains (voir Mégara 7, p. 228). On l’évoquera à nouveau p. 167.
179 Bouffier 2014, p. 183-187.
180 Ibid., p. 188.
181 Par exemple, les évacuations des salles d’eaux 41,78 et 49, B18 (évacuation 58,46) et des latrines 30,22 et 58,42 (voir p. 89). Ce sont les seules installations en rapport avec l’acheminement d’eau puisqu’on ne connaît pas de systèmes de distribution d’eau courante comme à Morgantina ou à Pompéi.
182 Voir note 162.
183 En raison de ses bipedales, briques carrées de 0,59 m de côté pour 0,08 m de hauteur (voir à ce sujet Adam 2008, p. 158). Plus de détails sur le sol dans Mège 2010 (p. 101, 168-169).
184 Cette solution technique n’était pas rare et on la retrouve aussi bien à Thasos (Grandjean 1988, p. 418) qu’à Érétrie (Ducrey, Metzger, Reber 1993, Abb. 88, p. 79) ou à Olynthe (Robinson, Graham 1938, p. 232, n. 1 et pl. 75,2).
185 Owens, Trümper, Zuchtriegel 2011, p. 31.
186 La plupart des tuyaux retrouvés à Morgantina étaient constitués d’éléments en terre cuite, avec probablement un diamètre plus important pour ceux destinés à l’évacuation (en moyenne 0,30 m) qu’à l’adduction (env. 0,10 m). Ces conduites assuraient l’alimentation en eau des citernes qui n’étaient pas sous le bassin du péristyle ou servaient à éliminer l’eau en excès dans les citernes en l’évacuant hors des maisons. Outre les fontaines publiques et les sources naturelles, un système d’alimentation à pression avec château d’eau et conduites en plomb, similaire à celui de Pompéi, fut installé à un moment indéterminé de l’histoire du site, en tout cas avant son abandon vers le début de notre ère (Tsakirgis 1984, p. 336-341).
187 On ne connaît dans le détail que celles de la maison à Péristyle 1. Dans la petite cour au nord-ouest de la maison (pièce 23), une canalisation permettait dans une première phase d’évacuer les eaux et le trop-plein de la citerne située en dessous ; ce conduit, recouvert par des plaques de pierre, longeait au sud la partie de la cour dallée de pierres et rejoignait l’extérieur via la pièce 7. Sa modification au cours de la seconde phase est directement liée à la construction d’une nouvelle baignoire dans la pièce 21 (voir p. 102) : une seconde canalisation, également couverte et menant à la précédente, a donc été insérée dans le carrelage afin d’évacuer les eaux venant de la pièce 21 via la pièce 22 (Dalcher 1994, p. 40-41).
188 Voir note 176.
189 On pourrait cependant imaginer parfois un escalier en bois, sous la forme rudimentaire d’une échelle de meunier (c’est-à-dire sans cage), qui aurait permis depuis l’une des pièces du bas d’accéder à l’étage ou au toit-terrasse via une ouverture dans le plafond appelée « trémie ». Pour le vocabulaire de cette partie, voir Ginouvès 1992, p. 197-205.
190 Cette galerie jouait un rôle de couloir abrité permettant de circuler entre les pièces indépendantes de l’étage, comme à Thasos (Grandjean 1988, p. 407). C’est ce qui est proposé à Locres dans la Casa dei Leoni où les fouilleurs positionnent un escalier en bois à deux volées dans l’espace étroit à l’ouest de la pastas, entre deux murs (Barra Bagnasco 1992, p. 46-47). À Morgantina, la présence d’une pièce indépendante et étroite fait penser à une cage d’escalier mais ce cas n’intervient que dans trois maisons (il s’agit de la maison du Chapiteau dorique, de la maison de la Citerne voûtée et de la maison du Magistrat, Tsakirgis 1984, p. 395).
191 Robinson, Graham 1938, p. 271-274.
192 Grandjean 1988, p. 102. Même observation à Délos avec ces massifs de maçonnerie ou de terre qui soutenaient des dalles de gneiss, premières marches d’un escalier qui se poursuivait inévitablement par une volée en bois à cause des contraintes trop importantes générées par le poids du massif (Chamonard 1922, p. 308-313).
193 À nouveau Délos, Chamonard 1922, p. 307-308.
194 Dans le cas de 50,84, l’absence de remplissage est très probablement due aux fouilles.
195 Techniquement parlant, il est impossible de dire aujourd’hui s’il s’agissait d’un mur d’échiffre, donc limité en hauteur par les marches et formant alors un escalier « ouvert », ou bien d’un second mur de cage, montant jusqu’au plafond pour donner donc un espace fermé c’est-à-dire stricto sensu une cage d’escalier.
196 Voir p. 99.
197 Les toits des maisons de Sélinonte étaient probablement plats, puisqu’on ne connaît pas de tuiles produites après l’époque grecque : les escaliers qui ont été repérés servaient probablement à accéder au toit, auquel cas on aurait donc eu affaire formellement à des toits en terrasses (Helas 2011, p. 60-61).
198 Helas 2011, p. 46-47.
199 Voir partie 3, p. 249.
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