Le blé africain et Rome. Remarques sur quelques documents
p. 295-304
Résumés
Plusieurs documents, jusqu’ici diversement exploités, mettent en évidence l’importance des productions frumentaires de la Numidie septentrionale, qui correspond à la région annexée par César à l’Africa. Au IIIe s. ap. J.-C. apparaît une structure administrative dont les fondements fiscaux semblent antérieurs à la fondation même du Principat.
Several documents, which have been variously exploited so far, highlight the key role of grain production in septentrional Numidia, the region that Caesar annexed to Africa. During the third century A. D., an administrative structure was set up, whose fiscal laws seem to date back to a period previous to the establishment of the Principate.
Texte intégral
1Il serait vain de prétendre renouveler l’étude de l’exploitation par Rome du blé africain, car le sujet a reçu une bibliographie séculaire et surabondante, que des ouvrages récents complètent commodément. Aussi, être invité à passer par l’Afrique doit conduire, à mon avis, si l’on veut conserver quelque intérêt au propos, à se limiter à l’examen de documents qui pourraient être mieux pesés ou mieux considérés.
2Les quelques textes qui seront abordés dans cet exposé sont connus depuis longtemps. Ils peuvent être à des degrés divers rattachés au problème de la production céréalière africaine et du ravitaillement en blé de Rome, deux réalités indissociablement liées à l’époque impériale. Fait notable aussi, tous ces textes conduisent vers une des régions que devait parcourir le “moissonneur” de Mactar1 quand il se déplaçait jusqu’à Cirta (Lassère 1977,620). Nous sommes dans la Numidie cirtéenne et dans la Numidie d’Hippone (Desanges 1980), régions où l’emprise de Rome était réelle dès le milieu du Ier siècle avant J. -C. (Desanges 1978).
3Dans son ouvrage récent, G. Rickman tend à considérer cette contrée comme un simple prolongement du Nord-Est de la Proconsulaire qui, à son avis, constituerait le cœur de l’Afrique céréalière. S’il reconnaît qu’elle participa au ravitaillement en blé de l’Urbs, il ne lui accorde pas la primauté dans ses analyses. En deux passages seulement il évoque cette région2, tandis qu’il concentre son attention sur les grands domaines de la vallée du Bagradas et sur l’abondante moisson épigraphique qu’ils ont fournie depuis longtemps3. Une discrétion similaire caractérise un autre ouvrage récent, celui de D. P. Kehoe (Kehoe 1988). Pourtant le tableau dressé par R. Cagnat était plus nuancé (Cagnat 1915, 248-249), et d’autres auteurs après lui mirent en valeur la richesse céréalière de cette région, malheureusement plutôt médiocrement reliée à la côte4.
4Là, au cœur de l’Africa nova dont elle aurait pu être pendant quelques temps la capitale, se trouvait Sicca Veneria, Cirta nova.
5De cette cité provient le texte d’une fondation alimentaire, instituée par un haut fonctionnaire équestre de l’époque de Marc Aurèle, parvenu jusqu’au poste d’arationibus, P. Licinius Papirianus5. Ce grand personnage issu de Sicca6 a couché dans son testament un legs de 1 300 000 sesterces en faveur de sa cité, la grande colonie julienne dont le territoire s’étendait largement dans le nord de l’Africa nova, c’est-à-dire en Numidie proconsulaire7. Ce n’est pas le lieu de s’étendre ici sur les détails des conseils que Papirianus donnait à ses compatriotes pour exécuter au mieux ses volontés (Christol/ Magioncalda 1991, 324-329). Retenons quand même que cette somme transmise par fidéicommis est la plus importante de celles qui figurent dans les documents relatifs aux fondations africaines (Duncan-Jones 1978, 80-81). Elle dépasse aussi, et de beaucoup, les sommes affectées par les bienfaiteurs aux fondations alimentaires d’Italie et d’Occident (Christol/Magioncalda 1991, 324). De plus, c’est par un autre fidéicommis que Papirien indiquerait ses volontés à ses concitoyens, afin qu’ils assurent au mieux le fonctionnement de la fondation qu’il avait instituée. Son attention se porte alors sur des détails, qui contraignent à supposer que cet homme disposait d’une réelle familiarité avec les réalités quotidiennes de la vie administrative des cités et les usages, vraisemblablement sanctionnés par le droit, qui permettaient de concevoir des modèles aisés à suivre ou à adapter8.
6Aussi tous les éléments qui s’articulent dans cette habile construction peuvent prendre une valeur générique et leur signification dépasser le document lui-même. Il est, en effet, vraisemblable d’admettre que, bien au fait des usages de ses contemporains et des réalités de son temps, P. Licinius Papirianus ait voulu transposer en sa cité africaine ce qu’il pouvait mieux connaître en Italie, et qu’il ait ajusté, peut-être empiriquement, mais avec des préoccupations dictées par le bon sens, les stipulations relatives à l’exécution de son legs testamentaire aux conditions économiques et sociales de la Numidie proconsulaire. On peut donc appréhender le document comme le témoin d’une pratique, ce qui justifie de le rapprocher d’une normalité qui nous échappe et qu’il doit permettre parfois de découvrir.
7Il en est ainsi des indications de prix. P. Licinius Papirianus a prévu que les bénéficiaires recevraient,-entendons : chaque mois -, deux deniers et demi s’il s’agissait de garçons, deux deniers s’il s’agissait de filles. A Terracine, dans une fondation alimentaire italienne appartenant aussi au IIe siècle ap. J. -C., les sommes prévues étaient deux fois supérieures: cinq deniers et quatre deniers respectivement9. Quant aux alimenta trajaniens, qui n’avaient pas les mêmes finalités que les fondations alimentaires des particuliers, ni la même organisation, ils prévoyaient des sommes légèrement inférieures à celles dont il est question à Terracine : quatre et trois deniers respectivement.
8Puisqu’il est difficile de supposer que Papirianus n’a pas évalué quels seraient les effets de ses prévisions, on peut tenter de dégager des sommes allouées à ses jeunes compatriotes une estimation du niveau de vie en Numidie proconsulaire par rapport à l’Italie, du moins en ce qui concerne les denrées essentielles et surtout les céréales consommables. Avec R. P. Duncan-Jones on admettra que les anciens avaient une idée des prix normaux et pouvaient estimer quel était le prix le plus fréquent ou la valeur courante d’une denrée, en dépit des variations qui pouvaient se produire à l’intérieur d’une même année, ou d’une année sur l’autre (Duncan-Jones 1978, 144-146). En Égypte, semble-t-il, le prix en année normale, pour des quantités ramenées aux unités de mesure romaines, se situait aux alentours de deux sesterces le modius, peut-être même un peu moins (Duncan-Jones 1978, 50-51). Dans cette province céréalière, comme ailleurs en Sicile et en Galatie, au Ier s. av. J. -C. et au Ier s. ap. J. -C., il se vérifiait, à des degrés différents, que les prix provinciaux étaient bien inférieurs aux prix italiens (Duncan-Jones 1978, 51 et 145). Aussi, puisqu’une grande partie de l’allocation mensuelle devait couvrir les dépenses de l’alimentation en blé, on peut admettre que le prix de cette denrée devrait être estimé, en Νumidie proconsulaire, à deux sesterces et demi approximativement (Duncan-Jones 1978, 51 et 145). Puisque nous sommes de plus dans un contexte de bienfaisance, ne peut-on supposer qu’il s’agirait d’un prix plafond en année normale ? Quoi qu’il en soit, si l’on compare les allocations alimentaires de Terracine et de Sicca Veneria, on doit conclure que de façon relative les prix africains pour les denrées essentielles étaient inférieurs de moitié aux prix italiens.
9Cette indication, intéressante mais peu mise en valeur, permet de mieux apprécier quelle pourrait être la place de la Numidie proconsulaire dans le ravitaillement en blé de Rome, qu’il s’agisse du marché libre ou de toute fourniture nécessitant de la part de l’État des achats en cette région. Plus généralement elle confirme que l’importance de la province d’Afrique, maintes fois affirmée, et récemment encore par ceux qui ont essayé d’embrasser dans leur ensemble les questions frumentaires10, repose sur l’ampleur des surfaces productives qui y étaient disponibles. A trop concentrer l’attention sur les grands domaines de l’Afrique nord-orientale, riches en documents épigraphiques, on pourrait négliger l’arrière-pays d’Hippo Regius, c’est-à-dire la région qui s’étendait de la moyenne vallée du Bagradas aux hautes plaines du Constantinois. Offrant des blés à bas prix, bien placée à proximité de l’Italie, même si les trajets des zones céréalières à la mer étaient médiocres, cette partie de la province pouvait aisément jouer, à l’époque impériale, le rôle qu’avait tenu la Sicile aux derniers siècles de la République.
10Des possibilités offertes par cette région témoignent aussi deux autres documents.
11Ils concernent un personnage qualifié de curator frumenti comparandi in annonam Urbis facto a divo Nerva Traiano. Cette fonction est mentionnée dans les deux inscriptions qui le font connaître. L’une provient de Calama, sa cité d’adoption. Elle est due à ses concitoyens : municipes municipi11. L’autre provient d’Hippone où un hommage lui est rendu par le collegium Larum Caesaris n(ostri) et liberti et familia item conductores qui in regione Hipponiensi consist<u>nt12. L’absence de précision sur l’aire d’intervention du personnage a fait penser, avec raison, que celle-ci se situait en Afrique, plus vraisemblablement dans la partie occidentale de cette province. C’est l’avis, concordant sur l’essentiel, des auteurs qui se sont intéressés à lui13. Les divergences, minimes en vérité, n’apparaissent qu’au moment où l’on tente de délimiter avec la plus grande exactitude l’extension de ce ressort. C’est ainsi que H. Pavis d’Escurac ne veut pas réduire son action à la seule Numidie proconsulaire (Pavis d’Escurac 1976, 125-126 et 427).
12Avant d’aborder les questions relatives aux problèmes annonaires, il convient d’examiner dans son ensemble la carrière de ce chevalier. Nous y sommes aidés par le parallélisme de la rédaction des deux textes. Ceux-ci énumèrent les honneurs municipaux, puis les responsabilités administratives. Ils juxtaposent ainsi deux cursus. Faut-il supposer que ceux-ci se succèdent dans le temps ou qu’ils s’entrecroisent? Dans la mesure où toutes les fonctions administratives, sauf la dernière, ont été exercées dans la province d’Afrique, rien n’interdirait de retenir cette dernière solution. On pourrait, par exemple, supposer que la préfecture de la tribu des Musulames14 se serait insérée dans le cursus municipal, mais qu’elle en aurait été détachée par le rédacteur de l’inscription puisqu’elle n’entrait pas véritablement dans les responsabilités civiques. Cela lui donnait la tutelle de cette peuplade dont la zone de parcours atteignait le territoire sur lequel avait été établie la colonie d’Ammaedara, sa cité d’origine, lorsque la légion IIIa Augusta fut transférée à Théveste15. Il n’en reste pas moins que, par rapprochement avec d’autres cas semblables, on constate que la préfecture de tribu en Afrique est confiée d’habitude à des gens expérimentés et familiers des peuples placés sous leur autorité (Leveau 1973, 181 ; Bénabou 1975, 453-456). De plus, comme on l’a observé (Leveau 1973, 177 ; Bénabou 1975,451), ce personnage n’a point parcouru les milices équestres avant d’entrer dans l’administration équestre. Cela laisserait-il entendre que c’est pour avoir parcouru une belle carrière municipale à Ammaedara qu’il aurait reçu de l’autorité la charge de préfet du peuple des Musulames, puis qu’il serait entré dans le groupe des responsables financiers provinciaux ? Ce schéma semble en définitive plus séduisant que le précédent. Il a pour conséquence de faire attribuer la cura frumenti comparandi à un personnage disposant d’un certain poids dans sa région. Faut-il alors considérer que cette fonction requérait une envergure sociale particulière?16
13Ainsi, tout bien mesuré, on peut admettre comme vraisemblable que, notable d’Ammaedara, utilisé par l’autorité impériale dans des responsabilités de caractère provincial, il passa définitivement dans l’administration lorsqu’il reçut la mission de procéder à des achats de blé. Désormais, ayant atteint un certain âge, il poursuivit sa carrière dans l’administration du patrimoine, d’abord en Africa, dans la région même où il avait vécu (proc. Aug. adpraedia saltus Hipponiens. et Thevestini sur l’inscription d’Hippo Regius ; proc. Aug. praediorum saltu<u>m Hipponiensis et Thevestini à Calama), puis en Sicile (proc. provinciae Siciliae à Hippo Regius ; proc. Aug. provinciae Siciliae à Calama). Les deux bases honorifiques surmontées de statues qui lui furent attribuées peuvent être considérées comme des hommages rendus lors d’un départ qu’entraînait une flatteuse promotion. 17 Cela apparaît dans l’inscription d’Hippo Regius, où l’entourage administratif (liberti et familia de l’empereur) s’associe aux fermiers des revenus des domaines pour l’honorer. Il faut interpréter de la même façon l’inscription de Calama. Dans les deux cas, puisque l’on savait quel serait le poste qu’il allait obtenir, on le mentionna en plus du poste présentement tenu pour quelques jours seulement.
14Par un raisonnement divers nous retrouvons les conclusions de H. Pavis d’Escurac, qui estimait qu’« entre la mission frumentaire et la procuratèle domaniale, il paraît difficile d’imaginer un hiatus dans la carrière de T. Flavius Macer » (Pavis d’Escurac 1976, 127). Aussi, avec elle, comme avec H. -G. Pflaum, nous placerons à la fin du principat de Trajan cette fonction particulière et tout de suite après, donc au début du règne d’Hadrien, les deux procuratelles patrimoniales. En effet les trois dernières fonctions se sont vraisemblablement suivies sans interruption et, puisque dans l’énoncé des deux dernières la mention du prince (proc. Aug.) ne peut désigner que le prince vivant, c’est-à-dire Hadrien, la curatelle frumenti comparandi s’est bien déroulée durant les dernières années du règne de Trajan sinon durant la dernière année de celui-ci.
15On peut donc écarter tout rapprochement direct entre cette mission et la décision prise par Trajan à un moment qui se place au début de son règne, de faire revenir à Alexandrie les navires de la flotte frumentaire18, en raison de la disette qui sévissait en Egypte. En revanche la mission de T. Flavius Macer devrait coincider avec la période de difficultés de l’agriculture égyptienne que l’on décèle à la fin du règne. Mais plutôt qu’à de mauvaises conditions de culture, car de l’avis des spécialistes “à l’exclusion de celles de 99 et de 113, qui furent faibles”, les inondations “avaient été normales ou bonnes” à ce moment-là (Bonneau 1971, 175), on pourrait penser à une accentuation de la pression fiscale par suite des exigences de la guerre (Bonneau 1971, 175-176). L’expédition contre les Parthes avait mobilisé des effectifs importants19, ce qui nécessitait un effort de ravitaillement exceptionnel20. Achats, réquisitions remboursables devaient toucher la province frumentaire la plus proche : l’Égypte. Ses ressources fiscales avaient certainement été mobilisées à l’extrême.
16L’Afrique aurait alors joué le rôle de substitut de l’Égypte21. Le recours à des achats montre que l’on ne pouvait plus se contenter de la fiscalité en nature ou des ressources du domaine géré par les procurateurs de l’Empereur. Il fallait aller au- delà, procéder à des achats mettant à contribution le marché libre22. L’entreprise de T. Flavius Macer est donc exceptionnelle, mais on ne peut la considérer comme une opération marginale23. On estime pourtant que cette mission, rapprochée d’autres qui sont quelque peu comparables, était destinée à répondre à des situations spécifiques, à des difficultés dans le ravitaillement de Rome surgissant dans un contexte de crise frumentaire, ce qui fait que l’on aurait recherché les moyens de pallier une urgence exceptionnelle (Pavis d’Escurac 1976, 125-134). Pourtant O. Hirschfeld avait tenté d’expliquer cette mission d’une façon qui nous semble plus éclairante. Tout en reconnaissant le caractère particulier qu’elle revêtait, il n’orientait pas le commentaire vers la seule question de la procédure fiscale, l’achat de denrées annonaires. Il observait qu’un rapprochement pouvait se faire entre la mission de Macer et celle qu’exécuta en Paphlagonie Maximus, libertus et procurator de Trajan, c’est-à-dire procurateur en second auprès du procurateur équestre de la province de Pont-Bithynie, Virdius Gemellinus24. De l’avis de l’Empereur, quand il répond à Pline, il s’agit d’un extraordinarium munus25, mais point d’une mission improvisée. C’est pourquoi le bon connaisseur de l’administration romaine qu’était O. Hirschfeld était tenté de comparer T. Flavius Macer à un véritable procurateur.
17Ainsi la mission de ce personnage montrerait simplement la capacité de l’administration impériale à prendre la mesure des flux de la production des denrées frumentaires. Elle montrerait aussi que les responsables disposaient non seulement d’une connaissance convenable des revenus fiscaux, mais encore des capacités des diverses régions de l’Empire, en particulier de l’Afrique, promue plus que jamais au rang de premier grenier de Rome. En d’autres termes, les devoirs de l’État face aux bénéficiaires des frumentationes ne pouvant être honorés de la façon habituelle en raison d’un faible apport de l’Égypte, Γ achat de blé en Afrique apparaissait comme la mesure de compensation la plus évidente. Il ne s’agit donc pas, avec la mission de T. Flavius Macer, de l’approvisionnement de Rome en général. Ici, l’annona Urbis doit revêtir un sens plus restreint et se rapporter aux frumentationes, les distributions prises en charge par le prince, affectées par la conjoncture politique de la fin du règne de Trajan, car alors, pour les besoins de la guerre parthique, une partie des revenus de l’État avait été orientée ailleurs. S’il s’était agi plus généralement du ravitaillement en blé de Rome et de fournir le marché à suffisance, des accords avec les transporteurs et les marchands de blé auraient suffi pour acheter et faire acheminer les quantités nécessaires. Ces questions auraient été vraisemblablement réglées à Rome même, comme on peut le présumer d’après les méthodes utilisées par le gouvernement impérial en d’autres circonstances: Tibère par exemple, en fixant un prix inférieur au prix réel, avait accordé aux negotiatores une compensation26 ; Claude avait, pour sa part, accordé des avantages à ces mêmes marchands, prenant à sa charge le risque de mer, ainsi qu’aux transporteurs, les navicularii 27. Il n’aurait pas été nécessaire de mettre en branle sous cette forme l’administration provinciale. Aussi la mission de T. Flavius Macer apparaît comme le moyen que s’était donné l’État pour trouver dans une région de grande production céréalière les ressources supplémentaires dont il avait besoin, afin de remplir ses obligations envers la plèbe urbaine. C’était se garantir pour satisfaire une charge dont il devait assumer l’entière et directe responsabilité.
18Que Macer ait exercé sa mission en Numidie proconsulaire montrerait d’autre part que, dans cette partie de la province les revenus du domaine géré par les procurateurs de l’Empereur, n’étaient peut-être pas aussi importants que dans l’Africa vetus proprement dite, et qu’existaient surtout de grandes possibilités de ravitaillement à condition d’y mettre le prix. Quoi qu’il en soit, ces inscriptions montrent que du côté du gouvernement impérial la Numidie proconsulaire paraissait une région aux immenses possibilités frumentaires. De plus le recours à un notable régional peut s’expliquer par l’absence d’un responsable financier de rang équestre dans cette région. Nous serions alors à une époque antérieure à la création de la procuratelle équestre de la région d’Hippone et de Théveste, dont T. Flavius Macer deviendrait alors le premier titulaire.
19Nous pouvons donc considérer que la fonction extraordinaire qu’exerça ce chevalier annonçait une réforme de la grande procuratelle domaniale d’Afrique, en suscitant la création de la procuratelle équestre d’Hippone et de Théveste. Toutefois ce n’est pas dans cette perspective qu’a été expliquée, en général, la charge de curator frumenti comparandi. En effet, on considère habituellement que la charge de T. Flavius Macer préfigurait une fonction qui apparut plus tard de façon explicite dans les inscriptions relatives à des chevaliers ayant exercé des responsabilités en Numidie, et qui dans certains cas sont appelés a frumentis. C’était une hypothèse formulée par Ch. Saumagne (1940, 236), puis retenue par H. -G. Pflaum (1960, 230 et 730). H. Pavis d’Escurac la fit sienne, même si, dans ses commentaires, la mise en perspective était nettement moins soutenue que chez ses prédécesseurs28. Toutefois elle fut reprise sans hésitation par G. Rickman29. Apparemment très complexe, la question mérite réexamen.
20On doit s’appuyer sur un groupe assez fourni d’inscriptions de responsables administratifs, dont les fonctions sont libellées d’une façon voisine mais concordante. Il s’agit d’abord de documents faisant connaître deux procurateurs équestres, M. Herennius Victor et L. Iulius Victor Modianus.30
21Le premier est connu par quatre inscriptions de Thibilis31, en Numidie cirtéenne, dont l’une fournit le cursus complet32 : M(arco) He renaio M(arci)fil(io) Qu[ir(ina) Victo fri v(iro) e(g regio), proc(tiratori)Aug(ustorum)n(ostrorum) ad fu[sa frufinenti et res populi per tr[actum] utriusque Numidiae, pro[c(uratori) regio]num sacrae Urbis, proc(uratori) [XXheredi]tatiumper Umbriam Tu[sciam Pice]num et tractum Cam[paniae, proc(uratori)] ad studia, advocato [fisci—] dec(urioni) et III viro IIII c[oloniar(um), praef(ecto) i]uri d(icundo) col(oniae) Rusica[densis —, sace]rdoti[—. Cette fonction de procurator ad fu[sa fru finenti et res populi, mise en évidence très tardivement33, est de rang sexagénaire.
22Le second est connu par plusieurs documents qui se complètent les uns les autres (Pflaum 1960,732-734, n° 275). Le plus explicite, qui donne une définition précise de la fonction exercée, provient des environs de Zama Regia, en Numidie proconsulaire34 : L(ucio)Iulio L(ucii) fil(io) Pap(i ria) Victori Modiano e(gregio) v(iro), proc(uratori) d(ominorum) Aug(ustorum) n(ostrorum trium) tractuus Numidiae afrumentis ob eximiam erga se benevolentiam [et] integritate [m — ]· C’est un hommage que des protégés, une collectivité ou des individus, rendent à cet homme, pris dans l’exercice de ses fonctions, pour ses qualités d’administrateur. Il agissait donc en Numidie proconsulaire, comme le prouve aussi une seconde inscription provenant de Thagaste35 : L(ucio)Iu[lio L(ucii)f(ilio)] Papi[ria] Vict[ori] Modi[ano] e(gregio) v(iro), proc(tiratori) Au [g(ustorum) n(ostro rum t riunì)] splendi [dissimi us) ordo mu[nicipi] Thagast[ensium] patro[no]. Enfin, pour compléter cet ensemble de renseignements et préciser le contenu du service qu’il dirigeait, nous pouvons faire appel à une inscription de Cirta, dans l’autre partie de la Numidie36 : L(ucio) lidio Victor[i] Modiano v(iro) e(gregio), proc(uratori) Aug(ustorum) n(ostrorum trium) per Numidiam v(ices) a(genti) proc(uratoris) tractus Thevestini, Fortunatus, Vindex et Diotimus Aug(ustorum trium) libi erti), adiutori es) tabul(ariorum) fusae amore eius semper et dignationeprotecti. Il s’agit ici de l’hommage rendu au responsable du service financier par ses subordonnés, et donc d’un patronage qui s’explique par l’autorité du procurateur équestre sur tous les bureaucrates mis à sa disposition: on trouve de nombreux témoignages comparables dans l’épigraphie africaine, qui montrent que ces personnels subalternes agissaient souvent de la sorte lors des promotions de leurs chefs37.
23Enfin, à côté de celle des deux procurateurs équestres, se trouve la carrière d’un autre chevalier, originaire de Thugga, qui commença sa carrière au service de l’État comme avocat du fisc38 : Honor/ati]. A(ulo) Vitellio Papi iria) Felici H onorato eq(uiti) R(ornano),f(isci) a(d-vocato) at vehicula per Flaminiam, [f(isci)] a(dvocato) iper) Transpadum et partem Norici, f(isci) a(dvocato) at fusa per Numidiam, f(isci) a(dvocato) at patrimonium Karthag(inis), p(rae)p(osito) agenti per Campaniam Calabriam Lucaniam Picenum annonam curanti mili-tibus Aug(usti) n(ostri), sacerdoti Lanuvino, pro liberiate publico volumtaria et gratuita legatione functo ob merita et obsequia eius in patriam et in cives amorem resp(ublica) col(onia) Lic(inia) Thugg(a) d(ecreto) d(ecurionum) p(ecunia) p(ublica).
24Tous ces documents permettent de reconstituer ce service financier. Il couvrait les deux Numidies. Ceci résulte tant de la localisation des documents que de la dénomination même de la fonction dans le cursus de M. Herennius Victor: son autorité s’étendait per traction utri usque Νumi diae. Cirta abritait pour sa part une i nfrastructure administrative39, mais l’on ne sait si, aux dates qui nous concernent, à Hippone en existait l’équivalent: ce serait toutefois vraisemblable puisque, comme nous l’avons vu plus haut, y étaient regroupés au début du IIe siècle ap. J. -C. dans un bureau financier des serviteurs de l’empereur. De plus ce procurateur de rang sexagénaire se trouvait sous l’autorité du procurateur centenaire de Théveste, puisqu’il est conduit à remplacer ce dernier (Pflaum 1960,730 et 733). Par ailleurs, il convient de le distinguer du procurateurprovinciae Numidiae, de rang centenaire, qui devait résider à Lambèse: l’un d’entre eux est connu, L. Titinius Clodianus, mentionné par plusieurs textes de Cuicul et de Lambèse40.
25Mais il faut aussi déterminer les compétences de l’un par rapport à l’autre. Celles du procurateur provinciae Numidiae, qui avait, comme L. Titinius Clodianus, vocation à assurer l’intérim du gouverneur, sont aisées à préciser: il s’agit d’un procurateur financier provincial, comme il s’en trouve dans les autres provinces impériales. Son apparition résulte certainement de la création de la province de Numidie sous Septime Sévère. En revanche, définir les compétences des autres procurateurs est plus difficile. H. Dessau avait fait preuve d’une réelle circonspection dans le commentaire succint qu’il donnait de l’inscription de Thugga41 : munus ignotum. Fusa fortasse praedia Caesaris sparsa per Numidiam. Pour sa part H. -G. Pflaum définissait M. Herennius Victor comme le procurateur chargé “de la perception des céréales et des revenus du domaine public” (Pflaum 1960, 728). Cependant, après avoir mis en perspective cette fonction avec celle détenue au début du IIe siècle par T. Flavius Macer, il explicitait plus loin sa pensée en reprenant ce qu’il avait exprimé un peu plus tôt dans son article consacré au même sujet. Il y avait écrit42 : « la titulature ad fusa frumenti et res populi doit justement faire allusion aux deux sources de blé, d’une part les fusa, comptes épais des différents domaines de l’Empereur, et d’autre part les res populi, l’ager publions du peuple romain »; ce qui correspond au jugement formulé dans l’analyse du cursus de M. Herennius Victor après avoir défini le ressort administratif dirigé par celui-ci (Pflaum 1960, 730): « il nous faut affirmer que ce même tractus a été administré pour la perception des céréales provenant du patrimonium et de l’agerpublicus par des procurateurs sexagénaires ». C’est à cet avis que se rangea H. Pavis d’Escurac (1976, 141).
26On peut se demander toutefois s’il y a bien une dualité dans la définition du produit fiscal. En effet, si l’on peut penser qu’il y a équivalence entre l’expression at fusa per Numidiam et l’expression ad fusa frumenti et res populipertractuum utriusque Numidiae, c’est-à-dire entre une formulation raccourcie et une formulation détaillée, la formule abrégée doit garder le sens de l’autre et ne pas le réduire, au moins de façon essentielle. Aussi fera-t-on du populus (c’est-à-dire du populus Romanus) le maître tant des fusa frumenti que des res qui étaient mentionnées à la suite43. On pourra donc préférer expliciter de la sorte la formule latine : “les ressources en blé du peuple romain qui sont dispersées dans les deux parties de la Numidie et les biens qui lui appartiennent”, le terme res englobant alors tous les autres revenus possibles du peuple romain (comme, par exemple, les mines). Mais, reconnaissons-le, les revenus en blé, même dispersés, devaient être essentiels.
27Νous sommes ainsi conduits à nous séparer de l’interprétation qui se fondait sur la mise en perspective de la cura frumenti comparandi et de la procuratene afruinent is. Le champ géographique de l’exécution de ces deux missions est le même, mais elles sont radicalement diverses dans leur nature.
28Même si elle apparaît dans une documentation du IIIe siècle, la procuratelle at fusa per Numidiam ou per tractum utriusque Numidiae n’est pas à notre avis le témoin d’une véritable innovation administrative. Son apparition doit être plutôt le révélateur, tardif, d’un héritage fiscal déjà plus que séculaire. En effet cette nécessité de bien joindre les deux entités géographiques nous place au IIIe siècle, donc après la création de la province impériale de Numidia, qui désormais provoquait une distinction nette entre Numidie de Cirta et Numidie d’Hippone en les répartissant dans deux provinces d’administration différente. Mais puisqu’il s’agit de biens du peuple romain, il faut incontestablement rechercher bien plus tôt l’origine de leur définition comme tels, et envisager une période non seulement durant laquelle les deux parties de ce ressort financier étaient unies, mais encore durant laquelle le peuple romain pouvait les recevoir comme bien propre. C’est pourquoi l’on n’oubliera pas qu’antérieurement à l’établissement du Principat la région qui couvrait la Numidie cirtéenne et la Numidie d’Hippone, sous le nom d’Africa nova, était déjà province. En revanche, les zones intérieures, qu’on appelle aussi Numidie militaire, ne furent prises en mains par Rome que plus tard, sous l’autorité du prince44. C’est donc très tôt que fut fixé le statut fiscal de ces terres comme bien du peuple romain. L’on ne voit pas, d’ailleurs, de raison qui ait pu en entraîner la modification tout au long des deux premiers siècles. Aussi pourra-t-on être tenté de considérer que la structure administrative fiscale qui apparaît au IIIe siècle répond au souci de préserver une réalité déjà ancienne, et de ne rien fragmenter à la suite de la séparation définitive de la province impériale de Numidie d’avec la province d’Africa. La nouveauté n’est donc qu’apparente. Elle l’est dans les mots, mais point dans les réalités sous-jacentes, concernant le statut juridique et fiscal des biens administrés par le procurateur.
29En somme il serait plus tentant de voir dans la procuratelle ad fusa frumenti et res populi un service séparé au sein de la procuratelle de Théveste. Il aurait été créé pour assurer une meilleure gestion de la partie septentrionale de l’Africa vetus et des environs de Cirta. Sa cohérence résultait des similitudes qui, en matière de statut fiscal, réunissaient les terres des divers pays qui composaient cette région. Aussi, les esclaves et affranchis de l’Empereur rassemblés dans le collegium Larum à Hippone, pourraient n’être que les prédécesseurs des employés qui entouraient M. Herennius Victor ou L. Iulius Victor Modianus. D’autre part, il conviendrait d’ajouter à juste titre ce témoignage au dossier récemment rouvert du frumentum mancipale, autrement dit seitos demou Rhomaion45. Surtout il apparaît qu’une structure fiscale, remontant à une date très haute, est restée longtemps souterraine et n’a été rendue évidente que par la force des changements administratifs affectant la grande province de l’Africa.
30Quoi qu’il en soit, tous ces documents jettent des feux croisés sur cette région qui séparait l’Africa vetus de la Maurétanie Césarienne. Même s’ils sont moins prolixes que les documents les plus usuellement invoqués sur la gestion des domaines africains, ils démontrent à suffisance l’importance de la région que nous venons de parcourir en matière de production céréalière. Mais peut-être aussi révèlent-ils quelque peu des structures agraires dominantes. Les biens gérés par les procurateurs étaient épars, dit-on, ce qui suggèrerait que leur extension aurait pu être moins forte qu’ailleurs. A l’inverse, il faut rappeler que ce pays était largement couvert par les territoires de Cirta et de Sicca Veneria, colonies romaines qui avaient reçu de larges parts du domaine du peuple romain, devenues de la sorte agri publici Cirtensium par exemple46. Ceux-ci avaient été à l’occasion distribués à des vétérans (Pflaum 1953), ou même à des tribus qu’il fallait fixer (Lancel 1955; Bénabou 1975,432-436). Les grands saltus n’y ont peut-être donc pas joué le même rôle qu’ailleurs, tandis qu’une propriété provinciale, grande et petite, conservait une place qui n’était pas négligeable. C’est auprès de ces producteurs que T. Flavius Macer recueillit les quantités nécessaires aux frumentationes urbaines. Mais nul doute que par Rusicade et Hippo Regius, les principaux débouchés portuaires de cette région, ces mêmes personnes n’aient trouvé le moyen d’alimenter le marché libre de leurs excédents et d’en retirer profit.
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Notes de bas de page
1 CIL, VIII, 11824. En dernier, avec la bibliographie précédente, Desideri 1987, 137.
2 G. Rickman (1980, 108-112), traitant de l’Afrique dans son ensemble, consacre à la p. 110 un seul paragraphe à la région des hautes plaines. Voir aussi à la p. 85, où il évoque la mission de T. Flavius Macer sur laquelle on reviendra plus bas.
3 Il suffit de comparer, dans l’index, la minceur des occurrences regroupées sous le terme Numidia avec l’abondance de celles qui se rapportent à l’Africa.
4 Présentation de la côte et des ports par Lassère 1977, 378-380.
5 CIL, VIII, 1641 (ILS, 6818) =Z. B. Ben Abdallah, Catalogue des inscriptions latines païennes du Musée du Bardo, Rome, 1986, p. 141, n° 367. Texte du côté gauche de la base : Municipibus meis Cirthensibus Siccensibus carissimis mihi dare volo (sestertium terdecies centena milia). Vestrae fidei committo, municipes carissimi, ut ex usuris eius summae quincuncibus quodannis alantur pueri (trecenti) et puellae (ducentae), pueris (sic) ab annis tribus ad annos (quindecim) et accipiant singuli pueri (denarios binos semissem) menstruos, puellae ab annis tribus ad annos (tredecim) (denarios binos). Legi autem debebunt municipes item incolae, dumtaxat incolae qui intra continentia coloniae nostrae aedificia morabuntur ; quos, si vobis videbitur, optimum erit per duoviros cuiusque anni legi ; curari autem oportet, ut in locum adulti vel demortui cuiusque statim substituatur, ut semper plenus numerus alatur. Une étude d’ensemble du document est en cours: cf. Christol/Magioncalda 1991, 321-329.
6 Municipibus meis Cirthensibus Siccensibus carissimis mihi dare volo... Sur ce personnage, PIR 229.
7 L’organisation du territoire a été définie par Beschaouch 1981. Sur le contexte de la colonisation et sur la richesse du terroir, Lassère 1977, 149-155.
8 On se réfèrera aux éléments d’une législation, dont l’existence se conçoit aisément en raison de toutes les contestations possibles sur l’application des testaments, qui sont conservés dans le Digeste. Un des textes les plus importants est D. 34, 1. 14 (Ulp. l. 2 fid.), relatif à l’âge des bénéficiaires, sur lequel A. Magioncalda prépare un commentaire.
9 CIL, X, 6328 (ILS, 6278).
10 Sur ce problème de la proximité et des avantages du transport par mer, Rickman 1980, 13-16; Garnsey 1988, 10-11 et 16. De toute façon il fallait aller jusqu’au port de mer.
11 CIL, VIII, 5351 (ILS, 1435)= ILAlg, I, 285 : T(ito) Flavio T(iti) f(ilio) Quir(ina) Macro, (duo)vir(o), flamini perpetuo Ammaedarensium, praef(ecto) gentis Musulamiorum, curatori frumenti comparandi in annona[m] Urbis facto a divo Nerva Traiano, proc(uratori) Aug(usti) praediorum saltu(u)m [Hip]poniensis et Thevestini, proc(uratori) Aug(usti) provinciae Siciliae, munici[pes] municipi. C’est dans cette inscription que l’on trouve la première mention du municipe: Gascou 1972,106-108. Sur l’origine du personnage l’accord semble réalisé. On ne peut plus retenir l’hypothèse de Gsell (ad ILAlg, I 285), reprise par Saumagne 1940, 236 (= 1962,250), sur les origines de la famille : selon ces auteurs il serait né à Calama puis se serait établi à Ammaedara.
12 AE 1922, 19 = ILAlg, I, 3992 : T(ito) Flavio T(iti)f(ilio) Quir(ina) Macro, (duo)vir(o), flamini perp(etuo) Ammaedarensium, praef(ecto) gentis Musulamiorum, curatori frumen[ti] comparandi in annona(m) Urbis facto a divo Nervo Traian(o) Aug(usto), proc(uratori) Aug(usti) a[d pra]edia saltus Hipponi[en]s(is) et Theve[st]ini, proc(uratori) provinc[i]ae S[ic]iliae, collegium Larum Caesaris n(ostri) et liberti et familia item conductores qui in regione Hipponi[ens]i consist<u>nt.
13 En particulier Pflaum 1960, n° 98, p. 230.
14 Sur cette fonction, plus particulièrement, Bénabou 1975,451. En dernier, Leveau 1973, 177.
15 Sur les relations entre Ammaedara et les Musulames, Benabou 1975, 431-432, 437-438.
16 De cette stature pourrait témoigner la translatio civitatis qui, en général, se rapporte à des notables d’âge mûr, ou d’importance : CIL, II, 4249 (ILS, 6933) sur M. Valerius M. fil. Gal. Aniensi Capellianus, Dumunitunus, qui fut adlecius in coloniam Caesaraugustanam ex benefìcio divi Hadriani, omnib. honorib. in utraq. re p. funct. ; CIL, II 4277 (ILS, 694) sur C. Valerius Avitus, IIvir., translatus a divo Pio ex munic. August. in col. Tarrac.
17 Sur cette question, importante pour apprécier le sens de certains cursus de fonctionnaires, Birley 1979.
18 Pline, Pan., 30-31. Sur le terminus ante quem, fixant une date pour interpréter les données du discours dans l’hypothèse de remaniements tardifs, cf. en dernier lieu Durry 1965,45-51 et discussion 51-54 ; Pavis 1976, 126-127 et n. 248. Mais il faut tenir compte, à ce sujet, des critiques de Bonneau 1971, 171-173.
19 J. Guey (1936, 30 et cf. p. 50), se fondant sur les travaux de R. Paribeni (Optimus princeps, Messine, 1926-1927, II, 286), évalue cette armée à 100 000 hommes, “peut-être bien davantage”.
20 ILS, 9471; Guey 1936, 114.
21 Solution envisagée par Herz 1988, 143-144.
22 L'interprétation de H. Pavis d'Escurac (1976, 126: « Quand les circonstances l'exigeaient, Rome cherchait à obtenir des cultivateurs plus de blé qu'il n'en était normalement fourni à l'annone et faisait procéder à des achats supplémentaires. T. Flavius Macer doit assurer le paiement de ces rentrées complémentaires de blé ») ferait penser à des réquisitions payées au prix fixé par l'État, et non “aux prix pratiqués sur le marché libre”.
23 P. Garnsey ( 1988, 230) l'insère au sein des mesures prises “on occasion”. C'est, à notre avis, esquiver le problème.
24 Pline, Ep., X, 27. O. Hirschfeld, Die Getreideverwaltung in der römischen Kaiserzeit, Philologus, 1870, p. 81-82.
25 Pline, Ep., X, 28 : fungebatur enim et ipse extraordinarium munus...299
26 Tacite, Ann., II, 87.
27 Suétone, Claud., 18, 3-19.
28 H. Pavis d'Escurac (1988, 140-142), avec une interrogation, p. 140, n. 328, mais une conclusion concordante, p. 141-142. Les notices relatives aux deux procurateurs afrumentis sont p. 425-426.
29 Rickman 1980, 85 (rien dans Garnsey 1988).
30 A ce dossier H.-G. Pflaum est tenté d'ajouter un troisième personnage: Pflaum I960, n° 336, p. 876-879, d'après CIL, VI, 1644 = 31836. Mais la restitution de la fonction exercée en Numidie laisse une part trop grande à la conjecture pour qu'on la retienne.
31 Documentation et commentaires par Pflaum 1960, n° 274, p. 727-734.
32 CIL, VIII, 18909 (ILS, 9017).
33 Pendant longtemps on n'a connu que la restitution de Mommsen, proc.A ug(ustorum ) n( ostrorum ) ad fu[ nct( ionem ) fru]menti et res populi : CIL, VIII, 18909 et ILS, 9017, mais aussi O. Hirschfeld, Die kaiserliche Verwaltungsbeamten bis auf Diocletian, Berlin, 19052, p. 142. H.-G. Pflaum, lui-même, acceptait cette restitution dans sa thèse (Pflaum 1950, 88 et 95). Ce n'est que par la suite que notre maître apporta la restitution qui s'impose (Pflaum 1956). Mais sa trouvaille ne fut que rapidement signalée par AE 1957, 74. Aussi entra-t-elle pleinement dans le champ scientifique avec la publication des carrières procuratoriennes en 1960.
34 AE 1942-1943, 105.
35 CIL, VIII, 5145 (et p. 1643)= ILAlg I, 875. Sur l'interprétation de cet hommage public, voir les observations de Pflaum 1960, 732-733, qui montre qu'on ne peut plus le considérer comme originaire de Thagaste.
36 CIL, VIII, 7053 (ILS, 1438)= ILAlg. II, 668.
37 On renverra à l'exemple cité plus haut n. 11 (hommage rendu à T. Flavius Macer). On ajoutera de même l'hommage rendu à Ti. Cl. Proculus Cornelianus à Lambèse par Inventus, Aug(usti) lib(ertus), tabul(arius) leg(ionis) III Aug(ustae) (AE 1956, 123), sur lequel on verra Christol 1990.
38 ILS, 9018 = CIL, VIII, 26582.
39 H.-G. Pflaum, La préfecture de l'annone (à propos d'un ouvrage récent), KHI), 56, 1978, 59-60, sur l'inscription de Cirta relative à L. Iulius Victor Modianus. Mais faut-il en déduire aussi que Cirta fut le siège de ce service? Hippone pourrait prétendre jouer ce rôle.
40 Pflaum 1960, n° 331 bis, p. 859-864. La définition de son ressort financier est précisée p. 862. Sur la distinction entre ces deux catégories de procurateurs équestres agissant en Numidie, ibid., 1095-1096.
41 Ad ILS, 9018. Cf. Th.l.l., VI, col. 573.
42 Pflaum 1956. La citation provient de la p. 115 = 317.
43 On intègrera donc ces revenus au sein de Vager publicus, comme le voulait Hirschfeld (cf. supra n. 33) et Pflaum lui - même dans sa thèse (cf. supra n. 33). Ils voyaient dans cette procuratelle l'illustration de Γ absorption définitive de la gestion de l'ager publicus par l'administration impériale: « le titulaire devait s'occuper de la perception des redevances en nature de l'ager publicus faisant désormais partie du patrimonium impérial » (Pflaum 1950, 88).
44 On éclairera ces remarques grâce à Desanges 1980, 80-81.
45 Nicolet 1991, 137, n. 47: l'auteur serait tenté par le rapprochement entre la procuratelle at fusa et la mention d'un frumentum mancipale provinciae Africae (AE 1952,225), mais il y renonce, en particulier pour des raisons de date qui éloigneraient trop ces documents.
46 AE 1957, 175.
Auteur
Université de Paris-I Sorbonne
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