Entre écriture et iconographie. Le cas du hiéroglyphique minoen1
p. 39-60
Résumés
La présence contemporaine de signes graphiques de statut différent est une caractéristique typique des inscriptions hiéroglyphiques sur les sceaux, puisqu’ici le système peut passer indifféremment du plan de la communication visuelle à celui de la communication linguistique. Dans cette « oscillation » entre plan graphique et plan linguistique, le décodage du message véhiculé est confié à l’encyclopédie cognitive et aux compétences linguistiques des destinataires du message. Ceux-ci devront immédiatement savoir non seulement ce qu’il faut lire, mais aussi comment il faut le lire. Si l’on reprend le texte d’Umberto Eco sur les modalités de la perception (cf. épigraphe), dans la modalité Alpha (où l’on perçoit une substance en tant que forme, avant même que cette forme soit reconnue comme la forme d’une expression), l’utilisateur du sceau CHIC #257 verra dans le signe central la représentation d’un chat. Après quoi, il passera dans la modalité Bêta: la même représentation sera perçue comme un signe graphique, forme d’une expression qui porte probablement un message métalinguistique ou symbolique (mais non linguistique). À ce point, le milieu culturel d’où il provient et les conventions qu’il a établies dans la communication des significations le porteront vers l’interprétation du signe en évoquant le type cognitif du chat auprès des Minoens. Même dans un cas comme celui de la représentation iconique assez « réaliste » d’un chat, son contenu ne renvoie pas nécessairement à ce que l’on voit mais à ce que l’on sait, ce que l’on a appris à voir. Comment le savant moderne peut-il activer une modalité perceptive Bêta dans l’interprétation globale des sceaux inscrits en hiéroglyphique minoen ? En prenant comme point de départ le sceau que l’on vient de citer, on tente ici un examen approfondi des occurrences de félins sur les sceaux minoens, soit isolées, soit en association avec des signes syllabiques. Les signes graphiques récurrents sur la glyptique sont analysés dans le contexte des idéologies et des relations de pouvoir entre groupes d’élites antagonistes, étant donné que les motifs des félins peuvent être délibérément sélectionnés par ces groupes émergents pour construire leur identité culturelle.
The coexistence of graphic signs with different status is a typical feature of hieroglyphic inscriptions on seals, as in this case the Minoan hieroglyphic writing system can switch from the level of visual communication to the linguistic one. In this “oscillation” between the graphic and the linguistic level, the decoding of the conveyed message is entrusted to the cognitive encyclopaedia and to the linguistic skills of the recipients. They should immediately know not only what to read, but also how to read it. Following Eco’s statement (quoted in the epigraph) on the modalities of perception, in the Alfa mode (in which a substance is perceived as a form, even before this form is recognized as the form of an expression) the user of the seal CHIC #257 will recognize in the central sign the representation of a cat. Afterwards, the reader will pass to the Beta mode: the same representation will be perceived as a graphic sign, a form of an expression that probably carries a metalinguistic or symbolic (but non-linguistic) message. At this point, the cultural milieu from which the sign originates and the conventions this cultural milieu has established in the communication of meanings will push the reader towards the interpretation of the sign by evoking the cognitive type of the cat within the Minoan culture. Even in a case such as this, one of a rather realistic representation of a cat, its content does not necessarily refer to what one sees but to what one knows, what one has learned to see. How can the modern scholar activate a perceptive Beta mode in the global interpretation of Minoan hieroglyphic seals? Taking as a starting point the above-mentioned seal, I will try here to carry out a thorough examination of the occurrences of felines on Minoan seals, both isolated and in association with syllabic signs. Finally, the analysis of the graphic signs recurrent on glyptic will be correlated to the interpretation of ideologies and to the relationships between antagonistic elite groups; indeed, the motifs of felines could have been deliberately selected by these emerging groups in order to build their own cultural identity.
Texte intégral
Si percepisce perché ci costruiamo tipi cognitivi, certamente intessuti di cultura e convenzione, ma che tuttavia dipendono in gran parte da determinazioni del campo stimolante. Per intendere un segno come tale dobbiamo prima attivare processi percettivi e cioè dobbiamo percepire sostanze come forme dell’espressione. […] Definiamo come modalità Alfa quella per cui, prima ancora di decidere che ci si trova davanti all’espressione di una funzione segnica, si percepisce per stimoli surrogati quell’oggetto o quella scena che poi eleggeremo a piano dell’espressione di una funzione segnica. Definiamo come modalità Beta quella per cui, onde percepire il piano dell’espressione di funzioni segniche, occorre innanzitutto ipotizzare che di espressioni si tratti, e l’ipotesi che esse siano tali ne orienta la percezione […]. Il quadrante di un orologio dovrà essere innanzitutto percepito come segno (modalità Beta) prima di poterlo leggere come segno motivato (per cui alla posizione x delle lancette corrisponde la posizione y del sole nel cielo) ; per modalità Alfa percepiremmo solo una forma circolare su cui si muovono due aste, e come tale lo vedrebbe anche il primitivo che non sa a che cosa serva un orologio.
U. Eco, Trattato di semiotica generale, Milan, 2008, p. 336-337.
1Depuis la publication par Sir Arthur Evans, dans les Scripta Minoa2, de ses premières observations sur les documents en écriture hiéroglyphique crétois ‒ dont il avait déjà dressé un catalogue impeccable pour son époque et capable de suggérer des réflexions valables aujourd’hui encore ‒ la discussion concernant la question de savoir si les sceaux incisés avec ce système étaient porteurs d’inscriptions pourvues d’une exécution linguistique univoque et normative, ou bien de signes graphiques dépourvus d’une codification précise en cette direction, a continué ad abundantiam. Encore au début des années 1980, Jean-Pierre Olivier, qui a consacré à ce sujet quelques-unes parmi les plus importantes contributions, posait la question fondamentale de savoir si, dans la glyptique, on se trouvait face à de vraies inscriptions, conçues pour communiquer un contenu précis et univoque, tout comme celles qui étaient incisées sur les supports administratifs (tablettes, barres, médaillons, etc.), ou bien si les inscriptions reproduites sur les sceaux constituaient simplement « une écriture monumentale ». Il parvint à la conclusion que ces inscriptions devaient être interprétées comme simplement « ornementales » : « parler d’inscriptions lisibles (c’est-à-dire destinées à être lues), au sens strict du terme, non3 ». Plus tard, dans une autre contribution, il déclara cependant qu’il était devenu plus « indulgent » en ce qui concerne cette question4. Cette nouvelle perspective d’interprétation était due à l’observation que certains groupes de signes inscrits sur des sceaux étaient également récurrents sur des documents administratifs, où leur caractère d’inscriptions portant un message univoque dans une langue précise était certain. Il s’agissait donc de vraies inscriptions, mais dont – signalait-il – il ne fallait jamais perdre de vue l’aspect décoratif. Le sceau, en effet, par ses spécificités d’usage et par la forme même de sa surface, se configure comme le support par excellence de compositions graphiques dont les critères sont complètement différents de ceux qui interviennent dans les compositions textuelles codifiées du point de vue linguistique et développées en sens linéaire, qui, dans certains cas, sont très proches des critères utilisés dans l’héraldique. À la lumière de cette grande liberté de composition des signes sur la surface du sceau, il faudra interpréter certaines astuces « esthétiques » comme leur répétition dans un but décoratif, leur « connexion » et leur composition générale dans l’espace glyptique. En raison précisément des caractéristiques intrinsèques de ce support particulier, on y retrouve fréquemment des signes à caractère décoratif ayant une fonction de remplissage ou d’éléments destinés à créer de l’espace entre les motifs principaux de la composition, comme grappes, spirales, méandres ou cercles. Ces motifs de remplissage ne posent aucun problème dans la lecture d’un sceau, même dans le cas où ils se trouvent dans le contexte d’une inscription hiéroglyphique. De manière occasionnelle, toutefois, on trouve en liaison avec des inscriptions syllabiques des signes qui, par leurs position et fonction, révèlent un caractère « ambigu » et nécessitent d’être traités de manière détaillée (voir infra).
2Dans ce panorama exégétique complexe, le travail de rédaction du Corpus hieroglyphicarum inscriptionum Cretae a donc eu pour but de distinguer d’une manière précise les signes d’écriture des signes purement « décoratifs », les uns et les autres étant présents sur les sceaux minoens et susceptibles de recevoir des codifications différentes de la part de l’utilisateur du document5. Afin de réaliser cette distinction, ont été élaborés quelques critères fixes, qui permettent de définir si et dans quelles conditions chaque signe peut être attribué à la liste des signes hiéroglyphiques, et avec quelle fonction. Parmi ces critères, les paramètres principaux concernent les variables, si l’occurrence d’un signe déterminé se produit uniquement sur la glyptique ou sur des documents administratifs au sens propre, la typologie des groupes de signes avec lesquels il existe une co-occurrence et sa position relative. À côté de l’inscription proprement dite, on a donc isolé quelques groupes de signes ayant une valeur non scripturale mais de statut variable, identifiés comme étant une décoration « non signifiante évidente » (ou bien explétive) ou « éventuellement signifiante, évidente et non évidente ». L’« intrusion » de ces signes « explétifs » est interprétée par les auteurs du Corpus comme simplement déterminée par la présence d’un éventuel espace resté libre sur la surface du sceau, rempli par le graveur avec un motif à son goût ou à celui de son client. Cependant, le débat sur l’interprétation du statut de ces signes a été récemment ouvert à nouveau, à la suite d’un nouvel examen porté sur eux par M. Jasink6, qui en a inclus une partie dans la liste des signes stables du hiéroglyphique, acceptant l’hypothèse de leur nature d’idéogrammes ou de véritables syllabogrammes. Si nous jugeons ne pas pouvoir accepter cette position, pour les raisons qui seront illustrées par la suite, nous voulons partager le présupposé qu’au moins quelques-uns des signes graphiques cités accompagnant les inscriptions sur sceau proprement dites n’ont pas simplement une valeur « décorative », mais qu’ils sont comparables à des icônes culturellement motivées, reconduisant immédiatement à des types culturels précis sans être nécessairement réalisables au point de vue linguistique. Un signe est, en effet, toujours constitué d’un (ou plusieurs) élément(s) d’un niveau de l’expression conventionnellement mis en corrélation avec un (ou plusieurs) élément(s) d’un niveau du contenu. C’est-à-dire que les éléments de motivation, dans le contenu d’un signe, n’existent que s’ils ont été préalablement acceptés conventionnellement et codifiés en tant que tels7. Il est toutefois évident que cette codification ne doit pas être nécessairement imaginée au sens linguistique, et il est même erroné de croire que tout acte communicatif se base sur une « langue » conforme aux codes du langage verbal.
3La position suivie ici se justifie à la lumière de l’observation que la liste des signes du hiéroglyphique minoen, non seulement se caractérise par sa forte iconicité, mais privilégie un type de support, glyptique, où se rencontrent et fusionnent, souvent de manière indissociable, écriture et iconographie8. L’emploi du code écriture sur sceau dans le Minoen moyen II-III est même tardif par rapport à l’imposition de cet instrument, signe de la correction du déroulement des premières transactions économiques dans les centres du Minoen ancien II et porteur de représentations et d’icônes qui seront en partie récurrentes en liaison avec les inscriptions syllabiques dans le Minoen moyen. La ligne interprétative suivie ici veut démontrer et réaffirmer que ces représentations et ces icônes sont l’effet d’un système de symboles bien précis, typique de la civilisation minoenne pré- et proto-palatiale, qui, renvoyant à des contenus culturels bien précis, sont susceptibles d’être interprétés comme pourvus d’un statut différent de celui de la simple décoration, même lorsqu’ils apparaissent contextuellement aux inscriptions syllabiques. En d’autres termes, on pourrait renverser l’interprétation courante des inscriptions sur sceau accompagnées de représentations iconographiques, dans la mesure où on clarifie que ce ne sont pas ces représentations qui viennent s’ajouter à l’inscription, mais que c’est cette dernière qui s’insère dans une phase successive à un patrimoine iconographique/symbolique de la glyptique minoenne déjà établi, alors que quelques-unes de ces icônes continuent à apparaître sur les sceaux contemporains dépourvus de notations écrites. De ce point de vue, la question du possible rendu phonétique de ces signes graphiques semble devenir superflue ; il est possible, en effet, de prouver qu’ils sont antérieurs et déjà amplement attestés sur les sceaux minoens bien avant l’introduction de l’écriture et parallèlement à celle-ci. Il faudrait aussi rappeler que sur les milliers d’exemplaires catalogués par le Corpus der minoischen und mykenischen Siegel (CMS)9, seulement 57 empreintes et 136 sceaux (inscrits sur 289 faces des 412 disponibles)10 portent des inscriptions en hiéroglyphique (pour la plupart extrêmement répétitives) et pendant un bref laps de temps – correspondant à la période proto-palatiale crétoise –, ceci pour réaffirmer la nécessité d’une interprétation des sceaux inscrits par ce système scriptural dans le plus vaste contexte de la production glyptique minoenne et des valeurs symboliques et idéologiques attribuées à quelques représentations emblématiques et/ou symboliques lui appartenant.
4Le problème se présente toutefois très complexe, et il est nécessaire d’opérer une distinction entre les différentes typologies des signes graphiques attestés d’une manière contextuelle aux inscriptions hiéroglyphiques. D’après la classification des auteurs du CHIC, le groupe principal de signes graphiques récurrents sur sceau auxquels on ne reconnaît pas de valeur scripturale est celui des signes qui apparaissent conjointement avec quelques groupes de syllabogrammes que l’on retrouve très fréquemment dans les inscriptions hiéroglyphiques, tant sur des sceaux que sur des documents administratifs – ce que l’on appelle « formules » –, notamment : « trowel-arrow » (, 044-049), « trowel-eye » (, 044-005), « gate-leg-flower » (, 038-010-031), « throne-horn-flower » (, 036-092-031) et « adze-trowel » (, 046-044). Les deux premières de ces « formules » représentent les groupes de signes qui sont dans l’absolu les plus fréquemment attestés dans la documentation textuelle en hiéroglyphique, notamment sur sceau ; et l’on estime en général que celles-ci – souvent attestées conjointement – renvoient à des institutions ou « entités » reliées, non seulement du point de vue institutionnel, mais aussi linguistique et sémantique11. Sur la base du critère adopté par les éditeurs, chaque signe associé à l’un de ces groupes devra être considéré comme dépourvu de toute relation directe avec l’inscription syllabique et ne pourra pas être interprété comme un élément susceptible de recevoir une lecture phonétique modifiant l’inscription même, car il n’a avec elle aucune relation précise et univoque. Par conséquent, en l’absence d’une distribution cohérente avec un signe déterminé ou bien avec un groupe précis de signes, on ne pourra pas lui reconnaître un usage phonétique, même dans le cas d’une récurrence avec des hapax bisyllabiques. En d’autres termes, il devra être interprété comme un élément additionnel de l’inscription proprement dite, voire un élément purement « décoratif ».
5La combinaison de ces « formules » avec des signes n’ayant clairement pas de valeur scripturale avait déjà été observée par Evans, qui avait interprété ces derniers comme du « chanting badge », c’est-à-dire comme « des emblèmes, des symboles parlants » se rapportant à des anthroponymes ou à des titres officiels12. Parmi ces signes, Evans signalait la tête de lion avec la fleur de lys (aujourd’hui reconnu comme variante de la tête de chat), le chat accroupi, le loup à la langue saillante, le poisson, la colombe, l’araignée et d’autres signes zoomorphes ; il avançait l’hypothèse que ces signes (interprétés d’une manière correcte, immédiatement, comme étant en dehors du système, c’est-à-dire non exécutables du point de vue linguistique ni nécessairement ni en permanence, mais, à son avis, seulement occasionnellement) auraient pu indiquer des cognomina tels « Lion », « Loup », « Chat ». Ils auraient pu aussi avoir la fonction, si l’on suppose une lecture logogrammatique, d’éléments (dans ce cas-ci, parties nominales) de noms composés, ou même renvoyer à des blasons ou emblèmes de « familles » minoennes. Dans cette tendance de la glyptique minoenne, l’auteur identifiait une analogie précise avec les scarabées égyptiens du Moyen Empire, où la combinaison de groupes de signes et d’éléments décoratifs est fréquente. En allant plus loin, il supposait que ces types parlants auraient pu, du point de vue idéographique, faire fonction d’éléments renvoyant à de hauts officiers, jusqu’à l’élaboration d’une sorte d’« arbre de famille » des titres minoens. Si cette suggestion ne peut plus être appuyée, il est bien évident qu’Evans avait soulevé dès le départ l’un des problèmes principaux concernant la variabilité morphologique et sémantique des signes récurrents sur sceau. Comme on l’a déjà dit, la présence contemporaine de signes de statut différent est une caractéristique typique des inscriptions hiéroglyphiques lorsqu’ils sont récurrents sur ce support ; ici, le système peut passer indifféremment du plan de la communication visuelle à celui de la communication linguistique, et il réussit même à associer les deux niveaux à l’intérieur du même processus de signification, mettant en place simultanément des procédés basés sur des codes différents. Le code écriture pourra donc coexister et s’accompagner d’autres typologies de modélisation de la pensée et les deux registres, visuel et scriptural, pourront agir parallèlement.
6Dans cette oscillation entre plan graphique et plan linguistique, la « décodification » du message véhiculé est confiée à l’encyclopédie cognitive et aux compétences linguistiques des utilisateurs du message. Ceux-ci devront immédiatement savoir non seulement ce qu’il faut lire, mais aussi comment il faut le lire ; en d’autres termes, ils devront immédiatement reconnaître le statut « exact » à travers les signes qui se présentent. Un exemple très significatif est représenté par la face α du sceau #257 du CHIC (fig. 1), qu’Evans interprète comme le sceau d’un « roi-prêtre » minoen dont les « badges » étaient le chat et le serpent13.
7Si l’on reprend le texte d’Eco sur les modalités de la perception (supra, épigraphe), dans la modalité Alfa (où l’on perçoit une substance en tant que forme, avant même que cette forme soit reconnue comme la forme d’une expression), l’utilisateur de ce sceau verra dans le signe central la représentation d’un chat. Après quoi, il passera dans la modalité Bêta : la même représentation sera perçue comme un signe graphique, comme une icône, forme d’une expression qui porte probablement un message métalinguistique ou symbolique. À ce point, le milieu culturel d’où il provient et les conventions qu’il a établies dans la communication des significations le pousseront vers l’interprétation du signe en évoquant le type cognitif du chat auprès des Minoens, où précipiteront immédiatement les connaissances encyclopédiques lui permettant de comprendre les significations métonymiques ou métaphoriques dont le signe même est porteur. Même dans un cas comme celui de la représentation iconique assez « réaliste » d’un chat, son contenu ne renvoie pas nécessairement à ce que l’on voit mais à ce que l’on sait, ce que l’on a appris à voir. L’utilisateur du sceau #257 devra donc avoir les compétences nécessaires pour établir quelle est la nature des signes qu’il voit incisés et pour les attribuer à un code précis ; en d’autres termes, il saura si les signes qu’il voit ‒ et lesquels parmi ceux-ci ‒ prévoient ou non une exécution linguistique normative. Il saura donc immédiatement quels sont les éléments de la composition qui doivent être lus phonétiquement et ceux qui participeront, sans devoir recevoir une exécution linguistique, à l’interprétation globale de la composition graphique. Le chat, tout comme le serpent sur la face α, ne devra pas recevoir une exécution linguistique14, mais son statut sera évidemment différent de ceux des motifs – purement décoratifs – tracés sur les faces β et γ. Enfin, les groupes de signes (038-010-031), (036-092-031), (046-044) – quelques-unes des « formules » citées ci-dessus – seront reconnus comme des groupes de syllabogrammes auxquels sera attribuée une exécution linguistique normative, c’est-à-dire que ces signes seront lus phonétiquement.
8Comment le savant moderne peut-il activer une modalité perceptive Bêta dans l’interprétation globale des sceaux inscrits en hiéroglyphique minoen ? Comment peut-il s’emparer de ces stimulations factices permettant d’interpréter de manière correcte le message véhiculé par des signes au statut différent qui entrent en composition dans le domaine scriptural ? L’hypothèse de travail que l’on suit ici examine la possibilité d’enrichir notre compréhension de ces signes à travers l’analyse des représentations extra-scripturales qu’ils offrent, voire d’acquérir quelque stimulus factice pour leur interprétation, en immergeant la matière des signes dans les images dont est structurée la civilisation qui l’a produite. Dans ce but, en prenant comme point de départ le sceau que l’on vient de décrire, on tentera ici un examen approfondi des occurrences de félins en concomitance avec les inscriptions syllabiques, en insérant ces occurrences dans un système de renvois culturels susceptible de livrer des suggestions sur les choix opérés par le réalisateur du sceau, dans l’hypothèse où ces derniers ont été motivés.
9La variante principale du félin au corps entier, appelée « cat mask », a tout de suite attiré l’attention des spécialistes, à partir d’Evans, par le grand nombre et la variété fonctionnelle de ses attestations (supérieures à n’importe quel autre signe « explétif ») en association avec des inscriptions syllabiques. La classification donnée à ce signe par les auteurs du CHIC est « décoration éventuellement signifiante non évidente », par sa caractéristique d’avoir des occurrences uniquement sur la glyptique (et jamais sur d’autres documents administratifs) et toujours en association avec des « formules » ou avec des hapax bisyllabiques avec lesquels il se présente dans toutes les positions relatives, ce qui dénonce une aptitude non scripturale stricto sensu. Avec cette fonction, le signe du « cat mask » est attesté une fois en début de mot (CHIC #157 ; fig. 2c), trois fois en fin de mot (CHIC #295, #196, #304 ; fig. 2d, e, f) et une fois isolé par un signe de séparation, en début, des signes suivants (CHIC #247 ; fig. 2b). Ces circonstances ont donc amené les auteurs du CHIC à compter le signe, avec cinq autres, parmi les « représentations autres que des signes »15.
10Néanmoins, à la différence de tout autre signe non scriptural compris dans le patrimoine de la glyptique minoenne, le signe du félin au corps entier et sa variante « cat mask » reviennent aussi comme « décoration éventuellement signifiante évidente » et « décoration non signifiante évidente ». Le félin au corps entier apparaît, en effet, comme « décoration éventuellement signifiante évidente » lorsqu’il est attesté en association avec (044-005 ; CHIC #309d, fig. 2a) et « entouré » par (038-010-031 ; CHIC #257a, fig. 1). La fonction de « décoration non signifiante évidente » est au contraire attribuée au « cat mask » lorsqu’il est présent sur une face non inscrite du sceau et dans tous les cas où il n’a pas de relation directe avec une inscription syllabique. Avec cette fonction décorative (ou « explétive »), la tête de chat représentée de face compte les occurrences suivantes (fig. 3) : dans CHIC #283 on la retrouve quatre fois remplissant une face du prisme, dans #287 et dans NYMM 26.31.146 elle revient (entre deux volutes) sur la face d’un sceau de la même typologie, alors que dans #123 elle est estampillée onze fois le long du bord afin d’encadrer l’inscription bisyllabique (092-058), hapax.
11Si ceci est le dossier d’attestation des deux signes examinés en composition (directe ou indirecte) avec des inscriptions16, la recherche de témoignages du motif/icône « tête de chat » et du félin au corps entier sur la glyptique minoenne dans des contextes non scripturaux a montré que cette représentation iconographique constitue un motif qui apparaît fréquemment sur la glyptique proto-palatiale. Si le chat au corps entier apparaît plutôt rarement, la tête de chat compte de nombreuses occurrences en tant qu’élément isolé sur la face de différentes typologies de sceaux et sur des empreintes de sceaux, toutes limitées au Minoen moyen, période après laquelle elle disparaît définitivement du patrimoine symbolique de la glyptique minoenne. L’attestation la plus ancienne du « cat mask » apparaît sur un sceau (CMS 1, 423 ; fig. 4a) du MM IB-II attribué par Yule au Malia Workshop Complex17, un très vaste groupe de sceaux (550 env.) identifiables par l’emploi de techniques, matériaux et motifs décoratifs (hommes, chèvres, chiens, quadrupèdes non identifiés, navires, araignées et motifs ornementaux) homogènes, dont certains présentent des analogies avec des motifs attestés sur la glyptique égyptienne contemporaine. Les autres attestations de la tête de chat sont à relier en grande partie (cf., par exemple, CMS II.2, 3 ; CMS II.2, 282 ; CMS XII, 100 : fig. 4c, d, b) au Hieroglyphic Deposit Group18, dont la plus grande concentration a été mise au jour à Cnossos et dans les autres sites palatiaux, mais qui compte des exemplaires récupérés sur l’île entière. Datable du MM II, ce groupe comprend une série de motifs plus limitée par rapport à ceux qui sont représentés dans le groupe précédent ; ils sont généralement plus stylisés et maniéristes, caractérisés par une élaboration, que Yule définit comme « calligraphique », des signes du hiéroglyphique, quand ils sont récurrents. Au même groupe appartiennent également deux représentations de chat au corps entier, avec (CHIC #257) et sans attestation contextuelle d’écriture (CMS VI, 138 Sp1 ; CMS VI, 131 ; fig. 5b, c)19, tandis que CMS VII, 45c (fig. 5a) est attribué par l’auteur au contemporain Drilled Lions Group20, ainsi défini à cause de la supériorité numérique, parmi les motifs décoratifs, du lion, accompagné de chèvres, d’un taureau, d’un cerf, d’un ours et du chat qu’on vient de citer, tous caractérisés par la même stylisation géométrisante typique des motifs attestés dans le Hieroglyphic Deposit Group. Nous trouvons encore le « cat mask » sur un module provenant de Mallia (CMS II.6, 185 ; fig. 4i), qui présente deux têtes de félin présentées de façon antithétiques, séparées par un motif ornemental. Quant au rendu iconographique du félin au corps entier, dans CMS VI, 131, le chat est représenté assis de profil, la tête de face et la queue repliée vers le haut (fig. 5c). La même posture, sauf pour la queue, enroulée autour de la hanche, se trouve aussi dans CHIC #257, où le félin est rendu d’une manière plus plastique. Dans CMS VII, 45c, le chat est représenté, en revanche, dans une pose conventionnelle et il est difficile de dire s’il est en train de sauter ou de courir21. Un rendu plus ornemental caractérise, enfin, le félin présenté dans CMS VI, 138 Sp1, dont le corps est remplacé par un motif de forme pétaloïde (fig. 5b)22. Des exemplaires plus tardifs, probablement inspirés de scènes récurrentes sur les fresques, sont représentés par CMS II.3, 172 et CMS VI, 368, où le félin apparaît en train de saisir sa proie (fig. 5d, f). Enfin, CMS II.7, 200 semble représenter (d’après les auteurs du CMS) deux félins dans une composition héraldique (fig. 5e).
12Les représentations de « cat masks » ainsi que celles de félins au corps entier, accompagnées ou non d’inscriptions syllabiques, sont attestées sur des prismes à trois ou quatre faces (ou sur leurs impressions) et par des sceaux du type Petschaft, l’un des plus répandus à la période proto-palatiale23. Quant aux matériaux, il s’agit pour la plus grande partie de jaspe vert (CHIC #309, #245, 295, #304, #283 ; CMS II.2, 3 ; II.2, 282 ; II, 104 ; VIII, 34 ; VII, 45c ; VI, 131), suivi de la cornaline (CHIC #257, #287 ; CMS XII, 100), la calcédoine (CHIC #257 ; CMS VI, 138 Sp1), l’hématite (CMS II.3, 172, CMS VI, 368), le jaspe brun (CMS IV, 123), la stéatite (CMS I, 423) et le quartz (CMS X, 280).
13Nous trouvons, enfin, des représentations de félins dans une catégorie très intéressante de sceaux non accompagnés de signes d’écriture, qui présentent, en revanche, des motifs géométriques très simples mais configurés sous un aspect zoomorphe. Le plus ancien exemplaire de ce groupe (interprété généralement comme une tête canine24) a été identifié par J. Phillips comme un sceau pré-palatial (CMS VS1A, 225 ; fig. 6a), qui, étant daté du MA III-MM IA, représenterait la plus ancienne effigie de félin dans la Crète minoenne. Son intérêt réside, en outre, dans le fait qu’il appartient à la catégorie dite des « white pieces », un groupe de sceaux datables du MA III-MM IA, incisés dans des matériaux souples, pour la plupart dans une sorte de pâte (dont on ne connaît pas exactement la composition) de couleur blanchâtre/beige clair/jaunâtre, utilisée par les artistes crétois pour imiter spécialement la stéatite brûlée ou le talc dont on se servait dans la production des sceaux égyptiens. Du point de vue du style, le groupe rentre dans le Border/Leaf Complex Group (que Yule a été le premier à identifier25), un groupe homogène de 170 sceaux environ, produits dans des ateliers actifs entre le MM IA et le MM IIA, dans la Messara, et caractérisés par des motifs incisés en profondeur – quelques-uns clairement égyptisants –, au point qu’ils ont pu être comparés avec une série spécifique de sceaux circulant en tant qu’amulettes dans l’Égypte contemporaine26. Un exemplaire un peu plus ancien de ce sceau, daté du MA II-III, en dent de sanglier, pourrait être – à notre avis – hypothétiquement interprété comme la représentation d’une tête de chat (CMS II.1, 19 ; fig. 6b), de même que l’on pourrait voir, avec prudence, sur l’exemplaire plus tardif CMS IX, 32 (fig. 6c), généralement interprété comme la représentation de deux lions, la représentation de deux chats blottis l’un contre l’autre. Les stries habituellement utilisées par les artisans minoens pour représenter la crinière léonine (cf. CMS IV, 161 et IX, 46) semblent en effet, dans ce cas-ci, être clairement distinctes des deux têtes (que l’on pourrait peut-être interpréter plutôt comme félines) ; elles ne devraient donc pas être considérées comme les représentations d’une crinière, mais comme ayant une fonction simplement décorative. Ce sceau est attribué par Yule au Malia Workshop Subgroup, qui se distingue du groupe principal maliote par l’usage de pierres dures dans la réalisation de ces produits manufacturés27.
14Que ces icônes renvoient à un type cognitif précis, cela nous semble hautement vraisemblable, étant donné la connexion évidente du motif du félin, dans la civilisation minoenne proto-palatiale, avec la sphère rituelle et symbolique28. On pense aux attestations de félins du MM II, sous forme d’appliques sur vases, de Mallia, ou bien à la figurine fragmentaire provenant du quartier Θ29 et aux vases du quartier Mu30, auxquelles vient s’ajouter une petite tête en terre cuite – vraisemblablement partie d’un kernos – provenant de l’habitat de Mavrikiano31. Quant à la coroplathie, on ne peut pas ne pas signaler l’exemplaire de félin trouvé en association avec la petite reproduction de sanctuaire provenant de Monastiraki32, qui réaffirme les connexions de l’animal avec la sphère rituelle ; on doit citer aussi le félin assis sur la statuette plus récente (MR IA) de la déesse des Serpents, provenant de Cnossos (Temple Repositories)33. On rappellera, enfin, une tête de chat de Nopighia34 et une statuette de Palekastro trouvée dans un contexte sûrement rituel35, ainsi que des objets plus récents (récupérés dans des contextes néo-palatiaux, bien que quelques-uns puissent être proto-palatiaux) tels les rhyta de terre cuite en forme de tête de chat provenant de Palekastro, Gournia et Zakros36 et les protomés de félins appliqués sur des vases provenant d’un dépôt du « sanctuaire à banquettes » de Vathypetro37. La découverte de moules pour la production de têtes félines en argile est particulièrement intéressante38 ; ils ont été trouvés dans les contextes proto-palatiaux (MM II et MM II-III) de Mallia, Mavrikiano et Prinias Siteias. La production de ces moules, qui sont la preuve évidente de l’ample circulation de ces produits manufacturés par rapport aux quelques exemplaires parvenus jusqu’à nous, est encore attestée dans un contexte du MM IB à Perivolakia et un autre de la période néo-palatiale (mais de possible datation au proto-palatial) à Petras. Tout comme dans la glyptique, dans les exemplaires proto-palatiaux le chat au corps entier est représenté assis, la queue repliée vers le haut, à angle droit, ou bien enroulée autour de la hanche. Une seconde iconographie du chat, dont on trouve des attestations à partir de la période néo-palatiale dans les fresques d’Haghia Triada39 et de Santorini40 ainsi que dans des exemplaires continentaux41, représente le chat courant ou au point culminant de la chasse, au moment où il saisit ou tient sa proie entre ses dents ; cette iconographie était déjà présente, dans la glyptique, sur le sceau déjà cité CMS VII, 45c et sur d’autres sceaux postérieurs : CMS II.3, 172 et CMS VI, 368 (fig. 5a, d, f).
15L’icône du félin se présente donc comme hautement motivée et on la trouve, dans la civilisation minoenne proto-palatiale, dans des contextes et avec des associations de type clairement cultuel. D’après Watrous, le motif du chat aurait été puisé d’une manière sélective par les Minoens dans les icônes récurrentes sur les amulettes égyptiennes de la même période42, notamment dans une catégorie définie comme « amulettes d’assimilation », c’est-à-dire des amulettes caractérisées par la capacité de transférer à ceux qui les portaient les pouvoirs et les caractéristiques des animaux ou des divinités avec lesquelles ils étaient en liaison43. En effet, les amulettes représentant des chats sont connues à partir de la phase finale de l’Ancien Empire égyptien ; les scaraboïdes et les figurines de différents matériaux reproduisant des chats dans des poses variées sont connus, au contraire, à partir des XIIe et XIIIe dynasties, pour devenir très communs au Nouvel Empire44. Les contextes de leur attestation en Crète, d’après l’auteur, confirmeraient l’importation de la part des Minoens, non seulement de ces motifs, mais également de leur signification en termes de contenus cultuels45.
16Toutefois, l’assertion – généralisée en littérature – d’une dérivation égyptienne du motif du chat dans la Crète minoenne a été récemment redimensionnée par une étude d’ensemble des motifs égyptiens importés et/ou assimilés par les Minoens, conduite par Jacqueline Phillips46 sur la base d’une analyse rigoureuse des iconographies félines diffusées (au moins) à partir du Moyen Empire égyptien. L’auteur reconnaît qu’au Minoen moyen, l’association directe des représentations du chat avec ce qu’on appelle « cornes de consécration » ou avec des contextes à caractère rituel suggère fortement qu’il s’agit d’une représentation symbolique caractérisée par une forte signification religieuse. Cependant, une rigoureuse analyse iconographique des exemples minoens comparés aux exemples égyptiens ainsi qu’une étude approfondie de la chronologie des attestations des différentes iconographies félines en Égypte et en Crète l’amènent à conclure – tout en admettant une hypothétique première adoption dans l’Est crétois47 – que les représentations minoennes étaient largement indépendantes des représentation égyptiennes. Elles dérivaient plutôt de l’observation directe des exemplaires crétois de l’espèce Felis silvestris silvestris48. Quant au modèle iconographique de la tête de chat, J. Phillips remarque sa complète absence en Égypte (« we would never find an Egyptian cat’s head without a cat’s body to go with it »). Parmi les modèles du chat assis de profil, de trois quarts et de face, et du chat en position « active » – poursuit-elle –, seul le chat assis de profil a quelque rapport avec les représentations égyptiennes, alors que les autres en sont complètement indépendants. Par conséquent, elle suppose un développement parallèle de l’iconographie et des significations symboliques et rituelles associées au chat en Égypte et en Crète, développement qu’elle attribue à une observation analogue mais indépendante de l’utilité de ce félin, qui capture les rongeurs et les serpents. Cette utilité aurait naturellement abouti à attribuer au chat un rôle de protecteur de la maison et des magasins, selon un procédé commun à beaucoup de sociétés agricoles49.
17Comme on peut s’en rendre compte, la question est donc plutôt controversée. Toutefois, quelle que soit l’origine de cette icône, et même en admettant que son évolution en Crète et les valeurs rituelles qui lui sont liées sont à attribuer à un développement authentiquement local n’ayant rien à voir avec la valeur du chat en Égypte, l’élément sur lequel on veut insister ici est que les sceaux où l’icône est attestée étaient vraisemblablement porteurs d’informations sur l’appartenance de leur propriétaire à un groupe précis, tandis que les motifs pouvaient avoir une fonction d’emblèmes, identifiant l’affiliation sociale du possesseur à la manière d’un blason. Les blasons étaient délibérément sélectionnés par des groupes d’élites émergentes pour construire leur identité culturelle. Il s’agit de l’hypothèse de J. Weingarten50 pour l’icône du lion, récurrente sur les sceaux du Parading Lions/Spiral Complex datés de la période précédant immédiatement celle du Proto-palatial, interprétée comme un « emblème » reconnaissable, consciemment choisi par des clans ou des groupes aristocratiques émergents durant cette phase. Le lion disparut ensuite de l’imagerie de la glyptique lorsque, dans la Crète proto-palatiale, furent instaurés des équilibres sociaux et territoriaux différents et que le pouvoir de ces clans s’évanouit.
18On interprète dans une perspective analogue51 la diffusion de « replica rings » dans le MR IA-IB, sur lesquels l’icône la plus fréquente est celle du taureau (spécifiquement des scènes de taurokatapsia), justifiée par l’hypothèse que ces sceaux particuliers avaient été conçus pour être utilisés par des personnages appartenant au même groupe, ou bien de rang ou de statut équivalent. Dans ce cas spécifique, comme il s’agit vraisemblablement52 d’emblèmes de Cnossos et du pouvoir de Cnossos, ils sont interprétés comme les insignes d’un groupe de l’élite actif dans ce territoire et renvoient d’une manière directe et transparente à un contenu précis en termes sociaux ou politiques. Dans cette perspective, leur disparition à la fin du MR IB est interprétée comme l’oblitération d’une entière classe sociale de la Crète néo-palatiale et du réseau de relations entre familles et groupes qui s’était imposé au début de cette période.
19Il serait donc intéressant de tenter une lecture du motif du chat suivant la même ligne exégétique, où l’on essaie d’interpréter l’univers des idéologies et des relations de pouvoir entre groupes antagonistes par le moyen de l’univers des signes graphiques récurrents sur la glyptique. On a dit plus haut que la plus ancienne attestation de félin en Crète pourrait être un sceau zoomorphe fait d’une dent de sanglier, provenant de Haghia Triada, l’un des principaux sites de la Messara, et daté du MA II-III, période où l’on voit clairement se développer une société complexe, aux élites fortement émergentes (CMS II.1, 19 ; fig. 6b)53. Dans le même contexte régional, un autre centre important de production et de circulation des sceaux à partir du MA II, Moni Odigitria – lequel présente beaucoup de ressemblances avec Haghia Triada –, a livré un sceau zoomorphe identifié comme étant un félin par J. Phillips54, sur la base de confrontations convaincantes (CMS VS1A, 225 ; fig. 6a). Il est daté du Prépalatial (MA III-MM IA), période où commence à se définir une plus ample production et circulation des sceaux dans toute la Messara ; il est inclus dans la catégorie des sceaux dits « white pieces », incisés dans une sorte de pâte spécialement utilisée par les artisans crétois pour imiter les matériaux utilisés par les lapicides égyptiens55 et attribuables par leur style au Border/Leaf Complex Group, caractérisé par la récurrence de nombreux motifs égyptisants56. À propos des caractéristiques de ce groupe stylistique, J. Weingarten57 suggère que, durant cette période, il existait probablement une demande de sceaux reproduisant des motifs techniques et iconographiques d’inspiration clairement égyptienne, auxquels devait être associée une signification précise qui ne pouvait être séparée de leur caractère exotique. Par rapport aux originaux, les artisans crétois se révèlent novateurs : ils reproduisent tant des animaux étrangers à leur propre faune (crocodiles, singes, lions) que des espèces de la faune locale ; la composition même des sceaux est sujette à des variations originales, mais ils gardent toujours, cependant, un caractère « exotique » reconnaissable. J. Weingarten avance l’hypothèse qu’un petit groupe de possesseurs de sceaux aurait voulu en posséder un qui semblât « étranger » ; ils pourraient avoir fait partie d’une élite constituée par ceux qui possédaient des sceaux du groupe Border/Leaf, mais ils pourraient en même temps en avoir été consciemment dissociés58. Par les matériaux utilisés et par ses caractéristiques stylistiques, cet exemplaire de sceau avec félin semblerait donc montrer l’appartenance de cette icône à ce groupe spécifique, un clan ou un groupe de familles voulant s’attribuer une distinction au moyen de « citations exotiques ». Au vu des associations dont on vient de parler, on ne peut donc exclure que le motif du chat ait été perçu, du moins dans une phase initiale, comme caractéristique d’un « goût » inspiré de modèles allogènes et intentionnellement choisi comme « emblème » par un des groupes sociaux de Crète centro-méridionale59, en admettant toutefois qu’il ait eu par la suite un développement authentiquement local. Emblème puissant, chargé de subtiles références cultuelles et fortement lié au rituel, le motif du félin semble suivre un modèle identique d’associations exotiques à l’époque proto-palatiale. Comme le remarque I. Schoep, durant cette période, à Mallia, le motif du chat est présent en même temps que d’autres motifs montrant une « exposition à l’iconographie égyptienne », tels le sphinx du quartier Mu, les abeilles de Chrysolakkos et l’épée de l’acrobate. À cette même période, de surcroît, d’autres motifs sont introduits d’Égypte, qui seront ensuite élaborés sur le territoire crétois60. Ces éléments suggèrent la possibilité qu’entre le MA III et le MM II, des contacts à longue distance avec l’Orient et la connaissance des civilisations exotiques ont pu naître d’une stratégie délibérée visant à exprimer une idéologie d’élite précise61. La production locale de produits manufacturés de style égyptisant (souvent faits de matériaux de moindre qualité, comme c’est le cas pour les « white pieces ») pourrait donc avoir eu pour but l’autocélébration des élites locales en fonction de la création de références culturelles précises, aptes à distinguer les groupes sociaux en compétition62.
20En retraçant le réseau des attestations de l’icône du félin sur la glyptique au MM II, on observe que ses occurrences, durant la période proto-palatiale, sont distribuées entre l’aire de Cnossos, Mallia (quartier Mu) et l’Est crétois jusqu’au golfe de Mirabello, et que cette distribution est analogue à celle des représentations de félins sur d’autres supports. Cette tendance à la « dispersion régionale » de l’icône semble aller de pair avec l’intégration des styles des sceaux locaux prépalatiaux dans un contexte palatial plus ample, à partir de cette phase de l’histoire de la Crète. Les principaux groupes stylistiques dans lesquels on retrouve cette icône (notamment le Hieroglyphic Deposit Group et le Malia Workshop Complex) représentent, en effet, de nouveaux styles glyptiques dont on peut faire remonter en partie l’iconographie à des traditions prépalatiales. Toutefois ces styles ne semblent plus se présenter comme des productions propres à des ateliers locaux ni comme des indicateurs de territoires précis dominés par une ou plusieurs familles émergentes, mais ils semblent désormais avoir été absorbés dans un cadre régional plus vaste. Suivant les conclusions de K. Sbonias63, même si l’on peut imaginer que les élites locales ont continué à exercer un rôle économique, politique ou idéologique à la période proto-palatiale avancée, il semble évident que l’intégration des communautés doit désormais être replacée sur une échelle régionale plus ample, en contraste marqué par rapport à la période précédente. La connexion à un groupe, à des groupes reliés entre eux par des connexions réciproques ou à des personnages dont le rang ou le statut sont équivalents à l’icône du félin – la plus fréquemment attestée en association avec des « formules » écrites de caractère administratif/bureaucratique et donc circulant dans un milieu proche de l’administration palatiale – pourrait donc expliquer la poussée de ses attestations durant la période néo-palatiale et sa disparition soudaine à l’époque immédiatement successive comme la possible conséquence de la consolidation de nouveaux équilibres de pouvoir dans la Crète proto-palatiale. Cette réflexion ne doit être évidemment considérée que comme une suggestion, bien qu’elle soit assez vraisemblable.
21En conclusion, pour revenir aux attestations des icônes trouvées en connexion avec des inscriptions hiéroglyphiques, on peut supposer qu’en modalité Bêta elles renvoyaient à une série de significations complexes ; pour accéder à ces significations, l’utilisateur de ces contenus puisait sans médiation (sans passer à travers le medium linguistique) aux significations que leur attribuait sa propre civilisation. Quant au statut de ces signes, il paraît tout à fait évident qu’ils n’ont pas joué un rôle scriptural64. En effet, ils n’étaient pas intégrés de façon permanente dans un ensemble accompli et nombrable de signes graphiques susceptibles de se relier à d’autres signes à l’intérieur d’un système d’oppositions, avec la possibilité de se combiner entre eux suivant un ordre identifiable et récurrent prouvant leur aptitude à constituer un texte dans lequel à des éléments graphiques étaient associées des significations distinctes et linguistiquement explicitables par la communauté65. C’est pourquoi nous ne partageons pas les définitions qu’on leur attribue, telles « idéogramme », « pictogramme », et encore moins « syllabogramme ». Nous estimons cependant que l’on peut supposer que ces signes jouaient un rôle d’icônes renvoyant, métaphoriquement ou métonymiquement, à un système symbolique complexe, conceptuel et évocateur, où était précipité immédiatement un contenu culturel précis lié à des contextes restreints, dont l’explicitation appartenait à l’exécuteur ou aux personnes directement impliquées dans l’action, sans nécessité d’une médiation linguistique. Notre opinion est, donc, que l’inscription sur sceau, profondément immergée dans l’imagerie de la glyptique contemporaine, doit être interprétée comme un produit communicatif unique, fortement déterminé par le support et réglé par des modalités et des codes de communication propres à ce puissant instrument, pourvu en même temps d’une valeur économique et symbolique.
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Weingarten 2011 : J. Weingarten, Corridors of power: A social network analysis of the Minoan ‘replica rings’, in W. Müller (dir.), Die Bedeutung der minoischen und mykenischen Glyptik. VI. Internationales Siegel-Symposium aus Anlass des 50 jährigen Bestehens des CMS Marburg, 9-12 Oktober 2008, Mainz, 2010 (CMS. Beiheft, 8), p. 395-412.
Notes de bas de page
1 Cette contribution a été remise pour publication avant la parution d’une étude d’Olga Krzyszkowska sur le même sujet: O. Krzyskowska, Why were cats different? Script and imagery in Middle Minoan II glyptic, in C. F. Macdonald, E. Hatzaki, S. Andreou (dir.), The great islands. Studies of Crete and Cyprus presented to Gerald Cadogan, Athens, 2015, p. 100-106.
2 Evans 1909.
3 Olivier 1981, p. 115.
4 Olivier 1990.
5 CHIC, p. 12-15.
6 Jasink 2009.
7 Eco 2008, p. 264.
8 Marazzi 1998.
9 Les volumes publiés jusqu’ici reproduisent plus de 9000 faces ou impressions de sceaux : CMS, Berlin, 1964-.
10 Olivier 2000, p. 141.
11 Olivier en voit, exempli gratia, une interprétation qui peut se rapporter aux notions de temple/palais (Olivier 1990, p. 18), alors que Weingarten pense qu’ils pourraient indiquer deux différentes branches de l’administration palatiale (Weingarten 1995, p. 303). Cf. aussi Younger 1996-1997, p. 391-392 ; Poursat 2000.
12 Evans 1909, p. 264 : « It has indeed been observed, in more than one region, that the need of expressing by a kind of rebus the names of persons, divinities, or places has been one of the earliest operating causes in the development of pictographic writing. […] It is a highly suggestive phenomenon that we find, especially on the seals, a series of figures, each representing a part, or in some cases the whole animal, which have every appearance of being personal badges or actual names or cognomina. »
13 Evans 1909, p. 153, 270-271.
14 Jasink 2009, p. 31, formule trois hypothèses pour expliquer la fonction du signe du chat sur ce sceau : « the cat is functional and not only an ornamental element, with a precise meaning with reference to the “word” composed of the other four symbols, either as a determinative or as an ideogram connected to the seal’s use », en fournissant ainsi une interprétation comme signe (ayant différents statuts possibles) d’écriture.
15 Pour une synthèse, cf. Civitillo 2007, notamment pl. II A-H.
16 Cf. Younger 1993, p. 164-165 et passim.
17 Yule 1981, p. 130, pl. 7 (motif 9, no 1), p. 212-213.
18 Ibid. (motif 9, no 2), p. 215-219.
19 Ibid. (motif 9, nos 3 et 4).
20 Ibid., p. 219-220 ; Younger 1993, p. 149, a changé le nom en « The Palaikastro Cat Group ».
21 Yule 1981, p. 130, p. 7 (motif 5), 219-220.
22 Ibid., p. 174.
23 Younger 1993, p. 182.
24 Phillips 2008, 2, p. 270, #573, avec bibliographie.
25 Yule 1981, p. 209-210, daté du MA III-MM IA, mais Younger 1988 lui attribue une nouvelle datation (MM IA-IIA), p. 197-201, 218.
26 Weingarten 2005, p. 760-762.
27 Yule 1981, p. 933-994, 213-214.
28 Un chapitre entier est consacré à la question de la possible réception du motif du chat de l’Égypte et de sa postérieure élaboration indépendante en milieu minoen, dans Phillips 2008, 1, p. 193-206, 314-316 (pl. 33-36), avec une bibliographie exhaustive.
29 Van Effenterre, Van Effenterre 1976, p. 4-5, pl. XVIII.
30 Detournay, Poursat, Vandenabeele 1980, p. 120-124, fig. 170-175. Sur leur possible inspiration égyptienne, cf. Immerwahr 1985, p. 41-50.
31 Van Effenterre 1948, p. 4, pl. III.
32 Godart, Tzedakis 1992, pl. LXXXVIII.
33 Panagiotaki 1999, p. 99, fig. 25, p. 161, nos 211-211a, pl. 17.
34 Andreadaki-Vlazaki 1994-1996, p. 12-32, fig. 10e.
35 MacGillivray, Sackett 1991, fig. 14f.
36 Karetsou 2000, p. 177-179, cat. nos 163-165, avec bibliographie ; Phillips 1991, p. 661, 711, 763-764, 793-794.
37 Phillips 2008, 1, p. 202, avec références bibliographiques.
38 Ibid., p. 200-201, avec références bibliographiques.
39 Militello 1999, p. 107-115, pl. 5-6.
40 Morgan 1988, pl. C, fig. 51 ; Doumas 1992, p. 66, fig. 33.
41 Pour le poignard marqueté de la tombe à fosse V de Mycènes, cf. Karo 1930, pl. XCIII-XCIV. Pour les exemplaires de la tholos 2 de Routsi, cf. Marinatos, Hirmer 1973, fig. 246, pl. LII.
42 L’hypothèse d’une liaison précise entre la Crète et l’Égypte dans l’adoption du motif/icône du chat pourrait trouver une confirmation dans l’hypothèse avancée par Negri 1998, p. 31-59, selon laquelle le signe AB80 (ma), dérivant du « cat mask », aurait obtenu sa valeur phonétique à travers un processus d’abréviation phonétique opéré sur le nom égyptien du chat, myw, vocalisé dans les noms de quelques divinités thériomorphes telles Madfet, Matit, Mehit. Cf. Civitillo 2007, p. 641 et 643, n. 55.
43 Généralement, en Égypte, le félin représente la personnification d’un certain nombre de divinités dont la mieux connue est Bastet. Dans les périodes les plus anciennes (à partir du Moyen Empire), cependant, le chat était la personnification de divinités masculines telles Re, Atun et Amun, ayant une fonction protectrice particulièrement accentuée.
44 Pour une revue détaillée, avec bibliographie précédente, des représentations de félins dans l’Égypte pharaonique, cf. Phillips 2008, 1, p. 193-199.
45 Watrous 1998, p. 25.
46 Phillips 2008.
47 Phillips 2008, 1, p. 203.
48 Phillips 1995 ; 2008, 1, p. 199-206.
49 Phillips 2008, 1, p. 206 ; 2005.
50 Weingarten 2005.
51 Weingarten 2011, p. 411-412.
52 Hallager, Hallager 1995, p. 549-554. Cf. Betts 1967 ; Weingarten 1991b, p. 309, n. 11.
53 Sbonias 2011, p. 274-276, avec bibliographie.
54 Phillips 2008, 1, p. 199 ; 2, p. 270 [573], cf. [377], [431], [438].
55 Weingarten 2005, p. 760, avec bibliographie.
56 Yule 1981, p. 210 : « The Border/Leaf Complex is interesting in its highly pronounced Egyptian influence. »
57 Weingarten 2005, p. 762.
58 Ibid.
59 Sbonias 2011, p. 280-281 (se rapportant à Odigitria) : « The adoption of Egyptian scarab form and the manufacture of scarabs in Minoan style, as well as the use of a glazing technique imitating faiance, indicate a link with Egypt. The introduction of a foreign technology and iconography marks out the prominent position of Odigitria during this period and indicates the key role played by local elites in the adoption of innovations » (p. 284).
60 Citons, par exemple, le soi-disant « génie minoen », qui dérive de l’égyptien Taweret : Weingarten 1991a.
61 Schoep 2010, p. 76.
62 Schoep 2006, p. 52-53 : « The consumption of such items […] would have allowed individuals and groups to display knowledge, membership, and perhaps control of distant places and people, enabling them to legitimate and increase their social status. »
63 Cf. Sbonias 2011, p. 287.
64 En dépit de A. M. Jasink, pour laquelle les représentations du « cat mask » et du félin au corps entier sont, dans quelques cas, des signes d’écriture : Jasink 2009, p. 31, 46, 140, 160.
65 Cardona 1991, p. 27.
Auteur
ORCID : 0000-0002-3604-3489
Civiltà Egee, Facoltà di Studi Classici, Linguistici e della Formazione, Università degli Studi di Enna KORE; matilde.civitillo@unikore.it
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