Chapitre 2. Autres ouvrages de vannerie
p. 207-228
Texte intégral
1Outre les paniers et les corbeilles, abondamment représentés dans le vocabulaire et l’iconographie antiques, la production de vannerie concernait une pléthore d’articles. Une explication à la large diffusion de cette production est que le recours à une matière première végétale permettait à chacun, qu’il fût artisan ou domestique, de s’approvisionner en matériau dans son environnement immédiat. L’exploitation de ces ressources naturelles offrait une alternative à l’utilisation d’autres matériaux plus coûteux ou nécessitant davantage de transformations — comme en témoigne l’Édit sur les prix de Dioclétien. Car les matériaux végétaux, par essence fragiles, peuvent, une fois assemblés, constituer des ouvrages d’une grande solidité. Ainsi, la gamme de produits finis où un végétal local pouvait se substituer au bois, au cuir, au métal, ou encore à la céramique, était large. Pour se représenter ces ouvrages de vannerie dans leur diversité, la littérature est une source d’informations plus abondante que la documentation iconographique.
1. Ouvrages plans
1. 1. Les claies
2Les claies (crates) étaient des ouvrages rigides et plats, consistant en un entrelacement clayonné de branches ou tiges végétales plus ou moins épaisses, utilisés dans de multiples situations1. L’importance que pouvait avoir le plus rudimentaire des ouvrages de vannerie, facilement réalisable en cas de nécessité par une population non qualifiée, qu’elle fût citadine, rurale ou militaire, est mise en évidence par des sources littéraires de nature diverse.
3Selon les témoignages antiques, les claies étaient réalisées non seulement en osier (Virgile, G., 1, 94 : uimineasque trahit crates ; Pétrone, 135, 8 : cratis saligna), mais aussi à partir de plantes variées selon les régions (chaume, laîche, fougère et roseau mentionnés par Columelle, arbousier par Virgile), ce qui les rendait plus ou moins rigides et robustes. Le matériau pouvait être travaillé de manière serrée ou plus lâche, au gré des usages. C’est ainsi que Columelle prend soin de signifier que pour placer les olives dans le grenier, il faudra les poser sur « des cannisses soigneusement tressées serrées (cannas diligenter spisse textas) de manière qu’elles ne laissent pas passer au travers les baies et puissent supporter le poids des olives » (Rust., 12, 52, 4). Tout entrelacement de tiges pouvait donc constituer une claie dont la taille et le mode de tressage variaient en fonction des besoins.
4Dès la Préhistoire, le principe de l’entrecroisement de tiges constitua un moyen de protection contre le monde extérieur, grâce à la fabrication de claies assemblées pour constituer des habitations. Cet usage perdura et les sources littéraires y font souvent allusion pour les parties orientale et occidentale de l’Empire. Hérodote, par exemple, témoigne de l’usage de huttes mobiles par les nomades libyens (Hist., 4, 190, trad. P. -E. Legrand) : « leurs habitations sont formées d’un entrelacement de tiges d’asphodèle et de joncs ; et elles sont transportables ». Strabon décrit ainsi la maison gauloise (Géogr., 4, 4, 3, trad. R. Baladié) : « Les Gaulois se construisent de grandes maisons de forme circulaire en planches et en claies (gerron) et les recouvrent d’un épais toit de chaume. » Plus généralement, l’usage des claies concernait la construction des huttes, aussi bien fixes (tuguria) que mobiles (mapalia d’Afrique du Nord2) chez les populations nomades ou dans les campagnes3. La forme de ces édifices primitifs était symboliquement rappelée par celle du temple rond de Vesta, à Rome (Ovide, Fast., 6, 261-262) : Quae nunc aere uides, stipula tunc tecta uideres/et paries lento uimine textus erat, « Ce temple, que vous voyez aujourd’hui couvert de bronze, vous l’auriez vu alors couvert de chaume, et ses parois étaient faites d’osier flexible. » Selon cette technique de construction proprement rurale à l’origine, il devint fréquent de monter les parois des murs à partir de solides claies de branchages. Vitruve rappelle l’origine du clayonnage (Arch., 2, 1, 1-3, trad. L. Callebat) : « Les hommes primitifs naissaient, comme les animaux sauvages, dans les forêts, les grottes, dans les bois. [...] certains des hommes ainsi réunis entreprirent de faire des abris avec des feuillages [...], quelques-uns, imitant la manière dont les hirondelles bâtissent leurs nids, de se faire un refuge avec de la boue et des branchages. [...] Ils commencèrent par dresser des pieux fourchus, y entrelacèrent des branchages er recouvrirent de boue ces parois. » Cette technique de construction, dite craticius ou opus craticium, en plus d’être économique permettait, selon le même auteur, de construire rapidement mais comportait un inconvénient majeur : la paroi était la proie facile des flammes (Arch., 2, 8, 20).
5Outre les murs des habitations, on sait par Juvénal que la claie — ici tressée à claire-voie : rara — servait d’étagère que l’on accrochait au plafond afin d’y déposer ou suspendre les provisions (11, 82-83 ; trad. P. de Labriolle et F. Villeneuve) : sicci terga suis rara pendentia crate/moris erat quondam festis seruare diebus et natalicium ponere lardum, « un dos de porc séché suspendu à une claie à large entrelacis, voilà ce qu’autrefois on servait aux jours de fête ».
6À la ville comme à la campagne, les claies étaient destinées à être fichées en terre comme clôtures (claustra, saepes) dans les jardins des modestes fermes comme dans ceux des demeures luxueuses ou des uillae. L’auteur du Moretum décrit ainsi le petit jardin du paysan Simylus (60-62) : Hortus erat iunctus casulae, quem uimina pauca/et calamo rediuiua leui munibat harundo/exiguos spatio, uariis sed fertilis herbis4. Quant aux riches jardins d’agrément, ils sont représentés notamment sur plusieurs peintures murales de la région du Vésuve où apparaissent différents modèles de clôtures en vannerie5. Varron établit une liste des divers types de clôtures pouvant être établis dans un domaine, parmi lesquels figure la fascine de vannerie (R. R., 1, 14, 2, trad. J. Heurgon) : secunda saeps est ex agrestise ligno sed non uiuit : fit aut palis statutis crebris et uirgultis implicatis, « le deuxième [mode de protection du domaine], palissade rustique, est de bois mais de bois mort : il est fait soit de pieux plantés dru et de branches entrelacées ». Columelle aussi parle d’une uirgea sepes, clôture d’osier dressée pour servir de tuteur à des buissons grimpants de ronces (Rust., 11, 3, 7) : oportebit autem uirgeam sepem interponere, quam super se pandant sentes utriusque sulci, « il faudra ficher dans l’intervalle entre les deux lignes, une clôture d’osier sur laquelle monteront les buissons ». Les claies servaient d’ailleurs également de pergolas afin d’ombrager les triclinia d’été ; à cet effet, on y faisait grimper des plantes6.
7L’importance accordée à la fabrication de ces ouvrages de vannerie dans les exploitations rurales est mise en évidence par Varron lorsqu’il préconise de semer des plantes à tige flexible dans le but de tresser plusieurs sortes d’instruments et parmi eux, des claies (R. R., 1, 23, 5) : et alio loco uirgulta serenda ut habeas uimina, unde uiendo quid facias ut, sirpeas, uallos, crates. Celles-ci constituaient un équipement indispensable dans toute propriété.
8Des claies légères étaient utilisées notamment pour protéger les fruits en cours de séchage après la récolte. Columelle, à propos des figues, parle de crates pastorales culmo uel carice uel filice textae que l’on posait sur le sol et relevait le soir venu en les appuyant les unes contre les autres en bâtière7 au-dessus des fruits posés sur des cannisses, ceci pour les protéger de la rosée et, parfois de la pluie (Rust., 12, 15, 1). Caton mentionne le même type d’objet sous le nom de crates ficariae quae frigus defendant et solem, « claies à figues pour protéger du froid et du soleil » les graines d’arbres fruitiers ou de cyprès tout juste semées (Agr., 48, 2). Pour cela, les claies étaient disposées à plat sur des perches étendues sur des pieux fourchus fichés en terre, à une hauteur permettant à un homme de passer dessous (uti subtus homo ambulare possit). À propos de cet usage, Pline précise que, contre le froid, on pouvait encore les recouvrir de paille (N. H., 17, 71 : « Caton recommande aussi de placer des claies sur des fourches à hauteur d’homme pour intercepter le soleil et de les recouvrir de chaume pour écarter les froids »). L’emploi, en Champagne aux XVIIIe et XIXe siècles, de claies paragelées pour protéger du soleil les bourgeons des vignes s’apparente à cet usage antique (fig. 231).
9Les agronomes nous apprennent encore que l’on se servait de la claie non plus pour la mettre sur les fruits afin de les protéger, mais pour y disposer, de manière espacée, les fruits et les légumes à faire sécher ou à conserver — tiges de laitue, grappes de raisin, figues, châtaignes ou olives8 —, ou encore les fromages (Palladius, Agr., 6, 9, 2 : post aliquos dies solidatae iam formulae per crates ita statuantur, ne inuicem se unaquaeque contingat, « après quelques jours, les fromages en moule ayant durci, on les dispose sur des claies de façon à ce qu’ils ne se touchent pas »).
10Une lourde cratis, tressée à partir de solides branches et munie de deux longs manches permettant la préhension, était utilisée comme herse9 : rastris glaebas qui frangit inertis/uimineasque trahit cratis, iuuat arua, « celui qui brise à la houe les mottes paresseuses et qui traîne sur elles les herses d’osier, fait grand bien aux guérets » (Virgile, G., 1, 94-95, trad. E. de Saint-Denis). Traînée après les labours, elle brisait les mottes de terre et aplanissait le champ : « Après le second labour [...] on procède au hersage, si cela est nécessaire, avec une claie ou un rateau » (Pline, N. H., 18, 20). Étant donne les poids de l’objet, cette pratique nécessitait sans doute le concours d’animaux de trait, particulièrement pour les champs d’une grande superficie.
11Autre usage de ces lourdes claies en agriculture, celui de brancards pour déplacer des matériaux. Pourvues de deux longs manches dépassant de chaque côté le treillis de branchages, elles étaient utilisées notamment pour le transport du fumier, comme en témoigne Caton qui mentionne quatre crates stercorariae utiles pour l’équipement d’un vignoble de cent jugères ou pour celui d’une oliveraie (Agr., 11, 4 et 10, 3). Cette mention peut être rapprochée d’un des panneaux de la mosaïque du calendrier agricole de Saint-Romain-en-Gal qui, parmi les activités hivernales, représente le transport du fumier : deux paysans vêtus du cucullus sont placés à chaque extrémité des longs manches supportant une claie carrée. Quatre pieds ont été fixés sous celle-ci afin de pouvoir poser le brancard à même le sol10.
12Enfin, on trouvait dans les campagnes romaines des parcs à bétail constitués de solides claies, en l’occurrence tressées en branches de hêtre : nocturnaque pastor/claudere fraxinea nolit praesepia crate (Calpurnius Siculus, Ecl., 1, 38-39). Horace, décrivant les tâches dévolues à la paysanne, évoque la traite des brebis dans les enclos (Epod., 2, 45-46) : claudensque textis cratibus laetum pecus/distenta siccet ubera, vers ainsi commentés par le scholiaste Acron : Crates a pastoribus texi consueuerunt ad mutandas pecudibus mansiones, ut adpositae greges muniant ab incursione ferarum (Comm. Hor. Epod. 2, 45-46)11.
13Le monde militaire, à la lecture des textes, apparaît comme un autre grand usager de claies. En effet, ces ouvrages servaient à protéger les soldats de l’ennemi, que ce fût du côté des assiégeants ou de celui des assiégés. Lucain relate ainsi un épisode du siège de Marseille par César (3, 493-496, trad. A. Bourgery) : sed super et flammis et magnae fragmine molis/et sudibus crebris et adusti roboris ictu/percussae cedunt crates, frustraque labore/exhausto fessus repetit tentoria miles, « mais d’en haut des flammes, les fragments énormes de rocs, une avalanche d’épieux, les coups des chênes embrasés font céder les claies qu’ils heurtent ; fatigué par ces vains et pénibles efforts, le soldat regagne ses tentes ».
14Les claies défensives étaient déployées de chaque côté des troupes (César, Ciu., 1, 25, 9, trad. P. Fabre) : a fronte atque ab utoque latere cratibus ac pluteis protegebat, « en avant et de chaque côté, des claies et des mantelets formaient une protection ». Dans ce but, elles étaient d’un tressage serré afin de mieux protéger les hommes des divers projectiles (cratesque densius textas : Ammien Marcellin, 21, 12, 6). Ces panneaux pouvaient d’ailleurs être disposés sur plusieurs rangs, pour accroître leur effet protecteur. César relate la résistance des Marseillais qui parvenaient à transpercer ces rangées de claies (Ciu., 2, 2, 2)12 : « Des poutres de douze pieds de long, garnies de pointes de fer et lancées par d’énormes balistes se fichaient en terre après avoir traversé quatre rangs de claies. »
15La fonction défensive de ces panneaux tressés se retrouve dans la construction des camps où ils servaient à ériger les fortifications13 (Végèce, Mil., 3, 8) : « Derrière ce fossé, et de la même terre qu’on en a tirée, se forme le rempart, qu’on soutient par des palissades et des branches entrelacées pour empêcher l’écroulement. » Des constructions défensives plus robustes étaient également composées à l’aide de claies, celles-ci étant notamment recouvertes de mortier afin de constituer un plancher de terrasse plus résistant au-dessus des fossés. César fait allusion à l’utilisation de ce procédé de construction, alors que les Marseillais ont détruit les ouvrages précédents (Ciu., 2, 15, 2, trad. P. Fabre) : « là où l’écartement des murs ou la faiblesse des matériaux pouvait permettre de le réclamer, on place entre eux des piliers, on y pose des poutres transversales qui servent à consolider ; sur toute la charpente on pose des claies et on recouvre ces claies de mortier (et quicquid est contignatum cratibus consternitur, crates luto integuntur)14. »
16Les claies permettaient encore aux soldats de réaliser diverses structures utiles, tels les ponts pour franchir les fleuves ou les fossés ennemis. Utilisant une nouvelle technique de construction pour un pont devant permettre à son armée de franchir le Rhin, César fait mention de claies disposées sur un entrecroisement de poutres (G., 4, 17, 8, trad. L. A. Constans) : « On posait sur les traverses des poutrelles longitudinales et, par-dessus, des lattes et des claies15. » De même, on les employait fréquemment pour couvrir les fossés adverses afin de les franchir, tant du côté des Gaulois que de celui des Romains. Ainsi à Alésia, « les Gaulois battus ne laissent passer qu’un jour et pendant ce temps fabriquent une grande quantité de claies, d’échelles, de harpons, puis, au milieu de la nuit, ils sortent de leur camp. Ils poussent une clameur soudaine pour avertir les assiégés de leur approche et ils se mettent en mesure de jeter leurs claies (crates proiicere) » (César, G., 7, 81, 1-2). Dans un même ordre d’idées, les claies servaient à recouvrir et cacher des pièges où prendre l’ennemi. Pompée utilise cette ruse pour retarder César (César, Ciu., 1, 27, 4, trad. P. Fabre) : « Il coupe les routes de tranchées dans lesquelles il plante des pieux et des branches d’arbre taillées en pointe, et qu’il fait niveler à l’aide de claies légères et de terre (haec leuibus cratibus terraque inaequat). » Le fait que César emploie ici l’adjectif leues pour qualifier les crates prouve que la fabrication des claies consistait en divers modèles adaptés aux usages prévus : aux claies robustes fabriquées avec de lourds branchages résistants, destinées à un rôle défensif, s’ajoutaient des ouvrages plus légers au matériau plus fin.
17Les claies sont encore attestées dans un usage de civières : « on s’empresse aussitôt de tresser les claies d’un brancard flexible avec des branches d’arbousier et de chêne » (Virgile, En., 11, 64).
18Enfin, ces ouvrages servaient à punir de façon radicale les coupables d’un délit, particulièrement dans un contexte politique agité ou dans celui d’insurrections militaires. Ainsi, Tite-Live relate le supplice inédit du sénateur Turnus, sous Tarquin (1, 51, 9, trad. G. Baillet) : « Turnus, sans avoir pu se défendre, subit un supplice sans précédent (nouo genere leti) : on le précipita dans la source de Férentina, et on jeta sur lui une claie chargée de pierres pour le noyer (crate superne iniecta saxisuqe congestis mergeretur). » Plus loin, le même auteur paraît attester que le supplice de la claie (rendu par l’expression éloquente sub crate) s’était répandu dans le milieu militaire comme punition des soldats (4, 50) : « aux hurlements de ceux qu’il [le tribun Postumius] avait condamnés à périr sous la claie, la foule se rassemblait pour s’opposer au supplice (ad uociferationem eorum quos necari sub crate iusserat) ».
19Ces vanneries planes aux usages multiples, indispensables dans la vie militaire, pourraient avoir été tressés ou réparés par les soldats eux-mêmes dans les camps (César, Ciu., 3, 80, 5) : « César, une fois son camp fortifié, fit faire des échelles et des musculi pour un assaut immédiat, et préparer des claies (crates parari iussit). » Que ce travail ait pu être réalisé par les militaires semble plus évident encore lorsque Trebonius, légat de César, ordonne à ses hommes d’aller récolter de l’osier et du bois dans la campagne entourant Marseille dont il prépare le siège (César, Ciu., 2, 2, 1) : « Pour mener à bien ces travaux d’approche, C. Trebonius réquisitionne dans toute la province un grand nombre d’animaux et d’hommes ; il fait rassembler de l’osier et du bois (uimina materiamque comportari iubet). » Un document iconographique paraît bien s’accorder avec la source littéraire : un fragment de relief conservé à Rome, dans la galerie du musée des Thermes, montre deux soldats en train de récolter des branchages (fig. 232). Il est vraisemblable qu’un des principaux buts de cette tâche était l’approvisionnement en matière première utile à la fabrication de vanneries, car il n’est pas seulement question de claies dans la littérature militaire, mais d’ouvrages tressés plus élaborés (voir ci-dessous). Il est également possible que des artisans spécialisés aient suivi les troupes, si l’on interprète au plus large un extrait de Végèce (Mil., 2, 11, trad. F. Reyniers : « Différents ateliers où se faisaient les boucliers, les javelots, les casques, les cuirasses, les flèches et toutes sortes d’armes offensives et défensives suivaient aussi la légion. »
1. 2. Les nattes
20L’usage des nattes est souvent mentionné par les auteurs latins qui emploient divers vocables — teges, dim. tegeticula ; matta ; storea ; gerrae, rare et tardif — donnés pour synonymes dans les thesauri16. À la différence de la claie, la natte est un ouvrage souple17. Elle pouvait servir soit de rudimentaire matelas, soit de couverture, soit de revêtement de cloison, soit encore de tapis — tegicula désigne, chez Donat, ce genre d’objet (Phorm., 27). Elle constituait la literie par excellence des paysans, des voyageurs ou des plus défavorisés. Martial, peintre de la vie à Rome, n’est pas sans évoquer la natte du pauvre (11, 32, 1-2, trad. H. J. Izaac) : nec toga nec focus est nec tritus cimice lectus/nec tibi de bibula sarta palude teges, « tu n’as ni toge ni foyer, ni lit, fût-il hanté par les punaises, ni natte tressée de jonc spongieux », ou celle sur laquelle dorment les esclaves (9, 92, 2-4, trad. H. J. Izaac) : Condyle, qui seruum te gemis esse diu. /Dat tibi securos uilis tegeticula somnos,/peruigil in pluma Gaius ecce iacet, « Condylus, toi qui te plains de la durée de ton esclavage. Ta misérable natte de jonc te procure un paisible sommeil, tandis que Gaius, vois-le, est étendu sur le duvet sans fermer l’œil de la nuit. » Dans une cité comme Pompéi, les habitants se fournissaient en nattes auprès d’artisans spécialisés, les tegetarii, dont des ateliers ont été mis au jour18.
21Dans le monde rural, les paysans confectionnaient aussi des nattes, ouvrages qui trouvaient des utilisations identiques aux claies tout en étant rendus plus légers par les plantes qui les composaient. La densité du tressage était variable en fonction des usages auxquels on destinait l’objet. Ces ouvrages étaient sans doute fort nombreux dans chaque exploitation, puisqu’au-delà de fonctions strictement domestiques telles que la literie des esclaves, les nattes étaient diversement employées dans les activités agricoles.
22Étendues sous les oliviers, elles servaient à recueillir puis trier les fruits lors de la récolte (Columelle, Rust., 12, 52, 8-9) : tegetes, quibus oliua excipitur, [...] et substratis tegetibus aut cannis cribrari et purgari [oportebit]. À l’instar des claies, on les employait pour protéger les vignes du soleil et du vent violent : « Mon oncle paternel, rapporte Columelle, qui était [...] l’agriculteur le plus attentif de la province de Bétique, couvrait les vignes de nattes de palmier » (Rust., 5, 5, 15). Une découverte archéologique survenue dans la villa B d’Oplontis montre qu’elles étaient employées pour le séchage des fruits, en l’occurrence des grenades19.
23On se servait des nattes, en outre, pour l’entretien des animaux. On pouvait, au moyen de ces ouvrages légers, aménager un abri pour les oiseaux de la ferme. Columelle en fait mention pour l’élevage des tourterelles (Rust., 8, 9, 3) : « des corbeaux sont fixés en ligne dans le mur et supportent de petites nattes de chanvre (tegeticulas cannabinas) garnies de filets par devant, qui empêchent les oiseaux de voler ».
24Enfin, les écorces du tilleul, du hêtre, du sapin et de l’épicéa (Pline, N. H., 16, 35), une fois assemblées en nattes, servaient à bâtir les auvents des huttes ou, plus largement, la toiture des édifices rustiques, de même que « les frêles joncs des marécages, dont on fait des toitures [...]. Les Maures en couvrent leurs cabanes » (Pline, N. H., 16, 178).
25Varron fait figurer les nattes dans sa liste des ustensiles et outils indispensables au domaine rural, en même temps qu’il livre les principaux matériaux utilisés pour leur fabrication, chanvre, lin, jonc, palmier (R. R., 1, 22) : quae fiunt de cannabi, lino, iunco, palma, scirpo ut funes, restes, tegetes. Le jonc, aux dires de Pline, était le plus largement répandu pour cette production ; il est vrai que l’on pouvait se le procurer aisément dans les zone marécageuses de nombreuses contrées (N. H., 16, 178 ; 21, 112). Cependant le matériau variait en fonction du climat local ; ainsi, le même auteur nous apprend qu’en Orient, il était courant d’utiliser les feuilles du grand palmier qui y poussait spontanément, contrairement à l’Italie où il fallait l’importer (N. H., 13, 30). Théophraste mentionne aussi l’utilisation des feuilles du palmier nain abondant en Crète et en Sicile (H. P., 2, 6, 11). En Égypte, c’était le papyrus que l’on employait dans ce but, Théophraste précisant que c’était de l’écorce de la plante que l’on tirait la matière première destinée à la fabrication des nattes (H. P., 4, 8, 4).
26Quelle que fût la matière première végétale, on pouvait avoir recours ou non à des cadres de bois pour tendre les fibres. C’est peut-être dans le dessein de réaliser des métiers que des branches de bois variés figuraient, associées aux deux espèces de graminées indéterminées, dans les pièces de stockage d’un atelier de fabrication de nattes de Pompéi20.
2. Ouvrages complexes
2. 1. Mobilier domestique
27Parmi les produits de vannerie figuraient les sièges d’osier. Cette production ne concernait pas la majorité de la population mais plutôt les classes aisées. Étant donné la quantité d’heures de travail que requiert leur fabrication, ces sièges constituaient vraisemblablement un produit de luxe, du moins sous le Haut-Empire. Contrairement aux nattes, auxquelles de nombreux textes font allusion et dont aucune représentation figurée n’a pu être recensée, ces meubles apparaissent fréquemment dans l’iconographie tandis que les sources textuelles sont relativement silencieuses. Pline l’Ancien y fait allusion dans un paragraphe où, précisément, il parle du saule et de ses utilisations en vannerie : il décrit une espèce aux rameaux blancs que l’on écorce et qui sont réputés excellents pour la fabrication d’agréables fauteuils (N. H., 16, 174) : atque etiam supinarum in delicias cathedrarum aptissimae. Les mots de supina cathedra correspondent peut-être au vocabulaire par lequel on désignait ce fauteuil à haut dossier droit. Plus tardivement, dans une lettre datée de 465, Sidoine Apollinaire fait allusion à ce genre de fauteuil sous la forme d’une métonymie. Celle-ci est intéressante car elle associe au siège l’origine de l’osier, Amérie, sans mentionner le matériau lui-même (Ep., 2, 2, trad. A. Loyen) : tu endromidatus externis, intrinsecus fasceatus insuper et concaua municipis Amerini sede compressus discipulis non aestu minus quam timore pallentibus exponere oscitabundus ordiris « Samia mihi mater fuit », « toi, enveloppé dans un manteau, garroté dans tes vêtements de dessous et par surcroît enfoncé dans le siège profond du citoyen d’Ameria, tu te mets en devoir d’expliquer en bâillant à tes élèves pâlis par la chaleur non moins que par la crainte : “Ma mère était de Samos.” » Il a été mis en évidence plus haut que, d’après Pline et Columelle, une variété d’osier portait l’appellation de saule d’Amérie, que Caton cite des corbeilles d’Amérie et même qu’un artisan vannier exerçait sa profession dans cette cité d’Ombrie21. Il faut donc croire que celle-ci, déjà spécialisée sous le Haut-Empire dans la production de vanneries, fut réputée jusqu’à une époque avancée de l’Antiquité.
28De fait, le fauteuil tressé en osier est représenté sur les reliefs jusque dans l’Antiquité tardive. Dérivé du trône étrusque, il apparaît tantôt comme siège rustique utilisé par une divinité populaire, tantôt comme siège domestique utilisé dans les demeures des familles aisées, comme en témoignent sculptures de terre cuite, bas-reliefs et sarcophages. Le siège figure toujours sur des représentations réalistes. On le rencontre souvent sur un type d’objet particulier produit en Gaule aux Ier et IIe siècles apr. J. -C. : les statuettes en terre cuite de déesses-mères. Sur certaines, le détail du tressage est très bien restitué par le sculpteur22. Il est de type clayonné autour de montants de bois. Le fauteuil, à haut dossier carré ou arrondi, est apode, ce qui caractérise la plupart de ces meubles, de même qu’ils ont tous un socle assez haut servant de repose-pieds à la déesse.
29Ce modèle de siège se répandit, avec des variantes morphologiques, à travers l’Italie et dans diverses provinces puisqu’on le voit sur des sarcophages tardifs d’Espagne ou encore sur des bas-reliefs provenant du nord ou du sud de la Gaule23 (fig. 41-42). Si le fauteuil paraît avoir été réservé aux femmes sous le Haut-Empire, à l’époque tardive on voit aussi des personnages masculins, notamment les pédagogues, assis dessus : la lettre de Sidoine Apollinaire citée ci-dessus est d’ailleurs adressée à un enseignant grammairien, Domitius. Sur les sarcophages paléochrétiens, le fauteuil d’osier est toujours associé à des scènes religieuses et sert, en particulier, de siège à Marie. Ce type d’ouvrage se fabrique encore actuellement sous diverses formes.
30Bien qu’il en subsiste très peu de témoignages, il est probable que des berceaux de vannerie ou, à défaut, des corbeilles où déposer les nourrissons figuraient parmi le mobilier domestique. La Bible en a transmis un exemple avec l’histoire de Moïse, déposé sur l’eau dans une corbeille de roseau bitumé (Exode, 2, 2-3)24. Dans la littérature latine, le poète Stace pourrait évoquer un berceau tressé en écorce d’arbousier (Theb., 1, 583-585, trad. R. Lesueur) : clausa arbutei sub cortice libri membra tepent, suadetque leues caua fistula somnos, « tes membres, à l’abri au creux de l’écorce d’arbousier, en gardent la tiédeur et la flûte de Pan t’invite à de doux sommeils ». Grâce à un relief gallo-romain présentant une maternité — la stèle de Seuerina du Musée de Cologne —, on peut se représenter la forme qu’avaient généralement ces ouvrages de vannerie, en dépit de l’absence de figuration du tressage par le sculpteur. Leur usage perdure de nos jours encore (Sentance 2001, p. 124-125). Guy Barbier a réalisé la reconstitution du berceau représenté sur la stèle (fig. 233). Sa forme caractéristique se retrouve sur les reliefs chrétiens tardifs figurant la Nativité, tel celui qui orne un sarcophage provenant de l’église Saint-Honorat des Alyscamps (Musée d’Arles), où le nouveau-né est couché dans un berceau d’osier rigide dont le tressage est rendu sur la pierre.
2. 2. Chapeaux et chaussures
31Certaines réalisations de vannerie ou de sparterie concernaient les usages vestimentaires propres au milieu rural, au monde ouvrier, mais aussi à la population la plus défavorisée des villes. Les textes rappellent en effet que, comme cela se fait encore de nos jours dans les tenues traditionnelles rurales, les Romains fabriquaient chapeaux de soleil et sandales de sparterie.
32Pour les couvre-chefs, Pline mentionne l’usage des feuilles du palmier nain (N. H., 13, 30) : « Actuellement on les fend pour en fabriquer des cordes, des nattes et des chapeaux de soleil légers (capitum leuia umbracula). » Selon le matériau dont on disposait localement, d’autres végétaux étaient employés à cet usage, par exemple le jonc cité par Festus (P. 366 M) : Tegillum cuculliunculum ex scirpo factum. Au passage, le lexicographe mentionne un nom désignant ce produit de vannerie, tegillum, attesté également chez Plaute (Rud., 576) : Tegillum mihi aret ; id si uis dabo25. Un autre vocable était en usage en latin, celui de petasus, couvre-chef pouvant être fait de peau mais aussi confectionné en paille ou toute autre matière végétale. Sa forme était variable, comportant parfois de très larges bords pour ombrager le front. Le petasus était un chapeau de soleil utilisé essentiellement par les voyageurs et par les gens de la campagne, qu’ils fussent bergers, laboureurs ou pêcheurs26. Dans ses usages, il correspondait au chapeau grec au sommet en pointe, la tholia, toujours de paille et parfois même polychrome, comme en témoignent les statuettes de Tanagra : Tholia uero cista est operculum habens tholoides, siue testudinatum [...]. Apud Theocritum tholiam interpretantur petasum et umbellam (TLL Est.)27.
33On reconnaît en général ce type de couvre-chef par sa couleur jaune ou ocre sur les mosaïques africaines figurant des pêcheurs ou des scènes nilotiques28. De même, sur quelques peintures, on distingue ces chapeaux de sparterie à la couleur avec laquelle ils sont figurés, bien que le tressage n’en soit pas identifiable. Ainsi sur un grand décor peint de Pompéi représentant des paysages maritimes — jardin de la Casa della Fontana piccola, VI 8, 23 — une partie du tableau représente un voyageur (fig. 234), une autre donne à voir une scène de pêche (fig. 235). Les trois personnages sont coiffés d’un petit chapeau à larges bords.
34L’archéologie vient en renfort des documents figurés et des textes, car des fouilles ont livré des couvre-chefs : en Espagne, dans des mines romaines de la région de Murcie, au sud du pays, a eu lieu une découverte exceptionnelle de petits chapeaux tressés en palmier nain, confirmant les assertions de Pline. Les deux chapeaux de mineurs, sans bord, sont réalisés à partir d’une tresse de six torons de fibres enroulée en spirale en partant du centre. Remarquablement conservés, ils étaient associés à d’autres objets de sparterie et sont déposés au musée de Carthagène29.
35Les sandales de sparterie, nommées baxeae dans les textes, étaient réservées soit aux femmes, comme le rapporte Isidore de Séville (Orig., 19, 34, 13) : baxeae calceamenta mulierum sunt, soit aux philosophes affectant la pauvreté : qui pallio baculoque et baxeis et hircino barbitio philosophus fingeret (Apulée, 11, 8)30. Des chaussures d’alfa sont également mentionnées par Pline lorsqu’il parle de l’utilisation de cette plante par les populations montagnardes de la région de Carthagène (N. H., 19, 27) : « les paysans de ces montagnes en tirent leurs lits, leur feu, leur éclairage, leurs chaussures ». Une découverte archéologique réalisée dans les mines romaines du Sud de l’Espagne peut être mise en parallèle avec l’affirmation du naturaliste : deux chaussures en alfa fermées sur le talon ont été fabriquées à partir d’une cordelette tressée puis cousue sur elle-même. La sujétion au pied était faite au moyen de fines tresses transversales cousues entre les cordes constituant la semelle (Alfaro Giner 1984, p. 195). Outre l’emploi des feuilles d’alfa en Espagne, on avait recours ailleurs aux feuilles de palmier : Et cum dicto iuuenem quempiam linteis amiculis iniectum pedesque palmeis baxeis inductum adusque deraso capite producit in medium (Apulée, 2, 28). Quelques documents archéologiques égyptiens témoignent également de l’utilisation du papyrus et du roseau. Des semelles de chaussures en sparterie ont été retrouvées à Herculanum. Masculines et féminines, elles ont été réalisées selon la technique du spiralé, consistant en l’enroulement d’une tresse à trois torons sur elle-même. On ignore, faute d’analyses, le matériau utilisé. Connues dès l’époque néolithique, les chaussures de fibres végétales pouvaient être tressées de diverses manières, ce qui générait des formes variées. Peu coûteuses, elles chaussaient surtout les classes sociales inférieures de la population.
2. 3. Ustensiles agricoles et domestiques
36C’est dans le monde agricole que l’on trouvait la plus grande diversité d’objets de vannerie, comme cela a déjà été mis en évidence dans le répertoire des paniers et corbeilles. Une grande partie de cette riche production rurale était dévolue à l’élevage et à l’entretien des animaux, aussi bien des abeilles que des volatiles ou même du gros bétail.
37L’apiculture, considérée comme de bon rendement, constituait une part importante de l’économie rurale. Tous les agronomes s’accordent pour conseiller le même type de ruche (aluarium, aluearium ou aluus) aux agriculteurs, en établissant un classement parmi les matériaux dévolus à la fabrication de cet abri (White 1975, p. 85-86). Columelle explique qu’il faut tirer parti au maximum des ressources naturelles locales, qu’il s’agisse de travailler des fibres ou des baguettes (Rust., 11, 2, 90) : « Si la contrée est fertile en férules et en écorces, on fera des ruches pour les abeilles. » Varron se montre le plus disert sur le sujet en décrivant les formes données aux ruches (R.R., 3, 6, 15, trad. C. Guiraud) : Vbi sint [aluaria], alii faciunt ex uiminibus rotundas, alii e ligno ac corticibus, alii ex arbore caua, alii fictiles, alii etiam ex ferulis quadratas longas pedes circiter ternos latas pedem [...]. Haec omnia uocant a mellis alimonio aluos, quas ideo uidentur medias facere angustissimas, ut figuram imitentur earum, « Où qu’elles [les ruches] soient, certains les font en osier, rondes, d’autres en bois ou en écorce, d’autres avec un arbre creusé, longues d’environ trois pieds, larges d’un [...]. On appelle toutes ces ruches alui (ventres) d’après la nourriture (alimonium) que constitue le miel et, si on les fait très étroites au milieu, c’est apparemment pour imiter la configuration des abeilles. » Selon lui, selon Columelle et selon Palladius (Agr., 1, 37, 6), les meilleures ruches étaient faites d’écorce de liège car impénétrables au chaud et au froid. Faute de liège, les agronomes recommandaient particulièrement la férule. En troisième choix venait le saule, si l’on ne disposait d’aucun des deux premiers matériaux dans le domaine (Columelle, Rust., 9, 6, 1) : siue illa [regio] ferax est suberis, haud dubitanter utilis-simas aluos faciemus ex corticibus, quia nec hieme frigent, nec candent aestate ; siue ferulis exuberatat, iis quoque, [...], aeque commode uasa texuntur. Si neutrum aderit, opere textorio salicibus connectentur. Les ruches en vannerie étaient particulièrement appréciées, aux dires de Columelle, en raison de leur légèreté qui les rendait aisément transportables, d’une part lorsqu’on achetait les abeilles dans leur abri, d’autre part en cas d’épidémie chez les insectes ou de manque de nourriture dans le lieu où elles étaient placées (Rust., 9, 8). Les pires ruches étaient, de l’avis unanime, les ruches d’argile. Pline reprend à son compte cette hiérarchie (N.H., 21, 80) : « la meilleure ruche est d’écorce, puis de férule, en troisième lieu d’osier ». Varron fait allusion au fait que les ruches tressées en baguettes d’osier étaient enduites à l’intérieur comme à l’extérieur de bouse de vache, « afin que les aspérités ne détournent pas les abeilles ». On les disposait sur des consoles murales pour les garder à l’abri des chocs (R.R., 3, 16, 16) (fig. 236).
38Les ruches en osier de forme circulaire et à sommet arrondi que l’on posait sur des planches de bois étaient certainement similaires aux ruches de forme conique qui sont restées les plus répandues dans les campagnes jusqu’au début du XXe siècle. Elles comportaient plusieurs ouvertures étroites (Varron, R.R., 3, 16, 16) : « au milieu de la ruche, pour permettre aux abeilles d’y entrer, on fait de petits trous à droite et à gauche »31.
39Un de ces abris rarement représentés a pu être identifié sur une mosaïque de Jordanie où l’on voit un amour occupé à voler du miel, la tête et les épaules plongées dans une ruche autour de laquelle volent des abeilles : le tressage est figuré par une alternance de bandes de tesselles de couleur marron et jaune, tandis que le sommet arrondi est surmonté d’une sorte de cheminée32 (fig. 237). Il existait vraisemblablement aussi des ruches de forme carrée réalisées en vannerie (fig. 238) ; celles-ci préfigurent les ruches de bois modernes.
40Le terme cauea, désignant la cage ou la volière, s’appliquait aussi bien à des cages métalliques qu’aux légères cages d’osier ou de roseau. Celles-ci étaient fabriquées en général à partir de végétaux recueillis dans le domaine : le coût était moindre et cela permettait de vivre en autarcie. À partir de nattes de chanvre, rapporte Columelle, on constituait des abris pour les tourterelles (Rust., 8, 9, 3).
41Pour les oiseaux familiers tel le rossignol, on utilisait de petites cages d’osier, comme le mentionne Némésien (Ecl., 2, 61-62) : Aedona [...] contexto uimine clausa. Pour enfermer de plus gros oiseaux, les paons, on tressait des cages en roseaux : arun-dinea septa in modum cauearum, quales columbarii tectis superponuntur, « enceintes faites en roseaux en forme de cages, comme celles qui sont sur le toit des colombiers » (Columelle, Rust., 8, 11, 3). Enfin, il existait des cages de taille plus imposante, fabriquées en vue d’un élevage de volatiles conséquent (Varron, R.R., 3, 9, 6, trad. C. Guiraud) : Si ducentos alere uelis, locus saeptus adtribuendus, in quo duae caueae coniunctae magnae constituendae, quae spec-tent ad exorientem uersus, utraeque in longitudinem circiter decem pedum, latitudine dimidio minores, [quam in] altitudine paulo humiliores : in utraque fenestra lata tripedalis, et eae pede altiores e uiminibus factae raris, ita ut lumen praebeant multum, neque per eas quicquam ire intro possit, quae nocere solent gallinis, « Si on veut en élever deux cents [poules et coqs], il faut leur attribuer un enclos dans lequel on établira deux grandes cages reliées entre elles, orientées vers l’est, chacune ayant environ dix pieds de long, moitié moins en largeur et [qu’] en hauteur un peu plus basses : dans chacune une fenêtre large de trois pieds et ces fenêtres plus hautes d’un pied, faites d’osiers assez espacés [tressées à claire-voie] pour laisser entrer beaucoup de jour et sans que puisse entrer à travers elles tout ce qui nuit d’habitude aux poules. »
42Les documents iconographiques présentent rarement ces abris. L’oiseau domestique évoqué par Némésien était sans doute enfermé dans une cage d’osier circulaire semblable à celle qui figure sur une mosaïque de Tunisie, représentée à l’aide de tesselles ocres (fig. 239)33. La mosaïque du Seigneur Iulius de Carthage (Fantar 1994, p. 108-109) présente à la fois un exemplaire de cage devant laquelle picorent des poussins (fig. 240) et le seul exemple de niche à laquelle est attaché un chien (fig. 241). De cette dernière, aucune mention ne figure dans les textes. Le tressage à claire-voie, en croisé, du premier abri est rendu par l’emploi de lignes de tesselles jaunes entrecroisées de manière lâche, contrastant avec des tesselles plus sombres. La cage, assez large, est pourvue d’une ouverture arrondie. La niche est représentée à l’aide de tesselles jaunes et d’une série de lignes courbes marron figurant sans doute un revêtement de paille. Plus haute que large, son ouverture est étroite. À l’instar de la ruche représentée sur la mosaïque de Jordanie, ces deux abris ont un sommet arrondi surmonté d’une sorte de cheminée.
43Outre les abris, on avait recours à la vannerie pour des articles concernant l’entretien du gros bétail. Ainsi pour les bousandales ou les hipposandales, qui étaient aussi fabriquées en métal (Brouquier-Reddé 1991, p. 44). Les premières, sandales destinées à protéger les sabots des bœufs (bubus soleae), étaient confectionnées à partir d’une large variété de plantes fibreuses : « On récolte du chanvre, du lin, du jonc, du genêt (ou de l’alabardine) qu’on tresse pour faire des sandales aux bœufs (unde nectas bubus soleas) », nous apprend Varron (R.R., 1, 23, 6). Columelle livre quelques informations supplémentaires sur cet objet de sparterie, qu’il nomme solea spartea ou spartea calceata, et précise qu’on en faisait usage pour soigner les animaux qui boitaient car elles permettaient de maintenir en place un pansement sur la plaie (Rust., 6, 12, 2) : « Si [le sang] est déjà descendu dans la corne du pied, il faut faire une légère incision au couteau entre les deux cornes ; ensuite, on applique des bandages imbibés de sel et de vinaigre, et l’on enveloppe le pied avec une sandale de sparterie (ac solea spartea pes induitur). » De même, après avoir cautérisé une entaille, il convenait de chausser l’animal blessé avec de telles sandales (6, 15, 1 : deinde spartea calceata per triduum suffoso aceto curatur). Ce type de chaussure était employé pour d’autres animaux, notamment le cheval ou le mulet34. En l’absence de représentation figurée, l’archéologie permet de visualiser les hipposandales : plusieurs exemplaires de semelles en sparterie vraisemblablement destinées à des chevaux ont été découverts à Herculanum. Ces semelles étaient fixées sous les sabots de l’animal grâce à des cordelettes35.
44Figuraient parmi les ustensiles agricoles divers types de récipients paillés ou clissés, notamment les amphores. Le clissage à la fois rendait ces récipients durables, le revêtement végétal leur permettant de supporter davantage les heurts, à la fois permettait de conserver la fraîcheur du contenu. Caton, pour qualifier tout récipient clissé, lui appose l’adjectif sparteus, c’est-à-dire soit, au sens littéral, un clissage d’alfa, soit, dans un sens plus large, un clissage de sparterie en fibres autres. Les amphores et les bonbonnes clissées font partie de la liste de l’équipement d’un vignoble de cent jugères donnée par l’agronome (Agr., 11, 2) : urnas sparteas VI et amphoras sparteas IIII.
45Il existe quelques représentations de cette sorte de récipients, dont le clissage est généralement réalisé selon la technique du spiralé en raison de l’épaisseur des faisceaux de fibres ou de paille. Deux blocs conservés au Rheinisches Landesmuseum de Trêves, provenant de la décoration d’un monument funéraire, présentent deux amphores paillées selon cette technique : des spires de fibres ont été enroulées autour de la panse des récipients puis cousues entre elles (Espérandieu, 6, 5216). Un relief de Neumagen déjà mentionné plus haut montre des personnages en train de déplacer de grosses amphores paillées (Espérandieu, 6, 5148). Un chargement d’amphores à vin sud-gauloises paillées sur un bateau figure sur le relief funéraire d’un négociant de Neumagen du début du IIIe siècle (Blanc 1992, p. 44, fig. 41)36.
46Dans ces exemples, seule la panse de l’amphore est revêtue de fibres en mode spiralé, le col et les anses étant laissés à découvert (fig. 84). En revanche, sur un bas-relief figurant une scène de halage conservé au musée Calvet d’Avignon (Espérandieu, 9, 6699 ; Vannerie 2004, p. 45, n° 41), deux amphores et une cruche sont recouvertes intégralement — anses et col compris — d’un fourreau rigide d’osier tressé selon le mode clayonné. Il est techniquement possible de clisser la panse d’un récipient selon ce mode de tressage (fig. 242). En revanche, ce clissage s’avère très complexe et quasiment impossible à réaliser au niveau des anses et du goulot du récipient. Pour les dames-jeannes contemporaines d’ailleurs, il est d’usage de ne protéger que la panse des récipients (Sentance 2001, p. 136-137). Il pourrait donc s’agir soit d’une représentation dénuée de réalisme, fruit de l’imagination du sculpteur, soit, peut-être, de récipients fabriqués uniquement en matière végétale puis enduits de poix, à l’instar d’un modèle de carafe à vin d’une capacité de seize litres, d’époque contemporaine, produit en Galice. Ce récipient est composé d’un tressage clayonné d’osier autour de montants en lames de chêne et son intérieur est poissé (Kuoni 1981, p. 135).
47Les objets fragiles que l’on pouvait clisser étaient de toutes formes et de diverses matières. Un texte fait allusion à des récipients de taille plus réduite que les amphores, en verre ou en terre cuite, enrobés de vannerie : les lagoenae. Ces flacons ou bonbonnes pourvus d’une ou de deux anses servaient à conserver au frais (uimine clausa leui niueae custodia coctae... dona quod aestatis misi, Martial, 2, 85) et servir des liquides, ou encore étaient utilisés comme gourdes (Hilgers 1969, s.u. lagoena, p. 203-205). Pline est le seul auteur à mentionner des flacons revêtus de filaments prélevés sur les racines d’arbres croissant en forêt (N.H., 16, 128) : « [les racines] sont hérissées d’un fin chevelu [...] sur le sapin et sur beaucoup d’arbres forestiers, dont les montagnards ramassent les filaments très fins pour en tresser de curieux flacons et autres récipients (spectabiles lagoenas et alia uasa nectunt). » Sur des xenia peints de Carthage, parmi d’autres instruments, on peut voir un flacon enveloppé dans un fourreau cylindrique dont le peintre a restitué le tressage clayonné (Balmelle 1990, p. 8, fig. 1). De même, sur une mosaïque du musée du Bardo — pavement d’un triclinium d’El Jem, en Tunisie —, près d’un gobelet de verre, une carafe est glissée dans un fourreau de vannerie présentant plusieurs modes de tressage (Blanc 1990b, p. 202 et pl. 2, fig. 3 ; Tchernia 1999, p. 41, fig. 37). Dans ces deux exemples, il s’agit non plus d’un paillage ordinaire mais d’un effet décoratif recherché pour orner un récipient d’un service à boire destiné à figurer sur une table de banquet.
48Aux attestations littéraires et iconographiques des lagoenae, il convient d’ajouter un document archéologique exceptionnel, bien qu’il ne soit pas revêtu mais constitué entièrement de fibres végétales : une grande gourde ronde tressée en alfa (diam. : 40 cm) mise au jour en Espagne, dans une mine de la région de Carthagène. L’objet a été tressé selon le mode spiralé cousu et des éléments de bois renforcent le travail de sparterie proprement dit : la gourde est constituée de deux pièces circulaires spiralées en alfa, unies par une lamelle de bois flexible de forme rectangulaire repliée en cercle, aux extrémités de laquelle sont ménagées deux ouvertures en demi-cercle afin de coudre le goulot. Pour assurer l’étanchéité de la gourde, celle-ci fut recouverte, à l’intérieur comme à l’extérieur, d’une épaisse couche de poix (Alfaro Giner 1984, p. 175). L’exemplaire antique peut être rapproché d’un type contemporain de gourde fabriqué en Castille. De forme identique à l’objet plus ancien, le récipient est composé de paille de graminée tressée en spirale et cousue. Il est également poissé à l’intérieur (Kuoni 1981, p. 76-77).
2. 4. Navigation et pêche
49Dans certaines régions de l’Empire, on utilisait de petites embarcations légères d’osier recouvert de peaux. Ce type d’embarcation semble avoir été employé pour naviguer isolément sur les eaux marécageuses et fluviales, voire en mer, ou bien pour voguer attaché à un plus gros navire. Isidore de Séville nomme cette barque carabus : carabus parua scapha ex uimine facta, quae contecta crudo corio genus nauigii praebet, tout en rappelant qu’on en trouvait beaucoup sur le Pô et dans les marais vénètes, en Italie : lembus nauicula breuis, qui alia appelatione dicitur et cumba et caupulus, sicut et lintris, id est carabus, quem in Pado paludibusque utuntur (Orig., 19, 1, 25-26). Le lexicographe tient pour synonymes les termes de lembus, cumba et caupulus, qui correspondaient peut-être à autant d’appellations locales. Il est également fait mention d’un canot en vannerie dans le Testament du Lingon : […] Volo autem omne instrumentum meum, quod ad uenandum et aucupandum paraui, mecum cremari […] et nauem Liburnam ex scirpo, ita ut inde nihil substrahatur37 …
50Lucain décrit la fabrication de ces embarcations dans sa narration d’une campagne militaire où l’armée de César se trouve en Espagne (Phars., 4, 130-136, trad. A. Bourgery et M. Ponchont) : Vtque habuit ripas Sicoris camposque reliquit,/primum cana salix madefacto uimine paruam/texitur in puppim caesoque inducta iuuenco/uectoris patiens tumidum supereminat amnem. /Sic Venetus stagnante Pado fusoque Britannus/nauigat Oceano ; sic, cum tenet omnia Nilus,/conseritur bibula Memphitis cymba papyro, « Quand le Sicoris posséda des rives et abandonna les plaines, d’abord on mouilla des baguettes de saule argenté pour les entrelacer en forme de nacelle ; recouvertes de la dépouille des bœufs immolés, elles portent le passager et bondissent sur le fleuve gonflé. Ainsi le Vénète navigue sur les lagunes du Pô, et le Breton sur le vaste Océan ; ainsi, quand le Nil est maître du pays, la barque de Memphis est construite avec l’aquatique papyrus. » César lui-même confirme que les Bretons faisaient usage de tels bateaux et s’en inspire (Ciu., 1, 54, trad. P. Fabre) : « César donne l’ordre à ses troupes de construire des embarcations d’un type que l’expérience de la Bretagne lui avait appris à connaître les années précédentes. La quille et la membrure étaient faites de bois léger ; le reste de la coque des navires, en osier tressé, se garnissait de peaux. » Le nom de « coracle » est donné à ces petites barques primitives encore utilisées de nos jours sur les étangs et rivières du Pays de Galles (fig. 243).
51Pline l’Ancien témoigne également de l’utilisation de telles chaloupes légères dans d’autres contrées et les décrit comme navigant sur les mers (N. H., 7, 206, trad. R. Schilling) : etiam nunc in Britannico oceano uitiles corio circumsutae fiunt, in Nilo ex papyro ac scirpo et harundine, « encore aujourd’hui, on rencontre, dans l’océan Britannique des radeaux en osier doublés de cuir et sur le Nil, des radeaux en papyrus, en joncs et en roseaux ». Dans un autre de ses livres, le naturaliste revient sur l’Égypte pour relater que ses habitants tressaient leurs barques à partir de la tige même du papyrus et que du liber, ils confectionnaient les voiles et les cordages des embarcations (N. H., 13, 72). Des navires de papyrus pouvaient parcourir sur mer d’assez longues distances, toujours selon Pline qui rapporte le fait que l’on pouvait se rendre du Sud de l’Inde jusqu’à Taprobane (l’actuel Sri Lanka) dans des embarcations de ce type (N. H., 6, 82 : quia papyraceis nauibus armamentisque Nili petebantur). Les paysages nilotiques, en particulier la mosaïque de Palestrina, présentent quelques exemplaires de ce que Pline nomme papyraceae naues38.
52La fabrication de ces barques remontait à des temps plus reculés et leur origine était orientale, selon le naturaliste : « auparavant on naviguait sur des radeaux inventés dans la mer Rouge » (ibid.). De fait, Hérodote témoigne, au Ve siècle av. J. -C., de l’existence de tels bateaux en Babylonie, bateaux qu’il décrit avec précision (Hist., 1, 194, trad. P. -E. Legrand) : « Les bateaux des gens du pays, qui descendent le cours du fleuve pour aller à Babylone, sont de forme circulaire et tout en cuir [...], les varangues sont faites de branches coupées de saule : on applique sur elles extérieurement [...] une enveloppe de peaux ; [...] on donne aux bateaux une forme ronde comme celle d’un bouclier, on le garnit entièrement de paille et on le laisse aller au fil de l’eau chargé de marchandises. [...] On construit des bateaux de ce genre, tantôt très grands, tantôt moins [...]. Lors donc que les bateliers sont arrivés à Babylone et qu’ils ont placé leur cargaison, ils vendent à la criée la carcasse du bateau et toute la paille. » L’embarcation à laquelle fait allusion l’historien se rencontrait encore en Orient au début du XXe siècle sous le nom de quffah (Bobart 1936, p. 16).
53Il est étonnant qu’aucun des auteurs ne fasse mention de l’usage de poix ou de bitume pour imperméabiliser le bateau. Il s’agit en effet d’une pratique courante chez les peuples réalisant encore à notre époque des barques de vannerie39. De même, Guy Barbier, dans sa reconstitution d’un coracle, en a enduit les parois de goudron afin de le rendre étanche (Barbier 1999, p. 59).
54Des abris en vannerie étaient aménagés sur les navires, sortes de tonnelles permettant aux voyageurs d’être protégés du soleil ou de la pluie. On les voit représentés sur des mosaïques notamment40. Ils étaient vraisemblablement constitués de claies de roseau ou de tout autre végétal robuste, parfois recouvertes de toile ou de peau.
55Parmi l’équipement utile pour la pêche figuraient les nasses (nassae) qui s’ajoutaient aux filets pour capturer les poissons. Ces objets particuliers étaient souvent faits de jonc, à en croire Pline (N. H., 21, 114, trad. J. André) : « On emploie le jonc pour les nasses de mer, pour la vannerie élégante […]. » D’après les documents iconographiques et archéologiques, les nasses pouvaient avoir une forme et un mode de tressage variables. Quelle que fût cette forme, plus ou moins allongée, le large orifice d’entrée du piège présentait la caractéristique de se rétrécir en entonnoir à l’intérieur afin qu’une fois prise, la proie ne puisse plus en ressortir (Festus, P 172, 23) : nassa est piscatori uasi genus quo cum intrauit piscis exire non potest. Quant à l’autre extrémité de l’ustensile, elle était terminée en pointe et pouvait être obturée par un bouchon. Le poisson ou l’anguille, attiré à l’intérieur par un appât, n’avait aucun mal à entrer dans la large bouche en forme d’entonnoir ; des brins pointus et flexibles dirigés vers le fond constituant un goulet le laissaient entrer mais lui barraient le passage pour la sortie (Pline, N. H., 32, 11, trad. E. de Saint-Denis) : « Le scare, pris dans une nasse, ne cherche pas à s’échapper en poussant devant lui, ni à introduire la tête entre les brins d’osier. » Les nasses étaient remplies d’appâts puis, lestées de pierres, elles étaient déposées au fond de l’eau et signalées à la surface par un liège attaché à une corde, laquelle servait à remonter les pièges une fois pris les poissons : « des lièges témoins des nasses immergées dans la mer » (Anthologie grecque, 6, 28, trad. P. Waltz).
56Les épigrammes votives et funéraires de l’Anthologie grecque témoignent de l’importance de cet instrument dans la vie du pêcheur qui le consacrait au dieu avec tout son matériel : « À Hermès, Baiton a consacré les instruments de son métier de pêcheur, redoutant l’affaiblissement de la vieillesse : une ancre, un silex arrondi, des nasses avec du liège, un hameçon, une rame, des filets et des roseaux » (épigramme votive de Julien, préfet d’Égypte, Anthologie grecque, 6, 29, trad. P. Waltz).
57Deux exemplaires réalisés en vannerie clayonnée tressée en plein ont été mis au jour en France. Le premier est une nasse à anguilles tressée en saule brut mise au jour à Melz-sur-Seine (Seine-et-Marne) et datée du deuxième âge du Fer (Tomasson 1992 ; Barbier 1999, p. 50 ; Tomasson 2000). Le second est une nasse gallo-romaine découverte à Chalonsur-Saône ; elle était également faite d’osier brut (Barbier 1999, p. 52 ; Monthel 2000 ; Vannerie 2004, p. 39).
58Plusieurs mosaïques africaines présentent des scènes de pêche où ces instruments sont figurés. Une mosaïque de Sousse, par exemple, montre un pêcheur en train de relever trois nasses accrochées à une corde41. Celles-ci sont de forme globulaire, à ouverture large et resserrées à l’autre extrémité. Les couleurs de la mosaïque semblent indiquer une fabrication à claire-voie, contrairement aux exemplaires archéologiques précités. Il en est de même pour les trois nasses figurées sur la mosaïque de la maison de Dionysos et Ulysse de Dougga qui présentent, entre les cordons, une alternance de croisé et de montants verticaux42 (Blanc 1990b, p. 202-203 et pl. 2, fig. 4 ; Fantar 1994, p. 74-75). Aux mosaïques viennent s’ajouter des vases d’argent ayant pour thème iconographique des scènes de pêche : par exemple, un vase découvert en Dacie présente une nasse globulaire à claire-voie largement ouverte, encadrée d’oiseaux et de poissons (Kunzl 1981). Ce type de tressage à jour est attesté sur des objets du Mésolithique (Vannerie 2004, p. 30-31), mais aussi du Moyen Âge jusqu’à l’époque actuelle43.
59Les représentations figurées témoignent également de l’existence de nasses à escargots. On sait que les Romains étaient grands amateurs de ces bêtes par Varron notamment, qui développe un chapitre sur leur élevage dans les cochlearia (R.R., 3, 14). Les pièges sont figurés sous la forme d’un panier profond plutôt étroit, se terminant en pointe à son extrémité inférieure. Tressées à claire-voie assez serrée, ces vanneries, dans lesquelles on déposait vraisemblablement un appât pour attirer les escargots, sont pourvues d’une paire d’anses en cordelette. Un tel ustensile figure sur une peinture de la villa de Poppée à Oplontis, où un coq est en train de becquetter les gastéropodes sortis du panier renversé44 : il est large à l’ouverture et très étroit à la base, réalisé à claire-voie en clayonné lié ou cordé (fig. 244). Cette représentation peut être rapprochée d’une mosaïque de Rome plus tardive (basilique de Santa Maria in Trastevere) où une nasse de laquelle sortent des escargots est représentée avec des canards parmi des joncs (fig. 245). Le tressage à jour de la vannerie — proche, par sa forme et sa technique de fabrication, des nasses à poissons figurées sur les mosaïques — est rendu par un alignement de brins parallèles maintenus en place par des brins, selon le type clayonné lié ou cordé.
2. 5. Instruments militaires
60Les troupes militaires utilisaient volontiers l’osier en raison de la légèreté et de la maniabilité qu’il pouvait donner à certains instruments. Cela a déjà été mis en évidence pour les coracles improvisés, en cas de besoin, à l’imitation de ceux de divers peuples, et surtout pour réaliser des armes défensives, notamment des claies. Ces dernières, si elles étaient assemblées et montées sur des roues, pouvaient constituer les parois de chariots légers utilisés comme engins de siège. Ces véhicules constituaient pour les soldats des barraques d’approche mises en œuvre lors de l’attaque d’une place, de même qu’ils leur permettaient de se protéger lors de l’établissement d’un siège. L’usage était de recouvrir les clayonnages de cuir ou de laine, afin d’éviter que les branchages ne fussent endommagés par les projectiles et de prévenir les risques d’incendie. Les mantelets que l’on poussait en se tenant à l’abri dessous étaient de deux sortes : les uineae — allusion à leur forme rappelant celle des treilles où grimpait la vigne45 — et les plutei : plutei dicuntur crates corio crudo intentae quae solebant apponi militibus opus facientibus et appellabantur militares (Festus, P. 231 M). César mentionne ces barraques d’approche utilisées pendant la guerre civile et la guerre des Gaules (Ciu., 2, 15, trad. P. Fabre) : sub tecto miles dextra ac sinistra muro tectus, aduersus plutei obiecti, operi quaecumque sunt usui, sine periculo subportat, « sous ce toit, les soldats, protégés à droite et à gauche par le mur, et de front par le rempart d’un mantelet, apportent sans risque les matériaux nécessaires à la construction de l’ouvrage »46.
61Végèce fournit une minutieuse description de chacun de ces appareils d’approche. La uinea : « cette machine se compose d’une charpente légère et on lui donne sept pieds de haut et huit de large sur seize de long avec un double toit de planches et de claies. On garnit aussi les côtés avec une clôture d’osier impénétrable aux coups de pierre et aux traits, et par crainte du feu, on couvre le tout en dehors de cuir frais ou de couvertures de laine ; on joint de front plusieurs de ces machines, sous lesquelles les assiégeants pénètrent en sûreté au pied des murailles pour les saper ». Les plutei : « les mantelets sont faits d’une charpente cintrée et couverte d’un tissu d’osier qu’on garnit de peaux fraîches ou de pièces de laine. On les conduit où l’on veut, comme des chariots par le moyen de trois petites roues placées l’une au milieu sur le devant et les autres sur le derrière, aux deux extrémités. Les assiégeants approchent ces mantelets des murailles ; et de dessous ce couvert, ils délogent les assiégés des remparts à coups de flèches, avec la fronde ou les traits, pour faciliter l’escalade » (Mil., 4, 15, éd. Nisard).
62Le même auteur fait allusion à un autre ouvrage de vannerie utilisé par les soldats, la metella. Il s’agissait d’une caisse constituée de claies assemblées — ou peut-être d’une seule grande claie — que l’on remplissait de pierres et que l’on déversait du haut du rempart sur l’assiégeant : Inuentum quoque remedium est, ut de ligno crates facerent, quas metellas uocauerunt, lapidibusque complerent ; ea arte inter bina propugnacula constituta, ut, si per scalas ascendisset hostis, et partem aliquam ipsius contigisset, supra caput suum uergerent saxa (Mil., 4, 6). La forme de cet objet nous échappe étant donné que Végèce est le seul auteur à y faire allusion et qu’il n’apparaît pas dans l’iconographie.
63L’existence de boucliers dont la carcasse était faite de vannerie puis recouverte de cuir est attestée par les textes. L’usage de l’osier et d’autres rameaux d’arbres ou d’arbrisseaux contribuait à rendre ces armes défensives plus légères et plus maniables, tandis que, selon certains auteurs, elles ne subissaient pas de gros dommages car les branches entrelacées de certains arbres avaient la propriété de se refermer après avoir subi un coup de lance (Pline, N. H., 16, 209, trad. J. André) : « Les bois des arbres aquatiques sont les plus froids, mais les plus flexibles et, pour cette raison, les plus propres à la fabrication des boucliers : la déchirure se referme aussitôt, referme sa blessure et s’oppose donc davantage au passage du fer. On range dans cette catégorie le figuier, le gattilier, le saule, le tilleul, le bouleau, le sureau et les deux espèces de peuplier. » L’assertion de Pline est complétée par celle de Théophraste concernant la vigne (H. P., 5, 3, 4, trad. S. Amigues) : « [Les bois] du saule et de la vigne sont élastiques ; aussi s’en sert-on pour confectionner les boucliers : les entailles qu’ils reçoivent se referment. »
64Les boucliers d’osier étaient déjà connus à l’époque grecque. Thucydide, Xénophon (An., 5, 2, 22) et Théocrite mentionnent l’utilisation de boucliers ainsi réalisés par les ennemis des Grecs : « déjà les Syracusains soulèvent par le milieu leurs lances, les bras chargés de boucliers d’osier », écrit le poète (Idylles, 16, 79, trad. P. -E. Legrand). Thucydide souligne, pour sa part, la mauvaise qualité de ces armes durant la guerre du Péloponnèse (4, 9, 1, trad. J. de Romilly) : « leurs équipages furent armés de boucliers médiocres et pour la plupart, en osier ». Il n’empêche que ce type d’arme défensive continua d’être utilisé aux époques postérieures, notamment par les adversaires des Romains. César mentionne son utilisation par les Gaulois (G., 2, 33, trad. L. -A. Constans) : partim scutis et cortice factis aut uiminibus intextis, quae subito, ut temporis exiguitas postulabat, pellibus induxerant, « se servant d’une part des armes qu’ils avaient fabriquées avec de l’écorce ou en tressant de l’osier et qu’ils avaient sur le champ, vu l’urgence, revêtues de peaux » ; Tacite par les Germains (Ann., 2, 14, trad. P. Wuilleumier) : non loricam germano, non galeam, ne scuta quidem ferro neruoue firmata, sed uiminum textus uel tenuis et fucatas colore tabulas, « les Germains n’avaient ni cuirasses, ni casques, ni boucliers non plus, solidement contruits en fer et en cuir, mais de simples tissus d’osier ou des planches minces bariolées de peinture » ; Strabon par les Rhoxolans des steppes, qualifiés de gerro-phoroi (Géogr., 7, 3, 17). Virgile y fait également allusion dans l’Énéide (7, 632-633) : flectuntque salignas / umbonum crates, « on ploie des claies de saule destinées aux boucliers. »
65Ce type de bouclier, qui n’était apparemment pas jugé d’une grande qualité par les Romains, fut fabriqué pour leurs troupes mêmes, dans un contexte bien particulier toutefois. Végèce en témoigne au IVe siècle apr. J.-C. (Mil., 1, 11) : scuta de uimine in modum cratium conrotundata texe-bant, ita ut duplum pondus cratis haberet, quam scutum publicum habere consueuit. Il s’agissait là de boucliers ovales réalisés spécialement pour l’entraînement des nouvelles recrues. C’est pourquoi on leur donnait le double de leur poids habituel.
66D’après le vocabulaire technique employé par les différents auteurs, ces boucliers semblent avoir été plutôt de forme allongée, ovale ou rectangulaire. Ils sont en effet dénommés scuta — terme qualifiant des armes rectangulaires bombées, contrairement au clipeus de forme ronde. Dans l’extrait de Végèce cité, un adjectif spécifie plus précisément leur forme, en l’espèce arrondie (scuta conrotundata). Ces boucliers ovales étaient plats (fig. 246). Quant au nom d’umbo employé par Virgile, il correspond à une appellation générique. La carcasse d’osier était recouverte, chez les Grecs comme chez les Romains, de bandes de cuir mais parfois aussi de plaques d’airain, ce qui alourdissait l’arme tout en la rendant davantage à l’épreuve des coups47.
2. 6. Argées et autres mannequins de vannerie
67La production de vannerie n’était pas seulement dévolue aux usages quotidiens, même si ceux-ci prédominaient. On trouve en effet mention dans les textes de pièces originales, spécialement confectionnées en vue de pratiquer des rites religieux.
68À Rome, il s’agissait de mannequins tressés de jonc ou d’osier, les Argées (Argei). Ceux-ci représentaient des hommes lors de la fête du même nom, où les sacrifices humains des origines avaient été remplacés par des rites de substitution48 : Argei fiunte scirpeis simulacres hominum XXIIII ; ea quotannis de ponte Sublicio a sacerdotibus publice deici solent in Tiberim (Varron, L. L., 7, 44). Chaque année, le 14 ou le 15 mai, vingt-quatre (ou vingt-sept, ou trente) de ces mannequins étaient jetés du pont Sublicius dans le Tibre par les vestales. L’historien Denys d’Halicarnasse décrit de manière détaillée la cérémonie des Argées (Antiquités romaines, 1, 38, 3, trad. V. Fromentin) : « Jusqu’à mon époque encore, les Romains accomplissaient ce rite chaque année, un peu après l’équinoxe du printemps […] ; ce jour-là […] les pontifes, les plus prestigieux des prêtres, accompagnés des vierges gardiennes du feu immortel, des préteurs et autres citoyens qui ont le droit d’assister aux cérémonies, jettent du pont Sacré dans le cours du Tibre trente mannequins façonnés à la ressemblance humaine, qu’ils appellent Argées. » Ovide est plus laconique (Fast., 5, 621-622, trad. R. Schilling) : Tum quoque priscorum uirgo simulacra uirorum/mittere roboreo scirpea ponte solet, « C’est le même jour que les vestales précipitent du haut du pont du Chêne les mannequins en jonc des hommes d’autrefois. » L’origine de la pratique romaine d’un simulacre de sacrifice est obscure49. Plutarque, dans ses Questions romaines (32 et 86), rapporte deux traditions. La première serait que les anciens habitants barbares des bords du Tibre avaient pour coutume de jeter les Grecs dans le fleuve jusqu’à ce qu’Hercule les ait persuadés de remplacer les humains par des mannequins. La seconde serait que l’Arcadien Évandre, ennemi des Argiens établi en Italie, avait décidé que des figures représentant les Grecs seraient jetées dans le Tibre chaque année pour perpétuer sa haine contre eux. Selon Ovide, la coutume était, chez les premiers habitants de Rome, de sacrifier à Saturne deux victimes humaines. Hercule, refusant ce sacrifice, fit jeter à l’eau des mannequins tressés en paille (stramineos Quirites : Fast., 5, 631). Comme Plutarque, le poète donne également une autre explication : Hercule, venu en Italie avec ses compagnons argiens, quitta le pays vainqueur, mais ses compagnons s’installèrent sur place. L’un d’eux, à sa mort, voulut regagner sa patrie emporté par les courants et souhaita que son corps fût jeté dans le fleuve. Son dernier vœu fut exaucé symboliquement, sous la forme d’un mannequin de vannerie (Fast., 5, 655-660, trad. R. Schilling) : « Mittite me in Tiberim, Tiberinis uectus ut undis/litus ad Inachium puluis inanis eam. »/Displicet heredi mandati cura sepulcri/mortuus Ausonia conditur hospes humo/scirpea pro domino Tiberi iactatur imago/ut repetat Graias per freta longa domos, « “Jetez-moi au Tibre, pour que, porté par ses eaux, je parvienne, cendre vaine, au rivage de l’Inachus”. L’héritier n’accepte pas la charge d’une telle sépulture : l’étranger est enterré dans le sol d’Ausonie ; à la place du corps on jette dans le Tibre un mannequin de jonc, pour qu’il regagne, à travers l’étendue des mers, la patrie grecque. » On lit également l’interprétation selon laquelle l’intervention d’Hercule mit un terme aux sacrifices humains en les remplaçant par des mannequins chez Denys d’Halicarnasse (Antiquités romaines, 1, 38, 2, trad. V. Fromentin) : « Afin que ces hommes n’aient aucune peur ou scrupule d’avoir abandonné les sacrifices ancestraux, il [Héraclès] apprit aux indigènes, pour apaiser la colère du dieu, à fabriquer à la place des hommes qu’ils jetaient pieds et poings liés dans le courant du Tibre des mannequins à figure humaine, habillés de la même façon qu’eux, et à les précipiter dans le fleuve, afin que la crainte superstitieuse qui habitait alors toutes les âmes fût extirpée, les apparences de l’ancien supplice étant sauvegardées. »
69En revanche, d’après les sources antiques, certains peuples gaulois continuaient de pratiquer les sacrifices humains sans substitution mais à l’aide de mannequins tressés. L’usage de ce type d’ouvrage de vannerie est rapporté par César, qui met ainsi en avant la barbarie de ses ennemis (G., 6, 16, trad. L. -A. Constans) : Alii immani magnitudine simulacra habent, quorum contexta uiminibus membra uiuis hominibus complent ; quibus succensis circumuenti flamma exanimantur homines, « Certaines peuplades ont des mannequins de proportions colossales, faits d’osier tressé, qu’on remplit d’hommes vivants : on y met le feu et les hommes sont la proie des flammes. »
70De même Strabon, dans sa description des Gaulois, fait-il allusion à ce rituel barbare pratiqué avant que les Romains n’aient mis fin à ces coutumes (Géogr., 4, 4, 5, trad. F. Lasserre) : « On cite aussi plusieurs formes de sacrifices humains chez eux : par exemple, […] on confectionnait une effigie géante de paille et de bois et après avoir jeté dedans des bestiaux et des animaux sauvages de tout genre et des hommes, ils en faisaient un holocauste. »
71Plus encore que pour les paniers et corbeilles, l’étude des ouvrages de vannerie variés produits dans l’Antiquité romaine est tributaire des textes. Si les premiers sont très souvent représentés dans le corpus iconographique, voire parmi les vestiges archéologiques, permettant en cela de suggestives confrontations entre les divers types de sources, les autres vanneries en sont relativement absentes. Pourtant, les sources littéraires mettent bien en lumière une vaste gamme d’articles de vannerie dont l’usage, pour certains d’entre eux, s’est maintenu jusqu’à une époque très récente.
Notes de bas de page
1 Isidore, Orig., 19, 10 17 : Quorum [laterum] crates dicuntur, in quibus lutum pro isdem lateribus crudis portare solent. Sunt enim conexiones cannarum, dicti apo tou kratein, id est quod se inuicem teneant ; Festus, p. 83 : Gerrae, crates uimineae ; Varron, L. L., 7, 55 : congerro a gerra : hoc Graecum est in Latina cratis ; TLL Est. : tabula uiminibus contexta ; TLL : crates, feminina semper pluralia. 1/Proprie : de omni genere operis uiminei ad permultos et diuersos usus adhibiti. 2/In usu militari. 3/In poena ; TLLex : cratis, instrumentum ex subtilibus lignis uel uiminibus, aliaue materia, directis tranuersisque modico interuallo contextis, ad uarios usus.
2 DAGR, s. u. Mapalia pour les occurrences textuelles de ce terme indigène repris par les auteurs latins.
3 Des huttes ou cabanes de formes variées, au sommet pointu ou recourbé, sont représentées de manière plus ou moins réaliste sur les mosaïques représentant des paysages nilotiques — mosaïque d’El Alia en Tunisie : Fantar 1994, p. 131, mosaïque de Palestrina —, sur des peintures ayant le même thème — scène nilotique d’Herculanum, MANN, inv. 8561 : Bragantini 2009, p. 392-393, n° 193 —, ainsi que sur des reliefs figurant des scènes pastorales romaines.
4 Une peinture du temple d’Isis de Pompéi montre des Pygmées devant un habitat et des clôtures en vannerie (Musée archéologique national de Naples) ; une autre, provenant d’Herculanum, présente une scène nilotique comprenant une modeste cabane entourée d’une clôture de cannisses (MANN, inv. 8561 ; voir note précédente). La mosaïque africaine d’El Alia présente des enclos de vannerie dans une scène rurale nilotique : Fantar 1994, p. 128.
5 Un bel exemple est visible sur une peinture de troisième style à fond noir de la villa impériale de Pompéi, conservée au musée de Boscoreale (inv. 21630). Celle-ci représente un hortus conclusus entouré d’une clôture de cannisses comprenant cinq pergolas (Stefani 2002, p. 40). Une vue plus rapprochée d’une clôture de texture lâche en roseau figure sur une représentation de jardin mise au jour à Pompéi et conservée au musée de Naples (inv. 8760) : De Caro 1994, p. 172. Voir aussi les peintures du Sacello A d’Herculanum, de la Casa del Frutetto et de la Casa del Bracciale d’Oro de Pompéi analysées par Esposito 2005.
6 Une treille tressée en cannisses de roseau figure sur la mosaïque de Palestrina : Blanc 1992, p. 62, fig. 71. Un tel aménagement, recouvert de vigne grimpante, existait vraisemblablement sur le triclinium d’été de l’atelier du fabricant de nattes I 14, 2 étudié ci-dessus.
7 « En forme de voûte à la façon des huttes » : inter se adclines testudineato tecto more tuguriorum.
8 Columelle, Rust., 12, 9, 1, pour le séchage des tiges de laitue préparées en saumure (Caules lactucae ab imo depurgatos eatenus, qua tenera folia uidebuntur, in alueo sallire oportet diemque unum et noctem sinere, dum muriam remittant, deinde in muria eluere et expressos in cratibus pandere, dum adsiccescant) ; pour celui du raisin, ibid., 12, 16, 2, (in crate disponito rarius quam ut altera alteram contingat, « on les [les grappes] disposera espacées sur une claie, de façon qu’elles ne se touchent pas ») et Caton, Agr., 112, 2 (in tecto in cratibus componito, « étalez-le à l’abri sur des claies ») ; Palladius, Agr., 12, 7, 22, pour la conservation des châtaignes (castaneae seruantur uel in cratibus dispositae, uel intra sabulonem ne inuicem tangantur inmersae, « on conserve les châtaignes soit en les disposant sur des claies, soit en les enfonçant dans du sable sans qu’elles se touchent ») ; 12, 22, 1, pour la préparation des olives confites (alternis cratibus oliuarum puleium spargis et mel et acetum et sales modice stratura intercedente suffundas, « on étend alternativement sur des claies des olives et du pouliot et on verse entre chaque couche du miel, du vinaigre et un peu de sel ») ; 4, 10, 34, pour le séchage des figues (in cratibus ficus expanditur usque ad meridiem et adhuc mollis in qualum refunditur, « on les étale sur des claies jusqu’à midi et, encore molles, on les met dans un panier »).
9 Selon les scholies de Servius, le terme était synonyme de herse : Ad agrorum scilicet exaequationem crates quam rustici irpicem uocant.
10 Mosaïque conservée au musée d’Archéologie nationale, inv. 83116 : voir Lancha 1981.
11 Pour illustrer ce contexte d’utilisation, en l’absence de documents figurés antiques, il suffira de se reporter au calendrier du mois de février des Très riches heures du duc de Berry, de Pol de Limbourg : l’enluminure médiévale présente une clôture et un parc à moutons que l’on peut supposer très proches de ceux réalisés à l’époque romaine.
12 L’emploi de claies comme moyen de protection face à l’ennemi était récurrent ; l’utilisation de ces panneaux tressés plantés dans le sol comme de grands boucliers est mentionnée à plusieurs reprises par César au fil de la Guerre civile (par exemple, 3, 46, 1 ; 3, 46, 5) et de la Guerre des Gaules (par exemple, 5, 40, 6).
13 Sur les techniques de fortification, Cf. Rebuffat 1984, p. 9-11, qui cite la description très précise du uallum par Tite-Live, 33, 5.
14 Sur l’emploi des claies dans le comblement des fossés, voir aussi G., 7, 58, 1 ; 7, 86, 5 et 7, 79, 4.
15 Cf. aussi Ciu., 1, 40, 4 (quo cognito a Petreio et Afranio ex aggere atque cratibus quae flumine ferebantur).
16 TLL Est. : Teges a tegendo dicta : straguli genus ex ulua, siue scirpo aut sparto, in lodicis similitudinem factum, quo uiliores utuntur : hanc uulgus Italorum stoream uocat. Tegeticula : dimin., parua teges. Storea : quam extendimus super terram. Storearum usus in poliorceticis : Caes. 2 Bell. ciuil. 9. ; TLLex. : Matta : storea, teges, quae fit ex cannabe crassiore, iunco, scirpo, sparto aut palma intextis. Alii exponunt culcitam stuppa, uel foeno, uel rudiore lana fartam : repetuntque eius originem a lingua Hebraea.
17 White 1975, p. 82-84, étrangement, classe les nattes parmi les vanneries rigides.
18 Voir ci-dessus la 2e partie.
19 Voir ci-dessus, 1re partie, chapitre 2.
20 Voir ci-dessus, 2e partie, chapitre 2. Une peinture découverte dans un tombeau égyptien représente un fabricant de nattes au travail ; on y reconnaît ce type de cadre fixé sur le sol : Cf. Wendrich 2000, p. 261, fig. 10. 7 (tombe de Khety à Beni Hasan).
21 Voir les chapitres 1 et 3 de la 1re partie.
22 Sur la diversité des représentations gallo-romaines, voir notamment Rouvier-Jeanlin 1972. Les procédés utilisés par les potiers pour rendre le tressage sont variables ; la façon de le suggérer a permis, entre toutes ces figurines, de déterminer le style d’un artisan et de l’identifier : les statuettes du groupe signé par Pistillus sont toutes caractérisées par la division en trois parties du fauteuil au moyen de tresses horizontales et par le fait que les bords ne sont par tressés mais enroulés. Le motif décoratif du tressage est rendu par des colonnes de lignes horizontales qui sont toujours de la même largeur et qui représentent en relief les brins entrelacés avec les montants.
23 Sur le sarcophage de P. Caecilius Valliarius (Musées du Vatican), figure une scène de banquet où l’on peut voir une femme assise sur un fauteuil de type clayonné, divisé en deux parties par deux tresses superposées. Le bord droit est aussi constitué de tresses : ce fauteuil ne comporte pas d’accoudoirs et présente un dossier très arrondi qui rejoint le bord, au niveau de la nuque du personnage. Il s’agit d’un fauteuil horizontal apode mais qui ne comporte pas de repose-pieds. Étude d’un fauteuil identique sur un sarcophage paléochrétien d’Espagne où figure l’Adoration des Mages : Cancela Ramirez de Arellano 1977. Autres fauteuils, occupés l’un par une femme, l’autre par un homme, sur la cuve du sarcophage de la Trinité découvert à Trinquetaille (Musée d’Arles). Les exemples sont nombreux sur les sarcophages. Sur un bas-relief provenant de Neumagen (Belgique ; Espérandieu, 6, 5141), le sculpteur s’est efforcé de donner beaucoup de détails sur l’objet et le procédé décoratif est plus complexe. Il s’agit d’une scène de toilette où quatre servantes entourent leur maîtresse assise sur ce siège. La qualité et le réalisme de la représentation font qu’il est dans ce cas possible de reconstituer les diverses étapes de la fabrication de l’objet ainsi que les techniques de tressage employées. Le fauteuil, pourvu de pieds, aurait été réalisé en deux phases : la partie inférieure fut élevée à partir d’un fond semi-ovoïde auquel furent fixés les quatre pieds. La clôture fut remplie en tressage damassé ; ensuite, le fauteuil fut retourné et des montants destinés à recevoir le dossier furent piqués dans les pieds du siège. Ce fauteuil ne comporte pas d’accoudoir, le dossier arrondi s’arrête au niveau des épaules de la femme, puis descend sur les côtés pour rejoindre le montant qui constitue le pied avant. Voir Barbier 1999, p. 44-45, n° 27, et ci-dessus, 1re partie, chapitre. 2.
24 L’histoire peut être rapprochée d’une inscription mésopotamienne gravée sur une statue de Sargon vers 2300 av. J. -C. (Paris, musée du Louvre) : « Lorsque je suis né, ma mère, qui était une pauvre femme, m’a mis dans un panier d’osier. Elle ferma le couvercle avec du bitume. Elle m’abandonna à la rivière qui ne m’a pas englouti. »
25 TLLex : Tegillum paruum tegmen, et speciatim cucullus, uel petasus e scirpis factus, uestis uilis et plebeia ut e Festo ac Nonio constat.
26 L’usage du pétase était réservé à l’origine aux populations rurales, alors qu’à la ville, seuls les étrangers ou les pauvres portaient un chapeau contre le soleil. Cependant, Caligula autorisa les sénateurs à porter le pétase pour assister aux spectacles : « et il leur fut accordé de porter, pour venir au théâtre, des chapeaux thessaliens, afin de ne pas être incommodés par le soleil » (Dion Cassius, 59, 7, trad. E. Gros).
27 Une peinture de Pompéi, maison des Dioscures (VI 9, 6-7), conservée au Musée archéologique national de Naples (inv. 9106) représente une rencontre à la campagne entre un mendiant et une vieille femme coiffée d’un tel chapeau conique, peint de couleur jaunâtre : De Caro 1994, p. 179 ; Bragantini 2009, p. 311, n° 138. Une peinture conservée dans le même musée montre Mercure coiffé du pétase parmi des divinités et une prêtresse (inv. 119691).
28 Par exemple, mosaïque de Palestrina (chapeau de forme de conique porté par un pêcheur se trouvant dans une barque) ; mosaïque à scène nilotique d’El Alia (Fantar 1994, p. 96 et 132) ; mosaïques de Dougga (pêcheur coiffé du pétase : ibid., p. 124 ; Blanc 1990b, p. 207 et pl. 5, fig. 10) et de Leptis Magna, villa du Nil (pêcheur : Bianchi-Bandinelli 1970, p. 262, n° 240, Musée de Tripoli).
29 Leur étude a été réalisée par Carmen Alfaro Giner : Alfaro Giner 1984, p. 157-158.
30 Il existait aussi, sous le nom de baxeae, des chaussures apparemment plus luxueuses : Tertullien fait allusion à des baxeae dorées (Idol., 8, 3-4) et à des baxeae tyriennes (Pall., 4, 7). Voir ci-dessus le chapitre 3 de la 1re partie à propos des baxearii.
31 Cf. aussi Virgile, G., 4, 33-35 : ipsa autem, seu corticibus tibi suta cauatis, / seu lento fuerint aluaria uimine texta, / angustos habeant aditus, « Quant aux ruches elles-mêmes, que tu les aies faites en raboutant des écorces creuses ou en tissant des brins d’osier flexibles, donne-leur des ouvertures étroites » (trad. E. de Saint-Denis).
32 Document présenté dans Vannerie 2004, p. 43, n° 37.
33 Mosaïques 1976. Sur ce document, si l’on se fie aux couleurs, la cage est faite de baguettes verticales assemblées à l’aide d’un cordon tressé, et son fond est vraisemblablement tressé en plein.
34 Pline, N.H., 11, 254, fait aussi mention de chaussures portées par les chameaux (sine calceatu fatiscunt).
35 Voir 1re partie, chapitre 2 pour la description technique de ces chaussures.
36 On peut ajouter à ces exemples plusieurs reliefs funéraires représentant des tavernes, qui donnent à voir de petites amphores clissées posées sur le comptoir ou sur des étagères se trouvant au-dessus de celui-ci : le monument des frères Pompeianus Siluinus et Pompeianus Victor, négociants en vin (Römisches Museum Augsburg) : Martin-Kilcher 1994, p. 539, fig. 255 ; relief de taverne provenant de Trèves : Martin-Kilcher 1994, p. 538 ; Blanc 1992, p. 17, fig. 11 ; relief de Trèves présentant le transport du vin et la vente de denrées dans une taverne : Martin-Kilcher 1994, p. 540, fig. 256.
37 CIL, XIII, 5708 : « De plus, je veux que tout mon attirail que je me suis constitué pour chasser le gibier et pour capturer des oiseaux soit brûlé avec moi […] et mon canot en jonc, de telle façon que rien n’en soit soustrait … » (trad. P. Sage, Le testament du Lingon, Lyon, 1991, p. 19-22).
38 Sur la mosaïque de Palestrina montrant deux embarcations de ce type, voir par exemple Blanc 1992, p. 62, fig. 71. Une mosaïque du Bas-Empire fragmentaire trouvée à Rome et conservée dans l’Antiquarium communal présente également ces canots en papyrus : Blake 1940, p. 104-105, pl. 20, n° 3.
39 Ainsi au Vietnam : Burningham 1994, p. 232-235 (basket boats).
40 Par exemple, sur l’emblema de la mosaïque de La Chebba figurant une scène de pêche : Balmelle 1990, pl. XIV, 2 ; Fantar 1994, p. 238, 254-255. Sur la mosaïque d’Utique du triomphe de Neptune et d’Amphitrite (musée du Bardo) : Mosaïques 1976. De tels abris composés de nattes existent encore sur des embarcations d’Asie : Sentance 2001, p. 189.
41 Musée de Sousse, inv. 10477 : Mosaïques 1976 ; Blanc 1990b, p. 203.
42 Voir aussi la nasse remplie de poissons figurant sur la mosaïque de la maison d’Orphée de Leptis Magna (musée de Tripoli) : Bianchi-Bandinelli 1970, p. 260-261, n° 239. Cette vannerie, dans sa forme et dans le rendu de son tressage, est différente des autres représentations : de grande taille et ronde, paraissant réalisée à brins liés, elle rappelle plutôt un couffin à poissons. Elle est cependant immergée sous des canards nageant à la surface de l’eau.
43 Sur les différents modèles de nasses réalisés encore de nos jours dans les régions de France, voir Pichonnet 2006, p. 155-159.
44 Quartier de la natatio, salle 66. Pour De Caro 2001, p. 83, n° 74, le panier contient des fruits, « forse dellepere ». Un escargot est cependant clairement identifiable sur le côté du tableau : en ce sens, Stefani 2005, p. 71.
45 TLLex : uinea. Est etiam hoc nomine machina bellica, ad similitudinem uitis compluuiatae, sub qua tecti milites oppugnatae urbis muros subruunt.
46 Voir aussi G., 7, 41. Mentions des uineae : G., 2, 12, 3 ; 2, 30, 3 ; 7, 17, 1 ; 7, 58, 1 ; 8, 41, 2-3 ; Ciu., 2, 1 ; 2, 2, 2-4. D’autres auteurs citent ces appareils militaires, Cf. DAGR, s. u. uinea et pluteus.
47 Cf. DAGR, s. u. clipeus.
48 Analyse des sources sur les Argées par Néraudau 1978. Sur les sacrifices humains et leur substitution chez les Romains, voir Van Haeperen 2004.
49 Cf. DAGR, s. u. Argei.
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