Chapitre 2. L’atelier de fabrication de nattes de la via di Nocera (I 14, 2)
p. 129-171
Texte intégral
1Le matériel d’étude ancien et lacunaire qui vient d’être analysé a été récemment complété par une importante découverte qui apporte le témoignage archéologique de la présence de fabricants de vanneries dans la cité vésuvienne. En 1992, dans une habitation située en I 14, 2, ont été mis au jour non seulement une grande quantité de matériaux végétaux propres à la fabrication de nattes — peut-être même des nattes —, mais encore des structures permettant le traitement de ces matériaux préalablement à leur tressage. Cette découverte vient conforter la lecture de la seule source épigraphique dont nous disposions et apporter un nouvel éclairage sur la spécialisation du travail à Pompéi. Alors que les structures peu spécifiques liées à la pratique de la vannerie échappent en général à toute identification archéologique, Pompéi est à ce jour la seule cité de l’Occident romain à avoir livré les vestiges d’un atelier dédié à la vannerie. En cela elle pourrait constituer un modèle pour l’identification des structures propres à ce type d’artisanat. Cet atelier de nattes occupe non pas un local commercial spécifique mais une habitation privée réaménagée dans la période suivant de peu le tremblement de terre de février 631, d’après la chronologie proposée pour le décor pariétal de IVe style ornant deux de ses pièces. Dans un premier temps, donc, la maison fut remise en état après 63, et occupée en tant que demeure jusqu’à une date indéterminée. Elle fut ensuite vendue ou louée au fabricant de nattes actif en 79. En effet, au vu de la négligence dont il fit preuve à l’égard des peintures IVe style de qualité ornant les murs, l’artisan ne fut manifestement pas le commanditaire des travaux de remise en état et de décoration qui ont suivi le séisme de 63. Ainsi, à la différence de ce qui a été souvent écrit pour de nombreux ateliers, dans la lignée des conclusions d’Amedeo Maiuri pour qui la transformation de maisons en officines artisanales est une conséquence directe de la catastrophe de 63 (Maiuri 1942), l’atelier de nattes fut installé plus tard, peut-être à la suite d’une autre secousse sismique parmi celles qui se produisirent entre 63 et 79, peut-être à la suite d’une banale cession de bien.
1. Localisation et contexte socio-économique
2La maison I 14, transformée en officine artisanale se trouve dans la partie sud-orientale de la Regio I, regio limitée au nord par la via dell’Abbondanza, au sud par l’enceinte de la ville, à l’ouest par la via di Stabia et à l’est par la via di Nocera. Elle est située non loin des remparts, à peu de distance de la porta di Nocera, et comporte un seul accès, par la via di Nocera (fig. 135). Au moment de l’éruption de 79, ce secteur sud-oriental de Pompéi, voisin de l’amphithéâtre, constituait un quartier où les occupants de grandes maisons aristocratiques se mêlaient à une industrieuse classe moyenne et populaire. La proximité, notamment, d’une des portes d’accès à la ville avait fait de ce quartier une zone commerçante très active. Depuis le début des fouilles dans les années cinquante du XXe siècle, on y a recensé de multiples boutiques, officines et auberges (De Simone 1992 ; Proto 2006).
3Les îlots, remontant à la fin du IIIe siècle av. J. -C., sont tracés selon un schéma régulier. Rectangulaires, ils sont séparés par une série de rues orientées nord-sud (cardines) perpendiculairement à la via dell’Abbondanza et à la via di Castricio, et parallèles entre elles (fig. 136). Les fouilles des années 1990 et l’analyse du plan des maisons tendent à montrer que le fractionnement en lots des insulae alignées le long de la via di Nocera daterait de la fin du IIIe -début du IIe siècle av. J. -C. (De Simone 1990, p. 120 ; Nappo 1994, p. 77 et 95). La construction de l’amphithéâtre, munificence des duouiri quinquennaux C. Quinctius C. f. Valgus et M. Porcius M. f. dans la décennie qui suivit la fondation de la colonie, probablement en 70 av. J. -C. (Pesando 2001, p. 184), puis celle de la grande palestre au début de l’Empire, édifices drainant une foule nombreuse, furent à l’origine d’une première modification dans la composition des îlots. Certaines des habitations primitives furent transformées en commerces et en auberges, et on dispose de plusieurs exemples de modification des parcelles et de réduction de la superficie des jardins (Nappo 1994, p. 94 ; 1995, p. 49). Après le tremblement de terre de 63 apr. J. -C. qui causa de graves dommages dans la Regio I, les maisons du secteur furent restaurées et une partie d’entre elles furent de nouveau aménagées en installations commerciales, hôtelières ou ateliers d’artisans. Ces transformations postérieures au tremblement de terre seraient à mettre en relation avec l’arrivée massive d’une main d’œuvre nécessaire à la reconstruction de la ville qu’il convenait d’héberger sur place (Andreau 1979, p. 43 ; Proto 2006, p. 18)2. La proximité d’une des portes d’accès à la ville et de la grande artère commerciale que constituait la via dell’Abbondanza peut également expliquer cette situation. Enfin, les recherches les plus récentes réalisées le long de la via di Nocera tendraient à prouver que d’autres séismes ont pu perturber la zone entre 63 et 79, à l’instar de ce qui a été constaté en d’autres endroits de la ville. Dans plusieurs maisons — y compris celle dont il est question ici —, les indices de travaux de restauration en cours au moment de l’éruption ne semblent pas concerner les dommages subis en 63, déjà réparés à ce moment-là, mais de nouveaux dégâts consécutifs à un ou plusieurs mouvements telluriques ultérieurs3.
4L’insula 14, de plan rectangulaire (fig. 137), répond à ces constatations communes au secteur. D’origine samnite, elle était à l’origine divisée en lots comportant chacun une maison pourvue d’un jardin à l’arrière (Nappo 1994). Le plan des maisons subit des modifications au fil du temps, consécutives à des changements de propriété qui provoquèrent l’agrandissement de certaines au détriment d’autres. Au moment de l’éruption, la typologie de l’habitat est variée et certaines des maisons sont en cours de restauration. Plusieurs sont pourvues d’un étage servant d’habitat, tandis que le rez-de-chaussée est occupé par un atelier ou un commerce. L’ilot est alors occupe par une classe populaire et moyenne dont une partie se livre a des activités de production ou de vente. Sur les onze unités qui composent l’insula dans son état final, on trouve trois établissements ressortissant à une activité hotelière — deux hospitia (I 14, 5 et I 14, 8-9) ainsi qu’une caupona (I 14, 15) — et trois locaux qui seraient à rattacher a une activité indéterminée (ateliers ou lieux de commerce : I 14, 6 ; I 14, 11 et I 14, 13). Pour ce qui est de la production artisanale, le seul témoignage probant est celui de l’atelier de fabrication de nattes I 14, 24.
2. Histoire des recherches
5Le secteur de la via di Nocera commença d’être fouillé dans les années 1950. Il s’agissait alors d’achever le dégagement de la totalité de la Regio I dont la partie occidentale avait déjà été mise au jour avant la deuxième guerre mondiale et dont une vaste superficie demeurait ensevelie. Amedeo Maiuri avait, pour cet ambitieux programme, obtenu un financement de la part de la Cassa del Mezzogiorno. Mais s’il disposait de moyens mécaniques — l’un des objectifs des fouilles étant aussi de recueillir les lapilli destinés aux travaux publics, à la construction de l’autoroute Naples-Salerne notamment —, le personnel scientifique était, lui, peu nombreux. Cette entreprise fut donc un semi-échec. Face aux mauvaises conditions météorologiques et, surtout, avec l’arrêt brutal des financements, les fouilles ne furent pas poursuivies, pas plus que les restaurations effectuées. Scientifiquement, le résultat des travaux s’avéra décevant, comme en témoignent les comptes rendus succincts conservés dans les archives de la Surintendance de Pompéi, lesquels dénotent des dégagements incomplets, réalisés dans la précipitation et essentiellement centrés sur les espaces ouverts (rues et jardins) afin de satisfaire la demande en lapilli (Zevi 1979, p. 8-9 ; De Simone 1990, p. 112-113 ; Zevi 2001, p. 79 ; Proto 2006, p. 16).
6Le dégagement de l’insula 14 débuta en 1954 avec la mise au jour complète de sa partie septentrionale. À partir d’avril 1954, en progressant du sud vers le nord, les fouilleurs se consacrèrent à la mise au jour du côté oriental de la via di Nocera. Il était convenu de dégager aussi l’autre côté de la rue, mais plus sommairement dans un premier temps. Ainsi, lors de la fouille des édifices de l’îlot opposé II 12 (actuel II 9), ceux de l’îlot I 14 ne furent que partiellement dégagés en gradins, à l’intérieur des maisons sur une bande longeant les murs périmétraux qui bordaient la rue, afin d’éviter la pression des terres sur les murs une fois celle-ci dégagée5 (fig. 138). Ce furent donc alors seulement les jardins et les façades donnant sur le trottoir ouest de la via di Nocera qui retinrent l’attention des fouilleurs. Quatre ans plus tard, en 1958, les fouilles de l’insula 14 furent approfondies. La maison n° 2, située dans la moitié méridionale de l’îlot, fit l’objet d’une fouille partielle en novembre 1958. Voici le bref compte rendu des découvertes6 :
728. 29. 30. 31 ottobre 1958: Nei giorni 28. 29. 30 lo scavo viene effettuato sulle case n. 1, 2, 3 dell’Ins. XIV Reg. I procedendo dallo strato di humus verso il basso senza novità degne di menzione. […]
83 novembre 1958 : In questo giorno si mettono alla luce le fauci d’ingresso alle case 2, 3, 4 dell’Ins. XIV Reg. I.
9La fauce del n. 2 è l’unica a presentare sui muri il rivestimento d’intonaco bianco su cui sono ottenute con linee nere due grandi rettangoli su ogni parete, le altre entrate invece si presentano affatto rustiche. […]
105. 6. 7. 8 novembre 1958 : […] Nella casa n. 2 nel giorno 6 lo scavo dell’atrio è completato su buon tratto del lato settentrionalee occidentale. Le pareti sono rivestite di intonaco biancoe nell’angolo formato dal muro settentrionale con quello occidentale si rinvengono alcune travi carbonizzate ritte in piedi ; ai piè del muro occidentale, su cui si apre una grande finestra affacciante sul giardino si rinviene del materiale di stuoia carbonizzata. Sempre accostato sul muro settentrionale si rinvengono molte tegolee coppi, segno di grande attività di restauro negli ultimi tempi delle città. […]
1110. 11 novembre 1958 : Nella casa n. 2 lo scavo si allarga sul lato meridionale dello atrio mettendo alla luce un ambiente, l’unico che abbia ancora vestigia di decorazione. Esso è così formato : su un plinto color rosso si innalza lo spartito mediano a fondo giallo diviso in vari rettangoli a mezzo di fasce verdi. In alto la decorazione mediana è limitata da una leggera cornicetta ornata nella fascia da motivi floreali. Manca la decorazione del fregio non esistendo la muratura. Il pavimento è di grossolano signino.
12Accosto al suddetto ambiente che trovasi sull’estremo del lato meridionale verso occidente incominciano a mettersi alla luce altri due ambienti, di cui quello centrale contiene il sottoscala, pieno di legno carbonizzato. Questi ultimi due ambienti si rivelano affatto rustici.
13Ce rapport de fouille, tout laconique qu’il soit, est très précieux puisqu’il livre une description non seulement des quelques découvertes de mobilier, mais aussi du décor de quelques pièces aujourd’hui complètement disparu. Les équipes de fouille pénétrèrent dans les fauces, puis dans l’atrium ainsi que dans les trois pièces situées au sud de celui-ci (F, D et E ; fig. 139) dont une (F) conservait la majeure partie de sa décoration murale. En outre, bien qu’il n’en soit pas fait mention, le cubiculum (C) situé au nord des fauces fut également dégagé. De même, une bonne partie de la couche de lapilli recouvrant le jardin (M) fut évacuée : une photographie postérieure en témoigne (fig. 140). À cette époque, aucun développement supplémentaire ne fut donné au dégagement de la maison, pas plus que ne fut rapportée la présence d’un quelconque élément de mobilier outre les rares trouvailles mentionnées.
14Il faut attendre les années 1970 pour retrouver des informations sur la maison. Il s’agit d’une étude portant sur le jardin uniquement, dont Wilhelmina Jashemski réalisa la fouille complète en 1972. Son compte rendu révèle que la quasi-totalité de la couche de lapilli du jardin avait été enlevée lors de l’intervention de 1958, à l’exception de celle qui recouvrait le triclinium d’été aménagé au sud-est de celui-ci. La fouille du jardin lui permit de déterminer quelles étaient les espèces végétales spontanées ou cultivées par les occupants de la maison au moment de l’éruption, de même que la découverte de quelques coquillages et restes d’animaux permit d’identifier en partie le régime alimentaire des derniers habitants ou de leurs prédécesseurs7. Les publications de W. Jashemski donnent à connaître un document fort intéressant, une vue aérienne de la maison, prise à l’aide d’un ballon en 1972 (fig. 140). La photographie présente en effet l’état dans lequel la demeure était restée après l’intervention de 1958, confirmant que seuls l’atrium et quatre pièces adjacentes — c’est-à-dire le secteur sud de la maison — avaient été dégagés. La partie septentrionale, encore largement ensevelie jusqu’en 1992, n’avait pas été entrevue, à l’exception sans doute des pièces I et J bordant la via di Nocera, libérées de la couche supérieure de lapilli et de cendre qui les recouvrait.
15Ce n’est qu’en 1992 que s’acheva la fouille de la maison, laquelle apparut dans sa totalité. Un vaste programme de fouille puis de restauration des vestiges du secteur sud-oriental de la Regio I avait en effet été mis en place à l’initiative de la Surintendance archéologique de Pompéi dans le but d’achever le travail interrompu du temps d’Amedeo Maiuri8 (fig. 141). Si dès 1958 quelques vestiges de nattes avaient été signalés, c’est seulement lors des fouilles de 1992 que la maison put être définitivement identifiée comme étant un « atelier de travail du jonc9 ». Les éléments qui permirent cette identification furent, d’une part, la découverte d’une grande quantité de restes végétaux carbonisés dans la plupart des pièces de l’habitation, d’autre part, celle d’une structure maçonnée, un bassin rectangulaire mis au jour à l’orée du jardin, utilisé pour le trempage ou le rouissage de végétaux.
16L’ensemble architectural maison/officine est demeuré inédit. Les rares publications qui suivirent la découverte sont ponctuelles et signalent que la maison comportait un oecus orné d’une peinture murale du IVe style ainsi que d’une mosaïque en signinum d’un type que l’on fait généralement remonter au IIe siècle av. J. -C., toujours conservées10. En revanche, il ne reste plus aucun vestige en place d’une voûte formée d’amphores puniques remployées dans la seconde moitié du IIe siècle av. J. -C. qui, d’après les fouilleurs, couvrait la pièce (Conticello 1993, p. 703) (fig. 142). L’existence d’une telle voûte, sans équivalent au Haut-Empire, soulève quelques doutes. D’après le comptage des amphores conservées dans le dépôt de fouilles, celles-ci auraient été mises en œuvre non pas pour constituer une voûte entière mais plutôt les reins d’une telle structure, portant le plafond de la pièce11. L’analyse du mobilier amphorique autorise à faire remonter la voûte à une date ancienne : fin du IIe siècle av. J. -C. Elle pourrait avoir été réalisée concomitamment à la pose du sol en signinum et contribuer à dater l’ensemble de la fin du IIe voire du tout début du Ier siècle av. J. -C.
17Comme la maison et l’atelier n’avaient jamais fait l’objet d’une étude globale ni d’une publication, l’opportunité de réaliser plusieurs campagnes d’étude entre 2002 et 2005 a été offerte par le Centre Jean Berard12 et le Centre Camille Jullian13, associés dans un programme de recherche sur « L’artisanat antique en Italie méridionale » financé par le ministère des Affaires étrangères. Le but n’était pas de réaliser de nouvelles fouilles dans une habitation qui a été entièrement restaurée consécutivement aux travaux de 1992, mais, d’une part, de tenter d’analyser les vestiges architecturaux aujourd’hui visibles et, de l’autre, d’étudier avec le plus de précision possible les structures et le fonctionnement de cet atelier en pleine activité en 79. À cet effet, seule une fouille fine destinée à prélever des échantillons botaniques pour analyse a été menée, en 2003, dans les pièces qui contenaient encore des fagots de végétaux laissés en place par les fouilleurs précédents.
18Le mobilier issu des différentes opérations menées sur le site était lui aussi reste inédit, a l’exception de celui recueilli en 1972. Celui des fouilles de 1958, s’il a été collecte, est introuvable14. Celui des travaux de 1972, mis au jour dans le jardin uniquement, est énuméré dans diverses publications : un gros hameçon, un plat de céramique sigillée estampillé M IVL in planta pedis, une meule et de la céramique, en particulier un abreuvoir pour oiseaux ou petits animaux (Jashemski 1975, p. 74 ; 1979, p. 95-97 ; 1993, p. 59-60). Celui des fouilles de 1992, retrouvé, n’a pas été inventorié, à l’exception d’un seul objet, un pendentif ithyphallique de bronze, provenant de l’ambiente 8 et enregistre à l’inventaire en 1993 sous le n° 4368915 (fig. 143). Comme les vestiges mobiliers ne peuvent être rattachés à aucune stratigraphie ni, parfois, à une pièce précise, ils sont ici considérés de façon globale. Leur examen laisse entrevoir un équipement domestique tout à fait courant, mis au jour essentiellement dans les pièces H, I et J — sans connaissance du contexte. Il est vraisemblable qu’une bonne partie du matériel culinaire et des objets se trouvait à l’étage, totalement effondre à la fois dans le salon H et dans les pièces I et J : amphores, vaisselle commune, céramique sigillée, à vernis rouge pompéien, à vernis noir, à paroi fine, lampes. Les céramiques étaient associées à de nombreux éléments métalliques : clous, cabochons, charnières, frette ; a de la verrerie ; a des ossements animaux ; à des pesons et a un poids en pierre. Enfin, lors de la campagne 2003, le nettoyage du sol de la pièce J a livré quelques éléments supplémentaires provenant pour la plupart sans doute de l’étage16 : un bord et un fragment de bol en céramique à paroi fine, un couvercle de dolium avec bouton de préhension, des tuiles à rebord, deux morceaux d’imbrices, plusieurs parois d’amphores, des fragments de céramique commune dont un bord et un manche de casserole, deux fragments d’une corniche moulurée en stuc, deux fragments d’enduit peint à fond blanc, un gros fragment de terre cuite portant un sillon moulure (bord de dolium ou terre cuite architecturale ?), un noyau de pêche, quelques ossements. Complétait le mobilier la partie supérieure d’un autel portatif moulure en calcaire — h. max. conservée : 0,123 m ; l. : 0,165 (couronnement) à 0,124 m (de) ; ép. : 0,133 m. Anépigraphe, il porte un décor de cannelures et d’oves sur sa partie antérieure, tandis que l’arrière est à peine dégrossi. Aucun décor n’apparait sur les côtés mais des traces d’outil ; à son sommet est creusée une cupule (diam. : 6,5 cm ; prof. : 2 cm) (fig. 144).
3. La maison I 14, 2
19Le bâtiment a fait l’objet d’amples travaux de restauration entre 1992 et 1999, ce qui, conjugué à l’absence de tout rapport détaille sur le déroulement des fouilles de 1992, n’a facilité ni la lecture ni l’interprétation des structures aujourd’hui visibles. La maison est d’origine ancienne et a subi de multiples remaniements de ses espaces architecturaux. Il ne s’agit pas ici de développer l’étude des phases les plus anciennes du bâtiment dont l’analyse s’avère très complexe, a fortiori en l’absence de données de fouille17. L’étude sera limitée aux deux états qui nous intéressent dans le cadre de ce travail, identifiables dans la partie septentrionale de la maison plus que dans sa partie méridionale : un état antérieur à l’installation de l’atelier de vannerie, concernant une habitation privée occupée (ou réoccupée) par des personnes de classe sociale moyenne après le tremblement de terre de 63, commanditaires des peintures de belle facture qui ornaient certaines pièces, et un état final correspondant à l’aménagement dans la maison, a une date indéterminée, d’un atelier de confection de nattes en activité au moment de l’éruption du Vésuve de 79.
3.1. Description des espaces architecturaux
20Vu depuis la rue, le bâtiment n’a aucunement l’apparence d’une boutique ou d’un atelier. La maison, telle qu’elle se présente dans son dernier état, occupe une assez vaste portion de l’insula 14. Installée dans le sens est-ouest sur le côté long de l’îlot, elle se compose d’une partie antérieure résidentielle donnant sur la rue et d’une partie postérieure constituée par l’hortus (Cf. fig. 135). Celui-ci, ceint par un mur de clôture élevé, s’étend jusqu’au vicolo dei Fuggiaschi. La propriété couvre donc toute la largeur de l’insula. La maison d’origine appartient au type des « case a schiera », habitat construit à l’identique et pourvu d’un espace en plein air à l’arrière. Destiné à une population de classe moyenne, le modèle remonterait à la fin du IIIe ou au début du IIe siècle av. J.-C.18 Il est difficile de retracer l’histoire architecturale de la demeure. Les vicissitudes du temps, les cessions et acquisitions ont fait que la propriété aujourd’hui visible parait provenir du regroupement de deux unités d’habitation d’époque différente avec fenêtres sur rue, ce dont témoignent les techniques de construction visibles sur la façade : opus quadratum (grand appareil de blocs réguliers de travertin), état le plus ancien, au niveau des fauces et des cubicula latéraux ; opus incertum, état le plus récent, dans la partie nord de l’ensemble19 (fig. 145).
21Résultent également des divers remaniements qui ont affecté les lots, deux espaces non attribues, séparant les propriétés I 14, 2 et I 14, 1. D’une part le vaste espace découvert G (10,31 x 3,49 m) situé à l’extrême sud de la maison n° 2 (fig. 146), d’autre part un ambitus étroit (l. : 0,39 à 0,475 m) perpendiculaire à celui-ci (fig. 147). Le mur de la cour G donnant sur la rue est bâti en opus africanum avec raidisseurs en travertin ; il correspond à une troisième unité architecturale. Au moment de l’éruption, cet espace est dépourvu de tout accès, non seulement depuis la via di Nocera, mais aussi depuis les pièces des deux maisons qui le jouxtent. Les pièces D, E et F de la maison I 14, 2 ont chacune une fenêtre ouvrant sur cette cour, mais aucune porte n’existait, du moins dans l’état final d’occupation. Il en va de même pour la maison I 14, 1, sur laquelle s’ouvraient uniquement cinq lucarnes percées dans le mur méridional de G. Le rôle de cet espace désaffecte était d’apporter de la lumière dans les deux habitations qui l’entouraient20.
22L’ambitus, dans le dernier état d’occupation, servait de couloir de circulation a une gouttière qui, ayant son point de départ contre le mur ouest de l’espace G, s’écoulait dans le sens sud/nord pour alimenter en eau les structures artisanales aménagées dans la partie nord de la maison I 14, 2. Cette canalisation est partiellement conservée au niveau de sa sortie de l’ambitus, ou un tronçon en terre cuite courbe reposant sur un muret est encore visible.
23Enfin, deux portes murées en façade, l’une dans la partie nord, l’autre près de l’entrée, témoignent elles aussi d’un remaniement de l’habitation.
24La façade présente, sur une couche d’enduit blanc, les restes évanescents d’un programme électoral peint en rouge en faveur de Cn. Helvius Sabinus, candidat à l’édilité en 79 (CIL, IV, 9914 ; Chiavia 2002, p. 291 et 405 ; Varone 2009, p. 163) : […] SABINVM / […].
3. 1. 1. La partie méridionale de la maison
25Depuis la via di Nocera, un escalier constitué de blocs de basalte permettait de pénétrer dans les fauces (A), car le terrain est surélevé et en déclivité depuis le fond du jardin jusqu’à la rue. Seuls subsistent les vestiges de deux marches contre le mur sud du couloir d’entrée. Ce couloir (3,30 x 1,80 m) est encadré par deux murs restaurés, dont l’un est pourvu d’un raidisseur en blocs de travertin. Il ne reste que des lambeaux, sur le mur nord, de l’enduit blanc orne de rectangles noirs aperçu par les fouilleurs en 1958. La base des murs était recouverte d’un enduit hydraulique qui correspond à celui de l’atrium, comme l’indique un vestige conservé au pied de la tête de mur sud. Le sol des fauces est en béton gris et conservé à partir de la deuxième marche de l’escalier (fig. 148). Le couloir d’entrée était surmonté d’un étage dont une fenêtre donnant sur la rue est encore en grande partie visible.
26L’entrée débouche sur un atrium de type toscan (B), de forme sensiblement carrée (6,92 x 6,52 m), qui constitue le noyau sur lequel s’ouvrent quatre pièces de petite taille : deux pièces (C et D) encadrant l’entrée et deux pièces d’usage indéterminé (E et F). On accède également par l’atrium à l’œcus (H) ainsi qu’à l’aire bétonnée couverte (L).
27En plusieurs points de l’atrium, les murs ont largement conserve leur revêtement d’enduit blanc lisse, protégé par une plinthe d’enduit hydraulique dans la zone inférieure, sur une hauteur de 0,93 m21. Dans le mur occidental, à 0,67 m de son angle avec le mur sud, à environ 2,40 m du niveau de sol antique est creusée une petite niche à sommet pyramidal, également revêtue d’enduit blanc (h. : 0,58 m ; l. : 0,45 m), laraire dont la décoration très évanescente est, malgré tout, encore en partie visible22 (fig. 149). Le sommet est peint en jaune et, sur la paroi blanche du fond, se détache une guirlande rouge suspendue en feston, décor classique des laraires (Van Andringa 2009, p. 246). L’implantation du sanctuaire domestique dans l’atrium, espace de représentation de la maison, et dans l’axe visuel du vestibule (Cf. fig. 148), s’accorde avec ce qui a été observé dans une majorité d’habitations pompéiennes23.
28Le mur portant le laraire est perce d’une grande fenêtre (l. : 1,37 m ; h. sous linteau : 1,52 m) ouvrant sur le jardin (Cf. fig. 148). Ses montants sont en blocs de travertin et de basalte, irréguliers au sud, plus régulièrement tailles au nord. C’est au pied de cette fenêtre que les fouilleurs de 1958 disent avoir retrouvé des restes carbonises de natte.
29L’atrium est revêtu d’un sol en opus signinum, affaisse autour de l’impluuium et parcouru par de multiples fissures (fig. 150). L’impluuium central carre (1 x 1,02 m) a intégralement conservé son revêtement d’enduit hydraulique et présente un fond sobrement orné de chutes de marbres multicolores alternant avec des tesselles blanches24 (fig. 151). Sa canalisation de vidange se trouve au centre du côté est. Circulant sous le sol des fauces, l’eau recueillie dans le bassin se déverse dans la via di Nocera. Curieusement, l’impluuium n’alimente pas la citerne ancienne se trouvant sous l’atrium. Cette citerne, dont l’orifice circulaire (diam. : 0,56 m) est conserve dans l’angle sud-ouest de l’atrium, était désaffectée en 7925.
30Le long du mur ouest, on découvrit en 1958 une importante quantité d’imbrices et de tegulae déposées en vue de probables travaux de réfection des toitures.
31Au nord-est de l’atrium, une petite pièce carrée (C), mesurant 2,85 x 2,95 m, correspond à un cubiculum. Ses murs en opus africanum — avec raidisseurs au centre des murs nord et sud — conservent à leur base les vestiges d’un enduit rouge, piqueté seulement dans l’angle sud-est (fig. 152) et à l’extrémité ouest du mur sud. Ce piquetage localise parait avoir été destiné à la mise en place d’un aménagement de type banquette plutôt qu’à la réfection du décor mural. L’enduit rouge recouvre une décoration plus ancienne, du premier style, dont quelques menues traces de couleur blanche sont encore visibles26. Le revêtement rouge des murs, posé à une époque indéterminée, fonctionnait semble-t-il avec une porte ouvrant sur la rue, percée dans le mur oriental (h. sous linteau : 2,33 m ; l. : 1,05 m) et postérieurement condamnée. L’enduit était en correspondance avec un sol en signinum détruit dans l’Antiquité. Un nettoyage effectue au pied du mur oriental a atteste sa présence (fig. 153).
32En outre, une maçonnerie de chaux scellant des éclats de basalte, adossée au mur ouest et placée en correspondance de la porte murée, affleure le sol de la pièce (fig. 154). Le massif (1,06 x 0,53 m) est enterré jusqu’à une profondeur de 0,29 m. Il est pourvu de deux trous rectangulaires de taille légèrement différente (0,29 x 0,16 m et 0,26 x 0,16 m), espaces de 0,20 m, dans lesquels auraient pu s’insérer les montants d’une machinerie prise dans le sol (qui porte à cet endroit un revêtement différent de celui qui a été identifié au pied du mur est)27.
33Enfin, dans le mur oriental, non loin de la porte murée, est perce un jour ébrasé (0,68 x 0,35 m hors-tout) qui ménage une ouverture de 0,60 x 0,13 m. Les embrasures latérales ont été brisées pour être grossièrement arrondies mais la lucarne conserve quelques restes d’enduits. La pièce, une ancienne chambre transformée en atelier ( ?), semble avoir été en attente d’être restaurée à nouveau comme chambre au moment de l’éruption.
34Une deuxième pièce (D), plus grande (3,87 x 2,87 m), est aménagée au sud-est de l’atrium et au sud des fauces. Sa fonction est indéterminée. Sur ses murs apparaissent simplement quelques vestiges de la couche préparatoire de l’enduit qui les recouvrait. Les fouilleurs de 1958 l’ont d’ailleurs décrite comme une pièce rustique, sans particularité (fig. 155). Aucun sol n’a pu y être identifié ; peut-être était-il de terre battue. La pièce compte trois ouvertures sur rue percées à différentes hauteurs dans le mur est : une petite lucarne de forme trapézoïdale avec traces de mortier (h. : 0,31 m ; l. : 0,15 à 0,23 m), percée à une hauteur de 1,67 m du niveau de sol actuel ; un haut jour rectangulaire condamne, à 2,70 m du sol actuel (l. : 0,40 m) au centre du mur ; un petit jour ouvert à 2,40 m du sol environ (h. : 0,26 m ; l. : 0,22 m), situé près de l’angle des murs est et sud. Une petite niche carrée (0,24 x 0,22 m ; prof. : 0,22 m) est bâtie dans le même mur est, à 1,62 m du sol actuel. On y plaçait les lampes destinées à éclairer la pièce. L’intérieur de cette niche conserve l’enduit de surface lisse qui a disparu ailleurs. Une grande fenêtre (h. sous linteau : 0,87 m ; l. : 0,655 m) est ouverte à 1,27 m du sol dans le mur sud de la pièce — entièrement restauré après l’intervention de 1992. Elle donne sur l’espace découvert G qui offrait ainsi une source de lumière naturelle28.
35Adjacente à la pièce D, une petite pièce rectangulaire de 3,15 x 2,33 m (E) avait son entrée dans son angle nord-ouest. Le volume de cet espace était considérablement réduit en raison de la présence, dans sa partie est, d’un escalier conduisant de l’atrium à l’étage (fig. 156). À la hauteur du linteau de la porte d’entrée de la pièce, au centre du mur nord, on distingue d’ailleurs un trou de fixation des poutres qui supportaient le sol de l’étage, dont subsistent quelques restes. Celui-ci se trouvait à 2,85 m environ du niveau de sol actuel. L’hypothèse de W. Jashemski, pour qui cette pièce aurait correspondu à un petit jardin intérieur à l’air libre29, se trouve infirmée par cette observation.
36Une banquette maçonnée courait tout le long du mur sud de la pièce ; conservée seulement dans sa partie orientale (L. : 1,21 ; l. : 0,75 m), elle est presque totalement arasée. Des restes tenus d’enduit apparaissent encore sur les murs, en particulier un enduit blanc sous l’escalier. Aucun sol n’a pu y être identifié. Comme dans la pièce D voisine, le mur sud est perce, à 1,28 m du sol actuel, d’une baie (l. : 0,835 m ; h. : 0,96 m) ouvrant sur l’espace découvert G.
37Dernière des pièces alignées au sud de l’atrium (fig. 157), a l’ouest de la précédente, une pièce carrée (F) de 8,54 m2 (3,05 x 2,80 m) présente les restes d’un sol en opus signinum dans l’angle de ses murs sud et ouest, et le long du mur sud ; ce sol est détruit ailleurs. Le sol en signinum est surélevé d’une vingtaine de centimètres par rapport à celui de l’atrium. Au-dessus de ce niveau de sol antique, dans l’angle sud-ouest de la pièce, on relève la présence de vestiges d’une plinthe rouge bordeaux mouchetée de jaune et de blanc, conservée sur une hauteur de 0,63 m (fig. 158). De fait, les auteurs des fouilles de 1958 avaient observé dans cette pièce une décoration murale composée d’une plinthe rouge surmontée d’une zone médiane jaune a rectangles verts, puis d’une corniche ornée de fleurs. En d’autres endroits de la pièce on retrouve des traces du décor mural décrit par les anciens fouilleurs : l’angle que forment les murs sud et ouest conserve quelques vestiges non datables d’enduit rouge, jaune et vert. Comme dans les pièces D et E qui donnent aussi sur l’espace G, une large fenêtre (1,07 x 0,90 m), ouverte à 1,05 m du niveau de sol antique dans le mur sud, apportait de la lumiere. La piece F apparait comme largement ouverte sur l’atrium. Il ne reste qu’une seule assise, sur 0,46 m de longueur perpendiculairement au mur occidental, du mur de separation (ep. : 0,25 m) qui devait exister a un moment donne entre F et l’atrium. Cette assise se trouve dans l’alignement du mur nord de E.
38Le groupe de pièces alignées dans la partie sud de la maison etait surmonté d’un étage. Depuis l’atrium, en effet, on rejoignait ce niveau grace à un escalier appuye contre la paroi orientale de la pièce D (fig. 159). De cet escalier est conservé seulement le depart, constitué de deux marches grossierement maconnees (l. : 0,72 m). Cependant, les traces qui subsistent partiellement sur les blocs de travertin composant le mur indiquent qu’un escalier en bois succedait à ces deux marches. En 1958, les fouilleurs ont d’ailleurs signale la présence de bois carbonisé au niveau du dessous d’escalier, probable vestige de cet aménagement (Cf. fig. 156).
3. 1. 2. La partie septentrionale de la maison
39C’est dans ce secteur de la demeure, composé de quatre pièces, que les activités artisanales ont laissé des traces (fig. 160).
40Immédiatement au nord de l’atrium se trouve la pièce la plus vaste de la maison, l’œcus (H). Par une porte à battant unique (l. : 0,965 m) pivotant sur une pierre de seuil en tuf avec crapaudine (1,045 x 0,395 m) située au sud-ouest du salon, on passait de l’atrium a celui-ci. Par une large baie (l. : 2 m) ouverte dans son mur occidental30, on passait du salon à l’espace couvert L puis au jardin M. La piece carrée (4,97 x 4,99 m) est la plus remarquable de l’ensemble en raison de sa decoration murale et de son sol en opus signinum (fig. 161).
41Les peintures inedites qui sont partiellement conservées sur les murs du salon appartiennent au IVe style31. Lors de leur découverte, elles etaient en assez mauvais état32. D’apres les examens realises lors des travaux de restauration, ces peintures en auraient recouvert d’autres d’époque antérieure, piquetées. Il ne reste aujourd’hui que de modestes fragments de décor sur les murs sud, ouest et nord. Le mur sud (fig. 162) présente un panneau central rouge encadré de colonnes — dont seule celle de gauche subsiste — au centre duquel sont conservés les restes d’un petit tableau (0,39 x 0,31 m) représentant Apollon citharede : si le dieu etait parfaitement identifiable lors de la decouverte (fig. 163), il n’en reste actuellement plus que la tete (fig. 164). Sur la paroi ouest de la piece, percée d’une large ouverture donnant sur l’aire betonnée (L), bien que les cadres et la plinthe rouge bordeaux aient été restaurés, les représentations sont illisibles (fig. 165 et 166).
42Une grande superficie du mur oriental du salon attire l’attention ; sur toute la longueur du mur se développe un grand décor de belle facture qui a pu être en partie restauré (fig. 167). La plinthe, d’une hauteur de 0,795 m et de couleur rouge bordeaux est compartimentée. Le compartiment central présente un cheval marin entre deux dauphins ; les deux compartiments latéraux, plus étroits, sont ornes de végétaux aquatiques encadrés de vert, au milieu desquels prend place un petit échassier. Les plantes débordent du cadre vert, ce qui produit un effet de relief et donne de la vie à la figuration. La zone médiane, d’une hauteur de 2,585 m, est divisée en trois panneaux. Le panneau central, le mieux conservé, est à fond jaune bordé de vert — le jaune est devenu aux deux tiers rouge sous l’effet de la chaleur. À l’intérieur, un petit tableau (0,395 x 0,365 m) entoure d’une bordure ajourée blanche représente une scène mythologique assez difficilement lisible aujourd’hui (fig. 168). Au moment de sa découverte, elle l’était davantage, si bien que les auteurs de la fouille ont pu l’identifier à la représentation du mythe de Pyrame et Thisbé33 (fig. 169). De part et d’autre du panneau central figurent deux perspectives architecturales sur fond jaune, surmontées d’une sphinge. À mi-hauteur de chacune, un balcon, sous lequel on distingue un oscillum et une guirlande, supporte un paon. Les deux panneaux latéraux sont à fond rouge ; sur celui de gauche, est représentée une figure volante. Quant au panneau droit du décor peint, il n’a pas été tronqué par la porte conduisant à la pièce I mais adapte autour d’elle34. Un galon brode sépare la zone médiane de la zone supérieure. Cette dernière, compartimentée, est à fond blanc. On peut voir en son centre la partie inferieure d’un tableau représentant une scène de chasse — deux chiens rabattant un animal vers un filet tendu.
43Comme le montre le chevauchement de l’enduit sur le sol, les peintures murales de l’œcus ont été mises en place après l’installation du pavement. Celui-ci, en opus signinum à incrustation de tesselles blanches, est en très bon état de conservation35. La bande de raccord est décorée d’un semis régulier de tesselles blanches. Le tapis central (2,795 x 2,79 m) présente une bande en méandre de svastikas et cases. Le méandre borde un panneau carré décoré d’un « bouclier de losanges » se développant autour d’une rondelle blanche ; dans chaque écoinçon figure une palmette (fig. 170). Ce type de pavement est courant à Pompéi ou l’on en a recensé plusieurs exemples. Il est généralement date du IIe siècle av. J.-C.36
44Le plafond de la pièce de réception, au vu de quelques fragments épars identifiés dans le dépôt, était également orné de peintures à fond jaune du IVe style37. Il était sans doute fixé par des cordelettes à une voûte plus ancienne en partie constituée d’amphores puniques38. Il est probable que le sol en signinum et la voûte aujourd’hui disparue étaient contemporains. L’analyse des éléments subsistants de la voûte (les amphores puniques) s’accorde avec la datation retenue pour le pavement, si bien que les deux éléments peuvent être datés de la fin du IIe siècle-début du Ier siècle av. J.-C. Il apparaît donc que cet ensemble ancien fut peu affecté par le tremblement de terre de 63. À la suite du séisme, la maison fut redécorée en IVe style39 sans qu’il ait été nécessaire de condamner les structures antérieures qui avaient résisté aux secousses.
45À l’est du triclinium, longeant la via di Nocera, deux petites pièces adjacentes disposées en enfilade ont été identifiées (I et J). Elles étaient séparées par un mur retrouvé très détruit, conservé seulement sous la forme d’un muret entre les deux pièces (fig. 171).
46La pièce I (2,33 x 2,66 m), au sud, est un ancien cubiculum auquel on accède depuis le salon grâce à la porte aménagée dans la partie sud du mur portant la grande peinture. Des vestiges tenus d’une peinture murale du IVe style à fond blanc et plinthe rouge bordeaux dénotent un revêtement de qualité. La couleur de la plinthe a pu être restituée grâce à un lambeau conservé sur le mur est (fig. 172). Sur le mur occidental est conservé le plus gros fragment (h : 0,62 m) de la zone médiane : partie droite du panneau central a bordure bleu-vert, puis, sépare de celui-ci par une colonne jaune — devenue rouge sous l’effet de la chaleur, sa couleur d’origine n’étant visible que dans sa partie inférieure —, panneau droit à fond blanc au centre duquel apparaît un petit cadre entoure d’un filet bleu-vert et d’un filet rouge, orné d’animaux se poursuivant (0,28 x 0,10 m). Bordant le panneau, une bande unie bleu-vert vient marquer l’angle que formaient les murs ouest et nord, ce dernier n’existant plus que sur quelques assises (fig. 173). Le panneau central etait interrompu sur sa partie gauche par la porte ouvrant sur le salon. À l’instar de celle de l’œcus, la peinture a été réalisée en tenant compte de la porte contemporaine de l’amenagement des pièces H et I. D’autres vestiges apparaissent par endroits : à l’angle des murs est et sud, et sur le mur est, derrière le monticule de vegetaux. Le décor mural de la pièce est contemporain et de même facture que celui du salon.
47En revanche, les sols des deux pièces ne peuvent etre rattachés à une meme période. Après 63, le propriétaire a conservé en place un pavement mosaique ancien en opus signinum dans le salon, tandis qu’il a fait poser un nouveau sol dans la chambre, sans doute en meme temps qu’il en faisait peindre les murs (il semble exister une continuité entre la base de la paroi peinte et le béton du sol). On remarque une rupture entre les deux pavements et tout indique que le sol du salon a été endommagé afin d’installer celui de la chambre. Ce dernier, en effet, occupe le seuil et empiete sur le signinum du salon au-dela du passage de la porte. Le sol de la piece I est constitué d’un opus signinum recouvert d’un pigment rouge dont les traces ont été repérées dans deux angles de la pièce. Dans la partie sud de ce sol sont incrustés des cabochons de marbre multicolores sur trois rangées parallèles (fig. 174) ; l’absence de ces crustae sur une bande de 1,20 m depuis le mur nord de la piece indique quel était l’emplacement du lit à l’origine. Par sa technique, ce sol de qualité se rapproche du revêtement à crustae du fond de l’impluuium situe dans l’atrium. Cependant, aucune conclusion precise relative à leur chronologie ne peut être avancée40. Le pavement de la chambre est actuellement en partie masque par la présence d’un monticule de végétaux carbonisés lié à l’occupation finale de la maison (fig. 175).
48Sur le mur oriental une petite fenêtre donnait sur la rue. Percée à environ 2,36 m du sol en signinum, elle constitue la seule source de lumière permettant d’éclairer les deux salles en enfilade I et J, très sombres.
49Les deux pièces étaient séparées par un mur presque entièrement écroulé, situé au nord de I. D’une épaisseur de 0,32 m, il est conservé seulement sur une hauteur de 1,04 m et une largeur de 1,10 m à partir du mur ouest, et sur une hauteur de 0,58 m et une largeur de 0,94 m à partir du mur est. Il porte encore quelques traces d’enduit préparatoire à sa base et, dans son angle nord-ouest, subsistent les restes de la peinture qui ornait le cubiculum I41.
50Contre ce mur, du côté de la pièce J qui etait une cuisine antérieurement à la phase d’occupation finale (3,54 x 2,58 m), etait amenagé un potager. Ce dernier (l. : 0,78 m) s’étendait très vraisemblablement sur toute la largeur de la pièce. Il est aujourd’hui à demi brise en longueur, ce qui permet d’en voir le remplissage en coupe : moellons, morceaux de mortier et rares tessons de céramique commune (fig. 176). Il est également à demi brise en hauteur, de sorte que l’on ne distingue plus le plan de travail42. L’identification de la piece J à une ancienne cuisine est confortée par l’existence d’un sol bétonné visible en coupe (à 0,17 m sous le sol correspondant au fonctionnement de la vannerie) et de restes d’enduits muraux rustiques blancs rugueux surmontant une plinthe de mortier hydraulique, tandis que le mur nord est recouvert d’un mortier grossièrement taloché43 (fig. 177). On peut observer également que la fenêtre de la pièce, située en hauteur sur le mur longeant la rue, a été condamnée à l’aide de tuiles et de mortier44. Il convient par ailleurs de noter que, dans la moitié orientale de la salle, tout au long du mur est qui longé la via di Nocera, le sol a été surcreuse (lors des degagements de 1954 ?) d’environ 0,25 m par rapport au niveau du sol de beton de la cuisine.
51Reposant en partie sur les vestiges du potager de la cuisine J, se trouve un fagot de végétaux représentant la quantité de matériau la plus notable de la maison. Cet ensemble est recouvert d’une épaisse couche de cendre solidifiée et de gravats provenant de l’effondrement de l’etage (Cf. fig. 176).
52Étroitement associée, comme souvent à Pompéi, à la cuisine, une latrine45 (1,71 x 0,93 m) est installée dans l’angle nord-est de la salle J46 (fig. 178). Elle conserve sur son côté sud une banquette plane recouverte de mortier, enserrant le goulot à demi brise d’une amphore Dressel 21 dont le sommet (diam. : 20,5 cm) coïncide avec celui de la banquette et qui conserve une de ses anses prise dans la maçonnerie (fig. 179). La hauteur de l’ensemble est de 0,45 m par rapport au sol de l’atelier. Derrière l’amphore, un mur en moellons lies au mortier (ep. : 0,18 m) se développait en hauteur au-dessus de la banquette (h. estimée : 0,80 à 0,90 m). Sur le côté ouest de la structure, un mur en grande partie effondré devait atteindre la même hauteur pour constituer une cabine et isoler l’endroit des regards. Cette paroi ouest (ep. : 0,175 m) s’interrompait à 0,80 m environ du mur nord pour permettre l’accès à la latrine. Le sol délimité par les parois est constitué de trois bipedales coupés (0,65 x 0,48 m ; 0,66 x 0,26 m et 0,61 x 0,45 m) posés à plat, brisés en deux et non scellés entre eux. Au niveau des bipedales, le col d’amphore comporte un orifice en demi-cercle puis il continue de s’enfoncer au-dessous. À 0,58 m du sommet de la banquette, cette amphore est emboitée dans une autre plus large, qui s’enfonce jusqu’à 0,90 m au moins du sommet. Ce conduit a été retrouvé comble de cendres et de lapilli. Un caniveau ouest-est servant d’égout, couvert de tuiles à rebord ajustées et plaqué contre le mur nord de la maison à partir des installations hydrauliques de l’extérieur, circule à 0,22 m de profondeur par rapport au sol d’occupation de l’atelier et passe sous la latrine. Il est peu vraisemblable, cependant, que l’évacuation de celle-ci se soit faite grâce à cet égout, dont l’étroitesse parait exclure un tel usage. De fait, le siège de la latrine a été installé du côté opposé (sud) a celui de la conduite. Il est donc plutôt probable que l’amphore se déversait dans un puits perdu (Kastenmeier 2007, p. 55).
53À l’extrême nord de la maison, on peut accéder directement depuis la pièce J à la cour et au jardin en suivant un long corridor étroit (K) oriente est-ouest (L. : 5,775 m ; l. : 0,81 m), enserré entre le mur nord de la propriété et le mur nord de l’œcus. Les murs du corridor sont recouverts d’un enduit taloché posé au moment de l’aménagement de l’espace de travail L, dont l’enduit lisse se raccorde avec ce revêtement. L’artisan n’a sans doute pas juge utile de revêtir les murs avec davantage de soin dans cet espace de circulation obscur. Le sol du corridor, à la surface irrégulière très compacte, est composé de terre battue ; il est surélevé de 0,25 m par rapport au sol bétonné de l’aire L. Le chemisage de mortier du canal d’égout qui existe au nord de l’espace L s’interrompt au niveau de l’emmarchement du couloir, puis l’égout se poursuit tout au long de celui-ci, enfoui contre son mur nord et recouvert de tegulae ajustées rebord vers le haut47.
54L’espace abrite L était accessible depuis la pièce J via le corridor, depuis la pièce I en traversant le salon, mais aussi directement depuis l’atrium par une ouverture (l. : 0,95 m) percée à l’extrémité ouest du mur nord de celui-ci. Cet accès est dépourvu de seuil et le sol est détruit entre ses montants. À partir de cette entrée, un bref corridor (1,03 x 0,92 m) rejoint l’aire couverte.
55Cet espace semi-ouvert, dont le toit est entièrement restauré, occupe une surface d’environ 19 m2 (5 x 3,50 m ; couloir : 1,25 x 1,40 m) (fig. 180). Ses revêtements muraux et son sol sont dans un très bon état de conservation et les traces d’usure y sont peu marquées. Le sol est uniformément recouvert de signinum de couleur grise et empiète sur celui du salon, plus ancien, qui a été abîmé au-delà du seuil. Les murs portent un enduit blanc lisse, protégé dans sa zone inferieure par une couche rosée d’enduit hydraulique bien lisse (ep. 0,025 à 0,035 m), laquelle constitue une plinthe d’une hauteur de 1,19 à 1,21 m. La plinthe est soigneusement délimitée par un filet rouge. Ce type de revêtement imperméabilisant caractérise en general les murs d’installations artisanales faisant usage de l’eau. De fait, marquant la bordure ouest du sol betonné, entre celui-ci et le jardin, un long bassin de forme peu commune (L. int. : 4,54 m) attire l’attention. Peu profond (0,20 a 0,28 m), il est d’une forme réguliere dans sa moitié sud (l. int. : 0,925 m), puis subit un aménagement particulier sur son cote nord-est ou sa bordure jusque la rectiligne s’elargit, formant un renflement vers l’intérieur (ep. du rebord à cet endroit : 0,45 m) (fig. 181). Hormis cette anomalie, il est tres soigneusement bâti et régulierement revêtu d’enduit hydraulique à l’interieur et sur ses rebords (épais de 0,20 à 0,23 m) — l’enduit a en grande partie disparu sur le rebord et la paroi ouest. Son sommet par rapport au sol en signinum est à une hauteur de 0,42 m.
56Le bassin est pourvu d’un systeme de récupération et d’évacuation de l’eau collectée des toits. À cet effet, il est en légère déclivité du sud (prof. : 0,20 m) vers le nord (prof. : 0,28 m) où se situe la vidange, et de l’ouest (prof. : 0,20 m) vers l’est (prof. : 0,24 m) où se situe la surverse. Dans le rebord le plus épais du bassin, au nord-est, on notera la présence d’un goulot de vidange constitué d’un col d’amphore Dressel 2/4 qui ne débouche nulle part (fig. 182). Il faut sans doute considérer cet élément comme une erreur de construction rectifiée car, vu son emplacement, l’eau du bassin aurait été évacuée sur le sol betonné de l’aire. Un autre goulot de vidange en terre cuite est d’ailleurs inseré dans le petit cote nord du bassin : il evacue l’eau dans la canalisation située au nord de l’habitation. Le coude que forme cette canalisation d’égout au sortir du bassin est occulté par une banquette maçonnée rectangulaire (0,90 x 0,64 m) bâtie entre le bassin et le mur nord de la maison (Cf. fig. 139). La banquette etait revêtue du meme enduit hydraulique que l’ensemble ; entièrement disparu aujourd’hui, ce revêtement était visible lors de la mise au jour des structures en 1992 (fig. 183). Au niveau de l’aire L, la conduite d’égout se poursuit au-dessus du sol, masquée par un chemisage revêtu d’enduit hydraulique (l. : 0,34 m ; h. : h. : 0,26 a 0,27 m) plaqué contre le mur nord. Elle longe ce même mur en direction de l’est sous le sol du corridor K — l’emmarchement qui donne accès à K depuis L à la même hauteur que le chemisage —, puis sous la latrine de la pièce J, pour se déverser dans la via di Nocera. Dans le prolongement du canal d’égout, à l’extérieur de la maison, une profonde rainure creusée dans un des blocs de basalte du trottoir conduisait les eaux usées directement dans la rue.
57Au nord-est du bassin, accolée à lui ainsi qu’à la banquette rectangulaire, se trouve la bouche cylindrique d’une citerne droite (diam. rebord compris : 0,83 m). L’ouverture de la citerne se trouve à la même hauteur que le bord du bassin (à 0,42 m du sol bétonné). Elle est composée d’un muret de moellons et de briques pris dans du mortier. Hormis sur son sommet, abime, la réserve d’eau est revêtue intérieurement et extérieurement d’une couche d’enduit hydraulique identique à celui qui recouvre le bassin. Fonctionnant en même temps que celui-ci, lequel l’alimentait, elle a été enduite au même moment. En vue de remplir la citerne, le bassin est pourvu sur sa paroi est, au niveau de la bouche de citerne, d’une surverse qui permettait d’éviter les débordements en cas de forte arrivée d’eau. Une fois la citerne remplie, l’excédent d’eau pouvait partir dans la rue par la vidange nord48.
58Le bassin et la citerne étaient alimentés à la fois par les eaux s’écoulant de la pente du toit qui se trouve à l’aplomb du bassin et par celles qui étaient récupérées dans une gouttière longeant tout le côté ouest de l’habitation, de l’espace découvert G au sud jusqu’à l’aire de travail L au nord. À partir de G, la gouttière empruntait l’ambitus séparant les propriétés I 14, 1 et I 14, 2. Dans ce passage, la paroi externe du mur ouest de la maison est revêtue d’enduit hydraulique sur une hauteur de 0,94 m. Le tronçon qui parcourait l’ambitus est totalement détruit, soit par des interventions archéologiques anciennes, soit parce qu’à cet endroit la conduite n’était pas bâtie en dur mais en matériau périssable (bois), par exemple. Le segment disparu se raccordait, à la sortie du passage, à la gouttière encore visible sous la fenêtre ouverte entre le jardin et l’atrium (fig. 184). Elle est composée de tuiles courbes posées sur un muret et inclinée en pente sud/nord. Après la fenêtre, elle dévie vers l’ouest pour passer sous l’escalier extérieur, puis elle traverse le mur sud de l’aire L pour se raccorder au petit côté sud du bassin. Dans sa partie comprise dans l’espace L, la gouttière est aménagée avec soin et recouverte de béton de tuileau (fig. 185). Cette gouttière occulte une gouttière au sol plus ancienne qui suit également le mur ouest de la maison sur toute sa longueur. La superposition des conduites est particulièrement visible dans le jardin ou la gouttière la plus récente atteint quasiment la hauteur du rebord de la grande fenêtre percée dans le mur ouest de l’atrium B (fig. 186).
59Comme le bassin et la citerne sont installés sur toute la longueur de l’espace couvert L, lequel constitue la seule voie d’accès au jardin depuis l’intérieur de la maison, pour se rendre dans le jardin il fallait enjamber le bassin. C’est peut-être dans ce but qu’une marche rectangulaire en basalte (0,785 x 0,335 m) a été posée sur le sol de l’aire, contre le long côté est du bassin au travers duquel pouvait être disposée une planche faisant office de pont. Un autre moyen de sortir consistait à marcher sur la banquette rectangulaire couvrant la canalisation de vidange située à l’extrémité nord de l’aire.
60Le jardin (M) occupe le restant de la largeur de l’insula, c’est-à-dire un vaste espace pratiquement rectangulaire (12,65 x 9,58 m, soit environ 122 m2) à l’ouest de l’habitation. Il s’étend entre la partie nord de la maison et la ruelle qui délimite l’îlot à l’ouest, et est situé à une côté plus élevée que la maison elle-même, en raison de la déclivité du terrain (fig. 187). Lors des recherches qui y furent effectuées dans les années 1970, son sol a probablement été surcreusé. En effet, on restitue le niveau du sol de la dernière phase d’occupation à l’arrêt de l’enduit rouge qui recouvrait le triclinium et dont il reste quelques fragments.
61Le triclinium d’été, en mauvais état de conservation, est bâti au sud-est du jardin (fig. 188). Ses parties ouest et nord sont tronquées. Les lits sont constitués de murets maçonnés (ep. : 0,19 m) entre lesquels apparait un remplissage constitue de terre et de tessons. Le lit sud est partiellement conservé sur une longueur de 2,57 m, tandis que sa largeur est intacte : 1,18 m. Il est accolé longitudinalement au mur de limite sud de la propriété. Le lit situé au nord, encore visible dans son intégralité en 197249, a aujourd’hui disparu : seul le muret sud en est conservé sur une longueur de 1,69 m. La mensa ronde (diam. : 0,51 m) entourée par les lits, située dans un espace large de 1,02 m, ne porte plus de revêtement. À 0,40 m à l’est du lit sud, une autre mensa, rectangulaire (1,04 x 0,63 m), a été construite contre le mur méridional de la propriété. Cette table, à l’instar du lit sud, conserve des vestiges d’enduit rouge à sa base (couche de 0,025 m d’épaisseur). Tout le reste du revêtement a disparu. Le mur contre lequel s’appuie le lit sud porte encore des restes d’enduit sur une surface équivalente à celle du triclinium. Ce revêtement est l’indice de l’existence d’une pergola, confirmée par les découvertes botaniques qui ont été faites dans le jardin. W. Jashemski et son équipe ont en effet réalisé en 1972 la fouille du triclinium, non dégage lors des travaux de 1958. Celle-ci a permis de retrouver, aux quatre coins de la structure, les trous des poteaux qui supportaient la pergola, maintenus en place par des pierres. Neuf cavités correspondant à des racines furent également mises au jour, des vignes qui grimpaient sur les poteaux pour ombrager l’ensemble. Autour de la mensa ronde, les fouilles révélèrent la présence de restes de repas : coquillages (Venerupis decussata L. et Murex brandaris L.) et ossements d’animaux (porc : Sus scrofa L. et bœuf : Bos taurus L.)50.
62Dans le jardin furent localisées 49 cavités de racines. Parmi elles, certaines étaient alignées en cinq rangées sur toute la longueur du jardin : il s’agirait d’arbres fruitiers entre lesquels étaient cultivées des fèves (retrouvées carbonisées). Le jardin comptait également quatre grands arbres, dont un olivier centenaire plante près du mur sud et un figuier d’une trentaine d’années près du mur nord (des figues carbonisées furent découvertes aussi). Une rangée de pots à plantes en terre cuite fragmentaires longeait le mur nord. Les analyses polliniques ont indiqué par ailleurs une quantité notable de spores de fougère (Polypodium)51. Enfin, des restes d’un petit mammifère, peut-être un chat, sont aussi signalés, de même que ceux d’un chien (Jashemski 1975, p. 74 ; 1979, p. 95-97 ; 1993, p. 59-60 ; Dimbleby 2002, p. 183-184).
63Actuellement, quelques moulages de racines réalisés en 1972 sont encore visibles dans le jardin : deux arbres à l’ouest et un pied de vigne entre la banquette sud du triclinium et la mensa rectangulaire. Au pied et tout au long du mur ouest, limite de la propriété, on observe un dispositif de drainage constitue de cols et de panses d’amphores Dressel 1C (fig. 189).
64Dans la partie sud-est du jardin, au sud du bassin et installé contre lui, se trouve un escalier extérieur conduisant à l’étage (entièrement restauré) qui surplombait le salon et les deux pièces I et J. Large de 0,71 à 0,80 m, il comprend treize marches assez hautes, d’une largeur moyenne de 0,20 m chacune (fig. 190).
3. 2. Interprétation : les derniers états d’occupation
65La réoccupation d’anciennes demeures pompéiennes par des ateliers artisanaux est généralement rattachée à la période suivant immédiatement le séisme de 63, à la suite des conclusions d’Amedeo Maiuri selon lequel, en raison des graves dommages subis, les anciens occupants auraient cédé leur maison à des artisans pour s’installer ailleurs (Maiuri 1942, p. 216-217). Cette hypothèse d’une rupture dans la vie économique consécutive au tremblement de terre est maintenant reconsidérée à la lumière des découvertes archéologiques plus récentes qui tendent à mettre en évidence que d’autres secousses telluriques postérieures à 63 ont pu occasionner de telles transformations52. Par ailleurs, des exemples de continuité avec des structures artisanales antérieures au séisme ont été mis en évidence dans la ville. Tel est le cas pour la tannerie de l’insula I 5 où les recherches menées par Martine Leguilloux et Jean-Pierre Brun ont démontré qu’une tannerie existait déjà avant 63 (Borgard 2005, p. 303-306). De même, dans la parfumerie VII 4, 24-25, J. -P. Brun a relevé l’existence d’une installation de pressurage antérieure au tremblement de terre (Borgard 2005, p. 306-310).
66Dans le cas qui nous occupe, plusieurs indices convergent pour conforter l’hypothèse d’une installation tardive de l’artisan. Au moment de son arrivée, le dernier occupant de la maison n’a apparemment apporté que des modifications minimes aux structures bâties d’origine, modifications liées uniquement à son activité artisanale. La transformation en atelier de vannerie est d’autant plus remarquable qu’il s’agit de la première et unique attestation d’une structure de production de ce type en milieu urbain.
67L’atelier du fabricant de nattes a été implanté dans une habitation de classe moyenne, elle-même issue d’une succession de remaniements difficiles à reconstituer tant architecturalement que chronologiquement. En dépit du manque de documentation relative aux recherches antérieures, quelques informations concernant maison occupée immédiatement avant l’aménagement de l’atelier peuvent être tirées de l’examen des structures conservées53. Si l’ensemble des pièces entourant l’atrium, très probablement en cours de réaménagement au moment de la catastrophe, est peu exploitable pour retracer l’histoire de cette période d’occupation, les structures remaniées de la partie septentrionale de la maison peuvent être prises en considération. Que cette partie fût sans doute, dans la phase d’occupation précédente, la plus belle de la maison, avec sa salle de réception ornée de peintures de qualité, n’empêcha pas l’artisan d’y installer son lieu de travail et d’en réutiliser les pièces comme lieux de stockage sans guère prêter attention à la décoration.
68Au moment où le nattier occupe l’habitation, l’aire abritée L, un ancien portique, devient le cœur de l’atelier54. Elle était aisément accessible à partir de tous les espaces de la maison : au nord depuis le salon et le corridor menant aux salles de stockage I et J, au sud depuis l’atrium. À cet endroit, l’aménagement majeur de l’état final d’occupation est la construction d’un long bassin de trempage et de rouissage des végétaux, en relation avec une citerne servant de réserve d’eau. Le bassin est d’une forme régulière dans sa moitié sud, puis change d’aspect sur son côté nord-est — aux abords de la citerne —, où sa bordure s’épaissit, réduisant la largeur interne : cette forme contournée indique que les constructeurs ont dû tenir compte d’une structure existante et adapter les bords du bassin en conséquence55.
69Ce sont ces installations, indispensables au fonctionnement d’un atelier de vannerie, qui ont présidé à tous les travaux hydrauliques entrepris par l’artisan. Le vannier a en effet toujours besoin d’un point d’eau pour immerger les tiges ou les feuilles, ligneuses ou fibreuses, qu’il s’apprête à utiliser, afin de les assouplir dans le premier cas, ou d’en extraire les fibres dans le second : les agronomes et Pline l’Ancien ne manquent pas de faire allusion aux installations nécessaires et de décrire les opérations de trempage ou de rouissage appliquées à diverses espèces végétales56. Cette partie de la ville n’étant pas alimentée par le réseau de l’aqueduc, tout paraît indiquer que le but a été de tirer le meilleur parti des installations préexistantes et d’en ajouter d’autres, de manière à récupérer la plus grande quantité possible d’eau pluviale57.
70Dès lors que ce bassin a été mis en place, il convenait de collecter de l’eau pour remplir la citerne présente dans cet espace abrité et qui servait au fonctionnement du bassin — son contenu était suffisant pour permettre le trempage des végétaux qui ne nécessite par d’énormes quantités d’eau, et le bassin lui-même est d’une faible profondeur. Ce but a été atteint en mettant en œuvre deux aménagements : – d’une part en inversant le sens de circulation de l’eau de la gouttière située au sud de l’ancien portique. L’ancienne canalisation au sol, en circulant du nord vers le sud, passait entre les deux maisons I 14, 1 et 2, pour se déverser dans la citerne présente dans la cour G58 (fig. 191). En superposant à cette ancienne gouttière qui longeait les murs ouest de la maison une nouvelle canalisation dont la pente était cette fois inclinée vers le nord, l’artisan a pu ajouter à la collecte de l’eau de son propre toit tombant dans le bassin celle qui venait de la maison voisine (fig. 192). Ainsi peut s’expliquer la présence d’une nouvelle gouttière composée d’un alignement de plaques de terre cuite très courbes qui trouve son point de départ au sud de la maison. Reposant sur un muret d’environ 0,20 m de hauteur bâti dans la conduite précédente, elle en suit le tracé rectiligne jusqu’au mur sud délimitant l’espace L. Après être passée sous la fenêtre de l’atrium ouvrant sur le jardin (Cf. fig. 186), elle redescend sur le sol au niveau de l’ancienne gouttière, à environ 1,50 m du mur sud de L. Alors que cette dernière continuait en droite ligne jusqu’au mur — comme l’indiquent les restes d’enduit hydraulique conservés contre le mur — la nouvelle conduite dévie vers l’ouest pour se rapprocher du bassin. À cet endroit sa structure est modifiée : la conduite en terre cuite courbe s’interrompt au profit d’une canalisation maçonnée de section quadrangulaire revêtue d’enduit hydraulique (fig. 193). Celle-ci passe ensuite sous le mur sud (rallongé) de l’espace L, contre lequel est appuyé l’escalier extérieur, pour rejoindre le bassin. Dans la partie comprise dans l’espace L, la canalisation se raccordant au bassin est régulièrement bâtie et soigneusement recouverte d’enduit hydraulique, identique dans sa structure à la section qui précède le passage sous le mur (Cf. fig. 185)
71– d’autre part, en allongeant l’auvent de l’ancien portique jusqu’à l’aplomb du bassin bâti en gagnant de l’espace sur le jardin59. Cet aménagement permettait de faire du bassin lui-même une gouttière récupérant l’eau du toit pour alimenter la citerne, mais également de disposer d’une aire de travail abritée plus spacieuse. En outre, le mur sud de l’ancien portique a été allongé d’un mètre environ vers l’ouest, puisqu’il surmonte la canalisation quadrangulaire nouvellement aménagée. La section ajoutée pour supporter la charpente de l’avancée du toit comporte d’ailleurs un parement différent de celui du mur antérieur : elle est composée de blocs liés à la terre et non au mortier, comme pour le reste du mur. Ce dernier vient de la sorte s’arrêter à l’extrémité sud du bassin, au niveau du raccordement de canalisation à celui-ci. À cet endroit, du côté de l’aire L, il est recouvert d’enduit hydraulique, comme toute l’installation (Cf. fig. 185).
72La réalisation de tels travaux permettait au vannier de disposer d’eau à tout moment de l’année : la gouttière surélevée circulant dans le sens sud/nord alimentait le bassin en eau pluviale, et le bassin lui-même, collectant en plus l’eau de la toiture qui se trouvait à l’aplomb, servait de conduite pour remplir la citerne voisine. Le remplissage de la citerne s’effectuait en bouchant l’évacuation vers le canal d’égout placée dans la paroi nord du bassin, tandis que lorsqu’il était nécessaire d’immerger des végétaux, on bouchait la surverse de la paroi est vers la citerne, afin que celle-ci ne recueillît pas les eaux usées. Lorsque les opérations de trempage ou de macération étaient terminées, il suffisait d’évacuer l’eau dans la rue par l’égout recouvert d’un chemisage situé au nord de l’espace L. Le bassin avait été raccordé à cette canalisation d’égout préexistante en faisant un coude, puis le raccordement avait été masqué par une banquette maçonnée établie contre la paroi nord du bassin.
73Le vannier, tout préoccupé par l’aspect fonctionnel, a, semble-t-il, fait au plus simple et au plus économique en empruntant le tracé de l’ancienne gouttière au sol pour alimenter sa citerne. Il a choisi, en complément de l’eau pluviale récupérée grâce au toit qu’il avait allongé au-dessus du bassin, de collecter l’eau s’écoulant de la toiture de son voisin60.
74Une fois ces installations hydrauliques achevées, un revêtement soigné a été appliqué sur la totalité de l’aire de travail : mortier de tuileau rose bien lissé sur le bassin, la citerne, le chemisage de l’égout ainsi que sur la base des murs en une plinthe de 1,20 m environ délimitée par un filet rouge ; enduit blanc, également bien lissé, sur les murs ; sol recouvert d’un signinum gris uniforme. Lors de la pose du nouveau sol, ceux des pièces voisines (atrium au sud et œcus à l’est) étaient détruits au niveau et même au-delà des seuils. Ils n’ont pas été réparés. Il importe, dans cet ensemble, de relever la qualité des revêtements qui semblent presque neufs par rapport à ceux du reste de la maison.
75Cet espace de travail abrité, consacré à la préparation de la matière première végétale, était en activité lors de l’éruption du Vésuve : les fouilles menées en 1992 ont permis la mise au jour, contre le mur sud de L, tout près du bassin, d’un monticule de végétaux carbonisés, vraisemblablement des tiges de Graminées ou de Joncacées disposées en fagot debout contre le mur. Une autre provision de végétaux était appuyée contre le mur ouest, dans le bref couloir conduisant à l’atrium (fig. 194). Une pile de nattes terminées aurait également été découverte en ce lieu61. Il n’en reste rien.
76Le soin apporté par le fabricant de nattes à l’aménagement de son espace de travail sous l’ancien portique n’a d’égal que le faible intérêt qu’il a manifesté par rapport au reste de l’habitation. Aucune autre pièce, en effet, ne paraît avoir subi de modifications architecturales en lien avec l’exercice de son activité. Le vannier s’est limité à réoccuper les espaces de la maison, sans tenir compte de l’affectation des pièces dans l’état précédant son installation, à l’exception de la latrine. Ainsi, le salon décoré (H), la petite chambre (I) et la cuisine (J) situées à l’arrière de celui-ci sont devenus des lieux de travail et de stockage de la matière première nécessaire à l’artisan mais peut-être aussi des produits finis qu’il s’apprêtait à commercialiser.
77Au moment de l’installation de l’artisan, chacune de ces pièces — toutes situées au dos de l’aire de trempage couverte — a perdu sa fonction d’origine.
78Il paraît logique d’imaginer que l’œcus H, salle la plus vaste, avait été transformé en atelier de tressage. La confection de nattes requiert en effet de l’espace étant donné la taille des objets produits. De surcroît, on peut avoir recours à de larges cadres de bois dans lesquels les brins sont tendus pour faciliter l’entrelacement (fig. 195). Parmi le mobilier mis au jour dans la pièce en 1992, on signalera la présence d’un instrument similaire à un poinçon62 : sont conservés deux fragments jointifs d’une tige en fer de section ronde, dont une extrémité est en pointe (L. : 9,8 cm ; diam. : 3,5 à 5 mm) ; l’extrémité opposée (pourvue d’un chas à l’origine ?) est perdue (Cf. fig. 27). On ne peut être assuré de la provenance exacte de l’objet : la pièce en rez-de-chaussée elle-même ou bien l’étage effondré qui se trouvait au-dessus. Outre cet éventuel outil, furent mis au jour des vestiges assez importants de végétaux carbonisés de type Joncacées ou Graminées, appuyés contre le mur nord de la pièce, visibles sur des photographies prises à l’époque et conservées à la Surintendance63. L’analyse des échantillons conservés dans le dépôt a aussi mis en évidence la présence d’une branche de sapin (Abies sp.) dans la pièce. Le salon avait perdu sa fonction représentative, l’artisan a montré qu’il faisait peu de cas des peintures qui le décoraient en disposant ses matériaux contre les murs. Des découvertes de même nature ont été réalisées dans les deux pièces I et J, clairement transformées en salles de stockage de la matière première.
79Dans l’angle sud-est de l’ancien cubiculum (I), se trouve encore un monticule de végétaux, conserve sur environ 0,70 m de hauteur. Il est constitué majoritairement de fibres noires carbonisées, mais aussi, dans l’alignement du mur sud, d’une mince bande de fibres blanches non carbonisées, conservées sous forme de paillettes (vestiges d’june planche ?). Son mauvais état de conservation n’a pas permis d’en prélever des échantillons botaniques en vue d’analyse, lors de l’intervention de 2003. Au sommet du monticule, on distingue encore des fibres réduites à un état pulvérulent, tandis que des fragments de tiges se sont répandus à sa base (fig. 196). La botte de végétaux fut écrasée par la chute de l’étage supérieur, qui elle-même a entraîné celle des peintures murales de la pièce — des fragments de peintures sont d’ailleurs maintenus en place par le monticule, sur le mur est et sur le mur sud (fig. 197). Les gravats sont visibles parmi les fibres : moellons, restes de peintures et deux fragments d’une corniche moulurée en stuc, laquelle se trouvait au sommet de la pièce. Bien que ces événements aient réduit les végétaux à de très menus fragments et que les fibres conservées soient éparpillées dans tous les sens, il est vraisemblable que le monticule correspondait à des tiges de Graminées rangées verticalement contre les murs peints au moment de l’éruption, à l’instar de ce qui a été découvert dans la pièce voisine. Ceci se confirme par l’examen des photographies réalisées en 1992, qui paraissent révéler une orientation des tiges dans le sens est/ouest. Appuyées contre le mur oriental, elles auraient glissé à terre lors de l’écroulement du plafond.
80C’est l’ancienne cuisine (J) qui a livré la provision de végétaux la mieux conservée. L’opération menée en 2003 a donc concerné cette pièce en priorité64. Avant l’intervention, le monticule occupant l’angle sud-ouest de la salle était visible sur une hauteur de 0,90 m à partir du sommet conservé du potager, soit environ 1,30 m par rapport au sol de l’atelier. Son diamètre dépassait 0,70 m (fig. 198). Des branches de bois carbonisées (diam. : 7 à 9 cm) soit encore en place, soit disparues mais ayant laissé leur empreinte dans la cendre se dressaient verticalement en appui contre les vestiges du mur sud et contre le mur ouest (fig. 199). L’une d’entre elles (diam. : env. 5 cm) avait en partie éclaté à cause de la chaleur. La fouille a mis en évidence d’autres branches derrière celles qui étaient apparentes. Elle a permis de constater que celles-ci reposaient à la fois sur les restes du potager et contre son muret nord. Le potager était déjà brisé et sa hauteur avait diminué au moment de l’installation du nattier, lequel l’a laissé en l’état se contentant d’installer dessus son matériau. Sans défaire entièrement le monticule, partiellement laissé en place, il a été possible de dénombrer un minimum de vingt grosses branches, dont certaines pouvaient dépasser la longueur d’un mètre (fig. 200). L’analyse des prélèvements a permis de déterminer la présence de diverses essences de bois : une large majorité de saule (Salix sp.), du sapin (Abies sp.) et du hêtre (Fagus syluatica). Il n’est pas étonnant de trouver de grosses branches de bois ou des planches chez un vannier, outre les brins plus fins employés pour le tressage. Elles étaient destinées à divers usages : confection de claies, d’armatures ou encore de cadres pour tendre les brins pendant la confection des nattes.
81Il ne semble pas y avoir eu de tiges plus fines rangées avec les grosses branches sur le plan du potager. L’extrême fragilité des bois carbonisés a cependant empêché de sonder la partie du monticule en appui contre le mur ouest pour vérifier la présence de tiges entre les branches et le mur. Il est en revanche manifeste que, devant les branches appuyées contre le potager, était rangée une grande quantité de tiges de monocotylédones identifiées comme étant des Graminées. Les chaumes sont de diamètres divers (fig. 201 et 202). Largement écrasés par la chute du premier étage, les monocotylédones s’étaient affaissés et, brisés, avaient glissé du sud vers le nord, si bien qu’ils recouvraient la totalité du sol de la pièce jusqu’au mur nord en une couche épaisse (variant de 1 à 6 cm).
82Le décapage du sol visant à dégager le niveau d’occupation de l’atelier a donné lieu à une intéressante découverte. L’artisan avait installé un plancher de bois sur le sol de la pièce (fig. 203). Ce plancher recouvrait une couche de terre battue brune compacte qui elle-même se superposait au sol bétonné de l’ancienne cuisine65. Hormis des lacunes au niveau de l’entrée dans la pièce par le corridor K et le long du mur occidental de la latrine66, le plancher, assez bien conservé, recouvrait la totalité du sol de l’ancienne cuisine réaffectée. À l’évidence, il servait à préserver le stock de végétaux de l’humidité du sol en terre pour éviter leur pourrissement. Là encore, le pragmatique artisan a fait au plus économique. Alors qu’il pouvait conserver le sol en signinum de la chambre, le sol bétonné de la cuisine, pourtant imperméable à l’humidité, devait être en si mauvais état que, plutôt que de le restaurer, il s’est limité à lui substituer une couche de terre recouverte de planches.
83Un nombre indéterminé de planches étaient visibles par fragments, mais le sens des fibres permet de restituer la manière dont elles étaient disposées : dans le sens nord/sud, entre le mur nord et le monticule, puis une lacune, enfin une planche dans le sens est-ouest, au niveau du petit fagot de végétaux disposé contre le mur nord de la pièce (fig. 204). Leur état de conservation n’a pas permis de faire d’analyse pour déterminer les espèces de bois utilisées. Les planches étaient brisées et gondolées sous la pression des matériaux qui se sont effondrés dessus et les Graminées avaient comblé les interstices où les planches ne s’étaient pas conservées.
84Une seule planche orientée différemment des autres a été reconnue, sous une couche de chaumes carbonisés épaisse de 1,5 à 3 cm. L’examen du sens des fibres conservées a montré que ces chaumes étaient disposés, comme la planche qu’ils recouvraient, dans le sens est/ouest (fig. 205). Ils constituaient un fagot indépendant, rangé au nord de la pièce. Celui-ci se composait de fragments de Graminées très humides et friables, mêlés à des lapilli et de la cendre, ainsi que d’une bûche de bois en place (Salix sp.), accompagnée de charbons de cyprès (Cupressus semperuirens) et de charme (Carpinus betulus). Il est possible que les tiges aient été disposées en une botte couchée sur le sol parallèlement au mur nord. Il était d’autant plus nécessaire d’isoler les végétaux du sol qu’à cet endroit s’écoulait l’égout, générant de l’humidité. Aux abords de la latrine voisine, d’ailleurs, on a relevé que la couche de Graminées brisées s’épaississait et se compactait sous l’effet de cette humidité.
85Les résultats des prélèvements botaniques n’ont malheureusement pas apporté de réponses aux questions en suspens concernant les matériaux employés. Aucun des échantillons — trop fragmentaires — n’a permis l’identification d’une espèce précise. On sait seulement que deux espèces différentes de monocotylédones appartenant à la famille des Graminées figuraient parmi la matière première mise en œuvre par le fabricant de nattes. Les Graminées sont généralement récoltées avant l’été — mai ou juin — ou à l’automne, puis on les fait sécher à l’air libre. Elles peuvent alors être conservées, dans une pièce obscure, pendant plusieurs années. Une immersion dans l’eau leur rend leur flexibilité au moment du tressage.
86En somme, le dernier occupant de la maison a laissé, dans cet ensemble de pièces, les aménagements de l’état précédent tels qu’ils se présentaient au moment de son installation, sans doute dégradés à la suite d’un séisme. À des fins de stockage, point n’était besoin de restaurer le potager ni le sol de béton de la cuisine. De cet ensemble plus ancien, la latrine semble être la seule installation que l’artisan a continué d’utiliser.
87Puisque la partie septentrionale de la maison a évolué dans un sens purement fonctionnel propre à l’exercice du métier, il convient de chercher ailleurs la partie privative de l’habitation occupée par le vannier (fig. 206). Plusieurs indices convergents permettent de penser que la partie résidentielle se situait à l’étage surplombant les pièces constituant l’atelier. Tout d’abord, un élément architectural : l’escalier se trouvant dans le jardin, dont tout porte à penser qu’il a été bâti lors de l’aménagement de la vannerie. Lors de l’installation des structures hydrauliques, en effet, le prolongement du mur sud de l’espace L d’environ un mètre vers l’ouest semble avoir répondu à un double objectif : non seulement il permettait de supporter l’avancée du toit, mais encore il pouvait servir d’appui à la montée d’escalier. Cette nouvelle section de mur a été bâtie au-dessus de la canalisation quadrangulaire nouvellement aménagée par l’artisan, et le côté nord de l’escalier s’appuie en partie sur elle. À sa base, l’escalier est accolé à l’extrémité sud du bassin de trempage dont il se substitue au rebord. Ses treize marches, irrégulières, sont constituées de briques posées à plat (Cf. fig. 160 et 190).
88Un autre indice de l’occupation de l’étage par le vannier est que la majeure partie du mobilier mis au jour pendant les fouilles provient de son effondrement. Cela est assuré pour l’intervention de 2003, un peu plus hypothétique pour celle de 1992. Cependant, il faut sans doute attribuer à cette partie privative une bonne partie du matériel conservé dans le dépôt archéologique67. La présence, parmi le mobilier, d’un autel portatif provenant de ce niveau supérieur (Cf. fig. 144) est le témoignage de la dévotion de l’occupant de la demeure. Quant au pendentif ithyphallique (Cf. fig. 143), il rappelle que son propriétaire souhaitait se placer à l’abri des mauvais esprits. Ces attributs s’accordent avec ce que l’on connaît des pratiques des artisans et boutiquiers de la ville pour conjurer le mauvais sort (Van Andringa 2009, p. 291-292, 323).
89L’étage où vivait le dernier occupant du lieu couvrait le salon, l’ancienne cuisine et l’ancienne chambre. L’examen des restes de peintures fragmentaires permet d’attribuer peut-être certains d’entre eux au décor de la partie privative : éléments de plafond à bordure bleue, parois à fond bleu notamment, qui ne s’accordent pas avec les décors du rez-de-chaussée68. Le revêtement mural était peut-être surmonté d’une corniche moulurée en terre cuite dont un fragment est conservé dans le dépôt — l’identification de plusieurs morceaux de moulures en stuc à la corniche du salon conduit à attribuer, sous réserve, les éléments de terre cuite au décor de l’étage. Le sol était en signinum : de nombreux fragments en ont été découverts au-dessus de la couche de lapilli qui recouvrait le salon (fig. 207).
90Le nouvel escalier extérieur permettait à l’artisan de descendre directement de son habitation dans le jardin, lequel, depuis la construction du bassin de trempage, ne disposait plus d’aucun accès direct sauf à enjamber ce bassin. De la sorte, le vannier a pu conserver la jouissance du triclinium d’été qui y avait été bâti par un des anciens occupants. Les travaux réalisées par l’équipe de W. Jashemski ont montré la présence de restes alimentaires tout autour de celui-ci, vestiges qui peuvent aussi bien être liés à l’ultime phase d’occupation de la maison qu’à une occupation antérieure. Quoi qu’il en soit, l’artisan avait continué de profiter du jardin et des arbres qui y étaient plantés, et il y cultivait certainement quelques plantes alimentaires, comme l’indique la découverte de fèves carbonisées69.
91Dans la partie méridionale de la maison, antérieurement à l’installation de l’artisan, il existait déjà un escalier (en E) desservant un étage situé au-dessus des pièces entourant l’atrium. Le vannier en a rajouté un pour conduire au-dessus de l’atelier, à un étage qui n’était apparemment pas lié à celui de la partie sud. Il a pu s’installer dans cette partie de la maison parce que la partie sud, endommagée à la suite d’un séisme, n’était pas habitable. De fait, aucun mobilier ne provient du groupe des pièces situées au sud de la demeure70. En outre, le compte rendu des fouilles de 1958 signalait la présence dans l’atrium de matériaux de charpente et de couverture — poutres et tuiles —, témoins certains de travaux en cours en 79, confortés par l’aspect dégradé des pièces C, D, E et F, aux sols détruits et aux peintures abîmées, piquetées par endroits. Les fouilles de 1992 ont également livré, dans l’angle nord-est de l’atrium, du bois d’œuvre carbonisé, peut-être nécessaire à ces travaux71. L’atrium, passage obligé pour se rendre dans l’atelier, en était devenu en quelque sorte une annexe : en 1958, on y a retrouvé une pile de nattes, produits finis très probablement en attente d’être commercialisés72. Quant à l’espace découvert G, de par son statut particulier, il n’était pas utilisé au moment du fonctionnement de l’atelier de vannerie73. Tout se passe comme si la partie sud de la demeure était tombée en déshérence à l’époque du fonctionnement de l’officine de vannerie, tout au moins dans l’attente de la fin de travaux de réfection engagés en 79 ou peu de temps auparavant.
92La maison I 14, 2 a pu être qualifiée de « modeste » (Jashemski 1979 ; Nappo 1993-1994). Elle l’était, certes, au moment de son occupation par son dernier habitant, un artisan fabricant des nattes. Le mobilier mis au jour à l’intérieur, ainsi que le métier même qui y était pratiqué, peu lucratif, en témoignent. L’artisan, dans les modifications architecturales qu’il lui a apportées, a pourvu au plus simple avec pragmatisme, grâce à divers stratagèmes. Ce sont des aménagements fonctionnels, basiques, liés à l’exercice du métier, qui ont prévalu dans cette ultime phase d’occupation où la partie méridionale de la maison était délaissée au profit de la partie septentrionale. Antérieurement à cette transformation en atelier, cependant, la maison était habitée par une catégorie sociale d’un niveau plus élevé — une classe moyenne —, comme l’attestent à la fois les peintures murales du IVe style de belle facture ornant le salon et une chambre, et les pavements de qualité mis au jour dans plusieurs pièces.
93Il est difficile de déterminer le nombre et la durée des phases d’occupation de la maison. En tout état de cause, seules deux périodes d’occupation sont décelables. En l’absence d’éléments matériels probants, la chronologie est liée, en particulier, à la datation des peintures du IVe style ornant les murs, dont il est évident que l’artisan ne fut pas le commanditaire. La chronologie proposée pour le IVe style par les spécialistes le fait débuter en 45 apr. J. -C. au plus tôt, en 79 au plus tard74. Cependant, à Pompéi et Herculanum, la plupart des peintures de ce style sont à rattacher aux années suivant le tremblement de terre de 63, selon les dernières analyses (Esposito 2009, p. 16-17). Si l’on admet, par conséquent, que la pose des enduits peints de IVe style dans le salon et dans une chambre correspond à une restauration entreprise à la suite du grand séisme, il faut conclure qu’elle est le fait d’un autre occupant ayant précédé l’artisan dans la maison. Soit il s’agissait d’un nouveau résident réinvestissant le lieu à ce moment-là, soit l’ancien occupant était demeuré sur place après le séisme. Par la suite, la maison a pu passer de main en main plusieurs fois entre 63 et 79, mais parmi ces éventuelles séquences d’occupation une seule est assurée, celle qui concerne le vannier. Ainsi, l’idée généralement admise que les artisans réinvestissent les maisons abandonnées à la suite de la catastrophe de 6375 se trouve en l’occurrence invalidée. En revanche, entre 63 et 79, alors que la maison est déjà, au moins dans sa moitié nord76, restaurée et habitée par le commanditaire de la décoration voire par d’autres occupants lui ayant succédé, survient la cession du bâtiment au fabricant de nattes. Celle-ci peut avoir été causée par un nouvel épisode sismique qui expliquerait les travaux de restauration en cours en 79 dans la maison77 mais aussi, plus simplement, par un banal changement de propriétaire ou de locataire. L’artisan nouvel occupant entreprend alors des travaux dans la partie nord en priorité, car il lui est plus commode d’y aménager ses structures de travail en fonction des installations hydrauliques préexistantes. Ce secteur de l’habitation était du reste en meilleur état que la partie sud, ce qui lui permit d’y aménager également son logement privé. Puis, dans un second temps, il engage la rénovation de la partie méridionale qui ne lui était pas particulièrement utile pour l’exercice de son métier, travaux brusquement interrompus par l’éruption de 79. Les pièces méridionales de la maison, en effet, étaient en deshérence à son arrivée. Peut-être n’avaient-elles jamais été restaurées depuis 63 : la reconstruction aurait débuté par le nord, puis le propriétaire aurait vendu ou loué son bien avant l’achèvement complet des travaux. Peut-être la partie sud avait-elle moins bien résisté que le nord à d’éventuelles secousses liées à un événement tellurique postérieur à celui de 63. Quoi qu’il en soit, la transformation en officine se produisit à une époque que l’on ne peut déterminer, sans doute quelques années seulement avant l’éruption de 79. Le soin porté aux aménagements artisanaux, le remarquable état de conservation des enduits hydrauliques au niveau de l’espace de travail, où aucune trace indiquant un usage prolongé n’est décelable, pourraient témoigner d’une installation de peu antérieure à la catastrophe. En somme, le changement d’usage de la maison I 14, 2 paraît procéder du cours normal de la vie d’une cité plutôt que du phénomène général de mutation sociale, économique et urbaine consécutif au séisme de 63 admis par certains chercheurs.
94Au-delà de ces conjectures s’appliquant aux derniers états d’occupation, il est extrêmement ardu de cerner la longue histoire vécue par la maison depuis son origine et bien des questions demeurent en suspens quant à l’organisation de ses espaces. Il n’en reste pas moins qu’elle représente un cas unique, puisqu’elle renferme le seul atelier de vannerie romain conservé et qu’elle apporte de nouvelles connaissances sur un artisanat archéologiquement peu documenté. Sous l’aspect de l’organisation du travail, les découvertes réalisées dans les différentes pièces témoignent que l’artisan — opportunément nommé tegettarius par l’épigraphie pompéienne — procédait dans un même lieu à toutes les étapes successives du travail de fabrication de nattes en maîtrisant toute la chaîne opératoire : il y stockait sa provision de matériau, réalisait les opérations préliminaires au tressage, procédait à la fabrication, et enfin, y vendait son produit fini78. Du point de vue lexicographique, les informations livrées par cet atelier tendent à indiquer — et c’est à mon sens un de leurs apports majeurs — que le nom de métier latin utilisé à Pompéi, bien qu’étant un hapax, caractérisait une activité spécifique et non, comme on aurait pu le penser en l’absence d’occurrence du nom de métier classique désignant le vannier79, une activité plus générique de vannerie. Le tegetarius occupant la maison était spécialisé dans la production d’un type d’article unique, la natte. Sa dénomination ne lui venait pas d’un objet qu’il aurait mis en avant parmi l’éventail d’une production plus diversifiée. Nous avons ici un exemple de cette précision lexicale propre au monde du travail romain, relevée par de nombreux chercheurs et suscitant la perplexité quant à la réalité, dans l’économie antique, d’une division aussi fine des métiers par type de production. Alors que certains historiens ont supposé que la variété des noms de métiers ne représentait pas réellement une répartition du travail de production80, le nom de tegetarius semble bien, en l’occurrence, témoigner d’une division des spécialités ressortissant à l’activité vannière, à l’instar, du reste, des pratiques connues pour les époques postérieures, médiévale et moderne. Il est frappant de voir que, dans un même lieu, le terme unique employé pour désigner le métier s’accorde parfaitement avec les découvertes archéologiques qui lui sont rattachées. Ainsi, malgré toutes les questions et toutes les réponses conjecturales qu’elle suscite, la maison I 14, 2 offre l’opportunité de donner à l’activité de tegetarius une place concrète non seulement dans le paysage artisanal d’une cité, mais encore dans le contexte plus large de l’artisanat antique.
Notes de bas de page
1 La date du tremblement de terre (5 février 62 ou 5 février 63) est discutée : en dernier lieu Wallace-Hadrill 2003 et Savino 2010 proposent l’année 63, sur la base de l’analyse chronologique de la rédaction du sixième livre des Naturales Quaestiones par Sénèque. Par convention, c’est cette année qui sera retenue ici.
2 La relation exclusive de ces transformations urbaines avec le tremblement de terre de 63 est aujourd’hui remise en cause par certains chercheurs, par exemple Allison 2004, p. 21.
3 Ces dernières années, le débat a été relancé à propos de l’éventualité d’un deuxième grand tremblement de terre survenu après celui de 63, peut-être en 64 d’après les mentions littéraires : Allison 2004, p. 17-19 (avec bibliographie). Entre 64 et 79, des secousses telluriques répétées auraient en outre affecté l’ensemble de l’aire vésuvienne. Les nombreux travaux de restauration en cours en 79, à plus ou moins grande échelle, mis en évidence dans un grand nombre de bâtiments de la ville tendent à accréditer cette hypothèse : pour des demeures voisines de I 14, 2, via di Nocera, voir Nappo 1995 (il prend pour exemple, entre autres, la maison I 14, 12, p. 49-52) ; De Simone 1995. Pour d’autres secteurs de la cité : Varone 1995 ; Ling 1995 ; Allison 2004, p. 179-192 ; Varone 2005, p. 191 ; Berg 2005, p. 201. De même, les recherches portant sur l’insula du Ménandre (I 10) ont montré que beaucoup des espaces d’habitation ou de travail de l’îlot étaient abandonnés au moment de l’éruption et que, parfois, les travaux de rénovation engagés avaient été interrompus : Allison 2006, p. 399-405.
4 F. Proto, dans son inventaire des lieux de production et de commerce de la Regio I, ne fait pas mention de l’atelier de nattes mais seulement des six autres unités, dont trois à l’activité « incerta » : Proto 2006, p. 27.
5 Journal de fouille conservé à Pompéi, « casa Bacco », carton VII. Parallèlement, une mention au registre d’inventaire du mobilier en date du 7 avril 1954 est particulièrement digne d’intérêt, bien qu’il soit difficile de localiser précisément la découverte d’après la description consignée : « 10730. Reg. II, ins. XIV [ = I 14], 1° ambiente interno del primo vano dell’isola XIV di fronte all’isola XII [ = II 9] che ha la parete con programma in rosso. Vegetale : strame carbonizzato in rilevante quantità cioè quattro casse della misura grande ; si notano abbondanti finamenti liscie diritti lunghi da 30 a 40 cm. » Il pourrait bien s’agir de la première signalisation de chaumes carbonisés en I 14, 2.
6 Journal de fouille, « casa Bacco », carton IX, p. 76-78.
7 Jashemski, 1975, p. 73-77 (« The garden of a modest house »); 1979, p. 94-97 (photographie aérienne p. 96, fig. 152); 1993, p. 59-60, n° 101. Voir infra p. 157, les informations sur les plantes retrouvées dans le jardin.
8 Les opérations de fouille et de restauration ont été réalisées grâce aux « fondi legge 449/87 ». Les archives de ce programme sont déposées à la Surintendance de Pompéi (archivio fondo FIO, legge 449/87). J’ai pu les consulter grâce à une autorisation spéciale du Surintendant, M. P. G. Guzzo, que je remercie vivement. Les travaux archéologiques étaient supervises par MM. A. De Simone et S. C. Nappo. Ils n’ont donné lieu qu’à de très brefs comptes rendus englobant tous les travaux réalisés sur l’îlot 14, conservés avec les photographies réalisées au moment de la fouille.
9 Conticello 1993. A. De Simone mentionne brièvement la découverte et donne une photographie d’un « cumulo di giunchi » découvert dans la maison : De Simone 1997, p. 41-42, fig. 6. Auparavant, les quelques mentions de la maison font état d’une taverne, en raison de la présence de vignes autour du triclinium d’été : Tchernia 1979, p. 89 et n. 14 ; d’une habitation : CTP, 1986, p. 26 ; ou encore d’un « stabulum ? » : Eschebach 1993, p. 72.
10 L’ensemble des peintures murales est inédit. Mention du sol mosaïqué, avec photographie, dans Nappo 2001, p. 344-345. Voir, en annexe, les études de Véronique Blanc-Bijon sur l’ensemble des sols et de Florence Monier sur l’ensemble des peintures.
11 Voir, en annexe, la contribution d’Emmanuel Botte sur les amphores.
12 Thème de recherche : « Innovations techniques et rythmes économiques ».
13 Thème de recherche, n° 2 : « Techniques, production, commerce dans le monde méditerranéen ».
14 Aucun mobilier issu de l’exploration de la partie méridionale n’a été inventorié dans les registres du dépôt archéologique en 1958. Il n’y avait apparemment aucun objet particulièrement remarquable aux yeux des fouilleurs. En revanche, au moment du dégagement sud-nord des façades bordant la via di Nocera, on note l’enregistrement, le 6 juillet 1954, de deux lampes de terre cuite (inv. 10939) dites provenir de II XIV, 2 (ex I 14), sans autre precision : « 2 lucerne di cui una bilychne rotta e mancante dell’ansa e di parte del disco, il quale reca un aquila male impressa ; misura 0,115, D° 0,07. L’altra è monolychne semplice ed è rotta e mancante del disco, e reca una croce ; lunga 0,105, D° 0,065. » Les deux lampes se trouvent dans le dépôt archéologique de Pompéi.
15 Le pendentif est déposé dans le dépôt archéologique de la Casa Bacco et ainsi décrit sur sa fiche d’inventaire (découverte du 3 septembre 1992) : « Tintinnabulum di bronzo rappresentante un pene e una mano in segno irreverente. Alt. 4,6 cm ; lungh. 7,7 cm. » Le mobilier non inventorié est conservé dans un dépôt installé dans la maison voisine I 14, 1. On ignore le contexte précis des découvertes, en l’absence de rapport. Le matériel provient des pièces 7, 8, 9 et 10 de la nomenclature des fouilleurs, c’est-à-dire de l’oecus (7), de l’ancienne cuisine (8 ou 9 ?), de l’ancien cubiculum (9 ou 8 ?) et du jardin ou de l’espace bétonné couvert (10). Voir, en annexe, les analyses de Tomoo Mukai et Emmanuel Botte. Une monnaie de bronze est par ailleurs signalée comme provenant de la maison (sans précision) par Giove 2007, p. 207.
16 Lors du déblaiement de la couche de chaumes qui jonchait le sol de J, à proximité du monticule végétal, quelques éléments de mobilier ont été mis au jour sur le plancher. D’autres objets, notamment l’autel, ont été découverts sous une épaisseur de 3 cm de graminées, dans une couche terreuse marron foncé formant une poche au niveau du centre du mur ouest de la latrine. Ce mobilier était mêlé aux moellons du mur écroulé et à du mortier blanc – vestige du sol bétonné antérieur à la vannerie. Le matériel collecté en 2003 a été consigné au dépôt archéologique de la porta di Stabia.
17 Voir les études génériques de Salvatore Ciro Nappo sur ce type d’habitat : Nappo 1994 ; 1995 ; 1997 ; 2001.
18 Cette chronologie a été proposée sur la base de critères architecturaux et des techniques édilitaires mises en œuvre (mais voir la note suivante) : Cf. Hoffman 1979 ; Nappo 1994 ; 1997 ; Pesando 1997, p. 211-213. Contrairement à Hoffman 1979, p. 112-113, Nappo 1997, p. 100, pense que les maisons originelles étaient dépourvues d’étage et qu’elles s’articulaient autour d’un atrium découvert. Pour Pesando 1997, p. 212, ce type d’habitation était pourvu dès l’origine d’un étage au-dessus de la partie entourant l’atrium. De fait, la maison I 14, 2 présente en façade, au-dessus de l’entrée, les vestiges d’une fenêtre encadrée de travertin appartenant peut-être au bâtiment originel.
19 Nappo 2001, p. 344. Pour ce qui est de la partie la plus ancienne (partie sud de la maison ou se trouve l’entrée), il est possible que la façade en grand appareil provienne de la récupération des blocs du rempart de type grec comme dans le cas de la Casa degli Scienziati (VI 14, 43, du IVe siècle av. J.-C. [ ?], Cf. Haan 2005), la Casa del Chirurgo (VI 1, 10, du IIIe siècle av. J.-C., Cf. Pesando 1997, p. 183-184) et la tannerie I 5 (Brun 2008, p. 68). Si tel était le cas, la datation de la maison pourrait être remontée dans le IIIe siècle, peut-être vers le milieu. Pour ce qui est de la partie nord, plus récente, le sol mosaïque que S. C. Nappo rattache au premier état du salon H (Nappo 2001, p. 345) et la voûte composée d’amphores puniques remployées paraissent constituer un ensemble correspondant à un état datable de la fin du IIe siecle av. J. -C. (voir ci-dessus).
20 L’espace G renferme des structures hydrauliques. Une citerne (diam. : 0,48 m) est aménagée dans son angle nord-ouest. Celle-ci collectait les eaux pluviales récupérées par l’ancienne gouttière au sol de I 14, 2 fonctionnant dans le sens nord/sud, qui empruntait l’étroit ambitus ; un déversoir est encore visible à ras du sol. L’orifice de la citerne est entouré d’une structure carrée maçonnée encastrée dans le sol (1,03 x 1,125 m), composée de blocs de basalte et de travertin lies au mortier, recouverte d’enduit de tuileau. Une autre gouttière au sol recouverte d’enduit hydraulique, surélevée de 0,37 m par rapport à un sol bétonné gris partiellement conserve, est bâtie le long du mur sud de G (L. : 10,97 m ; l. : 0,60 m) ; débouchant dans la rue, elle servait à évacuer l’eau tombant du toit de la maison I 14, 1.
21 Il est possible que l’atrium ait été restauré après 63, au moment où le décor de IVe style était réalisé dans le salon et le cubiculum de la partie nord de la maison.
22 Analyse de Florence Monier en annexe. Une photographie prise en 1992, conservée aux archives de la Surintendance, montre les restes, alors davantage visibles, de la décoration de la niche.
23 La hauteur plutôt élevée à laquelle le laraire fut aménagé permettait de garder les statuettes à l’abri. Les dieux pouvaient ainsi dominer et surveiller la maison et les activités domestiques, conformément à leur rang. Comme aucune statuette religieuse n’a été mise au jour dans la maison, les divinités ont pu être emportées lors de son abandon au moment de l’éruption. Cependant, l’atrium étant partiellement ruiné en 79, il se peut que le laraire ait été désaffecté et que l’autel portatif provenant de l’étage (voir supra) soit le témoin du culte rendu aux divinités protectrices. Le sanctuaire domestique aurait ainsi été déplacé dans la maison, avec la présence d’un lieu de culte à l’étage occupé par le nattier (voir infra). Je remercie vivement William Van Andringa de m’avoir apporté de précieuses informations et renvoie à son ouvrage : Van Andringa 2009, chap. 8 (Religion et vie domestique), p. 217-269, part. p. 220-225. Voir également Bassani 2008 et Laforge 2009.
24 Voir en annexe son étude par Véronique Blanc-Bijon
25 Elle avait appartenu à la maison primitive et ne fonctionnait plus au moment où l’atelier était en activité. Sa bouche porte encore des restes de parement interne.
26 Nappo 2001, p. 345, note 7, confirme par l’examen réalisé par Florence Monier.
27 Le massif maçonné pourrait avoir constitué la base d’une installation artisanale, peut-être une presse à vis selon Jean-Pierre Brun.
28 Comme le cubiculum C, la pièce D correspondrait à une des premières phases de construction de la maison.
29 Jashemski 1993, p. 60, n° 102. L’auteur ne donne pas d’éléments permettant de justifier son hypothèse.
30 Le piédroit sud de la baie du salon est constitué de tuiles retaillées, tandis que le piédroit nord est composé de deux gros blocs rectangulaires de calcaire du Sarno insérés dans un appareil en moellons. Cette différence peut être l’indice d’une réfection de la baie après 63, avant la pose des peintures murales (Cf. Maiuri 1942, p. 198). D’après les documents d’archives, il semble par ailleurs qu’insère dans le piédroit nord, un muret bas faisait saillie, « davanzale con parte superiore in legno coperto di malta » (légende d’un cliche Fondi legge 449), rétrécissant le passage. Rien n’en est plus visible aujourd’hui, le segment nord du mur ouest étant totalement restauré.
31 Voir, en annexe, leur étude détaillée et leur datation par Florence Monier.
32 Nappo 2001, p. 345, note 6, précise que la restauration des peintures, entreprise en 1999 alors que les fouilles ont eu lieu en 1992 n’a pas été poursuivie. Les fragments qui avaient été mis de côté et protégés en 1992 en vue d’une restauration immédiate ont subi de graves dommages et n’ont plus pu être exploités en 1999. Ils sont encore sur le site, dans un très mauvais état de conservation et désormais inexploitables. Le dépôt de mobilier des fouilles de 1992 contient également de nombreux fragments. S. C. Nappo fait allusion à une abondante documentation graphique et photographique réalisée lors des fouilles, non retrouvée dans les archives de la Surintendance.
33 Conticello 1993, p. 703; Nappo 2001, p. 345, note 6. Sur le mythe, lire Ovide, Met., 4, 55-166. Quelques autres représentations de ce mythe ont été identifiées à Pompéi : maison de M. Lucretius Fronto (V 4, 11 : IIIe style tardif) ; IX 5, 14 (IVe style, MANN) ; maison de la Vénus en bikini (I 11, 6-7 : IVe style) ; maison d’Octauius Quartio (II 2, 2 : IVe style) ; I 14, 5 (disparue). Cf. Baldassarre 1981; LIMC, VII, 1 (1994), s.u. Pyramos & Thisbe; Hodske 2007, p. 246-247 et pl. 160.
34 C’est là un indice de l’antériorité de la porte par rapport à la pose du décor mural ; de fait, elle constituait l’unique moyen de passer du salon à la pièce I.
35 Brève description par Nappo 2001, p. 345. Voir, en annexe, l’analyse détaillée du pavement par Véronique Blanc-Bijon.
36 Exemples pompeiens dans les maisons I 16, 1 : De Vos 1979, p. 162, fig. 81 ; I 16, 4 (impluuium ; datation : Ier style) : PPM, II, p. 999, fig. 1 ; V 3, 8 (impluuium) ; VI 14, 39 (maison du Lucrum gaudium : impluuium) : voir les photographies données par Garcia y Garcia 2006, p. 93 ; VII 6, 28 (tablinum) ; VII 2, 16 (maison de M. Gauius Rufus) ; VIII 2, 26-27 (maison du Sanglier) ; IX 5, 2 (tablinum) : Blake 1930, p. 26 et pl. 3, 1. Des découvertes récentes prouvent cependant qu’une telle composition se rencontre encore au début du Ier siècle apr. J.-C. Pour d’autres exemples et sur les questions de datation, voir l’étude de V. Blanc-Bijon.
37 Dans le dépôt I 14, 1, marquée comme provenant de l’ambiente 9 ( ?) et non du salon (7), une caisse remplie de morceaux d’enduits peints contient notamment plusieurs fragments à fond jaune dont le revers conserve les empreintes de roseaux et de cordelettes caractéristiques des plafonds. L’analyse des fragments, de leur couleur et du décor qu’ils portent conduisent F. Monier à relier ces éléments de plafond au salon H (voir annexe).
38 Voir ci-dessus et l’annexe d’Emmanuel Botte à propos de la voûte. En l’absence d’indices sur l’existence des deux lunettes qu’impose la mise en place d’une voute, il est possible que le plafond ait été plat et suspendu sous les vestiges de l’ancienne voûte restés en place après le tremblement de terre de 63.
39 Cette restauration post 63 concerne majoritairement la partie nord de la demeure. Les vestiges de la partie sud ont été retrouvés en plus mauvais état. Seul l’enduit des murs de l’atrium a pu être refait après 63, lors de la phase de restauration du IVe style. Quant au décor peint de la pièce F, il ne peut être date en l’état actuel.
40 Lire les conclusions de V. Blanc-Bijon.
41 En son milieu, le vestige de mur comporte une cassure large de 0,56 m, a 0,15 m du sol. Aucun indice ne permet de savoir à quel moment il s’est effondré, assurément, au demeurant, après les restaurations de IVe style effectuées à la suite du séisme de 63, mais pas forcément à la suite d’un autre séisme.
42 Selon Kastenmeier 2007, p. 61, la hauteur des potagers est généralement de 0,80 m environ. La hauteur conservée ici, à partir du niveau du sol de béton de la cuisine antérieure au fonctionnement de l’atelier, est de 0,38 à 0,40 m. La fondation sous ce sol de béton reposait sur une assise de 0,17 m. Juste au nord du muret du potager, on relève la présence inexplicable d’une tranchée : effectuée durant les fouilles de 1992 ou bien lors d’une fouille de l’époque bourbonienne ?
43 Une analyse réalisée le 25 septembre 2003 au microscope (x 10) a démontré que le mortier date de l’époque antique. Je remercie vivement Carin Pettersson, chargée de conservation et de restauration du Projet suédois à Pompéi, d’avoir proposé son aide et réalisé l’analyse, ainsi qu’Ezequiel Pinto-Guillaume d’avoir traduit le rapport du suédois au français. Le mur nord de la pièce est par ailleurs percé d’un large trou (cunicule ?) sommairement rebouché.
44 Kastenmeier 2007, p. 57, a relevé que les cuisines situées en bordure d’une rue sont souvent dotées d’une fenêtre percée dans la partie haute du mur donnant sur la rue.
45 Voir Jansen 1997. Kastenmeier 2007, p. 55, à la suite de Jansen (art. cit., p. 128), observe qu’une majorité de latrines sont installées dans les lieux de service, particulièrement dans un angle de la cuisine car, outre qu’elles requéraient la présence d’eau à proximité immédiate pour être nettoyées, elles servaient à se débarrasser des eaux usées ainsi que de restes alimentaires divers.
46 Sur son cote oriental, la latrine s’appuie contre une grande porte murée (h. : 2,46 m) qui donnait directement sur le couloir K.
47 Vérifiée par un sondage, la couverture de tuiles de l’égout se trouve entre 0,10 et 0,16 m sous le niveau de circulation du couloir, en légère pente de l’ouest vers l’est, pour finir à 0,22 m de profondeur a son arrivée au niveau de la latrine, en J.
48 La citerne a été partiellement vidée de son remplissage de lapilli intact en 2003. Elle s’enfonce verticalement sur une profondeur d’au moins 3 m (pour des raisons de sécurité, il n’a pas été possible de descendre plus bas dans l’exploration). À partir de 0,50 m du sommet, plusieurs encoches sont régulièrement percées dans l’enduit sur les parois nord et sud de la structure. Elles permettaient à un homme de caler ses pieds pour descendre à l’intérieur et la curer.
49 Voir ci-dessus la photo prise en ballon par W. Jashemski (fig. 140) ; Jashemski 1993, p. 59, donne les dimensions du triclinium au moment de son dégagement : le lit le plus grand mesurait 3,35 m ; la table ronde avait un diamètre de 0,55 m ; la table rectangulaire avait 0,57 m de hauteur.
50 Voir aussi ci-dessus p. 136-137 à propos du mobilier.
51 Dans l’angle sud-ouest du jardin, un gros bloc de travertin aurait correspondu, selon les fouilleurs, a un autel a libations au pied duquel étaient enterres des os de porc, de bœuf et de mouton ou de chèvre, ainsi que des coquillages. Cette assertion est à accueillir avec prudence. On voit encore dans le jardin un gros bloc parallélépipédique dont rien n’indique qu’il ait pu avoir un usage cultuel.
52 En ce sens, Allison 2004, p. 21. Sur l’impact économique et social du séisme, Wallace Hadrill 1994, p. 122-123.
53 De brèves synthèses sur la maison et l’atelier ont été publiées : Cullin-Mingaud 2004 ; 2005 ; Borgard 2005, p. 310-314 ; Cullin-Mingaud 2007.
54 On peut penser que, dans une phase antérieure, la toiture de ce portique s’arrêtait à l’aplomb d’une gouttière au sol entraînant peut-être l’eau pluviale vers le nord, dans l’égout que l’on peut suivre en limite nord de la maison. La gouttière au sol fonctionnant dans le sens sud/nord semble avoir été interrompue au niveau du mur sud de l’aire L. Dans ce cas, au-delà de ce mur, au sud du portique, une seconde gouttière plate traçait droit tout le long des murs périmétraux ouest de la maison, dans l’ambitus étroit, pour alimenter la citerne présente dans l’angle nord-ouest de l’espace découvert G, laquelle constituait la réserve d’eau de la maison. La canalisation au sol est encore en partie visible sous la gouttière postérieurement installée par l’artisan, en particulier au niveau du jardin, sous la grande fenêtre ouvrant sur l’atrium. Selon ces propositions d’interprétation difficilement vérifiables et selon ce mode de fonctionnement peu commun, la circulation d’eau, antérieurement à l’installation de l’atelier, se faisait dans deux sens : sous le portique, du sud vers le nord ; à l’extérieur du portique, du nord vers le sud. Sinon, il faut imaginer une seule gouttière au sol de direction nord/sud, pour alimenter la citerne de G ; auquel cas, l’égout nord se déversant dans la rue pourrait avoir été l’œuvre de l’artisan en même temps qu’il créa sa citerne. La question est délicate en l’absence de fouilles exhaustives.
55 Quant à l’installation de la citerne, elle paraît être un aménagement créé ex nihilo. Aucune vérification n’a cependant pu être faite sous le sol bétonné.
56 Pour les bassins, Varron, R. R., 1, 13, 3 ; Palladius, Agr., 1, 31 ; Columelle, Rust., 1, 6, 21. Les agronomes mentionnent aussi l’usage de recueillir l’eau de pluie pour remplir ces bassins (Palladius, Agr., 1, 31 ; Columelle, Rust., 1, 5). Les textes sont cités au chapitre 2 de la première partie. Pour les opérations de préparation des divers végétaux, voir, par exemple, Columelle sur l’osier, Rust., 11, 2 : « S’il est desséché, pour avoir été coupé depuis trop longtemps, il faut le tremper dans un bassin » ; Caton, Agr., 33, 5. Pour l’opération de rouissage, voir Pline, N. H., 19, 28-29, qui évoque l’alfa, et 19, 16-17, qui évoque le lin (trad. J. André) : « On l’arrache alors, on le lie en bottes qui tiennent dans la main, et on le fait sécher au soleil, pendu, les racines tournées vers le haut, pendant un jour, puis pendant cinq autres jours en opposant les têtes des bottes afin que la graine tombe au milieu [...]. Puis, après la moisson du blé, les tiges elles-mêmes sont plongées dans de l’eau attiédie au soleil et maintenues au fond par un poids, car rien n’est plus léger. On reconnaît qu’elles sont rouies à l’écorce plus lâche ; on les fait à nouveau sécher au soleil la tête en bas, comme précédemment ; puis, une fois sèches, on les broie sur une pierre avec un maillet à étoupe. » Voir ci-dessus le chapitre consacré aux techniques (première partie, chapitre 2).
57 Sur la préférence accordée à l’eau pluviale par les Pompéiens et, plus généralement, sur la question de la distribution de l’eau à Pompéi, voir les travaux d’Hélène Dessales : Dessales 2007 et 2008.
58 Cf. ci-dessus note 54.
59 Le bassin, ainsi, serait construit à l’ouest du tracé rectiligne supposé de l’ancienne gouttière au sol sud/nord (voir supra note 54), masquée par le nouveau sol en signinum.
60 L’artisan a apparemment renoncé à récupérer l’eau recueillie dans son impluuium ; elle s’évacuait dans la rue.
61 Information orale de Mme Annamaria Ciarallo.
62 Je remercie Michel Pernot (CNRS-UMR 5060, Institut de recherche sur les archéomatériaux, Bordeaux), d’avoir examiné l’objet en 2003. Il a relevé que son oxydation était différente de celle des autres vestiges métalliques mis au jour dans la maison. L’objet fait penser à un outil, poinçon ou stylet, sans certitude absolue cependant.
63 Fondo FIO, legge 449/87 : une des photographies, ou l’on distingue à la base du mur un fagot carbonisé, a pour légende : « amb. 7, parete N : scavo della parte centrale e rinvenimento della decorazione pittorica e di giunchi appogiati alla parete, da S. » Voir aussi infra la fig. 207, où l’on aperçoit contre le mur du fond lesdits restes végétaux calcinés.
64 La fouille a été conduite du 15 au 22 septembre 2003 par Isabel Figueiral, archéobotaniste (CNRS-UMR 5059, Montpellier). Voir, en annexe, ses conclusions.
65 Le sol en terre battue de l’atelier est surélevé de 0,17 m environ par rapport à ce sol bétonné, visible dans une coupe réalisée au pied de l’angle sud-ouest de la latrine. La hauteur de la latrine est de 0,45 m par rapport au sol de l’atelier.
66 À cet endroit le sol a subi d’importants bouleversements, ce qui est la conséquence de l’effondrement de l’étage, d’une part, et de celui du mur occidental de la latrine, d’autre part.
67 Voir en début de chapitre, p. 136-137, le rapide inventaire du mobilier conservé.
68 On ne peut exclure, cependant, que les fragments muraux bleus aient appartenu à un décor plus ancien (de III e style) ornant une des pièces du rez-de-chaussée. De même, les fragments de plafond à bord bleu auraient pu être ceux de la chambre I (voir annexe).
69 Voir supra p. 134, note 7 et p. 157.
70 Sur la seule mention de découverte (très imprécise) retrouvée dans les registres d’inventaire de la SANP, voir supra note 14.
71 Fondo FIO, legge 449/87, légende d’une diapositive : « amb. 2, atrio : rinvenimento lungo la parete N di un cumulo di legna carbonizzata », d’où émerge une grosse bûche.
72 D’après la photographie dont la légende est citée à la note précédente, il semble qu’au bois soient mêlés des restes végétaux fibreux, vestiges, sous toute réserve, de produits finis identiques.
73 Alors que cette cour semble avoir eu une vocation artisanale à une époque antérieure indéterminée, elle était devenue un espace sans propriétaire et avait été rendue inaccessible. Puisque le sens d’écoulement de l’eau avait été inversé par le vannier et ne permettait plus de remplir sa citerne, elle ne servait plus que de point de départ à la gouttière alimentant le bassin de trempage.
74 Il est désormais écarté que le IVe style pompéien n’ait débuté qu’après 63. Sur la question de la datation des peintures du IVe style, synthèse des travaux antérieurs chez Allison 2004, p. 16-17, mais voir surtout, en dernier lieu, Esposito 2009.
75 C’est notamment la conclusion qui a été mise en avant pour l’insula I 14 dont a été reconnue la vocation commerciale et artisanale en 79, et où le tremblement de terre de 63 serait à l’origine de la transformation de la plupart des maisons en lieux de commerce : Proto 2006 (avec bibliographie antérieure).
76 Il n’a pas été possible de dater les rares fragments de revêtements muraux subsistant dans les pièces C et F de la moitié sud de la maison. Voir l’annexe de F. Monier.
77 À propos de l’hypothèse récente d’un ou d’autre (s) séisme (s) liée au constat, en divers points de la cité, de travaux de restauration engagés en 79, voir supra note 3.
78 Qui pouvait être également commercialisé lors du marché hebdomadaire (nundinae) de Pompéi ou sur les marchés des cités voisines. Sur la périodicité de ces marchés, voir Andreau 1976, p. 125 ; 2000, p. 83-86. Sur l’emplacement réservé aux nundinae à Pompéi, voir Nappo 1989, qui propose le forum sur la base de l’analyse d’une fresque des praedia de Iulia Felix.
79 Voir le chapitre précédent, avec les conclusions de M. Della Corte et la note 29.
80 Cf. la synthèse de Bonsangue 2002, p. 208, où l’auteur, étudiant le cas de Narbonne, pense que la variété des termes traduit la volonté, de la part des artisans, de se distinguer par rapport à leurs collègues en mettant en évidence un point fort de leur profession, sans que cela soit forcément l’indice d’une spécialité unique ; voir également le chapitre 3 de la première partie, en particulier les pages 109-114, consacrées au lexique des noms de métiers.
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