Chapitre 3. Des témoignages et des hommes : les contours d’une activité artisanale
p. 95-114
Texte intégral
1À l’exception de quelques structures de production manufacturière organisée à une échelle quasi industrielle tels, par exemple, les ateliers de poterie ou de tuiles, l’artisanat antique concernait majoritairement des productions urbaines limitées au cadre de l’échoppe et faisant l’objet d’un commerce géographiquement restreint. Dans ce contexte, le producteur était le plus souvent aussi le commerçant. La production vannière n’échappait sans doute pas à ce modèle le plus répandu mais la rareté des vestiges matériels, de nature périssable, jointe à celle de la documentation épigraphique et à des mentions textuelles peu explicites, laisse planer encore beaucoup d’incertitudes sur cette activité artisanale très peu documentée. Aussi, d’un point de vue sociologique, alors que les artisans de l’Antiquité romaine sont dans l’ensemble mal connus, ceux qui pouvaient tirer quelque revenu du tressage manuel des végétaux le sont plus que tout autre. Selon leur nature, les sources apportent divers renseignements sur un métier qui présentait l’originalité d’impliquer aussi bien des producteurs urbains que ruraux tout en faisant largement appel à une main d’œuvre domestique. Il faut sans doute voir dans la rareté de la documentation épigraphique une des conséquences de cet état de fait. Dans l’état actuel des recherches, on ne peut recenser qu’un faible nombre d’inscriptions et deux brèves mentions littéraires faisant allusion à des vanniers ou des artisans exerçant une activité liée à la vannerie pour la partie occidentale de l’Empire, c’est-à-dire pour les territoires de langue latine. Les informations que livrent ces documents sur les hommes et leur artisanat permettent de circonscrire cette activité en milieu urbain. L’épigraphie nous renseigne de manière directe sur la condition sociale qui pouvait être celle de producteurs et commerçants de vanneries suffisamment aisés pour s’offrir les services d’un lapicide, sur leur statut, de même que sur les conditions d’une production urbaine organisée. La rareté des témoignages est en soi révélatrice de ce que l’on peut supposer avoir été ce milieu artisanal dans les cités : un monde d’esclaves et d’hommes libres pauvres spécialisés employés dans de petites structures de production, restés anonymes.
2La littérature, et principalement la littérature agronomique, apporte pour sa part des renseignements sur la pratique de l’artisanat de la vannerie dans le monde rural. Il apparaît que dans le cadre des propriétés agricoles, on avait massivement recours à un personnel servile non spécialisé afin de satisfaire aux innombrables demandes inhérentes au travail rural. Ainsi, cette activité pouvait s’exercer dans le domaine de manière ponctuelle, au rythme des saisons et des travaux agricoles, ou bien sous la forme d’une occupation occasionnelle liée aux besoins du moment. Ces deux aspects de la pratique artisanale rurale sont illustrés par quelques scènes figurées.
3Après avoir circonscrit l’activité vannière dans le milieu urbain et dans le monde rural, sont esquissés in fine les contours économiques et les modalités d’échange des produits, à la lumière de quelques documents épigraphiques et de quelques sources littéraires. Bien que la documentation relative aux conditions de production et au commerce soit très lacunaire, il est assuré que la vannerie était dans l’Antiquité une activité très diffuse, pratiquement omniprésente.
1. Une activité urbaine organisée
4L’artisanat urbain est renseigné par les inscriptions et la littérature qui témoignent de l’existence d’ateliers dans quelques territoires de l’Empire, mais c’est en Italie que les informations sont le plus abondantes. Dans la zone géographique qui le concerne, Caton recense quelques cités réputées fournir des vanneries de qualité, Suessa, Casinum et Rome1 (Agr., 135, 2-3, trad. R. Goujard) :
5fiscinae campanicae utiles sunt ; […] fiscinas romanicas Suessae Casino ; optimae erunt Romae,
6« les scourtins campaniens sont avantageux ; […] les scourtins romains [s’achètent] à Suessa, à Casinum ; les meilleurs se trouvent à Rome ».
7Plus loin, l’agronome mentionne à nouveau les scourtins campaniens employés pour presser les olives : Vinetum faecatum sic facito : fiscinas olearias campanicas illae rei habeto (Agr., 153).
8Si ce sont les scourtins dits campaniens et romains (fiscinae campanicae et romanicae) qui faisaient la réputation de ces cités, ce sont les ustensiles de sparterie qui faisaient celle de Capoue, selon le même auteur : spartum omne Capuae (Agr., 135, 3).
9Seule parmi ces villes, Rome a livré un témoignage épigraphique relatif à une activité vannière. Celle-ci était apparemment organisée et circonscrite dans une zone topographique déterminée de la ville, comme nous l’apprend le fragment n° 10 des Fasti Ostienses, daté du milieu du IIe siècle apr. J.-C. L’inscription fait mention, aux lignes 2 et 3, à la partie inter uitores du Grand Cirque, qui brûla lors d’un incendie advenu à Rome en l’an 36, sous le règne de Tibère (CIL, XIV, 4535 ; AE, 1917-1918, 122 ; I. It., XIII, 1, p. 175, 188-191 et 219 ; Mingaud 1992, p. 51-52 ; Monacchi 1996, p. 947, n. 12)2 :
10K(alendis) Nou(embribus) pars Circi inter/uitores arsit ad quod/T[i(berius)] Caesar (sestertium milies centena milia) public(e) [d(edit) ---].
11« Aux calendes de novembre, la partie du Cirque se trouvant dans le quartier des vanniers brûla. Pour réparer ce sinistre, Tiberius César fit un don public de cent millions de sesterces... »
12Or, il est connu qu’à Rome l’usage était de désigner certains districts urbains d’après les noms des artisans d’une même spécialité qui y étaient concentrés. Cicéron parle d’une rue inter falcarios, Tite-Live d’un secteur inter lignarios, de même qu’une inscription mentionne un secteur inter aerarios (Cicéron, Cat., 1, 4, 8 ; Tite-Live, 35, 41, 10 ; CIL, VI, 9186 ; MacMullen 1986, p. 69-71 et 123 ; Morel 1987, p. 143 ; 1989, p. 263 ; 2001, p. 253 ; Cullin-Mingaud 2010). Le texte des Fastes témoigne donc que des ateliers et des échoppes de vanniers étaient situés près du Grand Cirque. Plus précisément, Tacite rapporte qu’en l’an 36, un violent incendie consuma la partie du Cirque contigüe à l’Aventin et le quartier même de l’Aventin (An., 6, 45, trad. P. Wuilleumier) :
13Idem annus graui igne Vrbem adfecit, deusta parte circi quae Auentino contigua, ipsoque Auentino ; quod damnum Caesar ad gloriam uertit, exsolutis domuum et insularum pretiis,
14« La même année frappa la Ville d’un violent incendie, qui consuma la partie du Cirque contiguë à l’Aventin, et le quartier même de l’Aventin ; César fit tourner ce désastre à sa gloire en payant le prix des demeures et des îlots. »
15Dion Cassius narre également ce grave sinistre (Histoire romaine, 58, 26, 5, éd. Loeb) :
16Σέξτου δὲ δὴ Παπινίου μετὰ Κυΐντου Πλαυτίου ὑπατεύσαντος [...] καὶ πυρὶ πολὺ πλείω περί τε τὸν ὑππόδρομον καὶ περὶ τὸν Ἀουεντῖνον ἐφθάρη, ὥστε τὸν Τιβέριον δισχιλίας καὶ πεντακοσίας μυριάδας τοῖς ζημιωθεῖσι τι ἀπ´ αὐτοῦ δοῦναι,
17« Sous le consulat de Sextus Papirius et Quintus Plautius [...] une partie [de la ville] bien plus importante, aux abords du Cirque et de l’Aventin, fut dévastée par le feu. Aussi Tibère donna-t-il de ses deniers 25 millions de drachmes à ceux qui avaient souffert de ce désastre. »
18Ainsi, le rapprochement des sources met en évidence que des ateliers de vanniers étaient installés au pied de l’Aventin ou sur ses flancs, peut-être dans une même rue. Cette localisation n’a rien pour étonner, puisque les abords du Grand Cirque constituaient le lieu de rassemblement de nombreuses activités économiques, comme en témoignent les auteurs latins qui se plaignent des nuisances occasionnées par la densité des officines artisanales et des boutiques (Morel 1987, p. 141 ; 1989, p. 261). Tacite parlera d’ailleurs à nouveau des nombreuses échoppes qui entouraient le Cirque lorsqu’il relatera l’incendie de 64 (An., 15, 38). Quant à alimenter les incendies, il est évident que les stocks de végétaux séchés ou de vanneries déjà confectionnées constituaient une matière hautement inflammable. Nos connaissances sur les vanniers de Rome se limitent à ces informations3. On ignore tout, par ailleurs, de ces artisans romains installés sur l’Aventin. Étaient-ils regroupés au sein d’une association professionnelle ? Aucun témoignage ne subsiste.
19En revanche, un collège est attesté non loin de Rome, à Préneste, à une époque plus ancienne. L’inscription, datée du début du Ier siècle av. J. -C., provient du sanctuaire de la Fortuna Primigenia (CIL, I2, 3071 = ILLRP, I, 106 d ; Degrassi 1978, p. 161-162 ; Mingaud 1992, p. 50-51) :
20Colegi(um) uito[rum]. /Mag(istri) cur(auerunt) F(ortunae) P(rimigeniae)/Piloxsen(us) Bufili [s(eruus)/O]restes Vibi P(ublii) s(eruus)/[Gl]laucia <C>ame [li s(eruus)].
21« Collège des vanniers. À la Fortuna Primigenia, par les soins des magistri Piloxsenus, esclave de Bufilius, Orestes, esclave de Vibius Publius, Glaucia, esclave de Camelius. »
22Le texte est lacunaire — la pierre est brisée dans sa partie droite — et a longtemps suscité des discussions4. Mais la lecture uitor est désormais admise et il serait donc bien question ici d’un collège de uitores5. Il s’agit de l’unique témoignage de l’existence d’un collège dans la profession pour la partie occidentale de l’Empire. Cette association était semble-t-il composée uniquement d’esclaves, puisque les trois magistri auteurs de la dédicace à la divinité sont eux-mêmes esclaves. Ils portent chacun un nom étranger : Piloxsenus Bufili s(eruus), Orestes Vibi P(ublii) s(eruus), Glaucia Cameli s(eruus). Pour Jean-Pierre Waltzing, le fait que des esclaves assument les fonctions de magistri, généralement réservées aux membres les plus riches des corporations afin qu’ils puissent supporter les charges de l’honneur, indiquerait qu’il s’agissait d’une petite corporation où la charge de magister confiée à un esclave lui donnait l’opportunité d’accéder aux mêmes avantages qu’un homme libre (Waltzing 1895, p. 346 et 385). Ainsi, appartenir à un collège était socialement valorisant pour un esclave, et constituait un moyen de s’élever au sein de la hiérarchie du monde servile (Tran 2006, p. 49-50). En somme, cette association aurait permis à de modestes artisans, habituellement peu estimés, de trouver quelque dignité dans l’exercice de leur métier (Tran 2006, p. 91-92). Il n’est au demeurant guère surprenant de voir un groupe de vanniers lié aux activités d’un sanctuaire, dans la mesure où la vie religieuse du temple requérait l’usage de corbeilles, récipients privilégiés pour les offrandes.
23En complément de ses références à des cités où s’approvisionner en vannerie, Caton fait mention d’ustensiles de vannerie en des termes qui sous-entendent une production urbaine locale caractéristique. Il fait allusion à des corbeilles sous le nom de corbulae Amerinae, « corbeilles d’Amérie » (Agr., 11, 5). L’agronome pensait peut-être à des récipients d’une forme particulière réalisés à l’origine dans la cité d’Amérie en Ombrie, à moins qu’il ne s’agisse plus simplement d’une appellation due à leur matériau, l’osier d’Amérie. On retrouve la même allusion à ce matériau dans une source du Ve siècle, une lettre de Sidoine Apollinaire, où ce dernier utilise une expression métonymique ampoulée pour désigner un fauteuil d’osier. Il pouvait s’agir dans ce cas aussi d’un type de réalisation spécifique soit par sa forme, soit par sa composition : tu […] concaua municipis Amerini sede compressus (Ep., 2, 2). Cette cité constituait assurément à l’époque romaine un centre de production d’osier réputé, comme en témoignent non seulement l’appellation d’une sorte de corbeille et le fauteuil dit « du citoyen d’Amérie », mais encore le nom d’une variété de saule abondamment exploitée que Pline et Columelle désignent sous le phytonyme de salix Amerina6.
24Un témoignage épigraphique récemment redécouvert à Amérie vient, du reste, corroborer ces informations littéraires. Il s’agit de l’inscription figurant sur le couvercle à double pente de l’urne d’un vannier anonyme — son nom était gravé sur le coffre qui est perdu (Monacchi 1996 ; AE, 1996, 646 ; Monacchi 2000 ; Supplementa Italica, n. s. 18, 2000, p. 275-276, n° 26). Le monument, à la charnière du Ier siècle av. J. -C. et du Ier siècle apr. J. -C., ne porte qu’un seul mot (Cf. fig. 28) : Vitor. « Vannier. »
25Les lettres sont surmontées de deux outils en relief7. On ignore le statut de l’artisan ainsi commémoré. Toujours est-il qu’il semblerait que ce vannier ait été fier de son métier et ait tenu à le mettre en valeur en faisant graver le terme et des instruments représentatifs de son savoir-faire bien en vue sur le fronton du couvercle, indépendamment de la partie du monument qui comportait son nom (Cf. Tran 2006, p. 93-94). Ce document, bien qu’isolé, vient confirmer que la cité d’Amérie — avec la campagne qui l’environnait — était réputée à travers l’Italie pour ses oseraies et la compétence de ses artisans, au point d’être à l’origine de l’appellation d’une espèce de saule aussi bien que d’ouvrages de vannerie.
26À Vicenza, un autre artisan nommé Caius Valerius C. f. Clemens exprime sa réussite et sa fierté d’être vannier. Il a pour cela fait sculpter un monument funéraire aux dimensions conséquentes (Cf. fig. 19). Ce document daté du milieu du Ier siècle apr. J.-C., exceptionnel à bien des égards, mesure plus de deux mètres de hauteur (Fraccaro 1940, p. 58 et 183-184 ; AE, 1940, 8 ; Zimmer 1982, p. 152, n° 73 ; Mingaud 1992 ; Monacchi 1996) :
27C(aius) Valerius C(aii) f(ilius)/Clemens/sibi et/M(anio) Sulpicio L(ucii) f(ilio)/Acuto fratri,/Petroniae Hecatei,/Q(uinto) Sincio Ianuario/t(estamento) f(ieri) i(ussit). /Vitor hic fuit.
28« Caius Valerius Clemens, fils de Caius, a fait élever ce monument par testament pour lui-même, pour Manius Sulpicius Acutus, fils de Lucius, son frère, pour Petronia Hecate et pour Quintus Sincius Ianuarius. Il était vannier. »
29L’ordinatio du formulaire épigraphique met bien en évidence la profession du défunt puisque la mention de celle-ci occupe seule la dernière ligne : Vitor hic fuit. Elle surmonte la représentation de quatre outils emblématiques de l’artisan, déjà étudiés plus haut. La stèle se distingue des autres documents recensés par le fait qu’elle apporte des informations sur la condition socio-économique de Clemens. Elle constitue, à travers l’ensemble du corpus épigraphique, l’unique inscription émanant d’un ingénu — il fait état de sa filiation. Par testament, le vannier a fait ériger le monument pour lui-même, mais aussi pour trois autres personnes : un second ingénu, M’. Sulpicius L. f. Acutus, lié à Clemens par le terme de frater ; une affranchie au surnom d’origine grecque, Petronia Hecate ; enfin, Q. Sincius Ianuarius dont le cognomen courant dans le milieu des affranchis exprime sans doute le statut. La stèle présenterait ainsi le personnel travaillant dans l’atelier de vannerie de Clemens : deux affranchis et un associé en la personne d’Acutus, son frater. L’emploi de ce terme révélerait, selon Plinio Fraccaro, que les deux hommes avaient la même mère (Fraccaro 1940).
30Quoi qu’en ait dit Cicéron qui fustige les artisans dans un extrait souvent cité du De officiis (Off., 42, 150)8, la stèle témoigne qu’il existait des hommes libres pour afficher leur fierté à exercer une activité manuelle pourtant dédaignée. Certes, Clemens faisait partie d’une minorité parmi les artisans italiens. En effet, le corpus des artisans réalisé pour l’Italie par Gerhard Zimmer compte 19 ingénus sur un total de 107 documents inscrits, ce qui représente peu de personnes en regard de la large proportion d’affranchis qui constituent 70 % de l’ensemble des artisans recensés (Zimmer 1982, p. 6-7 ; Béal 2000, p. 165-168). Peut-être pourrait-on expliquer cet état de fait en considérant que Clemens, tout en étant lui-même artisan — c’est ce qu’il clame dans son épitaphe et en affichant ses outils —, ait été le propriétaire à la fois de l’atelier et d’oseraies dans sa région, ce que pourrait bien indiquer la figuration, sur sa stèle, d’une serpette à couper l’osier. Pline l’Ancien mentionne d’ailleurs le terroir de la Vénétie comme particulièrement propice à la culture du saule : « la Vénétie [plante dans les vignes arbustives] le saule, à cause de l’humidité du sol » (N. H., 17, 201, trad. J. André). Le lien de l’activité artisanale de Clemens avec la propriété foncière expliquerait alors son statut particulier au sein du groupe social considéré, comme précisément l’évoque Cicéron (Off., 42, 151, trad. M. Testard) : Omnium autem rerum ex quibus aliquid acquiritur, nihil est agri cultura melius, nihil uberius, nihil dulcius, nihil homine, nihil libero dignus, « Mais de toutes les entreprises dont on retire quelque bénéfice, rien n’est meilleur que l’agriculture, rien n’est plus productif, rien n’est plus agréable, rien n’est plus digne d’un homme et d’un homme libre. »
31Toujours pour l’Italie du Nord, l’épigraphie paraît témoigner de l’existence d’un troisième artisan exerçant son activité à Modène. Il s’agit d’un affranchi qui fait mention de son statut sur son monument funéraire, Titus Lucceius T. l. Auctus (CIL, XI, 894) :
32T. Lucceius T. l. Auctus Vi{c}tor/sibi et suis Clodiae Cyparae/concubinae et uxoribus/concubin (isque) libert(is) libertab (usque)/seruis ancillis/in fr(onte) p(edes) XII, in ag(ro) p(edes) XIIII.
33« Titus Lucceius Auctus, affranchi de Titus, vannier [?], [a fait élever ce monument] pour luimême et pour les siens, pour Clodia Cypara sa concubine, pour ses affranchis et leurs épouses et concubines, pour ses affranchies et pour ses esclaves. Douze pieds de large sur quatorze pieds de long. »
34L’inscription est publiée au CIL avec le nom Victor lu lors de la découverte, mais il convient, selon les érudits qui révisèrent le texte, d’y lire le terme uitor9. La stèle est perdue et il n’en existe pas de reproduction. Peu de choses peuvent être avancées sur le personnage : il est entouré d’une familia composée d’esclaves et, affranchi lui-même, il a des affranchis à son service ; il a pour concubine également une affranchie. Auctus a pu être, à l’instar de Clemens, à la tête d’une petite unité artisanale de vannerie dans laquelle il employait quelques ouvriers esclaves et des affranchis — on ignore le nombre de son personnel —, et où travaillait peut-être aussi sa concubine.
35Le dernier des centres de production urbains attestés en Italie10 est celui pour lequel les données sont les plus abondantes. Pompéi constitue un exemple unique, parce qu’il y est possible de croiser des informations épigraphiques et archéologiques. L’état de nos connaissances sur les fabricants de nattes pompéiens, les tegetarii mentionnés sur une inscription électorale, sera développé ci-après dans la deuxième partie de cet ouvrage, avec l’analyse des vestiges des ateliers de la via dell’Abbondanza et surtout de la via di Nocera, ce dernier récemment mis au jour.
36La Gaule a livré deux documents seulement comme indices d’une activité vannière en milieu urbain. Encore l’un d’eux est-il sujet à caution. La province était pourtant réputée pour son osier. En témoignent deux auteurs qui comptent l’osier gaulois au nombre des espèces de saule. Selon Pline, il était le plus fin (N. H., 16, 177) ; Columelle appuie cette description en faisant allusion à ses baguettes très minces et de couleur pourpre passé (Rust., 4, 30, 4)11.
37Le premier document fut découvert à Narbonne. Il s’agit d’une stèle funéraire datable entre la fin du Ier siècle av. et la fin du Ier siècle apr. J.-C. Elle mentionne un vannier, Aulus Turranius Niger, mais le nom de métier est ici uiminarius (CIL, XII, 4522 ; Gayraud 1981, p. 441, 452 et 485-486 ; Petrikovits 1981a, p. 119 et 122 ; Wissemann 1984, p. 124 ; Mingaud 1992, p. 42 ; Bonsangue 2002, p. 212) :
38Viuont/A. Turranius/Niger uiminarius/[T]urrania Monta/na uxor/in a(gro) p(edes) X.
39« Vivent Aulus Turranius Niger et Turrania Montana son épouse. Longueur [de la concession] 10 pieds. »
40L’épitaphe ne nous apprend que peu de choses sur ce personnage qui a fait ériger son tombeau de son vivant (Bonsangue 2002, p. 204, n. 12). Une large majorité des artisans de Narbonne étaient des affranchis et tel est sans doute le cas pour Niger, bien qu’il ne l’indique pas. Il peut être aussi un descendant d’affranchis. Il est commémoré avec son épouse, Turrania Montana, une affranchie elle aussi. Les deux personnages peuvent être co-affranchis d’un Turranius, ou bien Niger a lui-même affranchi une de ses esclaves pour l’épouser.
41Le niveau de richesse de Niger était vraisemblablement peu élevé, à l’image de ce qui a été noté pour l’ensemble des artisans de Narbonne. Certes, il disposait d’une certaine aisance économique, d’un revenu suffisant pour faire graver une stèle à son nom, mais la modestie des dimensions de son tombeau — dix pieds, en-deçà de la taille moyenne de quinze pieds calculée pour l’ensemble des artisans de Narbonne (Bonsangue 2010) — conduit à relativiser son niveau de vie, d’autant plus qu’outre son épouse, il ne mentionne aucun esclave ou (affranchi susceptible d’avoir été employé dans son officine. Son activité artisanale semble avoir été exercée dans le cadre d’une très petite structure. De fait, la modestie des unités artisanales narbonnaises, comprenant au maximum trois personnes en plus du propriétaire, a été mise en évidence (Bonsangue 2002, p. 223 ; Christol 2010, p. 534-535). Ces constatations excluent qu’on ait affaire à un propriétaire terrien. Du reste, si Niger l’avait été, il en aurait vraisemblablement fait mention sur son épitaphe, comme il est d’usage pour une large proportion de Narbonnais12. La vocation de Niger est peut-être à mettre en relation avec l’activité viticole de la région : vigne et oseraie étaient étroitement associées pour obtenir des liens, des paniers et pour clisser les amphores destinées au transport du vin.
42Un autre document gallo-romain, déjà mentionné au chapitre précédent, paraît présenter un personnage ayant un rapport avec la vannerie. Il s’agit de la stèle de Mansuetus, mise au jour anciennement à Saint-Ambroix et conservée au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye (Espérandieu, 3, 2743 ; Cf. fig. 30). Selon un modèle iconographique courant en Gaule, le défunt est présenté debout de face et tient deux objets considérées comme représentatifs de sa fonction, tandis que sa profession n’est pas mentionnée dans l’inscription : D(is) M(anibus). M(emoriae) Mansueti. En outre, divers outils sont représentés à ses pieds et au niveau de son épaule. Étant donné que le personnage n’est pas en action et que le nom de son métier n’apparaît pas, ce sont les outils qui ont amené à attribuer le monument à un vannier, mais la difficulté à les identifier a fait penser aussi à un artisan du bois tel le charpentier. Toutefois, la présence d’une vannerie dans les mains du personnage, associée à celle de six outils ayant l’aspect de ceux traditionnellement utilisés par le vannier13 permettent d’inclure ce document au nombre de ceux qui ont trait à une activité de vannerie. N’étant pas lui-même représenté en action et sans mention de sa profession, Mansuetus marque son lien avec l’artisanat par la possession des instruments de travail14. Il était vannier, mais peut-être aussi propriétaire d’oseraies : cette dimension de propriétaire foncier aurait encore accru son prestige social (Béal 2000, p. 161). Le personnage commémoré porte un nom unique indigène, comme la majorité des artisans gaulois. Là encore, c’est un homme libre qui exprime sa dignité et sa fierté d’être impliqué dans une activité artisanale, mais d’une manière différente de l’artisan italien qui présente généralement des outils seuls, à l’instar de Clemens (Béal 2000, p. 156-159).
43Pour ce qui est de la péninsule Ibérique, elle n’a livré qu’un seul document épigraphique rattachable à la vannerie en contexte urbain. Il s’agit de la stèle d’un spartarius de Cadix du nom de Gaius Auidius, datée du Ier siècle apr. J.-C. et aujourd’hui perdue (CIL, II, 1774 ; ILER, 5749)15 :
44G. Au[i]d[i]us/spartarius/h(ic) s(itus) e(st). S(it) t(ibi) t(erra) l(euis).
45« Ci-gît Gaius Auidius, alfatier [ou marchand d’alfa]. Que la terre te soit légère. »
46Le personnage est mentionné seul dans l’épitaphe. Il s’agit d’un affranchi travaillant comme artisan ou comme commerçant, ou bien, peut-être, d’un propriétaire ou d’un gestionnaire pour le compte de son patron de champs d’alfa. En définitive, aucune conclusion sur la condition socioéconomique d’Auidius ne peut être tirée de ce document, hormis la constatation qu’il a pu tirer de son activité suffisamment de moyens pour s’offrir les services d’un lapicide.
47Enfin, concernant l’Afrique, au détour d’une lettre de saint Cyprien de Carthage, on apprend qu’un artisan dénommé Soliassus exerçait le métier de nattier — voire, plus largement, de producteur de sparteries — (budinarius) à Carthage (Epist., 42) :
48Item abstinuimus Sophronium et ipsum de extorribus Soliassum budinarium,
49« De même, nous avons exclu Sophronius et Soliassus, le fabricant de nattes. »
50Telles sont les rares informations que les sources écrites livrent à propos des centres urbains de production de vannerie dans l’Occident romain. Elles sont éparses et représentent bien peu de données sur les hommes et leur activité par rapport à l’importante production que constituait la vannerie dans l’Antiquité. Il est plus que jamais évident que, pour cet artisanat, l’épigraphie ne reflète aucunement le nombre de personnes impliquées ni les conditions de travail de cette classe laborieuse. L’ensemble des documents analysés permet cependant de constater que toutes les catégories juridiques sont représentées dans la profession, de l’esclave jusqu’au citoyen libre. Ce constat va de pair avec la variété des conditions socio-économiques : la pratique de la vannerie pouvait aller du modeste artisan travaillant seul dans son atelier-boutique, jusqu’au personnage centralisant toutes les étapes du processus de fabrication depuis la culture de la matière première sur ses propres terres. La petite unité artisanale employant quelques ouvriers, esclaves ou affranchis, est sans doute, peut-on l’imaginer, le modèle qui a prévalu dans ce secteur d’activité en milieu urbain.
2. Une activité rurale saisonnière ou occasionnelle
51Par opposition à l’artisanat urbain connu par quelques témoignages épigraphiques, l’artisanat rural est renseigné par la littérature et de façon moins sporadique.
52Les vanneries étaient indispensables et faisaient partie des principaux articles constituant l’équipement minimal d’un domaine agricole. Ainsi, dans le Digeste d’Ulpien, elles sont énumérées dans la liste de l’instrumentum d’un fundus :
53In instrumentum fundi ea esse, quae fructus quaerendi cogendi conseruandi gratia parata sunt [...] cogendi, quemadmodum torcularia corbes falcesque messoriae (33, 7, 8).
54Pour tracer les contours des modalités de production, d’acquisition et d’échange de ces objets en milieu rural, la littérature et quelques documents iconographiques constituent nos seules sources d’informations. En matière de production, les textes qui présentent le monde agricole exposent deux situations différentes : l’une concerne la part dominante du travail domestique confortant l’idéal d’autosuffisance cher aux agronomes (Veyne 1991, p. 136) ; l’autre suggère qu’il existait des limites à cet idéal, le travail de la familia rustica se voyant compensé tantôt par l’achat de produits à l’extérieur dans le cadre d’une économie d’échange, tantôt par le recours à du personnel dont on louait temporairement les services.
55Qu’il s’agisse de littérature de langue grecque ou de langue latine, tous les auteurs d’ouvrages relatifs à la vie agricole s’accordent sur certains préceptes indispensables au bon fonctionnement d’un domaine rural, quel que fût l’endroit où celui-ci était localisé, en Italie ou dans les provinces16. En matière d’économie de subsistance, les agronomes latins reprennent en large partie les conseils autrefois prônés par Hésiode dans Les Travaux et les Jours puis par Xénophon dans l’Économique. Le premier insiste sur la nécessité économique de fabriquer tous les instruments de travail dans la propriété même, afin d’être prêt et de ne dépendre de personne lorsqu’arriverait le temps de l’ouvrage (O., 407-409, trad. P. Mazon) :
56« Et dans la maison, préparez tous les instruments qu’il faut, afin de ne pas avoir à les demander à un autre : qu’il refuse, tu restes en peine, la saison passe et l’ouvrage est perdu. »
57Varron se montre encore plus précis en énumérant les types d’objets que les intendants font confectionner au sein des grands domaines pour ne pas les acheter à l’extérieur. Il qualifie ces ustensiles d’« instruments muets » (instrumento muto), par opposition aux instruments vivants que sont les esclaves et les animaux. Parmi cette production domestique figurent les vanneries et les sparteries (R. R., 1, 22, 1, trad. J. Heurgon) :
58De reliquo instrumento muto, in quo sunt corbulae, dolia sic alia, haec praecipienda : quae nasci in fundo ac fieri a domesticis poterunt, eorum nequid ematur, ut fere sunt quae ex uiminibus et materia rustica fiunt, ut corbes, fiscinae, tribula, ualli, rastelli ; sic quae fiunt de cannabi, lino, iunco, palma, scirpo, ut funes, restes, tegetes.
59« Sur le reste du matériel — matériel muet —, qui comprend les corbeilles, les jarres, etc., voici les prescriptions : de ce qui peut pousser dans le domaine ou être fabriqué par les gens de la maison, qu’on n’achète rien : ainsi en général les objets en osier ou en matière rustique, comme paniers [ou corbeilles] (corbes), corbeilles [ou scourtins] (fiscinae), herses, vans (ualli), hoyaux17 ; de même, les objets faits de chanvre, de lin, de feuilles de palmier, de jonc ordinaire ou de jonc d’eau comme câbles, cordes, nattes. »
60Varron est relayé par Columelle, lequel exhorte l’intendant à tirer parti au maximum des ressources naturelles locales qu’il s’agisse de travailler des fibres ou des baguettes (Rust., 11, 2, 90) :
61Siue regio ferulae uel corticis ferax est, apibus aluaria fieri debent : siue palmae spartiue fecunda est, fiscinae sportaeque : seu uirgultorum, corbes ex uimine,
62« Si la région est fertile en férules ou en écorces, on fera des ruches pour les abeilles ; si elle l’est en palmiers ou en alfa, on fera des scourtins et des paniers ; et si elle l’est en arbustes qui portent des baguettes, on fera des corbeilles d’osier. »
63Outre l’exploitation des ressources végétales indigènes spontanées, les auteurs préconisaient d’entretenir des plantations destinées à la confection des ustensiles utilitaires de base, en particulier une saussaie (salictum) et une cannaie (harundinetum). Quelle que fût l’origine du matériau, spontané ou cultivé, les vanneries devaient donc, dans la mesure du possible, être confectionnées sur place.
64Les ustensiles agricoles ainsi fabriqués pouvaient aisément remplacer des objets de cuir plus coûteux, dont la fabrication était moins abordable18. Ils représentaient de fait un bien précieux pour la communauté. En témoigne Varron, pour qui il faudra ranger les vanneries utiles bien en vue, sous peine de se les faire dérober (R. R., 1, 22, 6) :
65« [Les choses] qui ne peuvent pas être sous clé, il faut les mettre le plus possible en évidence, d’autant plus qu’elles sont d’usage plus rare, par exemple les corbeilles dont on se sert dans les vendanges, etc. En effet, ce qu’on voit tous les jours a moins à craindre les voleurs. »
66Ces indispensables instruments de travail étaient entretenus avec le plus grand soin, notamment les vanneries destinées à la fabrication du vin et de l’huile. Pour Caton, il convient de nettoyer soigneusement les scourtins après leur utilisation sous le pressoir, afin de pouvoir les réutiliser (Agr., 67, 2) :
67Fiscinas spongea effingat,
68« Qu’il [le gardien] nettoie les scourtins avec une éponge. »
69De même, Columelle recommande de bien nettoyer et sécher les vanneries servant de filtre, les cola, nécessaires pour recueillir le moût (Rust., 11, 2, 71). Ce dernier préconise aussi de conserver les scourtins qui ont déjà été utilisés pour faire l’huile d’olive de consommation courante destinée au personnel (Rust., 12, 52, 22, trad. J. André) :
70Fiscis autem non iisdem probum et cibarium oleum premi oportebit. Nam ueteres ad caducam oliuam, noui autem ordinario aptari oleo, semperque com expresserint facta, statim feruentissima debent aqua bis aut ter elui : deinde si sit profluens, impositis lapidibus, ut pondere pressi detineantur, immergi : uel si nec flumen est, in lacu, aut in piscina quam purissimae aquae macerari, et postea uirgis uerberari, ut sordes fecesque decidant, et iterum elui, siccarique,
71« Il ne faudra pas presser dans les mêmes cabas l’huile de première qualité et l’huile ordinaire ; on devra réserver les vieux cabas aux olives tombées et les neufs à l’huile ordinaire et, à chaque pressée, on devra sans délai les laver deux ou trois fois à l’eau bouillante ; ensuite, si on dispose d’une eau courante, on les y plongera en plaçant dessus des pierres dont le poids les retienne ; ou bien, si l’on n’a pas de rivière, on les fera tremper dans une cuve ou une citerne d’eau très pure, puis on les battra de verges pour faire tomber les saletés et les lies, on les relavera et on les fera sécher. »
72Les consignes visant à un entretien soigneux des instruments agricoles montrent l’attention portée à toute vannerie. Même si Columelle fait mention à plusieurs reprises dans son traité de l’usage sous le pressoir de scourtins neufs (noui fisci), cet extrait est significatif des habitudes économiques à garder : jeter le moins possible, se resservir des couffins afin de ne pas perdre d’argent en se fournissant en nouveau matériel. Inculquer au personnel domestique le respect du matériel est une des priorités de cette économie autarcique. Columelle est en cela dans la lignée de Caton qui, à propos de la préparation des vendanges, fait allusion à la réparation des paniers et des corbeilles ainsi qu’à leur réutilisation d’une année sur l’autre en donnant la recommandation suivante : Corbulae sarciantur, picentur [...] quala parentur, sarciantur (Agr., 23). Éviter le gaspillage participe de la bonne gestion du domaine prônée par les agronomes (Veyne 1991, p. 148).
73Le calendrier des travaux rustiques fixe des moments privilégiés où le personnel doit s’adonner à la fabrication ou à l’entretien des vanneries, dans une perspective de gestion du temps, du rythme des saisons et des aléas climatiques la plus rationnelle possible. Caton, d’ailleurs, répète à l’envi de ne jamais laisser les esclaves inactifs. Les auteurs ne manquent pas de citer paniers et corbeilles dans leur énumération des instruments qu’il faut prendre soin de préparer — de sortir des réserves, de vérifier, de réparer, mais vraisemblablement aussi de fabriquer — à diverses périodes de l’année en prévision des grandes récoltes annuelles : moisson, vendange, ou encore cueillette des olives. Columelle fait la recommandation de « préparer avant l’olivaison […] échelles, corbeilles de dix et de trois modii, pour recevoir les olives cueillies, paniers, cordes de chanvre ou de sparte … » (Rust., 12, 52, 8). En particulier à la saison hivernale, la pause dans les travaux agricoles était l’occasion pour le personnel servile de se livrer au tressage de vanneries. C’est ainsi que, dans son ménologe, Palladius exhorte l’intendant du domaine à faire fabriquer des pieux, des paniers et des échalas au mois de décembre lorsque le mauvais temps ne permet pas d’aller aux champs : « Il sera encore à propos de couper le bois ce moisci. On fabriquera aussi des pieux, des paniers et des échalas » (Agr., 13, 2).
74La scène d’hiver de la Mosaïque des Saisons de Saint-Romain-en-Gal représentant un vannier, document iconographique déjà présenté (Cf. fig. 31), illustre parfaitement cette information textuelle. Il est intéressant de relever que c’est précisément la scène de tressage des vanneries qui a été choisie comme emblématique des travaux rustiques d’hiver : l’esclave confectionnant la corbeille est représenté à l’abri sous un édicule, tandis que le collègue lui apportant une botte d’osier a la tête couverte du capuchon de son manteau. Ces touches réalistes sont là pour suggérer un temps froid et pluvieux. De même, à partir de la mi-novembre et en décembre lorsque la nuit tombe très tôt, Columelle conseille-t-il de « prendre quelque portion sur les nuits, qui sont longues alors, pour l’ajouter aux jours » et de se charger de menus travaux à la veillée. Parmi ceux-ci, fabriquer cabas, paniers, corbeilles d’osier et ruches pour les abeilles (Rust., 11, 2, 90).
75Cependant, il est également préconisé de se consacrer tout au long de l’année à la fabrication de vanneries (Columelle, Rust., 12, 18, 2, trad. J. André) :
76Si ager amplus aut uineta aut arbusta grandia sunt, perenne fabricandae decemmodiae et trimodiae, fiscellae texendae et picandae,
77« Si le domaine est étendu, si les vignobles ou les vignes sur arbres sont importants, il faut fabriquer toute l’année des corbeilles de dix et trois modii, tresser et poisser des paniers »,
78et particulièrement en cas de circonstances climatiques défavorables aux travaux de plein air :
79Quom pluet, quala parentur, sarciantur,
80« Quand il pleuvra, que les paniers soient préparés, réparés », conseille Caton (Agr., 23).
81Pline l’Ancien résume finalement bien la pensée des agronomes quant au fait d’adapter les travaux aux contraintes climatiques et saisonnières (N. H., 18, 40, trad. H. Le Bonniec) :
82Inde illa reliqua oracula : « Nequam agricolam esse, quisquis emeret quod praestare ei fundus posset ; malum patrem familias, quisquis interdiu faceret quod noctu posset, nisi in tempestate caeli ; peiorem qui profestis diebus ageret quod feriatis deberet ; pessimum, qui sereno die sub tecto potius operaretur quam in agro »,
83« Ces autres oracles partent du même esprit : “Mauvais cultivateur, quiconque achète ce que son fonds peut lui fournir ; mauvais père de famille, quiconque fait de jour ce qu’il peut faire de nuit, sauf en cas de mauvais temps ; plus mauvais, celui qui fait les jours ouvrables ce qu’il devrait faire les jours fériés ; pire encore celui qui, par beau temps, travaille sous son toit plutôt que dans son champ.” »
84De tels préceptes connurent une longue postérité puisque, encore au XVIe siècle, ils seront repris par Olivier de Serres dans son Théâtre d’agriculture :
85« Et tous jusques aux moindres, employeront la veillée des longues nuicts, faisans auprès du feu des paniers et corbeilles, mandes vans et semblables meubles du Mesnage, selon le pays et matières qu’on a : desquels en temps et heurs se pouvoira pour le reste de l’année : estant vergongne au Mesnager de debourser argent en l’achapt de tels meubles, et d’employer le temps à en faire hors ladite saison : suivant cette maxime, De ne faire iamais de iour, ce qu’on peut faire de nuict : Ni en beau temps ce qu’on peut faire en laid19. »
86L’organisation rationnelle dans le sens d’un travail rythmé par le cycle des saisons et des travaux des champs, d’un travail qui fût le plus rentable possible pour le propriétaire d’un domaine rural, se voit également confirmée par plusieurs allusions à la vannerie en tant qu’activité d’appoint, toujours dans l’idée de ne laisser aucun membre du personnel désœuvré. De sorte que l’activité ponctuelle, régulière et annuelle des esclaves qui produisaient les vanneries se doublait d’une activité pastorale occasionnelle confiée aux gardiens des troupeaux. Ces derniers pouvaient occuper leur temps à confectionner des corbeilles. On reconnaît là un lieu commun de la littérature bucolique lorsque les poètes Virgile, Tibulle, Calpurnius Siculus et Némésien évoquent les pâtres ou les gardiens de chèvres occupés à tresser des vanneries en surveillant leurs troupeaux : Dum fiscella tibi fluuiale, Tityre, iunco/texitur et raucis immunia rura cicadis (Némésien, Buc., 1, 1-2)20. Deux documents iconographiques déjà présentés illustrent ce thème bucolique : le grand plat d’argent à décor pastoral du trésor de la place Camille-Jouffray à Vienne montrant un vacher sur le point de terminer une corbeille tout en surveillant son troupeau (Cf. fig. 33) ; la mosaïque paléochrétienne de la basilique d’Arapaj (Albanie) mettant en scène un gardien d’animaux assis à l’ombre d’un arbre, en train d’enrouler une liane pour l’employer plus tard en vannerie (Cf. fig. 32).
87La fabrication de vanneries était considérée par les agronomes comme étant à la portée de l’ensemble du personnel dépendant. C’est, du reste, ce que tendent à montrer les quelques représentations iconographiques déjà mentionnées. L’activité nécessite peu d’apprentissage et une moindre qualification professionnelle, le savoir-faire est relativement simple à acquérir, du moins pour la réalisation de fournitures simples de première nécessité. Dès lors, parmi les esclaves du domaine, tout un chacun pouvait être amené à pratiquer la vannerie — homme, femme et sans doute enfant — par transmission d’une connaissance technique empirique. Aucun des agronomes ne fait d’ailleurs état de personnes spécialement affectées à ce travail. En matière de spécialisation, on peut relever que Caton est le seul des agronomes à compter au nombre du personnel de la propriété un esclave osiériste, le salictarius (Agr., 11, 1). En outre, selon les dires de Plutarque (Cato, 21, 7-8), l’agronome avait pour usage de faire former sa main-d’œuvre servile à des métiers spécialisés afin de la revendre par la suite à un prix plus élevé (Morel 1989, p. 248). Varron, lorsqu’il fait allusion aux grands domaines fonciers, préconise de faire réaliser les divers travaux par la main d’œuvre disponible : « Ce rôle [i.e. celui d’artisans aux spécialités diverses], les grandes propriétés riches ont l’habitude de le confier à la troupe de leurs domestiques » (R. R., 1, 16, 4, trad. J. Heurgon). Plus loin dans son ouvrage et toujours dans le même type de domaine, il recommande bien de faire produire les ustensiles « muets » — dont certains sont complexes à fabriquer — sur place (R. R., 1, 22, 1). En revanche, dans le cadre de la gestion d’une ferme de petite ou de moyenne taille, il n’est pas partisan d’entretenir des esclaves trop spécialisés — sauf si le domaine est éloigné d’une agglomération21 — car cela pourrait se révéler un inconvénient en cas de décès ou d’indisponibilité de ceux-ci ; si un tel incident survenait, le propriétaire se retrouverait dans l’obligation d’interrompre les activités et perdrait des revenus. Il conseille par conséquent d’avoir recours à la location de spécialistes reçus ponctuellement dans la propriété pour réaliser des travaux spécifiques : « C’est pourquoi les cultivateurs de ce genre [habitant près de villages ou de bourgs] préfèrent utiliser à l’année des voisins, à qui ils donnent leur ordres, médecins, foulons, ouvriers (fabros), plutôt que d’avoir à la ferme les leurs, parmi lesquels parfois la mort d’un seul spécialiste fait perdre le revenu du fonds » (R. R., 1, 16, 4, trad. J. Heurgon). Certes, il n’est pas fait spécialement allusion, dans cet extrait, au recours à des vanniers mais à des ouvriers indéterminés (fabri). Toujours est-il que l’on peut sans doute l’envisager en songeant à la fabrication d’articles bien spécifiques, tels ceux que Caton conseillait d’acheter en ville (Agr., 135, 2-3) — scourtins ou cribles —, tandis que les ouvrages de vannerie les plus communs et faciles à réaliser (corbeilles, nattes …) restaient du ressort du personnel domestique non spécialisé, a fortiori lorsque la propriété était éloignée de toute bourgade. Il devait en être de même dans le modèle d’exploitation décrit par Columelle, où la confection des vanneries d’usage courant par la main d’œuvre servile du domaine est implicite22. Au Bas-Empire, dans un contexte économique plus fermé23, Palladius, recommande d’entretenir sur le domaine, parmi le personnel dépendant, plusieurs spécialistes : forgerons, charpentiers, fabricants de jarres et de cuves, « pour que le besoin de se rendre en ville n’oblige pas les paysans à quitter leur travail normal » (Agr., 1, 6, 2, trad. R. Martin)24. Mais, à l’instar de ce qui se pratiquait dans les fermes modèles auxquelles font allusion ses prédécesseurs, c’est vraisemblablement le personnel non spécialisé de la propriété qui pourvoyait à l’approvisionnement en vanneries courantes, d’autant plus que l’analyse de l’ensemble du traité de Palladius fait ressortir l’image d’une exploitation « vivant sur elle-même avec un minimum d’échanges » (Frézouls 1980, p. 203-206).
88Les recommandations d’autosuffisance exposées par les agronomes avaient cependant leurs limites. Au souhait idéal d’une économie fermée s’opposait la nécessité d’une économie d’échange. De fait, les domaines esclavagistes avaient souvent recours à une production artisanale extérieure. Caton, qui présente pourtant un modèle de gestion rurale où les esclaves sont très présents25 et, pour certains, spécialisés, témoigne qu’il existait des situations où le régisseur du domaine avait recours à l’achat de fournitures à l’extérieur de la propriété. En dépit de ses exhortations visant à récolter le plus d’argent possible grâce au travail de la main d’œuvre servile, il liste une série de villes du Latium et de Campanie accessibles depuis ses domaines modèles où l’on pouvait se fournir en matériel divers, notamment en sparteries ou en vanneries : Nola (?), Capoue, Suessa, Casinum et Rome (Agr., 135, 2-3). Il s’agit en l’occurrence d’acheter des scourtins, des cordes et des ustensiles en sparterie à l’extérieur. Est-ce en raison de la nature du matériau employé pour confectionner ces objets, absent de l’environnement végétal du domaine ? L’alfa exporté d’Espagne en Italie26 était très recherché pour sa robustesse et on l’utilisait pour tresser couffins, scourtins et cordes. Le palmier, qui ne croissait pas partout, entrait lui aussi dans la fabrication des paniers à pressoir. Est-ce en raison du recours à un savoir technique particulier ? La mise en œuvre de fibres végétales requérait une préparation plus longue du matériau (séchage, rouissage, peignage pour récupérer les fibres) que les tiges de joncs ou les rameaux de bois, et le tressage — une opération longue pour les objets fabriqués selon la technique spiralée, celle qui est le plus souvent utilisée pour fabriquer de tels produits — devait être de qualité pour donner des ustensiles résistants. Aussi est-il vraisemblable que, dans le cas de ces articles réclamant à la fois des matériaux et une technicité spécifiques, l’on ait eu recours à des artisans expérimentés, voire spécialisés27, à même d’en garantir la solidité. J’ai d’ailleurs souligné plus haut le soin qu’il convenait d’accorder aux scourtins selon les agronomes.
89Dans le cadre d’une économie d’échange, de même qu’il n’était pas exclu de s’approvisionner en vanneries ou en matière première à l’extérieur du domaine — en ville ou dans une ferme voisine (Varron, R. R., 1, 16, 3) —, une bonne stratégie économique impliquait la vente d’une partie de la production :
90pater familias uendacem, non emacem esse oportet,
91« le père de famille doit être vendeur et non acheteur », affirme l’économe Caton (Agr. 2, 7).
92Non seulement il convenait d’obtenir sur place la matière première nécessaire à la fabrication de la plupart des vanneries employées pour les besoins propres du domaine, mais encore devait-on se garder la possibilité de revendre le surplus de cette production. Ainsi en est-il pour Caton (Agr., 9, trad. R. Goujard) :
93Salicta locis aquosis, umectis, umbrosis, propter amnes, ibi seri oportet ; et id uideto uti aut domino opus siet aut ut uendere possit,
94« Veillez à ce qu’elles [les saulaies] satisfassent aux besoins du maître ou à ce qu’il y ait des débouchés. »
95En dernière extrémité, si les baguettes de bois ne sont pas vendues, elles seront brûlées dans une terre où l’on sèmera du pavot (Agr., 38, 4) :
96« Les rameaux et les sarments (uirgas et sarmenta) qui resteront pour vous sans emploi, brûlez-les dans une terre en culture ; à l’endroit où vous les aurez brûlés, semez du pavot. »
97Varron tient le même discours à propos de la commercialisation des roseaux (R. R., 1, 16, 2-3) :
98« Quand on a dans le voisinage des débouchés satisfaisants, où l’on puisse vendre ce que l’on fait pousser, et que l’on y trouve un approvisionnement favorable pour tout ce qui est nécessaire au domaine, elles [les terres] rapportent. […] De même s’il y a dans le voisinage des bourgs ou des villages, ou encore, appartenant à des riches, des fermes ou des champs bien pourvus, où l’on puisse acheter à bon compte ce dont on a besoin pour le domaine, auxquels ce qu’on a de trop puisse être vendu, comme à certains les échalas, les perches et les roseaux, le domaine est de meilleur rapport. »
99Lorsque Caton recommande de cultiver le saule pour les besoins de la ferme mais aussi de trouver des débouchés à l’osier produit, il entend certes qu’il faut revendre l’excédent de la récolte en cas de production supérieure aux besoins — comme Varron —, mais peut-être entend-il aussi qu’il convient d’écouler les vanneries en surnombre réalisées par les esclaves. Ses recommandations d’organiser sur place, dans le domaine, des ventes de produits, d’objets d’occasion, de bétail et même d’esclaves malades ou âgés pourraient aller dans ce sens (Agr., 2, 7) :
100auctionem uti faciat : […] et si quid aliud supersit, uendat,
101« qu’il fasse une vente aux enchères : qu’il vende […] toutes les autres choses superflues ».
102En effet, tout bon propriétaire doit se débarrasser des surplus : quae supersint ut ueneant (Agr., 2, 6).
103Chez Columelle en revanche, fabriquer des ustensiles est plutôt envisagé pour satisfaire strictement aux besoins du domaine28. L’auteur explique que si la production de vanneries se trouve excédentaire, les ustensiles en surnombre doivent être tenus en réserve pour être utilisés, en cas de besoin, pour les activités se déroulant au sein de la propriété (Rust., 12, 52, 9, trad. J. André) :
104Haec omnia multo plura esse debent : quoniam in usu depereunt, et pauciora fiunt ; quorum siquid suo tempore defuerit, opus intermittitur,
105« On devra avoir de toutes ces choses [dont paniers et cabas] en surnombre, car à l’usage elles s’abîment et leur nombre diminue ; si l’une vient à manquer au moment d’être employée, le travail sera interrompu. »
106Garder des ustensiles de rechange — instrumentum divers et outils de fer — était indispensable puisque cela évitait aux esclaves de sortir du domaine, donc de perdre du temps (Rust., 1, 8, 8)29 :
107« L’intendant doit prendre soin des outils en fer et des ustensiles, et en garder en bon état et en réserve deux fois plus que ne l’exige le nombre des esclaves, pour ne pas les emprunter à un voisin ; car la perte en travail d’esclave dépasse le coût de cette sorte d’article. »
3. Les données économiques : commerce et tarifs
108Dans le cadre de la production artisanale étudiée, la rareté des documents épigraphiques relatifs à des vanniers peut être l’indice de la prédominance du travail domestique au sein de la familia urbaine ou rurale, ou encore celui de l’existence d’une majorité d’artisans libres ou de statut servile employés comme ouvriers dans de petits ateliers. Toutefois l’existence d’un collège à Préneste et d’un quartier artisanal à Rome, de même que celle de quelques inscriptions relatives à des professionnels isolés, nuance cette assertion. Elle constitue une preuve que la vannerie n’était pas une activité artisanale exclusivement domestique. Une part des articles faisait l’objet d’un commerce que l’on imagine géographiquement plutôt restreint, se déployant sur des marchés dans les cités et les bourgs agricoles, ou bien se limitant à des échanges de proximité dans les campagnes, comme cela a été évoqué précédemment dans l’analyse des traités agronomiques. Ce commerce concernait de petites quantités de marchandises, à l’exception sans doute de celui des produits issus de l’alfa espagnol, exportés par voie maritime. Par ailleurs, les données éparses et succinctes dont nous disposons permettent difficilement de cerner les revenus que pouvaient tirer de leur savoir-faire les vanniers œuvrant dans les cités. Les revenus de ces travailleurs, restés anonymes pour la plupart, étaient sans doute précaires. L’analyse des quelques documents épigraphiques conservés va dans ce sens. Un Caius Valerius Clemens, artisan libre ayant accumulé l’argent nécessaire pour se faire graver une stèle imposante — et sans doute aussi propriétaire foncier d’oseraies — doit être considéré comme un cas de réussite exceptionnel au regard de la majorité de vanniers qui n’ont laissé aucune trace. C’est un fait paradoxal car, à lire les textes et à considérer les représentations figurées, la production de vannerie était, évidemment, extrêmement abondante dans l’Antiquité.
109Un document épigraphique permet de se faire une idée approximative, malheureusement très floue, au sujet de la situation économique du vannier. L’Édit De pretiis rerum uenalium de Dioclétien livre en effet les prix maximum fixés pour quelques objets de vannerie ou de sparterie ainsi que ceux de rares matières premières. Les mentions sont cependant souvent lacunaires voire opaques, si bien qu’il est malaisé d’interpréter les nuances stipulées à propos des articles.
110Une rubrique spécifique de l’Édit concernait les objets d’osier, preuve que ces ustensiles entraient dans la catégorie des objets les plus usuels. En 12, 39, sous le titre De uiminis (Περὶ οἰσυπλοκῶν) ne sont malheureusement conservées que des lignes très lacunaires en latin, un peu plus complètes en grec mais très obscures (Giacchero 1974) :
11112, 39 a : τοῦ γε[γε]νημένου ἴδους ἀπὸ ῥαβδί[ων] καθαριόν λ(ίτρα) α´ [10 deniers]
11212, 40 : infecti [---] = τοῦ μὴ γεγενημένου λ(ίτρα) α´ [6 deniers]
113Une variété de corbeille, « préparée avec des baguettes pures (?) », « travaillée » (écorcée ?), sera vendue 10 deniers à la livre (327,45 g), et « non travaillée » (non écorcée ?), 6 deniers.
11412, 41 : Viminis gr[--- (denarii) ---] = εἴδου[ς<γε>γε] νημένου ἀπὸ ῥαβδεί[ων τραχυτέρων] λ(ίτρα) α´ [---]
11512, 42 : Infecti [--- (denarii) ---] = [τοῦ μ]ὴ γεγενημένου [λ(ίτρα) α´ ---]
116Les tarifs de cette variété, faite « avec des baguettes plus grossières », travaillées ou non, sont perdus.
117Curieusement, le prix de ces produits de vannerie est évalué au poids, bien qu’il s’agisse d’objets finis. La mention, à la rubrique 33 (De cannabae et sparto = Περὶ κανναβεῶς καὶ σπάρτου), d’un panier également vendu au poids, fait écarter l’idée qu’il puisse s’agir de fagots de matière première. En effet, en 33, 27, un panier de palmier « fabriqué selon n’importe quel mode », sportae palmae de quodlibet opere confectae p(ondo) (unum) [(denarii) ---] ([φ]άκελοι λι[---] λ(ίτρα) α´ [---]), dont le texte corrompu, latin ou grec, ne donne pas le prix, est vendu en fonction de son poids. En revanche, en 33, 28, on trouve une « corbeille de qualité », cofinum de qualitatis in modio [---], vendue en fonction de sa contenance, 2 deniers par modius30, d’après le texte grec.
118La distinction entre réalisation ordinaire et réalisation « de qualité » est intéressante et significative. Elle incarne dans la réalité économique une distinction que l’analyse technique elle-même corrobore, comme cela a été souligné à propos de certaines des pièces découvertes à Herculanum et Pompéi. Cette nuance exprime bien l’appréciation portée sur les objets eux-mêmes pour l’ingéniosité des savoir-faire mis en œuvre et/ou leur qualité esthétique. Ce goût certain se retrouve dans les représentations iconographiques figurant, là encore, des réalisations « de qualité ».
119Parmi les articles tressés, figurent également les prix de différentes sortes de cribles, joints à ceux de ces mêmes ustensiles réalisés en peau :
120un crible de la plus grande taille (cribrum textile maximum - κόσκινον πλέκτον μέγα) coûte 200 deniers (15, 62) ;
121un crible commun de boulanger (cribrum textile rusticanum pistorium), 100 deniers (15, 63) ;
122un crible pour légumes tressé (cribrum leguminale textile), 40 deniers (15, 64) ;
123un autre type de crible tressé (cribrum ca[...] ecile text[ile ?]) se vendra au maximum 35 deniers (15, 65).
124Ces ustensiles apparaissent comme très coûteux par rapport aux vanneries énumérées dans les autres rubriques, sans que cela puisse s’expliquer. Réalisés en sparterie, ils étaient toutefois moins chers que s’ils étaient faits de cuir (en 15, 61, un cribrum pelliceum simulare, crible à semoule en peau, coûte 400 deniers, soit le double du plus grand modèle en matière végétale).
125Pour ce qui est des matières premières, le crin de palmier apparaît dans la liste (33, 23), palmarum crinem [(pondo)] (unum) [---], mais les vestiges de l’Édit n’en donnent pas le prix.
126Enfin, l’alfa était vendu « en petite botte ou en bouquet », sparti fasciculum siue facelium, à 2 deniers la livre (33, 26). Cette assertion corrobore les données des sources littéraires à propos du commerce de ce matériau végétal à travers l’Empire à l’époque tardive31.
127Il n’est guère possible de tirer des informations de la liste des marchandises de l’Édit sur les prix. Le texte est délicat à interpréter. Tout au plus peut-on noter le prix modique de quelques uns des produits se rapportant à l’artisanat étudié par rapport à celui de certaines denrées de base ou par rapport au salaire journalier d’un ouvrier, tels qu’ils apparaissent dans d’autres rubriques32. Même si l’Édit cite des vanneries en établissant une différence entre « non travaillé » et « travaillé », induisant une différence de prix variant quasiment du simple au double (6 à 10 deniers), on ne peut pas avoir une idée de la réalité que ces expressions — concernant un produit de base et sans doute suffisamment explicites pour un ancien — recouvraient. La part du travail manuel mais aussi la qualité du tressage (notion qui apparaît à propos des couffins dans le même document) entraient certainement en compte. Il n’en reste pas moins que le constat global, commun au monde de l’artisanat romain, d’une « faible incidence de la main-d’œuvre dans le prix de vente de nombreux objets » (Morel 1989, p. 256) peut certainement s’appliquer aux artisans vanniers. Un proverbe rapporté par Pétrone (113)33, non pluris aliquid facere quam sportam, « ne pas faire plus cas de quelque chose que d’un panier », pourrait d’ailleurs confirmer le moindre prix des vanneries. De même, l’expression virgilienne de uilis supellex34 étaye le témoignage de l’Édit sur les prix.
4. Un bilan contrasté
128L’analyse des documents conservés conduit à une vision contrastée des conditions de fabrication et de diffusion des vanneries à l’époque romaine. Une abondante production — dont témoignent principalement la littérature et l’iconographie — indique que l’activité vannière était très répandue, mais bien peu de documents épigraphiques subsistent sur le monde des travailleurs exerçant la profession. Alors que beaucoup d’incertitudes demeurent au sujet des hommes eux-mêmes et de la réalité artisanale, l’examen des sources épigraphiques et littéraires apporte au moins quelques certitudes en matière de terminologie, sur l’identification de noms de métiers ressortissant à la vannerie, à verser au dossier des noms de métiers latins35. Ces certitudes génèrent cependant à leur tour de nouvelles interrogations.
129La recension des termes en usage pour désigner divers métiers liés à la vannerie aboutit à la constitution d’un mince corpus. La mise en parallèle du vocabulaire grec avec le vocabulaire latin, en particulier à l’aide des gloses rassemblées dans le Corpus glossariorum Latinorum (CGL), fournit parfois de précieuses indications sur les attributions de certains des noms de métiers cités dans les inscriptions. L’origine étymologique des termes est variable : tantôt le nom de métier trouve son origine dans le nom du verbe d’action, tantôt il dérive du matériau employé, tantôt de celui de l’objet fini.
130Le seul nom de métier ayant pour étymon le verbe d’action est le terme servant à désigner le vannier : uitor. Le verbe à l’origine du nom est uieo, ere, signifiant « tresser, lier », qui semble induire une production diversifiée de la part de l’artisan. Le nom de métier est glosé deux fois en grec dans le Corpus glossariorum Latinorum : ὐσιοπλόκος (« celui qui tresse l’osier ») et καλοπλόκος (« celui qui tresse le bois ») sont tous deux pourvus du suffixe -πλόκος, issu de πλέκω signifiant « tresser, entrelacer » (CGL, II, 468, 50 ; II, 210, 16). Rien que de très logique, donc, en regard de l’étymologie latine. C’est sous l’orthographe uitor et non sous celle de uietor36 que le terme désigne le vannier en langue classique. Dans la littérature, les deux formes sont attestées dès Plaute (uitor)37 et jusque chez les auteurs chrétiens tardifs (uietor, le plus souvent, dans les manuscrits)38. En épigraphie, sur les documents connus et précédemment exposés39, c’est la forme uitor seule qui apparaît, inscrite sur une durée de plus de deux siècles. Ce nom de métier rare parut si insolite aux éditeurs des inscriptions qu’ils lui susbstituèrent plusieurs autres termes dans les premières éditions : ultores, olitores ou ulitores pour le fragment des Fastes d’Ostie40 ; uiticolarum pour le collège de Préneste41 ; ultor ou uictor pour l’épitaphe de Modène42.
131Le deuxième terme désignant le vannier, uiminarius, est contemporain de uitor. Il s’agit d’un hapax, lisible sur l’inscription provenant de Narbonne étudiée plus haut. L’origine du terme se trouve dans le nom du matériau utilisé, uimen, désignant non pas un végétal particulier, mais toute plante flexible dont on peut faire des liens puis, plus particulièrement, l’osier. Vimen peut aussi, par synecdoque, désigner tout objet de vannerie, en particulier une corbeille43. On pourrait par conséquent voir en uiminarius soit un vannier, soit un marchand de vanneries44, voire — et cela est tout à fait plausible — les deux métiers à la fois. Dans le Corpus glossariorum Latinorum, le mot est mentionné à cinq reprises et traduit par différents noms grecs dont le suffixe -πλόκος est propre à la mention d’artisans, comme cela a déjà été souligné. De surcroît, dans le même ouvrage, à une occasion les termes uitor et uiminarius sont glosés par le même nom de métier en grec, οἰσιο- ou ὐσιοπλόκος (CGL, III, 308, 62 : οἰσιοπλόκος uiminarius — et II, 468, 50 : uitor ὐσιοπλόκος ; III, 308, 63 : βιργοπλόκος uiminarius ; III, 271, 48 : λυγοπλόκος uiminarius ; III, 201, 48 : λιγοβλόκος uiminarius ; III, 511, 25 : βιργοπλόκος uiminarius). Si l’on analyse les entrées du CGL sous la forme d’un syllogisme, il ressort que uiminarius serait synonyme de uitor. Les deux vocables étant attestés à la même époque, doit-on penser que uiminarius correspond une désignation locale du vannier ? Les études menées sur le corpus épigraphique de Narbonne ont montré combien le nombre de noms de métiers était élevé dans cette cité, où cinquante-trois métiers extrêmement spécialisés sont recensés. Il est difficile de dire si ce constat reflète une division des métiers ou du travail, ou encore une volonté de certains des artisans locaux de se singulariser face à leurs collègues et de se faire de la publicité auprès de la clientèle en indiquant les points forts de leur profession (Bonsangue 2002, p. 208). L’exemple du uiminarius me paraît en l’occurrence relever plutôt de la dernière hypothèse, sur la base de sa synonymie avec uitor mentionnée par le CGL : le point fort de cet artisan vannier narbonnais aurait pu être le travail des brins d’osier.
132Spartarius, un hapax, a pour étymon le nom d’un végétal qui est aussi celui du produit fini dérivé. Le vocable spartum dont il est issu n’est pas considéré par les gloses du CGL dans sa première acception mais, métonymiquement, dans son sens de corde — la métonymie s’applique aussi au terme σχοῖνος de la traduction grecque, qui signifie aussi bien jonc que corde. Dès lors, le nom y est interprété dans le sens restrictif de vendeur de nattes ou de cordes (CGL, II, 450, 19, spartarius σχοινοπώλης ; II, 593, 35, spartarius funes uendens)45. La seule inscription mentionnant un spartarius provient de Cadix, précisément d’une province où l’alfa, plante indigène, croissait en abondance et constituait une production assurant la réputation de la Péninsule à travers l’Empire46. Plutôt que le cognomen du personnage47, je verrais dans le terme spartarius un artisan ou un commerçant spécialisé, ayant un rapport plus large avec la plante et ne limitant pas forcément ses activités à la corderie. Peut-être G. Auidius cultivait-il et/ou vendait-il de l’alfa brut et/ou sous forme de produits de sparterie qu’il fabriquait, à l’instar des personnages dont le métier était désigné par le nom d’« alfatier » encore au XIXe siècle.
133Le nom de métier tardif budinarius employé par Cyprien de Carthage est également un hapax. Le terme doit être rattaché à buda, nom d’une plante aquatique mal déterminée, jonc ou laîche, qui serait un synonyme d’ulua48. Comme les phytonymes précédents, buda désignait, par synecdoque, l’objet fini le plus représentatif de la production, la natte. Budinarius serait par conséquent à interpréter comme un terme (local ?) usité pour désigner un fabricant et/ou marchand de nattes, voire d’une plus large gamme de sparteries.
134Le vocable tegetarius, ayant pour origine le nom d’un ouvrage de vannerie, est assurément le plus intéressant dans le cadre de recherches entreprises dans les cités vésuviennes. Il atteste en effet, à Pompéi même, l’existence d’artisans se livrant au tressage manuel des végétaux. Le terme constitue un hapax et apparaissait sur une inscription électorale peinte, aujourd’hui disparue, en faveur du candidat C. Lollius Fuscus, inscription qui sera analysée plus loin (CIL, IV, 7473 ; Della Corte, NSA, 1915, p. 279-280 et 1919, p. 237-238 ; Della Corte 1965, p. 350-351, n˚ 761 ; Mingaud 1992, p. 40-41 et 50). La spécialité de ces artisans était la fabrication de nattes (tegetes), ce que confirment les gloses du CGL, avec des variantes orthographiques : tegenarius ψιαθοποίος (CGL, II, 195, 55) ; tegitarius ψίαθοπλόκος (CGL, II, 195, 56) ; ψαθοποίος tegestarius (CGL, III, 309, 72). Tandis que les équivalents donnés en grec, avec leur suffixe -ποίος ou -πλόκος, orientent vers le sens de fabricant, on peut vraisemblablement y ajouter celui de marchand, selon une logique commune à tous les noms de métiers analysés.
135Le CGL cite également à une seule reprise un artisan fabricant de corbeilles, le quasillarius, dont le nom dérive de quasillum, la corbeille à ouvrage. La glose donne κοφινοποίος pour équivalent grec du terme latin (CGL, III, 461, 74).
136Dans la série des noms de métier ayant pour origine celui d’un produit manufacturé, deux termes sont problématiques quant à leur lien avec une activité exclusive de vannerie. Il s’agit d’une part de baxiarius, d’autre part de cribrarius. Le terme baxiarius se lit dans une inscription de Rome, une dédicace émanant du corpus perpetuum fabrum soliarium baxiarium (CIL, VI, 9404). Aucune autre occurrence de ce nom de métier n’est recensée, que ce soit dans les textes ou dans le CGL. Le terme baxea désigne chez les auteurs une sorte de sandale tressée en fibre végétale à l’origine, mais probablement réalisée aussi en cuir par la suite (baxeae dorées et baxeae tyriennes chez Tertullien, Idol., 8, 3-4 ; Pall., 4, 7). Helen Loane voit dans les baxiarii des « makers of women’s light slippers from papyrus or plant fabric », de même qu’Auguste Mau, Ettore De Ruggiero, Edmond Saglio et Harald von Petrikovits (« Hersteller geflochtener Sandalen ») qui pensent aussi à des fabricants de sandales tressées à l’origine49. Cependant, rattacher les baxiarii à une stricte activité de vannerie peut susciter quelques réserves. Au demeurant, leur association professionnelle comptait trois cents membres, ce qui semble indiquer que leur production concernait une large clientèle urbaine.
137Cribrarius désigne, d’après les gloses du CGL, un fabricant de cribles : cribrarius κοσκίνοποιος (CGL, II, 353, 58), cribrarius κοκρίνοποιος (CGL, III, 308, 9). Dans ce cas encore, on sait que les cribles n’étaient pas uniquement confectionnés en matière végétale. L’Édit sur les prix de Dioclétien mentionné plus haut fournit une liste de cribles divers : outre les cribles tressés (15, 62-65), des cribles de cuir et de peau figurent dans la rubrique 15 (15, 60a-61 et 15, 66).
138Si les sources permettent d’identifier avec certitude des noms de métier ayant trait à la vannerie, ces termes, dans leur diversité, suscitent plusieurs questions, non seulement à cause de leur rapport même avec une activité exclusivement vannière dans quelques cas déjà mis en évidence, mais surtout à propos d’une éventuelle spécialisation par type de production des artisans désignés par cette palette de noms de métier. Doit-on comprendre, au regard de ce vocabulaire, qu’il existait une spécialisation de certains artisans dans la fabrication d’un objet précis ? Ou bien s’agissait-il simplement de nommer les fabricants à l’aide du produit le plus emblématique de leur production ? Auquel cas ceux-ci ne se seraient pas limités à un type de produit particulier mais auraient subvenu aussi à une demande diversifiée au coup par coup.
139Pour conforter la première hypothèse — celle d’artisans spécialisés dans la production d’une seule variété d’objets —, nous disposons maintenant d’un exemple archéologique, celui de Pompéi50. L’atelier mis au jour il y a une vingtaine d’années recelait, semble-t-il, uniquement des vestiges de nattes51, alors que l’unique mention épigraphique pompéienne relative à une activité vannière concerne précisément des tegetarii. Il est sans doute risqué de faire reposer une certitude sur ce seul cas et de généraliser le phénomène à partir de cette unique découverte ; le fait mérite cependant d’être relevé, d’autant que ce phénomène est connu à des époques postérieures. Au Moyen Âge et à l’époque moderne, un artisan demeurait lié à la fabrication d’une forme d’objet spécifique. Vers 1292, en France, sont attestés des vanniers professionnels portant les noms de « panelier » (fabricant de paniers), de « vanetier » (fabricant de vans) et de « corbelinier » (fabricant de corbeilles). Au début du XIVe siècle, on rencontre le « corbillonier » et le « fesceur de panier » et, au XVe siècle, sont mentionnés des nattiers, et ce jusqu’au XVIIIe siècle (Anquetil 1979, p. 85-86). Chaque corporation était alors spécialisée dans la production d’un type particulier d’ustensile, ses membres maîtrisaient un savoir technique spécifique.
140Pour les termes qui n’ont pas pour étymon le nom d’un objet mais celui d’un végétal ou un verbe d’action, il est possible d’envisager une production diversifiée fondée sur une connaissance technique plus étendue : tel est le cas pour le uitor, le uiminarius, le spartarius et le budinarius, qui auraient pu se consacrer à la confection de tous types d’ouvrages en recourant à différents matériaux végétaux pour les deux premiers, à un seul ou à un même type de matériau de base pour les autres.
141Si l’on peut prendre en compte une spécialisation au niveau horizontal52, « un raffinement dans la spécialisation du travail de production », pour reprendre une expression de Jean-Paul Morel (Morel 2001, p. 251)53, il semble improbable en revanche que la spécialisation ait pu se définir à un niveau vertical dans la chaîne opératoire, c’est-à-dire que l’activité de vannerie ait été concernée par une décomposition du travail en tâches parcellaires54. Un vannier prenait en charge toutes les opérations successives nécessaires à la fabrication d’un produit sans qu’une division du travail par répartition des compétences ne fût utile. Par le peu de structures et de frais en équipement qu’elles impliquaient, ces opérations, bien que longues parfois, étaient à la portée de tout artisan. En outre, une telle production n’a jamais relevé de l’échelle industrielle. À titre de comparaison, de nos jours un vannier réalise lui-même toutes les opérations successives — rouissage, décortiquage, tressage —, souvent même depuis l’osiériculture et la récolte de l’osier.
142Quant à la question d’une division des tâches entre fabricant et marchand, question récurrente dans toute enquête portant sur le monde de l’artisanat à l’époque romaine et entretenue par l’ambiguïté du vocabulaire latin, il est malaisé d’y répondre : les difficultés d’interprétation du vocabulaire sont dues à la nature des suffixes en latin (Petrikovits 1981a ; Neumann 1981). Les suffixes -tor et -arius rencontrés introduisaient-ils quelque nuance de sens parmi les noms de métier, c’est-à-dire une distinction entre un artisan vannier et un marchand de vanneries dans le cas précis de uitor et uiminarius ? À en croire Fronton et son exemple relevant du domaine de la corderie, les suffixes auraient exprimé une différence : restiarius, qui facit, restio, qui uendit (Fronton, Diff., p. 529, 10K). Pour conforter cette assertion, les suffixes -πλόκος, -ποίος et -πώλης des termes grecs donnés pour synonymes des noms de métiers latins dans le CGL traduisent deux réalités professionnelles concrètes : celle d’un fabricant pour les deux premiers, celle d’un vendeur pour le troisième55. Diomède, un autre grammairien, ne fait pas la même nuance que Fronton (Diomedis Artis Grammaticae libri III, I, p. 326, l. 10-15, in : Grammatici Latini, éd. Keil, vol. I) :
143Omnis item appellatio primae positionis a littera terminata casu nominatiuo acceptis syllabis ri et us significat eum qui eam rem aut praestat aut uendit aut emit, ueluti amica amicarius […] lactuca lactucarius, culcita culcitarius, charta chartarius, harena harenarius, herba herbarius.
144Le point commun entre les deux auteurs est cependant que la désinence en -rius aurait correspondu à une activité de fabrication. Par conséquent, le fait que les suffixes grecs faisant allusion à un fabricant aient pour correspondants des noms latins aux suffixes -tor ou -arius indifféremment semble prouver que ces derniers ne constituent pas un indicateur fiable pour établir une distinction entre deux spécialités, contrairement aux assertions de Fronton et Diomède. Pour uitor et uiminarius, rien ne permet, à mon avis, de faire de différence entre deux secteurs professionnels56. Tout au plus sait-on que les uitores de Vicence et d’Amérie étaient des artisans en raison de la présence d’outils sur leur monument funéraire. Cependant rien n’interdit d’imaginer qu’ils assuraient également la vente de la production issue de leur atelier. En outre, puisque certains végétaux faisaient l’objet d’échanges commerciaux, comme l’attestent les sources littéraires et des mentions de l’Édit sur les prix de Dioclétien, peut-on concevoir que des négociants aient été spécialisés dans la vente de végétaux servant pour le tressage, tels le spartarius ou même le uiminarius ? D’après les gloses citées ci-dessus, seul le spartarius pourrait être identifié à un tel commerçant.
145Devant autant d’interrogations et d’incertitudes, faire des métiers recensés à la fois des métiers de production et de vente paraît être la seule réponse possible — toute évasive qu’elle soit — à cette problématique. À voir la quasi-absence de témoignages épigraphiques et archéologiques, il faut probablement considérer que l’artisanat de la vannerie concernait de petites unités de travail et un petit commerce d’échoppe en ville, mais qu’il était majoritairement le fait d’une main d’œuvre servile employée dans les demeures urbaines et, surtout, dans les propriétés rurales.
Notes de bas de page
1 À ces cités s’ajoutait peut-être Nola. En effet, selon les éditions du manuscrit de Caton, la ponctuation du texte varie : alia uasa ahenea Capuae. Nolae fiscinae campanicae. hae hamae utiles sunt. funes subductarios, spartum omne Capuae. fiscinas romanicas Suessae, Casino. optimae erunt Romae. Voir l’examen philologique des manuscrits dans l’édition de Keil (Leipzig, Teubner, 1895).
2 Le fragment (0,70 x 0,31 m) fut découvert en 1916 et occasionna des divergences de lecture. Au lieu de uitores, R. Paribeni lut ultores en émettant l’hypothèse de la présence, près du Grand Cirque, de sanctuaires consacrés à des dieux vengeurs : Paribeni 1916. Il fut suivi par G. Calza, qui nota cependant que l’expression était douteuse, inter ultores se révélant une indication topographique inconnue, doute renforcé par la graphie du texte (les L sont clairement lisibles et l’on retrouve deux autres cas de I longs aux lignes 20 et 21) : Calza 1917 (d’où AE, 1917-1918, 122). Par la suite, d’autres lectures furent suggérées par les épigraphistes : Hülsen 1920 lut ulitores pour olitores (marchands de légumes) et W. Groh rejeta cette hypothèse (Bull. Com., 46, 1918, p. 250). Flinck 1926 clôtura le débat : « dilucide apparet ante T litteram in titulo neque L neque ligaturam L et I litterarum, uerum I longam exstare [...]. Itaque scriptum est in titulo inter uitores ». La lecture uitores — adoptée dans le CIL et dans les I. It. par Attilio Degrassi — n’est plus, depuis lors, remise en question (voir, par exemple, Vidman 1982, p. 11-12).
3 Contrairement à l’exemple d’Athènes où, à l’époque grecque, une partie du marché de l’agora était réservée aux vanniers (Bérard 1976, p. 110), aucun témoignage ne subsiste sur la localisation d’éventuels marchés aux vanneries à Rome.
4 Fasolo et Gullini publient uiticolarum (Fasolo 1953, p. 275-276). A. Degrassi, ILLRP, I, 106d, lut uitorum, puis revint au point de départ en rétablissant uiticolarum (addenda et corrigenda aux ILLRP, II, p. 319). Finalement, il prit position dans un article où il affirmait que l’inscription était bien une dédicace du collège des vanniers (Degrassi 1978, p. 149 et 158), considérant, à la fin de la ligne 1, la ligature IC comme inexistante et lui substituant un O. La seconde édition du tome I du CIL par ce même savant restitue définitivement le texte sous la forme colegi(um) uito[rum].
5 Rappel sur l’histoire des collèges républicains dans Tran 2006, p. 15-18.
6 Voir ci-dessus le chapitre 1.
7 Voir leur analyse au chapitre précédent.
8 Illiberales autem et sordidi quaestus mercennariorum omnium quorum operae, non quorum artes emuntur […]. Opificesque omnes in sordida arte uersantur nec enim quicquam ingenuum habere potest officina, « Indignes d’un homme libre et vils sont en outre les gains de tous les salariés dont c’est la peine et non pas l’habilité que l’on paie […]. Tous les artisans s’adonnent à un vil métier, l’atelier ne peut rien comporter de bien né » (trad. M. Testard, CUF, 1974). Cicéron n’est pas le seul à tenir de tels propos ; Sénèque stigmatise également les artisans en affirmant dans une de ses lettres que les travaux manuels ne peuvent être source d’honorabilité (Ep., 88, 21). Voir MacMullen 1986, p. 127-128, sur le « vocabulaire du mépris » à l’égard des professions artisanales et commerciales. Comme l’ont montré plusieurs historiens, il convient de nuancer les propos de Cicéron : les membres de l’élite — sénateurs, mais surtout chevaliers et notables municipaux pour Jean Andreau — ne répugnaient pas à tirer des revenus de l’artisanat et du commerce, par l’intermédiaire de leurs esclaves ou de leurs affranchis : Veyne 1991, p. 153-159 ; Andreau 2005, p. 71-73. Ils prenaient cependant soin de masquer ces investissements dans l’artisanat, à l’exception des activités liées à la propriété foncière, à laquelle demeurait attachée une valeur morale : Morel 1996, p. 184 ; Béal 2000, p. 161. À propos du statut du travail et du désir de respectabilité des artisans, voir Tran 2006, p. 89-110.
9 L’inscription, perdue, fut mise au jour en 1570. L’édition de Gruter, en 1616, donne la lecture uitor (1178, 4) ; celle de Muratori, en 1742, donne ultor (1368, 8). Le CIL donne uictor, d’après la lecture de Panini datant de l’époque de la découverte. Le fait que Gruter ait pu lire uitor témoigne sans doute de la présence d’un I long, à l’origine des variantes d’interprétation : tantôt il fut pris pour un L, tantôt pour une ligature IC. Cet historique des avatars de lecture dont fut victime l’inscription montre que la majorité des éditeurs s’efforcèrent de substituer des termes connus à un terme rare qui les mettait dans l’embarras. De fait, Gruter lui-même semble avoir ignoré le sens du mot qu’il lisait sur la pierre : l’inscription ne fut pas classée dans son chapitre relatif aux artes, professiones et negotiationes. Flinck 1926 et Fraccaro 1940, p. 59-60, admettent pour définitive la lecture uitor.
10 Je n’ai pas pris en compte une inscription fragmentaire provenant de Zuglio (Iulium Carnicum), où apparaît VITOR [---] CIL, V, 1844). Pour certains chercheurs il aurait pu s’agir d’un vannier (E. Bucchi éd., Il Veneto nell’età romana, I. Storiografia, organizzazione del territorio, economiae religione. Vérone, 1987, p. 123). Cette interprétation est à écarter. Le contexte de l’inscription étant celui de la réalisation d’une adduction d’eau, le mot tronqué est à restituer comme un gentilice, bien que celui de Vitorius soit peu attesté dans la zone géographique : P. M. Moro, Iulium Carnicum (Zuglio). Rome, 1956, p. 209-210 ; Suppl. It., n. s., 12, 1994, p. 124-125, n° 15 (AE, 1994, 683) : C. Vitor [io ---]. Par ailleurs, une inscription d’Assise (Asisium) mentionne une liste de sévirs, dont un T. Vistinius Vitor. Il s’agit ici du cognomen du personnage, un cognomen rare (dérivé du nom de métier ?) : Solin 1994 ; Suppl. It., n. s., 23, 2006, p. 365-366, n° 19.
11 Sur l’identification de cette variété, voir ci-dessus le chapitre 1 concernant les plantes.
12 Information orale de Maria Luisa Bonsangue.
13 Voir leur analyse au chapitre précédent.
14 Selon la classification établie par Jean-Claude Béal, la représentation correspondrait au type du possesseur d’outils, propriétaire d’un atelier : Cf. Béal 2000.
15 Bien qu’Emil Hübner, éditeur du CIL, ait pensé qu’il pouvait ne pas s’agir d’un surnom (spartarius non uidetur appellatiuum esse), certains auteurs ont considéré le terme en question non comme un nom de métier mais comme le cognomen du personnage : pour un aperçu des différents points de vue, voir Mingaud 1992, p. 40-41 et note 11. José Vives indexe l’inscription parmi les « Artes y oficios » dans le volume des ILER et les gloses du terme dans le Corpus glossariorum Latinorum confortent ce point de vue (Cf. infra). Rodríguez Neila 1999, p. 86, semble lui aussi s’y rallier. À supposer que le terme soit le cognomen d’Auidius, celui-ci pourrait l’avoir tiré du fait d’être le propriétaire de champs d’alfa, par exemple.
16 Voir ci-dessus le chapitre 1 consacré aux plantes à propos de la localisation des domaines évoqués par les agronomes, ainsi qu’Andreau 2004, p. 77-78. Palladius est le moins connu : on suppose que les domaines dont il parle étaient situés en Italie. L’agronome fait allusion en IV, 10, à ses terres dans les environs de Rome et en Sardaigne : Cf. R. Martin, Introduction (CUF, t. 1), p. VII.
17 Noter que Varron mentionne la fabrication de vans et de scourtins (fiscinae) par le personnel servile du grand domaine. Or, il s’agit d’ustensiles difficiles à réaliser qui nécessitent un savoir-faire particulier, relevant plutôt d’un spécialiste. Parmi les esclaves qui se voyaient confier des tâches habituellement réservées à des artisans spécialisés (Cf. infra R. R., 1, 16, 4), certains ont pu finir par acquérir une qualification particulière.
18 Cf. Pline, N. H., 16, 174 : « d’autres [saules] qu’on écorce et qui se laissent facilement manier donnent des ustensiles dont la souplesse dispense de faire les mêmes en cuir. » (trad. J. André, CUF). Voir aussi les mentions de l’Édit sur les prix de Dioclétien ci-dessous.
19 O. de Serres, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Genève, 1651, livre 1, chap. 6, p. 18.
20 Également : Virgile, Buc., 10, 71 : Haec sat erit, diuae, uestrum cecinisse poetam, dum sedet et gracili fiscellam texit hibisco, Pierides, « C’est assez déesses, c’est assez pour votre poète d’avoir chanté ces vers, tandis qu’assis il tresse une corbeille de souple guimauve, déesses de Piérie » (trad. H. Goelzer) ; Buc., 2, 69-72 : Quin tu aliquid saltem potius, quorum indiget usus, uiminibus mollique paras detexere iunco ? « Prépare-toi donc plutôt à tresser quelque objet dont le besoin te presse, avec des brins d’osier ou du jonc souple » (trad. E. de Saint-Denis) ; Tibulle, 2, 3, 15 : tunc fiscella leui detexta est uimine iunci ; Calpurnius Siculus, Ecl., 3, 68-69 : Sed mihi nec gracili sine te fiscella salicto texitur, et nullo tremuere coagula lacte ; Némésien, Buc., 2, 34 : Ipse ego nec iunco molli nec uimine lento/perfeci calathos cogendi lactis in usus, « [le pâtre Idas] Quant à moi, je n’ai pas confectionné les corbeilles de jonc souple et d’osier flexible qui servent à presser le lait » (trad. P. Volpilhac).
21 Cf. R. Martin, Introduction à Palladius, Traité d’agriculture, t. 1 (CUF), p. XXX-XXXI ; Martin 1971, p. 220, n. 4.
22 Columelle divise les esclaves en trois catégories : les vignerons, les laboureurs et les ouvriers non spécialisés : Martin 1971, p. 307.
23 R. Martin, Introduction à Palladius, Traité d’agriculture, t. 1 (CUF), p. XXX-XXXI.
24 Même argument auparavant chez Varron, R. R., 1, 16, 4 : « […] afin que les esclaves, en sortant du domaine, ne s’écartent pas de leur tâche, et ne se promènent pas en chômant les jours ouvrables. » Et chez les autres agronomes, Cf. infra note 29.
25 À la différence du domaine agricole décrit par Columelle où les esclaves paraissent moins compter comme main d’œuvre, selon Andreau 2004, p. 78. Sur les préceptes économiques de Caton, voir Martin 1971, p. 81-105 ; Capogrossi Colognesi 1982, p. 5-39 (H. Gummerus). Sur ceux de Varron et Columelle, Martin 1971, p. 257-286 ; 289-373.
26 Voir ci-dessus le chapitre 1.
27 Nous n’avons aucun renseignement sur ces artisans exerçant en milieu urbain. Certains d’entre eux étaient peut-être venus d’Espagne pour travailler l’alfa.
28 Andreau 2004, p. 78, note que, pour cet agronome, l’autoconsommation a plus d’importance que la vente.
29 Propos sur la perte de temps identiques à ceux de Varron et Palladius : voir supra note 24. De même, toujours pour Columelle(qui reprend et cite Caton), le régisseur doit se rendre le moins possible en ville : « Il ne doit pas non plus fréquenter la ville, ni les marchés hebdomadaires, si ce n’est pour acheter ou vendre ce qui est de son ressort » (Rust., 1, 8, 6).
30 Capacité de 8,754 litres, si l’on prend comme référence l’Italicus modius. Il n’était pas inhabituel de nommer des paniers d’après leur capacité : Columelle, Rust., 12, 18, 2 et 12, 52, 8, mentionne des corbeilles de dix et de trois modii (decemmodiae et trimodiae corbulae) destinées à la vendange ou à la récolte des olives.
31 Cette information peut être mise en parallèle avec celle de l’Expositio totius Mundi citée au chapitre 1.
32 Par exemple : cinq salades coûtent au maximum 4 deniers ; dix poireaux ou dix radis, 4 deniers ; cent châtaignes, 4 deniers ; deux poulets, 60 deniers ; un demi-litre de vin de Sorrente ou Falerne, 30 deniers ; une libra de viande de porc, 12 deniers ; dix lampes en terre cuite, 4 deniers ; un vase de terre cuite, 2 deniers. Le salaire d’un ouvrier agricole est de 25 deniers par jour, mais les salaires les plus fréquents sont de 50 deniers (pistor, faber tignarius, tessellarius, carpentarius, faber ferrarius...). Cf. Frézouls 1977, p. 260-266, pour une tentative de définir le pouvoir d’achat d’une partie des journaliers. Ainsi, une corbeille « de qualité » d’un modius (33, 28) correspond à 1/12e du salaire journalier d’un ouvrier agricole, tout comme un vase en céramique d’un peu plus d’un litre (15, 98), tandis qu’une corbeille d’osier d’une livre (12, 39 a) correspond aux 2/5e du même salaire.
33 Si l’on prend en compte une des variantes de lecture des manuscrits (Putsch : sportam), l’autre étant de lire scortum au lieu de sportam : si quid ingenui sanguinis habes, non pluris illam facies quam scortum (A. Ernout dans la CUF ; Nisard).
34 G., 1, 165 : uirgea Celei uilisque supellex, « les ustensiles de vannerie de Célée, objets qui coûtent peu ».
35 Pour une vue d’ensemble sur les noms de métiers recensés dans l’Antiquité, Petrikovits 1981a et 1981b. Pour les vanniers en particulier, Mingaud 1992 ; Monacchi 1996 ; Cullin-Mingaud 2010.
36 Forcellini, dans le TLLex, fait une entrée s. u. uietor en ajoutant : et rectius uitor ; « Una forma uietor, la cui esistenza si può per molte ragioni negare » (Fraccaro 1940, p. 58). Plus récemment, Le Grand Gaffiot, nouvelle édition revue et augmentée (dir. P. Flobert). Paris, 2000, s. u. uietor mentionne « mauvaise orthographe » et renvoie à uitor (en citant cependant l’extrait fautif du Digeste, voir la note 38 ci-dessous).
37 Plaute, Rud., 990 : et uitorem et piscatorem te esse, impure, postulas... ; Aulu-Gelle, 12, 3, 4 : a uiendo uitor ; Arnobe, 2, 38 : quid picarios, salinatores, bolonas, unguentarios, aurifices, aucupes, uannorum sirpiarumque uitores ? ; Donat, Ad Ter. Eun., 4, 4, 21 (688) : VIETVS mollis flaccidusque et flexibilis corpore, unde et uimina et uimenta et uites et uitores dicuntur.
38 Le terme a systématiquement, chez les auteurs tardifs, posé des problèmes de lecture. Sur les problèmes de lecture et d’identification du terme dans la tradition manuscrite, Mingaud 1992, p. 42-44 et note 20 ; Monacchi 1996, p. 945. Le fait que ce soit seulement les sources tardives qui transmettent la lecture uietor avait conduit A. Ernout et A. Meillet (Ernout 1959, s. u. uiere) à prendre uietor pour une forme tardive de uitor. Apparemment, il n’en est rien, il s’agit d’une erreur de graphie. De même, dans l’extrait du Digeste d’Ulpien, 9, 2, 27, où figurait Item si uietori locaueris lacum uino plenum curandum … avant l’édition de Theodor Mommsen (1870), il convient de rétablir tectori, plus adapté au contexte et désormais accepté.
39 Voir ci-dessus, p. 96-99.
40 Voir note 2 ci-dessus.
41 Voir note 4 ci-dessus.
42 Voir note 9 ci-dessus.
43 C’est le cas chez Martial, Epigr., 4, 88, 7 et 7, 53, 5.
44 Comme le TLLex., s. u. uiminarius : qui uiminea opera facit, uel in uiminibus negotiatur.
45 TLLex., s. u. spartarius : qui spartum uendit. Wissemann 1984, p. 123, cite le spartarius dans sa liste comme vendeur de nattes et de cordes d’après le CGL, sans mention de l’inscription de Cadix.
46 Voir ci-dessus le chapitre 1.
47 Voir note 15 ci-dessus.
48 Voir André 1985, s. u. buda. Donat (ad Verg. Aen., 2, 35) donne ce nom employé par Virgile pour un équivalent populaire d’ulua, sans pouvoir en préciser l’espèce précise : uluam a plerisque dici eam esse quam uulgo budam appellant ; nos nihil dicimus interesse utrum ipsa sit an alterius generis species, dummodo sciamus in loco aquoso non defuisse quod celare hominem posset (voir ci-dessus le chapitre 1 pour ulua). Le CGL (V, 617, 26) donne pour synonyme lisca ou carex, la laîche. Le mot paraît d’origine africaine et quelques occurrences seulement sont recensées. Outre le commentateur de Virgile, un autre auteur d’époque tardive emploie ce terme : Augustin, Epist., 88, 6 et 105, 3 : buda uestitus.
49 Loane 1938 ; A. Mau, R. E., III, 1 et Suppl. 1, s. u. baxea ; E. De Ruggiero, Dizionario epigrafico di antichità romane. Rome, 1895-1985, s. u. baxearii ; E. Saglio, DAGR, s. u. baxea ; Petrikovits 1981a, s. u. baxearii.
50 Voir ci-après la deuxième partie consacrée à Pompéi, en particulier le chapitre 2.
51 Selon le témoignage oral de Mme Annamaria Ciarallo, directrice du laboratoire scientifique de Pompéi.
52 La spécialisation horizontale naît du découpage du travail en un ensemble d’activités homogènes exécutées par un seul ouvrier. Elle est la forme prédominante de la division du travail et est inhérente à toute activité humaine.
53 Voir également Morel 1989, p. 249, qui recense, à Rome, 160 métiers différents, sur les 225 connus pour l’ensemble de l’Occident romain, indice d’une spécialisation ayant peu d’équivalents dans l’histoire du travail. Bonsangue 2002, p. 206-208, prenant l’exemple de Narbonne, récapitule la problématique liée à cette grande quantité de noms de métiers spécialisés. Cf. aussi Tran 2006, p. 10, note 43.
54 La spécialisation verticale est adaptée à la chaîne de production d’un bien en ligne hiérarchique. Les diverses tâches sont réparties entre plusieurs ouvriers, ce qui nécessite une coordination entre les différents postes.
55 Des enquêtes menées dans les papyrus d’Égypte et dans les textes grecs ont conduit à dresser des listes de noms de métiers attestés pour l’époque hellénistique : nombreux sont ceux qui se terminent par -πώλης et qui désignent en général des marchands spécialisés dans un type de produit ; toutefois, il semble que certains termes correspondent plutôt en latin à des noms d’artisans : voir Drexhage 1991 ; 2001 ; 2002, part. p. 78 (faber plaustrarius) et 82 (cordonnier). Pour une liste des noms de métiers attestés dans la littérature grecque, voir Drexhage 2004, où figurent les gloses du CGL concernant les vanniers.
56 À la différence de Wissemann 1984, p. 124, qui établit une distinction : le uitor serait un fabricant et/ou marchand de paniers, d’après le CGL, les textes et l’épigraphie, tandis que le uiminarius serait un marchand de vanneries (sans référence au CGL).
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