Chapitre 2. Techniques de fabrication
p. 49-93
Texte intégral
1Fragiles et périssables mais cependant répandus, les objets de vannerie constituent un artisanat défini par ses techniques comme un savoir, un modus fabricandi révélé par les dieux, selon le poète Virgile. Alors que Déméter était à la recherche de sa fille Koré-Perséphone ravie par Hadès, le roi d’Éleusis, Célée, lui avait offert l’hospitalité. Au moment de quitter la ville après avoir retrouvé Koré, en guise de récompense la déesse aurait enseigné au roi et aux princes Triptolème, Dioklès et Eumolpos ses mystères ainsi que les techniques de la culture du blé et l’art de tresser des corbeilles.
2C’est pourquoi Virgile parle des objets de vannerie comme de « l’attirail de Célée » (G., 1 160-166, trad. E. de Saint-Denis)1 :
3Dicendum est et quae sint duris agrestibus arma,/quis sine nec potuere seri nec surgere messes :/[…]/uirgea praeterea Celei uilisque supellex,/arbuteae crates et mystica uannus Iacchi,
4« Il faut dire aussi quelles sont les armes des rudes campagnards, sans quoi les moissons n’auraient pu être semées ni lever : […] puis l’attirail de Célée, outils d’osier qui coûtent peu, les claies d’arbousier et le van mystique d’Iacchus. »
5L’enseignement divin donne ainsi à cet art ses lettres de noblesse, et ce sont ces techniques qui seront présentées maintenant. Leur étude s’appuiera sur des vestiges mobiliers trouvés dans les sites ensevelis par le Vésuve, car ils constituent un échantillon très représentatif de la variété des techniques d’assemblage connues dans l’Antiquité2. Les contraintes qu’imposent les matériaux, mais aussi les similitudes des usages, permettent d’analyser la production antique à l’aune des productions plus récentes, voire contemporaines. On retrouve en effet, à des centaines d’années de distance, des objets semblables dans leur forme ou dans leur fonction. L’ethnologie est donc d’un apport indéniable dans l’étude de cette activité artisanale.
1. Préparation des matériaux
6Quelques unes des sources littéraires citées au chapitre précédent nous renseignent sur la première étape de la chaîne opératoire : la préparation du matériau. Le traitement concerne aussi bien les tiges ou les feuilles destinées à la confection d’objets de vannerie que les fibres devant être torsionnées ou tressées, puis assemblées en sparterie.
7Un trait commun à tous les matériaux est celui d’être mis à sécher immédiatement après la récolte — sauf pour obtenir de l’osier écorcé —, préalablement au stockage. Nous disposons du témoignage de Pline à propos du traitement des feuilles du palmier nain. Comme de nos jours, elles étaient d’abord mises à sécher, puis les folioles étaient coupées en lanières (Pline, N. H., 16, 89, trad. J. André) :
8Et apud nos uero palmis a messe decerpuntur ; ex his meliora quae sese non diuiserint. Siccantur sub tecto quaternis diebus, mox inn sole expanduntur et noctibus relicta, donec candore inarescant, postea in opera finduntur,
9« Mais chez nous aussi on ramasse les feuilles de palmier dès après la moisson. Les meilleures sont celles qui ne sont pas divisées. Séchées à couvert pendant quatre jours, puis étendues au soleil sans être rentrées la nuit jusqu’à ce qu’elles se dessèchent en blanchissant, elles sont alors découpées pour être utilisées. »
10Cette pratique était également valable pour l’asphodèle et différentes plantes aquatiques énumérées par le naturaliste (N. H., 21, 110-111, trad. J. André) :
11Albuco […] de quo Mago praecipit […] findendosque scapos et quarto die in solem proferendos, ita siccatis manipulos faciendos. Item oiston adicit a Graecis uocari, quam inter uluas sagittam appellamus. Hanc ab idibus Maius usque in finem Octobris mensis decorticari atque leui sole siccari iubet ; idem et galdiolum alterum, quem cypiron uocant, et ipsum palustrem, Iulio mense toto secari iubet ad radicem tertioque die in sole siccari, donec candidus fiat, cotidie autem ante solem occidentem in tectum referri, quoniam palustribus desectis nocturni rores noceant,
12« Magon recommande […] de fendre les tiges de l’asphodèle, de les exposer au soleil le quatrième jour et d’en faire des bottes quand elles seront sèches. Il ajoute encore que les Grecs nomment oistos la plante aquatique que nous appelons sagitta [la sagittaire]. Il recommande de l’écorcer des ides de mai à la fin du mois d’octobre et de la faire sécher à un soleil doux. Il recommande encore de couper jusqu’à la racine pendant tout le mois de juillet l’autre espèce de glaïeul qu’on appelle cypiros, elle aussi plante des marais, et de la faire sécher au soleil le troisième jour jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, mais de la rentrer tous les jours avant le coucher du soleil, car les rosées nocturnes nuisent aux plantes des marais qui ont été coupées. »
13Par la suite, quel que soit le végétal que l’on souhaite travailler, il convient de l’humidifier au préalable afin de lui rendre toute sa flexibilité. Deux procédés de préparation peuvent alors être mis en œuvre selon la nature du matériau : le trempage ou le rouissage.
14Le trempage est réservé aux végétaux dont on n’extrait pas les fibres, tels les rameaux de bois, les tiges creuses ou encore certaines feuilles. Si l’on prend l’exemple de l’osier, ses rameaux ne sont jamais utilisés par les vanniers de métier dès la récolte car en séchant, le végétal perd environ la moitié de son poids. Une vannerie tressée d’osier vert (frais) — comme pratiquent les vanniers de campagne — prend du jeu et se déforme parfois. Par conséquent, l’usage antique était probablement de laisser sécher les rameaux en bottes pendant un certain temps avant de les mettre en œuvre — sans doute plusieurs mois, à l’instar des pratiques actuelles qui nécessitent six mois pour l’osier blanc après décorticage et quatre à cinq mois pour l’osier brut (Barbier 2001, p. 19). Columelle fait cependant allusion à une utilisation quasi immédiate du matériau : il peut être coupé la veille pour être émondé le lendemain. Si les rameaux sont trop rigides, on les taille quinze jours avant de les émonder. Par la suite, en vue de les assouplir, il s’agit soit d’enfouir les baguettes récemment récoltées dans du fumier, soit de les faire tremper dans l’eau si elles ont été coupées depuis un certain temps et mises en réserve. Ces opérations sont mentionnées par l’agronome dans son calendrier des activités à réaliser dans la seconde quinzaine du mois de novembre (Rust., 11, 2, 92, cité au chapitre précédent). Dans ce passage, Columelle révèle une pratique inconnue des vanniers actuels, celle d’enfouir les brins peu pliants dans du fumier pour pouvoir les utiliser dans un bref délai :
15quae si natura minus lenta est, ante dies quindecim praecidenda, et purgata in stercore obruenda est, ut lentescat,
16« s’il est peu flexible de nature, il faut le couper quinze jours à l’avance et, une fois émondé, l’enfouir dans du fumier pour qu’il s’y assouplisse3 ».
17En revanche, il est toujours d’usage de tremper les brins dans l’eau pour leur rendre leur flexibilité après qu’ils ont été mis à sécher aussitôt terminée la récolte :
18sin autem iam pridem caesa exaruit, in piscina maceranda est,
19« mais si, coupé depuis longtemps, il est desséché, il faut le faire tremper dans un bassin » (ibid.).
20Ce geste est pérenne, comme en témoigne, parmi d’autres, Duhamel du Monceau dans son Traité des Arbres de 1755 :
21« Les vanniers conservent ces osiers en bottes dans leurs caves, jusqu’à ce qu’ils poussent et qu’ils soient en pleine sève ; alors ils emportent facilement l’écorce en les passant dans une mâchoire de bois, et ils assujettissent avec des liens ces osiers écorcés par bottes, pour empêcher qu’ils ne se contournent en différents sens. Lorsqu’ils veulent les employer, ils les mettent à tremper dans l’eau pour les rendre plus souples4. »
22L’immersion des baguettes d’osier brut dure généralement huit jours en été et quinze en hiver, tandis que celle des baguettes d’osier blanc deux heures seulement la veille du jour où ils vont être employés (Barbier 2001, p. 20).
23Le rouissage, procédé de macération destiné à isoler les fibres végétales d’une tige ou d’une feuille pour en faire des spires ou des tresses, concerne la réalisation de sparteries. Pline fournit une description détaillée du rouissage des feuilles de l’alfa d’Espagne (N. H., 19, 28-29, trad. J. André) :
24Volsum fascibus in aceruo caminatum biduo, tertio resolutum spargitur in sole siccaturque et rursus in fascibus redit sub tecta. Postea maceratur, aqua marina optime, sed et dulci, si marina desit, siccatumque sole iterum rigatur. Si repente urgueat desiderium, perfusum calida in solio ac siccatum stans compendium operae fatetur. Hoc autem tunditur ut fiat utile,
25« Après l’arrachage, on le laisse pendant deux jours en bottes disposées en meules avec une cheminée centrale ; le troisième jour on le délie, on l’étale au soleil et on le fait sécher ; puis on le remet en bottes et on le rentre. On le fait ensuite rouir, de préférence dans l’eau de mer, mais aussi dans l’eau douce, si l’eau de mer manque ; on le fait sécher au soleil et on le mouille à nouveau. En cas de besoin immédiat, on l’arrose d’eau chaude dans une cuve et on le fait sécher debout, mais il dénonce l’économie de travail. On le bat pour le rendre utilisable. »
26Dans l’Espagne du début du xxe siècle, le séchage après la récolte durait entre vingt et trente jours. Puis venait l’immersion dans des bassins pendant trente à cinquante jours. Après le rouissage, on réalisait les opérations de battage et de peignage. Le battage finissait de décomposer la feuille et le peignage permettait d’en recueillir les fibres. Le déchet resté après cette dernière opération constituait l’étoupe, employée en corderie (Esparto 1950, p. 95-96 ; Kuoni 1981, p. 151-177). Curieusement, Columelle mentionne une occasion où on ne doit pas utiliser de l’alfa battu (non malleatum spartum) mais brut (crudum), lors de la fabrication de filtres pour le vin. La raison de cette recommandation est inconnue — les fibres pouvaient-elles altérer le goût du vin ?
27Isque qui praeerit huic decoquendo, cola iuncea uel spartea, sed crudo, id est non malleato sparto praeparata habeat [...] tum colis omnem spurcitiam quae redundarit, expurget,
28« Celui qui présidera à cette cuisson doit avoir toutes prêtes des passoires de jonc ou de sparte, mais de sparte brut, c’est-à-dire non travaillé au maillet […] alors il enlèvera avec les passoires toutes les saletés qui surnageront » (Rust., 12, 19, trad. J. André).
29Quel que soit le traitement préliminaire, celui-ci nécessite un outillage réduit et des installations de base peu coûteuses. La présence d’eau étant indispensable, il faut disposer de cuves en milieu urbain, tandis qu’à la campagne, un cours d’eau peut fort bien faire l’affaire. Il n’est toutefois pas rare de rencontrer dans les fermes antiques des bassins aménagés dans ce but ; d’ailleurs les agronomes en préconisent l’installation. Ainsi Varron (R. R., 1, 13, 3, trad. J. Heurgon) :
30In cohorte exteriore lacum esse oportet ubi maceretur lupinum, item alia quae demissa in aquam ad usum aptiora fiunt,
31« Dans la cour extérieure il faut qu’il y ait un bassin pour faire macérer le lupin et tout ce qui, plongé dans l’eau, devient plus propre à l’usage »,
32suivi par Columelle, plus précis sur l’usage qui leur est réservé (Rust., 1, 6, 21, éd. Loeb) :
33Circa uillam deinceps haec esse oportebit : […] piscinas minime duas : alteram, quae anseribus pecoribusque seruiat, alteram, in qua lupinum, ulmi5 uimina et uirgas atque alia quae sunt usibus nostris apta, maceremus,
34« Il faudra ensuite qu’à proximité de la ferme il y ait : […] au moins deux bassins : l’un servira aux oies et au bétail, l’autre à faire macérer les lupins, les rameaux d’orme [ou l’osier], les baguettes et autres choses utiles de ce genre »,
35et par Palladius (Agr., 1, 31, trad. R. Martin) :
36Nam piscinae duae, uel solo inpressae uel caeso lapide, circa uillam esse debebunt, quas facile est aut fonte aut imbre suppleri, ut una ex his usui sit pecoribus uel auibus aquaticis, alia madefaciat uirgas et coria et lupinos et si qua rusticitas consueuit infundere,
37« Car il faudra qu’il y ait à proximité de la ferme deux bassins, soit creusés dans le sol soit taillés dans la pierre. Il est facile de les remplir d’eau de source ou de pluie : l’un sera destiné au bétail et aux oiseaux aquatiques, l’autre servira à faire tremper les baguettes, les cuirs, le lupin, et, d’une façon générale, tout ce qui à la campagne se met communément dans l’eau. »
38En milieu rural comme en milieu urbain, les observations archéologiques font écho aux informations livrées par les textes : des bassins à rouissage ou destinés au trempage des baguettes de bois — entre autres emplois — ont été identifiés lors de fouilles d’établissements ruraux6. En milieu urbain, Pompéi a livré le seul exemple connu d’aménagement d’un atelier de vannerie : un long bassin peu profond et soigneusement enduit de béton hydraulique a été bâti dans le jardin de la maison I 14, 2, lors de sa transformation en atelier de fabrication de nattes7.
2. Outils et gestes
39Aucun des textes latins ne mentionne d’outils propres au vannier. Cependant, pour désigner les serpettes, on rencontre les termes de falx saligna, de falx scirpicula ou de falx ruscaria. Tout en n’étant pas des instruments spécifiques à la vannerie, ils étaient utilisés pour la récolte des végétaux qui leur ont donné leur nom8. Palladius fait mention d’autres outils tranchants, des cultelli curui minores, per quos nouellis arboribus surculi aridi aut extantes facilius amputentur, « petits couteaux recourbés permettant de trancher facilement, sur les jeunes arbres, les rameaux secs ou superflus » (Agr., 1, 42, 2, trad. R. Martin). D’autre part, Pline cite deux termes désignant des outils employés dans le travail de préparation des fibres de sparterie ou de tissage : le stupparius malleus, maillet à étoupe, et l’aena ferrea, peigne de fer servant à carder la filasse (N. H., 19, 17). On peut rapprocher de cette mention un peigne métallique trouvé dans une taberna de Pompéi appartenant, selon M. Della Corte, à un fabricant de nattes9.
40L’outillage requis pour la confection des vanneries proprement dites était limité, simple et polyvalent, tout comme il l’est de nos jours : ce sont les doigts de l’artisan qui ont le plus d’importance10.
41De surcroît, déterminer pour des outils découverts en fouille une utilisation spécifique à la vannerie n’est pas aisé tant est grande leur similitude avec ceux d’autres artisans pratiquant les métiers du bois11. Mais le témoignage de l’iconographie aide à l’identification des outils antiques.
42Trois reliefs funéraires — la stèle de C. Valerius Clemens, le couvercle de l’urne d’un vannier d’Amérie, la stèle de Mansuetus — présentent des groupes d’outils de vannier, identifiables sur au moins deux des pierres.
43Étant donné le manque d’informations sur cet artisanat, ces monuments apparaissent comme des documents exceptionnels.
44Les outils ont pu être attribués avec certitude à des vanniers car le nom du métier figure sur l’inscription dans deux des monuments, où chacun des artisans a souhaité présenter les outils qui lui semblaient les plus emblématiques de sa profession. Pour le troisième, le fait que le métier ne soit pas mentionné soulève quelque hésitation. Cette documentation est désormais étayée par la mise au jour d’un outil dans l’atelier I 14, 2 de Pompéi.
45La plus remarquable de ces représentations figure sur le monument dédié à Caius Valerius Clemens qui exerçait très probablement son activité à Vicence, lieu de découverte de la stèle (Fraccaro 1940 ; Zimmer 1982, p. 152, n° 73 ; Mingaud 1992, p. 48-49 ; Monacchi 1996, p. 946-949).
46Sur celle-ci sont représentés quatre instruments de travail12 (fig. 19). La stèle est également inscrite, si bien que l’on peut rattacher sans hésitation ces quatre outils au métier de vannier. Le personnage exerçait le métier de uitor13.
47Il est possible de présenter ces outils — avec quelques incertitudes — sous leur nom actuel et de leur attribuer une fonction spécifique14 : ils sont très proches, en effet, non seulement des outils figurant sur les planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, mais surtout des instruments utilisés de nos jours par les vanniers (fig. 20 et 21). Ainsi, l’outil a base pointue situe en haut à droite du relief peut s’identifier à une tarière15, à moins qu’il ne s’agisse d’une vrille. Le vannier se sert de la pointe pour percer le bois au moment d’y fixer les montants*. Notons que Pline, Caton et Palladius mentionnent le nom antique de la tarière (terebra), dans un contexte autre que celui de la vannerie toutefois : Pline et Palladius font allusion à une terebra Gallica, une tarière utilisée pour greffer la vigne et permettant de « percer sans bruler », selon le premier16. Une expérimentation visant à reproduire ces outils conformément à la représentation17 s’est heurtée à une difficulté : telle qu’elle est figurée, la tarière se révèle très peu pratique à manipuler. L’outil se compose en effet d’une lame large surmontée d’une poignée ; si l’on place cette poignée dans le même sens que le plat de la lame, comme sur le monument, la rotation se fera difficilement. Si on rétablit la poignée perpendiculairement au profil de la lame, la tarière est beaucoup plus maniable (fig. 22). En revanche, si l’on identifie l’outil à une vrille dont la pointe hélicoïdale n’aurait pas été rendue par le sculpteur, le profil sculpte correspond à celui de l’instrument (fig. 23). À gauche de la tarière figure un poinçon, instrument utilise pour écarter les brins* déjà tresses afin d’en introduire un nouveau (fig. 24), ou, en modelé plus fin, pour écarter les fibres si l’on travaille des faisceaux végétaux. Sous le poinçon, on peut identifier une batte, employée pour tasser l’osier au moment du tressage du fond* ou de la clôture* (fig. 25).
48Enfin, est grave un instrument tranchant, une serpette, servant à couper l’osier lors de la récolte (fig. 26). Ces quatre outils ont été juges par l’artisan comme les plus représentatifs de sa profession ; ils sont à même de symboliser son métier sur le monument funéraire.
49Parmi ces instruments, le poinçon constitue sans doute l’outil de base en vannerie ou en sparterie. Cet outil universel, pérenne et fruste, se prêtait à toutes sortes d’Operations courantes18. De fait, il est connu et utilise depuis l’époque préhistorique : des poinçons en os relatifs à une activité vannière ont été mis au jour sur divers sites néolithiques19. Pour l’époque romaine, la mise au jour d’une partie d’un petit outil métallique très semblable à un poinçon dans l’atelier d’un nattier de Pompéi20 semble être le seul témoignage archéologique de la présence d’un outillage rudimentaire en ce lieu. Elle vient à l’appui des données iconographiques dont nous disposons et témoigne de l’usage de cet outil usuel et attendu dans la fabrication de nattes, puisqu’il servait à la finition des bordures* de l’objet. Il est possible que le poinçon fragmentaire mis au jour ait été pourvu d’un chas à son extrémité brisée, telle une grosse aiguille (fig. 27).
50Le couvercle à double pente de l’urne d’un vannier anonyme désigne lui aussi par le terme uitor, récemment redécouvert à Amerrie, en Ombrie, et date entre le ier siècle av. J.-C. et le ier siècle apr. J.-C. (Monacchi 1996 ; AE, 1996, 646 ; Monacchi 2000, p. 141-143, n° 16 ; Supplementa Italica, n. s. 18, 2000, p. 275-276, n° 26), présente sur son fronton deux outils : une batte et un épluchoir21 (fig. 28). Le premier de ces outils est assez proche de la représentation figurant sur la stèle de Clemens et est vraisemblablement destine aux mêmes usages. Le second sert à l’épluchage*, opération consistant à couper à ras les brins* qui dépassent de l’objet une fois celui-ci termine. Sa lame de forme arrondie permet d’effectuer un mouvement de bascule lors de la coupe (fig. 29).
51Un troisième monument funéraire parait également pouvoir être mis en rapport avec une activité de vannerie, avec prudence toutefois. Ici, la profession du défunt n’est pas mentionnée dans la brève épitaphe. Il s’agit d’un document provenant de Gaule (Espérandieu, 3, 2743). La stèle de Mansuetus fut mise au jour au cimetière Saint-Hilaire, à Saint-Ambroix, dans le Cher22 (fig. 30). Plusieurs éléments désigneraient un vannier23. Sur la face antérieure de la stèle, un homme, debout dans une niche, tient un petit marteau dans sa main droite et une petite corbeille cylindrique dont le tressage clayonne est figure de façon simple dans la gauche. À sa droite, à ses pieds, on distingue quatre outils dont trois sont difficiles à identifier : une hache, un épluchoir ou un couperet (?), une tarière (?) et un poinçon. Toujours à sa droite, au niveau de son épaule, apparaissent deux outils supplémentaires, peut-être un racloir (ou une longue tarière) et une petite tarière (ou un poinçon). Le fait que le personnage tienne en évidence une vannerie et la présence de six outils pouvant être rapproches, par leur apparence, de l’outillage traditionnel du vannier — même s’ils ne sont pas tous formellement reconnaissables — peuvent faire penser à une représentation de cet artisan.
52Ce sont là les seules représentations d’outils de vannier connues pour l’époque romaine24. Le fait d’avoir pu confronter des représentations de formes antiques à des formes modernes, puis tout à fait contemporaines, permet dans ce cas précis de définir l’usage auquel on destinait chacun de ces outils et d’éclairer sur l’évolution des techniques de travail depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Hormis quelques nouveautés permettant d’accélérer la production, telles la mécanisation de la récolte et la machine à écorcer par poignées voire par bottes d’osier, l’outillage est demeure le même à travers les siècles.
53Si, dans un contexte urbain, les outils servent de symbole à l’activité du vannier romain, les représentations figurées montrant des personnages tressant des vanneries dans un cadre pastoral ou rural, ne présentent, elles, aucun outil mais bien les gestes d’une activité strictement manuelle. Tel est le cas pour les rares scènes que nous connaissons grâce à deux mosaïques, un plat en argent et un vase en bronze.
54Un des panneaux de la saison d’hiver de la Mosaïque des Saisons de Saint-Romain-en-Gal (IIIe siècle apr. J.-C.) représente un vannier — sans doute un des esclaves du domaine — en train de confectionner un panier (Lancha 1981, p. 213-214, pl. CXIV a). Il a déjà réalisé le fond* de la pièce et a tisse autour des montants* une bonne partie de la clôture* d’osier. Le personnage tient l’objet entre ses jambes, comme cela peut encore se pratiquer de nos jours si le vannier n’utilise pas une sellette, établi à plan incliné supportant l’objet en cours de fabrication. Ce vannier fait un signe de la main en direction d’un second personnage chaudement vêtu qui lui apporte un fagot d’osier. La tenue de ce dernier personnage corrobore ce que disent les textes, préconisant de fabriquer des paniers pendant les mois d’hiver lorsque l’activité aux champs est suspendue (fig. 31).
55Un autre pavement mosaïqué, celui qui orne la basilique paléochrétienne d’Arapaj en Albanie, représente vraisemblablement une des étapes préliminaires du travail de vannerie (Hidri 1983). Un des deux gardiens de troupeau est assis sur un rocher à l’ombre d’un arbre et enroule sur elle-même une tige flexible tout en surveillant des animaux. Il a cueilli un végétal sauvage — une sorte de liane d’après sa longueur — qu’il prépare pour une utilisation ultérieure (fig. 32).
56Sur un grand plat d’argent à décor pastoral (iiie - ive siècle apr. J. -C.) faisant partie du trésor découvert lors des fouilles de la place Camille-Jouffray à Vienne, à l’instar de la sellette des vanniers actuels, un support — sans doute un rocher — sert d’appui à la corbeille qu’un gardien de vaches assis est en train d’achever, posée entre ses jambes (fig. 33)25.
57Ces deux scènes bucoliques ne sont pas sans rappeler les vers de Virgile faisant allusion au tressage de vanneries par le berger Corydon (Buc., 2, 69-72, trad. E. de Saint-Denis) :
58A ! Corydon, Corydon, quae te dementia cepit ?/[…]/Quin tu aliquid saltem potius, quorum indiget usus,/uiminibus mollique paras detexere iunco ?,
59« Ah, Corydon, Corydon, quelle démence t’a saisi ? […] Prépare-toi donc plutôt à tresser quelque objet dont le besoin te presse, avec des brins d’osier ou du jonc souple »,
60ou par le poète gardien de chèvres (Buc., 10, 70-71) :
61Haec sat erit, diuae, uestrum cecinisse poetam, dum sedet et gracili fiscellam texit hibisco,
62« Il suffira, divines Piérides, à votre poète d’avoir chanté ces vers, tandis qu’assis il tressait une corbeille en brindilles de mauve. »
63Enfin, dans un autre registre appartenant au monde rural, sur une scène de pêche représentée sur un vase de bronze provenant de Hongrie, on peut voir un personnage en train de tresser une nasse. Il en a déjà réalisé une bonne partie et est en train de monter la partie supérieure de l’ustensile (Gaitzsch 1986, p. 89, pl. 32 ; Monthel 2000, p. 172, fig. 14). Là encore, on peut rapprocher la scène des vers de Silius Italicus relatant la confection d’une nasse par le pêcheur, même si, en l’occurrence, sa description est dépourvue de réalisme technique (5, 47-52)26 :
64Haud secus ac uitreas sollers piscator ad undas,/ore leuem patulo texens de uimine nassam,/cautius interiora ligat mediamque per aluum,/sensim fastigans, compressa cacumina nectit/ac fraude artati remeare foraminis arcet/introitu facilem, quem traxit ab aequore, piscem,
65« Ce n’est pas autrement qu’auprès du cristal des ondes, l’habile pêcheur, tressant en osier une nasse légère à l’ouverture béante, entrelace avec un soin particulier les brins* intérieurs : il les rapproche progressivement en formant pointe vers le centre de la coque où il fixe les cimes* en les resserrant et, grâce au piège formé par cet étranglement, il interdit au poisson qu’il a tiré de l’onde, attiré par une entrée facile, de revenir en arrière. »
66Ce bref corpus iconographique des scènes de tressage de vanneries révèle précisément le caractère saisonnier et occasionnel de l’activité d’une part, et d’autre part, que chacun pouvait être en mesure de fabriquer sur place, quel que fût l’endroit où il se trouvait, l’ustensile dont il avait besoin.
3. Techniques de tressage
67La rareté des documents écrits faisant allusion aux modes de tressage peut être en partie compensée par les représentations figurées d’objets et, dans des occasions beaucoup plus rares, par les objets eux-mêmes. La combinaison de ces deux sources documentaires permet d’appréhender le savoir-faire et l’habileté des vanniers romains. On réalise alors combien la vannerie est une activité pérenne et que les modes d’intrication des objets de vannerie et de sparterie sont restés inchangés à travers le temps. Les modes de tressage antiques sont identiques à ceux utilisés de nos jours.
68Les verbes latins désignant l’action de tresser un objet, d’entrelacer, sont généralement uiere, texere et ses dérivés contexere, intexere et detexere, ainsi que nectere et connectere27. Viere alligare significat, unde uimina et uasa uiminea, pour Festus et Paulus28 ; a uiendo uitor, pour Aulu-Gelle (12, 3, 4).
69Texere et ses dérivés semblent toutefois plus fréquemment attestés dans la littérature latine29. C’est l’extrait de Silius Italicus cité ci-dessus qui fournit sans doute la description la plus détaillée de la réalisation d’une vannerie. Le poète utilise le verbe texere.
70Sur le vocabulaire technique, les sources sont silencieuses, à l’exception de deux passages de Pline l’Ancien. Dans le premier, on peut lire le terme costis (N. H., 16, 75, trad. J. André) :
71[betulla] Gallica haec arbor mirabili candore atque tenuitate, terribilis magistratum uirgis, eadem circulis flexilis, item corbium costis,
72« [le bouleau] est un arbre de Gaule remarquablement blanc et svelte, dont sont faits les redoutables faisceaux des magistrats ; souple, il s’emploie aussi pour les cercles et les côtes des corbeilles ».
73Le nom latin est à l’origine du terme « côte* » utilisé par les vanniers : il s’agit d’une partie de la monture constituée de lames de bois entre lesquelles on entrelace la clôture* d’osier — un équivalent de « montant* ». Dans le second passage, le naturaliste utilise les termes de balteus corticis pour désigner une lamelle d’écorce d’osier qui, en l’occurrence, servira de lien (N. H., 16, 174) :
74[salices] pariuntque balteo corticis uincula,
75« l’écorce [des saules] en lanière donne des liens ».
76En outre, quelques auteurs font allusion à un tressage à claire-voie*, en employant les expressions rarius contextus, rariore contextu ou encore e uiminibus raris, qui correspondent, dans le vocabulaire technique actuel, à une clôture* « ajourée* » ou « à jour* » — l’adjectif rarus ayant le sens de « lâche », « peu serré »30. Inversement, on rencontre l’expression figurata densior sporta chez Palladius pour indiquer un panier au tressage serré (en plein*), ou encore les termes densius textus chez Ammien Marcellin pour parler de claies tissées serré — l’adjectif densus signifiant « serré »31. Il n’est cependant pas assuré que les expressions des uns et des autres relèvent du vocabulaire technique antique.
77Pour ce qui est des divers modes de tressage, l’opus textorium ou uitorium32, seules l’iconographie et l’archéologie permettent d’en avoir connaissance.
78Les documents archéologiques, mais surtout iconographiques, donnent à voir les différents types de tressage mis en œuvre pour réaliser une production abondante et variée. Ces types sont conditionnés par la matière première dont les caractéristiques très variables induisent la variété des techniques d’assemblage : rameaux et bois pour obtenir des objets rigides plus solides, généralement tissés en clayonné ; feuilles, fibres, racines, écorces et chaumes pour obtenir des objets plus souples, le plus souvent du type spiralé ou du « type natte »33. L’usage de telle ou telle ressource végétale n’implique pas nécessairement un mode de tressage spécifique : aussi trouve-t-on des matériaux souples (herbes, graminées …) tressés selon le mode clayonné et, inversement, des matériaux rigides assemblés en natte, en cercle ou en spirale.
79L’iconographie fournit des renseignements multiples sur la nature des objets produits et sur les techniques de tressage. Les différents supports, qu’il s’agisse de sculptures, de peintures ou de mosaïques, voire de céramique décorée et de vaisselle de bronze34, présentent — plus ou moins fidèlement — une grande diversité d’ustensiles de formes variées, en usage dans différents contextes de la vie quotidienne35. L’osier (ou tout autre végétal employé aux mêmes fins) se trouve être le seul matériau dont l’aspect soit bien rendu en sculpture, de sorte qu’un examen scrupuleux permet parfois d’identifier la technique de tressage employée dans la confection d’une vannerie. S’il n’existe aucune chance de reconnaître à travers les représentations figurées les végétaux utilisés comme matière première, la matérialisation des techniques de tressage permet cependant de savoir, à l’occasion, si l’on a affaire à une vannerie rigide ou à une vannerie souple. La seule approche possible pour déterminer les espèces végétales utilisées reste donc l’étude directe du mobilier archéologique.
80Alors que les représentations figurées de toute nature témoignent que beaucoup des types établis par Hélène Balfet dans sa classification (fig. 34) sont représentés à l’époque romaine, les vestiges archéologiques, eux, présentent un échantillon plus restreint des divers modèles de vanneries ou de sparteries. De surcroît, les conditions de conservation de certaines des pièces peuvent empêcher d’en livrer une description technique précise. L’usage quotidien réservé à la vannerie dans tous les domaines d’activité de la société romaine justifie la présence récurrente de ces ustensiles dans l’iconographie. Quelques documents figurés seront ici présentés parce que représentatifs du haut niveau d’habileté technique atteint par les artisans romains. Ils seront, lorsque cela est possible, mis en parallèle avec des trouvailles archéologiques, en particulier celles qui proviennent des sites ensevelis par le Vésuve.
3. 1. Types « à montants passifs »36
3. 1. 1. Le type clayonné
81On a relevé l’existence de cette technique de tressage dès le Mésolithique (clayonné cordé)37. Elle consiste à entrelacer des brins* actifs (éléments mobiles) autour de montants* parallèles passifs (éléments fixes). Bien que le type clayonné ait été appelé à connaître une grande prospérité38, il semble encore sous-représenté par rapport aux techniques du spiralé et du « type natte » parmi les vanneries datées de la Préhistoire qui ont été retrouvées. En revanche, dans l’Antiquité, d’après les vestiges archéologiques recenses et les nombreuses représentations visibles, il peut être tenu pour le plus commun, qu’il soit « tisse toile croise » ou « serge », ou encore « corde serge » ou « tresse ». Ce type d’assemblage, le plus souvent caractérise par l’utilisation de rameaux, d’éclisses* de bois flexibles ou encore de tiges végétales, permet de réaliser un grand nombre d’ustensiles plus ou moins rigides, du panier aux meubles. Si cette technique est essentiellement représentée archéologiquement par des récipients, elle est aussi mise en œuvre pour produire divers objets, telles les nasses.
82Les montants* (ou les cotes*) constituent les éléments fixes autour desquels on entrelace les brins* dans le cas du « clayonne corde » (fig. 35a), et avec lesquels les brins* sont tisses sans torsion dans le cas du « clayonne tisse » (fig. 35b). Des fauteuils d’osier, des coffres, des cages et quantités de récipients de toute forme peuvent ainsi être rattaches au corpus iconographique de l’armature de type clayonne. Par exemple, dans le registre de la sculpture, le groupe du Toro Farnese conserve au Musée archéologique national de Naples donne à voir une très belle ciste clayonnée ornée d’hederae (fig. 36). Donner une analyse plus fine de la technique de fabrication utilisée au sein du groupe représentant le type clayonne (crocane*, brin suivi*, super*…) sur la base des représentations figurées est plus hasardeux parce que celles-ci sont schématiques ; sauf rares exceptions, elles ne restituent pas avec précision les effets obtenus grâce aux différents procèdes de tressage. Parmi ces exceptions, la scène mythologique peinte des noces de Piritous et Hippodamie provenant de Pompei, maison de Gauius Rufus (VII 2, 16-17), met en valeur, au centre de la composition, un beau panier a une anse rempli de fruits offert comme présent par un centaure (Bragantini 2009, p. 366-367, n° 171, MANN, inv. 9044) (fig. 37) : son tressage régulier et légèrement oblique, tel qu’il est figure, indique une réalisation en crocane*. Une ciste mystique d’où émerge la tête d’un serpent est figurée sur une des tombes a exèdre semi-circulaire de la nécropole de la porta di Nola a Pompei. La corbeille, reposant sur des petits pieds, présente un tressage très régulier qui semble correspondre à un travail en super* (fig. 38).
83Le répertoire des natures mortes campaniennes présente un large éventail de modelés du type clayonne (Croisille 1965, passim ; De Caro 2001, passim). Par exemple, un panier tronconique évase a une anse, contenant des pommes et des poires, est représenté avec réalisme dans un des cadres ornant le cryptoportique de la Casa dei Cervi d’Herculanum (De Caro 2001, p. 72-73, n° 50) (fig. 39). Une corbeille basse débordant de figues, au tressage minutieusement détaille, figure sur une nature morte pompéienne — provenance inconnue — conservée au Musée archéologique national de Naples (De Caro 2001, p. 97-98, n° 97, inv. 8640) : deux torches*, une au-dessus du fond*, l’autre au-dessous de la bordure*, encadrent la cloture* réalisée en crocane* (fig. 40). Tandis que le travail en crocane* est rendu par un effet oblique vers la droite, les deux torches* sont réalisées à gauche. La figuration du tressage des torches* de manière inversée par rapport au sens de la cloture*, techniquement dénuée de réalisme, sert peut-être à ménager un effet esthétique.
84Outre ces représentations de récipients, le corpus iconographique gallo-romain montre des fauteuils d’osier a haut dossier, tel le relief de Neumagen montrant une scène de toilette, conserve au Rheinisches Landesmuseum de Trèves (Espérandieu, 6, 5142 ; Barbier 1999, p. 44-45, n° 27). Guy Barbier a reproduit ce fauteuil à dossier arrondi, ainsi qu’un autre de ce type très répandu, d’après un fauteuil de calcaire sculpte grandeur nature découvert dans une chambre funéraire de Cologne (fig. 41 et 42). Les nombreuses statuettes en terre cuite produites dans l’Allier et à Autun présentent des déesses-mères assises dans des fauteuils d’osier dont le tressage est rendu avec plus ou moins de minutie par le potier39. Quelques reliefs reproduisent également de robustes vanneries clayonnées parallélépipédiques que les artisans réalisaient à partir de branches de bois d’un plus gros calibre, tantôt des coffres, tantôt des caisses de chariots, comme celle qui est représentée sur un bas-relief de Dijon (Espérandieu, 4, 3522 ; Barbier 1999, p. 41, n° 18) (fig. 43). Ces dernières pouvaient aussi être de forme circulaire ou tronconiques, telle celle qui apparait sur le bas-relief dit « du tisserand » du Musée luxembourgeois d’Arlon (Espérandieu, 5, 4031).
85Un document est tout à fait digne d’intérêt car il s’agit d’une rare représentation d’un fond* de panier40. Sur un bas-relief conserve au Rheinisches Landesmuseum de Trèves (Espérandieu, 6, 5213 ; Blanc 1989, p. 201 ; Barbier 1999, p. 54-55, n° 40) figure un panier ajoure* renverse qui laisse s’échapper des fruits (fig. 44). En raison d’une déformation de la perspective par le sculpteur, le relief présente le fond* du récipient, autrement dit son point de départ. Ce type de fond* — appelé fond sur croisée* par les vanniers — est le mode de départ classique des vanneries clayonnées41. Il s’agit d’un assemblage de batons disposes en croix : sur le modelé, trois batons d’osier ont été fendus en leur milieu et le même nombre de batons a été introduit dans les fentes. Ensuite, autour de la croisée*, deux brins* ont servi à faire la ligature en super*, puis a commencé le partage proprement dit, consistant à isoler chaque bâton de son voisin (fig. 45). Enfin, une fois achevée la clôture* du fond*, on a coupé les bâtons à ras, puis piqué un montant* de chaque côté d’entre eux. Le recours à cette technique de fabrication du fond* est attesté par des vestiges archéologiques de provenance diverse42. Dans la clôture* de cette corbeille alternent quatre montants* droits et deux croisés, en une représentation qui, selon l’avis de Guy Barbier, vannier, découle en partie de l’imagination du sculpteur : celui-ci a associé un fond* réaliste à une clôture* ajourée* plus fantaisiste.
86Dans le répertoire de la vannerie clayonnée, plus évocatrices encore sont les découvertes archéologiques provenant des sites vésuviens. Un récipient tout à fait remarquable, conservé dans son intégralité, témoigne du haut degré de savoir-faire de l’artisan qui le produisit. L’objet mis au jour le 1 er mai 1941 dans la maison n° 14 de l’insula I 8 de Pompéi43 (inv. 7308) est une minuscule ciste réalisée à partir de rameaux ligneux très fins (diamètre moyen des brins* : 1 mm) qui n’ont jamais fait l’objet d’analyses. Elle est exposée dans l’Antiquarium de Boscoreale44 (fig. 46) :
87Nell’area dell’atrio si elimina materiale vulcanico leggero (lapillo) la cui stratificazione è omogeneamente pura ; nell’area del cubicolo si estrae materiale identico nell’infimo strato, nel quale si rinvengono i seguenti oggetti di bronzoe di ferroe avanzi di carbonizzazione : […] vegetale (inv. n° 7308) : Piccolo cestino di vimini, completamente carbonizzato, ma integro, conformato a conca a tronco di cono rovescio-Altezza m. 0. 03-diametro 0. 0445.
88Exceptionnellement, l’objet n’a pas été écrasé par les lapilli. Son parfait état a permis, avec l’aide d’un vannier, d’essayer de reconstituer son mode de construction et de se représenter le mode opératoire et les gestes de l’artisan romain46. D’un diamètre de 4 cm sur une hauteur totale (couvercle compris) de 3 cm, la ciste a conservé son couvercle, emboîté dans le récipient sur au moins cinq rangs. Pour ce couvercle, le mode de départ sur croisée* est parfaitement lisible (fig. 47) : quatre bâtons ont été superposés à quatre, donnant seize montants* rayonnants autour desquels les brins* ont été tissés en super* (en « clayonné tissé toile 1/1 »). Sur les cinq premiers rangs en partant du centre, la super* enserre les bâtons deux par deux ; sur les sept rangs suivants, les bâtons ont été séparés un par un, suivant un usage courant en vannerie destine à obtenir une qualité de tressage optimale. Après ces sept tours, les bâtons ont été coupes à ras et on a pique un montant* de chaque cote des bâtons de croisée*. Une fois les montants* mis en place, l’artisan a réalisé un nouveau tour de super* afin de les séparer régulièrement. Puis, chaque montant* a été passe sous les deux suivants et redresse à la verticale le long du deuxième, contre la super*. Enfin, l’auteur de l’objet a tresse cinq rangs au moins de super* autour des montants*, afin de pouvoir emboiter le couvercle, une fois celui-ci retourne, dans le récipient cylindrique. La bordure* du couvercle n’est pas visible. L’ensemble a vraisemblablement été maintenu en place sur le plan de travail par un poinçon : on aperçoit, en effet, un petit trou au centre de la croisée*.
89Le corps de la petite corbeille cylindrique dans lequel s’emboite ce couvercle est, lui aussi, de type clayonne. Sur son fond*, on relève la présence du trou du poinçon qui servit à fixer l’objet sur le plan de travail. Le mode de départ du fond sur croisée* est identique à celui du couvercle, mais avec davantage de bâtons : départ à six bâtons sur lesquels quatre ont été superposes à angle droit. Sept tours ou la super* enserre les bâtons deux par deux ont suivi la croisée*, puis quatre tours de super* ont permis de séparer les bâtons un par un (fig. 48). Ensuite, suivant le même procède que pour le couvercle, on a pique un montant* de chaque cote des bâtons, soit un total de 40 montants*. Un nouveau tour de super* a été réalisé, afin de les séparer régulièrement. Chaque montant* a été passe sous les deux suivants et redresse à la verticale le long du deuxième, contre la super*. Ont suivi un rang de super* et un rang de torche* vers la gauche conduit devant deux montants* et derrière le troisième, pour ressortir en appui devant le quatrième. Le reste de la clôture*, au tressage très fin, se compose de douze rangs en super* suivis d’un tour de torche*, puis d’un tour de super* — l’ensemble à gauche (fig. 49). Enfin, chaque montant* a été replié devant deux et derrière le troisième pour ressortir en appui devant le quatrième, puis coupé pour constituer la bordure* de l’objet (fig. 50).
90Guy Barbier, artisan toujours ouvert aux démarches expérimentales, a souhaité entreprendre la reproduction de cette pièce d’exception qui, par sa taille et la finesse d’exécution, constitue un défi pour un vannier contemporain. De fait, la reproduction de la ciste n’est pas allée sans difficultés, donnant lieu à plusieurs essais avant d’obtenir un résultat satisfaisant. Dans l’impossibilité d’ôter le couvercle de la ciste, extrêmement fragile, pour en apercevoir l’intérieur, il était notamment malaisé d’appréhender la technique de tressage employée. L’expérimentation a donné l’occasion de produire plusieurs exemplaires afin de sélectionner le matériau le plus approprié à un tel travail, tant par l’apparence du végétal que par les dimensions de la pièce (fig. 51). Il est ressorti des différents essais que l’alfa et le rotin sont à exclure, le premier étant produit dans une zone géographique bien délimitée47 mais, surtout, donnant un rendu où des fibres seraient apparues ; le second — une liane originaire d’Asie — n’étant pas connu dans l’Antiquité. Un essai a été fait avec du genêt d’Espagne, sans succès puisque celui-ci se fend lorsque le brin* est trop fin. L’osier a permis d’obtenir un résultat assez proche de l’original. Entre l’osier blanc et l’osier brut, le second a donné des brins* à la fois assez fins et assez robustes pour obtenir la taille souhaitée — la ciste n° 5 a un diamètre de 45 mm pour une hauteur de 32 mm ; la longueur des brins* est de 25 cm. Le problème était que la ciste carbonisée ne présente pas de traces de nœuds sur les brins* tels que l’on en trouve sur l’osier brut. Il fallait alors se procurer puis mettre en œuvre des brins* d’osier blanc extrêmement fins, issus de toutes jeunes pousses ou de ramifications se développant sur les branches. Un premier essai réalisé en brins* pourtant très fins d’osier blanc (n° 4) a fourni une pièce plus grande que l’original, démontrant ainsi que le matériau était encore trop épais pour atteindre la qualité d’origine. La seconde tentative s’est révélée plus concluante : G. Barbier a eu recours à une variété de Salix triandra donnant des rameaux extrêmement fins, décortiqués pour obtenir des brins* d’un millimètre de diamètre. La pièce obtenue en réalisant un tressage en super* présente le même aspect et les mêmes dimensions que la ciste de Pompéi. Cependant, un ultime essai réalisé à partir de fins chaumes de sorgho (Sorghum bicolor L.)48 a donné le résultat le plus proche de la pièce originale (fig. 52). En effet, un examen des agrandissements photographiques paraît révéler l’existence de fines stries sur les brins*, stries effectivement présentes sur les tiges de sorgho alors qu’elles sont absentes sur le saule.
91Du point de vue anthropologique, G. Barbier a pu noter qu’hormis la pose des montants*, le travail de tressage est entièrement dirige vers la gauche, ce qui indique que la pièce est due à un gaucher — il est en effet peu naturel et, partant, trop complique pour un droitier de travailler vers la gauche. On peut tenir pour assure que cet artisan gaucher était un vannier qualifie et confirme. La qualité de la pièce et sa difficulté d’exécution excluent qu’il ait pu s’agir d’un vannier débutant ou occasionnel. Un tel ouvrage ne constitue d’ailleurs pas une vannerie ordinaire. La fabrication de l’objet en elle-même a nécessité de nombreuses heures de travail (quatorze au total pour Guy Barbier). La ciste pourrait correspondre à une pièce fabriquée à la demande ou en très petite quantité, à un objet précieux ou charge de préciosité, assurément bien plus couteux qu’une vannerie d’usage courant. L’usage réserve à ce récipient est inconnu. Il a pu servir, par exemple, de coffret à bijoux, à moins qu’il appartienne au domaine du sacre.
92Quelques autres menus fragments carbonises de vannerie clayonnée provenant de Pompéi sont conserves au Musée archéologique national de Naples : un petit fond sur croisée*, réalise en vannerie fine, d’un diamètre de 5 cm, et trois morceaux de la clôture* d’un panier finement tresse en crocane*. L’ensemble a été découvert lors des fouilles anciennes de la via dell’Abbondanza49.
93Sur le site de la villa B d’Oplontis, dite de L. Crassius Tertius, negociant en vin et en huile — fouillée à partir de 1974 et jusque dans les années 1990 (D’Ambrosio 2003, p. 154-171 (L. Fergola) ; Fergola 2004, p. 100-111) —, ont également été découverts plusieurs exemplaires de vanneries clayonnées. Les ustensiles eux-mêmes n’ont pas été conserves : seules subsistaient leurs empreintes dans le matériel éruptif, lesquelles ont été moulées. Les moulages permettent cependant une lecture assez précise des modes de tressage. Dans une des petites pièces entourant le péristyle de l’étage supérieur de la villa, dans l’angle sud-est, est dépose le moulage de la moitié d’une large corbeille cylindrique réalisée en crocane* (fig. 53). L’empreinte du récipient fut découverte en 1991, sous une étagère tombée du mur, dans la pièce n° 10 (niveau inférieur sud de la villa) ou furent par ailleurs mis au jour plusieurs squelettes50 (fig. 54).
94Le diamètre du fond* reconstitue d’après le moulage est de 125 cm. La hauteur totale est inconnue. La paroi moulée au moment des fouilles a une hauteur de 24 cm mais aucune torche* ni bordure* n’est visible ; la partie supérieure de la vannerie s’est sans doute brisée lors de la chute de l’étagère sur elle. Le tressage en crocane* est du type « clayonne tisse toile 1/1 ». Le départ du fond* (d’un rayon de 5 cm environ), vraisemblablement sur croisée*, est illisible sur le moulage. Les montants* étaient des lames de bois, ce qui explique la largeur atteinte par les mailles du tressage à certains endroits : 8 cm au niveau du fond* et jusqu’à 12 cm sur la clôture* dont on entrevoit les montants* (fig. 55 et 56). La mise en œuvre de ces cotes* est confirmée par la conservation, dans la salle n° 10 ou l’objet fut mis au jour, d’un bloc de cendre (L. : 32 cm ; h. : 25 cm) comprenant une partie de l’empreinte originale de la corbeille. On y distingue assez nettement des lames de bois dont l’une présente une largeur de 4,5 cm environ (fig. 57). Autour de ces cotes* ont été entrelaces des brins* épais (diam. max. : 1,4 cm) semblables à de l’osier écorce car parfaitement lisses, de manière à obtenir un récipient rustique rigide d’une grande robustesse.
95La même salle n° 10 a livré un second moulage d’objet clayonne, une sorte de caisse en osier51 (fig. 58). L’objet rectangulaire aux angles arrondis, de profil tronconique légèrement évase (L. : 65 cm (base) à 78 cm (sommet) ; l. : 52 cm (base) à 62 cm (sommet) ; h. : 40 cm) comporte des montants* en lames de bois dont le nombre est estime à 36. Ils ont une largeur moyenne de 4 à 5 cm (fig. 59). Autour de ces cotes* ont été tresses des brins* de type osier d’un diamètre de 4 à 6 mm, lisibles seulement en quelques endroits du moulage. La technique utilisée parait être ici le brin suivi* (en « clayonne tisse toile 1/1 »). Au sommet du récipient, un montant* sur trois comporte une ligature oblique à gauche de 4 cm de hauteur environ ; les ligatures bloquaient sans doute le tressage, ce qui indique que les cotes* pouvaient être coupées à ras du bord52. On peut avoir une idée précise de la morphologie de cette pièce grâce au travail de Guy Barbier qui en a réalisé une reproduction à l’échelle ½. Les cotes* autour desquelles sont tresses des brins* d’osier blanc sont constituées de lames de chêne (fig. 60).
96Plusieurs nattes ont été découvertes lors de la fouille de la pièce 42 de la villa B, un local de maturation des fruits du niveau inférieur de l’établissement. Les nattes supportaient des grenades mises à sécher53 et étaient empilées les unes sur les autres, constituant huit monticules alternant nattes et fruits sur quatre strates (Fergola 2004, p. 112-113 ; Stefani 2005, p. 92, n° 119). Cette pratique s’apparente à ce que nous lisons chez Palladius lorsqu’il énumère les manières de conserver les grenades (Agr., 4, 10, 8) :
97feruntur haec pomis recentibus aemulari. Item, si a tactu inuicem separata paleis obruantur,
98« on rapporte qu’[ainsi conservées] elles rivalisent avec les grenades fraiches. De même si, séparées les unes des autres pour ne pas se toucher, elles sont ensevelies dans de la paille. »
99À l’heure actuelle, plusieurs monticules, d’une hauteur moyenne de 0,60 m, constitués de restes de nattes et de fruits sont visibles in situ (fig. 61). Des échantillons ont été prélevés et déposés au musée de Boscoreale (Stefani 2002, p. 54). Le matériau fibreux n’a, à ma connaissance, pas fait l’objet d’analyses. Si, dans les monticules, les fibres mêlées aux grenades permettent difficilement de reconnaître un mode de tressage (fig. 62), en revanche des fragments de ces nattes carbonisées (épaisseur : env. 1 cm) recueillis et rangés à part sur le site présentent très distinctement des fibres assemblées en faisceaux puis entrelacées avec de minces cordelettes à deux torons faisant office de montants* (fig. 63). Nous avons affaire ici à des nattes réalisées selon le type « clayonné tissé toile 1/1 ». Il est vraisemblable qu’un cadre de bois a été nécessaire pour tendre les cordelettes comme la chaîne sur un métier à tisser.
100C’est la cité d’Herculanum qui a livré le plus grand nombre d’ustensiles de vannerie ou de sparterie, la plupart du temps bien conservés en raison du déroulement de l’éruption du Vésuve qui diffère de Pompéi. Au lieu d’une pluie de cendre et de lapilli, ce sont des matériaux volcaniques fluides qui ont enveloppé et figé les objets, permettant ainsi de préserver à l’abri de l’oxygène une multitude de vestiges en matériaux organiques. Ceux-ci ont cependant été carbonisés à cause de la température élevée des fluides (Zolfo 2000, p. 64). Trois éléments conservés dans le dépôt archéologique sont à compter au nombre des récipients de type clayonné recensés dans les sites vésuviens.
101La majeure partie d’un grand plateau circulaire de vannerie clayonnée (diam. : 54 cm), inédit, a été découverte à une date ancienne (xixe siècle ou tout début du xxe), dans un lieu indéterminé (inv. 4362 = 85045). L’objet est desséché, des brins* en sont brisés mais encore en place dans l’ensemble. Cette vannerie a été confectionnée au moyen de baguettes flexibles lisses relativement fines (4 mm env. au pied* et 1 mm à la cime*), sans doute d’osier blanc. On doit exclure l’hypothèse d’une corbeille dont seul le fond* serait conservé étant donné la présence d’une bordure* conséquente (h. : 3,5 cm). Le départ, au centre, est très détérioré et conservé sur quelques rangs seulement ; il se développe à partir d’une croisée* (fig. 64). Une reconstitution de l’objet a permis de retracer les étapes de sa fabrication (fig. 65). Le départ est sur croisée*, avec cinq bâtons traversés par cinq autres. De manière à obtenir 40 brins* de croisée*, 20 bâtons supplémentaires ont été ajoutés une fois atteint le diamètre de 20 cm. La clôture* a été réalisée en torche* à quatre (passage devant deux brins* de croisée* puis derrière deux) jusqu’au diamètre 50 cm. Le vannier a alors coupé les bâtons de croisée* et ajouté des brins*, un de chaque côté (fig. 66). Ces brins* ont été séparés régulièrement par un tour de torche* à quatre. Enfin, a été effectuée une bordure* enroulée vers la gauche autour d’une âme* (fig. 67).
102Une pièce datée de l’époque flavienne présente une clôture* de type clayonné (inv. 3378 = 78675). Il s’agit d’une corbeille — ou d’un panier — tronconique (h. : 25 cm ; diam. au sommet : 22 cm) découverte en 1988 lors des fouilles de la plage d’Herculanum, dans la pièce voûtée n° 11, près d’un squelette. La publication de cette découverte tient principalement au fait que le panier était rempli de monnaies d’argent et de bronze emportées par le fugitif54 (fig. 68). On distingue la présence d’un fond rayonnant superposé* constitué de lamelles de bois, de même qu’au milieu de la clôture*, on aperçoit une des côtes* à un endroit où les brins* ont disparu. Composé d’osier blanc — Salix uiminalis (Ciarallo 2004, p. 249) —, l’objet a vraisemblablement été réalisé à brin suivi* (en « clayonné tissé toile 1/1 »).
103Un troisième vestige de vannerie clayonnée, inédit, a été découvert à l’étage supérieur d’un édifice du Decumanus maximus, le 1er août 1961. Il est actuellement exposé dans l’Antiquarium de Boscoreale (inv. 2332 A = 77628). Les restes partiellement conservés d’une corbeille de forme tronconique sont pris dans un bloc de boue (diam. fond : 9-10 cm ; h. bloc : 26 cm env.), si bien que l’identification du mode de tressage pose problème (fig. 69). La clôture* est visible sur quelques rangs seulement et semble avoir été réalisée au moyen de rameaux pleins de type osier (diam. : 3 à 4 mm). Subsistent les restes de deux montants* plats, des lames de bois larges de 5 à 6 mm (fig. 70). Le fond* est illisible. En même temps que ce panier fut mis au jour un récipient cylindrique à la forme curieuse, présenté plus loin.
3. 1. 2. La vannerie à claire-voie
104Les réalisations à claire-voie*, dites aussi « ajourées* » ou « à jour* », sont rattachables aux deux types « à montants passifs » de la classification d’Hélène Balfet : le clayonné « lié » ou « cordé »55 (Cf. fig. 35a), et le type « à deux ou trois nappes superposées » (« lié », « cordé » ou « tissé » ; Cf. fig. 34). Cette catégorie de tressage, plus que toute autre, présente l’avantage de laisser circuler l’air, la lumière et l’humidité. Les vanneries ajourées*, au tressage plus ou moins serré, étaient très communes dans le monde romain, comme en témoigne la documentation iconographique donnant des exemples variés — parfois fantaisistes — de récipients ou autres objets usuels tressés à jour*. Ainsi, deux corbeilles cylindriques ajourées* sont restituées avec réalisme sur un relief en ronde-bosse du Rheinisches Landesmuseum de Trèves (Espérandieu, 6, 5224/17 ; Vannerie 2004, p. 50) : l’une est remplie de fruits, l’autre de fleurs (fig. 71). Un autre exemple de clôture* à jour* figure sur un bas-relief conservé dans le même musée (Espérandieu, 6, 4932) : il présente une grande corbeille aux montants* parallèles serrés inclinés vers la gauche dans la partie inférieure et vers la droite dans la partie supérieure. Au centre de l’ouvrage, deux traces* ont maintenu les montants* et permis d’inverser leur direction56.
105Les mosaïques — en particulier celles provenant de l’Afrique du Nord — présentent un large échantillon de vanneries ajourées*. Bien que la recherche d’effets de couleur, voire l’économie dans les détails et la maladresse prévalent souvent sur le réalisme, on peut indubitablement reconnaître des paniers, des nasses ou encore des armatures plus simples de cages à oiseaux, tous réalisés à claire-voie* en croisé57.
106Au sein du répertoire pictural des cités vésuviennes, on remarque des illustrations variées de ce type de vanneries. La peinture de la fullonica de Veranius Hypsaeus, à Pompéi (VI 2, 31), montre une structure légère en demi-cercle composée de deux longues baguettes recourbées, croisées et maintenues ainsi ployées par deux autres baguettes transversales auxquelles elles étaient attachées au moyen de fines cordelettes ou d’éclisses* d’osier (fig. 72).
107On connaît l’usage de cette cage d’osier (uiminea cauea) grâce à un passage d’Apulée, lequel décrit précisément l’objet apparaissant sur la peinture :
108uiminea cauea, quae fustium flexu tereti in rectum aggerata cumulum lacinias circumdatas suffusa candido fumo sulpuris inalbabat,
109« une cage d’osier dont les montants flexibles se rejoignaient au sommet et qui servait à étendre les pièces d’étoffe pour les blanchir à la fumée de soufre58 ».
110Les peintures de la villa A d’Oplontis, dite de Poppée, illustrent le modèle alterné* (ou en demi-jour*), mêlant du tressage en plein* et du tressage à jour*, sous la forme de deux corbeilles partiellement ajourées* remarquablement figurées. La première, basse et évasée, contient des figues (fig. 73) et figure sur la peinture du IIe style qui orne le mur nord du triclinium n° 14 de la villa (Fergola 2004, p. 36 et 39). Cette belle représentation a surtout une vocation esthétique : l’artiste a rendu le tressage de la bordure* et de la torche* qui la précède, de même que celui de la base, par de petits coups de pinceau orientés tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, ce qui, techniquement, est dépourvu de tout réalisme. Quant à la clôture* alternée*, en crocane* (effet oblique vers la gauche) et à jour*, elle est réalisable par un vannier, mais sa reconstitution se heurte à de nombreuses difficultés en raison du nombre important des montants* fins et serrés : 168 au total, pour un diamètre de 0,25 m (Barbier 1999, p. 33, n° 4). Guy Barbier s’est essayé à reproduire cet objet en utilisant un osier très fin (fig. 74).
111La seconde corbeille est représentée sur le mur est de l’oecus n° 23 de la villa (Fergola 2004, p. 45). Il s’agit d’un récipient de haute taille dénommé calathus en latin, à la forme très caractéristique — cylindrique à la base, puis s’évasant peu à peu pour s’élargir au sommet59 (fig. 75). Plusieurs motifs décoratifs alternent sur cet objet : en partant de la base, on distingue d’abord une bande ornée d’une frise, peut-être un galon de tissu fixé sur une clôture* en plein*, puis une partie réalisée à jour*, à l’aide de brins* très fins enroulés autour des montants*, suivie à nouveau d’une bande plus large revêtue d’une frise de méandres rouges. La partie médiane laisse apparaître une large bande à claire-voie* composée d’un croisé double, suivie d’une bande plus mince en plein* ornée d’une seconde frise de méandres rouges sur fond blanc. La corbeille se termine par la même clôture* ajourée* que dans sa partie inférieure mais en s’évasant légèrement, stoppée par une épaisse bordure* (fig. 76). Le calathus est rempli de fruits et recouvert d’un léger voile. Derrière lui se trouve un flambeau orné d’épis de blé. La représentation serait à associer au culte de Cérès (De Caro 2001, p. 54, n° 22).
112Une nature morte ornant la maison du Cryptoportique de Pompéi (I 6, 2-4) présente, quant à elle, à côté d’un coq, une corbeille basse largement évasée, ronde ou ovale, contenant des fruits en partie cachés par un linge (Croisille 1965, p. 67, n° 150 et pl. LXXI, 136 ; De Caro 2001, p. 49, n° 15). La clôture* est figurée par de fines bandes verticales parallèles, ce qui indique une vannerie ajourée* constituée d’un alignement de montants* piqués dans le fond*, enroulés autour d’une âme*, puis redressés et évasés pour se terminer par un rebord horizontal suivi d’une bordure* (fig. 77 et 78).
113Autre exemple provenant d’un des sites vésuviens, une nature morte figurant diverses victuailles (Croisille 1965, p. 37, n° 37 et pl. XLII, 83 ; De Caro 2001, p. 98, n° 98). Parmi celles-ci, des surmulets sortent d’un panier pourvu d’une grande anse fine (fig. 79). Si l’on tente d’interpréter l’iconographie pour restituer les étapes du tressage, on peut sans doute y voir un objet composé d’un fond sur moule*, autour duquel sont ourdis* des montants* préalablement écaffés* disposés très près les uns des autres. Les montants* sont maintenus en place par deux traces* en fleur de lys. Le récipient est à bord libre (absence de bordure*) et le peintre a pris le soin de marquer de couleur plus claire la section des montants* coupés à la fin de la fabrication. L’anse a été fixée dès le départ et fait partie des montants* ourdis*60. La technique peut s’apparenter au type « clayonné lié » ou « clayonné cordé ».
114Un panier destiné au même usage, tressé selon la technique appliquée aux vanneries à jour* mais à l’aide de matériaux souples, se retrouve sur plusieurs peintures ornant des maisons pompéiennes. De forme sensiblement hémisphérique, il est pourvu de deux petites anses fines en cordelette. Une peinture de la maison de M. Lucretius Fronto (V 4, 11, tablinum, paroi sud ; fig. 80) montre un tel récipient laissant s’échapper des poissons (Croisille 1965, p. 81, n° 206 et pl. XXXVI, 72 ; De Caro 2001, p. 58-59, n° 29). Au vu des couleurs et des motifs employés, il se composerait de montants* souples, superposés dans le fond* puis retenus à l’aide d’une trace* montant en spirale. Sur une nature morte de la maison des Vettii (VI 15, 1, péristyle : Croisille 1965, p. 92, n° 245 et pl. XXXVII, 74 ; De Caro 2001, p. 95-97, n° 95) on reconnaît le même type de panier, au mode de tressage pratiquement identique : vannerie souple, sorte de couffin de paille ou de jonc61 (fig. 81). À la différence du modèle à grande anse cité ci-dessus, ces paniers à poisson hémisphériques présentent une texture souple (ils sont figurés légèrement aplatis sur les deux dernières représentations). Le matériau employé pourrait être un jonc, un chaume ou encore une feuille de poacée62. Un document d’une autre nature, un skyphos d’argent provenant de Boscoreale conservé au musée du Louvre, a la particularité de présenter ce type de cabas souple avec le départ de son fond*, composé d’une superposition de faisceaux séparés régulièrement par un cordon se développant en spirale sur la clôture* (fig. 82).
115Si les modèles à jour* ou en demi-jour* sont relativement bien représentés dans le répertoire iconographique, il n’en va pas de même pour l’archéologie : plus fragiles que les objets réalisés en plein*, ils n’ont que très rarement été préservés. Tel est cependant le cas pour une fine corbeille au travail alterné* découverte en 1893 dans une sépulture féminine des Martres-de-Veyre (Puy-de-Dôme) et déposée au musée Bargoin de Clermont-Ferrand (inv. 2.209)63. La vannerie doit d’avoir été intégralement conservée aux conditions géologiques particulières du lieu : le terrain volcanique et les émanations d’acide carbonique de sources gazeuses ont naturellement arrêté l’altération des matières organiques (Audollent 1922, p. 54). L’objet (diam. : 0,26 m ; h. : 0,04 m) a été réalisé en saule (Audollent 1922, p. 34-35 et pl. VII, n° 13 ; Barbier 1999, p. 34-35, n° 9 ; Vannerie 2004, p. 36, n° 26).
3. 2. Types à « montants actifs »
3. 2. 1. Le type spiralé
116Une technique également représentée en abondance parmi le mobilier archéologique est celle appelée « spiralée », dans laquelle les objets sont réalisés soit à partir de chaumes, de paille ou de rameaux, soit à partir de feuilles ou de fibres extraites des tiges. Ces végétaux sont assemblés en faisceaux éventuellement tordus. Ceux-ci constituent des spires enroulées sur elles-mêmes à la forme voulue en partant de la base. Chaque spire est cousue à la précédente au fur et à mesure de la progression du travail, à l’aide d’une éclisse*, d’une feuille fibreuse ou d’une cordelette. La couture peut déterminer le décor de l’objet, selon qu’elle est réalisée à points serrés ou à points espacés et selon la nature du lien utilisé. Une couture à points espacés laisse apparaître la texture des spires, tandis qu’une couture à points serrés la masque entièrement (fig. 83). La même technique est mise en œuvre en sparterie, où une tresse préalablement constituée ou exécutée au fur et à mesure est montée en spirale et cousue (technique dite de la tresse spiralée). La technique spiralée, contrairement aux autres, ne montre pas d’affinités avec celle du tissage. On peut la tenir sans doute pour la forme de tressage la plus élémentaire. Elle est dite aussi « du colombin » car identique au mode de façonnage des potiers64. Sa maîtrise est attestée en Orient dès le VIIe millénaire, en Europe à partir du Néolithique (Magdeleine 1983 ; Egloff 1985 ; Stordeur 1989). Le type d’armature ainsi créé donne des récipients qui peuvent être plus souples que le type clayonné.
117Ce mode de tressage est particulièrement bien lisible sur quelques reliefs représentant des amphores paillées pour éviter les chocs lors des transports par bateau65 (fig. 84). Ainsi une scène de commerce conservée au Rheinisches Landesmuseum de Trèves (Espérandieu, 6, 5148 ; Blanc 1989, p. 198, fig. 4) montre deux personnages manipulant des amphores enveloppées d’une grosse épaisseur de fibre végétale assemblée en torons puis montée en spirale.
(d’après De Caro 2001).
118On le reconnaît également sur une statue de pêcheur du musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon, où le personnage tient un petit panier à deux anses (Espérandieu, 3, 1769 ; Barbier 1999, p. 32, fig. 6, p. 33-34). Les spires sont rendues par d’épaisses bandes parallèles bombées sur lesquelles le sculpteur a représenté les ligatures par des stries obliques.
119Sur une corbeille à deux poignées représentée sur une peinture de Pompéi montrant une boulangerie ou une distribution de pain66 (De Caro 2001, p. 104-105, n° 107), le peintre a figuré la clôture* de la vannerie par une série de traits entrecroisés qui n’est pas sans rappeler le schéma du type spiralé constitué de tresses cousues (fig. 85).
120Les documents archéologiques sont, dans ce cas particulier, de plus sûrs témoins de cette technique que l’iconographie. Dans la péninsule Ibérique, des exemples remarquables par leur état de conservation témoignent de l’emploi de l’alfa et des feuilles de palmier pour confectionner des objets en vannerie spiralée. Il s’agit d’une part des paniers d’alfa employés dans les mines du Sud de l’Espagne (région de Carthagène) pour remonter le minerai ou bien, une fois poissés, évacuer l’eau des galeries, d’autre part des chaussures et des petits chapeaux des mineurs découverts dans ces mêmes lieux. Les couvre-chefs ont une armature constituée d’une tresse plate de feuilles de palmier enroulée sur elle-même et cousue67.
121Les cités vésuviennes offrent elles aussi de remarquables réalisations en vannerie spiralée, non seulement par le nombre relativement élevé de récipients, mais aussi par des exemplaires peu communs d’hipposandales et par plusieurs semelles de sandales masculines ou féminines. Un très beau modèle de ciste spiralée est restitué par un moulage (inv. 152 = 24582) réalisé à Pompéi dans l’empreinte laissée par un panier doté d’un couvercle plat, dont il ne subsiste rien hormis les éléments métalliques de préhension du couvercle (fig. 86). L’empreinte fut découverte en 1972, dans la pièce AA de la maison de C. Iulius Polybius (IX 13, 1-3)68 :
12220 Luglio 1972. […] Sempre nell’amb. (AA), proprio accanto alla spalletta ovest del vano che dal peristilio immette nell’ambiente, alla quota di cm. 75 dal pavimento, viene alla luce un vuoto circolare del diam. di cm. 34 e dell’altezza di cm. 24. È questo il vuoto lasciato da una cesta, infatti tutt’intorno al buco vi è l’impronta delle striscette di vimini lavorate.
123Un po’ più giù dell’altezza del cesto abbiamo portato alla luce un pezzo di tuono.
124Girandolo sotto sopra, abbiamo notato anche qui le impronte delle striscette di vimini di forma circolare. Sul pezzo di tuono abbiamo fatto un calco di gesso.
125Si tratta quindi del coperchio della cesta. Al disotto di questo pezzo di tuono vengono alla luce 3 oggetti di vetro di cui 2 bottigline ed 1 vasetto.
126Rompendosi quindi il fondo della cesta, le bottigline sono cadute più in basso e sopra di esse è caduto il coperchio avendo su il peso della cenere. Si rinviene inoltre un cerchietto di bronzo con due linguette forse il gancio del coperchio del cesto, ed inoltre dei chiodini di ferro ed una piccola cerniera.
127Al disotto del vuoto della cesta vi è un altro vuoto quadrato, comunque solo un lato è ben delineato, lungo cm. 12 e alto cm. 20. Si fa il calco di gesso di entrambi i vuoti69.
128La ciste, hémisphérique et sans empreinte de fond (brisé lors de l’éruption), contenait trois flacons de verre. D’après le moulage, le panier présentait un diamètre de 31,7 cm et sa hauteur était de 22,7 cm. La clôture* était composée d’au moins dix-sept spires, en faisceaux fibreux d’une épaisseur moyenne d’un centimètre. Les spires étaient cousues à l’aide de liens végétaux fibreux qui masquent entièrement la texture des faisceaux (l. liens : 3-4 mm). Techniquement, il s’agit d’une vannerie très longue à fabriquer, chaque spire étant cousue à la précédente au fur et à mesure de la construction70. De surcroît, un effet décoratif a été ménagé sur l’objet au moyen de bandelettes de 7 mm de large, vraisemblablement en cuir si l’on se fie à leur épaisseur71 , disposées en V — quatre au total — dont les hampes sont longues de 15 à 20 cm. Entre deux V retombait un morceau de bandelette (fig. 87), indice probable de la présence d’une attache à l’intérieur du panier, d’autant qu’on ne relève aucune trace de clou. Le décor en cuir, enroulé autour de la spire, occupe la quasi-totalité de la hauteur du panier. Le moulage du couvercle permet de dénombrer quatorze spires, de 7 mm d’épaisseur au départ de la spirale, jusqu’à 1 cm sur le bord extérieur ; son diamètre conservé est de 28 cm. La spirale a été réalisée dans le sens antihoraire. En même temps que l’objet ont été trouvés le petit anneau de fer de préhension du couvercle ainsi que la charnière et le clou le fixant, pièces rétablies à leur place sur le moulage (fig. 88).
129Une autre vannerie spiralée cousue et pourvue d’un couvercle, de taille plus réduite mais tout à fait remarquable par la finesse de son exécution et par son état de conservation, provient d’Herculanum (inv. 3830 = 79127) (fig. 89). La date de la découverte et la provenance exacte sont inconnues ; l’objet est inédit. Il fut consolidé à la cire lors de sa mise au jour. La petite corbeille basse cylindrique et à paroi convexe est intacte (diam. : 11 cm ; h. : 4 cm). Démarrée dans le sens anti-horaire, elle compte quatorze tours de spire dans le fond*, suivis de sept pour la paroi (fig. 90). Celle-ci se rétrécit au sommet, de manière à créer un emboîtement pour recevoir le couvercle. Les spires sont ligaturées à points espacés à l’aide d’un mince fil, ce qui laisse apparaître leur texture : la spire en cours de montage est d’abord entourée de fil, puis le fil est piqué dans la spire du tour précédent pour les fixer ensemble. Le vannier a réalisé l’objet à partir de faisceaux de fibres, partiellement visibles aux endroits où le fil de ligature a cédé (fig. 91). La corbeille semble contenir les restes d’une substance carbonisée. Le couvercle (diam. : 12 cm ; h. : 1,5 cm) est plat, à bord rabattu pour s’emboîter à l’extérieur du contenant. Il comporte onze spires, auxquelles s’en ajoutent trois autres constituant le rabat. Son point de départ comporte un trou de 2,5 mm (fig. 92). La spirale a été cousue dans le sens anti-horaire, à l’instar de la corbeille.
130Une seconde vannerie basse, de petites dimensions, en spiralé cousu (inv. 1910 = 77190), provient du même site. Mise au jour le 20 avril 1938 dans la Casa del Bel Cortile72, elle est également inédite. La corbeille cylindrique rectiligne (diam. : 14 cm ; h. : 4,2 cm) est ornée sur toute sa circonférence d’une tresse à trois torons (l. : 7 mm) cousue à une spire, à 5 mm du sommet du récipient. Cette tresse a vraisemblablement servi de point d’appui à un couvercle à bord rabattu non conservé (fig. 93). Partant du fond dans le sens anti-horaire, treize spires sont cousues au moyen d’une cordelette selon le même procédé que l’objet précédent, puis elles remontent à la verticale sur six tours, deux tours sous cordon et deux au-dessus (fig. 94 et 95) ; le bord, au-dessus de la tresse, a partiellement disparu. La spirale, cousue à points espacés, est constituée de faisceaux de fibres végétales visibles par endroits. On relève au fond de la pièce les traces d’un résidu carbonisé.
131Le 6 novembre 1933, dans l’area suburbana d’Herculanum, près d’un bateau73, furent mis au jour les restes carbonisés d’un panier hémisphérique (inv. 3493 = 78790). Il fut prélevé avec le bloc de boue dans lequel il était pris, qui conserve partiellement le fond mais pas le sommet de l’objet (fig. 96). Le diamètre conservé est de 31 cm, la hauteur de 13 cm. Le départ du fond* est perdu. Les analyses ont déterminé l’utilisation du saule des vanniers — Salix uiminalis (Ciarallo 2004, p. 249) — en brins* d’un diamètre moyen de 4 à 5 mm. Il est malaisé de déterminer la technique utilisée, étant donné le mauvais état de conservation de l’objet. Il pourrait s’agir d’une vannerie réalisée à l’aide de cercles d’osier posés les uns au-dessus des autres. Chaque cercle aurait été accompagné d’un faisceau d’herbes (disparu mais marqué par un vide) qui permettait de le lier au suivant (fig. 97 et 98).
132Les restes ténus d’un panier de petite taille complètement écrasé ont été récemment mis au jour lors de la fouille de la boutique VI, 15 d’Herculanum74. Leur étude a permis d’identifier une vannerie spiralée cousue (Cullin-Mingaud 2003). D’après les analyses botaniques, la vannerie a été confectionnée avec un monocotylédone. Il est impossible d’aller au-delà de cette identification générique car les spécimens sont mal conservés75. Les quelques spires de fibre conservées ont été ligaturées à points serrés, semble-t-il, au moyen d’un lien fibreux qui devait en occulter la texture. Sous la forme d’une étoile, ce lien trouve son départ en masquant celui du fond* (diam. : 6 cm) réalisé en spirale anti-horaire (fig. 99).
133Un dernier objet de vannerie conservé dans le dépôt d’Herculanum semble devoir être rattaché au type spiralé (inv. 2332 A = 77628). Mis au jour à Herculanum le 1er août 1961, à l’étage supérieur d’un édifice du Decumanus maximus (avec le panier clayonné tronconique n° 77628 mentionné plus haut), l’objet cylindrique encore rempli de boue est d’une forme curieuse, pourvue d’un renflement vers le sommet (fig. 100). Haut de 26 cm, il présente une extrémité d’un diamètre de 11 cm, l’autre de 9 cm. L’extrémité la plus large constitue le fond* (fig. 101). La pièce paraît réalisée à partir de faisceaux de fibres cousus à points espacés au moyen d’un lien semblable à une feuille de graminée (fig. 102).
134Un fond* de vannerie spiralée ainsi qu’un fragment d’une clôture* tressée selon cette technique (spires liées à points espacés par une cordelette) sont déposés au Musée archéologique de Naples. Ils proviendraient des fouilles de la via dell’Abbondanza à Pompéi. D’autres vestiges informes pourraient être rattachés à ce mode de tressage76.
135Il convient d’ajouter à ces récipients d’autres objets du quotidien provenant d’Herculanum, en particulier onze hipposandales de sparterie mises au jour le 8 mars 1932 (inv. 787 = 76064), dans la maison n° 6 du cardo IV (« Casa dell’Alcova o ed. adiacente »). Ces semelles épaisses, destinées à protéger les sabots des animaux77, sont toutes conservées : neuf au dépôt d’Herculanum, deux au musée de Boscoreale (Stefani 2002, p. 45)78 (fig. 103). Leur longueur moyenne est de 15 cm, leur largeur de 11 cm, leur épaisseur variant de 1,5 à 2,5 cm. Certaines sont légèrement abîmées mais, dans son ensemble, le lot est remarquablement conservé : les semelles, sans doute gardées en réserve, n’ont jamais été utilisées, ce qui rend parfaitement lisible leur mode de fabrication. Leur confection a nécessité l’utilisation d’un gabarit (planche et clous) pour guider l’enroulement de la tresse afin d’obtenir un objet régulier79. Les objets sont tous réalisés de la même manière à partir d’une tresse en fibre de trois torons. Depuis le centre, on a défini, en partant vers la droite, la limite externe de l’objet pour ensuite enrouler la tresse vers l’intérieur, en des circonvolutions symétriques de part et d’autre du point de départ (fig. 104). L’arrêt se fait toujours à l’intérieur, sur le côté le plus court de la semelle (fig. 105). Une fois la semelle réalisée sur le gabarit, elle a été cousue en traversant l’objet de part en part : on distingue les points de couture sur les côtés de chacune (fig. 106). La matière première fibreuse des exemplaires archéologiques est inconnue, mais les écrits de deux des agronomes révèlent un choix de végétaux utilisés pour confectionner des bousandales : genêt (ou alfa, ou alabardine), jonc, lin, chanvre : « on récolte du chanvre, du lin, du jonc, du genêt (ou de l’alabardine) qu’on tresse pour faire des sandales aux bœufs » (Varron, R.R., 1, 23, 6). Columelle, pour sa part, mentionne des soleae sparteae ou des spartea calceata, chaussures en alfa ou, plus largement, en sparterie (Rust., 6, 12, 2 ; 6, 15,1)80. Les semelles étaient fixées sous le sabot au moyen de cordelettes passées entre les spires. C’est la conclusion que l’on peut tirer d’une confrontation ethnologique des documents vésuviens à une source d’une tout autre origine, une estampe japonaise du xixe siècle, œuvre d’Hiroshige. Cette dernière présente en gros plan un cheval chaussé de semelles en sparterie maintenues sous le sabot par de fines cordelettes attachées autour de la patte (fig. 107). Comme les semelles antiques n’ont pas été utilisées, il ne reste pas de témoignage archéologique sur ces attaches.
136Des semelles de sandales masculines et/ou féminines sont également attestées à Herculanum. Elles sont semblables aux semelles des espadrilles actuelles et réalisées en suivant le procédé utilisé pour les hipposandales mentionnées ci-dessus (enroulement d’une tresse à trois torons sur elle-même à l’aide d’un gabarit).
137L’objet n° 1472 (= 76750) est une semelle en corde de chaussure — masculine ou féminine81 — mise au jour le 5 mars 1936, dans une salle voûtée située au sud de l’abside de la palestre d’Herculanum. Elle est conservée dans le dépôt archéologique. Mesurant 24 cm de long sur 8 cm de large à la pointe et 7 cm au talon, elle est en relativement bon état (fig. 108 et 109).
138Cette semelle est épaisse de 2 cm environ et parait composée de deux tresses superposées et cousues entre elles, d’une épaisseur de 7 à 10 mm chacune (fig. 110).
139Une paire de semelles féminines plus fines, découvertes le 1er aout 1961 à l’étage supérieur d’un édifice de la partie nord-est du Decumanus maximus, est enregistrée sous le numéro d’inventaire 2333 A et conservée dans le dépôt archéologique (fig. 111). Chacune mesure environ 21 cm de long, sur 7 cm de large (maximum) et 5 cm au talon. Constituées par une fine corde enroulée et cousue, leur épaisseur est de 4 mm.
140Une semelle en corde de sandale — masculine ou féminine —, conservée à l’Antiquarium de Boscoreale, fut découverte en même temps que les deux exemplaires féminins (inv. 77629 : Stefani 2002, p. 71). Sur les documents du musée, les trois semelles sont dites confectionnées en « sparte ». La partie centrale de l’objet (le point de départ du travail) est abimée. Partiellement brulée, elle permet de voir les faisceaux fibreux de la corde qui compose la semelle dont l’épaisseur est de 1 à 1,5 cm (fig. 112). La longueur de la chaussure est de 25 cm environ.
141Sept semelles « de sparte » carbonisées — et une partie d’une huitième — issues d’une fouille ancienne sont également conservées au Musée archéologique de Naples parmi de nombreux fragments de vanneries ou de sparteries non identifiables. Les chaussures ont été insérées dans un bloc de plâtre82.
142Enfin, seul exemple pompéien recense, parmi le lot de sparteries dépose au laboratoire scientifique de Pompéi sous le numéro 7564 (provenance : maison I 8, 1483), on trouve une semelle en corde — de sandale ou d’hipposandale ? — très dégradée (11 x 7 cm maximum). Elle présente les restes partiellement carbonises d’une tresse enroulée sur elle-même et d’une cordelette à deux torons. Celle-ci a pu servir d’attache ou bien à coudre les épaisseurs de la tresse (fig. 113). Les analyses ont montré que la matière première utilisée est une poacée, le sorgho commun — Sorghum bicolor L. ou Sorghum uulgare Pers. (Ciarallo 2004, p. 78).
3. 2. 2. Le « type natte »
143La technique du « type natte » est bien représentée parmi les vestiges archéologiques des cités vésuviennes. Il s’agit d’un mode de tressage proche du tissage, à montants* actifs entrelaces aux brins*, de sorte qu’on ne peut distinguer les brins* des montants* (fig. 114). Il s’applique en général à des matériaux souples », telles les feuilles, les fibres ou encore les radicelles, mais aussi à toutes sortes de chaumes. Il s’agit du type de tressage le plus anciennement connu. Des fragments découverts en Orient le datent du IXe millénaire ; pour l’Europe, on remonte au IIe millénaire (Egloff 1985 ; Stordeur 1989). Comme son nom l’indique, ce type est, en général, à la base de la confection des nattes, mais pas uniquement. Des récipients souples, du type couffin ou scourtin, présentent généralement le modelé « natte tisse droite » ou « natte tisse diagonale » (Cf. fig. 34). Sur un bas-relief du Musée de Sens figurent deux scourtins renverses sur lesquels sont poses d’autres récipients. Le tressage des vanneries a été sommairement représente à l’aide de lignes incisées en diagonale et entrecroisées (Espérandieu, 4, 2852 ; Vannerie 2004, p. 41, n° 32). L’archéologie témoigne de l’usage répandu de ces sparteries84. Couffins et soutins faisaient partie de l’équipement de toute propriété rurale ; les seconds étaient employés notamment dans les pressoirs à huile (fig. 115).
144La découverte de parties de couffins ou de nattes illustre archéologiquement ce mode de tressage dans les cites vésuviennes.
145A Herculanum, le dépôt archéologique contient quelques fragments d’ustensiles tisses selon ce procède. Un grand fragment inédit d’un couffin écrase sur lui-même mis au jour le 20 octobre 1961 dans la Basilique du Decumanus maximus (inv. 2470 = 77767 ; L. max. : 40 cm ; h. max. : 19 cm) présente le modelé courant « natte tisse croise diagonale » (fig. 116). Les faisceaux fibreux constituant la clôture* ont une largeur d’environ 1 cm. Le couffin était pourvu de poignées dont une seule subsiste, décrochée de la paroi à laquelle elle était liée au moyen d’une cordelette à deux torons. La poignée est réalisée à partir d’un faisceau de fines cordelettes (diam. : 2,5 cm) maintenues groupées transversalement par une autre cordelette ; celle-ci recouvre l’élément de préhension sur toute sa longueur.
146Deux autres poignées (inv. 2469 = 77766), de taille plus réduite et appartenant à un autre couffin, réalisées selon la même technique, ont été découvertes au même endroit que l’objet précèdent (fig. 117a).
147À cet inventaire on peut ajouter cinq fragments erratiques plus petits de couffin(s) — dont un était peut-être poisse — ou de natte(s) conserves au même endroit — contexte de découverte inconnu. Ils présentent la technique de tressage du type « natte tisse croise diagonale » (fig. 117b).
148Plusieurs vestiges tenus ou l’on peut identifier le tressage de « type natte » furent mis au jour à Pompéi85 lors de la fouille de la maison I 8, 14, en avril et juillet 1941. Au laboratoire scientifique de la Surintendance de Pompéi ont été regroupés, sous le numéro d’inventaire 7564, divers fragments de sparterie mis au jour à des dates différentes et difficiles à rattacher aux descriptions faites par les fouilleurs. Ainsi, le journal du mois d’avril fait mention de la découverte d’une natte carbonisée, sans attribution d’un numéro d’inventaire86 :
149Completato il disterro e lo sgombro dell’area scoperta a nord e degli ambienti del alto orientale di questa, a tergo del salone di II stile, le esplorazioni col relativo disterro vengono dislocate nell’area dell’atrio per completarne lo svuotamento. Lo scavo viene condotto da nord-ovest a sud verso il centro di esso, eliminando materiale leggero (lapillo) e puro.
150Nel corso del lavoro nello strato indicato e a m. 1.20 dal piano antico, si discoprono copiosi avanzi di tegole e di embrici a vari rocchi di opera testacea rivestiti con abbozzi fratazzati, i quali appartengono ai fusti di più colonne del piano superiore, abbattuti dai noti tellurici della catastrofe.
151Commisti al lapillo, verso il lato orientale dell’atrio a m. 0.20 dal pavimento dell’atrio, si raccolgono :
152Vegetale - Residui di una stuoia di vimini e di una fune di canapa, i quali sono quasi del tutto carbonizzati.
153Le vestige de natte a peut-être été ajoute au mobilier enregistre sous le numéro 7564 découvert, au moins en partie, le 12 juillet 194187 :
154Riportata a luce l’intera fronte meridionale dell’insula [I 8], si passa a liberare l’area dell’ambiente sud orientale dell’atrio della casa n° 14, che non fu completamente scoperta e ricercata perchè si era imposto una puntellatura in legname per il sostegno del piano transito e di carico dei vagoncini Decauville. Il lavoro viene eseguito cautamente con la rimozione dell’infimo strato eruttivo dall’area dell’ambiente. Nel lapillo vergine e in vari punti si raccolgono la seguente abbondante messe di materiale antico : […] Legno (inv. n° 7563) Avanzi di un cassettino rivestito di vimini. Vegetale (inv. n° 7564) Avanzi di una** [non renseigné].
155Il est vraisemblable que le lot 756488 provient, dans son ensemble, de la maison I 8, 14 qui, étonnamment, cumule à elle seule la majorité des découvertes d’objets de vannerie encore conserves dans les réserves du site89. La mention d’un seul végétal est portée sur la fiche du mobilier, Sorghum uulgare — le sorgho, une poacée. Il s’agit du matériau d’un fragment de semelle spiralée et d’un fragment de natte, deux des objets figurant dans le lot90.
156Un menu fragment compose d’un matériau fibreux (6 x 3 cm) présente un tressage qui semble du type « natte tisse serge diagonale » (fig. 118). En raison de sa couleur noire, il pourrait s’agir d’un vestige de la natte mise au jour au mois d’avril 1941, qualifiée de carbonisée par les fouilleurs. Auquel cas, le matériau utilise serait le sorgho (Ciarallo 2004, p. 78 et 247).
157Le fragment le plus important du lot 7564 (20 x 14 cm) présente deux épaisseurs superposées, chacune de 0,5 à 1 cm. Il peut s’agir d’une natte repliée et écrasée aussi bien que des parois d’un couffin. Le mode de tressage est le type « natte tisse croise diagonale » et le matériau est constitué de faisceaux fibreux (fig. 119 a-b). Un morceau du même objet est conservé à l’Antiquaire de Boscoreale. Il est catalogue comme fragment de natte et le matériau utilise serait le Lygeum spartum L. (alabardine ou lygée), une poacée méditerranéenne très utilisée en sparterie (Stefani 2002, p. 71).
158Un dernier petit fragment (5 x 1 cm) présente un matériau fin et aplati d’une couleur plus claire que celui des autres objets (une herbe ?). Il présente des restes de tressage — clayonne ou « type natte 1/1 » (fig. 120).
159Peut-il s’agir du vestige — revêtement en vannerie d’un coffret de bois — mentionne dans le journal de fouille d’avril 1941 sous le numéro d’inventaire 756391?
3. 3. Éléments décoratifs
160Pour terminer sur l’aspect technique de la vannerie, il convient de faire brièvement allusion au décor de certains des objets. Il est vrai que les vanneries portent généralement en elles-mêmes les éléments de celui-ci résultant, le plus souvent, du mode de tressage — possibilité de variations sur les textures — ou du choix du matériau — nature ou couleur des brins*. Les vanneries clayonnées, par exemple, selon qu’elles sont tressées en plein*, a jour* ou en travail alterne* peuvent présenter des aspects très divers qui sont autant de thèmes décoratifs. Tel est le cas aussi pour les vanneries spiralées ou la nature des liens utilises, de même que le type de couture — a points serres ou a points espaces —, peuvent engendrer une variété de textures et de couleurs. Il arrive cependant, plus rarement, que le décor soit constitué de l’ajout d’un élément extérieur plaque sur l’objet. Un exemplaire pompéien, le moulage de la ciste spiralée, présente précisément ce cas de figure : des chevrons réalisés à partir de bandelettes de cuir nouées sur le matériau végétal (fig. 87). Ce type de décoration trouve des parallèles sur des objets bien particuliers, des urnes funéraires de marbre tantôt rondes, tantôt quadrangulaires, qui reproduisent très rigoureusement des cistes en vannerie. Sur certaines de ces urnes sont figurées de minces sangles de cuir entrecroisées ornant le coffre et le couvercle en même temps qu’elles servaient dans le système de fermeture de l’objet, actionne grâce à un verrou en os92 (fig. 121 et 122).
161De leur cote, les représentations figurées montrent pléthore d’exemples révélant le haut degré de savoir-faire des artisans en matière d’effets décoratifs. À voir certaines peintures et mosaïques, on peut tenir pour acquis que la recherche d’effets esthétiques passait non seulement par le mode de tressage, mais aussi par la polychromie. Il suffisait d’alterner les espèces végétales, ou encore d’employer des brins* décortiques et d’autres à l’état brut, voire de teindre ou peindre le matériau93. En outre, l’analyse de la représentation du calathus de la villa d’Oplontis (Cf. fig. 75), présentant trois frises dont deux à méandres rouges sur fond blanc, semble révéler que l’on pouvait avoir recours à l’utilisation de bandes de tissu fixées sur la vannerie, à moins que la clôture* d’osier elle-même ait été peinte.
162Sur un principe premier — l’entrelacement de matières végétales — la vannerie décline une large palette de techniques et de savoir-faire. Les vestiges archéologiques vésuviens analysés dans ce chapitre attestent sans conteste de cette richesse. Il est rare, en effet, de disposer d’une telle variété d’objets, dont certains n’étaient connus que par les textes. Avec plus ou moins de réalisme, les techniques sont également bien illustrées par les ustensiles représentés sur les documents iconographiques provenant de cette zone, ces derniers ayant le mérite de présenter des formes entières faisant le plus souvent défaut à l’archéologie. Les données iconographiques ne contredisent pas fondamentalement celles révélées par les fouilles : elles se complètent mutuellement. Si certaines vanneries dont la découverte est rapportée dans la documentation ancienne ou récente n’ont pas pu être retrouvées dans les réserves94, il n’en demeure pas moins que l’ensemble important de pièces mises au jour dans les cités campaniennes témoigne de l’habileté des artisans antiques. En dépit du manque d’intérêt dont ces objets ont souffert depuis toujours parce que sans doute trop périssables, la remarquable qualité d’exécution de certains d’entre eux en fait des chefs-d’œuvre de maîtrise approchant d’un travail d’art par leur élégance et leur recherche. En cela ils constituent des témoignages exceptionnels sur un volet important de l’artisanat à l’époque romaine. Ils s’inscrivent dans un patrimoine universel et continu de techniques acquises dès la Préhistoire et maintenues vivaces jusqu’à nos jours.
Notes de bas de page
1 L’expression est éclairée par le commentaire de Servius, Com. Georg., 1, 165 : « Virgea praeterea Celei uilisque supellex » ie uasa de uimine qualia Ceres Celeo aliquando monstrauit, ut qualos, corbes et cetera. « Vilis » autem « supellex » quia < uirgea > ; nam de genistis uel iunco uel alba uite solent fieri. Sane « haec corbis » dicendum est secundum Tullium, qui ait in Sestiana (messoria...). Iacchos, frère de Koré, jouait un rôle dans la pompe éleusinienne, d’où l’allusion au van mystique, instrument purificateur dans les mystères d’Éleusis. Ovide, pour sa part, Met., 5, 645-647, transmet que Déméter-Cérès enseigna l’art d’ensemencer la terre à Triptolème, sans faire allusion à la vannerie. Cette version est proche des sources grecques dont aucune ne fait mention de l’enseignement de l’art de la vannerie à Triptolème ou à Célée (Cf. par exemple, Hymne homérique à Déméter, éd. M. L. West, coll. Loeb). Selon les sources grecques, Triptolème avait reçu de Déméter l’enseignement de l’agriculture afin de le transmettre aux hommes : LIMC, IV, 1 (1988), s. u. Demeter ; LIMC, V, 1 (1990), s. u. Keleos ; LIMC, VIII, 1 (1997), s. u. Triptolemos.
2 Les termes techniques de vannerie signalés par un astérisque sont définis dans le lexique figurant en fin de volume.
3 Une expérimentation a été menée par Guy Barbier au cours de l’hiver 2008/2009. Il est apparu que l’assertion de Columelle est exacte : si l’agronome recommande de laisser l’osier quinze jours dans du fumier, une seule semaine d’enfouissement de brins d’osier secs suffit déjà à leur rendre toute leur flexibilité. En revanche, on ne trouve pas d’explication à l’usage du fumier de préférence à l’eau, sauf dans le cas où celle-ci serait absente, ce que ne paraît pas indiquer l’agronome.
4 H. L. Duhamel du Monceau, Traité des Arbres, Paris, 1755, vol. 2, p. 248 (ouvrage numérisé intégralement sur le site Gallica de la BnF).
5 Le nom de l’orme associé à uimina ne figure pas dans tous les manuscrits, si bien que uimina seul peut s’interpréter comme « osier » et le nom uirgas qui suit s’appliquer à toute autre sorte de bois. L’orme, comme le saule, servait à faire des liens (Cf. Rust., 4, 13, 2).
6 Voir, par exemple, Rossiter 1978, p. 11, 32-33. Les bassins mis au jour dans certaines des fermes fouillées correspondent à la description de Columelle. Tout récemment, une telle structure, ayant la remarquable particularité de contenir encore, gisant sur son fond, un fagot de baguetttes de saule non écorcées, triées et calibrées, a été découverte lors de la fouille d’un établissement rural à Fréjus (Var – site de « Villa Romana » à Villeneuve). Pour la première fois, un bassin de trempage d’osier est attesté avec certitude dans un contexte rural. Je remercie vivement Pierre Excoffon, archéologue à Fréjus, de m’avoir fait part de cette découverte. La publication de synthèse des fouilles est à paraître dans la collection « Bibliothèque d’Archéologie méditerranéenne et africaine », éditions Errance/Centre Camille-Jullian.
7 Voir ci-dessous 2 e partie, chapitre 2.
8 Virgile, G., 4, 110, mentionne la falx saligna de Priape, protecteur des jardins contre les voleurs et les oiseaux ; Caton, Agr., 11, 4, 5, cite la falx scirpicula ; de même que Varron, L. L., 5, 137 : falces sirpiculae uocatae ab sirpando, id est ab alligando ; Columelle, Rust., 4, 12, 1, mentionne la falx ruscaria. Palladius, 1, 42, 1, parle aussi de falces putatoriae, quibus in arbore utamur et uite. Cf. White 1967, p. 72-103.
9 Voir ci-dessous 2 e partie, chapitre 1, fig. 131.
10 Audiger 1912, introduction et p. 1 : « La fabrication de la vannerie est un travail généralement peu fatigant et nécessitant qu’un outillage peu important et de valeur minime. Elle est, pour ainsi dire, à la portée de tout le monde, tant par sa facilité d’exécution que par l’utilité constante des objets d’usage courant que l’on peut faire soi-même. […] Aucun des outils décrits ci-après n’est indispensable, mais la plupart sont absolument nécessaires, et pour les autres, il est facultatif de les remplacer à sa commodité par ceux que l’on aurait sous la main, s’ils peuvent rendre les mêmes services. »
11 Monacchi 1996, p. 951-954, dresse un rapide inventaire des découvertes archéologiques d’instruments semblables à ceux qui figurent sur les monuments funéraires des deux vanniers connus. En tout état de cause, il est impossible de déterminer si, dans certains contextes archéologiques, de tels outils peuvent être rattachés au métier de vannier ou à d’autres professions.
12 Je remercie M. Vincenzo Tiné, directeur de la Soprintendenza per i Beni Archeologici del Veneto, de m’avoir gracieusement procuré une photographie de la stèle conservée au Museo Civico Archeologico de Vicence.
13 Voir ci-après : l’analyse des documents épigraphiques présentés ici sera développée en détail dans le troisième chapitre de cet ouvrage.
14 Les éditeurs de la stèle ne s’accordent pas sur l’identification, hormis sur celle de la serpette, qui ne fait aucun doute : P. Fraccaro y voit deux sortes de poinçons, un gros et un plus fin, ainsi qu’un couteau-spatule à lame à double tranchant servant à couper les brins trop longs à la fin de la réalisation d’un objet ; G. Zimmer reconnaît un poinçon, une vrille ou tarière et une tête de hache. D. Monacchi voit également un poinçon et une tarière, mais un racloir-spatule, utilisé pour tasser l’osier, écorcer les bois et en faire des lamelles, au lieu d’une tête de hache ; du reste, elle n’exclut pas l’identification d’un fer à clore ou d’une batte.
15 L’instrument est connu en Europe depuis l’âge du Bronze : Leroi-Gourhan 1971, p. 179.
16 Pline, N.H., 17, 116 : Nostra aetas correxit, ut Gallica uteretur terebra, quae excauat nec urit, « notre époque a amélioré ce procédé [la greffe de la vigne] : on utilise la tarière gauloise, qui perce sans brûler » (trad. J. André) ; Caton, Agr., 41, 3 ; Palladius, Agr., 3, 17 et 4, 8. Selon G. Zimmer, sur une plaque de terre cuite conservée à Ostie, relief funéraire d’un fabricant d’outils, serait représentée une tarière parmi d’autres instruments : Zimmer 1985, p. 210 et pl. IV.1. L’outil est toutefois difficile à distinguer.
17 Les outils ont été fabriqués par François Obé, forgeron à Chazelet (Indre).
18 Leroi-Gourhan 1971, p. 235 : « Pour les solides souples, l’outil fruste et général est le poinçon, plus particulièrement le poinçon d’os. Il se prête à toutes les opérations courantes : percer une peau, passer un fil dans les trous, tordre les brins d’une corde, serrer un nœud, diviser la chaîne d’un métier, serrer une vannerie, et ajoute à ses emplois spéciaux tous les services qu’il peut rendre dans la vie ordinaire, aussi est-il universel et de tous les temps. »
19 Par exemple, dans l’hypogée II des Mournouards (Mesnilsur-Oger, Marne), où des poinçons en os associés à des empreintes de vanneries ont été découverts : Leroi-Gourhan 1962, p. 95-98 ; même situation sur le site du village néolithique de La Couronne (Martigues, Bouches-du-Rhône), avec une grande quantité de ces outils : Escalon de Fonton 1977.
20 Voir ci-dessous 2e partie, chapitre 2.
21 Je remercie M. Gabriele Baldelli, directeur de la Soprintendenza per i Beni Archeologici dell’Umbria, de m’avoir fourni à titre gracieux la photographie du monument conservé dans une propriété privée.
22 Le monument, d’une hauteur de 1,90 m pour une largeur de 0,75 m, est conserve au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
23 Tomasson 1992, p. 88, et les auteurs de Vannerie 2004, p. 28, retiennent cette interprétation mais Guy Barbier confirme la difficulté à identifier formellement les outils.
24 Gaitzsch 1986, p. 11 et pl. 10, recense comme attribuable à un vannier un relief d’Aquilée portant deux outils (Cf. Zimmer 1982, p. 152-153, n° 74). Ce monument funéraire anonyme n’est pas retenu ici parce que les instruments ne me semblent pas pouvoir être rapprochés de ceux des vanniers.
25 Baratte 1990, p. 42 et p. 44, fig. 16. Parmi les documents de même thème iconographique recensés par les auteurs, aucun autre ne présente une telle scène. Je remercie le conservateur des Musées de Vienne, M. Sébastien Gosselin, d’avoir gracieusement mis à ma disposition la photographie du détail du plat.
26 Traduction d’après N. Blanc, dans Monthel 2000, p. 172, avec la note 33 sur le fait que le tressage d’une nasse ainsi décrit est matériellement impossible.
27 Nectere signifie plus généralement nouer ou lier et semble plus propre à la corderie, bien que Pline l’emploie pour le travail du palmier (N. H., 13, 30). On rencontre aussi, plus rarement, le verbe implicare. Chez Varron, par exemple : [ saeps] fit aut palis statutis crebris et uirgultis implicatis (R. R., 1, 14, 2), ou encore en poésie : inter umbras arborum inplicat casas uirentes de flagello myrteo (Peruigilium Veneris, 1, 5-6).
28 Festus, 514, 15-18 : Viere alligare significat, ut hic uersus demonstrat (Ennius var. 25) : « Iba < nt > malaci uiere Veneriam corollam ». Vnde uimina, et uasa uiminea, quae uinciuntur ligam … στρόφοι ; Pauli excerpta, 515, 5.
29 Par exemple : César, G., 2, 33 : partim scutis et cortice factis aut uiminibus intextis, quae subito, ut temporis exiguitas postulabat, pellibus induxerant ; Virgile, G., 1, 266 : Nunc facilis rubea texatur fiscina uirga ; Buc., 2, 72 : Quin tu […] uiminibus mollique paras detexere iunco ? ; Columelle, Rust., 12, 15, 1 : crates pastorales culmo uel carice uel filice textae ; 9, 6, 1 : aeque commode uasa texuntur ; Calpurnius, Ecl., 3, 68-69 : Sed mihi nec gracilis sine te fiscella salicto/texitur, et nulo tremuere coagula lacte ; Pline, N. H., 18, 233 : Cum sint noctes tanto ampliores, qualos crates, fiscinas texere ; Tacite, Ann., 2, 14 : non loricam germano, non galeam, ne scuta quidem ferro neruoue firmata, sed uiminum textus uel tenuis et fucatas colore tabulas ; Némésien, Buc., 1, 1-2 : Dum fiscella tibi fluuiale, Tityre, iunco/texitur ; Ammien Marcellin, 21, 12, 6 : cratesque densius textas sensim incedentes [oppugnatores] ; Végèce, Mil., 1, 11 : scuta de uimine in modum cratium conrotundata texebant, ita ut duplum pondus cratis haberet, quam scutum publicum habere consueuit ; Isidore, Orig., 20, 9, 8 : Cistella a costis ex canna uel ligno, quibus contexitur nominata.
30 Varron, R. R., 3, 9, 6 : in utraque fenestra lata tripedalis, et eae pede altiores e uiminibus factae raris, ita ut lumen praebeant multum, « dans chacune [des cages à poules], les fenêtres auront trois pieds de large et un pied de plus en hauteur, et elles seront tressées à claire-voie* pour laisser passer beaucoup de lumière » ; Ovide, Fast., 4, 769-770 : referat mihi caseus aera,/dentque uiam liquido uimina rara sero, « que mon fromage me rapporte de l’argent, que les brins peu serrés laissent couler le petit-lait clair » (trad. R. Schilling) ; Columelle, Rust., 9, 15, 12 : saligneus qualus, uel tenui uimine rarius contextus sacus […], obscuro loco suspenditur, « on suspend dans un lieu obscur un panier de saule ou un sac d’osier fin tressé à claire-voie* » ; Palladius, Agr., 11, 19 : et in fiscellis clausae iunco factis aliquatenus rariore contextu uirgis primo fortiter uerberantur, « et, après les avoir renfermées dans de petits paniers de jonc tressés à claire-voie*, on les fouette d’abord vigoureusement avec des verges ».
31 Palladius, Agr., 12, 7 : palustri ulua figuratis densioribus sportis, « dans des corbeilles en herbe des marais tressées serré ». Ammien Marcellin, 21, 12, 6 : cratesque densius textas, « et des claies tressées serré ».
32 Columelle, Rust., 9, 6, 1 : opere textorio [ou uitorio] salicibus connectentur [aluearia]. Les lectures des manuscrits divergent selon les éditions : voir Monacchi 1996, p. 945, n. 7. Les deux lectures semblent valides, puisqu’aussi bien le verbe uiere (Cf. l’étymologie de Festus) que celui de texere ont le sens de « tresser » dans les sources latines. Relevons également, chez Vitruve (2, 8, 20), la mention de l’opus craticium en architecture, qui qualifie des parois montées sur un clayonnage de bois ou de roseau.
33 Une mention de Columelle peut être rapprochée de cette nuance entre vannerie souple et vannerie rigide : siue palmae spartiue foecunda est [regio], fiscinae sportaeque ; seu uirgultorum, corbes ex uimine [fieri debent] (Rust., 11, 2, 90), ce qui sous-entend que l’agronome établit une correspondance entre un type de matériau et une production. Le palmier et l’alfa sont employés pour fabriquer des vanneries souples, fiscinae ou sportae, tandis que les baguettes servent à la confection de vanneries rigides, les corbes. Sur la nomenclature des types de tressage, voir infra.
34 Sur les vanneries décorant les anses de vases en bronze, voir, par exemple, Tassinari 1975.
35 Sur la terminologie latine utilisée pour désigner chacun de ces types d’objets, voir infra la troisième partie.
36 J’utilise ici en partie la classification de la vannerie réalisée par Hélène Balfet, la seule qui soit disponible pour ce domaine de l’artisanat. Cette classification est quelque peu compliquée à exploiter, mais l’auteur à le mérite d’avoir répertorié tous les types de tressage, y compris les plus rares : Balfet 1952 (je cite sa nomenclature entre guillemets). Elle correspond dans ses grandes lignes aux types définis par André Leroi-Gourhan : Leroi-Gourhan 1971, p. 273-278. Cf. aussi la synthèse de Wendrich 2000 sur l’Égypte.
37 Vannerie 2004, p. 31-33, sur la vannerie clayonnée la plus ancienne en Europe ; Egloff 1985 ; Stordeur 1989.
38 « C’est l’aspect le plus commun des paniers, on trouverait sans peine des exemples nombreux dans toutes les parties du monde avec une fréquence plus grande dans les groupes de type artisanal d’Europe ou d’Asie. Quoique en apparence la plus simple, cette variété est pratiquée en fait par les peuples vraiment habiles vanniers » : Leroi- Gourhan 1971, p. 277 (type dénommé « vannerie à brins tissés »).
39 Sur ces statuettes, voir, par exemple, Rouvier-Jeanlin 1972.
40 Une autre figure sur un vase d’argent de Boscoreale. Voir infra.
41 Il correspond au fond « à montants rayonnants, isoles et lies » d’Helene Balfet.
42 Outre les exemplaires des cités vésuviennes présentés ci-après, un fond circulaire de ce type apparaît encore en partie sur un des paniers clayonnés trouvés à Marseille lors des fouilles de la Bourse (Marseille, musée d’Histoire de Marseille) ; un fond sur croisée a été mis au jour à Martigues lors de la fouille de l’anse des Laurons (information SRA, Aix-en-Provence). D’autres vestiges identiques sont conservés sur plusieurs sites.
43 Voir aussi les objets du lot 7564 mentionnés ci-dessous : toutes les découvertes de restes de vanneries ou sparteries de Pompéi recensées ici proviennent de la maison I 8, 14.
44 Selon le catalogue de l’Antiquarium, il s’agirait d’un ouvrage de jonc (Iuncus sp.) : Stefani 2002, p. 17. Cependant, la nature spongieuse voire creuse des joncacées semble exclure une telle identification. En effet, l’objet ne présente aucune trace d’écrasement ni de cassure des brins qui se seraient immanquablement produits avec le temps et dans les conditions de destruction du site.
45 Extrait du journal de fouille conservé à la Surintendance de Pompéi, cote A VI 8 (1er mai 1941).
46 Pour l’analyse technique de la ciste, je dois beaucoup à Guy Barbier et Michèle Pichonnet qui l’ont examinée en 2008.
47 Voir ci-dessus le chapitre sur les plantes.
48 L’usage de cette graminée en vannerie est attesté à Pompéi. L’espèce a été identifiée comme matière première d’une natte et d’une semelle de sandale : voir ci-dessus le chapitre 1.
49 Lors de leur examen en 1994, ces menus fragments carbonisés provenant de Pompéi étaient conservés dans la salle 90 du Musée archéologique national de Naples avec d’autres vestiges non identifiables.
50 Voir D’Ambrosio 1992 (avec photographie de l’empreinte de la corbeille) ; Conticello 1992, avec pl. XIV, 2. Les vestiges, encore visibles en 1994 à leur place d’origine sous l’étagère, ont aujourd’hui disparu. En outre, lors de la réalisation d’un moulage en résine transparente, on a identifié auprès d’un des squelettes féminins un petit récipient de vannerie qui contenait quelques bijoux (Cf. I calchi, exposition à l’Antiquarium de Boscoreale, 2010).
51 Il s’agit, selon toute apparence, de la vannerie mentionnée par M. Borgongino, dans Fergola 2004, p. 112, puis dans Borgongino 2006, p. 116, n° 335, apparaissant, en cours de moulage, sur la photographie 335a, p. 117. Le journal de fouille cite par l’auteur relate la découverte effectuée le 1er septembre 1984 dans la pièce 10 : l’empreinte de 75 cm représentait un panier de forme ovoïde qui contenait des restes de noix (sans numéro d’inventaire).
52 Analyse de Guy Barbier et Michèle Pichonnet.
53 On ignore à quel usage cette grande quantité de grenades était destinée : provision domestique ou commerce ? L’hypothèse a été émise que la vente de ces fruits non comestibles était réservée aux tanneurs, utilisateurs des écorces dans le cadre de leur activité artisanale : Jashemski 1987, p. 64 (qui pense aussi à leur utilisation pour aromatiser le vin) ; Fergola 1998, p. 73. M. Borgongino reste prudent et ne se prononce pas sur la destination de ces fruits (Cf. Fergola 2004, p. 112 ; Borgongino 2006, p. 24 et p. 108-109, n° 292).
54 La vannerie a été publiée à plusieurs reprises, notamment : Pagano 1989, avec photographie p. 276, n° 62 ; Rocco 2003, avec photographie p. 67 ; Pagano 2003. L’objet était absent du dépôt lors de ma visite, en mai 2008, car présenté en exposition.
55 Cette technique consiste à maintenir des écarts constants entre des montants rigides ou à réunir des montants souples à l’aide de brins très espacés qui, pour ne pas glisser, sont généralement tordus par deux ou par trois. Cf. Leroi-Gourhan 1971, p. 276-277 (« vannerie à brins cordés »).
56 Dans Blanc 1989, p. 204 et fig. 8, p. 206, puis dans Barbier 1999, p. 56-57, n° 44, la représentation est identifiée à celle de deux corbeilles superposées. Cependant, de l’avis même de Guy Barbier, l’hypothèse d’un seul récipient peut être techniquement acceptée.
57 Ainsi voit-on sur la mosaïque du banquet funéraire de Thina, de hautes corbeilles au tressage figuré par des lignes de V ; sur celle du seigneur Iulius de Carthage, une cage au tressage représenté par des croisillons ; sur une mosaïque de Dougga illustrant un épisode de l’Odyssée, des nasses. Cf. Fantar 1994, passim, qui présente une sélection d’œuvres dont une bonne partie montre des vanneries ajourées.
58 Apulée, 9, 24 (trad. P. Grimal, La Pléiade, 1958). La peinture est conservée au Musée archéologique de Naples, sans numéro d’inventaire : De Caro 1994, p. 258.
59 Sur les usages de cette vannerie, voir ci-après le chapitre 1 de la troisième partie.
60 Analyse de Guy Barbier.
61 Même type de récipient sur un tableau de la maison de l’Éphèbe (I 7, 10-12 : Croisille 1965, p. 71, n° 163 et pl. XXXVII, 73), où des stries verticales parallèles liées par une trace indiqueraient encore une vannerie de type ajouré.
62 Un bel exemplaire de ce type de vannerie souple à brins liés par un cordon se retrouve sur une mosaïque de Sousse en Tunisie, datée du IIIe siècle apr. J.-C., qui montre un couffin quasi hémisphérique représenté à l’aide de tesselles de couleurs variées, d’où sortent des poissons de toute espèce : Blanc 1990b, p. 208-209 et pl. 8, fig. 16 (technique proche du macramé) ; photographie en couleur dans le recueil de mosaïques tunisiennes de Fantar 1994, p. 123.
63 Audollent 1922, p. 13, 15, 17-18, 34-35, mentionne la mise au jour de deux corbeilles contenant des fruits, dans deux inhumations différentes. Seule celle qui était « à peu près intacte » a été conservée. Elle est ainsi décrite (p. 35) : « la partie plate a l’aspect d’une roue aux rayons serrés les uns contre les autres ; le bord, autour duquel court une double torsade, est à jour, formé par de simples brins entrecroisés. Cette corbeille, d’une légèreté remarquable, ne pèse, vide, que 58 grammes. »
64 Leroi Gourhan 1973, p. 345 : « la répartition des vanneries à montants spiralés coïncide avec celle de la poterie au colombin, qui est faite de spirales d’argiles superposées ; poterie et vannerie apparaissent dans le cas présent comme liées par le même fonds de traditions techniques. »
65 Voir ci-après 3e partie, chapitre 2 pour ces représentations.
66 La peinture est traditionnellement identifiée à la représentation d’une boutique de boulanger. Selon S. De Caro, il faudrait y voir une distribution de pain de la part d’un magistrat, en raison notamment de la tenue du personnage. Les interprétations demeurent divergentes.
67 Voir l’ouvrage de Carmen Alfaro Giner (Alfaro Giner 1984) qui présente la production locale de sparteries. Le travail du palmier en vannerie — chapeaux, cabas — se poursuit en Espagne à l’époque contemporaine, dans plusieurs régions (notamment Majorque) où l’arbuste est spontané : Kuoni 1981, p. 179-201.
68 Moulage au dépôt archéologique de Pompéi ; son étiquette stipule : « Inv. 152. Calco in gesso di una cesta di cui abbiamo rinvenuto il vuoto nell’amb. (AA), a cm 60 dal pavimento nell’angolo nord-ovest. Nella cesta vi sono n° 2 bottiglie, n° 1 vasetto di vetro. Nella bottiglia più grande abbiamo trovato dell’acqua. Facevano parte della cesta anche il gancetto di chiusura, la piccola cerniera di ferro e il chiodo. Pompei, 20/7/72. »
69 Extrait du journal de fouille tenu par M. O. Auricchio : Auricchio 2001, p. 111-112.
70 Analyse de Guy Barbier qui admet la difficulté et la longueur du mode opératoire de ce type de vannerie.
71 On connaît d’autres modèles de vanneries ornées de fines bandes de cuir d’après leur imitation en marbre : il s’agit d’urnes funéraires en forme de corbeille circulaire ou rectangulaire. Voir ci-après la note 92.
72 « Ambiente 9, piano terreno », selon le registre d’inventaire du dépôt d’Herculanum.
73 « Lato sinistro barca », rapporte le registre d’inventaire du dépôt d’Herculanum.
74 Sur le contexte de la découverte, Cf. Monteix 2003.
75 Analyse effectuée par I. Figueiral, Centre de bio-archéologie et d’écologie (UMR 5059 du CNRS), Institut de botanique de Montpellier.
76 MANN, salle 90, box 12 (n° 84719) en 1994.
77 Voir 3e partie, chapitre 2 sur l’usage de ces chaussures.
78 On peut ajouter à cette liste deux exemplaires conserves au MANN, dits provenir d’Herculanum, sans précision.
79 Des gabarits composes d’une planchette sur laquelle des clous étaient plantes pour délimiter une forme étaient encore utilises en Pays Basque au début du xxe siècle pour la confection traditionnelle des semelles d’espadrilles.
80 Voir ci-après 3e partie, chapitre 2.
81 Selon Moda 2004, p. 22, la chaussure serait féminine.
82 Les chaussures, de même que les deux hipposandales d’Herculanum déjà mentionnées (Cf. supra note 78), étaient présentées à l’exposition Ercolano, tre secoli di scoperte qui s’est tenue au Musée archéologique de Naples du 16 octobre 2008 au 13 avril 2009.
83 Voir aussi infra p. 90-91 et note 88.
84 Par exemple, pour l’Italie, découverte d’un couffin a Comacchio, dans l’épave d’un bateau : Berti 1985 ; pour la France, lors de fouilles sous-marines effectuées sur l’épave Saint-Gervais 3 de Fos-sur-Mer, plusieurs menus fragments d’un couffin poisse furent identifies : Liou 1990.
85 Je remercie Annamaria Ciarallo, directrice du laboratoire, de m’avoir permis d’examiner ces vestiges. La date d’entrée au laboratoire mentionnée sur la fiche est le 09/07/1941 (armadio n° 5, piano 7).
86 Extrait du journal de fouille dactylographie du 29 avril 1941 (archives SANP, Naples).
87 Archives SANP, Pompéi, cote A VI 6.
88 Le lot a été constitué de fragments d’origine diverse. Si l’on peut peut-être rattacher le fragment de natte carbonise conserve au laboratoire à la découverte d’avril 1941, un doute subsiste quant aux autres éléments, doute conforte par le fait que le journal de juillet 1941 n’est pas complètement renseigne. Si l’on suppose qu’un objet — la semelle ou le couffin — était cite dans le journal du 12 juillet en même temps que le coffret de bois revêtu d’osier portant le n° 7563, il n’en reste pas moins qu’un fragment conserve dans le lot n’est pas renseigne par les journaux de fouille. Autre problème : la date d’entrée du mobilier au laboratoire, le 9 juillet 1941, est antérieure à la date de découverte… sauf à considérer la seule entrée de la natte carbonisée du mois d’avril.
89 Voir supra le n° 7308. D’autres découvertes, plus anciennes et mal localisées, sont conservées au Musée archéologique de Naples.
90 Voir ci-dessus pour la semelle ; ci-dessous pour la natte.
91 Le n° 7563 est introuvable. Il est possible qu’il ait été dépose dans la même boite que les autres restes végétaux.
92 Voir Barbier 1999, p. 48-49 ; Gostencnik 2001a ; Vannerie 2004, p. 56-57. Plusieurs urnes rondes décorées de ce type sont exposées au Musée d’Aquilée : Buora 1982 ; Bertacchi 1982 ; Monacchi 1996, p. 975, n. 156, avec bibliographie. Sur le système de fermeture des urnes : Feugère 2001 ; Gostencnik 2001b et 2004.
93 On trouve déjà un exemple de bichromie à l’Age du Bronze, d’après les découvertes du village d’Auvernier-Nord, en Suisse : Egloff 1985, p. 84. Aucun témoin archéologique n’est, à ma connaissance, recense pour l’époque romaine, mais on connait des exemples de paniers polychromes provenant de tombeaux égyptiens (Cf. Wendrich 2000, p. 260). Pour un aperçu de la richesse (et de la symbolique) des motifs décoratifs peints ou réalises à partir de diverses sortes de matériaux végétaux, voir le catalogue d’une exposition de vanneries contemporaines confectionnées par les tribus d’Amérique : Caeren 2006.
94 Le catalogue de l’Antiquarium de Boscoreale (Stefani 2002, p. 10) présente les restes d’un panier et un fragment de bord de vannerie spiralée retrouvés à la marina d’Herculanum associés à des hameçons, non retrouvés dans les réserves. Borgongino 2006, p. 126, n° 389, cite le journal de fouille d’Herculanum de 1761 relatant la mise au jour de graines de pavot contenues dans un panier ; l’ensemble a disparu. Le même auteur, ibid., p. 80, n° 91, mentionne la mise au jour à Herculanum en 1928 d’un panier contenant des fèves (inv. 75476), que je n’ai pas retrouvé dans le dépôt ; dans PAH, 2, p. 84, G. Fiorelli cite une « porzione di canestrino carbonizzato » mise au jour en 1823 à Pompéi, en VII 4. E. C. Comte Corti, Vie, mort et résurrection de Pompéi. Paris, 1940, p. 186, fait allusion à la découverte par Fiorelli, en 1860-1861 dans le lupanar, d’une corbeille contenant des haricots et des oignons carbonisés ; les NSA, 1892, p. 31, relatent la découverte à Pompéi, V 2, 6, d’une « anforetta rozza con tracce di rivestimento in vimini o paglia. È corrosa alquanto, ed in cattive condizioni » (h. : 38 cm), disparue ; en 1897 est signalée la mise au jour, à Boscoreale, villa della Pisanella, d’ » un canestro di vimini ripieno di vasi frammentati di vetro bianco e colorato » : A. Pasqui, dans Monumenti antichi, 7, 1897, p. 517 ; les NSA, 1912, p. 67, rapportent une découverte survenue à Pompéi, en I 7, 5, le 7 février 1912 : « Questo trovamento si è chiuso con l’apparizione dell’impronta di un cesto fatto di listelli di legno tessuti in croce. » A. Maiuri précise qu’un moulage de cette empreinte, correspondant à la moitié d’un panier d’au moins 83 cm de largeur, fut alors réalisé (Maiuri 1928). Il n’a pas été localisé ; le journal de fouille conservé à la Surintendance de Pompéi mentionne, au mois de septembre 1924, la découverte de vestiges de nattes en I 7, 7 : « si sono rinvenuti moltissimi frammenti di tavolette rettangolari carbonizzate, larghe da 6 à 10 centimetri, frammischiati ad altri pezzi di tavole di maggiore spessore e ad avanzi di stuoia di vegetale » ; en 1926, près de l’entrée du cubiculum 3 de la maison I 7, 19 de Pompéi en cours de fouille, on releva la présence du squelette d’un enfant âgé de 8 à 10 ans, tombé de l’étage en serrant contre lui un petit panier (« si dovè pensare fosse precipitato a capo fitto dal piano superiore della casa con un cestello di vimini che recava stretto con l’uno dei bracci e che gli fu trovato accanto ») : NSA, 1929, p. 359-360, avec la fig. 2, p. 360, montrant le moulage d’un fragment de paroi clayonnée de type osier sur montants en lattes de bois (cinq sont visibles) ; le 6 décembre 1940, lors des fouilles de l’insula I 8 de Pompéi, le journal relate la découverte d’une natte carbonisée et de paille dans une pièce indéterminée, peut-être en I 8, 15 ou en I 8, 14. Dans la maison I 14, 11 a été signalée la découverte d’une faucille associée à des fragments d’un panier d’osier : Proto 2006, p. 27. La fouille, en 1927-1928, d’une uilla rustica à Valle di Pompéi permit de mettre au jour l’attirail d’un pêcheur comportant hameçons, poids en plomb et une lame de culter à laquelle adhéraient les restes bien visibles d’un panier d’osier : NSA, 1929, p. 194-195 et fig. 4. L’inventaire du mobilier découvert à la villa della Pisanella de Boscoreale, reporté dans le registre de novembre 1979, p. 115-116, mentionne sous le numéro 18055 des vestiges de semelles en sparterie : « Materiale organico : Resti della suola di 2 calzari applicati su tavoletta moderna, lungh. cm 23 ca. » (L’inventaire n’est pas exhaustif.)
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