Chapitre 1. Matières premières
p. 15-47
Texte intégral
1D’une manière générale, le terme « vannerie », dans son acception la plus large, concerne la fabrication d’objets tressés à partir de fibres ou de tiges végétales. Au sein de ce grand groupe, on peut cependant faire une distinction entre la vannerie proprement dite et la sparterie.
2La première concerne des ouvrages tressés à partir de baguettes flexibles d’arbrisseaux et d’arbres ou de tiges de plantes qui subissent un traitement particulier, comme le trempage, le séchage, le décorticage (ou écorçage) et éventuellement le refendage en éclisses1 avant d’être utilisées sans en avoir extrait les fibres. La seconde caractérise un ouvrage réalisé en fibre végétale plus légère où la matière première est travaillée sous forme de faisceaux de fibres. Celles-ci sont extraites de la tige ou de la feuille par divers procédés de traitement préliminaire tels le rouissage, le battage et le peignage2.
3Ces deux classifications sont d’ordre technique, influencées par la nature du végétal mis en œuvre, celui-ci présentant des caractéristiques très variables : souple ou rigide, long ou court.
4Il convient donc dans un premier temps de dresser un panorama des ressources végétales le plus large possible, indépendamment des techniques les utilisant, un point qui sera abordé dans le chapitre suivant.
1. Ressources végétales
5À la lumière des sources littéraires et, dans une moindre mesure, des témoignages archéologiques, il est possible de recenser, au moins en partie, les végétaux utilisés. Leur culture et les traitements préliminaires subis avant le tressage sont parfois renseignés. Les sources ne sont que le reflet d’une réalité locale, la vannerie étant une activité manuelle propre à s’adapter aux ressources de chaque terroir.
6Au-delà des mentions occasionnelles figurant dans les textes, où les auteurs font allusion à un végétal en employant une épithète dérivée de son nom apposée à un objet3, la littérature technique des agronomes et des naturalistes est un apport considérable. Les agronomes, en énumérant les types de culture exploités ou à exploiter dans une région particulière et en évoquant l’équipement agricole, procurent des renseignements fort utiles. Il en va de même pour les naturalistes qui mentionnent des plantes de différentes origines géographiques accompagnées des vertus qui leur étaient attribuées ainsi que leur emploi possible en vannerie ou en sparterie. Encore faut-il manipuler les textes agronomiques avec précaution car chacun des agronomes s’attache au cas d’une ou de région (s) particulière (s) : Caton évoque surtout le Latium et la Campanie (avec une partie du Samnium) ; Varron, plus largement, l’Italie ; quant à Columelle, il fait allusion aux domaines de la péninsule Ibérique dont il est originaire, mais aussi à l’Afrique, aux Gaules et à l’Égypte (Andreau 2004, p. 77-78). Nous verrons que l’expérience de chacun n’est pas sans incidences sur l’identification botanique des espèces. Par ailleurs, quelques analyses réalisées sur les vanneries mises au jour lors de fouilles ont révélé l’emploi de plantes non référencées dans les textes antiques. Bien que la nature de l’information soit d’un niveau d’exploitation variable en fonction des auteurs, les sources permettent d’établir un inventaire des plantes utilisées. Le problème majeur est celui de leur identification. Les phytonymes employés par les auteurs antiques sont parfois vagues et peuvent avoir plusieurs significations, l’homonymie caractérisant souvent la terminologie (par exemple, spartum désigne l’alfa, l’alabardine, ou encore une espèce de genêt, le spartier4). À l’inverse, une même plante peut être désignée par plusieurs noms en latin (par exemple, le spartier : genista ou spartum)... Les termes utilisés correspondent en définitive à des sobriquets faisant référence, dans bien des cas, à un genre plus qu’à une espèce particulière. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que Linné introduise un système de classification cohérent des espèces végétales. D’autres problèmes sont inhérents à l’interprétation et à la traduction des textes. Un même auteur emploie-t-il toujours le même terme pour désigner une plante ? La pluralité des noms suscite parfois des doutes à la lecture des sources, notamment des ouvrages techniques des agronomes ou de l’Histoire naturelle de Pline. Ces constatations donnent la mesure des difficultés qui peuvent exister dans l’identification précise d’une espèce.
7L’enquête menée sur les sources littéraires montre que l’on exploitait aussi bien des espèces cultivées que des espèces spontanées. Ces pratiques ne diffèrent aucunement des pratiques actuelles. En effet, la vannerie présente l’avantage d’être une activité manuelle qui s’accommode des ressources botaniques locales. Si elle était pratiquée de manière occasionnelle par les bergers, par exemple, ou par les membres d’une maisonnée en fonction des plantes sauvages présentes sur le lieu de l’habitat, des propriétaires terriens pouvaient aussi consacrer une part des cultures du domaine à des végétaux exploitables en vannerie.
8Les parties des plantes mises en œuvre dans cet artisanat dépendaient de la nature du végétal. On utilisait en général les rameaux flexibles d’arbres, d’arbustes ou d’arbrisseaux, mais également parfois leur écorce ou leurs radicelles. Les tiges ou les feuilles de Poacées (Graminées), de Joncacées, de roseaux, ou encore de lianes, d’Ombellifères, d’herbacées et de plantes aquatiques étaient aussi massivement employées, comme cela est encore le cas de nos jours. Les ressources végétales disponibles localement et le type de production envisagé influaient sur la structure de l’objet produit : objet de vannerie ou de sparterie plus ou moins rigide, plus ou moins finement travaillé, plus ou moins solide.
1. 1. Arbres, arbustes et arbrisseaux
1. 1. 1. Le saule et l’osier
9Dans les zones tempérées de l’Occident romain, le matériau roi était l’osier. Rappelons que « saule » désigne l’arbre et « osier » les rameaux de saule souples utilisés en vannerie. Les arbres du genre Salix — famille des Salicacées —, constitué de plus de trente espèces comprenant des hybrides, sont extrêmement répandus en Europe, particulièrement au bord des cours d’eau où ils se développent de façon spontanée (Virgile, G., 2, 9-13, trad. E. de Saint-Denis) :
10Principio arboribus uaria est natura creandis. Namque aliae nullis hominum cogentibus ipsae sponte sua ueniunt camposque et flumina late curua tenent, ut molle siler lentaeque genistae, populus et glauca canentia fronde salicta,
11« Et d’abord la reproduction des arbres se fait naturellement de façon variée : les uns, sans aucune contrainte de l’homme, poussent d’eux-mêmes spontanément et occupent au loin les plaines et les rives sinueuses des cours d’eau, tel l’osier souple et les genêts flexibles, le peuplier et les saulaies blanchâtres au feuillage glauque5. »
12Sunt et haec signa uestigandae aquae […] : Iuncus tenuis, salix siluatica, alnus, uitex, arundo, edera caeteraque si qua humore gignuntur,
13« Voici d’autres indications pour guider dans la recherche de sources […] : présence du jonc ordinaire, du saule des forêts, de l’aune, du poivrier sauvage, du roseau, du lierre et des autres plantes qui naissent dans les lieux humides » (Palladius, Agr., 9, 8).
14Ces arbres sont peu exigeants en matière de température, de type de sol et d’humidité, et ils ont la faculté de répandre de grandes quantités de graines à partir de leurs fleurs, les chatons. Tandis que certaines espèces de saules se développent en milieu montagneux, l’osier était, comme de nos jours, cultivé en plaine ou dans des vallées limoneuses. Les saules étêtés ont la capacité de produire de nombreux rejets, plus longs et plus souples. Ils sont ainsi décrits par Pline (N. H., 16, 175, trad. J. André ; Hardouin 1989 ; Tordjman 1996 ; Lieutaghi 2004, p. 1155) :
15Caedua salicis fertilitas densiorque tonsura ex breui pugno uerius quam ramo,
16« La coupe du saule le fait produire, et la taille multiplie les osiers au départ de ce qui est un poing plus qu’une branche. »
17Le terme en usage chez les auteurs latins pour désigner toute espèce de saule est salix. Il a pour dérivé l’adjectif salignus, utilisé pour qualifier tout objet de vannerie6. Le nom plus générique uimen (de uieo, « tresser »7) et l’adjectif correspondant, uimineus, tous les deux très courants, sont en général employés tantôt pour désigner toute branche flexible8, tantôt pour faire référence à l’osier9. Beaucoup plus rarement, le terme uimen revêt, par métonymie, le sens particulier de panier ou corbeille10.
18Les études palynologiques et les découvertes archéologiques corroborent les données textuelles et révèlent la présence courante de cet arbre en Gaule et dans l’Italie romaine. Dans la région vésuvienne, les analyses de pollens et microrestes réalisées par l’équipe de W. Jashemski, puis par la Surintendance archéologique ont livré de nombreuses attestations du genre Salix, essentiellement rencontré à l’état spontané dans la campagne, notamment sur les rives du Sarno et au nord de Pompéi, plus rarement cultivé dans les jardins de quelques demeures (Jashemski 2002, tableau p. 177).
19Du reste, d’après les analyses, trois vanneries confectionnées à partir de Salix uiminalis ont été mises au jour : une à Moregine et deux à Herculanum (Ciarallo 2000, p. 23 et appendice p. 66-71 ; 2004, p. 63, 97, 249). Il est à noter que plusieurs branches de bois de saule sont présentes dans l’atelier de vannerie étudié dans la deuxième partie de ce volume. Les occurrences textuelles concernant l’osier sont nombreuses. Théophraste mentionne le saule comme utile en vannerie pour faire mannes, paniers et boucliers, et il en cite deux espèces : le noir, à l’écorce noire et rouge, et le blanc, à l’écorce de même couleur (H. P., 3, 13, 7, trad. S. Amigues) :
20Πάρυδρον δὲ καὶ ἡ ἰτέα καὶ πολυειδές · ἡ μέλαινα καλουμένη τῷ τὸν φλοιὸν ἔχειν μέλανα καὶ φοινικοῦν, ἡ δὲ λευκὴ τῷ λευκόν. Καλλλίους δὲ ἔχει τὰς ῥάϐδους καὶ χρησιμωτέρας εἰς τὸ πλέκειν ἡ μέλαινα · ἡ δὲ λευκὴ καπυρωτέρας. Ἔστι δὲ καὶ τῆς μελαίνης καὶ τῆς λευκῆς ἔνιον γένος μικρὸν καὶ οὐκ ἔχον αὔξησιν εἰς ὕψος, ὥσπερ καὶ ἐπ´ ἄλλων τοῦτο δένδρων οἷον κέδρου φοίνικος. Καλοῦσι δὲ οἱ περὶ Ἀρκαδίαν οὐκ ἰτέαν ἀλλὰ ἑλίκην τὸ δένδρον · οἴονται δ ´ ὥσπερ ἐλέχθη καὶ καρπὸν ἔχειν αὐτὴν γόνιμον,
21« Le saule est également un arbre du bord des eaux ; il comprend plusieurs espèces : le saule dit noir parce qu’il a l’écorce noire, ou plutôt pourpre, et le saule blanc qui l’a blanche. Le noir a des jets plus beaux et plus employés pour la vannerie ; le blanc les a plus cassants. Il existe en outre du noir et du blanc certaine variété naine, qui ne se développe pas en hauteur, comme il en existe aussi pour d’autres arbres tels le cade et le palmier. Les Arcadiens appellent le saule non pas itéa mais hélikè ; ils sont d’avis, avons-nous dit, qu’il a même un fruit fertile. »
22À sa liste s’ajoute celle de Columelle, qui dénombre pour sa part trois espèces (Rust., 4, 30, éd. Loeb) :
23Nec refert cuius generis uimen seras, dum sit lentissimum. Putant tamen tria esse genera praecipue Graecae, Gallicae, Sabinae salicis, quam plurimi uocant Amerinam. Graeca flaui coloris est ; Gallica obsoleti purpurei, et tenuissimi uiminis ; Amerina salix gracilem uirgam et rutilam gerit. Atque hae uel cacuminibus uel taleis deponuntur,
24« Et peu importe quelle espèce d’osier on plantera, pourvu qu’il soit très flexible. On estime cependant qu’il y a trois espèces principales de saule : le grec, le gaulois et le sabin, que la plupart des gens appellent saule d’Amérie. Le saule grec est de couleur jaune, le gaulois est de couleur pourpre passé avec des rameaux très minces ; le saule d’Amérie a des baguettes grêles et rouges. On les plante par cimes ou par boutures. »
25C’est chez Pline l’Ancien, fort disert sur le sujet, que l’on peut lire l’énumération la plus détaillée de diverses espèces du genre Salix. En dépit des difficultés à les identifier formellement, sa classification a l’intérêt de nous livrer des informations sur l’usage réservé à chacune d’entre elles (N. H., 16, 174, trad. J. André) :
26Salicis statim plura genera. Namque et in proceritatem magnam emittunt iugis uinearum perticas pariuntque balteo corticis uincula, et aliae uirgas sequacis ad uincturas lentitiae, aliae praetenues uiminibus texendis spectabili subtilitate, rursus aliae firmiores corbibus ac plurimae agricolarum supellectili, candidiores ablato cortice lenique tractatu mollioribus uasis quam ute corio fiant eadem, atque etiam supinarum in delicias cathedrarum aptissimae,
27« Le saule présente dès l’abord plusieurs espèces : les uns élèvent à une grande hauteur des perches propres à faire les jougs des vignes, et leur écorce en lanières donne des liens ; d’autres fournissent des baguettes souples et flexibles pour attacher ; d’autres très minces, donnent des ouvrages de vannerie d’une finesse remarquable ; d’autres encore, plus solides, des corbeilles et autres ustensiles de paysans ; d’autres, plus blancs, qu’on écorce et qui se laissent facilement manier, donnent des ustensiles dont la souplesse dispense de faire les mêmes en cuir, et sont encore excellents pour les si agréables chaises-longues. »
28Des diverses variétés citées, chacune présente des caractéristiques et des emplois particuliers, selon le même auteur (N. H., 16, 177, trad. J. André) :
29Finditur Graeca rubens ; candidior Amerina, sed paulo fragilior, ideo solido ligat nexu. In Asia tria genera oberuant : nigram utiliorem uiminibus, candidam agricolarum usibus, tertiam, quae breuissima est, helicem uocant. Apud nos quoque multi totidem generibus nomina inponunt, uiminalem uocant eandemque purpuream, alteram uitellinam a colore, quae sit tenuior, tertiam Gallicam, quae tenuissima,
30« On refend le saule grec rouge ; le saule d’Amérie est plus blanc, mais un peu plus cassant ; aussi l’emploie-t-on sans le refendre pour les liens. En Asie, on distingue trois espèces d’osiers : le noir, plus propre à la vannerie, le blanc aux besoins des paysans, un troisième très court, nommé hélix. Chez nous aussi, beaucoup de gens ont des noms pour autant d’espèces : l’osier viminal ou purpurin, l’osier vitellin, nommé d’après sa couleur, plus mince, et un troisième, l’osier gaulois, le plus fin. »
31Pline a repris la distinction de Théophraste entre osier noir et osier blanc, et il la mentionne comme propre à l’Asie, de même que la variété nommée « hélix » des Arcadiens.
32Rattacher des espèces aux descriptions des naturalistes et de l’agronome soulevé plusieurs difficultés11, car pour aucun d’entre eux on ne peut savoir si les saules ont été décrits par la couleur des osiers (jeunes pousses dont la couleur de l’écorce diffère de celle de l’arbre adulte), ou bien par celle du bois ou des feuilles (fig. 1). Néanmoins, il semble possible de proposer les identifications suivantes12 :
- Le saule d’Amerrie de Pline et « celui du pays des Sabins » de Columelle correspondraient au saule des vanniers ou osier blanc (Salix uiminalis L.). Celui-ci se caractérise par un bois blanc, de longs rameaux droits et flexibles (Lieutaghi 2004, p. 1130). Si Columelle qualifie ses rameaux de « rouges », cela est dû au fait que les pousses sont brun clair ou marron à la fin de la première année de croissance. En vannerie, ses brins sont employés entiers, c’est-à-dire sans être refendus en éclisses*, ce qui explique l’usage du terme solido par Pline (fig. 2).
- Le saule grec, évoque par les deux auteurs tantôt comme rouge (Pline), tantôt comme jaune (Columelle), et que l’on trouve mentionne par ailleurs chez Caton (Agr., 33, 5) et Varron (R.R., 1, 8) qui l’emploient pour faire des liens, serait le saule a poussés jaunes ou osier jaune13. D’ailleurs Pline le cite aussi sous son autre nom d’osier vitellin (de uitellus, « jaune d’œuf »). Il s’agit de Salix alba subsp. uitellina, une variété à longs rameaux fins, jaune-orange ou rougeâtres, sous-espèce du saule blanc (Lieutaghi 2004, p. 1127) (fig. 3).
- L’osier gaulois de Pline et de Columelle, de couleur pourpre et a rameaux très minces, était peut-être celui que l’on connait de nos jours sous le nom d’osier brun ou osier rouge (Salix triandra subsp. amygdalina L.). Cultive en oseraie, il se caractérise par des brins très fins. On rencontrait cette espèce non méditerranéenne surtout en Gaule et dans le Nord de l’Italie (fig. 4).
- L’osier viminal ou purpurin de Pline est à identifier au saule pourpre dont l’osier rouge est employé en vannerie fine (Salix purpurea L.). Ce saule produit de jeunes rameaux droits et pourpres au début de la croissance — particulierement en hiver — qui deviennent ensuite verdâtres ou gris (Lieutaghi 2004, p. 1122) (fig. 5).
- Quant à la variété asiatique appelée « hélix » et citée par Pline, il ne s’agirait pas d’une espèce particulière mais du nom oriental du saule. La recension des variétés de saules citées dans les sources n’exclut pas le recours à d’autres espèces présentes localement et attestées par l’archéologie. Tel est le cas en Gaule, ou l’analyse d’une nasse découverte a Chalon-sur-Saône a révèle l’utilisation du saule a oreillettes, Salix aurita L., ou du saule cassant, Salix fragilis L. (Monthel 2000, p. 173). Le premier ne pousse que sur des sols marécageux ou dans des bois humides. Bien que les rameaux du second soient très cassants, il peut néanmoins être employé en vannerie car ses rejets ne sont fragiles qu’au niveau des nœuds (Lieutaghi, 2004, p. 1125, 1136) (fig. 6).
33En matière d’osiériculture, les sources consultées livrent des informations permettant d’entrevoir ce que pouvaient être les pratiques antiques, assez proches, en définitive, des pratiques actuelles, et il est possible de recueillir dans les textes des éléments indiquant une culture raisonnée.
1. 1. 1. 1. Le saule, une culture nécessaire
34Les auteurs anciens sont unanimes pour recommander de cultiver des saussaies (salicta), dont l’intérêt majeur — avant même, semble-t-il, celui de servir de matériau de vannerie — était de fournir de l’écorce ou des baguettes pour ligaturer la vigne. Pour Caton :
35De omnibus agris optimoque loco, iugera agri centum, uinea est prima, uel si uino multum est, secundo loco, hortus irriguus, tertio salictum, quarto oletum,
36« De toutes les cultures, dans le meilleur endroit, cent jugères de terre, la première est un vignoble, notamment s’il rapporte beaucoup de vin, en second lieu un jardin irrigue, en troisième une saulaie, en quatrième une oliveraie » (Agr., 1, 7, trad. R. Goujard).
37Pour Varron : Idoneus locus eligendus, ubi facias salictum et harundinetum, sic alia quae umidum locum quaerunt,
38« Il faut choisir l’endroit convenable ou planter des saules et des roseaux, et autres végétaux qui demandent l’humidité » (R.R., 1, 23, trad. J. Heurgon).
39Pour Columelle, le domaine idéal se présenterait ainsi : Campus in prata et arua salictaque et arundineta digestus aedificio subiaceat, « Les plaines, divisées en prairies, terres labourées, saussaies et plantations de roseaux seraient voisines des bâtiments de la ferme » (Rust., 1, 2, ed. Loeb).
40Pour Pline l’Ancien : […] non, ut remur, in nouissimis curanda arbore. Nullius quippe tutior reditus est minorisue inpendi aut tempestatium securior,
41« Cet arbre ne doit pas, a notre avis, être le dernier de nos soucis, car aucun n’est d’un revenu plus sur, de moindre dépense ou plus à l’abri des intempéries » (N.H., 16, 175, trad. J. André).
42On notera que Caton cite la saussaie en troisième position, après le vignoble et le jardin irrigue, mais avant l’oliveraie, parmi les cultures qui se doivent de figurer dans tout domaine correctement gère. Cette assertion met en évidence le lien étroit qu’entretenait l’osiériculture avec le vignoble.
43La culture du saule était une culture avantageuse. De fait, le premier atout de la saussaie était son bon rendement, les arbres ayant une croissance très rapide et se bouturant facilement (Isidore, Orig., 17, 7, 47-48, trad. J. André)14 :
44Salix dicta quod celeriter saliat, hoc est uelociter crescat. […] Vimen uocari eo quod uim habeat multam uiroris. Natura enim eius talis est ut etiam arefacta, si abluatur, uirescat, deinde excisa atque in humo fixa radicibus sese ipsa demergat,
45« Le nom du saule vient de ce qu’il “saute” vite, c’est-à-dire croît rapidement. […] L’osier doit son nom à la grande force de sa verdeur ; il est en effet par nature capable, une fois sec, de reverdir si on le détrempe, puis, coupé et planté en terre, d’y enfoncer des racines. »
46À cela s’ajoute qu’elle offrait à l’agriculteur de multiples possibilités d’exploitation, tant pour l’écorce que pour les rameaux. D’abord, comme on l’a dit, elle permettait la fabrication de liens pour les vignes :
47Salictum suo tempore caedito, glubito arteque alligato ; librum conseruato. Cum opus erit in uinea, ex eo in aquam coicito, alligato,
48« Coupez l’osier en temps voulu, écorcez-le et liez les brins serré ; conservez l’écorce. Quand il en sera besoin dans la vigne, plongez-en dans l’eau, et palissez » (Caton, Agr., 33, 5, trad. R. Goujard)15.
49Ensuite, elle permettait au personnel du domaine de tresser paniers et corbeilles nécessaires aux récoltes et, d’après Caton, essentiellement à partir d’osier décortiqué — ou osier blanc : uimina unde corbulae fiant conseruato, « Conservez les brins pour en faire des paniers » (ibid.).
50Un autre extrait de Caton est digne d’intérêt en matière d’économie rurale puisque l’agronome envisage non seulement la production d’osier pour les besoins propres du domaine, mais aussi la commercialisation des excédents : « Veillez à ce qu’elles [les saulaies] satisfassent aux besoins du maître ou à ce qu’il y ait des débouchés » (Agr., 9). La rentabilité de cette production est ainsi mise en évidence. Enfin, les racines de l’arbre absorbant beaucoup d’eau, la culture du saule était un bon moyen d’assécher les terrains humides.
1. 1. 1. 2. L’osiériculture, une culture raisonnée
51« Si la saussaie naît sans culture, son entretien exige des soins » : incultique exercet cura salicti, comme le fait remarquer Virgile (G., 2, 415).
52À lire les traités d’agriculture, on constate que les agronomes se montrent plus ou moins prolixes concernant la plantation et l’entretien des saussaies. Si on relève quelques divergences dans les textes, on peut les expliquer à l’aune des pratiques actuelles d’osiériculture. L’ensemble des informations recueillies dans les textes techniques puis rapprochées entre elles permet au demeurant d’ébaucher une analyse des pratiques antiques.
53Columelle est l’auteur qui livre le plus de détails sur l’osiériculture, dans un chapitre consacré aux jougs et aux liens nécessaires à la vigne.
54Il distingue la variété de saule propre à confectionner des perches de la variété destinée à produire l’osier (salix uiminalis), ainsi exploitée (Rust., 4, 30-31, éd. Loeb) :
55Quare salices uiminales atque arundineta ulgaresque siluae, uel consulto consitae castaneis, prius faciendae sunt. Salicum uiminalium Atticus putat singula iugera sufficere posse quinis et uigenis iugeribus ligandae uineae […]. Salicem uel riguus ager uel uliginis abundans optime, nec incommode tamen alit planus et pinguis. Atque is debet conuerti bipalio ; ita enim praecipiunt ueteres, in duos pedes et semissem pastinare salicto destinatum solum. […] Atque hae uel cacuminibus uel taleis deponuntur. Perticae cacuminum modicae plenitudinis, quae tamen dupondiarii orbiculi crassitudinem non excedat, optime panguntur eousque dum ad solidum demittantur. Taleae sesquipedales terreno immersae paulum obruuntur. Riguus locus spatia laxiora desiderat, eaque senum pedum per quincuncem recte faciunt ; siccaneus spissiora, sic ut sit facilis accessus colentibus ea. Quinum pedum interordinia esse abunde est, ut tamen in ipsa linea consitionis alterna uacuis intermissis bipedaneis spatiis consistant semina. Satio est eorum priusquam germinent, dum silent uirgae, quas arboribus detrahi siccas conuenit. Nam roscidas si recideris, parum commode proueniunt ; ideoque pluuii dies in exputanda salice uitantur. Fodienda sunt primo triennio salicta crebrius, ut nouella uineta. Cum deinde conualuerint, tribus fossuris contenta sunt ; aliter culta celeriter deficiunt. Nam quamuis adhibeatur cura, plurimae salices intereunt. Quarum in locum ex propinquo mergi propagari debent, curuatis et defossis cacuminibus, quibus restituatur quicquid intercidit. Anniculus deinde mergus decidatur a stirpe, ut suis radicibus tamquam uitis ali possit. [31 …] Nam quae uinculis praeparatur, potest annicula praecidi ad semissem supra duos pedes, ute trunco fruticet et in bracchia uelut humilis uinea disponatur ; si tamen siccior fuerit ager, bima potius resecabitur,
56« C’est pourquoi il faut prévoir en premier une oseraie, une plantation de roseaux, et aussi des forêts communes ou des bois plantés exprès en châtaigniers. Atticus pense qu’un jugère d’oseraie suffit pour lier vingt-cinq jugères de vignes […]. Un terrain bien arrosé ou fort marécageux convient très bien au saule, mais un terrain plat et gras lui convient aussi. Il faut retourner ce terrain à la double bêche ; les anciens prescrivent de labourer le sol destiné à l’oseraie sur une profondeur de deux pieds et demi […]. On plante [les saules] par cimes ou par boutures. Les perches des cimes d’une grosseur modérée, qui, cependant, ne doivent pas dépasser l’épaisseur d’un poids circulaire de deux livres, sont mieux plantées si elles sont enfoncées jusqu’au niveau du sol. Les boutures d’un pied et demi de long enfoncées dans le sol doivent être recouvertes d’un peu de terre. Un endroit bien arrosé requiert un espacement plus large, et des écarts de six pieds en quinconce entre les plants conviennent bien ; un endroit sec demande une plantation plus rapprochée, mais de manière à ce que l’accès soit facile pour les cultivateurs. La distance entre les rangées doit être de cinq pieds, mais dans une même rangée les boutures doivent être placées à deux pieds d’intervalle, séparées par des espaces vides. La plantation doit avoir lieu avant qu’elles germent, lorsque les branches sont au repos, et il convient de les prélever sur les arbres quand elles sont sèches. Car si on les coupe quand elles sont humides de rosée, elles poussent difficilement ; c’est pourquoi on doit éviter de tailler les saules les jours de pluie. Les saussaies doivent être bêchées plus souvent durant les trois premières années, comme les jeunes vignes. Ensuite, lorsque les saules sont devenus forts, ils se contentent de trois fouilles ; cultivés autrement, ils s’affaiblissent rapidement. Car même si on en prend soin, beaucoup de saules meurent. À leur place, il faut propager des marcottes d’un saule voisin, en courbant puis en enterrant les pointes de ses rameaux, afin que tout ce qui sera mort soit remplacé. Puis, quand elle sera âgée d’un an, la marcotte sera coupée de l’arbre-mère, pour qu’elle se nourrisse par ses propres racines, comme la vigne. [31 …] le saule préparé pour faire des liens peut être coupé à l’âge d’un an à environ deux pieds et demi au-dessus du sol, pour produire des rejets à partir du tronc et pour être arrangé en bras, comme une vigne basse ; si cependant le terrain a été trop sec, il vaudra mieux le couper à l’âge de deux ans. »
57Pline l’Ancien, reprenant les préceptes de l’agronome, fournit une description plus brève de la culture du saule (N. H., 17, 141-143, trad. J. André) :
58Principatum in his optinent salices, quas serunt loco madido, tamen refosso pedes duos et semipedem talea sesquipedali uel pertica, quae utilior quo plenior. Interuallo esse debent pedes seni. Trimae pedibus binis a terra putatione coercentur, ut se in latitudinem fundant ac sine scalis tondeantur. Salix enim fecundior quo terrae propior. Has quoque omnibus annis confodi iubent mense Aprili. Haec est uiminalium cultura. […] Salicis uiminalis iugera singula sufficiunt XXV uineae iugeribus,
59« Au premier rang sont les saules ; on les plante en terrain humide, mais creusé à deux pieds et demi, de boutures d’un pied et demi ou de perches qui valent d’autant mieux qu’elles sont plus grosses. L’intervalle < entre les plants > doit être de six pieds. On les taille à trois ans pour les maintenir à deux pieds au-dessus du sol, afin qu’ils s’étalent en largeur et que les osiers se coupent sans échelle. Le saule est en effet d’autant plus productif qu’il est plus près du sol. On recommande de le déchausser tous les ans au mois d’avril. Telle est la culture du saule à osier. […] Un arpent de saules à osier suffit pour vingt-cinq arpents de vigne. »
60Les indications de Columelle sont, à quelques détails près, conformes à ce qui est encore pratiqué de nos jours en osiériculture. Pour les osiériculteurs contemporains, il est d’usage de planter les saules par boutures, c’est-à-dire par tronçons de 20 à 25 cm coupés dans un brin d’osier16. La cime, plus fine parce que pointe d’un brin, n’est utilisée que si l’on manque de boutures. Celles-ci sont mises en terre pendant l’hiver (« tout le temps que leur sève n’est point en mouvement convient à cette opération ») et, à l’instar de ce qu’affirme l’agronome, elles sont à peine couvertes de terre une fois enfoncées dans le sol. La plantation antique en quinconce de boutures espacées de deux pieds (environ 60 cm) dans chaque rangée n’est, en revanche, plus pratiquée actuellement. On plante les boutures en ligne droite, à raison d’une tous les 12 cm, sur de longues rangées espacées de 80 cm à 1 m, ceci à cause de la mécanisation de la récolte (fig. 7). Quant a la pratique du marcottage dont parle Columelle pour la multiplication des arbres, elle n’existe plus de nos jours.
61Chaque bouture produit généralement un à deux brins. Le saule étant un arbre a croissance très rapide, un brin peut, en un an, s’élever jusqu’à 3,50 m de hauteur, selon les espèces17. Alors que Columelle préconise de couper ces rejets a deux pieds et demi de terre, soit environ 75 cm de hauteur, l’osiériculteur actuel les coupe a ras du sol l’hiver suivant la plantation de la bouture. L’ancienne bouture produira des brins plus nombreux l’année suivante ; elle forme une protubérance au niveau du sol.
62Chez Columelle, cette protubérance sera située plus en hauteur, au sommet d’un brin de 75 cm environ auquel on aura retire les rejets du bas et qui, s’étant ramifie dans sa partie supérieure, deviendra lui-même un tronc. On appelle alors cet arbre un saule têtard. Quant à Pline, il préconise d’attendre trois ans afin que le têtard soit forme a deux pieds de hauteur et pour donner la forme voulue a l’arbuste. L’agronome et le naturaliste précisent que le saule doit être cultive près du sol — de manière a y accéder sans échelle — et en largeur (« en bras »).
63C’est vraisemblablement cette manière de cultiver l’arbuste qui nécessite de planter les boutures en quinconce afin de laisser plus de place aux plants pour se développer et de faciliter le passage de l’rosiériste lors de la récolte. Les saulaies actuelles présentent, elles aussi, des plants peu élevés18.
64Pour ce qui est de la périodicité de la coupe, chaque année, l’agriculteur peut récolter les brins se développant sur la protubérance — la durée de vie d’une oseraie est de 12 à 20 ans. Les osiériculteurs actuels, afin d’obtenir un matériau d’une bonne flexibilité, coupent les rejets annuellement l’hiver venu, sur un pied qui produit des brins pendant plusieurs années. Pour Columelle, il en était probablement de même, alors qu’il mentionne l’éventualité d’une coupe à deux ans dans le cas particulier d’un sol sec susceptible de donner un osier de qualité inferieure. Un argument supplémentaire en faveur de la préférence qu’il accorde sans doute aux rejets annuels apparait dans son énumération des diverses variétés de saule : le saule d’Amerrie est décrit comme ayant des baguettes « grêles et rouges » (Columelle, Rust., 4, 30). Sous réserve que cette espèce corresponde bien au saule des vanniers (Salix uiminalis L.), le fait que l’agronome qualifie les rameaux de ce saule de « rouges » laisse supposer qu’il a vu et qu’il parle des jeunes rejets de la souche car cette couleur, correspondant à celle des pousses à la fin de la première année de croissance, disparait avec le vieillissement de l’arbre.
65Les autres calendriers rustiques sont conformes au traite de Columelle pour ce qui concerne la période de plantation. Celle-ci avait lieu en février ou en mars, au moment de l’année ou la sève des arbustes est redescendue :
66Primo interuallo inter fauonium et aequinoctium uernum haec fieri oportet : […] salicta seri,
67« Dans le premier intervalle, entre le Favonius et l’équinoxe de printemps [soit entre le 7 février et le 23 mars], voici ce qui doit être fait : […] planter les saulaies » (Varron, R. R., 1, 29)19.
68Salicem et genistam crescente luna uere circa kal. Martias serito,
69« Plantez l’osier et le genêt quand la lune croît, au printemps, vers les calendes de mars » (Columelle, Arb., 29, trad. R. Goujard), ou encore :
70Populos et salices et fraxinos, prius quam frondeant […] nunc ponere utile est,
71« Il est bon à ce moment [mi-février] de mettre en terre les peupliers, les saules et les frênes avant qu’ils soient en feuilles » (Id., Rust., 11, 2, 19, éd. Loeb).
72Harundines, salices, genistae serantur caedanturque, « [au début du printemps, il faut] planter et couper les roseaux, les saules, le genêt » (Pline, N. H., 18, 240), plus précisément :
73Communis quidem Italiae ratio tempora ad hunc modum distribuit : […] salici et genistae circa Martis Kal. Hanc in siccis semine, illam in umidis uirga seri diximus,
74« Les conditions générales de l’Italie donnent le calendrier suivant : […] le saule et le genêt vers les calendes de mars. Le genêt se plante de graine en terrain sec, le saule de scion en terrain humide » (N. H., 17, 136, trad. J. André).
75Nunc salicis plantas et omnium generum quae arbusto adplicandae sunt, uel genestae, ubi deerit, obruemus,
76« On piquera à présent [février] les plants de saules et de toute espèce servant à attacher la vigne ou, à défaut, de genêt » (Palladius, Agr., 3, 23).
77Ces calendriers sont semblables au calendrier des travaux actuels où le bouturage a lieu entre décembre et fin avril, généralement aux mois de février et de mars20, car il est impératif de mettre en terre les boutures avant que la sève ne remonte, comme l’indiquait déjà Columelle (« avant qu’ils soient en feuilles »).
78Pour les raisons de rentabilité déjà énoncées, la saussaie faisait ensuite l’objet de soins attentifs de la part des agriculteurs. Ces soins figurent dans les calendriers rustiques et comptent au nombre des activités annuelles courantes et récurrentes au sein du domaine rural.
79Columelle fait allusion à cet entretien aux livres 4 et 11 de son traité : « Il faut […] faire des saussaies ou, après les avoir taillées, les désherber et les bêcher21. »
80Ici encore, on ne peut que constater l’identité des pratiques antique et contemporaine où les osiériculteurs insistent sur la nécessité d’entretenir les saules afin de s’assurer une qualité optimale des osiers (Hardouin 1989).
81Après plusieurs mois d’entretien, venait la récolte.
82Caton ne précise pas l’époque de l’année où celle-ci devait avoir lieu, se contentant de prescrire : « Coupez l’osier en temps voulu » (Agr., 33, 5)22. Les agronomes postérieurs livrent des renseignements plus détaillés, quoique divergents.
83Ainsi Varron situe la coupe « entre l’équinoxe de printemps et le lever des Pléiades », soit du 24 mars au 7 mai (R. R., 1, 30 ; trad. J. Heurgon) :
84Secundo interuallo inter uernum aequinoctium et uergiliarum exortum haec fieri : […] salicem caedi […] antequam gemmas agant ac florescere incipiant …,
85« Couper les saules […] avant que la végétation ne pousse ses bourgeons et ne commence à fleurir … »
86Columelle, pour sa part, l’envisage dans la seconde quinzaine de novembre (Rust., 11, 2, 92 ; éd. Loeb) :
87Possit etiam salix decisa pridie ad lucubrationem expurgari, et ad uitium ligamina praeparari. Quae si natura minus lenta est, ante dies quindecim praecidenda, et purgata in stercore obruenda est, ut lentescat. Sin autem iam pridem caesa exaruit, in piscina maceranda est,
88« On peut aussi émonder à la lumière artificielle le saule coupé la veille et en préparer des liens pour les vignes. S’il est peu flexible de nature, il faut le couper quinze jours à l’avance et, une fois émondé, l’enfouir dans du fumier pour qu’il s’y assouplisse. Mais si, coupé depuis longtemps, il est desséché, il faut le faire tremper dans un bassin. »
89Si l’on se refère aux pratiques actuelles, les osiériculteurs sont restés plus proches de Columelle que de Varron. Les rejets sont coupés chaque année, mécaniquement ou manuellement (à la serpette) entre novembre et février, au moment de l’arrêt de la végétation. Puis les brins sont triés par hauteur et regroupés en bottes.
90Par la suite, deux modes de préparation du matériau peuvent être choisis23 :
- les bottes d’osier sont mises à sécher ; l’écorce adhère au bois et se ride. On obtient par ce biais de l’osier brut ou non écorce qu’il conviendra de faire tremper une semaine avant de pouvoir l’utiliser, pour le rendre plus souple ;
- aussitôt les brins mis en bottes, on place celles-ci debout dans des bassins remplis de 15 cm d’eau dénommes « routoirs » alimentes jusqu’au mois de mai suivant, époque pendant laquelle la sève remonte dans le bois qui produit des bourgeons et des racines (fig. 8). L’écorce alors se décolle facilement, et l’osier est pelé manuellement ou à l’aide d’une machine24. On obtient ainsi de l’osier blanc, écorce, que l’on étale au soleil une journée pour le faire sécher, puis que l’on conserve, une fois remis en bottes, dans un endroit sec et obscur pendant au moins six mois (fig. 9). Il sera utilisable par le vannier une fois trempe dans l’eau pendant deux heures, la veille pour le lendemain. L’écorce récupérée par l’opération du décorticage est gardée pour faire des liens si celle-ci est réalisée manuellement brin par brin. L’assertion de Varron concernant la récolte de l’osier au printemps, avant que les bourgeons ne soient sortis, n’est donc pas incompatible avec les pratiques connues. Ce passage laisse penser que le choix est fait de retirer l’écorce de l’osier au moment de la récolte même, puisqu’en cette saison la sève est déjà remontée dans le bois, facilitant ainsi le décorticage. L’extrait traduirait donc la volonté d’une part de récupérer l’écorce — si précieuse pour lier la vigne —, d’autre part d’obtenir de l’osier blanc. En somme, Varron exposerait la une variante a la seconde des deux alternatives mentionnées.
91À l’inverse, si l’on reprend le texte de Columelle, on lit que l’osier récolté l’hiver est immédiatement préparé le lendemain à la veillée pour servir à faire des liens. Or, selon les vanniers, il est impossible de peler les brins lorsqu’ils ne sont pas en végétation.
92Une explication à cette assertion de l’agronome, par ailleurs très bien renseigné en matière d’osiériculture, serait que l’on n’utilisait pas, dans ce cas, l’écorce prélevée sur le brin pour lier la vigne, mais plutôt que l’on récupérait les petites branches latérales poussant sur le rameau pour les utiliser telles quelles. Ceci semble être confirmé par l’emploi du verbe expurgare, « émonder ». Au bout d’un an de croissance, en effet, une branche de saule est pourvue de ramifications plus ou moins fines, longues de 20 à 50 cm pour les plus importantes.
93Aujourd’hui encore, celles-ci sont recueillies — particulièrement sur l’espèce Salix alba subsp. uitellina — puis employées comme liens. Un exemple de cette pratique corrobore l’interprétation des propos de Columelle. En Basilicate, l’hiver, les viticulteurs du territoire de Maratea (province de Potenza) attachent les vignes à leurs tuteurs avec de fins rameaux de ce saule (Salerno 2005, fig. 3), tandis qu’au printemps et l’été, ils emploient comme liens des feuilles de diss (Ampelodesmos mauritanicus). Quelle que fût la nature des liens pour accoler la vigne, écorce ou petits brins, il était primordial pour tout agriculteur de s’en procurer une provision. C’est pourquoi la saussaie occupe chez Caton un des premiers rangs parmi les cultures du domaine, rappelant ainsi son lien intrinsèque avec la culture de la vigne. D’ailleurs, lorsque l’agronome, faisant allusion à la coupe de l’osier, conseille : « écorcezle » (glubito) dès le moment de la récolte située à une époque de l’année qu’il ne précise pas25, on doit en déduire qu’il place celle-ci à la même saison que Varron, au printemps, lorsque les arbustes sont en végétation et les brins à même d’être pelés.
94En définitive, l’essai d’analyse des textes techniques ne montre que quelques légères divergences entre les méthodes prônées par les agronomes et les méthodes actuelles d’osiériculture. Si certains gestes semblent relever plutôt de l’empirisme, la culture de l’osier apparaît néanmoins comme une culture « raisonnée », bien ancrée dans les calendriers agricoles et faisant l’objet de beaucoup d’attentions de la part des agriculteurs. En tout état de cause, quelle que fût la saison de l’année où la récolte de l’osier était réalisée, la littérature technique nous apprend qu’il était coutumier, dans les domaines ruraux de l’Italie, de faire double usage de ce matériau végétal : réserver l’écorce à la confection de liens et employer l’osier blanc pour la confection des vanneries. L’exploitation de la saussaie était ainsi portée à son rendement maximal. L’importance accordée à l’entretien de l’oseraie est confortée par un dernier argument, que Caton est le seul à fournir. De même qu’il insiste sur la nécessité de cultiver le saule et sur la place à lui donner dans une propriété, de même il mentionne un esclave spécialisé dans l’entretien des saules, le salictarius : « Comment doit être équipé un vignoble de cent jugères : un fermier, une fermière, dix manœuvres, un bouvier, un ânier, un osiériste, un porcher, en tout seize personnes » (Agr., 11). Cet esclave fait partie du personnel indispensable au bon fonctionnement d’un vignoble. Il était vraisemblablement employé, comme l’indique l’étymologie de son nom, à s’occuper des saussaies dont on a vu plus haut qu’elles nécessitaient d’un entretien constant toute l’année. Plus largement, on peut penser qu’il avait aussi pour tâche de récolter et d’écorcer les bottes d’osier en vue d’en faire des liens pour la vigne et des ustensiles de vannerie26.
95Aucune autre source antique ne permet d’apporter de précisions sur le rôle de ce personnage qui n’est attesté que chez le premier des agronomes latins : le fait qu’aucun des successeurs de Caton ne fasse allusion à une telle spécialité au sein du domaine laisse perplexe. Il est difficile d’expliquer les raisons de cette disparition du vocabulaire agronomique, en particulier chez Varron qui emploie lui aussi un nombre important d’esclaves, à la différence de Columelle chez qui l’absence d’un tel spécialiste étonne moins27. Peut-être faut-il considérer que ce travail d’entretien finit par incomber à un quelconque esclave sans spécialisation particulière, affecté à cette tâche en fonction des besoins du moment.
1. 1. 2. Autres arbres et arbrisseaux
96Appartenant à la même famille que le saule — les Salicacées — et également à croissance rapide, le peuplier (populus) est cité par Pline l’Ancien parmi les végétaux utilisés pour faire des liens28. Il faisait aussi l’objet d’une culture raisonnée dans certains domaines, comme nous l’apprend le même auteur au livre 17 de son Histoire naturelle (17, 68). Le naturaliste le cite également, sous ses deux espèces (populus utraque) — peuplier noir et peuplier blanc —, comme particulièrement propre à la fabrication de boucliers en raison de sa flexibilité, mais aussi à celle de toutes sortes d’objets de vannerie (N. H., 16, 209, trad. J. André) :
97Frigidissima quaecumque aquatica, lentissima autem et ideo scutis faciendis aptissima quorum plaga contrahit se protinus cluditque suum uulnus et ob id contumacius tramittit ferrum, in quo sunt genere ficus, uitex, salix, tilia, betulla, sabucus, populus utraque. [...] Omnes autem ad cistas quaeque flexili crate constent habilia,
98« Les bois des arbres aquatiques sont les plus froids, mais les plus flexibles et, pour cette raison, les plus propres à la fabrication des boucliers : la déchirure se referme aussitôt, referme sa blessure et s’oppose donc davantage au passage du fer. On range dans cette catégorie le figuier, le gattilier, le saule, le tilleul, le bouleau, le sureau et les deux espèces de peuplier. […] Tous servent pour les corbeilles et les ustensiles en clayonnage souple. »
99Le lexicographe Isidore de Séville vient à l’appui du naturaliste puisqu’il mentionne lui aussi le peuplier parmi les bois souples, en même temps que le saule et le tilleul : populus autem et salix et tilium mollis materiae sunt (Orig., 17, 7, 45).
100Mentionné par Isidore et Pline parmi les bois aquatiques et flexibles dans les extraits cités ci-dessus, le tilleul (tilia) était très employé en vannerie, à l’instar du saule, non seulement pour ses branches mais aussi pour son écorce. Théophraste distingue l’écorce de l’arbre mâle de celle de l’arbre femelle, plus propice à la vannerie (H. P., 3, 10, 4, trad. S. Amigues) :
101Καὶ ὁ φλοιὸς τῆς μὲν ἄρρενος παχύτερος καὶ περιαιρεθεὶς ἀκαμπὴς διὰ τὴν σκληρότητα · τῆς δὲ θηλείας λεπτότερος καὶ εὐκαμπὴς ἐξ οὗ τὰς κίστας ποιοῦσιν,
102« L’écorce du tilleul “mâle” est plus épaisse et, une fois levée, trop dure pour être pliée ; celle du tilleul “femelle”, plus mince, se plie bien et sert à confectionner des corbeilles. »
103Pline associe le tilleul aux arbres dont on prélevait l’écorce pour divers usages (N. H., 16, 35, trad. J. André) :
104Cortex et fagis, tiliae, abieti, piceae in magno usu agrestium. Vasa eo corbesque ac patentiora quaedam messibus conuehendis uindemiisque faciunt atque protecta tuguriorum,
105« L’écorce du hêtre, du tilleul, du sapin, de l’épicéa est très employée dans les campagnes. On en fait des récipients, des corbeilles, des ustensiles plus grands pour le transport de la moisson et de la vendange, et des auvents de huttes. »
106Cette écorce mince (Pline, N. H., 16, 126 ; Théophraste, H. P., 1, 5, 2) et filamenteuse, recueillie sous forme de longues lanières, était rassemblée en bottes puis rouie pendant plusieurs mois. On en extrayait ainsi les fibres pour les utiliser dans le textile ou en sparterie. De nos jours encore, l’écorce du tilleul est utilisée dans plusieurs régions pour confectionner nattes, paniers, cordes et filets de pêche29.
107Théophraste est le seul auteur à témoigner de l’utilisation en vannerie de l’écorce du merisier, ou cerisier sauvage (Prunus auium L.), tout en expliquant la manière de la prélever sur le tronc (H. P., 3, 13, 1, trad. S. Amigues) :
108Φλοιὸν δὲ τῆν λειότητα καὶ τὴν χρόαν καὶ τὸ πάχος ὅμοιον φιλύρᾳ · διὸ καὶ τὰς κίστας ἐξ αὐτοῦ ποιοῦσιν, ὥσπερ καὶ ἐκ τοῦ τῆς φιλύρας. Περιπέφυκε δὲ οὗτος οὔτε ὀρθοφυὴς οὔτε κύκλῳ κατ ´ ἴσον · ἀλλ ´ ἑλικηδὸν περιείληφε κάτωθεν ἄνω προσάγων, ὥσπερ ἡ διαγραφὴ τῶν φύλλων. Καὶ λοπιζόμενος οὕτως ἐκδέρεται · ἐκείνως δὲ ἐπίτομος γίνεται καὶ οὐ δύναται,
109« Il a une écorce semblable par sa texture lisse, sa couleur et son épaisseur à celle du tilleul : aussi l’utilise-t-on, comme celle du tilleul, pour confectionner des corbeilles. Elle forme la périphérie du tronc, sans s’accroître verticalement ni en cercles réguliers ; c’est une gaine hélicoïdale qui se développe de bas en haut, suivant la disposition des nervures sur les feuilles. Si la pelure est faite dans ce sens, l’écorce se détache ; autrement elle se fragmente et ne peut se détacher. »
110Autre arbre dont on prélevait l’écorce, le hêtre (fagus), dont l’usage est attesté uniquement par Pline dans l’extrait cité plus haut (N. H., 16, 35). Théophraste donne une description de son écorce « lisse et épaisse » (H. P., 3, 10, 1 : φλοιὸν λεῖον καὶ παχύν), sans faire allusion à son emploi en vannerie.
111L’épicea (picea), cité en même temps que les arbres précédents par Pline, est également toujours utilisé de nos jours pour son écorce, mais aussi pour ses racines qui peuvent atteindre treize mètres de longueur (Sentance 2001, p. 30).
112Il en va de même pour un autre conifère, le sapin (abies), dont on récupérait à la fois l’écorce — constituée de plusieurs tuniques (Pline, N. H., 16, 126) — et les radicelles, celles-ci étant de nature fibreuse et se développant peu profondément (Théophraste, H. P., 3, 6, 4-5 et 1, 6, 3). Pline rapporte qu’en milieu montagneux, la population clissait des flacons et tressait des récipients à l’aide de ces dernières (N. H., 16, 128, trad. d’après J. André) :
113Minutis haec capillamentis hirsuta [ficus] et abies multaeque siluestrium, e quibus montani praetenuia fila decerpentes spectabiles lagoenas et alia uasa nectunt,
114« Sur celui-ci [le figuier] elles [les racines] sont hérissées d’un fin chevelu, ainsi que sur le sapin et sur beaucoup d’arbres forestiers, dont les montagnards ramassent les filaments très fins pour en tresser de curieuses bonbonnes et autres récipients. »
115L’usage des radicelles dans le clissage de bonbonnes et flacons en verre ou en terre cuite, ainsi que pour la fabrication de récipients de vannerie, se retrouve pour d’autres arbres de montagne malheureusement non énumérés par le naturaliste, parmi lesquels figurait peut-être l’épicéa.
116Classé parmi les arbres aquatiques les plus flexibles, le figuier (ficus), également pourvu de radicelles abondantes, était, avec le saule et le gattilier — qui sera évoqué plus loin —, un des trois arbres les plus employés en raison de la légèreté de leur bois (Pline, N. H., 16, 209, trad. J. André) :
117Leuissimae ex his ficus, uitex, salix ideoque utilissimae. Omnes autem ad cistas quaeque flexili crate constent habilia,
118« Les plus légers de ces bois, et par suite les plus employés, sont le figuier, le gattilier et le saule. Tous servent pour les corbeilles et les ustensiles en clayonnage souple. »
119Son bois mince et poreux, pouvant être débité en fines lamelles, était très recherché pour la fabrication de boucliers et autres vanneries, comme le spécifie le naturaliste dans le même extrait.
120Le bouleau (betulla), un autre arbre au bois flexible, se rencontrait surtout en Gaule, en milieu humide. Alors que Théophraste ne lui attribue aucun usage, hormis celui de servir à faire des cannes pour la marche en raison de la légèreté de son bois (H. P., 3, 14, 4), Pline vante sa souplesse qui permettait d’en tirer de gros brins employés comme moules* de vanneries, ainsi que de fines lattes, les côtes* des corbeilles (N. H., 16, 75, trad. J. André) :
121Gallica haec arbor mirabili candore atque tenuitate, [...] eadem circulis flexilis, item corbium costis,
122« C’est un arbre de Gaule remarquablement blanc et svelte […] ; souple, il s’emploie aussi pour les cercles et les côtes des corbeilles. »
123Le naturaliste rappelle que, tout comme le saule, le peuplier et le tilleul, on utilisait son bois pour réaliser des objets clayonnés variés, dont les boucliers (N. H., 16, 209).
124Si aucune source littéraire ne mentionne l’utilisation des rameaux du châtaignier (castanea), en revanche l’archéologie en fait état. À Limoges, en 1976, la fouille d’un puits gallo-romain, rue du Clos Adrien, conduisit à la découverte d’un demi-panier tressé en éclisses* de châtaignier, bois encore très employé de nos jours (Gallia, 35, 2, 1977, p. 444).
125Le poète Stace fait allusion à une cabane de berger tressée à partir de rameaux de chêne (quercus), en usant de l’adjectif dérivé du nom de l’arbre (Theb., 1, 582-584, trad. R. Lesueur) :
126Non tibi digna, puer, generies cunabula tanti gramineos dedit herba toros et uimine querno texta domus,
127« Non, ce n’est pas, enfant divin, le berceau que méritait ta naissance illustre, celui que t’ont donné l’herbe et son lit de gazon, la maison faite de branches de chêne entrelacées. »
128L’usage de ce bois robuste en vannerie est également mentionné par Virgile : joint à l’arbousier, il est employé pour tresser un brancard (En., 11, 64-65)30. De nos jours, les lamelles de chêne sont mises en œuvre dans la fabrication des vans.
129Le coudrier ou noisetier (Corylus auellana L.), arbrisseau de 2 à 6 m, est mentionné par Théophraste (ἡ ἡρακλεωτικὴ καρύα) qui en distingue deux variétés à l’écorce lisse, fine et luisante, l’une à fruits ronds, l’autre à fruits oblongs. Il ajoute, à propos de son bois (H. P., 3, 15, 2, trad. S. Amigues) :
130Τὸ δὲ ξύλον σφόδρα γλίσχρον, ὥστε καὶ τὰ λεπτὰ πάνυ ῥαϐδία περιλοπίσαντες κάνεα ποιοῦσι, καὶ τὰ παχέα δὲ καταξύσαντες,
131« Son bois est d’une grande élasticité ; aussi confectionne-t-on des corbeilles avec les petits brins très fins préalablement pelés et même avec les grosses baguettes raclées. »
132Quant à Pline, il fait figurer cet arbrisseau (corulus) au nombre des arbres se plaisant en plaine, sans livrer d’informations sur son emploi en vannerie (N. H., 16, 74). Pourtant, l’usage mentionné par Théophraste est pérenne : les rejets très droits de cet arbre furent longtemps employés en vannerie, et l’espèce est, dans certaines contrées, encore cultivée de nos jours dans ce but (Sentance 2001, p. 24-25 ; Lieutaghi 2004, p. 870-877)31.
133Les deux mêmes auteurs donnent quelques détails sur le gattilier (uitex), arbuste buissonnant de la famille des Verbénacées, appelé aussi « poivrier sauvage ».
134Théophraste, qui le nomme ἄγνος ou οἶσος, en cite deux espèces, l’un blanc et l’autre noir (H. P., 3, 18, 2 : τοῦ τε οἴσου τὸ μὲν λευκόν, τὸ δὲ μέλαν) ; ces couleurs correspondent pour chacun à celle de la fleur et du fruit (blanc ou couleur de vin). Pour l’espèce dite blanche, les feuilles sont plus lisses et minces. Cette plante (Vitex agnus castus L.) a aujourd’hui quasiment disparu du bassin méditerranéen, son domaine d’habitat. Quelques spécimens sont encore visibles sur la Côte d’Azur, toujours au bord de ruisseaux32. De fait, sa croissance en milieu particulièrement humide est attestée par Palladius, qui indique que cette plante est un indice pour repérer une source (Agr., 9, 8, 4). Pline le classe au nombre des trois végétaux les plus employés en vannerie dans le passage concernant l’usage des arbres aquatiques (N. H., 16, 209) et confirme, plus loin, son utilisation par le vannier (N. H., 24, 59-60, trad. J. André) :
135Non multum a salice uitilium usu distat uitex, foliorum quoque adspectu, nisi odore gratior esset […]. Duo genera eius : maior in arborem salicis modo adsurgit, minor ramosa, foliis candidioribus, lanuginosis […]. Nascuntur palustribus campis,
136« Le gattilier s’emploie pour la vannerie à peu près comme le saule ; ses feuilles en ont aussi l’aspect, mais l’odeur est plus agréable […]. Il y en a deux espèces, l’un, plus grand, s’élève comme le saule à la hauteur d’un arbre, l’autre, plus petit, rameux, a les feuilles plus blanches et lanugineuses [...]. Ils croissent dans les plaines marécageuses. »
137Comme le gattilier, le sureau (sambucus, ἡ ἀκτῆ) — sans doute le sureau noir (Sambucus nigra L.), le plus répandu — figure dans la liste des arbres aquatiques de Pline (N. H., 16, 209), tous présentés comme très utiles à la confection de boucliers, paniers et autres vanneries clayonnées légères. Cet arbuste à baies noires, au bois poreux et léger, croît dans les bois et les milieux humides, comme le spécifie Théophraste qui fait allusion à son emploi pour fabriquer des cannes (H. P., 3, 13, 4).
138Virgile fait mention de claies réalisées en arbousier (arbutus / arbutum) au moyen de l’adjectif dérivé du nom de l’arbrisseau : arbuteae crates (G., 1, 166)33. Il s’agit d’un arbuste à fruits comestibles que l’on rencontre autour de la Méditerranée (Arbutus unedo L.). Les Romains utilisaient apparemment ses fruits pour nourrir les animaux34. Les occurrences textuelles attestant son utilisation comme matière première en vannerie sont plutôt rares. Peut-être est-il possible d’ajouter à la mention de Virgile celle de Stace, qui fait sans doute allusion à un berceau tressé à partir de l’écorce de l’arbousier (Theb., 1, 583-585, trad. R. Lesueur) :
139clausa arbutei sub cortice libri membra tepent, suadetque leues caua fistula somnos,
140« Tes membres, à l’abri au creux de l’écorce d’arbousier, en gardent la tiédeur et la flûte de Pan t’invite à de doux sommeils. »
141Le cornouiller sanguin (sanguineus frutex), arbrisseau à fins rameaux colorés, rouges ou jaunes (Cornus sanguinea L.), dont Pline mentionne qu’il se plaît en montagne comme en plaine (N. H., 16, 74), faisait aussi partie des plantes employées en vannerie.
142Le seul témoignage littéraire est celui de Virgile qui l’évoque sous le nom poétique de uirga rubea : Nunc facilis rubea texatur fiscina uirga (G., 1, 266).
143Le vers du poète est désormais corroboré par l’archéologie : dans la composition de la nasse gallo-romaine de Châlon, à la clôture* hétérogène, sont associés l’osier, la clématite et une espèce de cornouiller, soit le cornouiller sanguin, soit le cornouiller mâle (Cornus mas L.) (Monthel 2000, p. 173)35. De nos jours, certaines parties de récipients en vannerie — par exemple, les poignées de paniers tressés en coudrier — sont réalisées à partir des rameaux du cornouiller sanguin.
144Le genêt d’Espagne, joncier ou encore spartier (Spartium iunceum L.), arbuste à fleurs jaunes commun dans le bassin méditerranéen, en plaine et dans les maquis, était exploité dans l’Antiquité, qu’il fût spontané ou cultivé. En vannerie, ses rameaux flexibles et son écorce sont, de nos jours encore, utilisés pour réaliser divers objets rustiques (Lieutaghi 2004, p. 649-651 ; Salerno 2005).
145Le spartier apparaît sous deux noms dans les textes latins : spartum et genista. Spartum pose des problèmes d’identification dans les textes et peut générer des confusions36. Son sens premier serait, selon Jacques André, celui de spartier (André 1956a et 1985, s. u. Spartum), mais le vocable pouvait aussi désigner deux espèces de Poacées : l’alfa (ou sparte) et l’alabardine (ou lygée, ou spart). Si l’alabardine peut se rencontrer dans le Sud de l’Italie — un fragment de natte provenant de Pompéi semble en témoigner37 —, il n’en va pas de même pour l’alfa dont l’aire de croissance est limitée géographiquement à l’Afrique et aux Baléares, mais surtout au Sud de la péninsule Ibérique38.
146Lorsque Varron préconise de réserver une partie du domaine à la culture du spartum entre autres plantes dont les fibres sont exploitables pour la confection d’objets indispensables à la ferme, il utilise vraisemblablement le vocable pour désigner le spartier (R. R., 1, 23, 6) :
147sic ubi cannabim, linum, iuncum, spartum, unde nectas bubus soleas, lineas, restes, funes,
148« et encore où l’on récolte du chanvre, du lin, du jonc, du genêt, qu’on tresse pour faire des sandales aux bœufs ».
149On sait en effet, par les autres agronomes, que le genêt d’Espagne occupait dans les domaines italiens des terres mises en culture dans le but de fabriquer des liens pour la vigne39 et que la plante était employée en corderie.
150Toutefois, le terme spartum pourrait aussi chez Varron désigner l’alabardine, graminée également présente en Italie méridionale40. Le mot ne correspond en tout cas certainement pas à l’alfa, dont on imagine mal que l’agronome ait pu envisager de l’acclimater en Italie étant donné qu’il est impossible pour la plante de s’y développer41.
151Pour ce qui est du terme genista, il apparaît fréquemment dans les textes littéraires pour désigner non pas la seule espèce du spartier mais différentes espèces de la famille des Fabacées, Fabacées ligneuses tantôt du genre Genêt (Genista), tantôt du genre Cytise (Cytisus).
152La famille est si vaste et les usages si variés qu’en lisant les textes anciens, il est relativement difficile d’identifier une espèce particulière derrière le vocable genista (André 1985, s. u. Genista). Il semble d’ailleurs que la confusion dans l’identification des espèces régnait déjà dans l’Antiquité. Ainsi Pline l’Ancien mentionne l’usage de la plante qu’il nomme genista pour faire des liens, tout en se demandant si le terme qu’il emploie peut correspondre à ce que les Grecs appelaient sparton : dubito an haec sit quam Graeci auctores sparton appellauere (N. H., 24, 65).
153En l’occurrence, il semble parler du spartier et le sparton grec y correspondrait, bien que le terme ait, comme son équivalent latin, différentes significations. L’absence, de la part des auteurs, de précision dans les descriptions botaniques incite bien souvent à la prudence dans les identifications. Toutefois, les usages de genista mentionnés sont des indices permettant de privilégier l’identification42 d’une espèce de préférence à une autre.
154La principale utilisation du Genêt (genista) résidait dans la fabrication de liens pour la vigne : genistae […] alligant, « les genêts […] servent à lier » (Pline, N. H., 16, 176).
155Parmi les espèces du genre Genêt présentes dans l’Antiquité, le spartier, espèce aux rameaux effilés et souples, à tissu très fibreux (Lieutaghi 2004, p. 649-651), s’adapte le plus à cet emploi. Plusieurs auteurs attestent de surcroît que le végétal était cultivé à cet effet dans les domaines ruraux et que l’on y accordait une grande importance43. Ainsi, dans toute propriété implantée sur un terroir où sa croissance était possible, la culture du spartier allait de pair avec celle de la vigne (Columelle, Arb., 29, trad. R. Goujard) :
156utraque tamen circa uineam opportune seruntur, quoniam palmitibus idonea praebent uincula,
157« il est opportun de planter l’un et l’autre [l’osier et le genêt] près d’un vignoble, parce qu’ils fournissent des liens appropriés pour les sarments ».
158Columelle, le plus prolixe à ce sujet44, établit un classement des liens les meilleurs pour les vignes (Rust., 4, 13, 2, éd. Loeb) :
159Vinculi genus quale sit, quo religantur semina, plurimum refert. Nam dum nouella uinea est, quam mollissimo nectenda est ; quia si uiminibus salicis aut ulmi ligaueris, increscens uitis se ipsa praecidit. Optima est ergo genista, uel paludibus desectus iuncus, aut ulua,
160« Le type de liens avec lesquels on attache le plant est d’une grande importance. En effet tant que la vigne est jeune, elle doit être liée avec les liens les plus doux ; parce que si on l’attache avec des rameaux de saule ou d’orme, elle se coupe en poussant. Les meilleurs liens sont donc le genêt, le jonc coupé dans les marais ou les ulves45. »
161Plus loin, il présente un développement concernant les modes de culture puis de récolte du spartier, aux fins d’obtenir des liens (Rust. 4, 31, 1) :
162Perarida loca, quae genus id uirgultorum non recipiunt, genistam postulant. Eius cum sit satis firmum tum etiam lentissimum est uinculum. Seritur autem semine, quod cum est natum, uel defertur bima uiuiradix, uel relicta cum id tempus excessit, omnibus annis more segetis iuxta terram demeti potest,
163« Les endroits très secs qui ne peuvent recevoir ce type d’arbrisseaux [les saules] requièrent le genêt. Un lien de ce matériau est non seulement assez solide, mais aussi très souple. On le sème en graine et lorsqu’il est sorti, ou bien on le transporte ailleurs en plant vif de deux ans, ou bien si, passé ce temps, on le laisse où il a été semé, on peut le couper près du sol toutes les années, comme les moissons. »
164Aucun auteur ne spécifie si les rameaux étaient employés à l’état brut ou si les liens étaient tressés à partir des fibres obtenues après rouissage. Les deux hypothèses sont possibles : l’usage comme lien du spartier à l’état brut est attesté par l’ethnologie (Salerno 2005, exemple en Basilicate), tandis que des documents antiques montrent que l’espèce était rouie pour être exploitée en corderie, voire pour le tissage, sa filasse étant très résistante46.
165En vannerie, les auteurs anciens témoignent que l’on entrelaçait les rameaux d’une fabacée du type Genêt pour réaliser toutes sortes de claies servant de parois, de clôtures47 et d’auvents pour abriter les animaux (Palladius, Agr. 1, 22, trad. R. Martin) :
166porticus furcis, asseribus et fronde formari, quae […] si facilius et sine impensa placuerit, tegentur caricibus aut genestis,
167« fabriquer des auvents au moyen de fourches, d’ais et de feuillage, que l’on couvrira […], si on le juge plus facile et moins coûteux, de laîche ou de genêt », ou encore de protection pour les ruches (Palladius, Agr., 12, 8) :
168et insuper genestis uel aliis tegumentis similitudinem porticus imitemur, ut possint a frigore et tempestate defendi,
169« faites au-dessus [des ruches] des sortes de portiques avec du genêt ou d’autres matières servant de couverture, pour qu’elles puissent être protégées du froid et des intempéries ».
170À travers ces exemples, il est possible de reconnaître un des usages du spartier, mais il n’est pas exclu que l’on ait fait appel à une autre espèce de fabacée ligneuse, le genêt à balais (Cytisus scoparius L.)48.
171Théophraste consacre tout un chapitre de son livre II — le sixième chapitre — aux différentes variétés de palmiers et à leur culture. Il mentionne l’utilisation en vannerie des feuilles du palmier nain (Chamaerops humilis L.), abondant en Crète et en Sicile dans l’Antiquité, actuellement spontané dans la zone du Vésuve (Ciarallo 2000, p. 27) et, plus largement, sur tout le pourtour méditerranéen (H. P., 2, 6, 11, trad. S. Amigues)49 (fig. 10) :
172Οἱ δὲ χαμαιρριφεῖς καλούμενοι τῶν φοινίκων ἕτερόν τι γένος ἐστὶν ὥσπερ ὁμώνυμον. […] πλατὺ γὰρ καὶ μαλακὸν ἔχουσι τὸ φύλλον · διὸ καὶ πλέκουσιν ἐξ αὐτοῦ τὰς τε σπυρίδας καὶ τοὺς φορμούς · πολλοὶ δὲ καὶ ἐν τῇ Κρήτῃ γίγνονται καὶ ἔτι μᾶλλον ἐν Σικελίᾳ,
173« Ceux qu’on appelle palmiers nains appartiennent à une espèce différente, en quelque sorte homonyme. […] ils ont la feuille plane et souple, ce qui permet de l’utiliser pour tresser couffins et paniers. Communs en Crète, ils le sont encore plus en Sicile. »
174Son propos est repris par Pline qui se lance de même, au livre XIII (26-50), dans un long développement consacré à ce type d’arbres (N. H., 13, 39, trad. A. Ernout) :
175Genera earum multa. […] Vocantur autem chamaeropes, folio latiore ac molli ad uitilia utilissimae, copiosae in Creta, sed magis in Sicilia,
176« Il existe beaucoup d’espèces de palmiers. […] Les Grecs nomment chamaerops un palmier bas à feuilles plus larges et plus souples très utilisées en sparterie, qui abonde en Crète et plus encore en Sicile. »
177Lorsqu’il parle de sa croissance dans des contrées lointaines, le naturaliste fait allusion au grand palmier, présent en Judée et en Afrique50. On pouvait trouver aussi des espèces de palmiers un peu partout en Europe et en Italie, selon le même auteur, mais ils y étaient stériles (N. H., 13, 26). Enfin, c’est en bord de mer que l’on rencontrait le plus souvent ces arbres, aux dires de Varron : alia in mari [...] palmas et squillas (R. R., 1, 7). On utilisait les larges feuilles du palmier nain — généralement désigné sous le vocable générique de palma par les auteurs latins — après les avoir faites sécher selon une procédure particulière décrite par Pline51. Les folioles composant la feuille sont généralement coupées en lanières mises en œuvre sous cette forme, ou bien les lanières sont assemblées en tresses puis cousues : les pratiques contemporaines sont identiques à celles que mentionne le naturaliste (N. H., 13, 30, ci-dessous). Les sources s’accordent sur le fait que l’on pouvait tirer une grande variété d’ustensiles de la feuille du palmier :
178– paniers et couffins pour Théophraste, cité ci-dessus ;
179– nattes pour Varron :
180quae fiunt de cannabi, lino, iunco, palma, scirpo ut funes, restes, tegetes,
181« les objets fabriqués en chanvre, lin, jonc, palmier, scirpe, tels cordes, filets, nattes » (R. R., 1, 22) ;
182– scourtins et nattes pour Columelle :
183siue [regio] palmae spartiue fecunda est, fiscinae sportaeque [fieri debent],
184« si la région est fertile en palmier ou en alfa, il faut fabriquer des scourtins et des corbeilles » (Rust., 11, 2, 90)52 ;
185M. quidem Columella patruus meus, uir illustribus disciplinis eruditus, ac diligentissimus agricola Baeticae prouinciae, sub ortu Caniculae palmeis tegetibus uineas adumbrabat,
186« En effet, Marcus Columella, mon oncle paternel, un homme instruit dans les sciences nobles et l’agriculteur le plus scrupuleux de la province de Bétique, couvrait les vignes de nattes de palmier vers le lever de la Canicule » (Rust., 5, 5, 15).
187– nattes et chapeaux de soleil pour Pline, corroboré par l’archéologie53 :
188Folia, cultrato mucrone lateribus in sese bifida, tabellas primum demonstrauere geminas, nunc ad funes uitiliumque nexus et capitum leuia umbracula finduntur,
189« Les feuilles, découpées en deux rangs opposés de folioles acérées, ont donné la première idée des diptyques ; actuellement on les fend pour en fabriquer des cordes, des nattes et des chapeaux de soleil légers » (N. H., 13, 30, trad. A. Ernout) ;
190– sandales pour Apulée :
191Et cum dicto iuuenem quempiam linteis amiculis iniectum pedesque palmeis baxeis inductum adusque deraso capite producit in medium,
192« Et, ce disant, il fait avancer au milieu de la foule un jeune homme, vêtu de lin, les pieds dans des sandales en palmier, et la tête entièrement rasée » (M., 2, 28)54 ;
193– paniers variés et scourtins pour Palladius :
194tunc palmea sporta colabis,
195« on passera ce mélange à travers une corbeille de palmier » (recette du vin de myrte, Agr., 3, 27) ;
196folia citri uiridis sporta palmea missa in musti nondum feruentis uase deponis et claudes,
197« on met dans un vase de moût, avant qu’il commence à bouillir, des feuilles de citronnier vert enfermées dans un panier de palmier, puis on bouche » (recette du vin rosat, Agr., 11, 15) ;
198grana matura purgata diligenter in palmea fiscina mittis et in cochlea exprimis,
199« on met des grains mûrs nettoyés avec soin dans un scourtin de palmier et on les écrase sous un pressoir à vis » (recette du vin de grenade, Agr., 4, 10).
200Le fragon ou petit-houx (Ruscus aculeatus L.), arbuste épineux à petits rameaux et à baies aimant les endroits humides, est mentionné par Virgile comme propre à confectionner des liens pour la vigne. Il était employé dans le vignoble en même temps que le saule et les joncs (G., 2, 413-415 ; trad. E. de Saint-Denis) :
201nec non etiam aspera rusci / uimina per siluam et ripis fluuialis arundo / caeditur,
202« et puis on coupe dans la forêt les badines épineuses du fragon, le roseau sur les bords des cours d’eau ». Festus le compare d’ailleurs au jonc :
203Ruscum est, ut ait Verrius, amplicitibusque, non dissimile iunco ; cuius coloris amplius paullo herba, et exiluis uirgultis fruticibusque, non dissimile iunco (p. 262).
204Son utilisation en vannerie n’est pas attestee formellement mais il est probable que les rameaux une fois ecorces trouvaient un usage dans le tressage d’ustensiles, d’autant plus que les vanniers contemporains l’utilisent encore comme matiere premiere.
205Enfin, un arbrisseau nomme κνέωρος, a identifier avec la passerine, est mentionne par Theophraste uniquement, dans son chapitre consacre aux plantes depourvues d’epines. Le botaniste en distingue deux especes, une blanche et une noire : le knéoros blanc (Thymelaea tartonraira L.) est odorant, tandis que le noir (Thymelaea hirsuta L.) ne l’est pas.
206Les deux arbrisseaux comportent une large racine qui s’implante profondement, ligneuse et robuste. C’est tres certainement, selon Suzanne Amigues, la variete noire, un buisson mediterraneen tres fourni en rameaux fibreux, que Theophraste compare au gattilier pour sa souplesse et pour l’usage que l’on pouvait en faire (H.P., 6, 2, 2, trad. S. Amigues) :
207διὸ καὶ χρῶνται πρὸς τὸ καταδεῖν καὶ προσλαμϐάνειν, ὥσπερ τῷ οἴσῳ,
208« la passerine est extremement flexible, ce qui la fait utiliser pour lier et attacher, comme le vitex ».
1. 2. Poacées, joncs, roseaux, Carex
209Une grande part du materiau des anciens vanniers etait fournie par des plantes indigenes tres courantes, telles les Poacees (ou Graminees) spontanees dans les bois et les prairies (fig. 11), ou encore les Joncacees, les roseaux et les Carex, tres presents au bord des rivieres ou des etangs.
210Les Poacées, caracterisees par une tige creuse et des feuilles alternes, sont generalement tressees sous forme de faisceaux composes de plusieurs tiges. Celles-ci, en effet, se pretent bien a la torsion (Sentance 2001, p. 32-33). On peut cependant aussi, pour certaines especes, extraire les fibres de la feuille pour les travailler. Tel est le cas pour l’alfa.
211Les feuilles de l’alfa, ou sparte (Stipa tenacissima et L.), etaient abondamment employees pour la robustesse de leurs fibres, un point confirme aussi bien par les textes que par l’archeologie.
212Cette graminee est geographiquement bien circonscrite dans deux aires principales, l’Afrique du Nord et le Sud de l’Espagne ou elle croit en abondance et de maniere spontanee (fig. 12). L’alfa etait encore tres exploite dans la premiere moitie du xxe siecle, particulierement en Espagne (Esparto 1950 ; Alfaro Giner 1984, p. 61 ; Mingaud 1993).
213La plante était désignée en latin par le nom de spartum — qui a donné son nom à la « sparterie » désignant le travail des végétaux sous forme de faisceaux de fibres ou de tiges et non sous forme de baguettes. Nous avons vu plus haut que l’usage de ce terme chez les auteurs latins suscite beaucoup d’interrogations55.
214Outre l’alfa et le genêt, il n’est pas exclu qu’il ait désigné aussi l’alabardine (Lygeum sparteum L.), graminée très commune au sud du bassin méditerranéen, dont les tiges servent aussi à confectionner des vanneries (Schönfelder 1988, p. 282).
215Il semble, à la lecture des sources antiques, que le terme fut employé dès l’époque de Caton pour désigner peut-être l’alfa espagnol, mais surtout toute plante fibreuse dont on tissait des cordes ou des vanneries. Ainsi, dans le passage où Caton évoque, parmi les ustensiles nécessaires à l’équipement d’un vignoble de cent jugères, des urnae sparteae et des amphorae sparteae (Agr., 11, 2), il faudrait songer à des récipients clissés au moyen d’une herbe quelconque plutôt que de l’alfa. Cependant l’agronome, dans un autre passage, fait allusion à l’approvisionnement en spartum sur le marché de Capoue : spartum omne Capuae (Agr., 135, 3). Bien que le vocable spartum puisse ici désigner l’alfa exporté jusqu’en Italie (voir ci-dessous), on peut probablement l’interpréter plutôt dans le sens métonymique de « sparterie ».
216Pas d’ambiguïté, en revanche, chez Pline qui, dans un passage très détaillé, fournit de précieux renseignements sur ce végétal très prisé dans l’Antiquité (N. H., 19, 26-30, trad. J. André) :
217Herba et haec, sponte nascens et quae non queat seri, iuncusque proprie aridi soli, uni terrae dato uitio ; namque id malum telluris est nec aliud ibi seri aut nasci potest. In Africa exiguum et inutile gignitur. Carthaginiensis Hispaniae citerioris portio, nec haec tota, sed quatenus parit, montes quoque sparto operit. Hinc strata rusticis eorum, hinc ignes facesque, hinc calceamina et pastorum uestes. […] laboriose euellitur ocreatis cruribus manu textisque manicis conuolutum osseis iligneisue conamentis, nunc iam in hiemen iuxta, facillime tamen ab idibus Mais in Iunias. Hoc maturitatis tempus. […], praecipue in aquis marique inuictum. […] Ad hos omnes usus quae sufficiant minus (triginta milia) passuum in latitudinem a litore Carthaginis Nouae minusque (centum milia) in longitudinem esse reperientur. Longius uehi impendia prohibent,
218« C’est aussi une herbe qui croît spontanément et ne peut être semée, un jonc des sols arides à proprement parler, malheur réservé à une seule terre, car c’est un fléau pour le sol et rien d’autre ne peut y être semé ou venir spontané. Celui d’Afrique est petit et sans usage. Le sparte croît dans une partie de la province de Carthagène, et encore pas dans toute cette région ; mais là où il pousse, même les montagnes en sont couvertes. Les paysans de ces montagnes en tirent leurs lits, leur feu, leur éclairage, leurs chaussures, et les bergers leurs habits. […] on l’arrache péniblement à la main, en mettant des jambières et des gants de tissu et en l’enroulant autour de bâtonnets d’os ou de bois d’yeuse. Aujourd’hui, l’opération a lieu aussi bien jusqu’à l’hiver, mais elle est le plus facile des ides de mai à celles de juin. C’est l’époque de sa maturité. […] il est inaltérable surtout dans l’eau et dans l’eau de mer. […] pour suffire à tous ces usages, on trouvera un espace de moins de trente mille pas en profondeur en partant du rivage de Carthagène et de moins de cent mille en longueur. Les frais empêchent son transport sur de trop longues distances. »
219Le géographe Strabon fait également mention de l’étendue de la zone couverte d’alfa autour de Carthagène, qu’il appelle Σπαρτάριον Πεδίον, en latin Campus Spartarius (Géogr., 3, 4, 9, trad. F. Lasserre ; Vila Valenti 1961-1962) :
220Αὕτη δ ´ ἡ ὁδος ποτὴ μὲν πλησιάζει τῇ θαλάττῃ, ποτὲ δ´ ἀφέστηκε, καὶ μάλιστα ἐν τοῖς πρὸς ἐσπέραν μέρεσι. [...] ἐκ δὲ τοῦ Ταρράκωνος ἐπὶ τὸν πόρον τοῦ Ἴβηρος κατὰ Δέρτωσσαν πόλιν · ἐντεῦθεν διὰ Σαγούντου καὶ Σετάβιος πόλεως ἐνεχθεῖσα κατὰ μικρὸν ἀφίσταται τῆς θαλάττης καὶ συνάπτει τῷ Σπαρταρίῳ, ὡς ἄν Σχοινοῦντι, καλουμένῳ πεδίῳ · τοῦτο δ ´ ἐστὶ μέγα καὶ ἄνυδρον, τὴν σχοινοπλοκικὴν φύον σπάρτον, ἐξαγωγὴν ἔχουσαν εἰς πάντα τόπον, καὶ μάλιστα εἰς τὴν Ἰταλίαν,
221« La route tantôt longe la mer, tantôt s’en éloigne, surtout dans la partie occidentale de son parcours [...]. De Tarragone, elle conduit au passage de l’Èbre à Dertossa et de là, par Sagonte et la ville de Sétabis, en s’écartant un peu de la mer, gagne la plaine qu’on nomme Campus Spartarius, autrement dit Plaine des Joncs spartaires. C’est une grande plaine, dépourvue d’eau, qui produit le sparte dont on fait les cordages et qu’on exporte partout, en particulier vers l’Italie. »
222Cet extrait livre une information d’importance en matiere d’economie antique : ce materiau, tres recherche pour sa robustesse, etait exporte jusqu’en Italie. Deja au IIe siecle av. J.-C., Caton fait peut-etre allusion a sa vente à Capoue. Les propos de Pline sont meme amplifies par un texte plus tardif — milieu du ve siecle —, l’Expositio totius Mundi, qui rapporte à propos de l’Espagne (59, trad. J. Rouge) :
223Omnia bona possidens et praecipua in omnibus bonis, insuper autem et sparti uirtutem omni terra praestans, uidetur quidem necessaria apud multos, quoniam omne nauium genus saluat et per ipsum quamplurime omne negotium uidetur,
224« Elle possede tous les biens et elle est exceptionnelle en tous, mais en outre elle exporte par toute la terre son sparte de qualite ; aussi beaucoup la considerent comme indispensable parce qu’elle contribue a la securite generale de la navigation et par lui surtout a celle du commerce. »
225Tout au long de l’epoque romaine, on trouve des auteurs pour faire allusion a la reputation de l’alfa espagnol qui depassait largement les limites de son territoire d’origine56.
226En se livrant a un long developpement sur ce vegetal, Pline affirme que l’usage de l’alfa suivit la premiere expedition carthaginoise en Espagne, laquelle l’aurait importe dans ce pays depuis l’Afrique (N.H., 19, 26, trad. J. Andre) :
227Sparti quidem usus multa post saecula coeptus est, nec ante Poenorum arma, quae primum Hispaniae intulerunt,
228« À vrai dire, l’usage du sparte est posterieur de plusieurs siecles [a Homere] et n’est pas anterieur à la premiere expedition carthaginoise en Espagne. »
229Il n’en est rien. Des analyses effectuees sur des vanneries mises au jour en Espagne ont permis de les dater de 3500 av. J.-C., ce qui prouve que l’alfa etait utilise localement a une epoque bien anterieure aux expeditions carthaginoises. Celles-ci peuvent avoir contribue, en revanche, a l’expansion de son commerce en Mediterranee (Alfaro Giner 1984, p. 62).
230L’alfa est toujours utilise comme matiere premiere dans l’Espagne contemporaine ou l’epoque de sa recolte se situe entre juillet et octobre (Alfaro Giner 1984, p. 67). Il l’est de meme en Afrique du Nord, ou on l’emploie notamment dans la confection de nattes, contrairement à l’affirmation de Pline (fig. 13). La graminee ayant des feuilles tres coupantes, on l’arrachait encore manuellement en Espagne a l’epoque moderne, au moyen d’un batonnet autour duquel on enroulait la plante pour l’extirper du sol, à l’instar du procede decrit par le naturaliste (Alfaro Giner 1984, p. 59-68). Abondamment utilise, le vegetal servait à confectionner des chaussures et des vetements, comme l’indique Pline dont les propos sont confirmes par l’archeologie espagnole57. Outre son usage tres developpe en corderie, on en tressait des paniers et des scourtins comme en temoignent plusieurs decouvertes archeologiques d’Espagne (Alfaro Giner 1984, pl.) ainsi que Columelle qui, étant originaire de Cadix et destinant son traité d’agriculture entre autres aux propriétaires de la Péninsule, connaissait sans doute fort bien les usages de ce végétal employé pour le tressage de vanneries souples :
231siue [regio] palmae spartiue fecunda est, fiscinae sportaeque [fieri debent] (Rust., 11, 2, 90).
232L’ivraie (Lolium temulentum L.) a longtemps été une graminée fort répandue dans les champs, récoltée en particulier pour servir de fourrage, puis elle est devenue rare. Son usage en vannerie pourrait être attesté par un passage de Columelle faisant allusion à un cribrum loliarium (Rust., 8, 5, 16, éd. Loeb) :
233Cribro uiciario, uel etiam loliario, qui iam fuerit in usu, pulli superponantur,
234« les poussins doivent être placés sur un crible de vesce ou d’ivraie ayant déjà été utilisé ».
235L’adjectif dérivé du nom de la plante (lolium), ambigu, a donné lieu à deux interprétations différentes58. Il qualifie probablement un crible réalisé à partir de la tige de la plante, bien que l’utilisation de l’ivraie ne soit pas documentée par ailleurs.
236Il convient d’ajouter à cet inventaire deux espèces de Poacées attestées par l’archéologie. Elles proviennent de Pompéi. L’une fut employée pour confectionner une natte dont il ne reste qu’un fragment, ainsi qu’une semelle de sandale, vestiges conservés au laboratoire scientifique du site : le sorgho (Sorghum uulgare ou bicolor). Cette plante annuelle utilisée comme fourrage, difficile à identifier dans les sources textuelles, paraît être cité sous plusieurs noms : olyra (Pline, N. H., 18, 62 et 18, 92 ; Jérôme, Epist., 22, 9, 1 ; André 1985, s. u.) ; arinca (Pline, N. H., 18, 92 ; 22, 121 ; André 1985, s. u.) ; parfois milium (Pline, N. H., 18, 92 ; André 1985, s. u.).
237L’autre était utilisée par les tegetarii de la via dell’Abbondanza sur lesquels je reviendrai plus loin. Il s’agit également d’une graminée, identifiée dès l’époque des fouilles comme étant de l’Ampelodesma tenax — ou Ampelodesmos mauritanicus (M. Della Corte, NSA, 1919, p. 237-238). Cette plante aux feuilles coupantes est usuellement appelée « diss ». Elle est indigène en Sicile — où elle est nommée disa —, et c’est fort probablement cette espèce que mentionne Pline lorsqu’il parle de la confection de liens souples pour la vigne (N. H., 17, 209, trad. J. André) :
238quin immo etiam quibus salices supersunt molliore hoc uinculo facere malunt herbaque Siculi quam uocant ampelodesmon,
239« même là où le saule abonde, on préfère employer un lien plus souple que lui, ainsi, en Sicile, une herbe nommée ampelodesmos ».
240L’usage de l’Ampelodesmos mauritanicus perdure en Italie méridionale, bien qu’il soit sur le déclin. En Basilicate, ses emplois agricoles sont variés : les feuilles servent à lier la vigne, à faire des balais, et autrefois, les fibres extraites des feuilles par battage étaient employées pour tresser cordelettes et cordes ; les tiges assemblées en fagots permettent de faire des torches, et elles entrent dans la composition de divers objets de vannerie, tels cribles et claies (Salerno 2005). Dans la région voisine de Campanie, la graminée est connue sous le nom populaire de stramma. Encore aujourd’hui, dans la province de Caserte, des artisans vanniers en ont fait leur spécialité et produisent des ustensiles de toute sorte, bel exemple de continuité dans l’usage d’un végétal depuis l’Antiquité dans un terroir particulier.
241Ce sont également deux espèces indéterminées de Poacées qui constituaient la réserve de matériau du fabricant de nattes de la via di Nocera, à Pompéi59.
242Comme les chaumes des Poacées60, on utilisait la tige de plantes aquatiques et, en particulier, celle des joncs (iuncus / scirpus), très flexible en raison de sa nature spongieuse (mollis iuncus61). Ce genre végétal comporte plusieurs espèces qu’il est difficile d’identifier dans les descriptions des auteurs anciens62. Deux termes latins au moins sont utilisés : iuncus et scirpus63, et différentes espèces sont mentionnées. Iuncus et scirpus correspondent-ils à deux genres différents ?
243Varron (R.R., 1, 22, 1) et Columelle (Rust., 7, 9, 7 : et dulces eruisse radiculas aquatilis siluae, tamquam scirpi iuncique et degeneris arundinis), certes, les citent conjointement, mais ils emploient peut-etre des noms differents pour designer la meme plante. En tout etat de cause, il semblerait que iuncus ait eu plutot un sens generique.
244Pline enumere divers types d’objets utilitaires realises a partir du jonc (Pline, N.H., 21, 114, trad. J. Andre) :
245Vsus ad nassas marinas, uitilium elegantiam, lucernarum lumina, praecipua medulla,
246« On emploie le jonc pour les nasses de mer, pour la vannerie elegante, et, a cause de sa moelle excellente, pour les meches de lampes. »
247De fait, dans le registre des recipients de vannerie, les textes mentionnent, par exemple, des fiscellae iunco factae, des iunceae fiscellae, des cola iuncea ou encore une sporta iuncea (Palladius, Agr., 11, 19 ; Columelle, Rust., 12, 6, 1 ; 12, 17, 2 ; 12, 19, 4).
248Pour la fabrication de toutes sortes d’objets du quotidien, on avait egalement recours aux tiges de ces especes, en particulier pour les nattes (Martial, Epigr., 11, 32, 1-2, trad. H. J. Izaac) :
249Nec toga nec focus est nec tritus cimice lectus / Nec tibi de bibula sarta palude teges,
250« tu n’as ni toge ni foyer, ni lit, fut-il hante par les punaises, ni natte tressee de jonc spongieux » ;
251les tamis (Pline, N.H., 18, 108, trad. H. Le Bonniec) :
252Cribrorum genera Galliae saetis equorum inuenere, Hispaniae lino excussoria et pollinaria, Aegyptus papyro atque iunco,
253« quant aux diverses sortes de tamis, les Gaules ont invente ceux en crin de cheval ; les Espagnes les tamis et les blutoirs en lin ; l’Egypte ceux en papyrus et en jonc » ;
254et les habitations (Pline, N.H., 16, 178, trad. J. Andre) :
255scirpi fragiles palustresque, e quibus tegulum tegetesque […] et mapalia sua Mauri tegunt,
256« les freles joncs des marecages, dont on fait des toitures et des nattes ; [...] et les Maures en couvrent leurs cabanes ».
257Ailleurs, le naturaliste mentionne le iuncus mariscus (Iuncus acutus L. ?) employe pour tisser des nattes (N.H., 21, 112) :
258de iunco quem mariscum appellant, ad texendas tegetes.
259La tige d’un jonc indetermine (scirpus) etait, aux dires de Festus, particulierement adaptee a la confection de nattes (p. 330) :
260Scirpus est id, quod a palustribus locis nascitur leue et procerum, unde tegetes fiunt.
261Jacques Andre identifie l’espece employee en vannerie avec le « jonc des chaisiers », Scirpus lacustris L., une espece robuste (Andre 1956a, s.u. Scirpus). Mais les auteurs anciens ont sans doute parfois confondu ce dernier avec le Scirpus holoschoenus L., le « jonc par excellence » selon Suzanne Amigues. Cette espece aux tiges souples remplies de moelle est aussi un excellent materiau de vannerie. Theophraste, qui recense trois especes de jonc, appelle celle-ci le « vrai jonc » (ὁλόσχοινος) (H.P., 4, 12, 2, trad. S. Amigues) :
262πρὸς δὲ τὰ πλέγματα χρησιμώτερος ὁ ὁλόσχοινος διὰ τὸ σαρκῶδες καὶ μαλακόν,
263« le vrai jonc, grace a sa consistance charnue et a sa souplesse, est plus utilise pour la confection d’objets tresses ».
264Pline reprend cette assertion en transposant le nom grec en latin (N.H., 21, 113) :
265utilissimus ad uitilia holoschoenus quia mollis et carnosus est,
266« l’holoschoenus est le plus utile pour la vannerie, parce qu’il est souple et charnu ».
267Les cannaies de roseaux sauvages etaient tres communes en bordure des cours d’eau ou des etangs, quelle que fut la variete de roseau locale (Virgile, G., 2, 414-415 et 3, 15, trad. E. de Saint-Denis) :
268ripis fluuialis harundo caeditur ; tardis ingens ubi flexibus errat / Mincius et tenera praetexit harundine ripas,
269« à l’endroit ou l’immense Mincio vagabonde en meandres paresseux, et frange ses rives de tendres roseaux » (fig. 14).
270À l’instar du saule, le roseau faisait partie des cultures avantageuses pour un domaine rural, et on devait apporter beaucoup de soin à l’harundinetum (Varron, R. R., 1, 23, idoneus locus eligendus, ubi facias salictum et harundinetum). Selon Pline, le roseau était ainsi cultivé (N. H., 17, 144-146, trad. J. André)64 :
271Harundo etiamnum dilutiore quam hae solo gaudet. Seritur bulbo radicis, quod alii oculum uocant, dodrantali scrobe, interuallo duum pedum et semipedis, reficiturque ex sese uetere harundineto exstirpato, quod utilius repertum quam castrare, sicut antea. Namque inter se radices serpunt mutuoque discursu necantur. Tempus conserendi priusquam oculi harundinum intumescant, ante kal. Martias. Crescit ad brumam usque desinitque cum durescere incipit. Hoc signum tempestiuam habet caesuram,
272« Le roseau se plaît dans un sol encore plus détrempé que les saules. On le plante à partir d’un tubercule de la racine (d’autres disent un œil), dans une fosse de neuf pouces, à deux pieds et demi d’intervalle ; il se reproduit de lui-même quand on arrache une vieille plantation de roseaux, ce que l’on a trouvé plus avantageux que de l’éclaircir comme on le faisait auparavant. En effet, les racines serpentent en s’entrecroisant et se tuent en s’entrelaçant. On plante le roseau quand les yeux ne sont pas encore gonflés, avant les calendes de mars. Il croît jusqu’au solstice d’hiver et s’arrête quand il commence à durcir ; c’est signe qu’il est bon à couper. »
273Les auteurs antiques nous apprennent que le roseau, portant les noms de harundo et canna, était très utilisé, en particulier pour tresser des nattes, des plafonds clayonnés et bâtir des cabanes ou des huttes. On utilisait pour cela sa longue tige creuse pouvant facilement être fendue (Pline, N. H., 16, 156, trad. J. André) :
274Tegulo earum domus suas septentrionales populi operiunt, durantque aeuis tecta talia. Et in reliquo uero orbe etcameras leuissime suspendunt,
275« Les peuples nordiques couvrent de toits de roseaux leurs demeures, et de telles toitures durent des siècles. Dans le reste du monde, on en fait aussi des plafonds voûtés très légers. »
276Les propos de Pline sont développés par Palladius, qui décrit précisément la manière de confectionner un plafond de cannes (camera cannicia), en profitant des opportunités qu’offre le domaine en provision de matériau65. Columelle explique que, pour placer les olives dans le grenier, il faudra les poser sur « des cannisses soigneusement tressées serré (cannas diligenter spisse textas) de manière qu’elles ne laissent pas passer au travers les baies et puissent supporter le poids des olives » (Rust., 12, 52, 4, trad. J. André).
277Parmi les deux termes latins recensés pour désigner ce groupe végétal, il semble que harundo ait désigné un roseau de plus grande taille que canna, à en croire Columelle (Rust., 7, 9, 7) :
278et degeneris arundinis, quam uulgus cannam uocat,
279« et le roseau dégénéré que le vulgaire appelle canna », tandis que les vocables calamus et harundo semblent interchangeables.
280C’est cependant harundo qui semble avoir été utilisé de manière générique pour désigner le roseau (Pline, N. H., 24, 85, trad. J. André) :
281Harundinis genera XXVIIII demonstrauimus. […] Harundo Cypria quae donax uocatur,
282« Nous avons indiqué vingt-huit espèces de roseau. […] roseau de Chypre appelé donax. »
283L’espèce appelée « canne de Provence » ou « grand roseau » (Arundo donax L.), très commune en Méditerranée, a de multiples usages en vannerie à l’époque actuelle. Columelle emploie le terme harundo lorsqu’il fait allusion à sa culture (Rust., 4, 32 ; Arb., 29) :
284[oportet] arundineta nunc ponere, uel etiam pristina colere,
285« il faut faire maintenant [mi-février] une plantation de roseaux ou même cultiver les plus anciens » (Rust., 11, 2, 19).
286Ce roseau, en effet, n’était pas uniquement récolté à l’état spontané mais sa culture en cannaie (harundinetum) faisait l’objet de soins attentifs de la part du personnel du domaine. En relation avec celle de la vigne, elle était indispensable pour disposer de tuteurs et de perches ainsi que de treilles et de parois ou toits de cabanes.
287Dans la région vésuvienne, les attestations d’Harundo donax sont multiples car il était abondamment présent dans le delta du Sarno (Jashemski 2002, p. 91-92). Parmi divers usages, il était utilisé pour tresser des clôtures dans les jardins. De telles claies sont figurées sur des peintures et un exemplaire a même été mis au jour dans le jardin de la maison des Chastes Amants de Pompéi (Ciarallo 2004, p. 62 et 80).
288Le nom latin de carex désigne vraisemblablement diverses espèces de laîches appartenant au genre Carex. Ces plantes vivaces de la famille des Cypéracées, pouvant s’elever de trente centimetres a plus d’un metre de hauteur, aux feuilles plus ou moins larges selon l’espece, sont tres communes au bord des cours d’eau. Isidore de Seville rapporte que la laiche ressemble a l’alfa (Orig., 17, 9, 102) :
289Carix herba acuta et durissima, sparto similis,
290« la laîche est une herbe coupante, très dure, semblable à l’alfa ».
291Les Carex, en effet, peuvent avoir des feuilles coupantes à l’instar de cette graminée66. Comme de nos jours, on employait les feuilles à la fabrication de vanneries diverses. Théophraste, décrivant deux plantes femelles des lieux humides comme propres à cet artisanat, fait sans doute allusion à deux laîches (dont Carex riparia L.?) (H.P., 4, 10, 4, trad. S. Amigues) :
292Ἔτι δὲ καὶ τοῦ φλεὼ καὶ τοῦ βουτόμου τὸ μὲν θῆλυ ἄκαρπον, χρήσιμον δὲ πρὸς τὰ πλόκανα, τὸ δὲ ἄρρεν ἀχεῖον,
293« Il existe en outre de la canne de Ravenne et du butome une variété “femelle” sans fruits, utilisée pour les ouvrages de vannerie, tandis que la variété “mâle” n’a pas cet usage. »
294Pour Columelle, les laîches servaient à tresser des claies ou des nattes (Rust., 12, 15, 1) :
295crates pastorales […] carice […] textae,
296« claies de bergers tressées en laîches » ;
297pour Palladius, des auvents pour abriter les animaux (Agr., 1, 22) :
298porticus […] quae […] tegentur caricibus,
299« des auvents […] que l’on couvrira […] de laîche ».
300Les Carex étaient arrachés au mois d’août ou, mieux, vers les ides de juillet (Columelle, Rust., 11, 2, 62).
301De nos jours encore, les tiges de Carex récoltées durant l’été sont très employées, en particulier pour réaliser des vanneries spiralées ou pour confectionner des nattes. En Basilicate, les tiges de la laîche distante (Carex distans L.) sont utilisées pour tresser des faisselles (Salerno 2005). Dans certaines parties du monde, en outre, jusqu’au siècle dernier on employait en vannerie des racines de laîches (Sentance 2001, p. 30, 34-35).
1. 3. Plantes diverses : lianes, Ombellifères, herbacées, herbes des marais
302Outre les grands groupes de végétaux représentant la majorité de la matière première mise en œuvre en vannerie ou en sparterie, les textes mentionnent plus occasionnellement diverses espèces comme propres à ces artisanats, aussi bien des lianes que des Ombellifères, des herbacées ou diverses plantes aquatiques.
303Le nom collectif rubus désignait dans l’Antiquité un ensemble de plantes grimpantes à tige épineuse souple — des ronces — dont on retirait les épines afin d’en faire des liens pour la vigne.
304Il est vraisemblable que l’on tressait également des vanneries avec ces végétaux une fois dépouillés de leurs épines. Un des usages des ronces est de servir à coudre les vanneries spiralées après avoir été fendues en lanières. Caton fait la recommandation d’occuper le personnel servile à extirper les épines pendant les jours de fête : per ferias potuisse […] spinas eruncari (Agr., 2, 4). Aux dires de Columelle, cette activité requérait beaucoup plus de travail que pour d’autres plantes utiles à faire des liens (Rust., 4, 31, 1) :
305cetera uincula, qualia sunt ex rubo, maiorem operam sed in egeno tamen necessariam exigunt,
306« les autres liens, tels ceux qui sont faits en ronces, réclament plus de travail, mais celui-ci est nécessaire si on manque [de genêts] ».
307Il peut s’agir, par exemple, de l’églantier (Rosa semperuirens L.) ou bien de la ronce commune (Rubus fruticosus L.), végétaux encore utilisés de nos jours par les vanniers de certaines régions françaises, parfois associés à l’osier (fig. 15).
308Des rameaux de chèvrefeuille (genre Lonicera) ont permis de réaliser une corbeille finement tressée, mise au jour dans une tombe gallo-romaine lors de fouilles en Vendée67. Cependant aucune mention textuelle concernant l’usage en vannerie de cette liane n’a été répertoriée.
309Il en va de même pour une autre liane vivace (fig. 16), la clématite des haies (Clematis uitalba L.), dont la présence est attestée parmi les végétaux ayant servi au montage de la clôture* d’une corbeille gallo-romainedécouverteàChâlon-sur-Saône(Monthel 2000, p. 173).
310L’utilisation des rameaux flexibles de la vigne (uitis) est mentionnée par Théophraste. On en tressait des carcasses de boucliers, tout comme avec l’osier (H.P., 5, 3, 4, trad. S. Amigues) :
311Καὶ γλίσχρα δὲ τὰ ἰτέινα καὶ ἀμπέλινα · διὸ καὶ τὰς ἀσπιδας ἐκ τούτων ποιοῦσι · συμμύει γὰρ πληγέντα,
312« En outre, [les bois] du saule et de la vigne sont élastiques ; aussi s’en sert-on pour confectionner les boucliers : les entailles qu’ils reçoivent se referment68. »
313La plante est également recensée par Pline dans sa liste des matériaux utiles pour fabriquer des liens (N.H., 16, 176) :
314[…] et uitis ipsa alligant,
315« […] et la vigne elle-même servent à lier ».
316D’après cet extrait, les rejets de la vigne cultivée pouvaient servir de matière première. Il est possible aussi que la tige de l’espèce sauvage citée par les auteurs latins sous le nom de uitis siluestris, une liane grimpante colonisant les bois et le bord des cours d’eau — Vitis uinifera subsp. siluestris, aujourd’hui en voie de disparition — ait eu de tels usages.
317Virgile est le seul auteur à faire mention, sous le nom d’hibiscus, de la guimauve officinale, une plante herbacée vivace de la famille des Malvacées (Althaea officinalis L.).
318Le poète évoque son usage en vannerie dans une scène pastorale (Buc., 10, 71) :
319dum sedet et gracili fiscellam texit hibisco,
320« tandis qu’assis, il tresse une corbeille en fines branches de guimauve »69.
321L’asphodèle (asphodelus), plante herbacée vivace de la famille des Liliacées, est encore employée de nos jours dans certaines régions de Méditerranée, en Sardaigne notamment, pour confectionner des vanneries (fig. 17). Son usage en Afrique est mentionné par Athénée qui évoque un des emplois des tiges après séchage (11, 462 b, éd. Loeb) :
322Λιβύων τῶν Νομάδων τινὲς οὐδὲν ἄλλο κέκτηνται ἢ κύλικα καὶ μάχαιραν καὶ ὑδρίαν, καὶ ὅτι οἰκίας ἔχουσιν ἐξ ἀνθερίκου πεποιημένας μικρὰς ὅσον σκιᾶς ἕνεκα, ἃς καὶ περιφέρουσιν ὅπου ἂν πορεύωνται,
323« Certains Nomades, en Libye, ne possèdent rien d’autre qu’une coupe, un couteau et une jarre, et ils ont de petites maisons faites en asphodèle juste assez grandes pour leur faire de l’ombre, qu’ils emmènent partout où ils vont »70.
324La plante est par ailleurs décrite par Théophraste qui la range au nombre des plantes sauvages à tige creuse du type férule (H.P., 6, 2, 9), puis par Pline qui donne en outre le calendrier de la récolte (N.H., 21, 110, trad. J. André) :
325Albuco scapus cubitalis, amplus, purus leuisque, de quo Mago praecipit exitu mensi Marti et initio Aprilis, cum floruerit nondum semine eius intumescente demetendum,
326« L’albucum [une des espèces d’asphodèle] a une tige d’une coudée, grosse, nue et lisse ; Magon recommande de la couper à la fin de mars et au début d’avril, après la floraison et avant que la graine grossisse. »
327Le terme ferula désigne plusieurs Ombellifères. On sait par les auteurs qu’une plante ainsi nommée était employée spécifiquement pour le tressage de ruches en vannerie et réputée meilleure pour cet usage que l’osier. Selon Pline (N.H., 21, 80, trad. J. André) :
328aluus optima e cortice, secunda ferula, tertia uimine,
329« la meilleure ruche est d’écorce, puis de férule, en troisième lieu d’osier ».
330Varron, prodigue en informations sur l’apiculture, confirme l’assertion plinienne (R.R., 3, 16, 15, trad. C. Guiraud) :
331Vbi sint, alii faciunt ex uiminibus rotundas, alii e ligno ac corticibus, alii ex arbore caua, alii fictiles, alii etiam ex ferulis quadratas longas pedes circiter ternos, latas pedem,
332« Où qu’elles [les ruches] soient, certains les font en osier, rondes, d’autres en bois ou en écorce, d’autres avec un arbre creusé, d’autres en argile, d’autres encore avec des férules, carrées, longues d’environ trois pieds, larges d’un. »
333Enfin, Palladius reprend les classifications précédentes (Agr., 1, 37, 6, trad. R. Martin) :
334Aluearia meliora sunt quae cortex formabit raptus ex subere […] ; possunt tamen et ferulis fieri. Si haec desint, salignis uiminibus fabricentur,
335« Les meilleures ruches sont celles qui seront faites dans l’écorce ravie au chêne-liège […] ; elles peuvent néanmoins être faites en tiges de férule. À défaut, on les fera en osier »71.
336Il pourrait s’agir soit de la férule commune (Ferula communis L.), à la tige épaisse et creuse72, soit du fenouil (Foeniculum uulgare M.), plante odorante à la tige creuse ou pleine, abondant dans les régions méditerranéennes. Ces deux espèces sont pourvues d’une tige très droite.
337Columelle mentionne la fougère (filix), végétal très commun se plaisant dans les lieux humides et les montagnes, mis en œuvre pour la fabrication de claies destinées à protéger de la rosée ou de la pluie les figues mises à sécher :
338crates pastorales […] filice textae (Rust., 12, 15, 1).
339La fougère était récoltée vers les ides de juillet ou au mois d’août (Rust., 11, 2, 62).
340La vesce (uicia), mentionnée dans l’extrait de Columelle relatif au cribrum loliarium uel uiciarium (Rust., 8, 5) était, comme l’ivraie, une plante fourragère ; elle était cultivée sur les domaines (Palladius, Agr., 2, 6 : De uicia serenda cum disciplina sua). À l’instar du genêt abondamment utilisé en vannerie, elle appartient à la famille des Papilionacées (fig. 18).
341Si l’on a admis pour l’ivraie que l’adjectif désigne la matière du crible, il faut en déduire, au vu de la mise en parallèle des termes par l’agronome, que la vesce, plante volubile, pouvait servir également à confectionner ce type d’objet même si, au demeurant, l’usage de ce végétal n’est pas connu des vanniers actuels.
342L’emploi des longues fibres résistantes extraites de la tige du chanvre (Cannabis satiua L.) — une cannabacée des milieux humides naturalisée en Italie — était largement répandu dans les campagnes, particulièrement pour fabriquer des cordes mais aussi des nattes. Varron (R. R., 1, 22) et Columelle (Rust., 8, 9, 3) en témoignent, ce dernier mentionnant de petites nattes de chanvre utilisées pour construire les abris des colombes :
343ad linam mutuli per parietem defixi tegeticulas cannabinas accipiunt, praetentis retibus, quibus prohibeantur uolare,
344« des corbeaux sont fixés en ligne dans le mur et supportent de petites nattes de chanvre garnies de filets par devant, qui empêchent les oiseaux de voler ».
345La prêle, mentionnée sous le vocable cauda (genre Equisetum), est une plante à tige grèle et creuse, aux feuilles filiformes. Selon Festus, elle ressemblait à une queue de cheval (50 L) :
346Codeta ager in quo frutices existunt in modum codarum equinarum,
347« On appelle codeta un terrain sur lequel poussent des arbrisseaux semblables à des queues de cheval. »
348Cette espèce vivace que l’on rencontre dans les prairies ou les marais ne fait pas partie des plantes attestées en vannerie. Plaute est le seul auteur à faire allusion à son emploi dans la confection de paniers. Il mentionne une cistella caudea, une petite ciste de prêle (Rud., 1109) :
349Cistellam isti inesse oportet caudeam in isto uidulo,
350« Il doit y avoir dans cette valise un petit coffret en prêle73. »
351On en travaillait probablement les tiges assemblées en faisceaux. Cet usage n’a pas perduré.
352Le terme ulua employé par les auteurs latins est un nom collectif désignant différentes plantes des marécages exploitées en corderie et sparterie. Chez plusieurs auteurs, ce type de plante est associé à d’autres végétaux croissant en milieu humide, ceux-là mêmes que l’on retrouve par ailleurs réservés à des usages artisanaux identiques. Ainsi chez Sidoine Apollinaire qui décrit le lac de son domaine d’Avitacus, en Auvergne (Epist. 2, 2, 18, trad. A. Loyen)74 :
353Hunc circa lubrici scirporum cirri plicantur simulque pingues uluarum paginae natant salicumque glaucarum fota semper dulcibus aquis amaritudo,
354« À l’entour, des touffes de joncs lisses s’entrelacent, au milieu de larges plaques d’ulves qui flottent aussi en cet endroit, ainsi que l’amère saveur des saules glauques, alimentée sans cesse par la douceur des eaux. »
355Pline met à plusieurs reprises les herbes des marais en parallèle avec le jonc. Mais il y fait aussi allusion au sujet de liens pour la vigne (N. H., 17, 209, trad. J. André) :
356Quin immo etiam quibus salices supersunt, molliore hoc uinculo facere malunt herbaeque, Siculi quam uocant ampelodesmon, Graecia uero uniuersa iunco, cypero, ulua,
357« Bien plus, même là où le saule abonde, on préfère employer un lien plus souple que lui, ainsi, en Sicile, une herbe nommée ampélodesmos et, dans la Grèce entière, le jonc, le souchet et les herbes des marais. »
358À l’instar, Columelle (Rust., 4, 13, 2) :
359Optima est ergo genista, uel paludibus desectus iuncus, aut ulua,
360« Les meilleurs liens sont donc de genêt, de jonc coupé dans les marais ou d’herbes des marécages. »
361Le naturaliste mentionne également leur usage en corderie, tout comme le jonc (N. H., 16, 4) :
362[Chauci] ulua et palustri iunco funes nectunt ad praetexenda piscibus retia,
363« avec des herbes aquatiques et des joncs des marécages, ils [les Chauques] tressent des cordes pour fabriquer des filets à poissons ».
364Quant à Palladius et Vitruve, ils sont garants de l’utilisation en vannerie de ce type de plantes, utiles notamment pour confectionner des paniers au tressage serré ainsi que des nattes servant de toiture :
365palustri ulua figuratis densioribus sportis reclusae,
366« enfermées dans des corbeilles en herbes des marais tressées serré » (Palladius, Agr., 12, 7, 22) ;
367in aeronibus ex ulua palustri factis,
368« dans des couffins faits d’herbes des marais », ou
369nonnulli ex ulua palustri componunt tuguria tecta,
370« certains font les toits des huttes en herbes des marais » (Vitruve, Arch., 5, 12, 5 et 2, 1, 5).
371Parmi les herbes aquatiques, on trouvait la sagittaire (genre Sagittaria), plante flottant sur l’eau :
372Idem oiston adicit a Graecis uocari quam inter uluas sagittam appellamus,
373« Il [Magon] ajoute encore que les Grecs nomment oistos la plante aquatique que nous appelons sagitta » (Pline, N. H., 21, 111, trad. J. André).
374La sagittaire fait partie d’une liste de plantes des marais établie par le naturaliste — asphodèle, sagittaire, glaïeul (cypiros), précédant un développement sur les variétés et usages des joncs (N. H., 21, 109-112) —, et toutes sont soumises au même traitement préliminaire (procédé de séchage). À considérer le traitement qu’elles subissaient, elles étaient probablement toutes exploitables en vue des mêmes usages.
375Pline complète sa description de la sagittaire par celle de sa récolte et de son traitement préliminaire, en se référant à Magon (N. H., 21, 111, trad. J. André) :
376Hanc ab idibus Maiis usque in finem Octobris mensis decorticari atque leni sole siccari iubet,
377« Il recommande de l’écorcer des ides de mai à la fin du mois d’octobre et de la faire sécher à un soleil doux. »
378Il s’agissait, dans ce contexte précis, de tirer parti de sa tige décortiquée, soit pour faire des liens, soit pour tresser des vanneries. D’ailleurs, un peu plus loin, Pline compare le traitement à appliquer au jonc marisque, destiné au tressage des nattes, avec celui de cette plante — qu’il nomme ulve (N. H., 21, 112, trad. J. André) :
379Similia praecipit et de iunco quem mariscum appellant ad texendas tegetes, et ipsum Iunio mense eximi ad Iulium medium praecipiens, cetera de siccando eadem quae de ulua suo loco diximus,
380« Il fait les mêmes recommandations aussi pour le jonc nommé marisque, employé à tresser les nattes, et conseille de le ramasser du mois de juin à la mi-juillet et de procéder pour le séchage comme nous l’avons dit en son lieu de l’ulve. »
381Le cypiros, autre plante aquatique dont l’identification n’est pas assurée (un glaïeul ?), figure dans la liste citée (idem et gladiolum alterum, quem cypiron uocant) avec, là encore, le traitement à lui faire subir, suivant les préceptes de Magon (Pline, N. H., 21, 111, trad. J. André) :
382Idem et gladiolum alterum, quem cypiron uocant, et ipsum palustrem, Iulio mense toto secari iubet ad radicem tertioque die in sole siccari, donec candidus fiat, cotidie autem ante solem occidentem in tectum referri, quoniam palustribus desectis nocturni rores noceant,
383« Il recommande encore de couper jusqu’à la racine pendant tout le mois de juillet l’autre espèce de glaïeul qu’on appelle cypiros, elle aussi plante des marais, et de la faire sécher au soleil le troisième jour jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, mais de la rentrer tous les jours avant le coucher du soleil, car les rosées nocturnes nuisent aux plantes des marais qui ont été coupées. »
384La préparation de cette espèce correspond à celle des végétaux destinés à être employés en vannerie ou en sparterie. Il est donc probable que, tout comme d’autres plantes aquatiques citées par Pline, elle servait de matière première.
385À cette longue liste, on ajoutera in fine le papyrus, cypéracée des zones humides spontanée dans l’Antiquité en Syrie (Théophraste, H. P., 4, 8, 4 ; Pline, N. H., 13, 73) et sur les rives de certains lacs d’Afrique comme ceux d’Éthiopie (Strabon, Géogr., 16, 4, 14). Mais sa zone d’habitat de prédilection était l’Égypte. Il y était à la fois spontané dans les marais et au bord des lacs, et largement cultivé, en particulier dans les eaux stagnantes du Delta du Nil (Strabon, Géogr., 17, 1, 15).
386Outre sa destination principale qui était la fabrication de supports pour l’écriture, de nombreux autres usages lui étaient réservés, notamment en vannerie (Lewis 1983, p. 128-130 ; Wendrich 2000). Ainsi, Théophraste parle de la confection de nattes, de cordes, d’embarcations (H. P., 4, 8, 4, trad. S. Amigues) :
387Αὐτὸς δὲ ὁ πάπυρος πρὸς πλεῖστα χρήσιμος · καὶ γὰρ πλοῖα ποιοῦσιν ἐξ αὐτοῦ καὶ ἐκ τῆς βίϐλου ἱστία τε πλέκοθσι καὶ ψιάθους καὶ ἐσθῆτά τινα καὶ στρωμνὰς καὶ σχοινία τε καὶ ἕτερα πλείω,
388« Le papyrus proprement dit a une foule d’usages : on en fait des embarcations ; avec le liber on tresse des voiles, des nattes, une sorte de vêtement, des matelas, des cordes et bien d’autres ustensiles. »
389Parmi les divers produits confectionnés avec ce matériau, on trouve des sandales tressées chez Hérodote décrivant le costume des prêtres égyptiens (Hist., 2, 37 : ὑποδήματα βύϐλινα), tandis que Pline l’Ancien parle de tamis et d’embarcations naviguant sur le Nil, les papyraceae naues :
390ex ipso quidem papyro nauigia texunt,
391« de la plante même ils [les habitants de l’Égypte] tressent des barques » (N. H., 13, 72) ;
392etiam nunc […] in Nilo ex papyro ac scirpo et harundine [rates],
393« encore aujourd’hui, on rencontre […] sur le Nil, des radeaux en papyrus, en joncs et en roseaux » (N. H., 7, 206, trad. R. Schilling).
394Il est difficile de savoir à quelle espèce correspondait le papyrus mentionné dans les sources antiques, car la plante a disparu de l’Égypte depuis le Xe siècle 7575. Le souchet, Cyperus papyrus L., pourrait cependant être l’espèce la plus proche du végétal connu dans l’Antiquité. À cette époque, le papyrus ne poussait pas en Italie, ni en Grèce ou en Asie Mineure, mais actuellement l’espèce Cyperus papyrus L. est plus répandue ; on la rencontre, par exemple, en Sicile où elle fut introduite au Xe siècle.
395Outre le matériau par excellence que constituait le saule, les plantes employées dans l’artisanat de la vannerie étaient donc, dans l’Antiquité, très diversifiées. Encore est-il bien évident que les textes et les documents archéologiques ne nous livrent pas toutes les variétés de plantes utilisées : le fabricant, dans son choix du matériau, était fortement tributaire du milieu naturel environnant. La différence numérique selon la nature des sources — plus d’une trentaine de végétaux recensés à travers les sources littéraires, corroborées parfois par les analyses botaniques des vestiges archéologiques, contre moins d’une dizaine attestés par l’archéologie seule — est frappante. Elle montre que cette liste est loin d’être exhaustive et que d’autres espèces pourraient sans doute s’y ajouter si des analyses étaient plus systématiquement effectuées sur les vestiges.
2. Questions d’approvisionnement
396Il est difficile de cerner les modalités d’approvisionnement des artisans exerçant en milieu urbain. Le contexte géographique, le type de travail exercé, ou encore le matériau utilisé, pouvaient générer des situations variées. Nous pouvons imaginer quatre d’entre elles à partir de témoignages divers et souvent succincts, mais aussi à partir des pratiques connues pour les époques postérieures. Ces données peuvent être interprétées comme des pistes plausibles, à défaut d’être généralisées.
- L’artisan achetait directement la matière première à l’état brut aux paysans du voisinage. Dans tout domaine, une bonne partie de la matière première issue de la saussaie était utilisée sur place pour répondre aux besoins divers. Mais le surplus annuel, voire une partie de la récolte, était volontairement gardé pour être revendu à l’extérieur. Caton fait allusion à une telle pratique : « Veillez à ce que [les saulaies] satisfassent aux besoins du maître ou à ce qu’il y ait des débouchés » (Agr., 9)
- L’artisan possédait lui-même (ou louait) des terres cultivées en oseraies dans lesquelles il s’approvisionnait. L’analyse du corpus épigraphique76 prête à une telle hypothèse interprétative.
- L’artisan se fournissait lui-même — ou par l’intermédiaire de membres de sa famille ou d’esclaves — en matériau en fonction de la flore spontanée dans la campagne environnant son lieu de travail. À titre d’anecdote, Pline explique l’étymologie du nom d’une des sept collines de Rome, le Viminal (Viminalis mons), par le fait que l’on s’y rendait anciennement pour récolter l’osier : « Il est certain qu’on distinguait ses quartiers [de Rome] par les noms des forêts : [...] la colline où l’on allait aux osiers », colle in quem uimina petebantur (N.H., 16, 37). De même, Juvénal : Esquilias dictumque petunt a uimine collem (3, 70).
- L’artisan s’approvisionnait sur des marchés où certains végétaux étaient mis en vente, déjà traités ou non (baguettes de saules non écorcées, par exemple). Si le vannier de la ville achetait la matière première à l’état brut, c’était lui qui la préparait dans son atelier, procédant dès lors à toutes les étapes successives du travail, depuis la préparation du matériau jusqu’à la vente du produit fini. Cela pouvait concerner le surplus de la production des domaines ruraux. Les sources littéraires mentionnent aussi des végétaux typiques d’une aire géographique, faisant l’objet d’échanges à plus grande échelle que le commerce local ou régional. Le passage de Strabon relatif au Σπαρτάριον Πεδίον d’Espagne (Géogr., 3, 4, 9) est éloquent sur le commerce de l’alfa, exporté jusqu’en Italie. Pline fait allusion aux difficultés et à la cherté du transport de cette denrée (N H., 30) :
397longius uehi impendia prohibent,
398« les dépenses empêchent qu’il soit transporté sur de longues distances »77.
399À l’appui de ces sources littéraires, l’Édit sur les prix de Dioclétien donne, parmi quelques informations au demeurant peu explicites à propos des vanneries, le prix de l’alfa « en petite botte ou en bouquet » : il devait se vendre au maximum à deux deniers la livre (Giacchero 1974 : 33, 26). On aurait donc là un indice de l’existence de négociants spécialisés dans la fourniture de matière première végétale78. Cependant, l’alfa reste sans doute un cas exceptionnel. Sa grande solidité, sa propriété à être imputrescible dans l’eau de mer en faisaient un matériau de qualité, unanimement loué par les auteurs antiques. Il était très recherché pour réaliser les cordages de toutes sortes d’engins, des vanneries résistantes, mais l’équipement en câbles des flottes militaire et commerciale devait constituer le gros de la demande, et une demande massive. Le fait que l’offre en alfa se concentrait dans une zone de production unique, limitée à un terroir du Sud de l’Espagne, entraîna le commerce de ce produit de choix vers des territoires éloignés de cette province.
400Hormis les rares occasions où une plante bien spécifique et non indigène était recherchée, l’artisan concentrait entre ses mains l’approvisionnement en végétal local — la matière première — et sa préparation au sein de son atelier, préalablement au travail de tressage.
401La nature du sol est, finalement, une donnée primordiale. L’homme reste « intimement pris dans le mouvement général de la matière vivante » (Leroi Gourhan 1973, p. 421). Ce que l’on pourrait dénommer d’une façon plus générale le « milieu » détermine le type de végétal produit et conditionne in fine la production d’objets en des types plus ou moins diversifiés (Leroi Gourhan 1971, p. 14-15, 19).
402Comme nous allons maintenant le voir, la vannerie se définit essentiellement par ses aspects techniques. En adaptant ses gestes aux différents matériaux que lui offrait la nature, l’homme est habilement parvenu à développer un éventail de savoir-faire et à les transformer parfois en véritables prouesses techniques.
Notes de bas de page
2 Le Trésor de la langue française (http://www.cnrtl.fr/definition/) donne les définitions nuancées de « vannerie » et « sparterie » les plus proches de celles des artisans vanniers actuels : « Vannerie. Art de tresser des matières végétales flexibles comme l’osier, le roseau, le rotin, le raphia pour fabriquer divers objets, tels que paniers, articles de ménage, malles et petits meubles. »
« Sparterie. Travail artisanal et fabrication d’objets tressés ou confectionnés avec des fibres végétales souples et résistantes provenant du sparte et de diverses plantes (jonc, crin végétal, raphia, etc.). »
3 Par exemple, Virgile, G., 1, 166 (arbuteae crates) ; Columelle, Rust., 12, 6, 1 (sporta iuncea uel spartea) ; Palladius, Agr., 4, 10 (palmea fiscina) ; Plaute, Rud., 1109 (cistella caudea) ; Caton, Agr., 11, 2 (urna spartea, amphora spartea).
4 Les problèmes d’identification des phytonymes chez les auteurs antiques peuvent se résumer dans cette citation : « L’homonymie, plaie constante de la terminologie botanique ». Cf. André 1956b.
5 Également, G., 2, 110 : fluminibus salices [...] nascuntur. Les éditions et traductions utilisées sont celles de la Collection des universités de France (Paris, Les Belles Lettres) ou, pour certains des agronomes latins, celles de la collection Loeb (The Loeb Classical Library, Londres), de la collection Teubner (Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana, Leipzig), de l’édition Nisard (Les agronomes latins, Paris, 1851). Sans mention, il s’agit de mes traductions, adaptées des différentes éditions.
6 Attesté aussi bien chez les poètes (salignas crates : Virgile, En., 7, 632) que chez l’agronome Palladius (Agr., 1, 38 : salignis uiminibus).
7 Étymologie correcte donnée par Festus, 514, 15-18 : Viere alligare significat … unde uimina et uasa uiminea ; contre celle, plus fantaisiste, d’Isidore de Séville, Orig., 17, 7, 48 : Vimen uocari eo quod uim habeat multam uiroris. Natura enim eius talis est ut etiam arefacta, si abluatur, uirescat, deinde excisa atque in humo fixa radicibus sese ipsa demergat, « L’osier doit son nom à la grande force de sa verdeur ; il est en effet par nature capable, une fois sec, de reverdir si on le détrempe, puis, coupé et planté en terre, d’y enfoncer des racines » (trad. J. André).
8 Tel est le cas, par exemple, pour Palladius, Agr., 1, 38 : salignis uiminibus, où uimen a conservé son sens premier de « baguette flexible », puisque l’agronome lui a apposé l’adjectif désignant véritablement l’osier, salignus. De même chez Virgile qui évoque les tiges souples du saule : uiminibus salices fecundae (G., 2, 446), les tiges flexibles de l’acanthe : aut flexi tacuissem uimen acanthi (G., 4, 123), ou encore celles du fragon : Nec non etiam aspera rusci/uimina per siluam … (G., 2, 413-414).
9 Par exemple chez les poètes : Ovide, Fast., 4, 435 (lento calathos e uimine textos) ; Virgile, G., 4, 34 (lento aluaria uimine texta) ; ibid., 1, 95 (uimineasque cratis), mais aussi chez Columelle, Rust., 12, 50 et 8, 3, qui parle de uimineos qualos.
10 Martial, Epigr., 4, 88, 7 : nec rugosarum uimen breue Picenarum, « ni un petit panier d’olives ridées du Picenum », et 7, 53, 5 : semodius fabae cum uimine Picenarum, « un demi-modius de fèves avec un panier d’olives du Picenum ».
11 Pline, notamment, au livre 24, parle du saule noir d’Amérie (Amerinae nigrae : N.H., 24, 58), indice supplémentaire de la confusion qui règne dans cette typologie par couleur.
12 Voir les propositions d’identification de Jacques André : André 1956a ; 1985, s.u. Salix. Voir aussi Fournier 1953, a propos de l’identification des espèces de saules citées par le naturaliste.
13 Siler, une plante mal déterminée dont l’identification la plus commune a été le saule à pousses jaunes, serait plutôt le fusain. Pline, N.H., 16, 77, paraît en effet distinguer le saule du siler : Non nisi in aquosis proueniunt salices, alni, populi, siler, ligustra. En outre, selon P. Fournier, cité par J. André dans son commentaire à Pline, N.H., 24, 73 (CUF, 2003 ; 1re ed. 1972), les effets de la plante mentionnés par le naturaliste (sileris folia inlita fronti capitis dolores sedant) ne peuvent être appliques au saule. Dans Virgile, G., 2, 13 : molle siler lentaeque genistae, Abbe 1965, p. 149-151, pense a une ombellifère.
14 Voir également Théophraste, H.P., 3, 1, 1 : « […] les arbres des bosquets humides, c’est-à-dire par exemple le platane, le saule, le peuplier blanc, le peuplier noir et l’orme : toutes ces espèces et leurs semblables reprennent très vite et très bien en boutures de rejets, qui arrivent à survivre si on les transplante déjà grands et même de la taille d’un arbre » (trad. S. Amigues) ; et H.P., 3, 6, 1 sur la croissance vigoureuse de l’arbre.
15 L’exploitation de l’écorce prélevée sur les baguettes d’osier pour en faire des liens est une pratique qui s’est conservée jusqu’à nos jours, par exemple chez les osiériculteurs d’Indreet-Loire : Cf. Hardouin 1989, qui met en évidence la résistance de l’écorce d’osier aux poids : une lanière d’1,50 m d’écorce peut supporter un poids allant jusqu’à 9 kg. W. Jashemski a également relevé une telle pratique dans les vignobles de culture. L’ensemble des informations recueillies dans les la région de Pompéi : Jashemski 1979, p. 209. Notons que Caton paraît indiquer que l’on écorçait l’osier aussitôt après l’avoir coupé, pour constituer une réserve de liens d’écorce pour la vigne et une autre de baguettes d’osier blanc pour la vannerie, alors que de nos jours, pour obtenir de l’osier écorcé, il convient de le faire tremper pendant plusieurs mois après la récolte (voir ci-après).
16 Voir Pline, N.H., 17, 68, sur ce point : « Ce procédé fit encore inventer de planter des scions coupés. Ce fut d’abord pour faire des haies […] puis aussi pour la culture, par exemple les peupliers, les aunes et le saule, dont le scion peut même se planter la tête en bas » (trad. J. André). Lieutaghi 2004, p. 1159-1160.
17 Le saule blanc, par exemple, peut produire des pousses allant jusqu’à deux mètres de hauteur dès la première année : Lieutaghi 2004, p. 1160.
18 Je dois ces précieuses informations à Guy Barbier, osiériculteur et artisan vannier au Pont-Chrétien-Chabenet, dans le département de l’Indre.
19 Le verbe seri employé par Varron doit être ici traduit par « planter» plutôt que par « ensemencer » (trad. de J. Heurgon, CUF). En effet, le saule se cultive par boutures et non par graines. D’ailleurs, Columelle emploie le même verbe dans l’extrait qui suit, verbe que R. Goujard (CUF) traduit, plus conformément à la réalité, par « planter ».
20 C’est le cas en Indre-et-Loire, Cf. Hardouin 1989 ; de même que dans la Sarthe, selon Guy Barbier.
21 Columelle, Rust., 11, 2 : [oportet] salicta facere, uel deputata runcare ac fodere ; voir aussi le passage du livre 4 cité ci-dessus, encore plus détaillé.
22 Même absence de précision en 31, 1, où l’agronome préconise, en vue de la récolte des olives, de couper l’osier « mûr » : uimina matura, salix per tempus legatur, uti sit unde corbulae fiant et ueteres sarciantur.
23 Selon le témoignage de Guy Barbier. Voir également Hardouin 1989.
24 Cf. l’affirmation de Pline, N.H., 16, 188 : « Le moment de couper les arbres qu’on veut écorcer […] est celui où ils bourgeonnent. »
25 Cf. Agr., 33, 5 et ci-dessus note 15.
26 Cette hypothèse a été celle du savant Ausonius Van Popma, auteur, en 1620, d’un commentaire sur l’ouvrage de l’agronome : Ausoni Popmae Frisi de instrumento fundi liber, cap. 1, repris dans Scriptores rei rusticae ueteres latini, vol. 2, Leipzig, 1774 : « Salic- tariutarius est, qui salictum curat, et ex eo materiam salignam parat, uel texendis corbibus, canistris, et cistellis, uel uiti pedandae, iugandaeque. » Certaines traductions et certains dictionnaires donnent au terme de salictarius un sens encore plus large chez Caton, celui de vannier. Il me semble toutefois difficilement recevable, étant donné qu’à l’époque de Caton, le terme canonique de uitor est attesté dans d’autres sources.
27 Andreau 2004, p. 78, sur les esclaves chez les agronomes. Voir l’introduction à l’édition de Varron par J. Heurgon (CUF, 1978), p. xxxvii, qui fait allusion à l’absence de mention du salictarius, réduisant de seize à quinze le nombre des esclaves. Cette omission a été mise sur le compte de la hâte avec laquelle Varron aurait rédigé son traité inspiré de Caton, entre autres auteurs.
28 Pline, N. H., 16, 176 : populi […] alligant, « les peupliers servent à lier ». Sur les emplois du bois de peuplier, voir Lieutaghi 2004, p. 953-966.
29 Voir Lieutaghi 2004, p. 1241-1242 ; Les végétaux textiles, les plantes à fibres, les plantes à papier, Marseille, Jardins botaniques municipaux, 1988.
30 On notera que, chez les deux poètes, l’emploi de uimen est associé à une épithète désignant un arbre (quernum) : le vocable uimen conserve dans ces passages son sens premier de baguette flexible.
31 L’utilisation de ce bois est attestée en particulier en Belgique où des artisans sont spécialisés dans le tressage de ce matériau.
32 Moutte 1986, fig. p. 30 ; Lieutaghi 2004, p. 632-638 : « Les rameaux flexibles et tenaces […]. On les emploie, dans les contrées méridionales où les osiers sont rares, à faire des paniers ou à vêtir des jarres. »
33 Le poète emploie encore le même adjectif dans En., 11, 64-65 : Haud segnes alii cratis et molle feretrum/arbuteis texunt uirgis et uimine querno.
34 Columelle, Rust., 8, 17, 13 (nourriture à poissons) et 7, 9, 6 (nourriture à cochons) ; Jashemski 2002, p. 89-80.
35 Sur les espèces mâle et femelle du cornouiller, voir Théophraste, H. P., 3, 12, 1 ; selon le naturaliste grec, le cornouiller mâle a un bois qui possède « la compacité et la ténacité de la corne » ; quant au cornouiller femelle, il correspondrait peut-être chez lui au cornouiller sanguin.
36 Voir ci-après l’alfa et l’alabardine, désignés eux aussi par le terme spartum dans les sources latines. Essai de synthèse sur la problématique : Mingaud 1993.
37 Voir le chapitre 2 ci-dessous : le « type natte ».
38 Voir ci-après l’analyse consacrée à l’alfa.
39 Cet usage du spartier existe encore en Basilicate (Salerno 2005).
40 Varron était propriétaire d’une villa en Campanie, à Casinum.
41 J’avais précédemment songé à une éventuelle méconnaissance, de la part de Varron, des conditions pédologiques dans lesquelles croît l’alfa, à la suite d’Alfaro Giner 1975, p. 195-196 (Mingaud 1993, p. 49, note 13). Je crois plutôt que l’agronome emploie le terme spartum en connaissance de cause et qu’il désigne ainsi soit le spartier, soit l’alabardine.
42 Brève synthèse sur les usages et identifications des genêts : Cullin-Mingaud 2009.
43 Pline : « Les conditions générales de l’Italie donnent le calendrier suivant : [il faut planter] le saule et le genêt (genista) vers les calendes de mars. Le genêt se plante par graine en terrain sec, le saule par bouture en terrain humide » (N. H., 17, 136) ; Columelle : « Plantez l’osier et le genêt (genista) quand la lune croît, au printemps, vers les calendes de mars » (Arb., 29) et genistam semine uel plantis in pastinato uel etiam sulco deponere, « il faut […] planter le genêt en graine ou en pied dans des tranchées ou dans des sillons » (Rust., 11, 2, 19) ; Palladius : Nunc salicis plantas et omnium generum, quae arbusto adplicandae sunt, uel genestae, ubi deerit, obruemus, « on piquera à présent [février] des pieds de saules, et, à leur défaut, de genêt, ou de telle autre plante qui fournisse des liens pour les vignes » (Agr. 3, 23). Dans ces extraits, le genêt est toujours associé au saule, autre matériau de prédilection pour la confection de liens.
44 Il convient de relever que Columelle utilise le terme genista pour désigner le spartier, lorsqu’il évoque la culture de ce végétal. On doit dès lors sans doute considérer que l’agronome, espagnol d’origine, applique une attention rigoureuse au choix des termes qu’il emploie et qu’il réserve le nom de spartum à l’alfa.
45 Nom collectif donné à différentes herbes des marais.
46 Voir ci-dessus la mention de Varron 1, 23, 6 (spartum) ; le témoignage de Pline, N. H., 19, 15, concernant l’Asie Mineure : Asia e genista facit lina ad retia praecipue in piscando durantia, frutice madefacto decem diebus, « L’Asie tire du genêt un lin pour faire des filets qui durent longtemps, surtout pour la pêche, en rouissant l’arbrisseau pendant dix jours » ; celui de Martial, dans un contexte domestique : pira quae longa pendent religata genesta, « ces poires suspendues à une longue cordelette de genêt » (1, 43, 5). L’archéologie vésuvienne vient corroborer les textes : une lampe de bronze mise au jour à Pompéi contenait encore sa mèche non carbonisée, constituée de fibres de genêt tressées qui auraient été identifiées à du spartier (Borgongino 2006, p. 97-98, n° 213) ; sur le même site sont apparues des informations sur un emploi du genêt non attesté dans la littérature, celui de fibre de tissage : les analyses d’un fragment de tissu carbonisé indiqueraient qu’il était en partie confectionné avec du spartier (Borgongino 2006, p. 98, n° 214). Le Spartium iunceum L. semble avoir fait partie des espèces présentes dans le paysage vésuvien en 79 apr. J. -C., d’après des analyses anciennes (Ciarallo 2000, p. 26-27, 34 et 68 ; 2004 ; Borgongino 2006, p. 180).
47 Salices humilesque genistae,/aut illae pecori frondem aut pastoribus umbram/sufficiunt saepemque satis et pabula melli, « les saules et les humbles genêts eux aussi fournissent au bétail du feuillage ou de l’ombre aux bergers, ainsi qu’une clôture aux plantations et des aliments au miel » (Virgile, G., 2, 434-436, trad. E. de Saint-Denis).
48 Bien que Jacques André n’ait pas retenu d’espèce du genre Cytise dans son lexique (1985, s. u. Genista), il est possible que les auteurs anciens aient utilisé le nom de genista pour faire allusion à certains Cytises appartenant, comme les Genêts, à la famille des Fabacées. Tel est notamment le cas pour le genêt à balais (Cytisus scoparius L.), espèce se prêtant à certains des usages évoqués dans les sources : usage médicinal, apicole, fourrager (Lieutaghi 2004, p. 647-649). L’allusion aux abeilles pourrait ainsi être un indice que Palladius parle de cette espèce, car elles en butinent les fleurs, contrairement à celles du spartier. Argument supplémentaire en faveur de l’emploi du genêt à balais dans l’Antiquité, sa présence est avérée sur le territoire vésuvien en 79 apr. J. -C. par la découverte de nombreuses gousses carbonisées dans le jardin de la villa de Poppée à Oplontis (Ciarallo 2000, p. 68 ; Jashemski 2002, p. 108, n° 49 ; Borgongino 2006, p. 180). Je remercie Lucie Chabal (CNRS, Institut de Botanique de Montpellier) pour les informations qu’elle m’a apportées sur les espèces de la famille des Fabacées et leurs usages ; voir aussi Chabal 2009.
49 Au livre IV, Théophraste parlera encore des espèces de palmiers d’Orient, notamment du palmier doum et du dattier, utilisés eux aussi en vannerie : Τὸ δὲ καλούμενον κουκιοφόρον ἐστὶν ὅμοιον τῷ φοίνικι. […] Χρῶνται δὲ τῷ φύλλῳ, καθάπερ τῷ φοίνικι, πρὸς τὰ πλέγματα, « Ce qu’on appelle le palmier doum ressemble au dattier. […] On utilise sa feuille, comme celle du dattier, pour les ouvrages de vannerie » (H. P., 4, 2, 7, trad. S. Amigues). Sur la pratique contemporaine du tressage de vanneries à partir du palmier nain et d’autres espèces, voir Kuoni 1981, p. 179-201. Cet artisanat est très vivace sur les côtes est et sud de l’Espagne, ainsi qu’aux Baléares et au Maroc.
50 N. H., 13, 26-29. En 13, 62, le naturaliste mentionne l’usage du palmier doum dans le textile mais non en vannerie, contrairement à Théophraste (Cf. note précédente).
51 N. H., 16, 89 ; voir ci-après le chapitre 2.
52 La traduction Nisard et la traduction Loeb donnent, pour spartum, « genêt d’Espagne ». Je pense que Columelle fait ici plutôt allusion à l’alfa. Voir ci-dessous les paragraphes concernant l’alfa et ci-dessus le spartier.
53 Pour les vestiges archéologiques espagnols, voir Alfaro Giner 1984, p. 157-158 (il ne s’agit pas, en l’occurrence, de chapeaux de soleil mais de petits bonnets tressés portés par les mineurs).
54 Trad. P. Grimal, Gallimard, 1958. Je remplace « écorce de palmier » qui, à mon sens, ne se justifie pas par le latin palmeis, par « palmier ». Ce sont en général les folioles constituant les feuilles qui sont utilisées en vannerie.
55 Voir ci-dessus à propos de la désignation d’un genêt par ce nom — sans doute le spartier ; Mingaud 1993, sur les occurrences textuelles et sur les problèmes d’identification.
56 Par exemple, Tite-Live, 22, 20, 6 (éd. Loeb) : Inde iam praeda grauis ad Longunticam peruenit classis, ubi uis magna sparti erat, ad rem nauticam congesta ab Hasdrubale, « De là, la flotte, maintenant lourdement chargée de butin, parvint à Longuntica [ville inconnue située non loin de Carthago Noua], où se trouvait une grande quantité d’alfa entassée par Hasdrubal pour ses bateaux » ; Pomponius Mela, 2, 6, 86 (trad. A. Silberman) : et adeo fertilis ut sicubi ob penuriam aquarum effeta ac suis dissimilis est, linum tamen aut spartum alat, « [l’Espagne] et sa fertilité est telle que, même là où parfois, du fait de son manque d’eau, elle est épuisée et méconnaissable, elle ne laisse pas de produire lin et sparte » ; Pline, N.H., 37, 203 (trad. E. de Saint-Denis) : uerum desertis suis sparto uincit Hispania, « mais l’Espagne l’emporte [sur la Gaule] par le sparte de ses déserts » ; Justin, 44, 1, 4-6 (éd. Teubner) : [Hispania] in omnia frugum genera fecunda est, adeo ut non ipsis tantum incolis, uerum etiam Italiae urbique Romanae cunctarum rerum abundantia sufficiat. [… 6]. Iam lini spartique uis ingens, minii certe nulla feracior terra, « [L’Espagne] est fertile en toutes sortes de produits, au point que cette abondance en tout suffit non seulement à ses habitants, mais aussi à l’Italie et à Rome. […] Sa production de lin et d’alfa est immense, et aucune terre n’est plus riche en minium. »
57 Alfaro Giner 1984, p. 59-68 ; Plumbum nigrum. Produción y comercio del plomo en Hispania, cat. d’exposition, Museo nacional de Arqueología maritíma y Centro de investigaciones arqueológicas submarinas. Carthagène, 1987.
58 La traduction Nisard, « crible ayant servi à passer de la vesce ou de l’ivraie », ne semble pas devoir être retenue ; l’ivraie est une graminée et, par conséquent, sa tige se prête à la vannerie. L’interprétation et la traduction de E. S. Forster et E. H. Heffner (Loeb), puis de Bonnington 1975, qui en font un matériau de tressage, sont plus conformes à cette réalité.
59 Voir infra le chapitre 2 de la deuxième partie.
60 Les chaumes étaient particulièrement ramassés l’été après la moisson, trente jours après la récolte selon Columelle (Rust., 11, 2).
61 Virgile, Buc., 2, 71-72 : Quin tu aliquid saltem potius, quorum indiget usus,/uiminibus mollique paras detexere iunco ?, « Prépare-toi donc plutôt à tresser quelque objet dont le besoin te presse, avec des brins d’osier ou du jonc souple »(trad. E. de Saint-Denis) ; Némésien, Buc., 2, 33-34 : Ipse ego nec iunco molli nec uimine lento/perfeci calathos cogendi lactis in usus, « Quant à moi, je n’ai pas confectionné les corbeilles de jonc souple et d’osier flexible qui servent à presser le lait » (trad. P. Volpilhac).
62 Sur la complexité des identifications, voir, par exemple, le commentaire de S. Amigues à la classification de Théophraste, H. P., 4, 12, 1-3.
63 Pour une étude des connotations symboliques du mot dans la littérature, voir Pailler 2001.
64 Sur la culture du roseau, voir également Caton, Agr., 6, 3 ; Columelle, Rust., 4, 32 ; Palladius, Agr., 3, 23. Les roseaux, récoltés après le solstice d’hiver, étaient utilisés comme jougs, en particulier pour les vignes.
65 Palladius, Agr., 1, 13, 1 : « Les plafonds des bâtiments situés à la campagne doivent, autant que possible, être construits à l’aide de matériaux faciles à trouver sur le domaine ; on emploiera donc pour cela des planches ou des cannes … » (trad. R. Martin).
66 Voir le texte anglais de Turner, cité par Abbe 1965, p. 44, s.u. Carex : « Carex is called in englishe a Sege, […] it cutteth mennes handes that touche it. » Contrairement à ce qu’écrit Abbe, Isidore compare ici la laîche à l’alfa et non au genêt d’Espagne. Voir, en ce sens, l’édition d’Isidore par J. André (coll. ALMA), note 554.
67 Site du Puits-du-Bernard (ancien bassin d’extraction houillère de Faymoreau dans le département de la Vendée) : Ferdière 1988, p. 115.
68 L’argument du botaniste sur la fermeture des trous faits par les armes dans le clayonnage est repris par Pline à propos d’autres végétaux utiles pour fabriquer des boucliers, mais il ne cite pas la vigne parmi eux : Cf. N.H., 16, 209.
69 Dioscoride, dans un passage où il décrit la guimauve-chanvre (Althaea cannabina L.) qui fait partie de la même famille végétale, mentionne son usage dans la fabrication de cordes (Cf. 3, 149).
70 Hérodote, déjà, signalait ce type d’habitation en Libye : Οἱκήματα δὲ σύμπηκτα ἐξ ἀνθερίκων ἐνειρμένων περὶ σχοίνους ἐστὶ, καὶ ταῦτα περιφορητά, « [les nomades de Libye] leurs habitations sont formées d’un entrelacement de tiges d’asphodèle et de joncs ; et elles sont transportables » (4, 190, trad. P.-E. Legrand).
71 Le terme ici employé est ferula. Or, au paragraphe précédent, Palladius proscrit certaines plantes du rucher, dont la thapsia, traduite également par férule… Le dernier phytonyme correspond à une espèce indéterminée, une « sorte de férule », selon le dictionnaire Gaffiot (?).
72 À son propos, Cf. Pline, N.H., 13, 123 : Nulli fruticum leuitas maior ; ob id gestatu facilis baculorum usum senectuti praebet, « aucun arbuste n’est plus léger, aussi fournit-il à l’usage des vieillards, des cannes faciles à porter » (trad. A. Ernout).
73 A. Ernout traduit « petite cassette de jonc » (CUF).
74 Nous retrouvons la même association chez d’autres poètes tels Virgile (Buc., 8, 85 ; G., 3, 157), Horace (Sat., 2, 4, 40) et Ovide (Met., 8, 336 : lenta salix uluaeque leues iuncique palustres, et 6, 344-345 : fruticosa […] / uimina cum iuncis gratamque paludibus uluam).
75 Synthese de N. Lewis dans Desboeufs 2007, p. 11-20.
76 Voir ci-après le chapitre 3.
Le naturaliste paraît contredire ce qui est affirmé dans une source plus tardive, l’Expositio totius Mundi, à savoir que l’alfa était exporté « dans le monde entier » (Cf. ci-dessus). À propos du commerce de l’alfa, on peut ajouter à la documentation un papyrus citant une liste de marchandises transportées par bateau en Égypte. Parmi
77 Le naturaliste paraît contredire ce qui est affirmé dans une source plus tardive, l’Expositio totius Mundi, à savoir que l’alfa était exporté « dans le monde entier » (Cf. ci-dessus). À propos du commerce de l’alfa, on peut ajouter à la documentation un papyrus citant une liste de marchandises transportées par bateau en Égypte. Parmi elles du sparton, terme qui, il est vrai, peut désigner dans le contexte aussi bien des cordes que de la matière première, en plus du fait qu’il pose des problèmes d’identification : P. Iand. 151 (III) cité par Wipszycka 1965, p. 42. La provenance et la route du navire ne sont pas précisées.
78 Voir, au chapitre 3, l’etude des noms de metier
Notes de fin
1 Les termes techniques signales par un asterisque sont definis dans le lexique figurant en fin de volume.
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