Chapitre 2. La supercherie de Giuseppe Guerra (1749-1761)
p. 65-100
Texte intégral
Les Français à Rome et la peinture antique
1« Ne communiquez à personne ce que je vais vous dire. Il y a ici un magasin de peintures antiques, découvertes à l’ancienne Pompéïa qui périt à peu près dans le même temps qu’Herculanum. Ces peintures sont fort au-dessus de celles d’Herculanum : beau coloris, beau dessin, beaux ornemens ; la plupart couvertes de plâtre ou d’autres matières qu’on enlève aisément. M. de La Condamine en avoit acquis un beau morceau avant mon arrivée, et en a fait copier d’autres : il m’a promis de m’en faire avoir ; je tâcherai d’en acquérir pour le cabinet et pour vous. Dites-moi votre sentiment. Elles sont fort chères : ce qu’il y a de plus singulier, c’est que, dans toutes, il y a une inscription en caractères que je n’avois jamais vus ; ce n’est ni du grec, ni du latin, ni de l’étrusque, ni du punique : Je les étudierai à loisir. [...] pourvu que nous ayons de ces peintures, nous serons trop contens. » Par ces mots, l’abbé Barthélemy débute le récit qu’il fait à Caylus sur les peintures antiques vendues clandestinement à Rome1. Un grand nombre de ces peintures avait été acheté par le musée du Collège romain, appelé musée Kircher, et son directeur, le père Contuccio Contucci, les exposait avec fierté au milieu des autres antiquités de la collection. Elles attiraient la curiosité des voyageurs car elles provenaient « d’un lieu que l’on ne saurait dire » – à savoir Herculanum –, ce qui expliquait le secret que l’on gardait autour de ce commerce. Le roi de Naples avait en effet interdit toute exportation des découvertes. Le contrôle des autorités napolitaines était si strict qu’en ce milieu des années 1750 aucune information sur ce qui était sorti de ces fructueuses fouilles n’avait été publiée officiellement. Seuls quelques ouvrages mentionnant les découvertes les plus importantes avaient été imprimés à Venise, à Londres et à Florence, sans le consentement du roi de Naples, et ces textes n’avaient fait qu’attiser la curiosité pour Herculanum dans toute l’Europe. Jamais auparavant une découverte d’une telle importance n’avait eu lieu et, de plus, jamais on n’avait découvert un si grand nombre de peintures antiques. Entre 1738, le début des fouilles, et 1749, date de la découverte de Pompéi, plus de deux mille fragments d’enduit peint trouvés à Herculanum furent déposés pour entrer dans les collections du roi de Naples. Or, il fallut attendre 1757 pour que les premières gravures reproduisant les peintures soient publiées officiellement par la cour napolitaine. En 1755, lorsqu’écrit Barthélemy, rares étaient les voyageurs et les antiquaires qui avaient eu la chance de voir les peintures antiques d’Herculanum, ne serait-ce qu’en reproduction. Le fait qu’un petit nombre d’entre elles fût en vente clandestinement à Rome apparaissait alors comme une véritable aubaine, une occasion à saisir, et Barthélemy se précipita pour acquérir un fragment.
2Barthélemy était particulièrement intéressé par ces mystérieuses inscriptions « en caractères qu’il n’avait jamais vus » car le déchiffrement d’écritures inconnues était sa spécialité. En 1754, il avait réussi à lire l’écriture palmyrénienne grâce aux inscriptions de Palmyre publiées par Robert Wood2. Lorsqu’il écrivit de nouveau à Caylus une semaine plus tard, le 11 novembre 1755, l’acquisition était faite : « La Condamine m’en a fait avoir un morceau que j’ai acheté vingt sequins, c’est-à-dire deux cents livres. Je l’ai pris pour vous ; et s’il vous paroît trop cher, le président Cotte s’en accommodera3 : vous me répondrez là-dessus. Il a environ deux pieds et demi de hauteur4 ; il étoit couvert d’un enduit, on l’a ôté ; mais on en a laissé une bande sur les bords pour ceux qui auront la curiosité de savoir comment on les tire de terre. Je tâcherai d’aller à Naples et à Pompeïa5. » Enfin, il précisa quelque temps plus tard qu’il avait finalement eu la peinture non pas pour vingt sequins mais seize : « On a laissé sur le tableau deux bandes de l’ancien mastic ou plâtre qui s’y est attaché ; il est très difficile de l’ôter : on demande pour cela quatre sequins. Peut-être qu’à Paris vous trouverez le moyen de le nettoyer ; si vous y trouviez de la difficulté, je le ferai nettoyer ici6. »
3Très vite cependant, l’enthousiasme de Barthélemy retomba : « Vous êtes donc bien inquiet de la peinture que j’ai achetée ? », écrivait-il quelques mois plus tard à Caylus. « Vous demandez le secret ; vous prenez des arrangements pour qu’on ignore que j’ai fait une pareille acquisition : je vous en remercie de tout mon cœur ; mais, à vous dire vrai, je ne vois pas que j’eusse risqué ma réputation, si j’en avois une d’établie. » En effet, Caylus craignait que la peinture fût moderne, ce à quoi Barthélemy répliqua qu’elle avait été jugée antique par « tous les artistes et antiquaires de Rome, à la tête desquels il faut mettre le P. Contucci ». Si la peinture était jugée moderne en France, il « ne [voyait] pas le tort que pourroit [lui] faire ce partage d’opinions ». Il ajoutait qu’il ne mettrait rien au cabinet du roi dont il pût rougir, mais que s’il s’était trompé, il serait le premier à le dire7.
4Comprenant que l’antiquaire ne souhaitait pas recevoir cet objet, Barthélemy proposa de donner l’œuvre au président de Cotte. Il fit part des réserves de Caylus à Charles de La Condamine, qui avait acquis deux peintures antiques avant lui par la même voie8. Barthélemy écrivit à Caylus un mois plus tard : « Je reviens à votre sentiment sur le genre de peinture que j’ai sous les yeux ; vous l’avez soumis à l’analyse qui ne lui a pas été favorable. Les informations que j’ai prises à Naples, l’examen que j’y ai fait des peintures d’Herculanum, différentes de celles qu’on vend ici, le mystère ridicule dont on couvre toute cette affaire, avoient commencé à me désabuser. Je ne me connois point en tableau, j’avois pris celui-ci sur la foi des antiquaires de Rome, sur l’empressement qu’y mettoit M. de La Condamine, et sur le jugement de M. Natoire9. » De son côté, La Condamine mit les trois peintures qu’il avait achetées à l’épreuve10. « J’ai toujours eu quelques soupçons, comme vous avez pu le voir dans ma première Lettre à Bombarde », écrit-il à Caylus11. « Mais voyant que le P. Contucci, célèbre antiquaire, garde du Muséum du Collège romain où il y a de fort belles choses, avoit un grand nombre de ces tableaux dont il fait le plus grand cas, et tous les peintres de Rome à qui il les a fait voir, n’ayant pas balancé à les juger antiques [...] je me suis laissé entraîner, par pure docilité12. » Bientôt, Barthélemy et La Condamine durent se rendre à l’évidence : ces peintures n’étaient pas antiques et ils avaient été dupés.
5Barthélemy et Contucci n’étaient pas les seuls à avoir succombé à la tentation de posséder une peinture d’Herculanum : nombreux étaient ceux qui n’avaient pas voulu laisser passer cette occasion et qui avaient rapidement acheté un fragment d’enduit peint, de peur que les peintures ne fussent plus en vente une fois démasqués les voleurs du patrimoine du roi de Naples. La margrave de Bayreuth, son écuyer le baron de Gleichen, plusieurs cardinaux dont le célèbre collectionneur Alessandro Albani, et même le roi d’Angleterre, avaient acheté de ces peintures.
6Le prix élevé des œuvres ne semble pas les avoir arrêtés. Car elles coûtaient une vingtaine de sequins en moyenne, alors qu’un vase antique en valait dix et un grand camée en trois couleurs vingt-cinq13. Mais la rareté de ce type d’objet, le fait qu’ils provenaient clandestinement d’Herculanum ou de Pompéi, le mystère de leur composition et des caractères qui y étaient représentés contribuèrent à l’attrait irrésistible que ces fragments de peinture exerçaient sur les collectionneurs.
7Plusieurs voyageurs avaient été séduits par ces peintures dans le cercle français de Rome : la margrave de Bayreuth, qui fréquentait la maison du duc de Choiseul à Frascati, avait pour sa part acheté quatre peintures afin de les offrir à son frère, et ce malgré les mises en garde de ce dernier. Elle avait ainsi acheté, le 17 juin 1755, par l’intermédiaire du père Paciaudi, une peinture provenant de Pompéi : « En 1755, j’achetai une de ces peintures, vingt-cinq sequins, et je la donnai à la margrave de Bareith (sic), sœur du roi de Prusse, laquelle étoit à Rome. Je priais le père Contucci de m’en procurer une d’une grandeur déterminée, représentant un sujet héroïque avec plusieurs figures : dans huit jours il me la procura et me la donna pour antique14. » La margrave était fière de cette acquisition : « C’est une Peinture Anthique des plus Belles de L’aveu de tous les Connoisseurs. Elle a étée volée de la ville de Pompej et transportée ici. Je l’ai arrachée pour ainsi dire de la pate des Anglois qui y avoit deja jetté leur devollu », écrit-elle le 17 juin 1755 à Frédéric le Grand, son frère15. Le sujet héroïque représenté sur cette œuvre se rapportait à l’histoire de Porsenna et de Mucius Scaevola16. La margrave jugeait cette peinture « d’autant plus Curieuse que vous y trouverez mon cher Frere, si je ne me trompe sur les Boucliers et sur l’autel, des Caractères Samnites17 ». Elle lui en fit cadeau : « Je prends la Liberté de vous l’envoyer mon tres cher Frere. Vous supliant de ne point dire quelle est de Naples18. » La margrave fit dans le même temps ou peu après l’acquisition d’un autre fragment, représentant un massacre devant la statue de Minerve et dont la composition devait être proche de celle de la peinture d’Hélène cachée derrière la statue de Minerve conservée au Collège romain, que les jésuites publièrent dans une édition de Virgile en 176319.
8Devant les réserves de Frédéric le Grand, la margrave tenta de le rassurer dans une lettre écrite après son retour en Allemagne : « Pour ce qui est de la Peinture, je n’aurois jamais osé vous l’offrir si je n’avois été sure de son Anthiquité. Elle a étée nons seulement examinée par les 3 plus fameux Peintres et Anthicaires de Rome, mais conffrontée avec celles qui y sont20. » Cela signifie que cette peinture avait été comparée avec celles qui se trouvaient au Collège romain, puisque c’est là qu’on en trouvait le plus grand nombre à Rome. Les peintures dont la margrave fit l’acquisition vinrent donc enrichir la collection d’antiquités qu’elle formait durant son voyage. Elle semblait leur attacher une importance particulière puisque, selon Winckelmann, elle tenait jour et nuit une bougie allumée devant elles, « comme les Turcs devant le Coran21 ».
9Or, le voyage de Barthélemy à Portici, son observation attentive des peintures d’Herculanum et les tests effectués par La Condamine avaient confirmé les soupçons qui pesaient sur l’authenticité de ces peintures : il ne s’agissait pas d’œuvres antiques mais de contrefaçons dont on n’allait pas tarder à découvrir l’auteur. D’ailleurs, les Français n’étaient, semble-t-il, pas les seuls à s’en être aperçus, puisque Winckelmann révéla très précocement le nom de l’imposteur responsable de la fraude : un Vénitien du nom de Guerra. Dans une lettre à Bianconi datée du 22 juillet 1758, Winckelmann décrivit les caractéristiques des contrefaçons réalisées par le faussaire et exposées au Collège romain22. Les soupçons sur l’authenticité des peintures en vente à Rome commençaient donc à se répandre dans la ville, et l’affaire allait bientôt être tirée au clair.
Peintures antiques au Collège romain
10Revenons quelque temps en arrière et penchons-nous sur l’origine de l’engouement pour ces peintures antiques clandestines. Un très grand nombre d’entre elles était présenté au Collège romain, faisant l’admiration des visiteurs de cette institution jésuite. « À mon retour de Naples, je fus voir le P. Contucci ; c’est constamment un des plus grands antiquaires d’Italie. Il a une suite de peintures semblables aux nôtres et venues du même endroit, à ce qu’on dit : elles lui ont coûté bien de l’argent, et sont devenues un objet de curiosité pour les étrangers qui les citent avec éloge », écrivait Barthélemy à Caylus23. L’acquisition de ces fragments ayant été faite de façon illégale, Contucci n’en donnait pas explicitement la provenance, mais il faisait comprendre aux visiteurs qu’il n’avait rien à envier au roi de Naples. En effet, « en dépit de la sévérité de la cour de Naples envers quiconque avait soustrait en aucune manière le plus petit morceau d’antiquité, malgré la juste et noble envie qu’avoit le roi de Naples de tout conserver seulement pour son musée, [Contucci] s’enorgueillissoit d’avoir acquis tant de peintures antiques et tant d’autres monumens d’Herculanum24 ». Les visiteurs qui le souhaitaient pouvaient faire l’acquisition d’autres fragments de même provenance auprès d’un restaurateur de sa connaissance, Giuseppe Guerra, celui-là même qui s’était chargé de nettoyer et de restaurer les fragments du musée. Plusieurs collectionneurs furent tentés et le commerce de Guerra fut florissant, en particulier entre 1755 et 1756.
11Ainsi, une soixantaine de peintures antiques était présentée au Collège romain à la fin des années 1750. Les premiers fragments seraient apparus sur les murs du musée au tout début de cette décennie : dans sa Descrizione di Roma, Francesco Eschinardi mentionne « une peinture représentant un Forum, une Basilique, et des maisons, que l’on peut voir au musée du Collège Romain, avec d’autres, que l’on prétend avoir été retrouvées dernièrement et qui demandent beaucoup de réflexion au sujet de leur antiquité, quand on voit la Basilique, et les maisons sans les vestibules extérieurs, qui pourtant étaient très fréquents dans les temples, et que l’on appelait portiques, comme on le voit en particulier au Panthéon, aujourd’hui Sainte Marie aux Martyrs, ou la Rotonde25 ». D’après cette description, ces œuvres ressemblaient probablement aux peintures représentant des architectures dont un exemple fut publié dans Le Pitture antiche delle grotte di Roma en 1706 et plusieurs autres copiées par Gaetano Piccini (fig. 21 et 22)26. Eschinardi est le premier à décrire les peintures du Collège romain, mais aussi le premier à émettre des doutes au sujet de l’antiquité de ces peintures ; il ne sera pas le seul visiteur à émettre des réserves à ce sujet. Quelques mois plus tard, Charles-Nicolas Cochin, qui voyage en Italie avec Monsieur de Vandières, voit à Rome, dans la bibliothèque du Collège romain, ces mêmes « tableaux antiques » : « l’un représente la vue d’une côte maritime avec une ville sur les bords de la mer, l’autre une place intérieure d’une ville, ils paraissent avoir été faits d’après nature ». Cochin n’est pas non plus certain de l’authenticité de ces peintures : « Leur conservation m’aurait fait soupçonner leur antiquité mais on m’assure qu’ils ont été trouvés dans des ruines romaines27. » Il précise que « ce sont des morceaux de muraille » et remarque que « la perspective y est bien observée »28. Un autre visiteur, Scipione Maffei, s’étant rendu au musée en 1750, décrit un autre fragment représentant un satyre, sans faire plus de commentaire sur l’œuvre29. Winckelmann verra à son tour cette peinture en 1756 et la décrira comme « un jeune faune étrusque avec une grande verge30 ».
12Le musée du Collège romain n’était pas la seule collection romaine dans laquelle étaient conservées des peintures antiques. D’autres collections possédaient des fragments d’enduit peint dont l’origine était, la plupart du temps, bien établie. Il s’agissait, pour la majorité, de peintures trouvées lors de fouilles effectuées au xviie siècle à Rome ou dans ses environs, et qui étaient présentées dans les pavillons de jardin ou les bibliothèques à côté de marbres de renom. Mais en 1750, soit une dizaine d’années après le début des fouilles à Herculanum, rares étaient les collectionneurs romains pouvant se vanter d’avoir dans leur collection des fragments provenant de cette cité.
13Or, une lettre de Taitbout au comte de Caylus, datée de 1750, nous apprend qu’un cardinal dont il tait le nom montrait à Rome des peintures d’Herculanum qu’il avait mystérieusement réussi à se procurer. Le roi de Naples ayant eu vent de ce scandale en fut irrité mais, ne pouvant prouver le vol, il ne put rien faire d’autre que de prendre des mesures plus strictes sur le contrôle des exportations. Selon Taitbout, plusieurs personnes furent arrêtées à Naples et emprisonnées à la suite de cette affaire31. Malgré cela, les exportations clandestines de peintures d’Herculanum et de Pompéi se poursuivirent, et Thomas Hollis, de retour de Naples, envoya en Angleterre un fragment de peinture antique qu’il s’était procuré au cours de l’année 1752 « dans les ruines de Pompéi »32. Dans une lettre au professeur Ward où il mentionne l’envoi du fragment, il regrette que le roi de Naples refuse obstinément de lâcher « la moindre écaille de peinture antique alors qu’il en a des pièces pleines33 ».
14L’apparition de peintures antiques dans les collections romaines n’était donc pas nouvelle, mais les fragments recherchés dans les années 1750 étaient ceux qui provenaient des fouilles napolitaines, vers lesquelles étaient tournés tous les regards des antiquaires.
15Le père Contucci, passionné d’antiquités, travailla beaucoup pour accroître la collection dont il avait la charge. Lorsqu’en 1756, fraîchement arrivé à Rome, Winckelmann visita le Collège romain, le nombre de peintures antiques qui y étaient présentées avait augmenté, puisqu’il mentionne vingt-sept fragments dans ses notes. Il décrivit brièvement les sujets représentés et remarqua la présence d’étranges inscriptions (carattere)34. Toutes les peintures n’avaient pas pour origine Herculanum, puisque l’historien allemand indique dans son Histoire de l’art que sept fragments présentés au musée Kircher avaient été trouvés « au pied du mont Palatin, sur le côté du Circus Maximus35 ».
16Les jésuites étaient fiers de leur collection. C’est pourquoi ils publièrent en 1763 les gravures de cinq peintures leur appartenant dans une édition de Virgile, comme illustrations du texte du poète latin36. Les gravures montrent des compositions chargées, très baroques, avec des personnages aux attitudes outrées et foisonnant d’effets théâtraux : plusieurs plans sont représentés, les divinités sont assises sur des nuages et l’aspect dramatique des scènes est accentué par une ambiance nocturne (fig. 23-27 et cat. 14, 16-19). Ces peintures étaient exposées sur les murs du musée, puisque Winckelmann les décrit dans ses notes37. La cohérence thématique des compositions laissait penser qu’ils provenaient d’un même monument.
17Les peintures de la collection des jésuites semblent toutes illustrer de grands sujets de la littérature et de la mythologie classique. Elles sont plus proches de la grande peinture et peuvent être assimilées à la peinture d’histoire. C’est le cas d’autres peintures alors en vente clandestinement à Rome, comme l’une de celles dont La Condamine fit l’acquisition auprès du restaurateur Guerra : ce fragment, de grand format, « représente un homme assis sur un tapis entre trois femmes nues qui le parfument ; il y a des cassolettes et des vases d’or. Un jeune homme couronné s’avance vers lui, et paroît lui parler : une épée suspendue par un fil au plancher, répond sur la tête de cet homme ; c’est le districtus ensis cui super impia cervice pendet d’Horace, c’est à dire l’aventure de Damoclès à la cour de Denys38. Le fond du tableau qui représente un appartement, est décoré de panneaux avec des tableaux en camaïeu, où l’on distingue quelques sujets de la fable ; des chars, une déesse ». La Condamine croit « que l’un représente Vénus et Adonis ». Il ajoute que « le dessin n’est pas bien pur, mais la manière est facile ; la perspective est mal observée ». Il a « remarqué dans ce tableau et dans les autres, que les pieds ont l’air d’avoir été chaussés ; l’orteil est tourné en dedans comme celui des pieds modernes, contraints et défigurés par les souliers39 ». D’autres collectionneurs achetèrent, toujours auprès de Guerra, des peintures antiques d’Herculanum représentant des sujets épiques : le cardinal Feroni acquit ainsi en 1756 une peinture représentant Hélène et Ménélas, dont la composition est encore une fois très proche de l’une des peintures publiées par les jésuites, Hélène cachée derrière la statue de Minerve40. Là encore, une scène de l’Énéide est représentée dans une atmosphère nocturne et dramatique (cat. 13 ; fig. p. 159).
18Cependant, toutes les peintures d’Herculanum en vente à Rome ne représentent pas des sujets aussi importants. Des compositions plus simples sont peintes sur des fragments présentés au musée Kircher ou dans les collections privées : les deux autres fragments acquis par La Condamine en sont un exemple. Ce sont de petits morceaux « de sept pouces sur quatre et demi » (soit environ 19 × 12 cm), peints en camaïeu de couleur gris verdâtre, sur fond rouge. Le premier représente « une victoire ailée, nue sur un piédestal ; la figure très maigre, fort grêle, très longue, le cou surtout ; les jambes et les mains mal dessinées, les mains ouvertes en dominus vobiscum, les ailes éployées ; le piédestal rond avec quelques moulures dans la frise ». L’autre représente « un bacchant, car c’est un homme, assis sur un piédestal carré, dont la frise est concave, et qui pose sur deux marches : la figure tient une coupe qu’elle élève au-dessus de sa tête et qu’elle regarde ; l’autre main est appuyée sur le piédestal ; deux demi festons de treille chargés de grappes de raisin, qui partent du milieu du haut du tableau, vont se perdre des deux côtés à la hauteur de la tête de la figure ; les feuilles et les raisins sont coloriés au naturel. La figure, comme l’autre en camaïeu, est un peu moins mal dessinée, mais dans le même goût ». Les descriptions faites par Winckelmann des peintures du musée Kircher témoignent d’un certain nombre de représentations à sujets simples41.
19Ainsi, tandis qu’à Herculanum les fouilleurs trouvaient en grand nombre des figures volantes, des candélabres et de nombreux motifs décoratifs, plus rarement des scènes mythologiques telles qu’elles plaisaient aux amateurs de peinture du xviiie siècle, les peintures vendues à Rome appartenaient à cette dernière catégorie, comme si les voleurs avaient eu la chance de pouvoir dérober les meilleurs pièces. Or, toutes ces peintures étaient de même nature que celles qui avaient été vendues à Barthélemy et La Condamine : il s’agissait de contrefaçons. On n’allait pas tarder à découvrir qu’elles étaient réalisées par l’artiste qui prétendait les restaurer, Giuseppe Guerra. La supercherie, démasquée d’abord dans le cercle français, fut dévoilée complètement et présentée au public lors de l’enquête effectuée par les autorités napolitaines.
L’enquête de Naples
20Malgré toutes les précautions prises à Rome afin que la vente de peintures antiques restât secrète, l’affaire finit par être connue à Naples42. Le père Piaggio, employé au Musée de Portici pour dérouler les papyrus retrouvés récemment à Herculanum, reçut la visite du père carmélite Agostini, un de ses amis, qui désirait voir les peintures43. Ce dernier lui confia avoir acheté plusieurs peintures antiques à Rome, qu’il avait payées en partie avec de l’argent et en partie en troc, sa solde monastique ne lui permettant pas de s’acquitter de la totalité de la somme. Il désirait comparer le style et le coloris de ses peintures avec ceux des fragments présentés à Portici et, surtout, il cherchait l’explication des sujets qui y étaient représentés, pensant pouvoir trouver un éclaircissement dans l’observation des peintures d’Herculanum. Voyant les fragments que lui montrait son ami, le père Piaggio comprit qu’Agostini avait été dupé et chercha à lui faire entendre raison, sans succès. Le père Agostini ne le crut pas et repartit, conservant l’idée avec laquelle il était venu44.
21Cet épisode suffit à alerter les autorités napolitaines car, peu de temps après, le roi de Naples prit l’affaire au sérieux et décida de la tirer au clair. En effet, à la suite de la visite d’Agostini, Piaggio alerta le directeur du Musée de Portici, Camillo Paderni, qui feignit de ne pas s’intéresser à l’affaire mais courut pourtant prévenir le roi de Naples45. Le 3 décembre 1757, Tanucci ordonna au duc de Cerisano, ambassadeur de Naples à Rome, de faire une enquête sur les peintures d’Herculanum en vente clandestinement dans cette ville.
22Cette investigation était tout d’abord destinée à faire la lumière sur le vol de peintures, car les autorités napolitaines ne soupçonnaient pas la fraude. Le roi de Naples était particulièrement jaloux des découvertes faites à Herculanum et ne tolérait pas qu’un autre que lui pût posséder ces précieuses peintures. Or, les fouilles révélaient un nombre croissant d’enduits peints, et le Musée de Portici se remplissait de fragments, si bien qu’un problème de place commençait à se poser. Les responsables des fouilles avaient donc décidé de sélectionner les fragments à déposer, délaissant les motifs trop communs ou les peintures trop lacunaires. Tous ces enduits délaissés étaient susceptibles d’intéresser les collectionneurs et, pour prévenir le vol, les autorités napolitaines décidèrent de procéder au piquetage des enduits restés en place. Le 4 décembre 1757, Tanucci ordonna à Paderni la destruction des petits motifs laissés in situ46. Cette décision intervint donc au lendemain du début de l’enquête sur la vente de peintures à Rome, ce qui montre qu’elle participait de la même intention : mettre fin au vol présumé de peintures47.
23L’enquête débuta et les premières recherches conduisirent à Andrea Mercati, peintre de faible renommée qui avait vendu des peintures à un marchand étranger48. Selon cette enquête, le marché principal se tenait à Florence. Le marchand étranger, du nom de Giuseppe Guerra, était en réalité le peintre qui prétendait nettoyer ces peintures. Il habitait près de Santa Maria sopra Minerva et déménageait souvent49. Centomani, un avocat envoyé par Cerisano, se rendit dans son mystérieux atelier, situé près des écuries du prince Chigi50. Là se trouvaient trois peintures : une Bacchanale, une Scène d’épousailles et une plus grande représentant Jupiter sur un globe, le foudre dans les mains. Guerra assura à Centomani que d’autres peintures, de meilleure facture, arriveraient dans les trente ou quarante prochains jours. Il lui montra son art d’enlever les concrétions recouvrant les œuvres et qu’il appelait « tartre ». Centomani, peu expert en antiquités, considéra que les peintures étaient authentiques51.
24Un certain Bargello fut ensuite envoyé comme espion, afin de déterminer d’où venaient les peintures et qui les transportait. Les autorités napolitaines lui promirent 20 sequins pour son succès. Or, le mosaïste du Vatican, Pio Lazzarini, auquel il demanda des informations sur le sujet, l’envoya sur une fausse piste, lui assurant que les peintures étaient trouvées dans les environs de Naples et exportées clandestinement dans des charrettes recouvertes de foin52. Bargello tenta de poursuivre son enquête dans les théâtres et les tavernes, mais il n’apprit rien de plus.
25Cerisano, croyant Guerra coupable de vendre des peintures antiques volées au roi de Naples, demanda son arrestation au vice-régent. Celui-ci renvoya la demande au secrétaire d’État, qui se contenta d’ordonner l’interrogation de Guerra par le vice-régent. Guerra confessa alors que les peintures ne venaient pas de Naples et qu’il était prêt à en céder trois, sans doute celles que Centomani avait vues dans son atelier53. Or, le lendemain, il affirma s’être défait de ces peintures. Sous la menace, il avoua enfin en être l’auteur et les trois peintures furent finalement acquises par les autorités napolitaines, qui désiraient les comparer à celles d’Herculanum54. Les peintures avaient été cédées au cardinal Feroni, qui les avait tenues cachées afin de ne pas porter préjudice à Guerra, dont, selon l’argument de ses protecteurs, l’activité de faussaire était le seul moyen de subsistance55.
26Les dissemblances flagrantes entre les peintures vendues par Guerra et les peintures d’Herculanum permirent de prouver l’imposture. Guerra fut ensuite mis à l’épreuve : on lui demanda de copier, à Rome, la peinture d’Achille et le centaure Chiron, d’après la gravure qui en avait été faite par Rocco Pozzi sur un dessin de Francesco La Vega (fig. 28). Guerra devait travailler sur un enduit blanc, probablement un enduit antique réemployé, et deux personnes venaient contrôler régulièrement l’avancement de l’œuvre. Une fois la copie réalisée, elle fut comparée avec les trois autres peintures prétendument antiques et avec l’œuvre originale. La peinture de Guerra apparut très semblable à celles qu’il avait vendues et très éloignée de la peinture d’Achille, ce qui confirma la supercherie56.
27La cour de Naples accorda à Guerra un paiement de 100 écus pour « quatre tableaux peints de façon à apparaître antiques », comme cela fut spécifié sur le document bancaire, mais la cour pontificale proposa de modifier cet intitulé avec la variante suivante : « pour s’être ingénié comme il a pu à imiter l’antique57 ». Cela signifie donc que le faussaire bénéficiait probablement de protections en haut lieu ; c’est pour cette raison qu’il ne fut jamais véritablement inquiété et qu’il poursuivit son activité jusqu’à sa mort, en février 1761. Le faussaire n’avoua sans doute jamais sa véritable activité, comme le laisse penser la lettre de Paciaudi, qui écrit à Caylus que « Guerra a trompé beaucoup de monde, mais il ne veut pas en convenir ». Au moment où Paciaudi rédige cette lettre, c’est-à-dire un an et demi après le dévoilement de la supercherie, « Guerra fait chaque jour des peintures de diverses grandeurs, selon le désir des acheteurs. Tout le monde le sait ; mais lui, il soutient fermement qu’il les a trouvées hors de Rome, dans des ruines qui sont à sa seule connaissance58 ».
28La supercherie fut rendue publique grâce au récit de l’histoire dans la préface du deuxième volume des Antichità di Ercolano, afin d’éviter que d’autres collectionneurs ne tombent dans le piège. Pour que les voyageurs soient avertis, les quatre peintures de Guerra achetées par le roi de Naples furent exposées quelque temps au Musée de Portici avec un cartel explicatif. Or, Piaggio nous apprend que ces œuvres furent rapidement retirées des murs et placées dans les réserves pour être cachées des yeux du public59. Ceci fut fait après que Charles de Bourbon fut monté sur le trône d’Espagne, en août 1759.
29La nouvelle de la supercherie se répandit peu à peu à Rome. Elle dut faire quelques remous dans le milieu antiquaire, car il en est fréquemment question dans les correspondances de la fin des années 1750. Une lettre de Mariette à Bottari, datée du 18 novembre 1759, relate l’affaire et nous apprend qu’une copie d’une des peintures de Guerra fut réalisée par un pensionnaire de l’Académie de peinture afin que l’on puisse l’envoyer en France et juger de la tromperie60. Malgré le dévoilement de l’affaire, Guerra put continuer à vendre des faux, puisque Winckelmann nous apprend qu’il vendit en 1760 une de ses œuvres à un Anglais pour six cents écus61.
Le mécanisme de la supercherie
Le complice orfèvre
30Lorsqu’au début de l’année 1802, Antoine Serieys (1755-1829) demande à l’abbé Matthias Zarillo (1729-1804), numismate et membre de l’Accademia ercolanese, son avis sur les lettres de l’abbé Barthélemy qu’il s’apprête à publier, ce dernier raconte la visite qu’il fit en 1758 au musée du Collège romain : « Me trouvant un jour à Rome avec le prince de la Roccella, j’allai voir ce Musée ; je parlai au P. Contucci avec bien plus de franchise que M. Barthélemy. Ce jésuite me montre non seulement ces fausses peintures, mais encore des sistres, des lampes, des candélabres et d’autres pièces de bronze, qu’il disoit sortis des fouilles d’Herculanum, m’insultant, moi, les académiciens mes confrères, et la cour de Naples elle-même. – Et nous aussi, disoit-il, malgré toutes vos rigueurs, nous pouvons montrer dans notre Musée, des peintures et des bronzes d’Herculanum. – Vous ne tarderez point, lui répondis-je, à reconnaître le prix de ces peintures (on travailloit alors à découvrir leur fabricateur)62 ; mais quant à ces sistres et à ces bronzes, j’ose vous dire franchement aujourd’hui, qu’ils sont encore tout chauds du feu des forges romaines ; ils sentent encore le moderne vernis artificiel63. »
31Parmi les objets présentés au musée Kircher se trouvaient donc non seulement des contrefaçons de peinture antique, mais également de faux bronzes antiques. Ces œuvres se présentaient sous différentes formes, parfois assez inattendues : « L’abbé vous aura sans doute mandé que nous avions vu chez le P. Contucci une inscription en bronze des mêmes caractères [que sur les peintures] ; ils n’ont guère que trois lignes au plus de hauteur : ce sont de petites lames de bronze, de l’épaisseur d’un ongle, encastrées dans du stuc. Je n’ai jamais vu, ce n’est pas beaucoup dire, mais personne, je crois, n’a vu rien de pareil ni dans ce goût-là. Nous les avons chacun copiés ; j’en ai une copie bien fidèle », écrit La Condamine à Caylus64. Cette inscription dite « de Palmyre », mentionnée également par Barthélemy, faisait écho aux fausses peintures puisqu’elle présentait la même écriture mystérieuse. « Cette inscription que le P. Contucci regarde comme une preuve très authentique qui constate la vérité des peintures, m’en feroit plutôt douter, si je les croyois vraies, qu’elle ne me persuaderoit de leur antiquité », poursuit La Condamine65.
32L’orfèvre et le peintre se sont donc associés pour monter une fraude encore plus complexe que ce que l’on aurait pu supposer. En fabriquant à la fois des enduits peints, des objets en bronze et des inscriptions, ils ont créé un monde antique imaginaire mais cohérent. Cela rendait la supercherie plus difficile à dévoiler, mais aussi plus risquée, car la révélation de l’un des éléments pouvait entraîner la chute de l’édifice entier. Comprenant que les peintures n’étaient pas authentiques, les voyageurs réalisèrent rapidement que les bronzes, qui portaient les mêmes inscriptions étranges, ne l’étaient pas non plus.
33Le plus célèbre des faussaires d’objets en métal actif à Rome pendant cette période est sans conteste Carlo Gropalesi, que nous avons déjà mentionné dans notre introduction. Gropalesi vendit à Paciaudi la façade du temple d’Antonin le Pieux en argent, copiée sur les restes du bâtiment que l’on peut voir encore aujourd’hui sur le forum romain66. « Cette pièce [...] a été trouvée depuis peu en bâtissant une maison. Nos antiquaires en sont charmés ; mais il est certain qu’elle n’est point du temps d’Antonin. Les chapiteaux des colonnes sont trop gothiques et les lettres de l’inscription trop grandes. À quel usage peut-elle avoir servi ? », écrit Paciaudi à Caylus, alors qu’il lui envoie l’objet67. Paciaudi découvrit rapidement l’imposture car, le mois suivant, il nomma l’orfèvre qui en était responsable dans une lettre à Caylus : « Je n’ai jamais vu, ni entendu nommer, ni trouvé rapporté dans aucun muséum les plats de bronze argentés. Dans tout l’immense mobilier d’Herculanum il n’y a rien qui ressemble à ce genre de manufactures. La vigilance avec laquelle on garde les fouilles à Naples, peut bien être trompée par le vol de quelque petite pièce, mais jamais par celui de six plats. Ce sera vraisemblablement une imposture. À Naples on falsifie plusieurs monumens, et on les envoie à l’étranger comme découverts à Herculanum. Nous avons ici deux brocanteurs génois qui, aidés par l’orfèvre Charles Gropalesi, font de grandes faussetés. Je sais qu’il a été fait un envoi en France de plusieurs pièces falsifiées, qu’on dit reçues de Naples pour tromper les Français, et on en prépare autant pour l’Angleterre. Vous êtes signalé, et comme on sait que vous achetez beaucoup, on songe à vous donner des choses postiches : tenez-vous en garde. J’ai vu un sistre d’argent et un chat sur un piédestal travaillés par Gropalesi, qui sont merveilleux [...]. Néanmoins comme en genre d’antiques, la terre donne quelquefois des choses neuves, et qu’on n’a jamais vues, il pourroit se faire que les plats ne fussent pas contrefaits, s’ils venoient d’autre part que d’Herculanum68. » L’inauthenticité de l’objet n’empêcha pas Caylus de le publier dans le cinquième volume du Recueil d’antiquités, tout en dénonçant la supercherie : « Ce Bas-relief en argent a été copié, ou plutôt pris en général d’après les Médailles d’Antonin, sur lesquelles on voit de pareilles représentations de temples. Cet ouvrage est d’un Orfèvre de Rome, nommé Carlo Gropalesi69. » Plusieurs antiquaires furent dupés par l’objet, mais Caylus affirme que même si on lui avait présenté l’objet pour antique, il aurait rapidement douté de son authenticité : « Il m’aurait peut-être également trompé, si je n’avois été averti par ceux qui ont eu la bonté de me l’envoyer de Rome [c’est-à-dire Paciaudi]. Je dirai cependant que le chapiteau des colonnes convient si peu au temps des Antonins, qu’il m’auroit donné quelques soupçons, & que les lettres de l’Inscription n’auroient servi qu’à les augmenter. D’ailleurs la couleur que le temps donne à l’argent, est imitée de façon très suspecte70. »
34Des bronzes venant d’Herculanum, des lettres qui donnent quelques soupçons, une patine « imitée » : tous ces éléments sont proches de ceux qu’a utilisés Guerra pour construire sa supercherie. Aucun indice dans les récits des témoins de l’affaire ne nous permet cependant d’affirmer que c’est précisément avec Gropalesi que Guerra s’est associé pour pousser plus avant la fraude. Comme le remarque Paciaudi, l’art de falsifier les choses était parvenu à un tel degré qu’il fallait savoir être vigilant, car il était pratiqué par un grand nombre d’artistes71. Les marchands n’étaient pas non plus en dehors de tout soupçon, puisque Paciaudi suspectait Francesco Alfani de lui vendre régulièrement des œuvres modernes pour antiques72. Le marché des antiquités, florissant à Rome en ce milieu du xviiie siècle, était propice à l’apparition de faux dans tous les domaines de l’art antique. Les artistes les plus rusés n’hésitèrent pas à s’adonner à la contrefaçon, voire à s’associer pour parfaire la fraude, et les marchands les suivirent.
Les complices de haut rang
35« Les trompeurs font toujours quelques fautes. Les bagatelles qui paroissent indifférentes au général des hommes, servent souvent à déceler leurs friponneries ; mais quand ils ne sont qu’Artistes, leurs erreurs sont plus fréquentes. Ils ont besoin d’être guidés par des hommes instruits des différences que présentent les siècles. Il est vrai que les Gens de Lettres prêtent rarement leur ministère à de pareilles tromperies : l’avarice, ou le goût de la marchandise peuvent seules les engager à ces sortes de bassesses73. » Caylus fait cette remarque à propos de Gropalesi, mais il pourrait tout aussi bien parler de Guerra. Celui-ci, en effet, sut s’entourer et sa supercherie impliqua un certain nombre de personnes. Outre le bronzier avec lequel il s’était associé, Guerra bénéficia de la complicité de personnages instruits, qui le guidèrent dans le choix des sujets et des motifs à représenter sur ses peintures.
Contuccio Contucci
36Le rôle joué par Contucci dans la fraude de Guerra est difficile à établir avec certitude : à la lecture des témoignages, il apparaît comme la dupe la plus importante de toute l’affaire. Il fit l’acquisition du plus grand nombre de contrefaçons, il communiqua son enthousiasme aux autres collectionneurs qui s’empressèrent d’en acheter à leur tour et il nia l’évidence une fois la supercherie dévoilée. Il semble étonnant qu’un homme tel que lui, érudit et antiquaire, ait pu se laisser prendre à une telle fraude. Pourtant, l’étude de l’histoire des fraudes montre que bien des savants, experts de haut niveau, ont été abusés par des faussaires avec des tromperies parfois très grossières. Citons simplement le cas de Michel Chasles, trompé par Vrain-Lucas, un clerc d’avoué qui rédigeait de fausses lettres autographes de personnages historiques74. Vrain-Lucas recherchait ses dupes parmi de riches personnages âgés. Contucci était lui aussi âgé au moment de la fraude, mais c’est surtout la fonction qu’il occupait qui en fit une cible providentielle pour le faussaire. Directeur du musée Kircher, il allait pouvoir exposer les faux et leur faire une publicité incomparable. Savoir s’il fut vraiment dupe est difficile à déterminer, car il pourrait aussi bien être le principal complice. Examinons ce que disent de lui les témoins de la fraude.
37Lorsque Barthélemy conçut de sérieux doutes sur l’authenticité de la peinture qu’il avait achetée pour Caylus, il alla voir le père Contucci pour lui en faire part, ce qui « l’ébranla un peu75 ». Puis, quand La Condamine tenta à son tour de lui ouvrir les yeux sur la supercherie, le père Contucci ne voulut rien entendre. Il chercha au contraire à prouver l’authenticité des peintures conservées dans son musée76. La négation de l’évidence est manifeste de la part du directeur du musée Kircher ; reste à en comprendre les raisons.
38Une fois la supercherie révélée publiquement par la cour napolitaine, plusieurs personnes commencèrent à croire à l’implication du père Contucci dans l’affaire : « Nous ne croyons pas que ces peintures soient antiques, et il y en a qui pensent qu’elles sortent de la boutique du père C. Dites-moi si vous en savez quelque chose, ou si vous croyez que nous nous sommes trompés », écrit Mariette à Bottari77. Quelque temps plus tard, les doutes sur la complicité du directeur semblèrent confirmés, car Paciaudi apprit que « le père Contucci étoit à la tête de cette imposture : que c’étoit lui qui donnoit les pensées et les sujets à peindre ; que l’on faisoit tout pour son compte et qu’il retiroit la plus grande partie de l’argent des ventes : qu’il en avoit fait faire jusqu’à présent soixante-deux, et qu’il en restoit seulement à vendre dix-sept78 ».
39Caylus, qui relate brièvement l’histoire de la supercherie dans le quatrième volume de son Recueil d’antiquités, n’avait pas encore eu cette information et préféra laisser le bénéfice du doute au père Contucci : « On accuse le Sr. Guerra, Peintre Vénitien, qui demeure à Rome, d’avoir été le principal auteur de cette fourberie : je ne veux pas nommer l’Antiquaire qu’on dit lui avoir prêté son ministère. » Lisant ces mots, Paciaudi répondit : « L’article que vous m’avez communiqué est très beau ; on y trouve toute la modération possible envers les fourbes et les faussaires ; il suffit pour éclairer celui qui est au courant, mais il n’est pas assez détaillé pour prévenir et instruire la postérité », suggérant sans doute ainsi qu’il aurait fallu donner le nom du coupable : Contucci79. Quelques mois plus tard, Paciaudi semble n’être plus autant convaincu de la culpabilité du directeur : « J’ignore si le père Contucci a agi de bonne ou de mauvaise foi. D’abord il acheta et conserva une grande quantité de ces peintures, et il les croyoit vraiment antiques ; par la suite, il les a revendues. Je n’oserois dire s’il a été de moitié avec Guerra, ou s’il a été sa dupe ; il me paroît qu’un homme aussi instruit que ce jésuite, devoit se tenir en garde contre une charlatanerie dont Rome entière étoit convaincue80. »
40De son côté, Winckelmann émit lui aussi des doutes sur l’innocence de Contucci dans l’affaire. L’Allemand fréquentait régulièrement le Collège romain, où il assistait tous les dimanches soirs à des conversations antiquaires avec Contucci, qu’il dit son ami, et monseigneur Antonio Baldani81. Au printemps 1758, après son retour de Naples où il avait pu observer les peintures d’Herculanum au Musée de Portici, Winckelmann commença à avoir de sérieux doutes sur l’authenticité des peintures qui étaient exposées chez les jésuites82. Il faut dire que la supercherie de Guerra avait fait grand bruit à Rome et qu’il en avait eu vent, puisqu’en juillet 1758 il connaissait l’identité du faussaire83. Afin d’en avoir le cœur net, il avait fait part de ses soupçons à Baldani ; celui-ci lui avait répondu : « Je ne sais que vous dire : parfois il vaut mieux garder un sentiment de confiance, et ne pas vouloir chercher trop loin dans l’Antiquité et les mystères des Jésuites84. » Dans une lettre à Bianconi où il relate l’affaire, Winckelmann ne présente plus Contucci comme son ami et écrit que le directeur du musée du Collège romain montrait les peintures antiques de son musée par ruse85.
41Contucci serait-il donc à l’origine de toute l’histoire, comme l’a pensé un moment Paciaudi ? Dans ce cas son rôle serait bien plus ambigu que celui du faussaire, car il se serait servi de son savoir antiquaire et de sa position de directeur de musée pour appuyer l’imposture. S’il est vrai qu’il « donnait les sujets à peindre », alors il était probablement complice de Guerra. Ses connaissances lui permettaient de répondre plus précisément à la demande antiquaire et, par ses commandes au faussaire, il pouvait réaliser le rêve de tout amateur de l’Antiquité : voir illustrés les textes des auteurs classiques. Guerra donne un visage à Damoclès, à Hélène, et il invente une écriture indéchiffrable. Les compositions sont mystérieuses et l’antiquaire a sans doute contribué à les rendre plus obscures encore, choisissant des passages de la littérature classique peu familiers, que seuls les érudits parviendraient à reconnaître. Les peintures de Guerra flattaient ainsi le spectateur, qui concevait une grande fierté lorsqu’il avait réussi à en identifier le sujet.
42Les fraudes orchestrées par d’éminents savants ne sont pas rares dans l’histoire des contrefaçons. Elles leur permettent de prouver une théorie pour laquelle il manque des évidences matérielles. Helbig a fabriqué la fibule de Préneste afin d’étayer ses théories et pour accéder à une reconnaissance professionnelle qu’il peinait à obtenir86. Les fraudes permettent aussi d’augmenter le prestige d’un site ou d’une collection. Dans le cas présent, les motifs du directeur du musée sont plus complexes : il est certain que Contucci, grâce à cette supercherie, a réussi à intéresser le public à son musée. Le musée Kircher, qui porte le nom de son fondateur, Athanasius Kircher, n’avait, en 1750, pas foncièrement changé depuis son ouverture. Contucci tenait à mettre en valeur la collection par l’acquisition de nouveaux objets. À la fin des années 1730, les legs successifs d’antiquaires de renom, Ficoroni et Capponi, avaient permis l’entrée dans la collection d’œuvres majeures, telle la ciste trouvée à Préneste par Ficoroni. Contucci, nommé directeur de la pinacothèque du Collège romain en 1741, puis directeur du musée Kircher en 1751, souhaitait poursuivre l’agrandissement de la collection. Il acheta un très grand nombre de bronzes ainsi que les « peintures d’Herculanum », et il insistait sur le prix que ces objets avaient coûté. Ces objets avaient un prix élevé car il s’agissait d’œuvres (prétendues) rares et prestigieuses par leur provenance. Mais l’augmentation de la valeur de la collection n’était que feinte, et Contucci semble avoir préféré présenter un grand nombre d’objets pseudo-antiques plutôt qu’un petit nombre d’antiquités authentiques. Les bronzes furent publiés entre 1763 et 1765 dans un ouvrage en trois volumes ; Contucci projetait de publier également les peintures, mais le projet ne fut pas mené à terme à cause de la découverte de la supercherie.
43Riche en bronzes et peintures, cette collection romaine était alors la seule qui pouvait rivaliser avec celle du roi de Naples, la plus prestigieuse collection d’antiquités en Europe. Quelle que soit la nature du rôle joué par Contucci dans la tromperie, qu’il ait été dupe ou mystificateur, il a largement contribué à son succès. Si l’un des plus grands antiquaires de Rome accordait du crédit à ces peintures, on pouvait les acquérir sans hésiter.
Le soutien des cardinaux
44Au début des années 1750, l’affaire a, semble-t-il, commencé dans un milieu à la fois religieux et antiquaire, puisque la première peinture d’Herculanum montrée à Rome se trouve chez un cardinal, dont nous ignorons malheureusement le nom. Il semblerait cependant que les toutes premières contrefaçons de peinture antique de Guerra soient apparues à Naples. En effet, Taitbout, le consul de France à Naples, écrit dans une lettre à Caylus datée du 8 novembre 1751 : « Il y a déjà du tems, on m’en fit voir [des peintures antiques], avec beaucoup de façons et de mystère, deux morceaux trouvés, prétendoit-on, l’un à Pouzzole, l’autre en un lieu qu’on ne pourroit pas bien, ou qu’on n’oseroit dire : (c’étoit pour qu’on le crût d’Hercules). On en avoit, rapportoit-on, refusé vingt-cinq sequins, et, vu l’inquiétude où tenoient de tels morceaux, on se contenteroit de cinq sequins de plus. Ils étoient tous deux peints sur de la pierre, auparavant couverte d’un enduit. Je déclarai que je me défiois trop de mes connaissances pour traiter, sans le secours de quelqu’un, de morceaux du prix qu’on m’en demandoit ; je voulois donc les faire examiner, mais de longtemps ensuite, les momens n’ont été favorables pour cela ; du moins, on me le disoit, et comme je l’ai su, c’est qu’on se flattoit de faire mieux affaire avec le secrétaire impérial. En effet, après plusieurs pour-parlers, il eût, volontiers, donné quarante sequins ; si dans une critique plus exacte, avant que bourse délier, il n’eût pas reconnu l’un des morceaux pour être contrefait ; car de l’autre, il ne sauroit encore qu’en dire87. » Taitbout ajoute que le secrétaire impérial de la cour napolitaine, le marquis Fogliani, a bien failli se laisser duper, mais, connaissant les véritables peintures d’Herculanum, il ne s’est pas laissé prendre à la mystification.
45C’est après ce mini-scandale napolitain que l’on retrouve les peintures dans la collection du musée du Collège romain et chez des cardinaux, puisque le cardinal Passionei et le cardinal Feroni en avaient acquis chacun une. Lors de l’enquête napolitaine sur la fraude, le cardinal Feroni chercha à protéger Giuseppe Guerra, puisqu’il avait caché chez lui les peintures suspectes qui se trouvaient dans l’atelier du faussaire. Ce geste est presque un aveu de complicité. Ce qui est étrange, c’est que les protecteurs de Guerra sont soit des jésuites, soit d’ardents partisans de leur cause, comme le cardinal Feroni. Ce dernier semblait avoir un devoir d’obéissance envers l’ordre : « Le cardinal Ferroni (sic) vient de mourir. Il a nommé son exécuteur testamentaire F. Franchini, de la compagnie de Jésus. [...] malgré tout ce qui arrive à la société des Jésuites, elle a encore ici de puissans protecteurs en cette cour & dans tous les ordres de l’état, parmi lesquels il y en a plusieurs qui ont adopté leur institut, & qui sans en porter l’habit, sont néanmoins liés par des vœux, & surtout par celui d’obéissance, au Général de la Société, ou aux Supérieurs qui le représentent. Le cardinal Ferroni étoit de ce nombre, ainsi que le cardinal Oddi88. »
46La peine de Guerra fut atténuée par un autre cardinal, Alberico Archinto, qui occupait la fonction éminente de secrétaire d’État au sein du Vatican. La mort de ce dernier au moment où la cour napolitaine cherchait à condamner le faussaire fut préjudiciable à celui-ci, car il ne put récupérer l’argent qu’il réclamait89. Néanmoins, grâce à ce précieux soutien, il échappa à une punition sévère.
47Existait-il une dimension politique dans la supercherie ? Les peintures ont essentiellement été vendues à des anti-jésuites, les Français de l’entourage de Caylus et de Paciaudi, anti-jésuite convaincu, au cardinal Passionei, favorable à la dissolution de l’ordre. La vente clandestine de peintures d’Herculanum portait ombrage au roi de Naples, lui aussi favorable à la dissolution de l’ordre. Quant au cardinal Feroni, complice de la supercherie, il était foncièrement partisan des jésuites. Faut-il voir dans la supercherie un reflet de la querelle entre les jésuites et leurs opposants, auxquels elle cherchait à faire du tort ? Cette dimension politique n’était probablement pas la raison première de la fraude, mais elle l’a sans doute confortée.
48Les raisons de la supercherie sont plutôt à rechercher dans l’aspect lucratif que la vente de ces peintures représentait, puisqu’elles étaient vendues en moyenne 25 sequins. Cette somme était probablement à partager entre tous les complices et il s’agissait d’un montant relativement important au regard du salaire d’un modeste artiste ou d’un antiquaire, même directeur de musée90.
Les complices à Naples
49Guerra se rendait souvent à Naples afin d’y laisser ses peintures, qui étaient ensuite renvoyées à Rome où il allait les chercher avec son client, prétendant ainsi qu’elles avaient été découvertes dans les environs d’Herculanum91. Le faussaire « pour légitimer [ses peintures] se vantait des connaissances qu’il avait à Naples, et des liens qu’il avait avec les fouilleurs, les restaurateurs et les conservateurs des peintures d’Herculanum, ce qui était vrai, et il était sûr d’être cru, car l’on savait bien qu’il s’était souvent rendu à Naples, et que c’était de là qu’il recevait les peintures selon les commandes qu’on lui avait passées92 ». Lors de ces négociations, Guerra montrait à son client la réponse qu’on lui faisait de Naples, sous forme de lettres officielles et de documents relatifs au transport des œuvres. « Il conduisait lui-même son client à l’arrivée du navire, avant même que la caisse ne touche terre, comme c’est arrivé au père Régent [Agostini] dont j’ai parlé plus haut93. » La description que donne le père Piaggio du procédé avec lequel Guerra leurrait ses victimes est particulièrement édifiante. Tout ce manège était une astuce supplémentaire pour accréditer la supercherie, qui nécessitait la présence d’un complice : « Un certain Gunter, écrit Paciaudi, un français, qui travailloit avec un peintre vénitien, nommé Guerra, s’est avisé de porter à Naples deux peintures de leur atelier. La régence ayant entendu qu’on vendoit des peintures anciennes, conçut des soupçons pour celles d’Herculanum. On fit arrêter et appeler Gunter, qui maintenant est chez le consul de France94. » Guerra avait donc un apprenti qui l’aidait dans la tromperie ; malheureusement nous avons peu d’informations sur lui car aucun autre témoignage ou document ne fait mention de ce Gunter95. Les va-et-vient des peintures entre Rome et Naples finirent par alerter les autorités napolitaines, et c’est une des raisons pour lesquelles elles décidèrent d’enquêter sur ce trafic.
50Lorsque Guerra se rendait à Naples, il retrouvait un ami dont Piaggio préfère taire le nom96. Après l’enquête de Naples sur la fraude, cet ami avait reçu en consigne les peintures du faussaire et les avait exposées au Musée de Portici tant que le roi se trouvait à Naples. Mais une fois le roi parti pour l’Espagne, en août 1759, il s’empressa de ranger les peintures scandaleuses dans les réserves97. Or, qui d’autre que Camillo Paderni, directeur du musée, aurait pu avoir en consigne les peintures et prendre la décision de les exposer ? Les deux artistes, toujours selon Piaggio, s’étaient rencontrés à Rome, ce qui signifie que Guerra était à Rome avant que Paderni ne quitte cette ville pour s’établir à Naples, en 1748. Lorsque la supercherie de Guerra fut découverte, Paderni renia leur amitié et feignit de n’avoir aucune implication dans la réalisation des contrefaçons. Pourtant, de nombreux objets retrouvés à Herculanum ont inspiré les contrefaçons de Guerra : non seulement le faussaire a repris des motifs que l’on voyait dans les peintures exposées à Portici, mais en plus il a représenté dans ses compositions des objets en bronze qui se trouvaient au musée. Il avait donc un accès aux objets d’Herculanum, accès qui lui aurait été facilité par son amitié avec Paderni98. En réalité, l’implication exacte de Paderni dans la supercherie nous est inconnue. On ne sait pas s’il a participé activement à la fraude ou bien s’il s’est contenté d’aider son ami en lui fournissant des modèles pour ses peintures. Soulignons tout de même que c’est lui qui avait la tâche de détruire les enduits peints laissés in situ à Herculanum pour prévenir leur vol, alors qu’il savait très probablement que les peintures n’étaient pas volées mais contrefaites !
Giuseppe Guerra, peintre, copiste, restaurateur et... faussaire
51Qui était Giuseppe Guerra ? La biographie de cet artiste est loin d’être claire. Giuseppe Guerra était un personnage obscur, qui entretenait volontairement la confusion sur son activité, puisqu’il prétendait être restaurateur ou marchand de peintures qu’en réalité il fabriquait dans son atelier. L’activité de restaurateur était une astucieuse couverture pour le faussaire.
52Les auteurs qui se sont penchés sur la vie de Guerra n’ont pas toujours su démêler les fils des informations le concernant. Ces données sont en outre peu nombreuses, éparses. Il est difficile de savoir quel crédit leur accorder, même lorsqu’il s’agit de témoignages directs de contemporains de Guerra, car celui-ci tentait de brouiller les pistes, changeant fréquemment de lieu d’habitation et de nom. Nous avons essayé cependant de rassembler ici les sources le concernant et tenté de voir les informations qui peuvent en être tirées, afin de faire au mieux la lumière sur sa vie. Malheureusement, la perte de la correspondance concernant l’enquête menée par la cour napolitaine sur le faussaire nous empêche de lever la zone d’ombre qui plane sur sa vie.
Homonymes
53Son nom pose un premier problème, car celui qui est le plus communément employé pour le désigner, Giuseppe Guerra, est très courant en Italie ; on compte trois artistes homonymes au xviiie siècle. Ainsi, Consoli Fiego pense que le faussaire fut l’élève de Francesco Solimena (1657-1747) cité par De Dominici dans son ouvrage sur le peintre napolitain et qu’il serait devenu faussaire après la mort de son maître99. Cela paraît peu probable : les premières peintures de l’élève de Solimena ayant été réalisées dans les années 1700-1710, cela signifierait que Guerra aurait commencé son activité de faussaire alors qu’il avait plus de soixante-dix ans100. De plus, l’élève de Solimena était napolitain, tandis que le faussaire est fréquemment qualifié de vénitien dans les témoignages du xviiie siècle101. Cette confusion, qui apparaît dès 1763 dans le dictionnaire de Füssli, est reprise par de nombreux auteurs102. Or, dans le dictionnaire des peintres édité par Zani, la distinction entre les deux peintres est bien claire : Giuseppe Guerra, peintre napolitain bravissimo, actif entre 1707 et 1740, est sans conteste l’élève de Solimena. Giuseppe Guerra, peintre vénitien mais également contrafattore di pitture e incisore di stampe a bulino, né en 1709 et mort en 1761, est le faussaire qui nous occupe.
54La détermination de l’identité du faussaire est rendue difficile par le fait que toutes les sources ne le nomment pas toujours de la même façon. Dans ses mémoires, Piaggio utilise le nom de Guerra pour désigner le faussaire, mais il ne se souvient plus de son prénom. Lors de la publication du manuscrit de Piaggio par Bassi, l’éditeur corrigea cet oubli en indiquant que le prénom du faussaire était Camillo, prénom haï par Piaggio car il était porté par son collègue Camillo Paderni, avec lequel il avait de très mauvaises relations103. Le prénom de Camillo est assurément une erreur de Bassi. Notons que, dans ce texte, le père Piaggio qualifie le faussaire de « un certo di casata », ce qui signifie qu’il appartiendrait à la noblesse, mais cela semble peu probable et nous n’avons trouvé aucune autre source qui confirmerait cette information104. Un autre document attribue au faussaire le prénom de Pietro au lieu de Giuseppe : il s’agit d’une lettre conservée aux archives de Naples, écrite à Tanucci par Centomani, un avocat vivant à Rome auquel le ministre avait demandé d’enquêter sur la vente de peintures antiques. Dans ce document, Centomani rapporte le décès du faussaire et les réclamations de sa sœur, sa seule héritière, qui, se trouvant dans le besoin, souhaite recevoir 100 écus en paiement des peintures que Guerra a cédées au roi de Naples105. Mais l’argent est bloqué, les autorités napolitaines ayant décidé d’accorder la somme au faussaire uniquement dans le cas où il aurait avoué la fraude, ce qu’il ne fit pas.
55Enfin, l’ambiguïté sur le nom du faussaire repose également sur son patronyme. En effet, dans une lettre dénonçant la supercherie du faussaire, Winckelmann le nomme Guerra ou Quercia. Or, nous n’avons pu retrouver aucun Giuseppe Quercia ayant vécu à cette période dans les dictionnaires de peintres. En revanche, un artiste portant ce nom a participé au Concours clémentin de l’Académie de Saint-Luc en 1716. Giuseppe Quercia Napoletano a reçu le deuxième prix du concours de troisième classe, qui récompensait un dessin d’imitation, concours auquel a participé également Luigi Vanvitelli106. Ce Giuseppe Quercia est-il notre faussaire ? Rien n’est moins sûr, d’autant que si c’était le cas, la date de naissance donnée par Zani serait à revoir. L’adjectif napoletano ne semble pas convenir non plus à notre homme, puisque nous avons retenu qu’il était originaire de Venise ; il faudrait alors imaginer que ce terme a été appliqué à un individu originaire de Venise mais habitant à Naples.
Lieux d’habitation
56Le lieu d’habitation du faussaire est difficile à établir. Nous n’avons pu retrouver dans les archives paroissiales (Stati delle anime) de la ville de Rome la mention de son décès, alors que nous savons par les témoignages de ses contemporains qu’il se trouvait dans cette ville entre 1755 et 1761, date de sa mort. Dans un rapport sur le faussaire envoyé à la cour napolitaine par l’espion Bargello, Guerra est décrit comme un vagabond qui change fréquemment d’habitation ; de plus, nous savons par Piaggio qu’il se rendait fréquemment à Naples. Il est donc possible qu’il soit mort dans cette ville plutôt qu’à Rome107.
57La seule mention d’un Giuseppe Guerra que nous ayons pu retrouver dans les archives paroissiales romaines est celle d’un clerc, locataire dans la maison de Filippo Cicconi, doreur, dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina en 1725108. Rien n’indique qu’il s’agit du faussaire. Enfin, la mention de Guerra a été recherchée dans les archives de la paroisse de Santa Maria sopra Minerva, où se trouvait son atelier, mais en vain : le lieu d’habitation du faussaire et son atelier étaient donc des lieux séparés109.
58Nous savons que Guerra habitait à Rome dans les années 1755-1761, mais sa situation avant 1755 reste obscure. Consoli Fiego, dont l’étude se base sur des documents d’archives qui ont disparu, nous apprend qu’il se serait installé à Rome après avoir fait un court séjour à Naples, où il aurait travaillé en 1750 chez le duc d’Angri. Celui-ci l’aurait recommandé à Charles de Bourbon pour nettoyer les peintures d’Herculanum. Il aurait en définitive été employé à la cour de Naples pour peindre sur porcelaine, contre un salaire de 15 ducats par mois110. Si aucun document aujourd’hui ne permet de confirmer la présence de Guerra parmi les ouvriers travaillant à la manufacture royale de porcelaine en 1750, on peut toutefois penser que le faussaire a passé du temps à Naples car il était familier de la façon dont les peintures antiques étaient restaurées111 : il utilisait en effet les mêmes matériaux que ceux employés dans l’atelier de restauration de Portici, ce qui rendait encore plus crédible la supercherie112. D’ailleurs, il semblerait que l’idée de fabriquer des contrefaçons lui soit venue dans cette ville, car c’est à Naples qu’elles apparaissent au début des années 1750, comme en témoigne la lettre de Taitbout à Caylus113. La supercherie étant trop facile à déjouer pour les Napolitains, Guerra se serait ensuite rapidement installé à Rome.
Artiste peintre et graveur
59Guerra commence donc son activité de faussaire vers 1750 ; si l’on retient la date de naissance donnée par Zani, il a alors quarante et un ans114. Quelle était son activité auparavant et dans quelle ville l’exerçait-il ? Nous avons très peu d’informations sur son travail de peintre et graveur. Cependant trois œuvres, deux peintures à l’huile sur toile et un dessin, sont peut-être de sa main. La première, un tableau représentant une vue de l’Etna en éruption, la lave coulant près de la ville de Catane, était signée Guiseppe (sic) Guerra et A. C. (pl. 1)115. Cette double signature, déjà peu visible dans les années 1930 lors d’une vente du tableau, est aujourd’hui effacée116. Les lettres A. C. ont été interprétées comme étant la signature d’Antonio Canaletto par Constable, qui a reconnu sa main dans la facture des personnages et des arbres à l’horizon, sur la gauche117. Ces éléments ayant été ajoutés après la réalisation du reste de la composition, Constable émet l’hypothèse que Canaletto aurait fait quelques additions une fois l’œuvre passée en Angleterre et qu’il n’aurait probablement jamais rencontré Guerra.
60Malgré le récent article de Gianluca Vecchio dans lequel l’auteur, qui date l’œuvre des années 1740, reprend l’attribution au faussaire Guerra et à Canaletto, nous doutons qu’Antonio Canaletto ait jamais touché à cette œuvre118. On peut se demander en effet pour quelle raison le célèbre peintre de vedute aurait « arrangé » le tableau d’un peintre peu connu et peu habile comme l’était Guerra. Plusieurs de ses contemporains reconnaissent qu’il n’a pas le talent d’un maître et Paciaudi dit de lui ouvertement qu’il est mauvais peintre : « Ajoutez à cela que, lorsqu’il fait quelque peinture sur toile, il le fait assez mal, sans goût, sans talent119. » Ellis Waterhouse, voyant l’Éruption de l’Etna dans les années 1930, ne lui accorde aucune valeur picturale, sauf pour les personnages du premier plan120. Il est peu plausible que Canaletto ait travaillé avec Guerra, même dans les années 1740, alors que l’activité du védutiste était quelque peu ralentie121. Il est en revanche plus probable que les initiales A. C. ont été ajoutées par un marchand peu scrupuleux, à une date indéterminée, pour vendre plus facilement l’œuvre122.
61Si ce tableau est l’œuvre du faussaire, il a pu être réalisé dans son atelier, alors qu’il vivait à Naples ou à Rome, et vendu à un touriste anglais qui l’aurait rapporté chez lui. Or, le tableau est signé Giuseppe Guerra, nom très commun et porté par trois peintres différents au xviiie siècle ; aucun élément sur l’œuvre n’indique duquel des trois peintres homonymes il s’agit. Il est peu probable que l’élève de Solimena, peintre de tableaux d’autel, en soit l’auteur. En revanche, le peintre Giuseppe Guerra qui a signé n’est peut-être pas le faussaire, parfois appelé Giuseppe Guerra I123, mais Giuseppe Guerra II, de quarante ans son cadet124. En effet, ce dernier, après avoir travaillé quelque temps comme graveur à la cour de Naples, s’était spécialisé dans la reproduction de cartes géographiques ; il a notamment travaillé pour son ami géographe G. A. Rizzi Zannoni125. Le tableau de l’Etna, copié d’une peinture représentant l’éruption de 1669 exécutée au xviie siècle par Giacomo Platania (fig. 29), est conforme au genre de peintures qu’il réalisait, ce qui confirme l’hypothèse de cette attribution. Dans ce cas, Giuseppe Guerra II étant né en 1750, l’œuvre serait bien postérieure à 1740 et aurait été réalisée dans le dernier quart du xviiie siècle.
62Une autre peinture est attribuée au faussaire Giuseppe Guerra, mais sans certitude car elle n’est pas signée. Il s’agit du Panorama du port de Malte conservé à la Wallace Collection de Londres, copié d’après une gravure de Milcent datée de 1734 (fig. 30)126. L’œuvre aurait été peinte durant le Grand Commandement de Pinto de Fonçeca (1741-1773), dont le drapeau se trouverait sur la dernière frégate à l’extrême gauche de la composition127. Les éléments d’attribution de cette peinture à Giuseppe Guerra sont encore plus ténus que pour la précédente, car il s’agit principalement d’une identification stylistique basée sur la comparaison avec l’Éruption de l’Etna. Encore une fois, ce tableau pourrait être de Giuseppe Guerra II, au regard du caractère topographique de la composition.
63Enfin, un portrait d’artiste, dessin au fusain avec des rehauts de craie blanche sur papier gris-brun, signé Giuseppe Guerra Veneziano 1760 est conservé à Windsor128. L’artiste est représenté à mi-corps, un porte-craie à la main. Il pourrait s’agir d’un autoportrait. La signature semble avoir été reprise : le mot veneziano a peut-être été ajouté plus tard et le 6 a été raturé afin de transformer la date en 1770. Nous avons peu d’informations sur la provenance de cette œuvre ; il est possible qu’elle ait fait partie des dessins vénitiens de la collection de Joseph Smith, consul britannique à Venise, dont une grande partie est passée chez le roi d’Angleterre en 1762129.
64Si ce dessin est bien du faussaire Giuseppe Guerra et s’il se trouvait dans la collection de Smith, il serait possible d’imaginer que les deux hommes se connaissaient. Guerra était vénitien, et Smith, qui vivait à Venise depuis très longtemps, fréquentait beaucoup d’artistes de cette ville. La date de 1760 correspond à la démission de Smith de sa fonction de consul, alors qu’il avait émis le souhait de voyager en Italie avant de retourner en Angleterre130. Nous ne savons pas où il aurait pu acquérir le dessin de Guerra ni s’il est des mains de l’artiste. Aucune conclusion ne peut être tirée de ce document.
65Au regard du très petit nombre d’œuvres qui lui sont attribuées sans certitude, l’activité de Giuseppe Guerra comme peintre et graveur est difficile à retracer. Nous n’avons aucun élément certain sur sa formation. Sans doute n’a-t-il produit que quelques tableaux dont la qualité ne lui a pas permis de passer à la postérité, comme le laissent entendre les témoignages de ses contemporains. Guerra aurait cherché la reconnaissance de ses pairs en tant qu’artiste dans la réalisation de contrefaçons, activité vraisemblablement lucrative qui lui permit, de surcroît, d’avoir un moyen de subsistance.
Conclusion
66La supercherie de Guerra est exemplaire à plusieurs titres : elle se signale par un grand nombre d’astuces et de procédés généralement utilisés par les faussaires pour réussir la mystification. La fable autour de la découverte des peintures est mise en scène de façon précise, les complices comme les clients sont choisis avec soin et les données matérielles ne sont pas non plus laissées au hasard. Guerra va jusqu’à modifier sa manière de peindre lorsque sa technique devient trop évidente aux yeux de ses clients. Il est fascinant de décrypter la manière dont il a réussi à créer un univers en entremêlant les découvertes d’Herculanum et les souhaits et ambitions de ses contemporains en matière d’Antiquité. Si Herculanum est le rêve de l’antiquaire réalisé, les contrefaçons de Guerra sont l’accomplissement de ses souhaits.
Exposition au musée Kircher
67Un autre élément frappant dans cette affaire concerne l’exposition des contrefaçons au musée Kircher et l’ambiguïté de son directeur, le père Contucci. D’après les informations dont nous disposons, il était fort impliqué et semble plus avoir été acteur que dupe. Cependant, il était responsable de l’exposition sur les murs et dans les vitrines du musée d’un grand nombre de faux, bronzes et peintures. Peut-on croire qu’un antiquaire reconnu comme il l’était a pu céder à la tentation de l’apparence en montrant des trésors qui en réalité n’en étaient pas ? Ou doit-on penser, comme Caylus, que Contucci a d’abord été dupé, puis, ayant deviné la tromperie, a vendu les objets pour s’en débarrasser ? L’exposition de ces fragments et de ces bronzes a eu une incidence sur le goût des visiteurs du musée Kircher et sur l’idée qu’ils ont pu se former de la peinture antique, idée ou image fabriquée d’après les œuvres d’un faussaire. Tel un miroir déformant, les contrefaçons du musée Kircher ont produit sur les visiteurs une réflexion biaisée de l’image de l’Antiquité.
Punition royale
68La supercherie de Guerra eut un vrai succès et, malgré son dévoilement par la cour de Naples, le faussaire poursuivit son activité jusqu’à sa mort. Il ne fut pas véritablement condamné grâce aux appuis dont il semblait bénéficier au Vatican, mais aussi pour la simple raison que ce type d’agissement n’était pas considéré comme un délit ; il n’était donc pas passible de punition. D’ailleurs, ce type de duperie était monnaie courante dans la Rome du milieu du xviiie siècle et Guerra ne peut pas se vanter d’avoir été l’unique faussaire d’antiquités que comptait la Ville éternelle : nombre d’antiquaires et de marchands italiens n’hésitaient pas à tromper les collectionneurs auxquels ils présentaient des objets contrefaits dont ils changeaient l’époque ou la provenance, ou de complètes contrefaçons. En contrepartie, les antiquaires considéraient la chose avec amusement, même lorsqu’ils étaient dupés. Caylus se moque bien des tours qu’on lui a joué, du moment qu’il les découvre avant de publier l’objet comme une antiquité véritable dans son recueil. En revanche, il ne pardonna pas à Victor Louis, un jeune architecte qu’il avait décidé de prendre sous sa protection, de l’avoir trompé131.
Châtiment divin
69La loi et les hommes furent donc relativement cléments envers les faussaires. En témoigne l’amende symbolique réclamée à Guerra par le roi de Naples. Or, le trompeur risquait les foudres divines, car il ne pouvait espérer s’en tirer à bon compte avec une action aussi peu morale. Paciaudi en témoigne à propos d’un faussaire vénitien du début du xviiie siècle : ce faussaire « avoit voyagé dans le Levant, d’où il avait apporté plusieurs pièces d’antique qu’il mêloit adroitement avec celles de sa composition : il n’en mourut pas moins à l’hôpital dans une extrême indigence. L’abbé Facciolati m’a dit l’y avoir vu, et lui avoir entendu avouer qu’il avoit trompé beaucoup de monde avec ses prétendues antiques132 ». Paciaudi semble penser que le faussaire Leoni – c’était son nom –, ayant trompé beaucoup d’antiquaires avec ses contrefaçons de vases grecs et de mosaïques antiques, avait reçu une punition bien méritée133.
70Les circonstances de la mort de Guerra ne sont pas connues et nous ignorons s’il a subi, comme Leoni, un châtiment divin. Il n’en reste pas moins un faussaire habile puisque certaines de ses œuvres furent longtemps considérées comme antiques et exposées ainsi.
Notes de bas de page
1 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Rome, le 5 novembre 1755 : Barthélemy 1802, p. 33.
2 Wood et Dawkins 1753. Sur Barthélemy, voir Dupont-Sommer 1971.
3 Il s’agit de Jules François de Cotte (1721-1810), devenu président aux requêtes en 1745, condisciple de l’abbé Barthélemy depuis le collège, ayant pour amie commune madame de Choiseul, la fille du collectionneur Pierre Crozat. Tous deux voyageaient ensemble en Italie et, à cette occasion, le président de Cotte commença à constituer une collection de médailles. Voir Millin 1810, p. 210. Le catalogue de vente de sa collection de tableaux (vente Paillet du 8 mars 1804, Paris) ne fait pas mention de peintures ou mosaïques antiques.
4 Un pied romain vaut 32,48 cm (Röttgen 1999, I, p. 561).
5 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Rome, le 11 novembre 1755 : Barthélemy 1802, p. 41.
6 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Rome, le 1er décembre 1755 : Barthélemy 1802, p. 45-46.
7 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Naples, le 1er janvier 1756 : Barthélemy 1802, p. 63-64.
8 Charles-Marie de La Condamine (Paris 1701-1774) est un scientifique français, élu membre de l’Académie royale des sciences en 1760. Il est connu pour ses voyages, notamment celui qu’il effectua au Pérou ; voir Peignot 1821. Il se rendit à Rome en 1755 dans le but d’améliorer sa santé, mais aussi pour demander l’autorisation d’épouser sa nièce au pape Benoît XIV. Son journal nous apprend qu’il partit de Paris le 28 décembre 1754 (p. 336), qu’il logea à Rome chez le comte de Stainville (futur duc de Choiseul), ambassadeur de France, et qu’il quitta cette ville le 22 avril 1756. Entre le 26 mai et 7 juin 1755 il se rendit à Naples « avant les grosses chaleurs » et visita Herculanum et Portici (p. 367-375) : voir La Condamine 1762. Il est fort probable que La Condamine a acheté ces peintures après son voyage à Naples, sans doute au même moment que la margrave de Bayreuth (en juin 1755), avec laquelle il passait beaucoup de temps. La margrave était elle aussi logée chez Stainville et se trouvait à Naples avec son mari en même temps que La Condamine.
9 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Rome, le 10 février 1756 : Barthélemy 1802, p. 93-94.
10 Sur les tests faits par La Condamine, se reporter infra p. 168.
11 Monsieur de Bombarde, de son vrai nom Pierre Paul Bombarda (1695 ?-1783), bibliophile, membre de l’académie des Inscriptions, possédait une importante collection de manuscrits qu’il a léguée à la bibliothèque de l’Arsenal. C’était un ami du comte de Caylus et celui-ci lui a légué tous ses papiers à sa mort. Malheureusement, M. de Bombarde est décédé l’année suivante et les documents concernant Caylus ont été perdus : voir Martin et Funck-Brentano 1899, p. 282-284 ; Denis 1994, p. 9.
12 Lettre de La Condamine au comte de Caylus, du 17 février 1756 : Barthélemy 1802, p. 100.
13 Paciaudi, lettres de Rome au comte de Caylus, du 22 juillet 1760 et du 10 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 161 et 180. Il note également que l’abbé Visconti veut quarante-cinq sequins pour la ciste prénestine (connue aussi sous le nom de ciste Ficoroni) : lettre de Rome au comte de Caylus, le 18 mars 1761 (p. 220). Notons cependant que la sculpture antique en marbre appelée Le chien d’Alcibiade fut vendue 400 écus, soit environ 200 sequins, entre 1748 et 1756, peu après sa découverte et sa restauration par Cavaceppi. Voir Jackson-Stops 1985, no 243.
14 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 175-176 ; Weber 1996, p. 24.
15 GSPK, BPH Rep. 46 W Nr : 17 Bd III, 6, sans numéro de fol.
16 Voir annexe 1, no 6.
17 Lettre de Wilhelmine à son frère, du 25 octobre 1755 (GSPK, BPH Rep. 46 W Nr : 17 Bd III, 6, fol. 3v). Voir Müller 1958, p. 83 ; Kammerer-Grothaus 1998, p. 22.
18 Lettre du 17 juin 1755 (GSPK, BPH Rep. 46 W Nr : 17 Bd III, 6, sans numéro de fol.).
19 Annexe 1, no 20 et cat. 14
20 Lettre de Wilhelmine à Frédéric le Grand, du 25 octobre 1755 (GSPK, BPH Rep. 46 W Nr : 17 Bd III, 6, fol. 3). Les trois peintres et antiquaires consultés par la margrave sont vraisemblablement ceux qui ont conseillé La Condamine dans son acquisition. Il s’agit très probablement du peintre Mengs et des antiquaires Ridolfino Venuti et Contuccio Contucci.
21 « La Dottoressa di Bareit che ne comprò quattro, e le mantiene una lampa accesa davanti come i turchi all’Alcorano » (Winckelmann, lettre à Bianconi, du 22 juillet 1758) : Winckelmann 1952, I, p. 397.
22 Winckelmann 1952, I, p. 396-397. La publication reporte le nom de Quercia. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une erreur de Winckelmann ou de l’éditeur des lettres. Dans la traduction allemande de cette lettre datant du début du xixe siècle, le nom est bien orthographié Guerra : Winckelmann 1808, II, p. 263.
23 Barthélemy 1802, p. 94, lettre du 10 février 1756.
24 Lettre de l’abbé Zarillo, de Paris, le 15 vendémiaire an X (7 octobre 1801), dans Barthélemy 1802, p. 318.
25 « Una pittura con Foro, Basilica, e Case si vede nel Museo del Collegio Romano, con altre, dicesi ultimamente ritrovate, e che meritano molta riflessione sopra la loro antichità, vedesi la Basilica, e le case senza questo esteriore vestibolo, che per altro era frequentissimo ne i Tempj, e dicevasi Portico, come si vede particolarmente al Pantheon, oggi S. Maria ad Martyres, o la Rotonda » : Eschinardi 1750, p. 99.
26 Bellori et Bartoli 1706, pl. X, dessin de F. Bartoli dédié au cardinal Spinola : voir Lachenal 2001, p. 663. Deux peintures de ce type se trouvent dans le codex Capponiana 284, fol. 9 et 17. L’une d’elles (fol. 17) fut publiée dans Turnbull 1740a, pl. XXXV, et en 1750 dans l’appendice de la nouvelle édition de l’ouvrage de Bellori et Bartoli (Bellori et Bartoli 1750, pl. XV). Elle avait été achetée par Mead à la fin des années 1730.
27 Cochin 1851, p. 172. Cochin séjourna à Rome entre le 25 mars 1750 et le 3 mars 1751 : voir Cochin 1991, préface p. 11 ; Pampalone 1996, p. 112 (l’auteur donne la date du 17 mars pour l’arrivée à Rome, en s’appuyant sur la lettre du 18 mars 1750 publiée par Montaiglon 1887, X, p. 204).
28 « Deux tableaux antiques où il entre beaucoup plus de perspective et où elle est beaucoup mieux observée que dans tous ceux que j’avais vu jusqu’alors » : Cochin 1851, p. 172. Dans son Histoire de l’art, Winckelmann sera du même avis, puisqu’il écrira à propos des peintures trouvées au pied du mont Palatin par les jésuites : « Les meilleures d’entre elles sont un satyre de deux palmes de haut [environ 45 cm], en train de boire dans une corne, et un petit paysage avec des figures, haut d’une palme, qui surpasse tous les paysages se trouvant à Portici » : Winckelmann 2005, p. 402.
29 Scipione Maffei, lettre à Anton Francesco Gori : voir Gori 1751. Dans ce texte, Scipione Maffei dresse une liste succincte des peintures murales que l’on peut voir à Rome : Enimvero ab iis, qui artem istam egregie callent, semper maximi habitus est Torus Genialis, in horto Aldobrandino inventus, qui ad Raphaelis elegantiam maxime accedit, Roma Galeata in aedibus Barberinae gentis, & alia in domo Farnesia, praeter Sepulchra Nasoniorum in via Flaminia, Satyrum in Collegio Romano, Romam Sedentem ex Exquiliis erutam, & alia, quae in Libro Camilli Maximi Cardinalis amplissimi, & alibi memorantur. Lettre de Maffei à Jacob Belgrado, jésuite : Gori 1751, I, p. 83. Notons que ce Satyre est cité par Scipione Maffei parmi les peintures antiques les plus remarquables de Rome, avec les Noces Aldobrandines, la Dea Barberini et la Rome triomphante de la collection Farnèse, le tombeau des Nasonii et la Rome assise, peinture rapportée par le cardinal de Rohan au duc d’Orléans. À propos de cette dernière œuvre, Maffei fait référence au volume III des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (c’est une erreur, il s’agit du volume V), ce qui laisse penser qu’il ne la connaît que par cet écrit. Il mentionne le codex Massimi dans lequel d’autres peintures antiques sont représentées.
30 « Un Fauno giovane Etrusco con un gran cazzo » : Winckelmann 2000, p. 133.
31 « L’on emprisonna, il n’y a pas longtemps, quelques personnes, et l’on dit que c’était sur l’avis reçu à Rome, dans la maison d’un cardinal, on avoit vu de ces peintures qui avoient été trouvées sous terre » (lettre de Taitbout à Caylus, du 1er juillet 1750) : Lettres inédites 1802, p. 195. La relation de cet événement n’a pas été retrouvée dans les archives de Naples. L’identité du cardinal mentionné par Taitbout n’est pas connue, cependant il pourrait s’agir du cardinal Passionei, car il possédait dans sa collection une peinture antique représentant une Scène de sacrifice, publiée dans le supplément de l’ouvrage de Bellori et Bartoli 1750 ; voir cat. 7. Il pourrait aussi s’agir du cardinal Feroni, fortement impliqué dans l’affaire, comme nous le verrons.
32 Hinks 1933, p. 20. Ce fragment représentant des Figures féminines sur rinceaux est aujourd’hui conservé au British Museum ; voir cat. 9.
33 « Having sent divers purchases and acquisitions of mine home to England, the last Spring ; among them I took the liberty to send you a small piece of antient painting found by myself in some place or other of my travels ; and Mr. Timothy Hollis has informed me that it has been delivered. It is hoped the Voyage and Climate has not made it scale or fade, and that you will consider it upon the footing of an Antiquity only. The King of Naples is so jealous of these paintings, that he will not part with the least scrap to any one, notwithstanding that he has Rooms full of them » (lettre de Thomas Hollis au professeur Ward, Gênes, le 25 décembre 1752) : Ellis 1843, p. 392-393. Thomas Hollis avait voyagé à Naples avec son ami Thomas Brand entre avril et septembre 1752 (il se rendit en Sicile et à Malte pendant cette période) ; il mentionne dans cette lettre Camillo Paderni, qu’il a rencontré à Portici. Sur les voyages d’Hollis en Italie, voir Ingamells 1997, p. 512-513.
34 La retranscription des notes de Winckelmann est publiée dans Winckelmann 2000, p. 133-135, pour les peintures du Collège romain. Les deux peintures citées par Cochin ne sont pas décrites par Winckelmann : peut-être n’étaient-elles plus visibles ou bien étaient-elles restées dans la bibliothèque ?
35 Winckelmann 2005, p. 402.
36 Virgile 1763.
37 Voir Raspi Serra 2002, p. 155.
38 « Celui qui, sur sa tête impie, voit suspendue l’épée nue » : Horace, Odes, III, 1, 17-18.
39 Lettre de La Condamine au comte de Caylus, du 17 février 1756 : Barthélemy 1802, p. 108. On observe cette particularité sur les soldats représentés dans la Mort de Pallas et dans Hélène et Ménélas : voir pl. 4 et fig. p. 159.
40 L’achat de l’œuvre est mentionné dans les archives du cardinal ; voir Caneva 1998, p. 39.
41 Sur les trente peintures dont nous avons pu établir la présence au Collège romain entre 1750 et 1760, quinze fragments, soit la moitié, sont inspirés de la littérature classique et peuvent donc être assimilés à de la peinture d’histoire.
42 L’enquête de la cour napolitaine est relatée en détail par Consoli Fiego, qui a étudié la correspondance relative à cette affaire entre Naples, le Vatican et Rome : Consoli Fiego 1921. Malheureusement, les documents concernant Guerra qui étaient conservés aux archives de Naples (ASN, Affari esteri, Roma, fol. 1308-1310) ont disparu pendant la seconde guerre mondiale, lorsqu’un incendie a détruit une partie du fonds. Voir Coniglio 1952.
43 Le père Antonio Piaggio (1713-1796) arriva à Naples en janvier 1753 pour s’occuper du déroulement des papyrus carbonisés récemment retrouvés dans la bibliothèque de la Villa des papyrus, à Herculanum. Il mit au point une machine qui lui permit d’effectuer l’opération sans dommage pour les œuvres. Très violemment opposé à son collègue Camillo Paderni, directeur du Musée de Portici, il dressa dans ses mémoires un portrait de lui très sévère. Sur la vie de Piaggio, voir Travaglione 1997.
44 « Venne da me un certo Padre Reggente Agostini Carmelitano, partito apposta da Roma per vedere per mio mezzo comodamente le Pitture dell’Ercolano, e niente altro. Mi confidò di averne comprati colà molti pezzi particolarissimi, parte col contante alla mano, parte in baratto, non potendo arrivare a tutta la spesa, che era eccedente di gran lunga il suo stato monastico [...]. Che era venuto non solo per confrontare il carattere, colorito, ecc., ma per esaminare i fatti in esse Pitture rappresentati, particolarmente perchè essendo passi di istorie assai oscuri, voleva vedere se nella quantità di quelle che possedeva S. M. Siciliana se ne incontrasse qualcheduna consimile per poter aver lume a spiegarle. Non vi fu modo di capacitarlo sull’evidenza di questa impostura, e così se ne ritornò (siccome per l’istesa via) coll’istesa opinione colla quale era venuto » : Bassi 1908, p. 324-325.
45 « Pensai perciò esser mio preciso dovere il darne parte, ma perchè meno esperto allora nelle cose della Corte, me ne consigliai con un soggetto di già citato in quest’opera [il s’agit de Paderni] ; egli, come buon amico alla moda, fingendo di prender la cosa altrimente da quel che era, e da quel che potrebbe esser stata considerata, me ne distolse con varie ragioni, ma non mi capacitò. Seppi dapoi che egli, servitosi delle cognizioni avute da me, fece di nascosto ciò che volevo far io, si fece gran merito di questa relazione, tantochè il Re si impegnò a scoprire l’interno di questo fatto » : Bassi 1908, p. 325.
46 D’Alconzo 2002, p. 45.
47 Le piquetage des peintures fut vivement critiqué, notamment par Winckelmann. Cette opération fut d’autant plus scandaleuse qu’elle continua d’être pratiquée même une fois l’enquête sur les peintures résolue.
48 Andrea Mercati ne figure pas dans les dictionnaires des peintres. La seule référence que nous ayons pu trouver sur lui est une lettre qui lui aurait été adressée en 1755 par John Parker, peintre et cicérone britannique, à propos de la polémique entre Lord Charlemont et Piranèse. Parker demande à Mercati de passer une commission à Piranèse. Voir Minor 2007, p. 142 et 144.
49 Aucune référence à Giuseppe Guerra ne se trouve dans les Stati d’anime de cette paroisse pour les années 1751-1760.
50 « Le stalle del principe Chigi » : voir Consoli Fiego 1921, p. 86. Il s’agissait, semble-t-il, du nom donné à la Farnésine, près du Tibre.
51 Consoli Fiego 1921.
52 Consoli Fiego 1921. L’atelier de mosaïque du Vatican était très actif depuis que l’on avait décidé de remplacer les fresques de la basilique Saint-Pierre par des copies en mosaïque. Nous n’avons pu trouver beaucoup d’informations sur Pio Lazzarini car il n’est pas cité dans les dictionnaires de peintres (ni Thieme et Becker 1907, ni Bénézit 1976, ni Zani 1819, ni Füssli 1763 ne le citent). Nous savons qu’il restaurait à l’occasion des mosaïques. Il a notamment restauré (ou contrefait ?) une mosaïque antique provenant de la villa d’Hadrien, représentant Hercule et le lion, qui fut ensuite achetée sous Louis XVI par le duc d’Aiguillon. Au début du xxe siècle, cette œuvre se trouvait chez la veuve Raymond Serrure, numismate à Paris. Cette mosaïque, montée sur ardoise, porte l’inscription suivante au revers : Musaico antico trovato alla villa Adriana in Tivoli e restaurato da me Pio Lazzarini Romano. La mosaïque, dont Gusman note que la partie gauche est restaurée et que ses dimensions sont de 42 × 37 cm, est perdue aujourd’hui ; voir Gusman 1908, p. 114. Les mosaïstes du Vatican se sont également exercés à la contrefaçon à partir de 1737, à la suite de la découverte de la mosaïque des Colombes à la villa d’Hadrien ; voir De Vos 1985b, p. 376-377.
53 Consoli Fiego 1921.
54 Une variante de cet épisode est racontée par le père Piaggio : trois peintures antiques auraient été commandées à Guerra, et les autorités napolitaines auraient ensuite surpris le faussaire dans son atelier en train de réaliser ces commandes : « Avutosi qualche lume che il Guerra fusse l’autore di queste Pitture, si fece comparire uno, che gliene diede commissione di tre. Pendente il solito lungo raggiro di lettere, e risposte, fattosi questi famigliare del Pittore, si introdusse nella di lui casa, e lo sorprese all’improvviso mentre appunto stava dipingendo i tre pezzi commessigli » : Bassi 1908, p. 327-328. Une autre variante est racontée par le père Paciaudi au comte de Caylus, dans une lettre datée du 2 septembre 1760 : le roi de Naples aurait proposé « une somme considérable au peintre, pour ce qu’il certifiât qu’il en étoit l’auteur ». Guerra présente au duc de Cerisano deux peintures, que ce dernier prend et envoie au roi. « Mais il ne veut point payer Guerra, s’il ne veut point convenir d’en être l’auteur lui-même : rien ne peut lui arracher cet aveu, et il ne reçoit point de paiement. Le duc, sur le point de retourner à Naples, dépose trois cents écus environ dans une banque publique, pour payer cet artiste s’il vouloit avouer l’imposture ; mais il s’obstine à la cacher, et l’argent reste en dépôt » (lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760) : Paciaudi 1802, p. 173.
55 Lettre du 14 février 1758 du cardinal Archinto, citée par Consoli Fiego 1921, p. 87. Rappelons que le cardinal Feroni avait acquis une peinture auprès de Guerra en juin 1756. Cet épisode est relaté par Natoire dans une lettre à Marigny, datée du 1er mars 1758 : « Le Roy est toujours fort jaloux de ces découvertes, ce qui empêche qu’il n’en vienne à Rome ; malgré toutes les peines attachées à ceux qui en voleraient, il y en a eu deux tableaux dernièrement qui ont été enlevés, portés à Rome et découverts sur-le-champ par le ministre, M. le duc de Serisane (sic), qui les a renvoyés tout de suite à leurs sources sans les faire voir à personne » : Montaiglon 1887, XI, p. 206, no 5265.
56 « Per metterla in chiaro, si comprarono tre pitture di quelle, che in Roma si spasciavano per antiche. Comparse queste in Napoli, e confrontate pubblicamente con quelle del Museo dichiararono, e venne agli occhi di ognuno il disinganno. Il Pittor Veneziano fu in Roma obbligato a ritrarre il Chirone con Achille del Museo. Questo ritratto riuscì similissimo alle tre altre, e altrettanto dissimile dal vero Chirone antico, il cui rame era stato l’esemplare di quella copia. Anche questa si comparò pubblicamente col primo originale, e non rimase alcun dubbio della novità delle pitture Romane, che antiche si predicavano » : Antichità di Ercolano, II, préface.
57 Cette variante est proposée par le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Archinto. Lettre du 23 septembre 1758, autrefois conservée dans les archives de Naples, citée par Consoli Fiego 1921, p. 87.
58 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 173-174.
59 « Questi quattro monumenti, che io stimerei ben degni di una delle più luminose situazioni, sono tenuti in oggi dal custode in un cantone di una stanza oscura, ove nessuno de’Forestieri è introdotto se non che qualche volta passando ; ivi sono coperti di polvere così che non li vede nemmeno l’aria » : Bassi 1908, p. 328.
60 « È stato scritto al signor conte di Caylus, che m’incarica di farvi i suoi complimenti, che erano stati portati a Roma alcuni pezzi di pitture rubati nelle rovine d’Ercolano, e che il re di Napoli, essendone stato informato, aveva fatto del romore per farsegli restituire. Un giovane dell’accademia della pittura, che il re tien costì in Roma, ne aveva preso i disegni, che sono stati mandati quà, e mi sono stati fatti vedere. Vi dirò quel, che ne hanno giudicato tutti. Noi li abbiamo riguardati come un’impostura, fatta per ingannare la buona gente » (lettre de Mariette à Bottari, du 18 novembre 1759) : Bottari 1754, IV, p. 514. L’Accademia della pittura à laquelle Mariette fait référence est l’Académie de France à Rome.
61 Winckelmann 1997, p. 87. Six cents écus correspondent environ à trois cents sequins, ce qui est un prix nettement supérieur à celui auquel les peintures de Guerra étaient vendues habituellement (entre vingt et quarante sequins).
62 Cette précision indique que la visite de Zarillo a eu lieu lors de l’enquête de Naples, donc en 1758.
63 Lettre de Matthias Zarillo à Antoine Serieys, de Naples, le 7 octobre 1801 : Barthélemy 1802, p. 318-319.
64 La Condamine, lettre au comte de Caylus, de Rome, le 17 février 1756 : Barthélemy 1802, p. 101-102.
65 Barthélemy 1802, p. 103. Barthélemy, de son côté, décrit l’œuvre ainsi : « Je vous avais annoncé que sur ces tableaux on voyoit des inscriptions avec ces caractères inconnus. On a fait une inscription avec ces caractères, et on l’a vendue au P. Contucci, qui s’en est servi comme d’une nouvelle preuve pour constater l’antiquité de ses tableaux. Les lettres de cette inscription sont de petites lames ou de petits filets de cuivre ornés d’une patina verte très moderne. On les a enchâssés dans un lit de plâtre qui se trouve sur une pierre de six à sept pouces de diamètre. On a voulu faire croire que cette pierre avait été arrachée d’un mur, et pour le persuader, on a mis encore dessus de ce tartre si fameux. L’imposture saute aux yeux » (lettre de Barthélemy au comte de Caylus de Rome, le 25 février 1756) : Barthélemy 1802, p. 110-111.
66 Barthélemy 1802, p. 320. Paciaudi décrit l’objet dans une lettre au comte de Caylus, du 20 mai 1761 : « La façade du temple d’Antonin Pie qui existe encore dans le Forum Boarium (Campo Vaccino) » : Paciaudi 1802, p. 237.
67 Paciaudi 1802, p. 237.
68 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 18 juin 1761 : Paciaudi 1802, p. 244-245.
69 Caylus 1752, V, p. 250, pl. XC, 1. L’objet n’a pas été retrouvé au Cabinet des médailles. Il est probable que Caylus s’en est séparé après s’être aperçu qu’il s’agissait d’un faux.
70 Caylus 1752, V, p. 251.
71 Paciaudi 1802, p. 244-245.
72 « C’est une imposture, et peut-être de Guerra ou d’Alfani, pour vendre quelque tableau moderne », écrit Paciaudi à propos de peintures prétendument trouvées au cirque Flaminien (lettre à Caylus de Naples, le 1er août 1761) : Paciaudi 1802, p. 256. Nous avons vu qu’Alfani avait vendu à Caylus un bronze Renaissance comme antique (supra p. 19) ; voir aussi Raspi Serra 1998.
73 Caylus 1752, V, p. 251.
74 Vayson de Pradenne 1993, p. 305-349.
75 Lettre de Barthélemy au comte de Caylus, de Rome, le 10 février 1756 : Barthélemy 1802, p. 93.
76 Voir supra p. 80-81.
77 « Noi non crediamo, che queste pitture sieno antiche, e vi è, chi s’immagina, che sieno esciti dalla bottega del padre C. Ditemi, se voi ne sapete niente, e se voi credete, che noi ci siamo ingannati » (lettre de Mariette à Bottari, du 18 novembre 1759) : Bottari 1754, III, p. 351-352.
78 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, du 12 mars 1760 (datée par erreur du 22 mars par Serieys) : Paciaudi 1802, p. 134. C’est ce que le complice de Guerra, Günter, aurait avoué lors de son interrogatoire.
79 Caylus 1752, IV, p. 218 ; Paciaudi 1802, p. 134.
80 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 175.
81 « Denn er hat seit vielen Jahren alle Sonntage eine Unterredung des Abends mit einem gewissen Prälaten Baldani gehalten, welcher für denjenigen gehalten wird, der den größten Verstand in Rom hat. Dieses will unendlich viel sagen. Die Unterredung gehet allein auf die Altherthümer, und was sie geredet, ist bisher unter ihnen beiden geblieben. Ich bin vor einiger Zeit der Dritte geworden, durch einen freywilligen Antrag des Prälaten, mit den Worten : Mein Freund, Ihr sollet, wenn Ihr wollet, der Dritte sein. Diese Bekanntschaft habe ich dem seeligen Stosch in Florenz zu danken » (lettre de Winckelmann à Francke, de Rome, le 4 février 1758) : Winckelmann 1952, I, p. 324. Antonio Baldani (1691-1765) était chanoine de Sainte-Marie-aux-Martyrs, secrétaire de l’Académie d’histoire romaine et d’antiquités et secrétaire de la congrégation des Eaux. Il conseilla Ficoroni dans la rédaction de son livre Le maschere sceniche (De’Ficoroni 1736) et il relira attentivement le manuscrit de Geschichte der Kunst de Winckelmann. Voir DBI 1960.
82 La première lettre que Winckelmann écrit de Rome après son séjour napolitain date du 6 mai 1758 ; voir Winckelmann 1952, I, p. 353.
83 Voir supra p. 70.
84 « Io non so che dirvi : alle volte bisogna stare su qualche fede, e non volere pescare troppo a fondo nell’Antichità e ne’misteri de’Gesuiti » (lettre de Winckelmann à Bianconi du 22 juillet 1758) : Winckelmann 1952, I, p. 397-398.
85 « Quando venni à Roma il commune trattenimento degl’Antiquarj erano Pitture antiche scoperte qua e la e comprate da Gesuiti : il P. Contucci, Custode del Museo loro non le mostrò che per usare un singolare atto di finezza » : ibid. Carl Justi remarque que cette histoire marque une rupture dans les relations de Winckelmann avec le Collège romain : Justi 1872, II, 2, p. 214.
86 Grafton 1993, p. 47.
87 Lettres inédites 1802, p. 206.
88 Journal encyclopédique 1767, p. 159.
89 Le faussaire réclamait de l’argent au roi de Naples en paiement des pseudo-peintures antiques qu’il lui avait vendues. Voir infra p. 92.
90 Selon Consoli Fiego, on aurait proposé à Guerra, lorsqu’il se trouvait à Naples, 15 ducats napolitains par mois pour « travailler sur porcelaine » : Consoli Fiego 1921, p. 87. Il est intéressant de remarquer que cette somme est celle qui était attribuée par les autorités napolitaines aux dessinateurs qui copiaient les peintures d’Herculanum. Cela équivalait à quatorze écus romains, soit sept sequins. Voir la lettre de Winckelmann à Bianconi du 13 mai 1758 : Winckelmann 1952, I, p. 354.
91 Les peintures étaient sans doute rapportées cachées dans des charrettes de foin, comme l’affirmait Pio Lazzarini (voir supra p. 78).
92 « Si scoperse adunque che un certo di casata Guerra (non mi ricordo ora qui del nome) era quello che segretamente faceva mercimonio di queste Pitture. Per fondamento della loro legittimazione faceva vedere le corrispondenze che aveva in Napoli, e l’intrinsichezza con quelli che erano deputati alle miniere, risarcimenti, e conservazione di quelle. Tutto questo era verissimo, ed era sicuro di incontrare tutta la credenza, perchè ben si sapeva che egli era stato più volte a Napoli, ed era certo che da Napoli egli riceveva le Pitture secondo le commissioni che gli si davano » : Bassi 1908, p. 326.
93 « Ricevuta adunque che aveva qualche commissione, mostrava al committente la pronta risposta, che ora faceva vedere le lettere di avviso, e di carico circa la roba imbarcata. Conduceva egli stesso il committente in persona all’arrivo del bastimento a ricuperarla, prima che toccasse terra, come era accaduto allo stesso P. Reggente, di cui si è accenato di sopra » : Bassi 1908, p. 326.
94 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 12 mars 1760 (datée par erreur du 22 mars par Serieys) : Paciaudi 1802, p. 134.
95 Mentionnons cependant une lettre envoyée le 11 janvier 1763 de Naples au père Paciaudi par un certain Philippe Gunther, à propos de dessins qu’il lui aurait envoyés : voir Paciaudi 1985, p. 119.
96 « È cosa degna di riflessione che egli era stato intimo amico del Guerra in Roma, e come tale lo aveva trattato a Napoli, dove si era portato più volte come abbiamo osservato » : Bassi 1908, p. 328.
97 « Venute queste pitture in Napoli, egli subito le ebbe in consegna, le tenne molto tempo in mostra durante la permanenza del Re Cattolico, nel qual tempo declamò quotidianamente contro di questo indegno suo amico » : ibid.
98 « Dipingeva […] in quelle che stanno attualmente nel Museo Ercolanese […] Lampadi (sic), altari, ustensili » : Bassi 1908, p. 327.
99 De Dominici 1742, III, p. 681.
100 Paola D’Alconzo est la première à remarquer cette incohérence : D’Alconzo 2002, p. 53, n. 44.
101 Le faussaire est appelé Giuseppe Guerra Veneziano dans la préface du deuxième tome des Antichità di Ercolano. La Condamine indique qu’il est vénitien dans une lettre à Caylus datée du 17 février 1756 (Barthélemy 1802, p. 101), et Winckelmann le qualifie de « sehr mittelmäßigen Venetianischen Maler » (Winckelmann 1997, p. 87). Bargello, l’espion qui enquête sur le faussaire pour la cour de Naples, rapporte lui aussi qu’il est vénitien : Consoli Fiego 1921, p. 87.
102 Füssli 1763.
103 Bassi 1908, p. 320.
104 Bassi 1908, p. 326.
105 ASN Esteri 1205, cité dans Tanucci 1988, p. 90, n. 2. Ce document daté du 16 mars 1761 mentionne la mort du faussaire, survenue donc au tout début de l’année.
106 Voir Cipriani et Valeriani 1988, II, p. 161.
107 Consoli Fiego 1921, p. 87.
108 « Cecconi Filippo, indoratore, Abitazione Strada Fratina, dal terzo traversale, lato destro, verso Propaganda Fide, casa 24 ; Moglie Maini Caterina ; Nipoti Cecconi Maddalena 12, zitella, orfana di padre ; Altri Ruiz Giacomo ; Duegnes Gaspare e Garzia Guerra Giuseppe, chierici, pigionanti » : Debenedetti 2004, II, p. 87.
109 Le dépouillement des archives de cette paroisse a été fait pour les années 1750 à 1764. Les Stati delle anime recensent en effet les personnes domiciliées dans les paroisses et non pas les personnes qui y travaillent.
110 Consoli Fiego 1921, p. 87.
111 Voir Musella 1993. Une autre donnée pourrait être en faveur de cette hypothèse : Giuseppe Guerra II, graveur napolitain de la seconde moitié du xviiie siècle, parfois identifié comme le fils de Giuseppe Guerra I, le faussaire, serait né en 1750 à Portici. Si ces informations sont justes, cela signifierait que le faussaire habitait en 1750 à Portici, où il travaillait sans doute pour la cour napolitaine. Devant le peu de certitude sur le lien de parenté entre les deux artistes, nous ne tirerons pas de conclusions sur cette information. Nous reviendrons plus loin sur la biographie de Giuseppe Guerra II.
112 Nous reviendrons plus loin sur le mode de fabrication des peintures de Guerra (2e partie).
113 Voir infra p. 165.
114 Notons que, dans le corpus d’œuvres que nous avons pu attribuer au faussaire, la plus ancienne est la Scène de sacrifice, mentionnée dans la collection de l’abbé Franchini en 1750.
115 L’œuvre a pour dimensions 63,5 × 100,5 cm. Sur cette œuvre, voir Constable 1976, II, p. 473, et Vecchio 2009. Nous remercions vivement M. Vecchio de nous avoir communiqué son article et nous sommes grandement reconnaissante à Mme Hélène Rihal, de Christie’s, de nous en avoir fait parvenir une photographie.
116 « Now hardly visible », annotation d’Ellis Waterhouse dans une copie du catalogue de vente Christie’s, Londres, 26 février 1932 (lot 120), conservée au Getty Research Institute. La peinture, qui se trouvait dans une collection privée, n’a pas trouvé preneur lors de cette vente. Elle est à nouveau passée en vente chez Christie’s à Londres le 22 décembre 1937 (lot 113) et a été vendue 9 guinées à un certain Dobson, puis elle est entrée dans la collection de Mrs Patricia Campbell, pour être plus tard vendue anonymement chez Christie’s New York le 31 janvier 1997 (lot 162) et le 26 janvier 2001 (lot 165). Le tableau a été restauré entre ces deux dernières ventes, ce qui a permis de faire réapparaître la coulée de lave, très rouge, qui avait été cachée par un repeint.
117 Constable 1976, passim.
118 Vecchio 2009.
119 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 174. Cette opinion est partagée par La Condamine car, selon lui, Guerra est un « peintre vénitien médiocre, et assez mauvais dessinateur » (Barthélemy 1802, p. 104) et par Winckelmann (voir supra p. 92, n. 101).
120 « Fig. are in pure Canaletto style, rather good. V. Odd. Body of painting rubbish », inscription manuscrite se trouvant dans la copie du catalogue de vente Christie’s ayant appartenu à Ellis Waterhouse, conservée au Getty Research Institute.
121 Vecchio 2009, p. 378.
122 Il est possible également que ces initiales soient celles d’un autre peintre.
123 Thieme et Becker 1907.
124 Aldo Blessisch mentionne la naissance de Giuseppe Guerra II (que certains dictionnaires identifient comme le fils du faussaire homonyme) en 1750 à Portici : Blessisch 1898, p. 460. Ulrico Pannuti pense qu’il est né à Afragola aux alentours de 1740 : Pannuti 2000, p. 167. L’artiste est mort en 1815. Il fut très actif, notamment dans le domaine de la cartographie et de la topographie. Il réalisa plusieurs planches pour le volume 8 des Antichità di Ercolano ainsi que pour les volumes 9 et 10 (non publiés) : Pannuti 2000, p. 167.
125 Un ouvrage sur l’art d’écrire intitulé Viva la penna, sans lieu ni date, dans lequel se trouvent des gravures illustrant la manière de former les lettres, toutes signées du nom de Giuseppe Guerra, peut être attribué au peintre Giuseppe Guerra II, car la planche 29 a été dessinée par Alessandro D’Anna (1746-1810), peintre napolitain qui lui était contemporain et qui a lui aussi participé à l’ouvrage de Zannoni : voir Guerra s. d.
126 Les dimensions de cette œuvre sont 1,04 × 2,06 m. Sur cette peinture, voir Pictures and drawings 1928, p. 141, où elle est attribuée à l’école italienne, et Bugeja et al. 1993, II, p. 586.
127 Cette hypothèse a été suggérée par le professeur Zammit, conservateur au Musée de La Valette au début du xxe siècle : voir Pictures and drawings 1928, p. 141.
128 Les dimensions sont 45,7 × 30,1 cm. Sur cette œuvre, voir Blunt et Croft-Murray 1957, p. 27.
129 Voir Blunt et Croft-Murray 1957, p. 27 et p. II. Joseph Smith (1675-1770) arriva peu après 1700 à Venise où il prit la fonction de consul de 1744 à 1760, date à laquelle il démissionna.
130 Ingamells 1997, p. 870. Smith mourut à Venise en 1770.
131 Caylus fut en effet très en colère à ce propos. Victor Louis (1731-1800) séjourna à Rome trois ans comme pensionnaire de l’Académie de France, de 1756 à 1759. En 1760, Louis envoya des dessins de plusieurs pièces antiques au comte de Caylus. Or, le père Paciaudi apprit à ce dernier que l’architecte, qui avait affirmé avoir copié les objets sur les lieux, avait en réalité copié des dessins d’Hubert Robert. Caylus avait cru Louis et s’était « tué pour trouver les explications et concilier le romain avec l’étrusque ; mélange bizarre qui n’existe que dans la tête du peintre ». D’autant que l’architecte avait « osé marquer le lieu où ces monuments se trouvent, lorsqu’ils n’ont jamais existé ». Il avait aussi copié des « choses vraies et réelles [qui] sont connues et [qui] ont été imprimées mille fois ; comme le Sphinx de la maison de plaisance Albani » ; voir la lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 30 juillet 1760 : Paciaudi 1802, p. 164. Après cet incident, Caylus eut beaucoup de ressentiment envers Victor Louis et tenta de porter préjudice à sa carrière : voir Taillard 2009, p. 47-49.
132 Lettre de Paciaudi au comte de Caylus, de Rome, le 2 septembre 1760 : Paciaudi 1802, p. 172-173.
133 Nous reviendrons sur ce faussaire infra p. 127.
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