Introduction générale
p. 1-14
Texte intégral
Il y a un nombre infini de systèmes mécaniques dont il ne semble pas nécessaire de parler, car ils sont d’un usage quotidien : les meules par exemple, les soufflets de forge, les chars à bancs, les cabriolets, les tours et les autres dispositifs qui ont pour chacun une utilité pratique pour la vie courante.
Sunt innumerabili modo rationes machinationum, de quibus non necesse uidetur disputare, quoniam sunt ad manum cotidianae, ut sunt molae, folles fabrorum, raedae, cisia, torni ceteraque quae communes ad usum consuetudinibus habent opportunitates (VITR. X, 1, 6).
1Ce passage de Vitruve souligne, au moment où l’auteur s’apprête à décrire certains appareils d’utilisation peu courante (de is quae raro ueniunt ad manus), à quel point les instruments quotidiens ne suscitent généralement pas l’intérêt des écrivains classiques – et il pense notamment aux auteurs grecs qu’il connaissait bien – et n’apparaissent pas, par conséquent, dans leurs œuvres, sauf à mentionner une invention, attribuée à une personne ou à une région1.
2Ce « défaut de banalité » de l’objet peut s’étendre au matériau lui-même, et n’est pas négligeable concernant les peaux et le cuir. Or, ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater qu’un matériau si quotidien et omniprésent dans l’Antiquité grecque n’a laissé que peu de traces, non seulement dans les sources, mais aussi, conséquemment, dans la littérature scientifique contemporaine.
Un matériau et un système technique laissés pour compte, de l’Antiquité à hier
3Ce silence ne saurait être interprété pourtant comme une méconnaissance totale du traitement des peaux et de la fabrication du cuir chez les Anciens, qui, on le verra, pouvaient concerner une grande partie de la population à des échelles très variées. Ainsi, les très nombreuses références au travail du cuir dans les comédies d’Aristophane, qui plus est sous forme d’allusions, impliquent, pour être comprises, une connaissance minimale de ce savoir-faire technique de la part du public2. Comment expliquer, dès lors, ce vide documentaire3 ?
Le silence des Anciens
4Les sources testimoniales (écrits et images) ont subi l’outrage du temps, et cela est particulièrement vrai pour la littérature technique4. Cependant, l’absence de sources ne revient pas systématiquement à une perte d’informations. En effet, le « zéro documentaire » peut tenir à deux grands types de causes, que définissent ainsi Ph. Bruneau et P.-Y. Balut : « d’une part, du côté de l’observation rétrospective, les lacunes aléatoires de l’information : l’ouvrage lui-même ou le témoignage peuvent ne s’être pas conservés, ou n’avoir pas encore été découverts, ou pas encore reconnus […] ; d’autre part […], du côté de l’observé, ce que nous avons appelé « l’inertie » : l’ouvrage nous fait défaut pour la seule raison que les usagers ne l’ont pas produit, soit ergologiquement par déficience de savoir-faire, soit axiologiquement par abstention, parce qu’ils n’en avaient pas le goût, ou par abstinence, parce qu’ils ne s’en reconnaissaient pas le droit5. » Revenons sur cette deuxième cause relative aux témoins de leur temps, c’est-à-dire aux Anciens eux-mêmes.
L’absence d’équipement ou « inertie », absence d’ars
5Envisageons les cas où l’ouvrage n’a jamais été produit, l’équipement technique n’a pas été réalisé. Le « manque » et les raisons de ce manque sont parfois évaluables, du moins méritent-ils notre questionnement. L’absence d’art vient aussi bien de « l’inaptitude technique, du défaut de savoir-faire », que du « défaut de vouloir faire »6. Pour prendre un seul exemple, les Grecs n’ont pas outillé, semblet-il, le procédé de lavage des peaux fraîches juste après le dépeçage des victimes lors des sacrifices. Aucun document écrit ou iconographique, aucun vestige ne témoigne en effet du recours à des cuves ou réservoirs (en bois, maçonnés, en terre cuite…), déplaçables ou non, prévus à cet effet. Pourtant, dans le même temps, ils interdisent, selon certains documents épigraphiques comme le règlement de l’Ilissos – ce qui constitue un autre mode d’équipement – de tremper les dépouilles dans le cours d’eau situé à proximité qui fait partie de l’espace sacré du sanctuaire7.
6Il peut en outre se produire que, bien que l’ouvrage n’ait jamais été produit ni l’équipement technique réalisé, des sources testimoniales en fassent état, soit que le projet de l’ouvrage ait été transmis8, soit que l’ouvrage en question relève du « fictif littéraire ». Hérodote, par exemple, mentionne la confection par le peuple des Arabes d’un « tuyautage de peaux cousues de bœufs et autres bêtes », ῥαψάμενον ὠμοβοέων καὶ ἄλλων δερμάτων ὀχετόν (HDT III, 9) permettant d’amener de l’eau d’un fleuve jusque dans une région aride, où des citernes la recueillaient et la répartissaient sur le territoire. L’historien reconnaît de lui-même qu’il a rapporté là « la version la moins plausible » (τὸν σσον πιθανόν) de cet épisode, doutant de la réalisation d’un tel ouvrage pour des raisons logistiques et économiques : ce n’est pas le trait utile d’étanchéité des canalisations de peau (celui-là même qu’on retrouve dans l’outre ou tout contenant en cuir) que remet en cause Hérodote, mais leur réalisation effective du fait, par exemple, du nombre de peaux nécessaires pour couvrir une telle distance, du nombre d’heures de travail à accomplir en plein désert…, soit des raisons circonstancielles. Même si l’objet n’a pas été réalisé, il nous donne accès à une réflexion sur les conditions de sa réalisation effective, considérées comme possible ou non à une époque donnée, ce qui est en soi une information à prendre en compte.
L’absence de témoignage et ses causes
7Inversement, il peut arriver qu’il y ait bien eu ars, réalisation effective d’un ouvrage, mais que les Anciens n’en aient pas laissé de témoignage (technê amarturos). Nous sommes alors dans l’incapacité d’appréhender cet effet d’art. On peut toutefois expliquer cette absence de témoignage de différentes manières. Il s’agit bien souvent d’un choix délibéré des auteurs de ne pas mentionner l’ouvrage, pour les raisons suivantes :
la trivialité du matériau : le cuir, d’un usage fort répandu, utilisé pour des objets du quotidien (bourses, besaces, outres, chaussures, courroies en tous genres, selles…) et l’équipement militaire (tentes, boucliers) rend son emploi évident et le fait d’en parler inutile. Marion Labat compare ainsi la fabrication des outres en Grèce ancienne et l’exemple contemporain, la bouteille d’eau en plastique, qu’aucun roman ni aucune pièce de théâtre ne décriraient, bien que chacun pût en expliquer, même sommairement, la fabrication et l’usage : l’objet commun, trivial, passe de fait inaperçu9.
la symbolique du matériau, qui constitue à l’inverse sa « non-banalité » : l’usage de la peau dans le vêtement (manteau de fourrure, bonnet de cuir, besace…) est perçu par l’auteur grec ancien policé comme le signe d’une marginalité au sens le plus négatif du terme (appartenance au monde sauvage, rustique…), et ce matériau, loin d’être seulement négligé, est fortement déprécié10.
le manque de spécialisation des auteurs, leur méconnaissance relative ou totale qui explique leur incapacité (voire leur refus) à exposer un système technique. Les technitai, « gens de métier », n’étaient généralement pas les auteurs de traités. Les processus mis en œuvre dans la fabrication, les changements éventuels même dans les procédés techniques sont généralement connus des seuls artisans spécialisés et ignorés pratiquement par le reste de la population11.
les préjugés contre les artisans en général, et contre certaines activités en particulier : la préparation des peaux présente des désagréments inévitables (mauvaises odeurs, souillures dues aux résidus insalubres : ossements, chairs, graisse, poils…) auxquels les Grecs ont été sensibles, même si cela n’a pas été une cause de mise à l’écart systématique des installations, comme on le lit encore souvent dans la littérature scientifique, ce qui a pu fortement dévaloriser le métier de tanneur, jamais représenté sur les vases ni les stèles funéraires, contrairement au métier de cordonnier12.
les conséquences de la méthode mise en œuvre : la plupart des textes techniques relatifs au cuir qui nous ont été transmis sont l’œuvre d’auteurs, Théophraste (ive-iiie siècles av. J.-C.) et Dioscoride (ier siècle apr. J.-C.), qui ont opéré des choix, conscients ou non, dans la collecte d’informations qu’ils ont effectuée13.
8Outre ces écueils, il faut ajouter que l’archéologie, jusqu’à ces dernières années, s’est peu portée à l’étude d’un matériau comme le cuir, par indifférence, voire dédain, mais aussi en raison de certains présupposés méthodologiques et épistémologiques.
Indifférence et dédain des modernes
Une archéologie du noble
9L’archéologie classique, pendant longtemps, a cherché à mettre au jour des ouvrages d’art (sculpture, céramique peinte, architecture) imputables aux grands artistes connus par une longue tradition philologique14, dans une démarche de relève historique consistant à établir la datation, la provenance de l’ouvrage et son attribution à un homme d’art15. Cette archéologie orientée vers l’histoire de l’art a favorisé l’étude des ouvrages nobles, des marques du génie humain, confectionnés en matériaux précieux et durables, qu’ils fussent physiquement conservés ou non. Dans cette conception de la recherche, la place donnée aux études portant sur la céramique commune, la vannerie, le textile, le cuir – autant de matériaux « ignobles » – était bien maigre, sinon nulle. Seules les compilations publiées entre le milieu du xixe siècle et le début du xxe (celles, en anglais, d’Anthony Rich, et, en allemand, de Hugo Blümner, et l’œuvre française impulsée par Charles Daremberg mais due essentiellement à Edmond Saglio et Edmond Pottier16) ont opéré cette collecte de sources dans une approche philologique et technologique, mais elles ne sont pas sans poser quelques problèmes de méthode17 et sont, sur certains points – notamment en termes de vestiges – datées. Ces anthologies ont tout de même pu nous servir de point de départ, et nous y ferons référence par endroits.
10Une des conséquences méthodologiques majeures d’un tel objectif de recherche du noble a été incontestablement le rejet et la destruction de vestiges ayant trait au cuir (structures immobilières, peut-être objets), voire la non-reconnaissance de tels vestiges par ceux qui ne les cherchaient pas.
Une archéologie de l’anobli
11Le défaut inverse a consisté à survaloriser certains vestiges, dans une même démarche de relève historique conduisant à l’élaboration d’une relique, « vestige approprié18 ». Nous reviendrons sur l’atelier trouvé sur l’Agora grecque d’Athènes par l’École américaine dans les années 1950, identifié comme un atelier de cordonnier (ce qui est déjà discutable), en l’occurrence celui de Simon auquel Socrate rendait des visites. On verra à quel point l’argumentation déployée dans la publication des fouilles est tout orientée vers l’invention d’un vestige prestigieux, et surtout combien, techniquement parlant, la découverte d’une telle structure n’apporte guère de connaissances dans une étude visant à appréhender l’ars du cordonnier, qui se comprend avant tout dans son outillage et éventuellement son mobilier, dans son tour de main et à travers les objets qu’il confectionne19.
Un angle d’attaque historien, conditionné par des présupposés théoriques
12Les recherches étant fondées sur des sources écrites et iconographiques, apanages des historiens et historiens d’art, elles furent par conséquent orientées essentiellement vers la question de « l’artisanat » et des aspects socio-économiques plutôt que techniques20. L’exemple d’une telle lecture et de ses dérives est flagrant lorsqu’on reprend les différentes interprétations données des vases montrant des cordonniers au travail, lus non pour ce qu’ils peuvent apporter techniquement, mais décrits à l’aune des théories socio-économiques du temps. On s’est beaucoup interrogé sur la nature et la place de la clientèle, lorsqu’elle est représentée, sujet qui suscite plus de questions qu’il n’offre de réponses : on ne sait pas exactement quel est le lien entre la personne qui se tient debout derrière le jeune homme ou la jeune fille sur les scènes des vases d’Oxford et de Boston (le précepteur, un parent, l’éraste, le propriétaire de l’échoppe surveillant le travail d’un esclave… ?). Chaque commentateur y est allé de son interprétation en fonction de ses postulats et des objectifs de sa démonstration : ainsi, la même scène de la pélikè d’Oxford (fig. 6) a pu être tantôt lue comme « un garçon et son pédagogue dans un atelier de la petite échelle de l’artisanat à Athènes » (W. K. Lacey, The family in classical Greece, 1968), un « jeune dandy se faisant tailler des chaussures sur mesure » (M. Meuleau, Le monde antique, 1965), ou encore un « cordonnier prenant les mesures du pied d’un client » dans son « atelier exigu » au mur duquel sont accrochés des « outils sommaires » (L.-R. Nougier, Histoire générale du travail. Préhistoire et Antiquité, 1959)21 !
13L’idée longtemps défendue d’une stagnation technique du monde grec est bien l’un des présupposés les plus pesants, qui a contribué à délaisser les études des systèmes techniques en Grèce antique et explique l’attitude de « s’intéresser uniquement à une innovation grecque qui servirait à un progrès régulier jusqu’à notre époque », sans s’interroger sur « tous les types de changements techniques22 » et, ajoutons-nous, ses échelles d’application. Ce « primitivisme » défendu notamment par M. I. Finley est toutefois remis en cause depuis les années 198023 : on reconnaît, d’une part, que des erreurs d’interprétations pratiques ont été commises ; d’autre part, que de nombreux progrès techniques ont effectivement été réalisés dans le monde grec24. Nous tâcherons de voir si, pour le système technique relatif à la transformation des peaux et à la mise en forme du cuir, nous pouvons déceler des jalons, sinon des cas particuliers attestant des changements techniques, qui ne sont certainement pas tous imputables aux Romains.
14Entreprendre une étude du cuir pour la Grèce antique revient donc à dépasser deux préjugés : l’un, de l’ordre du jugement, axiologique, conduisant à l’indifférence ou au dédain pour des matériaux périssables, ou au délaissement de l’étude des systèmes techniques en raison de présupposés historiques ; l’autre, d’ordre épistémologique, réduisant le champ de l’archéologie – étude de l’ars – aux seuls objets et vestiges matériels.
Velléité des modernes devant la pauvreté (réelle) des vestiges et (relative) des sources
Le rapport conditionné de l’archéologie au vestige
15Cette tendance à mépriser les matériaux non nobles s’est, de fait, inversée depuis plusieurs décennies, tant leur importance dans la vie quotidienne et d’un point de vue économique allait de soi : les études sur l’artisanat grec se sont développées, notamment grâce à des découvertes lors d’opérations de terrain (objets de la vie courante mis en séries, intérêt pour les ateliers, les structures de travail, les outils, les processus de fabrication, la spécialisation de la production, l’organisation du travail25…). Pour autant l’idée demeure qu’il ne peut y avoir d’histoire des techniques sans vestige, sans observation directe (« autopsie ») de l’objet, comme si la technique n’existait que dans la présence matérielle de l’objet et ne pouvait être comprise qu’à travers lui – ce qui, avec Ph. Bruneau et P.-Y. Balut, doit être dénoncé comme « une tendance actuelle [...] à erronément assimiler le technique au physique, l’artificiel au matériel et ainsi à le couper de l’humain26 ».
À multiplication des données de terrain, développement des études
16Si les archéologues s’intéressent depuis quelques années aux matériaux périssables, c’est aussi que les recherches sont encouragées par l’amélioration des conditions d’observation et certains progrès, comme ceux de l’archéométrie, entraînant à la fois une augmentation dans la production de données et de connaissances ainsi qu’une spécialisation dans la recherche27. Ainsi, pour le cuir romain, parallèlement à la fouille de structures jadis déconsidérées (ateliers, zones de déchets), les sciences naturelles, dont la place est prépondérante aujourd’hui dans les pratiques de terrain, apportent leur lot de réponses à partir d’écofacts et d’artefacts (études des espèces, de l’âge des animaux, de leur état sanitaire à partir d’ossements ; analyses chimiques de lambeaux de peaux, de résidus de produits tannants sur les parois céramiques, enduits de cuves…). On le voit bien, le discours sur le cuir disparu s’appuie donc encore et toujours sur les vestiges, tout infimes soient-ils, et on comprend aisément que, contrairement à l’étude du cuir dans le monde grec, où l’absence du vestige est quasi-totale, celle relative aux mondes égyptien, romain et gallo-romain, qui offrent des vestiges mobiliers et immobiliers en plus grand nombre, connaît depuis quelques décennies un grand succès.
17« En tout état de cause, tout travail archéologique concerne en réalité du matériel sans doute disparu mais assurément retrouvé ou qu’il est attendu de retrouver tôt ou tard28. » Par conséquent, dans une telle perspective, se lancer dans une étude du cuir conduirait par avance à un échec, sauf à espérer trouver des vestiges dans les années à venir, à renouveler, voire à commencer pour le monde grec, la collecte des indices matériels29.
Recours au comparable récent et à l’objet encore existant
18L’absence de vestiges et de textes ou leur pauvreté a également incité à entreprendre des enquêtes ethnographiques30 : l’objet étudié, concret et encore bien réel, impose son évidence, et permet l’observation des gestes et processus qui sont à l’origine de sa fabrication. Toutefois, le postulat selon lequel la fabrication technique d’un objet serait réalisée dans les mêmes conditions quelle que soit la société préindustrielle concernée peut s’avérer scientifiquement dangereux, et les exemples invoqués ne sauraient être considérés comme autre chose qu’une « source d’hypothèses, non comme des preuves en soi31 ». L’enquête de Marion Labat sur la fabrication des outres en Grèce antique d’après l’iconographie vasculaire et le témoignage autopsique de la confection des outres en Afrique du Nord32 permet d’établir des parallèles intéressants et de dresser des conclusions qui, par leur prudence, se veulent les moins hasardeuses possible.
19Quant à l’archéologie expérimentale (ou « auturgie »), qui propose également une approche des techniques dans un rapport de proximité au concret, fondée sur l’observation directe des gestes et des qualités des objets produits, elle n’a pas donné lieu, à notre connaissance, à des expériences relatives aux techniques du monde grec, faute précisément de les avoir mieux cernées auparavant.
Pour une redéfinition de l’archéologie, non dans ses pratiques mais dans son objet d’étude
20S’il n’est ni vain ni naïf d’espérer trouver des vestiges (déchets, objets et outils, ateliers…) pour le monde grec, et qu’il reste valide d’affirmer que « théoriquement, la multiplication des fouilles devrait permettre, selon un processus vertueux s’il est rétroactif, d’alimenter de façon exponentielle la connaissance sur ces résultats de chaînons opératoires33 », il nous revient ici de montrer que les sources testimoniales permettent déjà de reconstruire un système technique et d’en tirer des conclusions socio-économiques bien au-delà de ce qui a pu être proposé jusqu’à aujourd’hui pour la période et les régions qui nous occupent.
Conditions de l’observation vs objet d’étude
21Cette entreprise visant à rechercher le disparu à travers les sources testimoniales ne saurait être l’apanage des seuls historiens, de même que l’archéologie ne se réduit pas à ses conditions d’observation (qui seraient limitées à la seule fouille) mais se définit par son objet d’étude, l’ouvrage technique34. En ce sens, notre étude se veut essentiellement archéologique en ce qu’elle s’intéresse au système technique de transformation des peaux et fourrures, de fabrication et de mise en forme du cuir, et à l’analyse des traits utiles du matériau ; mais elle est aussi, dans une moindre mesure, historique puisqu’elle examine l’usage social des objets produits et des finalités de l’objet35.
22Si l’objet d’une archéologie du disparu que nous pratiquons ici ne se limite pas à l’étude – qui serait par conséquent excessivement limitée – de l’effectif retrouvé, c’est parce que rendre compte d’un système technique complet, c’est aussi s’interroger et prendre en considération, à égalité avec cet effectif :
les états successifs de la matière, en considérant que le produit fini en cuir est déjà en fabrication dans l’élevage du bétail, le choix de la bête à abattre, les conditions de son abattage…
la manœuvre, le geste qui a permis de réaliser l’ouvrage et, symétriquement, le geste qui permet de le tenir, de l’utiliser, de le porter…
23C’est enfin tâcher de rétablir la nomenclature, les mots désignant les objets, outils, gestes36, voire l’équipement linguistique – métaphores, expressions consacrées37 – relatif aux matériaux ou aux objets38.
Les relèves
24Plutôt que de pratiquer enfin une relève historique sur l’objet effectif, considérée comme primordiale dans la pratique de nos métiers, nous tâcherons de rétablir, quand les sources le préciseront explicitement ou permettront une interprétation défendable, l’imputation de l’objet (dans quel milieu a-t-il servi ?), et des informations de relève industrielle : son appropriation (pour qui a-t-il été fabriqué ? qui est son exploitant ?), son affectation (à quel usage est-il destiné ? quelle est sa fonction ?), son accommodation (quelles quantités de temps, d’espace et d’argent sont disponibles à sa production ?). Nous évaluerons aussi les raisons qui ont fait que les Grecs anciens ont choisi de fabriquer tel ouvrage de peau ou de cuir, ou d’en interdire d’autres : nous nous efforcerons de comprendre, dans la mesure du possible, leurs choix (relève critique)39.
25C’est pourquoi il nous a paru indispensable de reprendre la collecte des sources, souvent trop sélective avant même leur analyse, et, au préalable, de modéliser le système technique que nous voulions étudier afin de susciter des questionnements nouveaux.
Une « anthologie commentée » des sources relatives au « monde grec »
26Ce qui nous est parvenu des textes grecs antiques, outre les circonstances de destruction hasardeuses, résulte pour partie d’un passage au crible du jugement et du goût des lecteurs et copieurs successifs pendant des siècles. Nous travaillons sur ce qui relève à la fois d’un naufrage incontrôlé et d’une sélection consciente ou non – dont les motivations, quoi qu’il en soit, ne sont plus nécessairement connues –, sélection à laquelle il faut se garder de rajouter d’emblée la nôtre40. Si nous venons à écarter une source, nous nous proposons de la donner et d’en expliquer les limites ou apories, non sans avoir tenté d’en fournir une interprétation, autant que possible étayée par d’autres moyens.
Les raisons de ne pas écarter au préalable certaines sources
27De manière générale, le rejet d’une source ou d’un type de sources ressortit à deux griefs principaux, notamment dans une perspective historique de leur exploitation : le manque d’objectivité du témoin ou du témoignage ; le caractère trop récent de la source pour la période considérée et le risque d’erreur d’interprétation dû à un trop grand écart temporel entre le témoignage et la réalité.
Le manque d’objectivité des sources textuelles : une évidence plutôt qu’un obstacle
28Les sources testimoniales sont, à juste titre, à manier avec prudence, car elles peuvent fausser notre compréhension rétrospective du monde antique, du fait de leur répartition géographique et chronologique trop centrée sur une zone et une période données ; du fait même de leur nature, dans la mesure où un texte ou une image sont l’expression d’une pensée qui s’inscrit nécessairement dans un contexte précis.
Une répartition géographique et chronologique non uniforme des sources
29Notre regard est biaisé, ou orienté, par le déséquilibre manifeste entre les sources très nombreuses et détaillées de l’Athènes classique et celles, bien plus lacunaires, du reste du monde grec. Cela est flagrant dans les jugements prononcés à l’encontre des professionnels du cuir, où la plupart de nos sources, de la main d’auteurs athéniens, datent du ive siècle. La difficulté, accrue pour l’historien de l’Antiquité, ne lui est cependant pas propre : quelle que soit l’époque envisagée, les témoignages ne fournissent qu’un « petit nombre de points isolés sur la carte », certes réunis en faisceaux plus ou moins denses, et en archéologie comme ailleurs, tout chercheur « doi[t] faire face à des vides et à des déséquilibres41 ». Il faut donc nous réjouir d’avoir à notre disposition le matériel réuni ici, et, gardant à l’esprit que ces témoignages concentrent notre attention sur des cas particuliers, nous prémunir de toute généralisation, mais accepter d’écrire une histoire « à trous ».
Le texte, une source idéologiquement et rhétoriquement marquée
30Par ailleurs, « les données testimoniales portent […] la trace de la société dans laquelle elles ont vu le jour ». Un texte ne donne jamais accès à une réalité une et objective, mais est lui-même la construction logique, rhétorique de la réalité, une mise en mots du monde, et ne nous donne accès qu’à un aspect des choses. Il nous revient aussi, par conséquent, de mettre en lumière les mécanismes de valorisation et de dépréciation mis en œuvre dans les textes que nous étudions : la valeur accordée aux objets ou aux personnes, bien que ne participant pas du fait technique, est « un filtre à prendre en compte42 » si l’on veut redonner aux textes tout leur sens, et donnera lieu à une analyse de type historique (personnalité de l’auteur ; goût et pensée du temps, du milieu social…). De là vient que nous n’écarterons a priori aucune source sous prétexte qu’elles relèvent, pour les unes, du jugement d’écrivains de condition sociale « bien supérieure à celle des artisans et des commerçants », adoptant dès lors un « regard assurément extérieur et socialement surplombant43 », ou encore, pour les autres, du registre comique ou satirique, du moment que l’on garde la pleine conscience du caractère déformant de ces textes.
La délimitation du cadre chronologique, géographique et culturel de l’étude
31Notre étude reste donc essentiellement centrée sur l’espace grec continental et égéen, autour des villes ayant fourni une documentation épigraphique et littéraire importante (Athènes, Délos, quelques autres sanctuaires) ou l’Égypte lagide (papyrus). Notre corpus s’étend des débuts de la littérature grecque, avec les œuvres homériques, jusqu’aux lexicographes de langue grecque (Hésychius au ve siècle, Photius au ixe siècle, et la Souda au xe siècle), de même qu’aux scholies d’Aristophane et des Tragiques, bien que tardives.
32Notre intitulé, mentionnant un « monde grec » qui pourrait ainsi paraître uniforme, ne doit pas tromper : il ne s’agit nullement de proposer, en faisant un amalgame de citations dépourvues de leur contexte chronologique, une histoire de la technique des peaux et du cuir dans un univers artificiellement constitué géographiquement et synchronique.
33Nous ne justifierons pas ici le recours aux auteurs historiquement situés dans les jalons d’une histoire proprement grecque, d’Homère à la fin de l’époque hellénistique. Il nous faut réaffirmer en revanche, même si cela n’a rien d’original, l’importance du travail d’encyclopédistes et de compilateurs44, comme Pline ou Athénée, ou encore des scholiastes et des lexicographes, par leurs commentaires de textes plus anciens, leur établissement d’une nomenclature technique ou, plus généralement, leurs gloses philologiques. Ces sources ne doivent pas être négligées dans le cadre de notre étude sous prétexte d’une datation parfois très tardive ou incertaine ; mais la prudence à observer dans leur emploi est de mise, en raison d’erreurs qui ont pu être commises lors de leur transmission, d’un décalage chronologique trop grand entre le texte commenté et le commentaire, créant un contresens dans la glose45, ou encore pour d’autres raisons que nous exposons ici, en suivant l’ordre chronologique de ces différentes sources.
Scholies et lexicographes
34Les scholies anciennes46 aux comédies d’Aristophane, source très prolifique pour notre enquête, proviennent de sources diverses qui remontent aux commencements de l’érudition alexandrine : Callimaque et Lycophron (ive-iiie siècles), Ératosthène (iiie-iie siècles) ; le premier commentaire continu de l’œuvre dramatique est de la main d’Euphronios, le professeur d’Aristophane de Byzance (iiie-iie siècles), qui édita chacune des pièces avec une introduction et peut-être un commentaire. Combinée au travail d’autres scholiastes par Didymos, cette somme alexandrine devint un commentaire unique, à la fin du ier siècle av. J.-C. ou au début du ier siècle, lui-même à nouveau combiné à d’autres sources au cours des deux premiers siècles de notre ère, pour devenir le commentaire de Symmachos. Ce texte ou un de ses descendants fut copié dans les marges d’un manuscrit des pièces d’Aristophane et constitue l’archétype des scholies anciennes. Par ailleurs, parallèlement à cette tradition directe, la Souda (infra) offre une tradition indirecte qui présente des scholies anciennes provenant du même fonds, consulté alors qu’il était plus complet. Toutes ces scholies anciennes présentent surtout l’intérêt d’être issues de textes très similaires dans leur contenu à ceux du ive siècle et suivants retrouvés sur papyrus, au contraire des scholies d’époque byzantine47.
35On sait aujourd’hui que l’œuvre d’Hésychius d’Alexandrie – un lexique de mots de sens obscur, poétiques et dialectaux, de citations et de proverbes – n’est connu que dans une version abrégée, corrompue par des interpolations dont il est difficile d’évaluer le volume, endommagée et tardive (xve siècle). Son travail, composé au iie siècle, reposait sur celui, perdu, de son contemporain Diogenianus, qui avait compilé des lexiques antérieurs ; il prétendit y avoir ajouté des remarques tirées d’Aristarque, d’Héliodore, d’Apion et d’Hérodien. Quoi qu’il en soit, Hésychius est donc le témoin d’époques antérieures48.
36Pollux de Naucratis, occupant la chaire de rhétorique à Athènes à la fin du iie siècle, est l’auteur d’un Onomasticon, recueil de mots et de synonymes, rangeant les entrées dans un ensemble de dix livres par thématiques. L’œuvre dont nous disposons a subi des interpolations et a été abrégée par endroits. Elle est fondée sur les travaux de commentaires portant sur la littérature classique et alexandrine, Aristophane de Byzance et Ératosthène. Les notices consistent en listes de mots et leurs synonymes, choisis dans une visée esthétique pour la formation du beau langage (euglôttia), mais elles sont aussi parfois plus détaillées49.
37La Souda, encyclopédie constituée de 30 000 entrées qui fut compilée à la fin du xe siècle, fournit des articles qui vont de la simple définition à l’explication détaillée. Ce travail colossal s’appuie sur le Lexicon de Photius. Les sources y sont bien transmises et couvrent toute l’Antiquité : les compilations d’Harpocration, de Diogenianus, les scholies consultées reposaient elles-mêmes sur le travail des Alexandrins et des données remontant à l’époque classique50.
38Le Lexicon du patriarche de Constantinople Photius (v. 810-v. 893), auquel nous ferons référence dans une bien moindre mesure, offre des mots utilisés en prose mais aussi issus de la Comédie ancienne. Les articles sont courts, constitués pour la plupart d’un ou deux mots de définition. Le travail de commentateurs plus anciens, comme Diogenianius, Aelius Dionysius, Pausanias, y est préservé, ainsi que des fragments de textes par ailleurs perdus51.
39Il serait donc vain de chercher à dresser une histoire des techniques jalonnée d’indications temporelles précises et indubitables au travers de ces sources grecques et latines. Les notices des lexicographes, puisant dans des données antérieures (œuvres littéraires, techniques, mais aussi déjà listes lexicographiques et commentaires), (re) onstruisent le monde avec les mots, créant d’une certaine façon « une utopie et une uchronie » en ce que, par la visée encyclopédique qui est la leur, elles cumulent les informations afin de « transmettre, sans déperdition aucune, le savoir dont ils sont devenus les dépositaires, à un moment de l’histoire52 ».
40Toutefois, en confrontant ces sources entre elles, il reste possible pour le philologue d’appréhender les traces d’un système technique, en émettant chaque fois avec la plus franche honnêteté ses incertitudes et ses limites53, et en veillant à ne pas cumuler gratuitement à son tour, animé d’un vain désir d’exhaustivité et de recréation d’un monde antique globalis-é/-ant par le biais purement lexical, les occurrences des termes relatifs aux peaux, au cuir et aux fourrures.
Deux auteurs de langue grecque d’époque romaine : Lucien et Athénée
41Lucien de Samosate est une source importante pour ce qui touche aux outils de cordonnerie et, plus globalement, aux realia. Bien qu’il ait vécu entre env. 125 et 180, qu’il soit né de langue non grecque et que son œuvre, importante et variée (constituée de productions rhétoriques, dialogues de natures variées, diatribes philosophiques, traités didactiques, un roman parodique), ne soit pas aisément classable chronologiquement, il acquit la culture hellénique en Ionie, devint sophiste et fit des tournées de déclamations en Grèce, en Ionie, en Macédoine, en Thrace, en Italie, en Gaule, puis vécut entre Athènes, l’Orient (notamment à Antioche), et peut-être l’Égypte54. Son « idéal d’imitation des grands classiques », sensible dans sa recherche d’une langue attique « non imperméable à la langue de son temps », son expérience du monde alliée à un « désir de ressaisir le passé d’Athènes pour en faire le cadre privilégié des dialogues55 » en font une source essentielle sur son époque et les précédentes – soit que les usages et objets attestés fassent nettement écho à des attestations plus anciennes, soit qu’il nous fournisse de nouveaux éléments, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faut y voir des innovations romaines. Il est pratiqué et cité par la suite par Athénée et Photius – pour ne parler que d’auteurs auxquels nous recourons.
42Athénée de Naucratis, dans son Banquet des Sophistes composé en quinze livres au iie ou iiie siècle, a recours aux lexicographes et aux œuvres littéraires directement pour agrémenter de « propos de table » érudits cette réunion de convives, citant par là quelque 1000 auteurs et plus de 10 000 vers, certains inconnus par ailleurs : poètes tragiques et comiques, historiens, traités hellénistiques sur Homère56… Mais à la différence des lexicographes de son époque, Athénée cite ses sources, certainement du fait d’une « stratégie de connivence avec le public lettré auquel il s’adresse » et parce qu’il « ne se pose pas en rival des auteurs de lexiques57 ». L’œuvre d’Athénée, essentielle pour notre connaissance de la réception de la littérature grecque classique aux époques hellénistique et romaine, alimente aussi notre corpus en citations et attestations bien plus anciennes que son époque de composition58.
L’apport de Pline l’Ancien
43L’Histoire naturelle de Pline59, rédigée au ier siècle, nous intéresse particulièrement en ce qu’elle « intègre la perspective de classement exhaustif issue de l’hellénisme dans l’évolution proprement latine de l’encyclopédisme (qui connaît deux autres figures, Caton et Varron), à savoir l’aspect utilitaire et pragmatique60 ». Son public « devait se composer de lecteurs désireux de se cultiver, de personnes à la recherche d’informations précises et peut-être de connaissances spécialisées, mais qui avaient déjà un niveau d’éducation suffisant pour pouvoir consulter une encyclopédie61 ». Pour ce qui est du travail des peaux, Pline nous est précieux en ce qu’il mentionne un certain nombre de plantes utilisées pour le tannage : on sait par ailleurs que ses sources concernant la botanique (livres XII à XIX) sont essentiellement Théophraste pour les plantes étrangères (l’influence de Dioscoride est contestée)62, et Caton et Varron pour l’Italie ; pour la médecine végétale (livres XX à XXVII), Théophraste et certains traités médicaux ; pour la minéralogie, Xénocrate, Douris de Samos, Pasitélès, Varron63… On a cependant pu dire de Pline qu’il adoptait une position peu critique à l’égard de ses sources, se contentant de les recopier selon une démarche consistant à « savoir ce qui se sait et non [à] s’interroger sur ce savoir » ; mais il est démontré qu’en dernier lieu l’exactitude du propos l’emporte sur l’exhaustivité, que Pline vérifie l’information, n’hésite pas à contredire les sources, voire se réfère à son expérience comme gage supplémentaire, sinon supérieur, de véracité64.
Le recours prudent aux images
44Les sources iconographiques sont à manier avec une prudence qui n’a pas toujours été de mise. Dans leur entreprise encyclopédique, Blümner, puis Daremberg, Saglio et Pottier associaient aux références textuelles les vestiges donnés comme illustrations, notamment ceux trouvés à Pompéi et Herculanum, mais aussi l’imagerie des vases attiques et italiotes. Or, ils concevaient ces images, selon une conception héritée du xviiie siècle, comme des témoins immédiats et directs, produisant un effet de réel et d’évidence chez le lecteur, sans prendre en compte « l’écart entre le réel et sa représentation » ni le rapport de la représentation au « support qui la véhicule65 ». À l’inverse, nous tâcherons d’expliciter ces codes (les imprécisions, manques ou disproportions dus à la difficulté de représenter de petits objets ou certains détails ; la composition qui prévaut sur la disposition des personnages ; les contraintes techniques et spatiales du support…) afin de tirer au mieux les interprétations qu’elles permettent et en n’hésitant pas à en formuler les limites66.
45Deux ouvrages consacrés à l’étude des représentations vasculaires d’artisans et d’ateliers développent abondamment les pistes de lecture que l’on peut appliquer aux trois vases qui nous sont parvenus montrant un ou des cordonniers au travail (fig. 6, 32, 37)67. Nous en confronterons dans cette étude les différentes interprétations, souvent permises par un rapport dialogique avec les textes, et leur associerons deux stèles relatives au même métier de cordonnier. Nous nous interrogerons sur le sens à donner à l’émergence de ces rares images au ve siècle et à leur proximité chronologique, qui ne semble pas fortuite, puisqu’elles ont toutes été réalisées, pour celles qui nous parvenues, entre la fin du vie siècle et le troisième quart du ve siècle.
46Concernant les realia, nous avons nécessairement limité notre corpus iconographique, parce que les images ne permettent pas toujours d’identiier le matériau des objets représentés (fig. 1)68, qu’elles ne sont pas nécessairement une image de la réalité, et que ces sources sont trop abondantes. Aussi n’avons-nous pas cherché à systématiquement rapprocher les descriptions fournies par les textes d’images, mais avons recouru à ce type de sources lorsqu’il nous a paru nécessaire d’affiner, d’appuyer, voire de contredire une définition qui émergeait de l’étude croisée des sources textuelles. Dans de rares cas, l’image seule apporte un témoignage sur un objet, un geste sur lesquels les textes restent muets – avec toutes les réserves et la prudence que nous disions précédemment. Inversement, nous verrons des cas où un objet est bel et bien nommé et identifié par les textes, mais ne trouve pas d’« illustration » sur les vases ou d’autres supports à images.
Une entreprise inscrite dans la continuité de certains travaux, mais offrant une nouvelle approche
47Du reste, bien loin de nous l’idée de « forme[r] une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur69 » ! Notre projet s’inscrit à la suite d’un certain nombre d’études qui ont vu le jour ces dernières années, offrant une approche techniciste, « visant à l’étude d’objets et à la reconstitution de chaînes opératoires replacées dans le cadre matériel (les ateliers) où celles-ci étaient mises en œuvre70 », en se concentrant sur des filières spécifiques71, dont celle du cuir. Ce n’est qu’après les avoir passées en revue brièvement que nous définirons l’originalité de notre démarche, dont le caractère monographique permet, en outre, une présentation plus complète.
Un ouvrage qui s’inscrit dans la lignée de travaux récents
48Dans le domaine des études historiques relatives au cuir, la publication de Rencontres qui eurent lieu en octobre 2001 à Antibes fait date : elle aborde le travail des peaux, des fourrures et du cuir en regroupant des communications d’ordre technique, archéologique et ethnographique, de la préhistoire au xxe siècle, aussi bien dans l’Europe occidentale qu’en Afrique du Nord et Afrique noire, ou encore dans l’Extrême-Orient sibérien. Nous renverrons aux articles ayant trait à la fabrication du cuir de manière générale, et à l’utilisation ou la symbolique des peaux et fourrures dans le monde grec.
49Une première synthèse d’importance sur le travail du cuir et des fourrures paraît en 2004 sous la plume de l’archéozoologue Martine Leguilloux. Si elle concerne essentiellement le monde romain, à partir des sources littéraires, iconographiques et les vestiges, l’auteur y donne un certain nombre d’informations relatives aux mondes égyptien et grec, comme points de comparaison et jalons d’une histoire des techniques brossée à grands traits, à la manière des sommes plus anciennes comme celle de Blümmer et de Forbes. Mais surtout, ce travail reste une référence pour ce qui concerne les descriptions des opérations techniques et la terminologie associée ; par ailleurs, l’auteur qui a travaillé sur du matériel inédit issu de fouilles récentes, renouvelle l’approche et apporte un grand nombre de données sur les chaussures, en établissant, par exemple, des planches. Sa publication du matériel en cuir de la garnison de Didymoi en 2006 et 2011 et ses rapports portant sur la fouille de la tannerie de Pompéi avec J.-P. Brun, bien que relatifs au monde romain impérial, offrent des ressources très utiles pour établir des comparaisons ou des hypothèses concernant le monde grec.
50En 2009, Euphrosyne Rizopoulou-Egoumenidou propose une synthèse sur la tannerie, depuis les procédés traditionnels du xvie siècle à ceux, industriels, du xxe siècle, pour Chypre. Un premier chapitre dresse un aperçu technique et lexical rapide, depuis le Néolithique jusqu’au ive siècle apr. J.-C. : elle présente ainsi certains exemples de l’utilisation du cuir dans les domaines de l’armement et des chaussures, les vestiges de supposées installations de tannerie à Amathonte pour la période romaine tardive, et quelques-uns des mots utilisés pour désigner les différentes activités de transformation des peaux72.
51Par le plus grand des hasards, un an après la soutenance de notre mémoire à l’origine de cet ouvrage, Philippe Lafargue, dans sa thèse relative à Cléon (soutenue en 2009 et publiée en 2013), alors qu’il questionnait la validité des propos d’Aristophane, qui fait du démagogue une figure de travailleur du cuir (tantôt tanneur, tantôt vendeur) ou de propriétaire d’un atelier, proposait par son « bref panorama » un développement assez détaillé et inédit sur le travail du cuir dans l’Antiquité grecque. Il y présente certaines phases de la fabrication, attestées chez Aristophane et les scholies essentiellement ; la question des préjugés sur l’artisanat et la bibliographie récente ; celle du statut des entrepreneurs et des changements socio-économiques dans l’Athènes du ive siècle ; la question de la localisation des ateliers ; certains objets fabriqués, particulièrement pour l’équipement du cheval ; la terminologie des métiers. Son travail ayant complété le nôtre sur maints aspects, certaines de ses propositions ont été intégrées à notre enquête, plus vaste et orientée davantage vers la discussion philologique cependant.
52Georges Sanidas propose enfin en 2013 une somme sur l’artisanat antique, en établissant notamment un corpus exhaustif des ateliers pour les régions de l’Attique et du Péloponnèse. Son propos nous a permis d’orienter notre réflexion sur le statut de l’artisan du cuir, de revenir sur les questions d’implantation d’ateliers de tanneurs. La maigreur du dossier relatif au cuir révèle une fois encore le peu d’informations que nous en avons gardé, à s’en tenir du moins aux sources les plus connues et aux vestiges.
Une approche nouvelle, modélisée
53Notre projet – notre « pari optimiste », pour reprendre, dans le même esprit, l’heureuse formule de N. Tran73 – consiste à établir une anthologie inédite par ses dimensions, le degré de discussion philologique porté sur les textes, et le croisement des sources de toutes natures (littéraire, épigraphique, papyrologique, iconographique, archéologique), des plus anciennes et connues aux plus récentes et inexploitées. Un tel décloisonnement est en effet nécessaire devant le caractère allusif, voire élusif, de chacune des sources, voire l’insuffisance de chaque type de sources74. Pour ne prendre que deux exemples, le trop petit nombre de représentations d’outils sur les vases, ainsi que les normes de représentations qui empêchent de tous les représenter, ou encore les lacunes concernant les gestes, que la mise en image fige et dont elle ne peut rendre la totalité, nous empêchent de nous appuyer exclusivement sur elles, et nous incitent à les confronter aux textes pour en rendre compte au mieux.
54Nous réaffirmons ici la formule, énoncée lors de la conclusion d’un colloque qui a fait date, relative à l’approche à mener si l’on veut aboutir à une meilleure compréhension de l’artisanat grec : si les études de cas offrent une « vue éclatée » ou une « accumulation de vues étroites », nous sommes dans la nécessité de pratiquer « la multiplication des éclairages partiels » afin d’« atténuer le caractère aléatoire et [de] donner un début de vision d’ensemble avec une perspective historique75 », et, ajoutons-nous, technique. En effet, la mise en relation et le décloisonnement des sources permettent de constituer des ensembles (un « objet » placé avec un autre) et des séries (un « objet » placé en opposition avec d’autres) plus vastes que ceux préalablement réalisés, à s’en tenir à un type de sources particulières. Ces regroupements sont producteurs de sens d’un point de vue technique par la mise en avant de traits utiles discriminants, communs aux objets d’un même ensemble, ou différents, voire opposés, entre deux objets mis en série – comme deux outils, par exemple76.
55Dans la lignée de la théorie d’une archéologie générale, nous avons tâché, aux tout premiers temps de notre étude, alors qu’il s’agissait de constituer le corpus, d’élaborer une modélisation du fait technique. Le maniement et le croisement d’extraits fort dispersés et le plus souvent très allusifs risquent d’aboutir à des remarques générales données comme de tout temps, alors qu’elles ne relèvent que de l’anecdotique. D’où le recours au modèle : il ne s’agit pas de partir des occurrences de détails pour construire un modèle anachronique ou faussement synchronique du système technique du cuir dans le monde grec (comme s’il était un et intemporel)77, mais au contraire de partir d’un modèle général de la technique de fabrication d’un matériau (de la peau au cuir) et de l’analyse de ses traits pertinents, et ensuite seulement de chercher s’il en existe des occurrences pour la Grèce antique, redonnées le cas échéant dans leur époque et leur contexte, non sans rappeler les limites de l’interprétation qu’on peut en tirer, notamment pour des raisons lexicales.
56Cette modélisation a, de fait, une forte valeur heuristique : elle permet de « dessiner les questions », de « suggérer les enquêtes », et, en considérant la rationalité du phénomène technique, de « construire les modèles de fonctionnement en sorte de poser les questions avant même l’état des sources et les attestations78 »… en un mot, de « poser des questions en amont sur le phénomène technique pour trouver des réponses là où on ne les attendait pas79 ».
57Conçue comme méthode, et encore bien sensible dans notre premier chapitre et l’annexe 2, la modélisation opérée n’a pas pour autant commandé le plan de cet ouvrage, notamment pour des raisons pratiques de lecture et d’organisation : il est plus aisé de présenter par phases chronologiques les processus en œuvre dans la transformation des peaux en cuir, bien que techniquement parlant, la fabrication ne se définisse pas chronologiquement ; il est plus facile de se retrouver dans une anthologie de realia classés par thèmes que par traits utiles80…
Une anthologie philologique et critique
58Notre objectif premier était de produire une anthologie des textes grecs relatifs au travail des peaux et du cuir, avec traduction, et sans sélection fondée sur des présupposés, pour les mettre à la disposition d’un lectorat plus ou moins spécialisé et helléniste, intéressé par la question de cet artisanat, peu accessible quant à certaines sources. La traduction de termes parfois très techniques ou allusifs étant déjà elle-même une interprétation – que nous avons, chaque fois qu’elle posait problème, étayée par des parallèles lexicologiques, ou plus rarement confrontée à une autre traduction possible –, nous redonnons systématiquement le texte et quelques fois certaines des leçons des manuscrits susceptibles d’offrir des variantes intéressantes.
59Pourtant, bien que notre étude soit essentiellement philologique de par la nature de la majorité des sources qui y sont convoquées, nous avons bien conscience que l’étude lexicale seule n’est pas satisfaisante et peut fausser notre (re)connaissance des réalités matérielles et sociales – des objets et des métiers –, susceptibles de ne pas être désignées par un seul et même terme ou de connaître des variations dans les désignations d’un endroit, d’une époque et/ou d’un auteur à l’autre81. Les discussions, nombreuses, des termes, replacés dans leurs contextes, l’analyse sémique menée pour certains, devraient, nous l’espérons, permettre de cerner au mieux cette réalité reconstituée, sinon d’avouer en toute sincérité nos limites, nos hésitations ou nos apories.
60De même, pour les images vasculaires, et tout particulièrement celles qui représentent des scènes d’ateliers de cordonniers qui ne sont pas sans poser des problèmes de lecture de détails, nous avons pris le parti de reproduire des photographies, ou de donner parfois les liens vers d’autres reproductions précises, plutôt qu’un dessin au trait qui « clarifie, certes, mais souvent reproduit ce que le dessinateur comprend et n’est pas exempt d’erreurs82 ».
61Si enfin, au terme du projet, les citations se trouvent intégrées dans le commentaire qu’elles appuient, il sera aisé au lecteur de partir de chacune d’elles, pour construire ses propres questionnements et réflexions, grâce aux annexes et index proposés au terme de l’étude.
62Plusieurs années de collecte dans les ouvrages littéraires, les inscriptions, les papyrus, les images, les publications archéologiques ont ainsi permis l’établissement de cette anthologie.
63Ces témoignages, de nature et de degré de précision très divers, ont été organisés de la manière suivante :
la première partie présente les sources ouvrant sur des conclusions d’ordre technique, en appréhendant la peau, le cuir et les fourrures dans leurs processus de fabrication et d’entretien (chapitre premier, annexes 1 et 2), et la plus grande partie des domaines dans lesquels ils sont utilisés – dernier point qui a tout autant d’importance que les étapes de fabrication pour une étude technique de ces matériaux, puisqu’il permet de réfléchir à leurs traits pertinents et, en certains cas, à la propre analyse que les Grecs en faisaient (chapitre 2) ;
la deuxième partie permet d’aboutir à des conclusions d’ordre historique, en dressant une synthèse sur l’organisation des métiers du cuir (chapitre 3 et annexe 3) et le jugement de la société – du moins à travers le prisme, nécessairement donc limité et déformant, des philosophes classiques et des satiristes – sur les acteurs de cet artisanat (chapitre 4)83.
Notes de bas de page
1 Amouretti 2003, p. 50.
2 Lafargue 2009, p. 248.
3 Dercy 2012 : nous avions déjà exposé notre démarche et une partie de nos résultats dans cet article faisant suite à une communication prononcée le 31 mai 2010 lors de la journée d’études à Paris-Sorbonne (Paris IV) qui avait pour objet « L’Antiquité à l’épreuve du disparu. De l’absence de vestiges dans les études archéologiques ».
4 Voir, par exemple, Nicolet 1996, p. 14.
5 Bruneau, Balut 1997, p. 291-292, § 280.
6 Ibid., p. 180, § 189b.
7 Voir notre commentaire de IG I3 257 (infra, p. 36 et 179-180), en prenant ici le verbe βυρσοδεφσεν dans un sens restreint de « tremper les peaux » juste après le dépeçage.
8 « La prise en compte du disparu fait de plus entrer une catégorie d’ouvrages tout à fait inattendue dans l’analyse technique. Il s’agit des œuvres projetées et qui, n’ayant jamais existé, n’en ont pas moins leur place dans l’étude de l’équipement. Fantasmes d’architectes ou rêves d’orfèvres sont toujours un écho à l’existant de leur époque. Ils ont pour origine la même capacité technique, le même pouvoir de concevoir des ouvrages que dans le cas de l’existant et sont passibles de la même analyse » (Brossin, Couronné 2012, p. 5).
9 Labat 1998, p. 36. Le propos de l’auteur concerne la fabrication de l’outre en particulier, pour laquelle on dispose de très peu de textes, qu’ils soient techniques ou littéraires.
10 Sauf dans le monde homérique, où la peau d’un fauve est l’apanage des chefs. Voir infra p. 79 et suiv. : « Vestignomonie du vêtement de peaux et des fourrures ».
11 Amouretti 2003, p. 54, comme cause possible de ce que certains progrès techniques grecs n’ont pas été répertoriés dans les textes.
12 Voir le chapitre 4.
13 Voir Amouretti 1999, passim.
14 Voir les anthologies de J. Overbeck, Die antiken Schriftquellen zur Geschichte der bildenden Künste bei den Griechen, Leipzig, 1868, mieux connue dans sa traduction française par M. Müller-Dufeu, La sculpture grecque : sources littéraires et épigraphiques, Paris, 2002 ; A. Reinach, Recueil Milliet. Textes grecs et latins relatifs à l’histoire de la peinture ancienne, 1921, rééd. A. Rouveret, Paris, 1985.
15 Bruneau, Balut 1997, p. 229, § 228.
16 Rich 1859 ; Blümmer 1875 ; Daremberg, Saglio, Pottier 1877. Sur la genèse de cette dernière compilation, voir Valenti 2006. Signalons aussi l’étude sur les chaussures grecques de l’époque classique de Bryant 1899. Fougerat 1914, bien moins riche et précis en sources grecques, tombe dans le travers de la pure narration comme « mode explicatif » et s’avère moins utile.
17 Voir infra quant au recours aux images.
18 Bruneau, Balut 1997, p. 151, § 155.
19 Voir infra p. 184-185.
20 Sur la nécessité d’envisager un autre « fil conducteur » que la notion historienne, vague et mal définie, d’artisanat, qui conduit en outre à « l’élimination arbitraire de sources », voir Monteix 2011, p. 9-10.
21 Nous sommes redevable de cet échantillon à l’article de Schmitt-Pantel, Thélamon 1983, p. 12-13, repris dans Vidale 2002, p. 143.
22 Amouretti 2003, p. 50.
23 Avant le développement du primitivisme, les anthologies de la fin du xixe siècle citées plus haut défendaient un point de vue tout à fait opposé à celui d’une Grèce antique figée dans une stagnation technique, incapable d’inventions, qui auraient toutes été, par conséquent, empruntées à d’autres pays (Amouretti 2003, p. 51). Synthèse historiographique sur la question du primitivisme et du modernisme dans Monteix, Tran 2011, p. 4-5, et, surtout, l’introduction de N. Tran dans Picard 2008.
24 Amouretti 2003, p. 51. Étude historiographique dans Amouretti 1996.
25 Brun 2012, § 54 : « Au contraire des textes littéraires qui présentent une vision externe et le plus souvent aristocratique du travail et des techniques […], l’archéologie nous met en contact avec le travail lui-même, dans les exploitations agricoles, dans les ateliers, dans les lieux de production et de commerce. »
26 Bruneau, Balut 1997, p. 215, § 216. Pour une histoire des techniques cherchant à appréhender la relation homme/objet, voir Brun, Jockey 2001, p. 14 ; Tran 2013, p. 11.
27 Voir Monteix, Tran 2011, p. 4.
28 Balut 2012, p. 1.
29 Brossin, Couronné 2012, p. 3 : « Le renouvellement des problématiques ne semble pouvoir venir que de la découverte de vestiges, ce qui rend notre position de spécialistes de l’art grec bien inconfortable face à l’ampleur de sa disparition. »
30 Par exemple, M. Wissa compare les pratiques égyptiennes antiques et préindustrielles pour ce qui est de la fabrication du parchemin (Wissa 2006).
31 Demoule et al. 2005, p. 201.
32 Labat 1998.
33 Monteix 2011, p. 10.
34 Balut 2012, p. 2, et, plus généralement, Bruneau, Balut 1997.
35 Balut 2012, p. 3.
36 Nous reviendrons par exemple sur la validité du terme de « corroyeur » pour le monde grec ; nous verrons que les Anciens ne distinguent pas les produits tannants des produits teintants (pareillement identifiés par le terme pharmaka).
37 Cf. Annexe 4.
38 Voir aussi la définition de Monteix 2011, p. 9 : « Par étude technique, j’entends étude d’une chaîne opératoire dont les principaux composants sont : matériaux, outils, gestes, savoirs, énergies et acteurs. »
39 Bruneau, Balut 1997, p. 229, § 228.
40 Sur la rareté des sources, la nécessité de n’en négliger aucune et leur complémentarité dans l’optique d’une étude technique, économique et sociale, voir Monteix 2011, p. 9 : « Il est indispensable de prendre en compte l’intégralité des sources disponibles (archéologiques, épigraphiques, iconographiques, juridiques et littéraires) quelles que soient leur diversité et l’éventuelle difficulté de leur mise en relation, voire leur antagonisme dans certains cas. »
41 Tran 2013, p. 17.
42 Brossin, Couronné 2012, p. 4.
43 Tran 2013, p. 14.
44 La compilation byzantine des Géoponiques a ainsi conservé des traditions agronomiques grecques d’époques classique et hellénistique. Nous y recourrons également.
45 Pour un exemple de contresens des scholiastes sur un passage d’Aristophane, voir infra p. 39.
46 Nous distinguons dans notre relevé les scholies anciennes signalées par la mention [vet], des scholies plus récentes [rec].
47 Dickey 2007, p. 29-31.
48 Ibid., p. 88-90.
49 Ibid., p. 96. Sur le parti-pris de Pollux dans la constitution de son recueil et l’euglôttia, voir Mauduit, Moretti 2011, p. 522-524.
50 Ibid., p. 90-91.
51 Ibid., p. 101-102.
52 Cette remarque, faite à la suite d’une étude comparée entre le lexique du théâtre chez Pollux et ce qu’on en sait par les autres sources, notamment archéologiques, peut s’étendre, selon nous, aux autres domaines, ou du moins constituer un garde-fou. Cf. Mauduit, Moretti 2011, p. 541.
53 Et, si nous omettons de le faire, pour éviter les lourdeurs, le lecteur s’en trouve désormais averti et suppléera à ce manque.
54 Voir Bompaire 1993 pour l’ensemble des éléments rapportés ici.
55 Ibid., p. XXIX.
56 Voir l’introduction à l’édition de S. D. Olson, Loeb Classical, vol. I, 2006.
57 Mauduit, Moretti 2011, p. 535, n. 63.
58 C’est bien en cela que nous l’utiliserons ici, sans avoir finalement à prendre en compte la question de l’intérêt de l’auteur pour l’établissement de la vérité historique. Sur la question, voir Zecchini 2007.
59 Sur la question du public de l’Histoire naturelle et des sources pliniennes, voir Naas 2002, notamment les chapitres 1.II et III (situation de l’œuvre dans l’encyclopédisme antique et public de l’œuvre) et 3.II (traitement des sources).
60 Naas 2002, p. 39. Il s’agit, doublée d’une étude sur la nature, d’une histoire des mœurs, des activités humaines et des realia, dans une perspective « antiquaire » (p. 57-61).
61 Ibid., p. 53.
62 A. Ernout, introduction du livre XIII (CUF, 1956), p. 9.
63 Naas 2002, p. 140. Voir aussi Morton 1986, passim. Pour le seul passage qui nous occupe en minéralogie, au sujet du noir de cordonnier, la source de Pline semble être Dioscoride (V, 114). De manière générale, voir notre Annexe 1 sur les tanins dans les sources gréco-latines.
64 Naas 2002, p. 149-150.
65 Lissarrague 2006, p. 174-175 : « Du point de vue des images, le DA ne diffère pas, dans son principe, de l’Antiquité expliquée [et représentée en figures] de Montfaucon [1719-1724]. Il utilise l’image comme un moyen direct, un moyen explicatif […]. L’évidence visuelle est au service de l’intelligence des textes. »
66 Monteix 2011, p. 10.
67 Ziomecki 1975, notamment p. 113-116 ; Vidale 2002, notamment chap. VI, p. 135-148.
68 Généralement, la peau ou le cuir sont identifiables du fait d’un traitement chromatique ou graphique particulier : un trait ou un rehaut de couleur rouge ou brune, une trame de petits traits ou points… La représentation des poils ou des taches d’une fourrure sont moins équivoques.
69 J.-J. Rousseau, Confessions, I, 1 (1782, posthume).
70 Tran 2013, p. 10
71 Signalons, par exemple, pour d’autres matériaux périssables que sont l’osier, le saule, etc., l’étude sur la vannerie dans le monde romain par Cullin-Mingaud 2010.
72 Rizopoulou-Egoumenidou 2009, p. 5-14.
73 Tran 2013, p. 13 : « L’apport limité, sur les plans quantitatif et qualitatif, de chaque type de sources peut être partiellement compensé par une remise en cause de cloisons documentaires trop étanches. »
74 Ibid.
75 Blondé, Muller 2000, p. 291.
76 Bruneau, Balut 1997, p. 258, § 253 : « relations associatives » et « taxinomiques ». Voir également notre Annexe 2.
77 Voir Monteix 2011, p. 10 : il met en place un « postulat opérationnel » consistant à accepter, pour mieux le remettre en cause plus tard, le concept d’une « koinè technique », amené à être critiqué et dépassé ensuite, qui « permet de recourir à des comparaisons d’exemples situés à deux extrémités chronologiques ou géographiques différentes du monde romain » à défaut d’avoir suffisamment d’éléments à connecter les uns aux autres, et par contraste avec l’idée de système technique qui donne une vision macrostructurale de la technique.
78 Balut 2012, p. 4-5.
79 Brossin, Couronné 2012, p. 8.
80 Le modèle technique était plus prégnant dans notre mémoire de Master 2 à l’origine de cet ouvrage, et donnait le plan en trois parties du commentaire : « Ergologie, Ergotropie, Confection ». Notre souhait est de gommer quelque peu ici le cadre théorique, attendu dans un mémoire de Master mais dont on peut se libérer dans une monographie qui cherche à toucher un public plus large.
81 Développement similaire chez Tran 2013, p. 16, pour les études lexicales menées traditionnellement sur les métiers, dû à l’aridité des textes convoqués.
82 Lissarrague 2006, p. 177.
83 L’annexe 4 participe d’une optique purement sémantique puisqu’elle regroupe les emplois figurés des mots relatifs au cuir, qu’il nous a paru bon de ne pas écarter de notre étude.
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