Chapitre 2. Couleur et trompe-l’œil : l’invention du luxe
p. 29-78
Texte intégral
1Construites comme des tableaux avec une cohérence globale, les images murales de IIe style, où sont imitées des architectures fictives et assemblés des matériaux de luxe, portent une signification qui, hélas, nous échappe plus souvent qu’elle n’est limpide. L’examen de la distribution des couleurs, de la structuration de ces décors en autant de « syntaxes décoratives » et des procédés picturaux originaux destinés à « inventer l’espace » concourt à une meilleure compréhension du langage imagé qu’elles véhiculent. Ce discours est à plusieurs niveaux : il passe autant par de véritables programmes décoratifs établis, qui devaient avoir à l’époque une signification immédiate, que par des indices subjacents, symboliques et involontaires qui nous racontent aujourd’hui certains aspects du processus créatif de ces trompe-l’œil.
Distribution des couleurs dans les décors architecturaux
2Le déchiffrage des décors en trompe-l’œil qui ornent les maisons de l’élite romaine à la fin de la République est loin d’être simple. Le déploiement de couleurs à la surface des parois, d’une fabuleuse richesse, contribue à l’originalité de ce mode décoratif : le goût pour les décors polychromes (notamment à travers la représentation de matériaux colorés) n’est pas anodin et relève du discours véhiculé par l’image1.
Monochromie et polychromie
3Partons du plus petit élément qui, assemblé à tous les autres, compose l’ensemble d’un décor : l’élément décoratif, c’est-à-dire les éléments architecturaux ou ornementaux2.
La couleur précède la matière
4Associés à des panneaux ciselés polychromes qui représentent assurément des blocs ou des placages en marbre se trouvent – et même en plus grand nombre – des éléments de forme identique, ciselés eux aussi, mais cette fois monochromes. On pourrait penser que ces éléments devaient aussi évoquer un matériau en particulier, par association d’idée – par exemple, tout bloc rouge renverrait au marbre rouge du cap Ténare3. Cependant, si l’on reprend l’origine des décors domestiques, il s’agit en tout premier lieu de décors à bandes monochromes horizontales4. Ces bandes sont ensuite sectionnées pour imiter l’appareil d’un mur donnant les décors de Ier style, où peu à peu certains éléments deviennent polychromes et renvoient à des matériaux précis ou à des images abstraites de marbres polychromes : c’est donc la couleur qui précède la matière.
5Mis à part des panneaux à bossages de dimensions variées, quelques colonnes et des objets multicolores comme les pinakes, masques et guirlandes, la grande majorité des éléments qui composent les décors de IIe style sont des éléments monochromes.
6Sur l’ensemble des décors étudiés, le nombre d’éléments décoratifs unis représente environ 85 %, ceux traités en camaïeu sont exceptionnels (moins de 0,2 %)5.
7Ainsi, relativement peu d’éléments décoratifs sont polychromes dans les trompe-l’œil, mais ils ont un impact visuel fort. En effet, dans un ensemble constitué de nombreux éléments unis et de quelques éléments multicolores, même de dimension réduite, l’œil est attiré par ces derniers, de même qu’il ira naturellement vers les éléments figurés ou les formes complexes plutôt que de se perdre dans les aplats.
8Dans le cubiculum C de la maison de Cérès à Pompéi, par exemple, la plupart des champs sont d’une couleur unie (fig. 5) ; pourtant l’impression laissée au visiteur est celle d’un décor fondé sur l’agencement d’éléments polychromes. Leur surface est cependant minime proportionnellement aux zones unies, comme le montre le graphique suivant :
9Les principaux éléments architecturaux imités qui font l’objet de polychromie sont les panneaux (blocs ou placages) de formes diverses et les colonnes ou pilastres qui renvoient à des marbres6.
10D’autres éléments de décor, ornés par exemple d’écailles ou de feuilles imbriquées, ou encore de cubes en perspective7, créent aussi cet effet de polychromie par l’aspect chatoyant, mouvant de ces motifs : des écailles imbriquées ornent par exemple certaines colonnes du décor de l’exèdre y de la maison des Épigrammes et de celui de l’oecus 3 de la maison de M. Obellius Firmus (fig. 39). D’autres encore représentent des objets multicolores ou peints. On en compte 187 sur l’ensemble du corpus : animaux, masques, panneaux ornés de motifs, guirlandes, statues, personnages etc. (voir par exemple : masques, fig. 2 ; paon, fig. 53 ; oiseau, fig. 36 ; pinakes, fig. 72).
11Si le plus petit module des décors, l’élément décoratif, est plus volontiers monochrome, l’agencement de ces éléments divers produit, à l’inverse, un effet de vive polychromie.
La polychromie avant toute chose !
12On parle de « décors monochromes » à propos de décors qui sont en fait réalisés « en camaïeu », c’est-à-dire jouant avec les tons variés d’une même couleur, du clair au foncé ; il n’y a, à proprement parler, aucune pièce qui soit uniformément monochrome dans le sens où on l’entend depuis le xxe siècle et qui correspondrait à la plupart de nos peintures murales actuelles : sans frise, sans élément autre qu’un fond uni. Il existe cependant dans la peinture murale romaine un type de décor quasiment monochrome : des surfaces entièrement blanches parcourues de tracés rouges ou noirs figurant le contour et le profil de panneaux répartis sur différentes assises. On pense par exemple à la rampe 12 et à la salle 4 de la maison d’Auguste sur le Palatin (fig. 6), à certaines pièces de la maison de Maius Castricius à Pompéi (VII 16, 17), de la villa d’Ariane à Stabies ou encore de la maison de P. Casca Longus (ou casa dei Quadretti teatrali) à Pompéi8. Ces décors de type « linéaire schématique » reprennent une manière de décorer plus ancienne, dont on connaît notamment le décor domestique d’une maison d’Amphipolis9.
13Mis à part le cas de la rampe monumentale de la maison d’Auguste, les exemples romains et campaniens semblent circonscrits à des espaces secondaires. Dans le cas de la rampe10, ce décor extrêmement simplifié contraste avec celui, très élaboré, qui orne le vestibule monumental chargé de couleurs des parois jusqu’au plafond. Alors que l’accès au temple – pourtant d’une hauteur remarquable – est réduit à un décor à deux zones constitué d’un haut socle sombre et d’une succession d’assises de blocs isodomes blancs, surmonté d’une voûte ornée d’un réseau de caissons à rosettes traitées en monochrome rosé, le vestibule est à quatre zones polychromes et surmonté de caissons agencés de manière plus complexe11. Le jeu des couleurs y est très présent : le rouge domine les parois, mais des éléments polychromes s’y intercalent et la brillance de quelques objets métalliques est distribuée avec parcimonie tandis qu’une ouverture sur un extérieur imaginaire contraste avec la fermeture rigide de l’autre partie du décor. La voûte est composée de modules carrés à quatre carrés inscrits et de rectangles à losange inscrit : blanc, rouge, violet, vert et ocre jaune – aux reflets qui évoquent certainement l’or – s’y déploient, là encore, dans un jeu de contraste avec le plafond clair de la rampe elle-même. Comment interpréter cette distinction élaborée où la partie la plus simple est réservée à la zone qui mène au temple et la plus riche et colorée est attribuée à la zone plus privée de cet espace ? La question reste ouverte, même si l’on serait tenté de dire que la simplicité se marie bien avec le sacré… mais ce serait là sans doute une surinterprétation doublée d’un anachronisme sensible !
14Quant aux décors « monochromes » entendus dans le sens de camaïeu, il s’agit d’étendues qui décorent une portion plus ou moins vaste d’une pièce, parfois toute l’unité décorative12. Dans le cubiculum q de la maison du Laraire d’Achille (fig. 7), orné d’un monochrome rouge, un pilastre vert sert de transition entre les deux parties du décor, délimitant l’alcôve de l’antichambre. Dans le cas du cubiculum 4 de la villa des Mystères, il s’agit en réalité d’une salle « bichrome » : l’alcôve est décorée d’un camaïeu vert et l’antichambre d’un monochrome jaune (fig. 8)13. Le décor du cubiculum 7 de la maison dite de la Bibliothèque et celui de l’exèdre y de la maison des Noces d’Argent sont entièrement réalisés en camaïeu jaune.
15Ces décors sont rares : seuls ces quatre exemples sont conservés. Il est intéressant de constater qu’il s’agit, dans trois cas sur quatre, de décors de cubicula, dans des maisons parmi les plus richement ornées de Pompéi. Sans qu’il s’agisse de lieux de représentation, ces pièces à usage privé sont loin d’être secondaires : le niveau qualitatif du décor du cubiculum q de la maison du Laraire d’Achille l’atteste particulièrement avec ses successions de frises imitant des bas-reliefs ornementaux très subtils – rais de cœur, arêtes de poisson, méandres en perspective, rinceaux, frise d’armes (boucliers et casques), centauromachie –, ses panneaux figurés également en bas-relief, ses masques, ses panneaux à profil double encadrés d’oves et fers de lance ou de bordures biseautées à moulures lisses, mais aussi la représentation d’un édicule supporté par des colonnes à tenons de bardage saillants14. Tous ces détails et la finesse d’exécution ne peuvent qu’être la réalisation d’une équipe d’artisans particulièrement habiles.
16Les deux autres cubicula, plus simples, ont aussi fait l’objet d’un travail raffiné : dans le cubiculum 3 de la villa des Mystères, les bordures d’onyx qui encadrent les orthostates sont traitées dans une continuité qui donne l’impression d’un travail de marqueterie de marbre.
17L’exèdre y de la maison des Noces d’Argent a ceci de particulier qu’elle présente un décor ouvert fictivement, en zone supérieure, sur des colonnades derrière lesquelles la masse colorée figure, à n’en pas douter, le ciel (par analogie avec les autres décors à colonnades en arrière-plan). Ici le ciel est peint en jaune, accentuant ce travail assumé de peinture en camaïeu (fig. 9).
18Dans d’autres cas, sur des sections de mur ont été réalisés de véritables tableaux « monochromes » : dans le cubiculum M de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale, un camaïeu jaune orne le parapet couronné d’une corniche rouge au centre de la paroi du fond15 ; dans la pièce adjacente, le cubiculum diurnum N, deux panneaux en camaïeu rouge encadrent la grande baie ouverte sur la campagne au nord (fig. 10). À Oplontis, dans l’antichambre du triclinium 14 de la villa A, des orthostates sont ornés de camaïeux jaunes (fig. 11) et, dans l’oecus 23 de cette villa, l’orthostate au centre de la paroi située en face de l’entrée sert de support à un camaïeu vert dont l’état de conservation rend malheureusement la lecture difficile16. Ces différents panneaux sont tous prétextes à l’insertion des topia, ces petits éléments paysagers dont la légèreté contraste avec l’allure massive des décors architecturaux17. Ces motifs se développent à la fin du IIe style pour donner les grands panneaux que l’on connaît, au centre des parois de la salle des Masques (5) de la maison d’Auguste par exemple (fig. 82).
19Dans le cubiculum 46 de la maison du Labyrinthe et dans le triclinium 14 d’Oplontis, on peut voir des boutisses insérées dans une séquence de panneaux unis ou polychromes, qui servent de support à la réalisation de camaïeux qui rappellent l’art de la gravure de camées. Sur fond bleu se détachent des Erotes en pied ou en buste (fig. 12).
20On trouve également en monochrome de petites frises figurées, notamment toute une série déployée à la surface des différentes pièces de la villa A d’Oplontis (fig. 13)18 : leur style graphique très singulier se démarque de bandeaux également monochromes où l’intention du peintre est clairement de figurer un bas-relief, comme dans la frise à fond violet du cubiculum diurnum N de la villa de P. Fannius Synistor située sous des monochromes rouges (fig. 10).
21On ne trouve qu’occasionnellement ce type de décors monochromes : la peinture de la fin de la République romaine est caractérisée justement par une vive polychromie. La palette colorée des peintures de Ier style est moins étendue ; de même les peintures post-augustéennes, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent, sont généralement construites sur un fond uni. Les matériaux juxtaposés au sein des architectures fictives de IIe style font intervenir un éventail coloré très varié, peu habituel pour notre œil contemporain. En moyenne, le nombre de champs chromatiques répertoriés au sein d’un décor se situe entre sept et huit, chaque champ chromatique étant lui-même constitué de nuances colorées variées19.
22On est donc en présence de décors où l’harmonie n’est pas à rechercher dans une unité colorée, comme cela devient peu à peu le cas dès l’époque augustéenne. Dans les décors tardifs, le nombre de couleurs diminue : les aplats d’une seule couleur, utilisés comme fonds destinés à mettre en valeur des tableaux mythologiques, sculptures et ornements végétalisés, remplacent les agencements multicolores qui prévalent jusque-là. Plusieurs pièces de la maison d’Auguste (dont l’une a même pris le nom de salle « aux murs noirs ») et surtout de celle de Livie sur le Palatin témoignent d’un retour à une unité colorée, à la fin des décors de IIe style.
23Ce goût particulier pour la polychromie peut être mis en relation avec une notion qui semble en vogue dans les milieux de l’élite du ier siècle av. J.-C. : celle de varietas qui, en grec, avoisine celle de poikilia20. À cette période de l’histoire romaine, la variété apparaît en effet comme un critère de jugement positif.
Varietas et poikilia
Variété et esthétique de l’accumulation
24On perçoit cette fascination pour la variété à travers le texte de Lucain qui décrit le palais de Cléopâtre à Alexandrie. Un siècle sépare l’auteur de l’époque de son récit : lui-même est relativement critique vis-à-vis de l’étalage de matières luxueuses et variées, mais il met en exergue la valeur positive, pour les contemporains de son récit21, de la diversité des matériaux énumérés, riches et d’espèces rares. Il insiste particulièrement sur l’effet produit par les couleurs et la brillance des matières.
25On trouve aussi dans la littérature poétique ce goût pour l’énumération. L’un des poèmes de Stace22 illustre cette technique littéraire d’une manière étonnante : l’énumération sert autant à dénombrer les matériaux absents que ceux qui ornent bel et bien les bains de Claudius Etruscus, objet de la description du poète… Le marbre de Thasos, de Carystos, l’albâtre et l’ophite font partie d’une première série de marbres, ceux qui ne sont pas intégrés au décor. Puis arrivent ceux – moins nombreux ! – qui y sont effectivement : le marbre de Numidie, le marbre phrygien de Synnada ainsi que le marbre vert de Laconie. Il est particulièrement intéressant de voir que l’esthétique de l’accumulation est si forte que l’auteur énumère aussi volontiers les matériaux présents dans le décor que ceux qui, au contraire, brillent par leur absence.
26Ce texte du troisième quart du ier siècle apr. J.-C. témoigne d’un intérêt pour l’amoncellement – et en particulier pour le marbre – qui prend vraisemblablement racine au cours du ier siècle av. J.-C.
27En peinture, le goût pour l’accumulation est croissant tout au long du ier siècle av. J.-C. Il se transforme à l’ère augustéenne, où le minéral est remplacé par le végétal et par un goût pour l’hybridité23, tendance qui atteint son paroxysme dans les décors d’époque néronienne. Dans le décor en camaïeu rouge du cubiculum q de la maison du Laraire d’Achille, évoqué précédemment (fig. 7), l’accumulation ne joue pas sur le nombre de couleurs, mais sur la variété des thèmes, sur le vocabulaire ornemental ainsi que sur le nombre de techniques décoratives évoquées24.
28Souvent, cependant, la notion de variété semble liée avant tout à celle de couleur.
Variété et couleur
29Dans l’univers grec comme dans le monde romain, les termes qui désignent l’idée de variété, de diversité sont très souvent liés à la couleur, ou plutôt à la multiplicité des couleurs. Une succincte étude sémantique sur les termes varietas pour le latin et poikilia pour le grec, et sur leurs dérivés, montre leur proximité avec la notion de polychromie25 et donc avec le terme versicolor. En latin, c’est une valeur positive que connote généralement ce champ sémantique ; en grec, en revanche, le sens varie en fonction des époques et des contextes.
30En latin, le nom varietas signifie « variété, diversité », ou bien le fait d’être de deux couleurs ou plus. Vitruve l’utilise pour qualifier les bigarrures des marbres26 ; Sénèque, au sujet de l’arc-en-ciel27. L’adjectif varius peut signifier « varié, nuancé, tacheté, bigarré, moucheté ». On le trouve chez Virgile28 pour désigner les lynces Bacchi variae, c’est-à-dire « les lynx tachetés de Bacchus » ; chez Horace, les lapides varios désignent des « mosaïques »29. Dans le Dictionnaire étymologique de la langue latine (Ernout-Meillet), il est précisé qu’il s’agit d’« un mot bien latin, qui s’emploie au propre pour marquer des dissemblances de couleurs, mais qui, au figuré, s’applique à toutes sortes de dissemblances : on dit un poème varié, un discours varié, des caractères variés, une fortune variée ». Le terme, dans une autre acception, peut signifier « divers, différent » ou « abondant, fécond en idées ». Parfois il prend une connotation morale, désignant ce qui est « variable, inconstant, irrésolu » (par exemple chez Cicéron)30. Le verbe variare, qui signifie « varier, diversifier, nuancer », est souvent employé en association avec colores : chez Lucrèce variare colores signifie « diversifier les couleurs »31. Chez Ovide, les pierres précieuses rehaussent (de couleurs) l’éclat de la chevelure32 ; et Sénèque utilise ce terme pour exprimer l’idée du jeu de contraste réalisé à l’aide de marbres polychromes agencés – comme en peinture (in picturae modum), précise-t-il – dans le luxueux décor d’une salle de bains33. De la même façon, Stace, dans un poème sur les bains de Claudius Etruscus, décrit lui aussi comment le marbre de Synnada (aux veines violettes) tranche avec le marbre vert de l’Eurotas (c’est-à-dire le cipolin) auquel il est juxtaposé34.
31Ainsi, à une exception près, qui indique une valeur morale négative, les dérivés de varietas sont liés à la couleur et expriment une notion plutôt positive : les couleurs telles qu’elles sont présentées par la nature elle-même à travers les gemmes, les pierres, l’arc-en-ciel ou le pelage des animaux (Vitruve, Ovide, Sénèque), mais aussi telles qu’elles sont agencées par les peintres ou les marbriers (Stace, Lucrèce, Sénèque).
32En grec, le mot ποικιλία et ses dérivés ont eu une destinée plus ambigüe. À l’époque archaïque, ils renvoient généralement à un contexte positif : ils expriment le plus souvent la diversité des couleurs35 mais peuvent aussi évoquer par exemple la variété gustative36. On les trouve aussi au sujet d’activités (ou des objets qui en sont issus) qui se réfèrent à une composition, à l’agencement d’éléments divers destiné à créer une certaine harmonie, telles que la broderie37, la peinture, le dessin38 ou tout autre type d’ornements39. L’adjectif ποικίλος signifie au sens propre « varié, divers », « bigarré, tacheté, moucheté » ou « de toutes les couleurs » à propos d’étoffes, tissées ou brodées, d’armes, mais aussi d’animaux (serpents, faons) ; par extension, il peut signifier « couvert de peintures, de tableaux » pour désigner le Poecile (ou stoa poikilè), le portique peint40. Par métaphore, il signifie aussi « changeant, compliqué, subtil, astucieux41 ». À l’époque classique, et surtout en contexte athénien, c’est cette dernière connotation qui prend le dessus et la poikilia devient l’attribut du barbare, du Perse en particulier, symbolisant le luxe, la profusion et la mollesse qui en découle. Certes, à l’époque héllenistique, le sens sous-jacent se transforme à nouveau et c’est plutôt le raffinement bigarré qu’en retiendront les Romains.
33Quant au terme versicolor, en latin, la multiplicité des couleurs – ou tout au moins le changement de couleur, la variation – est déjà présente dans la construction du mot à partir de versus et color42. Il peut signifier ce qui est de plusieurs couleurs, donc bigarré, ou ce qui est de couleurs changeantes, mouvantes, donc moiré, chatoyant. Cicéron l’emploie par exemple pour la couleur des plumes des colombes : il s’agit dans ce cas de l’effet moiré43. Dans les trompe-l’œil de la fin de la République, les éléments polychromes ne manquent pas, mais on peut aussi signaler la présence d’éléments de « couleurs chatoyantes ». Dans le salon H de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale, la majorité des textiles semble renvoyer à une matière soyeuse, des vêtements des personnages au coussin sur lequel est assise la poétesse (fig. 14) : les reflets sur les plis du tissu sont plus accentués qu’un simple effet d’ombre et de lumière. Dans certains cas, ces reflets sont même d’une autre couleur : dans les plis de la tunique de la poétesse, du bleu clair est juxtaposé à un ocre jaune clair, presque doré, comparable aux effets de textile mis en œuvre dans les mosaïques de la villa de Cicéron à Pompéi ou dans la frise sur fond noir du triclinium C de la villa de la Farnésine44.
34Ce terme versicolor est aussi régulièrement utilisé par Pline, notamment pour la peinture, par exemple au sujet de Polygnote de Thasos qui « fut le premier à peindre des femmes en vêtements transparents, les coiffa de mitres aux couleurs variées (mitris versicoloribus45) » : pourtant il s’agit d’un peintre qu’il classe parmi les tétrachromistes46.
Le langage silencieux de la couleur
35La signification qui émane des couleurs et de leur distribution n’est pas plus aisée à décrypter que de vouloir normaliser la perception même des couleurs : elles échappent à toute catégorisation simple, tant elles dépendent de chaque individu et/ou de son milieu. Elles stimulent les sens et bouleversent les consciences collectives dont les variations, au cours du temps et dans l’espace, jouent parfois quelques tours à qui veut les analyser. Que le vert puisse, en Chine, symboliser la foudre, à laquelle l’Occident associe la couleur jaune, ne va pas de soi. Que la mer ne soit presque jamais bleue dans le monde grec, mais plutôt noire ou « couleur de vin47 » ; que le blanc, couleur de la pureté et de l’innocence en Occident, soit celle de la mort et du deuil en Orient ; ou encore que le noir, funèbre en Occident, soit dans l’Égypte ancienne une couleur liée à la fertilité : tout cela nécessite un effort de transposition dans nos mentalités. Ces questions de symbolique, de signification codée, qui relèvent avant tout de la sociologie des couleurs, à la fois très complexes et périlleuses, font l’objet de nombreux travaux48 : ce livre s’en tient donc à aborder l’aspect symbolique des couleurs circonscrit au rapport qu’elles entretiennent avec un matériau49. Dans certains cas, il est difficile de savoir si l’aspect symbolique vient de la couleur elle-même ou de l’objet qui la porte : la couleur pourpre symbolise le pouvoir en référence, semble-t-il, aux manteaux des magistrats. En réalité, ces manteaux ont été teints de pourpre – substance précieuse issue d’un mollusque, le murex50 –, qui portait déjà une valeur symbolique : le rouge étant la couleur de la teinture par excellence (en opposition au blanc, couleur d’un textile non teint mais pur, et au noir, couleur d’un textile non teint et souillé51). Il y a donc une sorte de va-et-vient symbolique entre objet et couleur52.
36Si difficile soit-elle à déchiffrer, la distribution des couleurs à la surface des parois d’époque tardorépublicaine ne peut être considérée comme le fruit du hasard, fluctuant en fonction des goûts de décorateurs résolus ou des caprices de commanditaires ambitieux. Nous pouvons remarquer par exemple que les décors entièrement peints en camaïeu (monochromes ou bichromes) ont surtout été réalisés dans des cubicula (voir supra p. 33) : cela n’est certainement pas anodin, même si nous ne parvenons pas à percevoir le sens ou la nécessité de cet usage.
37Le fait que Vitruve53 consigne dans les pages de son traité d’architecture les éléments qui contribuent à l’adéquation entre les pièces et leur décor ne fait que confirmer cette impression. Il faut, explique-t-il, que les motifs peints obéissent à des decoris rationes proprias, c’est-à-dire à des règles adaptées que l’on peut rassembler sous le terme de « convenance », un des six critères qui selon Vitruve composent l’architecture54.
38Ses prescriptions sont de deux ordres : fonctionnel d’abord, esthétique ensuite. Ainsi, Vitruve conseille d’éviter les décors trop raffinés dans les triclinia d’hiver puisque l’on s’y tient en allumant des feux et à la lumière des lampes dont la fumée encrasse les décors : aussi invite-t-il pour ces pièces à choisir des fonds noirs. Puis, ses considérations au sujet des galeries (ambulationes) deviennent esthétiques : leur dimension allongée est adéquate pour y peindre des vues paysagères, des mégalographies ou des cycles mythologiques.
Couleur et fonction des pièces (à la lumière du traité de Vitruve)
39La piste de la conformité des couleurs à la fonction des pièces – comme le noir pour les triclinia d’hiver – a été suivie en premier lieu55.
40Malheureusement le nombre d’exemplaires conservés pour chaque type de pièce est souvent trop faible pour pouvoir établir des généralités : les cubicula, oeci et triclinia sont les pièces dont les décors ont été conservés en plus grand nombre. Ils offrent de manière privilégiée la possibilité d’en extraire des généralités, indices de compréhension du langage des couleurs. On peut aussi regrouper les pièces de déambulation puisque Vitruve a laissé pour elles des prescriptions particulières : ainsi couloirs, péristyles et cryptoportique peuvent former un groupe cohérent. Pour les autres types, trop peu représentés, il faut se contenter de remarques plus fragiles56.
41Pour les triclinia d’hiver, c’est-à-dire ceux qui donnaient sur l’atrium (les triclinia d’été donnant plus volontiers sur le péristyle ouvert), on observe que le noir est la couleur la plus employée, ce qui est d’autant plus significatif que, de façon générale, le noir n’est pas une couleur prédominante57. Il semble donc que la notice vitruvienne évoquée supra corresponde à une pratique qui devait être d’usage au ier siècle av. J.-C. Dans cette partie du texte, l’auteur n’a pas encore indiqué qu’il décrivait les pratiques des « Anciens », comme il le fait quelques paragraphes plus loin pour les autres pièces (ceteris conclauibus58) : il s’agit d’une pratique sans doute toujours de mise à sa génération
42La répartition des couleurs sur l’ensemble des cubicula, en revanche, correspond à la répartition moyenne des couleurs sur l’ensemble des pièces du corpus. On ne peut donc en tirer de conclusion particulière.
43Quant aux oeci, ces pièces destinées à la réception des amici, le rouge y est dominant. Ce sont les seules pièces (en dehors du cryptoportique) où le rouge est plus important que toutes les autres couleurs. Même si ce rouge n’est pas toujours du cinabre, il fait sans doute référence à ce précieux pigment, dont Vitruve précise qu’il était fourni par le propriétaire et non par l’entrepreneur59. Il est probable que son étalage soit un sujet de concurrence entre personnalités du même rang : sa présence accentuée dans les pièces de réception (plutôt que dans les pièces de représentation60) peut y trouver une part d’explication.
44Pour les galeries (ambulationes) Vitruve ne donne pas d’indication précise sur les couleurs qu’il convient de leur réserver ; il indique cependant des pratiques précises liées à ces lieux61. En se fondant sur le texte de Vitruve qui recommande un décor particulier pour les pièces de déambulation, il est intéressant d’étudier ensemble les couloirs, les péristyles ainsi que le cryptoportique afin de voir dans quelle mesure la distribution des couleurs est significative dans ces pièces. Si l’on exclut de l’observation des décors trop fragmentaires62, on remarque alors, en considérant les couloirs F1, F2 et F3 de la villa des Mystères, le cryptoportique 17 de la maison éponyme et les deux péristyles de la villa des Mystères et de celle de P. Fannius Synistor à Boscoreale, auxquels on peut ajouter la salle 7 dite « aux murs noirs » de la maison d’Auguste qui était un lieu de passage aux dimensions allongées, que chacun de ces décors est caractérisé par une couleur très largement dominante. Le rouge pour quatre d’entre eux, le noir et le « polychrome63 » respectivement pour les deux autres (péristyle E de Boscoreale, couloir F3 de la villa des Mystères). Si l’on ne retrouve pas précisément les détails indiqués dans les écrits théoriques de Vitruve, on remarque cependant que le traitement des pièces de déambulation bénéficie d’une réflexion particulière. L’unité colorée de ces espaces leur confère une harmonie plus que ne le ferait un décor éclectique.
Couleurs et espace fictif
45La répartition des couleurs peut aussi être liée à leur position dans le décor : quelle est la distribution des couleurs selon les niveaux et les plans de projection de l’espace fictif ? En effet, certaines couleurs peuvent être employées plus volontiers dans les premiers plans du décor et d’autres plutôt dans le lointain de la perspective pour renforcer les effets visuels. Certaines couleurs sont privilégiées au niveau de l’œil (niveau médian de la paroi), d’autres au contraire en zone inférieure ou supérieure.
Répartition des couleurs par niveau
46Le graphique 3 montre la répartition des surfaces de couleur sur les différents niveaux du décor64. L’échelle à gauche est un ordre de grandeur qui correspond au produit du nombre d’éléments relevés par un ordre de surface défini en fonction du type d’élément65. Il en ressort plusieurs informations :
- Au niveau inférieur, les couleurs les plus utilisées sont le jaune, le violet, le rouge, le vert, le blanc, le polychrome et le noir. Il n’y a pas de couleur très dominante.
- Au niveau médian, la couleur rouge est de loin la plus utilisée ; le jaune, le violet et le blanc sont ensuite employés de manière presque équivalente, devant le vert, le noir et les champs polychromes. Pour le rouge, même s’il ne s’agit pas toujours de cinabre comme dans la fameuse salle 5 de la villa des Mystères, on ne peut que penser à la critique de Vitruve qui compare l’utilisation parcimonieuse que les « Anciens » faisaient de ce précieux pigment à l’étalage indécent – pour reprendre ici aussi son propre vocabulaire66 – pratiqué par ses contemporains67.
- Au niveau supérieur, le blanc domine, suivi du jaune et du rouge, puis du vert et du violet68.
- Pour les éléments « multi-niveau », c’est le blanc qui est principalement utilisé : il s’agit souvent d’éléments architecturaux d’élévation, comme les colonnes. Cette couleur dominante peut s’expliquer par leur fonction architecturale, qui renvoie au marbre ou à des matériaux stuqués, mais aussi par une raison optique. Le blanc, appliqué de manière transversale sur d’autres couleurs, crée un effet de contraste qui favorise la lisibilité des différents plans du décor. Dans le jargon des peintres, on dit que le blanc « fait venir en avant » l’élément, en le mettant en lumière.
Répartition des couleurs par plan de projection
47La seule donnée qui émerge de l’étude de la distribution des couleurs sur les plans de projection concerne la couleur bleue.
48Le bleu est une des couleurs utilisées avec le plus de parcimonie (voir Annexe 4, graphique 16). Cependant, à partir du cinquième plan des décors (lorsqu’il y en a), le bleu devient la couleur qui domine les autres.
49Cette répartition semblerait a priori pouvoir s’expliquer par le fait que le bleu est généralement réservé aux représentations du ciel, souvent visible au-delà d’une lunette figurée dans les décors ou d’un mur-écran qui s’ouvre sur un extérieur imaginaire, donc dans la partie la plus lointaine de la représentation.
50Reprenons alors la question de la présence du bleu sur les différents niveaux : le graphique 3 montre que le bleu est, de façon générale, peu présent sur les différentes zones des décors et le graphique 4 que le bleu est plus présent en zone supérieure que sur les autres zones, tant en surface qu’en nombre d’occurrences, ce qui paraît logique si l’on considère que le bleu est notamment utilisé pour les surfaces de ciel.
51Cependant, si l’on retire les ciels de l’étude, les données restent les mêmes, le bleu reste utilisé majoritairement dans la zone supérieure (tableau 1).
52Cela signifie que le bleu est volontiers utilisé pour les éléments architecturaux situés dans la zone supérieure de la paroi. Cet usage de couleurs claires en zone haute, et en particulier du bleu, est probablement une pratique destinée à respecter la légèreté nécessaire aux superstructures ou à évoquer l’ouverture de la paroi, même dans le cas de décors fermés69.
Colores austeri aut floridi
53Pline l’Ancien propose de classer les couleurs en deux catégories70 : les austeri dont l’utilisation en peinture est selon lui plus noble et les floridi, elles-mêmes précieuses, qui tendent à faire confondre la valeur d’une œuvre avec le prix des matériaux71. Le texte demeure assez flou, comme le précise Hariclia Brécoulaki72, qui relève diverses contradictions du fait des imprécisions de Pline dont elle rappelle « l’éloignement par rapport à la manipulation des couleurs par les peintres », invitant « avant de se lancer dans l’interprétation de ses catégorisations, à relativiser la validité absolue » de ses notices. Remarquant, à l’appui des recherches archéologiques, la rareté des pigments floridi dans les peintures murales romaines pourtant fustigés par l’auteur de l’encyclopédie73, elle propose de voir plus simplement que l’opposition des termes se réfère « plus généralement à l’impression qui nous est transmise par un certain emploi des couleurs qui ne tient pas compte de la nature du pigment utilisé mais surtout de sa manipulation ». Le terme floridus, lié au luxe et à l’abondance, lorsqu’il est appliqué au domaine pictural renverrait à « l’emploi de pigments vifs, appliqués en couches saturées et uniformes pour des représentations à caractère plutôt décoratif » ; et austerus serait lié à « l’application de pigments dont la manipulation permet d’obtenir des effets chromatiques nuancés, de suggérer le clair-obscur et d’obtenir la similitudo ».
54L’impression générale laissée par les trompe-l’œil que nous étudions correspond certainement plus à l’effet décoratif rendu par les couleurs saturées, mais il ne faut pas négliger le travail parfois minutieux d’ombre et de lumière qui s’apparente à une peinture « austère ». Prenons l’exemple du cubiculum 17 de la maison de la Bibliothèque et rapprochons-le de la notice rappelée par Agnès Rouveret sur « le Sacrifice des Bœufs, tableau dans lequel Pausias avait réussi à faire jaillir l’ombre de l’ombre même74 ». Les nuances habiles apportées dans la figuration d’une série de becs de fontaine en forme de têtes de lion, représentée en perspective fuyante, permettent de faire surgir ceux du premier plan lumineux sur un fond bordeaux sombre, tandis que les plus éloignés, d’une couleur plus sombre, se détachent d’un fond subtilement dégradé en une couleur plus claire (fig. 15).
55De même que l’usage des couleurs peut obéir à une codification signifiante, comme nous en avons repéré quelques manifestations, de même la composition des décors en trompe-l’œil peut avoir été codifiée par leurs auteurs et correspondre à un langage imagé. Des « syntaxes décoratives » – types d’agencement d’éléments décoratifs – ont été répertoriées et analysées afin de vérifier cette hypothèse.
Des « syntaxes décoratives » porteuses de sens ?
56Un des premiers aspects structurels que l’on remarque en observant les parois de IIe style est que, dans certaines pièces – bien souvent les chambres à coucher (cubicula), mais aussi les pièces de réception (triclinia et oeci) – l’espace est divisé en deux, visuellement. Ce décor bipartite75, indiquant vraisemblablement la différence de fonction des deux espaces ainsi définis, se retrouve à toutes les phases du IIe style. La matérialisation de cette division spatiale est souvent aussi répercutée au niveau du sol et du plafond : au sol, les deux pavements différents sont séparés par une bande de transition qui se prolonge au niveau des parois par des « pilastres de séparation » entre les deux décors. Au plafond, on a souvent une opposition entre une partie voûtée – généralement l’alcôve dans le cas des cubicula – et une couverture plate au-dessus de l’antichambre.
57À l’instar de ce cas où le visuel sert la compréhension de l’espace, d’autres modes ornementaux liés à l’organisation spatiale méritent d’être recherchés. À l’aide de différents critères établis grâce à une observation répétée des décors architecturaux, des « types » de décors ont été dégagés. L’idée qu’ils puissent véhiculer un sens susceptible d’être déchiffré par leurs contemporains nous permet de parler de « syntaxe décorative », laquelle, comme des phrases, serait composée d’éléments donnés, agencés en une composition précise, ou liée à la présence d’éléments singuliers. Les critères étudiés sont donc soit liés à la composition générale, soit à la présence d’éléments particuliers. Ceux du premier ensemble sont : l’ouverture ou non du décor (sur un extérieur imaginaire, jardin ou ciel), sa composition paratactique ou au contraire centrée, la figuration d’incrustations (assises de blocs ou de panneaux), d’une colonnade en avant, d’une représentation en perspective fuyante ou d’une mégalographie. Les autres éléments discriminants sont : la présence de masques, de guirlandes, d’un soubassement drapé, de pinakes, de panneaux figurés, de représentations de statues, de motifs végétaux stylisés, d’éléments phytomorphes, de personnages. Hélas, lorsque l’on croise toutes ces données, on s’aperçoit que peu de décors appartiennent à une même catégorie, chacun ayant ses caractéristiques propres : seuls les décors les plus simples ont pu être dénombrés en quantité suffisante, mais ils appartiennent à tous les types de pièces et ne donnent donc aucune information sur le rapport entre la fonction d’une pièce et son décor.
58L’étude de ces critères a cependant permis de formuler quelques remarques significatives sur ce rapport « décor/fonction », notamment en les confrontant, là encore, avec les recommandations de Vitruve.
Décors ouverts sur un extérieur imaginaire
59Certains décors architecturaux présentent une ouverture fictive qui donne généralement sur un jardin ou sur le ciel. Sur l’ensemble des décors étudiés, les pièces à décor fermé sont cependant beaucoup plus nombreuses que celles ornées d’un décor ouvert : 91 sont fermés, 28 ouverts et 14 (sur les 57 décors composés de plus d’une unité décorative76) sont en partie ouverts en partie fermés en fonction des différentes unités décoratives77 ; enfin deux sont indéfinis.
60Seules les exèdres (trois sur quatre) et les oeci sont plus fréquemment ouverts que fermés. Le texte théorique de Vitruve78, qui donne des indications précises sur les ornements des exèdres (où l’on représente, d’après lui, des fronts de scène), peut être mis en relation avec cette observation : les décors scéniques sont bien des invitations à voir au-delà de la paroi… où l’on trouve, il est vrai, des effets de perspective79.
61Quant aux pièces que l’on pourrait qualifier de « déambulatoires », l’architecte théoricien indique que les Anciens « tirèrent partie des espaces que procure leur longueur et les décorèrent de paysages variés, empruntant des images à des particularités topographiques précises : on peint ainsi des ports, des promontoires, des rivages, des cours d’eau, des sources, des euripes, des sanctuaires, des bois sacrés, des montagnes, des troupeaux, des bergers ». Cette description de paysages semble bien proche des topia que nous pouvons voir sur certains panneaux monochromes (voir supra p. 35 et fig. 10-11, 82) ; on n’en a cependant pas d’exemples dans les décors de couloirs, cryptoportiques, péristyles, atria ou fauces.
62Les pièces où les décors ouverts sont privilégiés sont les espaces de réception : les oeci, où les notables recevaient leurs pairs, et les exèdres, pièces ouvertes donnant sur le péristyle, également destinées au regard des amici.
63La plupart des décors représentant une perspective fuyante sont des décors ouverts fictivement ; ils sont moins nombreux que ceux où la troisième dimension est réduite à la représentation de reliefs. Seulement 33 décors mettent en scène une vue fuyante. Ceux-ci semblent plutôt réservés à des pièces à usage privé : aucun tablinum n’en figure et seulement deux pièces liées à l’atrium – ou l’atrium lui-même (le cubiculum M de la maison de C. Julius Polybius et l’atrium 5 de la villa A d’Oplontis). Cette observation va dans le sens de la préférence de décors plutôt conservateurs pour les pièces de représentation auxquelles ont accès les clientes, notamment lors de la cérémonie de la salutatio. Ces décors donnant une image d’ancienneté permettaient sans doute au patronus d’asseoir son autorité.
Décors paratactiques
64Les résultats sont très proches de ceux obtenus dans l’étude précédente. À quelques exceptions près, les décors ouverts sont en effet plutôt construits sur un schéma centré, tandis que les décors fermés sont plus volontiers paratactiques. 18 des décors étudiés sont centrés, 104 sont paratactiques et 13 pièces présentent un schéma centré sur une partie et paratactique sur une autre en fonction des différentes unités décoratives qui le composent.
65Les pièces déambulatoires – couloirs, cryptoportiques, fauces, péristyles – ont, sans exception, des décors paratactiques et, comme on l’a vu, fermés. On remarque que parmi les atria, également lieux de passage, l’atrium de la villa A d’Oplontis fait exception avec son décor centré à portes monumentales, même si la symétrie joue aussi sur la répétition des multiples colonnes.
66Aucun type de pièce ne présente plus souvent un décor centré80 que paratactique ; seuls les tablina se répartissent de manière équivalente, sur les quatre seulement qui sont conservés (ce qui est peu pour établir des statistiques). Mais les pièces où l’on trouve le plus fréquemment des décors centrés sont les cubicula, les oeci et, plus exceptionnellement, les triclinia. L’innovation est donc privilégiée pour les pièces de réception (oeci et triclinia), comme cela a déjà été relevé au sujet des décors ouverts à perspective. En ce qui concerne les cubicula, on remarque que l’alcôve est souvent le support privilégié d’un décor complexe destiné au regard de l’habitant au repos, favorisant sans doute les pensées oniriques81.
Mégalographies
67C’est à la suite de ses indications sur les ambulationes, lieux de passage où il écrit que les Anciens représentaient des paysages (ce qui ne se vérifie cependant pas, comme nous l’avons vu précédemment), que Vitruve évoque les grandes compositions à personnages (megalographiae) représentant des dieux ou des suites de scènes mythologiques. Décors que l’on trouve, écrit-il, nonnullis locis, « en quelques endroits82 » : est-ce le type de pièce qui est indéfini ici ou bien continue-t-il à parler des ambulationes où, « en quelques endroits », on peut trouver des mégalographies ? En effet, juste après avoir évoqué ces décors à personnages, il évoque les cycles narratifs comme les « combats de Troie ou les errances d’Ulysse de paysage en paysage » pour lesquels on ne peut que penser au cryptoportique de la maison éponyme, où les scènes iliaques se trouvent dans une série de panneaux en zone supérieure83, et aux larges panneaux du portique de la maison de l’Esquilin à Rome, où se déroulent des épisodes de l’Odyssée scandés par d’épais pilastres rouges rythmant la paroi84 : deux pièces allongées destinées à la déambulation où les scènes figurées se déroulent sur des panneaux. On pourrait donc penser que l’ensemble du paragraphe est consacré aux pièces déambulatoires. Pourtant, aucune mégalographie du corpus n’est référencée dans une pièce de passage.
68Les décors de type mégalographique, c’est-à-dire où sont représentés des personnages qui se rapprochent de la taille humaine, sont des décors particulièrement prestigieux : on en compte dix85 en ajoutant aux huit du corpus la peinture de l’exèdre 13 de la villa 6 de Terzigno et celle de la villa des Papyrus à Herculanum86. Les plus fameux sont celui de l’oecus H de la villa de P. Fannius Synistor (fig. 14 et 29) et celui de la salle 5 de la villa des Mystères (qui était sans doute aussi un salon)87. La structure de ces deux décors, qu’elle soit continue ou compartimentée, est spécifiquement conçue pour l’insertion de personnages mégalographiques dans les espaces laissés vides. Il en est de même pour l’oecus p de la maison du Laraire d’Achille où sont figurés des éléphants guidés par des Erotes, un philosophe-astrologue et un autre personnage, ainsi qu’une femme, peut-être la muse Clio88… Dans d’autres décors, en revanche, les personnages prennent place dans une architecture plus élaborée qui pourrait fonctionner pour elle-même : dans la bibliothèque 18 de la maison éponyme, ils se situent dans des niches, mais la complexité du décor architectural lui assure une autonomie89 ; les deux figures ailées qui, dans la villa de P. Fannius Synistor90, encadrent la porte donnant accès du péristyle au salon H sont isolées sur cette longue paroi scandée d’ouvertures et de motifs variés relatifs à l’activité agonistique et aux prix des concours d’athlètes ; les atlantes du cubiculum 42 de la maison du Labyrinthe n’endossent certainement pas toute la signification de ce décor ouvert complexe où l’on discerne des proues de bateau ; dans le tablinum 6 de la maison de la Bibliothèque, il ne reste de la mégalographie qu’un pied colossal, mais il est aussi associé à une proue de bateau91 ; enfin dans le tablinum O2 de la maison de N. Popidius Priscus, l’angle conservé du décor est malheureusement trop fragmentaire pour que l’on puisse percevoir l’articulation entre la composition et les éléments de la mégalographie.
69De même que les indications de Vitruve ne précisent pas la fonction des pièces dans lesquelles se trouvent des mégalographies, il n’a pas été possible d’établir un lien entre un type de pièce précis et ces peintures figurées, sans doute parce que nous ne disposons pas d’exemples suffisants.
Décors à guirlandes en feston
70Les guirlandes épaisses, souvent chargées de fruits et de leurs variées (fig. 9 et 16a), qui joignent entre eux colonnes, pilastres ou cariatides en formant des festons, se retrouvent dans des types de pièces très différents, qu’il s’agisse de lieux de réception, de représentation officielle, de déambulation, etc. On remarque cependant qu’aucun cubiculum n’en présente : ces pièces de repos étant très nombreuses dans le corpus étudié, cela ne peut être dû au hasard de l’archéologie. Ainsi se trouverait confirmée l’erreur de destination de la pièce m de la maison des Épigrammes92 que Hendrik Gerard Beyen interprétait comme un cubiculum mais qui serait plutôt une pièce de réception, un oecus ou, plus vraisemblablement, un triclinium93, comme permettent aussi de le supposer ses dimensions (3,60 × 8,85 m) et la répartition de son décor bipartite avec une zone d’accès beaucoup plus petite que la pièce elle-même (3,15 m pour le vestibule et 5,70 m pour la zone de réception). La présence de ces guirlandes est un argument supplémentaire.
71Comme le propose Pierre Grimal, l’origine de ce motif provient vraisemblablement d’un usage réel qui consistait à suspendre des guirlandes éphémères aux supports architecturaux les jours de fête94. Faut-il voir dans ces motifs l’attestation de ce que Vitruve appelle « mélographies95 » ?
Décors avec masques
72Les masques peints sur les parois96, si fameux pour leur aspect très décoratif, mais peut-être aussi parce qu’ils font surgir une part d’humanité dans des décors principalement architecturaux, sont en réalité assez rares (fig. 2 et 30). Recensés dans un atrium, deux cubicula mais surtout dans des pièces de réception, oeci et triclinia, les masques sont absents des exèdres du corpus… dont Vitruve indique pourtant qu’on tirait parti « des grandes dimensions » qu’elles offraient pour y représenter « des fronts de scène de type tragique, comique ou satyrique97 » : l’architecte décrit les différentes formes de décors de théâtre mais ne les relie pas, il est vrai, à la présence de masques.
73Le classement des décors par grands types de syntaxe décorative auxquels s’ajoute la présence de détails précis du répertoire de IIe style aurait pu nous livrer des résultats très pertinents sur le rapport entre le décor et la fonction d’une pièce. Quelques résultats émergent, certes, de cet examen ; mais il ne se dégage pas, comme nous aurions pu l’imaginer, de règles simples ou systématiques.
74Le fait que plusieurs pages soient nécessaires à la description individuelle des différentes pièces étudiées par Alix Barbet dans son précieux chapitre « Adéquation du décor aux locaux98 » montre aussi que les schémas ne sont pas limpides et que chaque décor témoigne d’une individualité très affirmée.
75Les résultats peuvent être synthétisés ainsi : les pièces de réception (triclinia et oeci) auxquelles s’ajoutent les exèdres, ouvertes elles aussi au regard des invités, bénéficient d’un traitement particulier. C’est là que se trouvent la plupart des décors centrés (ainsi que dans les cubicula) où se développent des compositions à perspective fuyante et que le motif de masques est le plus fréquent.
76Presque tous les types de pièces présentent des exemplaires à colonnades de premier plan et seuls les cubicula ne sont jamais ornés de guirlandes en feston suspendues aux supports verticaux.
77Les mégalographies, dont on ne peut douter de l’aspect prestigieux, ne semblent pas liées à des types de pièce en particulier, mais peut-être est-ce dû à un manque de documentation.
78Pour les pièces où le patronus recevait ses clientes et les pièces attenantes, la sobriété semble de mise.
Du modèle au motif
79Si, dans les peintures en trompe-l’œil de la fin de la République romaine, l’architecture sert en tout premier lieu de modèle, on constate peu à peu la transformation de certains éléments architecturaux, qui perdent leur caractère mimétique et réaliste pour devenir de véritables motifs, déclinés en toute liberté par les artisans peintres, à la surface des parois.
80Ces compositions témoignent d’une cohérence sur de nombreux points avec l’architecture contemporaine, comme l’a montré Richard Delbrueck (en s’appuyant en particulier sur la salle absidiale de Préneste), même si elles mêlent souvent les répertoires. Il y relève cependant une série d’éléments surprenants99 : les rinceaux qui entourent les colonnes, celles qui ont conservé leurs bossages (tenons), les griffons-cariatides dans les frises (modillons), les différents types de corniches – frises à disques, consoles fines métalliques, consoles plates, ou encore le chapiteau corinthien qui couronne étrangement la tholos du cubiculum M de Boscoreale.
Détournement d’éléments architecturaux par la peinture
81Si l’architecte est contraint par de nombreuses données pour assurer la viabilité de ses constructions, le peintre en trompe-l’œil jouit, quant à lui, d’une extraordinaire liberté et peut disposer des éléments architecturaux à sa guise pour nourrir son répertoire décoratif. C’est ainsi que certains d’entre eux sont passés du statut de « modèles » à celui de « motifs », perdant au sein des architectures fictives toute leur valeur fonctionnelle.
Pseudo-entablements
82L’entablement, succession verticale d’une architrave, d’une frise et d’une corniche, est normalement posé sur des éléments porteurs, colonnes ou piliers, surmontés de leur chapiteau. Cette composition se retrouve dans de nombreux décors de IIe style (65 sur les 210 unités décoratives qui composent les 135 décors étudiés), mais on la retrouve, plus fréquemment encore, privée de ses supports verticaux et insérée dans un mur – sous la forme d’un « pseudoentablement » (fig. 17). Dans l’antichambre du cubiculum 4 de la villa des Mystères à Pompéi, la pseudo-architrave est même réduite à un mince listel et la pseudo-frise doublée de modillons en rinceaux entremêlés, encadrée sur le côté droit, fonctionne réellement comme un ornement (fig. 18). Dans l’oecus 13 et le studiolo 14 de la maison d’Auguste, cette structure architecturale de couronnement se retrouve même dans la zone inférieure de la composition peinte100. Ailleurs, comme dans l’oecus 23 de la villa A d’Oplontis, elle est déclinée selon des formes et des couleurs diverses, pour couronner une série de sections de mur de hauteurs différentes relevant, une fois encore, plus du motif que de l’élément architectural reproduit fidèlement (fig. 19).
Moulures
83Certaines moulures ont peu à peu perdu leur « matérialité » dans la représentation, au point d’en devenir « abstraites » et parfois difficilement reconnaissables. En dehors des moulures « lisses », les plus répandues sont, sans aucun doute, les oves et fers de lance (tableau 2). Parfois représentée selon un mimétisme virtuose (fig. 20), cette moulure – aussi appelée kymation ionique – est, ailleurs, au contraire imitée d’une manière beaucoup plus « enlevée » où quelques traits suffisent à suggérer l’arrondi des oves séparés par une tige saillante (fig. 103). Cette différence qualitative dans le traité pictural et la schématisation touchent pratiquement tous les types de moulures.
84La complexité des rais de cœur, parfois représentés avec une minutie prodigieuse, est alors remplacée par une sorte de vague ornée d’une raie verticale (fig. 21)101. Mais, dans le processus de stylisation, la plus étonnante est certainement la moulure qu’il s’agit d’identifier au kymation dorique, c’est-à-dire une succession de feuilles d’eau réalisées sur un profil en bec de corbin102. Il faut reconnaître que le rendu en trompe-l’œil de cette moulure est loin d’être aisé : vue de face, elle ressemble à une succession de rectangles, alors que son élégant profil nécessite une ombre portée difficile à restituer. C’est ainsi que la tentative de rendre la moulure s’est transformée en un schéma conventionnel bien éloigné du modèle original, alliant la reproduction de la vue frontale d’une feuille d’eau, son profil et l’ombre portée provoquée par une source lumineuse située au-dessus (de droite ou de gauche). La complexité de la tâche n’a vraisemblablement pas découragé les artisans décorateurs : on compte en effet 26 occurrences de cette moulure, si transformée soit-elle. C’est dans l’exèdre y de la maison des Épigrammes à Pompéi que l’on trouve le modèle le plus réaliste du kymation dorique (fig. 22). Plusieurs exemples de ces représentations méritent d’être comparés avec le modèle idéal (fig. 23a) : dans le cubiculum m de la maison de Julius Polybius et dans les différentes pièces de la maison des Noces d’Argent103 à Pompéi, on la retrouve dans une version très schématisée, avec ou sans ombres portées. Ailleurs, elle reprend ce mode schématique tout en le stylisant : dans le frigidarium 20 de la maison du Cryptoportique, elle est souvent oblique104 ; le tracé, épais, qui orne le retour de la feuille, se mêle à l’ombre portée sous-jacente provoquant une perte de lisibilité. Enfin, elle devient tout à fait méconnaissable dans des décors comme celui du cubiculum 17 de la maison de la Bibliothèque ou celui du cubiculum q de la maison du Laraire d’Achille, où ce n’est que par association avec les autres exemples et en reconstituant l’évolution du geste que l’on a pu supposer qu’il s’agissait de ce motif105.
Types de moulures | nb d’occurrences |
moulures lisses | 386 |
oves et fers de lance (kymation ionique) | 98 |
denticules | 46 |
feuilles d’eau (kymation dorique) | 26 |
rais de cœur (kymation lesbique) | 21 |
perles et pirouettes | 12 |
méandres en perspective | 8 |
moulures à «godrons» ou « canaux » séparés par des parois arrondies | 3 |
suite de cubes en perspective tronqués | 2 |
85Les perles et pirouettes, parfois représentées de façon très réaliste, se retrouvent, ailleurs, réduites à une succession de doubles traits et de points dans un style télégraphique bien éloigné de la rondeur matérielle de leur réalité architecturale (fig. 24). Les denticules enfin peuvent tantôt être représentés sous leur forme réelle, une succession de petits cubes, ou prendre la forme schématisée d’une suite de Γ absolument délestés de leur matérialité cubique (fig. 25).
86Une autre moulure sans doute issue du répertoire architectural mais beaucoup moins répandue et assurément métamorphosée a pu être identifiée dans trois décors (l’apodyterium de la maison de l’Auberge à Herculanum, la rampe 12 de la maison d’Auguste à Rome et le tablinum 19 de la maison de M. Obellius Firmus) auxquels s’ajoute un cas dans l’ala 9 de la maison d’Auguste, pièce qui n’a pu être intégrée au corpus106. Elle n’est pas très aisée à reconnaître : il semble s’agir d’une suite de godrons (dans leur version creuse plus rare que la version saillante) ou de canaux séparés par une paroi arrondie, comme l’indique l’ombre portée figurée en contrebas de la moulure (fig. 26). Dans le cas du tablinum 19 de la maison de M. Obellius Firmus, le relief semble un mélange entre ce modèle de « canaux à parois arrondies » et une autre moulure où la partie rentrante est constituée de deux pans formant un angle : une sorte de suite de cubes en perspective tronqués. Pour cette dernière moulure, seuls deux exemples ont été identifiés dans l’ensemble des peintures étudiées, dans la niche l de la maison de M. Gavius Rufus et dans le cubiculum C de la maison de Cérès (fig. 27). Ce motif inconnu parmi les moulures en relief a été recherché dans le répertoire des décors en mosaïque107 mais, là encore, nulle trace de ces « cubes en perspective tronqués » dont un dessin de restitution est aussi proposé ici.
Tenons de bardage
87La représentation des tenons de bardage, ces cubes saillants que l’on voit surgir le long de certaines colonnes (ou pilastres) selon un dispositif décoratif issu, semble-t-il, d’une pratique liée aux techniques de construction108, constitue un autre exemple de détournement d’un objet architectural en motif ornemental. Agnès Rouveret et Gilles Sauron s’accordent à dire que ces éléments renvoyaient aux structures provisoires des théâtres109.
88Cette mode vient très probablement, en effet, de ces constructions éphémères : les tenons, normalement arasés, y seraient laissés afin d’en faciliter le montage et le démontage. Si, dans les peintures en trompe-l’œil du Ier siècle av. J.-C., ce motif semble être devenu un poncif – 74 exemplaires, répartis dans 18 décors, ont été répertoriés dans cette étude –, il n’a vraisemblablement pas gagné l’architecture réelle. Les seuls exemples connus de tenons appartiennent sans doute à des ouvrages inachevés. Parfois associés à d’autres motifs sculptés avec lesquels ils alternent sur les tambours des colonnes ou des pilastres, les tenons font toujours l’objet d’un ciselage attentif, parfois chanfreinés voire taillés en pointe de diamant rentrante (oecus corinthien 43 de la maison du Labyrinthe), ou encore relevés par une couleur différente du tambour (oecus 3 de la maison de M. Obellius Firmus). Ces traitements particulièrement soignés montrent que cet élément, à l’origine strictement fonctionnel, s’est transformé en véritable ornement (fig. 28).
Vues sur péristyle
89Les péristyles vus au-dessus d’un mur écran, à travers une percée figurée dans la partie supérieure des décors, fonctionnent aussi parfois sur le mode du motif. Ainsi, dans le célèbre oecus H de la villa de P. Fannius Synistor, le « motif » est-il décliné à chaque entrecolonnement, en dehors de toute référence à un « modèle réel » possible (fig. 29). Ce qui devrait se produire dans le cas d’un grand péristyle vu à travers trois percées (et que l’on trouve dans de nombreux décors, voir fig. 1) serait une colonnade simple dans la partie centrale, qui se continuerait dans les percées latérales où s’ajouteraient les bras adjacents de part et d’autre. Mais ici l’ouverture du panneau central présente aussi deux bras latéraux. Les péristyles des panneaux latéraux ne montrent quant à eux que les bras extérieurs. Par ailleurs, l’arrière-plan situé au niveau médian, derrière la figure interprétée comme Vénus, évoque une profondeur (contrairement aux murs écrans rouges des autres parois) à plusieurs niveaux de perspective qui ne peuvent fonctionner avec la vue sur le péristyle que s’il ne s’agit pas d’une ouverture mais d’un panneau peint.
Masques ornementaux
90Enfin, les fameux masques que l’on retrouve, çà et là, posés ou suspendus dans les architectures fictives, renvoient moins aux masques réels qu’à des objets d’ornement. Les masques de théâtre usuels sont percés d’orifices pour les yeux et la bouche. Or, ceux des représentations peintes ne sont généralement troués qu’au niveau de la bouche110 et arborent de grands yeux farouches ou furieux, placides ou moqueurs (fig. 2 et 30). Ils imitent donc plutôt des masques ornementaux (en marbre), comme on en a retrouvé dans certains théâtres ou au portique des Masques à Cumes111, que des masques d’acteurs fabriqués en chiffon et en plâtre avant d’être peints. Par ailleurs, ils sont souvent d’un type difficile à identifier (peut-être renvoient-ils à des modèles de masques romains dont on ne sait que peu de chose ?) car certains ne peuvent être classés dans un des types classiques du théâtre grec dont ils semblent être un croisement.
Invention d’éléments architecturaux fantastiques
91Les modillons, sortes de consoles112 qui soutiennent la corniche d’un entablement – normalement corinthien –, peuvent avoir plusieurs formes : parallélépipédiques, bombés à l’arrière ou à l’avant, en S avec ou sans volutes. Dans les imitations d’architectures tardo-républicaines, les modillons prennent des allures tout à fait inédites. On trouve en particulier des modillons métalliques, généralement en S, dont on ne connaît aucun équivalent dans l’architecture réelle, si bien que l’exemple proposé par René Ginouvès dans son dictionnaire d’architecture est tiré d’une peinture murale (ig. 17, 31 et 48)113. D’autres, notamment dans le triclinium G de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale, sont de réelles sculptures en ronde-bosse, vraisemblablement plutôt en marbre qu’en métal – d’après leur couleur blanc crème –, dont la finesse semble peu adaptée à la fonction porteuse des modillons (fig. 32)114, ou encore dans l’exèdre y de la maison des Noces d’Argent (fig. 9).
92Ces inventions ont probablement un rôle dans le système représentatif, notamment grâce à leurs élégantes ombres portées, comme cela est proposé un peu plus loin115.
93Par ailleurs, on assiste dans les phases finales du IIe style à la végétalisation de certaines formes architecturales – tendance qui deviendra une constante dans les décors de IIIe style – et au mélange des règnes (animal, végétal, minéral et humain)116. La végétalisation concerne en particulier les colonnes ainsi que leur base et leur chapiteau, que l’on peut alors qualiier de « phytomorphes ». On en trouve des spécimens dans la maison de M. Obellius Firmus à Pompéi, dans le tablinum 19, l’oecus 3 et l’oecus 40, dans le cubiculum de la maison de Trebius Valens ainsi que dans le frigidarium 20 de la maison du Cryptoportique (fig. 33), ou encore dans l’exèdre y de la maison des Épigrammes.
94Quant au mélange des règnes, il est plutôt réservé à des éléments ornementaux comme les rinceaux qui s’enroulent autour de riches colonnes, aux modillons ou aux acrotères, ou encore à des éléments peints (fig. 65-67 et 82).
95En dehors des figures hybrides habituelles – centaures, satyres, sphinx, griffons, centaures marins et autres monstres bien connus dans la mythologie –, les thèmes de ces métissages les plus fréquents sont les figures (parfois ailées) au buste anthropomorphique dont le bas du corps est transformé en rinceau végétal – sortes de sirènes – que l’on retrouve soit dans des frises peintes, soit en modillons.
96Dans le cas des rinceaux végétaux figurés en bronze doré et dont le cœur des leurs est remplacé par des pierres précieuses taillées, le croisement – entre minéral et végétal – se produit en dehors du domaine humain ou animal, ce qui est plus rare (fig. 65).
97La transformation de l’architecture par le prisme des représentations témoigne d’une créativité qui se révèle aussi à travers les différents procédés picturaux mis en œuvre par les artisans peintres pour rendre la tridimensionnalité.
L’invention de l’espace
98La représentation de l’architecture est avant tout liée à la représentation de l’espace : les travaux sur la question de la perspective dans les décors de IIe style, déjà nombreux et de très haut niveau, ne nécessitent pas ici de reprise générale
99 La perspective est le rendu de l’espace par le dessin (et non par la couleur). Sur la perspective dans l’Antiquité, voir notamment Little 1971 ; Panofsky 1975, part. p. 68-93 et bibliographie ; Rouveret 1989, p. 93-100 et suiv., p. 278-299 et bibliographie, ainsi que la récente publication de Ph. Stinson où l’auteur démontre que plusieurs systèmes perspectifs coexistent au sein des décors de IIe style (Stinson 2011). On peut ajouter à ces travaux une réflexion sur le rapport entre ces constructions en trois dimensions, étonnantes par leur efficacité malgré des erreurs évidentes, et les objets qui leur sont adjoints dans certains décors et qui ne bénéficient pas du même traitement perspectif. Voir infra p. 74, sur les différents points de vue au sein d’un même décor.
. En revanche, certains aspects techniques, qui participent de l’effet perspectif, ont peu été analysés jusqu’ici. Si l’introduction de la troisième dimension, caractéristique majeure des peintures de IIe style, passe en premier lieu par la mise en place d’une composition en perspective, celle-ci, toute nécessaire soit-elle, ne suffit pas à créer l’illusion. Elle réclame notamment le concours de la représentation du volume, perçu grâce à l’impact de la lumière sur les surfaces, créant des zones d’ombre et des zones lumineuses. En peinture, elles sont transcrites par une variation chromatique appliquée à la couleur initiale de l’objet représenté : la partie lumineuse est plus claire, parfois blanche, la partie située dans l’ombre est, au contraire, plus foncée.100En fonction de la forme des éléments représentés, ces variations chromatiques se traduisent par différents procédés techniques (dégradé et contraste en particulier) que les peintres tardo-républicains ont su décliner soit par des mélanges colorés, soit par l’application de couches successives mettant parfois en œuvre des traitements picturaux spécifiques tels que les hachures (parallèles ou croisées) par exemple (fig. 32 et 34).
Technique picturale au service du trompe-l’œil : la représentation de l’espace
101Disposer l’ombre et la lumière : une clef essentielle pour rendre visible un espace fictif.
Distinction préliminaire : ombre propre, ombre portée
102La lumière a un impact coloré tant sur l’objet que sur son environnement. Sur l’objet, elle définit des zones lumineuses et des zones sombres. La partie ombrée, opposée à la source lumineuse, est appelée « ombre propre » de l’objet. En fonction de la forme de l’objet, le nombre et l’intensité de ces zones d’ombre et de lumière peuvent varier : pour la représentation d’un kymation lesbique (fig. 34), qui figure au nombre des formes les plus complexes de nos décors, les zones les plus en creux sont représentées par des touches plus sombres, tandis que les parties les plus saillantes, plus éclairées, sont définies à l’aide de touches de blanc. Enfin, la courbure progressive du profil en doucine est d’une couleur intermédiaire, légèrement dégradée. On discerne aisément, dans la représentation de cette moulure de l’oecus 15 de la villa A d’Oplontis, la trace de pinceau, horizontale, linéaire, qui marque la zone légèrement en creux du kymation et a été appliquée avant les détails de chaque rai de cœur.
103Quant à l’environnement de l’objet, il est également soumis à des variations chromatiques liées à l’impact lumineux : lorsque l’objet constitue un obstacle à la trajectoire de la lumière, il projette une ombre sur l’arrière-plan, que l’on appelle « ombre portée ». Sa présence, dans les décors en trompe l’œil, contribue de manière très significative à la représentation de la troisième dimension, car elle permet d’évaluer la distance qui sépare l’objet du plan sur lequel il projette son ombre (fig. 35).
Le volume dans l’architecture feinte
104Le volume de chaque élément est donné en particulier par la représentation de ses ombres propres, plus ou moins marquées selon que l’objet est arrondi ou de forme élémentaire, ou au contraire anguleux et complexe. Les procédés techniques pour rendre les effets visuels sont variés.
Les dégradés
105Ils servent à figurer l’arrondi et à représenter la profondeur. Modification progressive d’une couleur, le dégradé est un procédé utilisé pour la représentation d’un espace plan fuyant, c’est-à-dire qui « s’éloigne » : dans ce cas, il est réalisé dans sa forme la plus simple, à savoir un dégradé théoriquement régulier et continu (si ce n’est les aléas du travail artisanal). La partie la plus sombre représente la plus éloignée et s’éclaircit au fur et à mesure pour atteindre finalement sa teinte la plus claire au niveau le plus en avant du plan ; ce procédé, très fréquent, est particulièrement visible sur le plan du podium du triclinium 14 de la villa A d’Oplontis, sur lequel un oiseau s’est posé (fig. 36). Étonnamment, ce procédé utilisé de manière permanente pour les surfaces planes horizontales ne l’est jamais pour les surfaces planes verticales : on remarque par exemple qu’au sein d’un même décor, la salle 5 dite « des Masques » de la maison d’Auguste à Rome, seuls les plans fuyants horizontaux bénéficient d’un traitement dégradé (fig. 37). Ce traitement différent des plans horizontaux et verticaux ne trouve pas d’écho dans une observation attentive de la réalité, où le dégradé concerne aussi bien les uns que les autres dans la mesure où ils ne sont pas vus de manière frontale mais fuyante. Il témoigne d’un systématisme repris par tous les ateliers : le rendu visuel de l’espace fonctionne suffisamment bien grâce à cette méthode, mais cela montre que la réflexion autour de l’impact de la lumière sur un espace plan fuyant n’a pas été menée jusqu’au bout, ou que les artisans se suffisent d’un procédé minimal pour rendre l’impression souhaitée117.
106Le dégradé sert aussi à figurer les éléments arrondis : pour la représentation d’une forme cylindrique, le dégradé diffère légèrement de celui des surfaces planes. En effet, il n’est alors pas continu, du clair au foncé : la couleur la plus claire ne se trouve pas à une extrémité mais légèrement décalée, provoquant un double dégradé de part et d’autre. La zone claire, parfois surlignée d’une ligne blanche, permet de « faire venir en avant » une partie de l’objet et donne l’impression d’arrondi : la réalisation du podium circulaire et des colonnes de l’oecus 15 de la villa A d’Oplontis correspond parfaitement à ce schéma (fig. 4). En revanche, les colonnes d’onyx représentées dans l’atrium 5 de la même villa, belle imitation de l’albâtre égyptien (fig. 38), peuvent servir de contre-exemple à la représentation de l’arrondi… Ne présentant qu’un dégradé timide, elles « ne tournent pas », dirait-on dans le jargon des peintres : l’effet d’arrondi, pourtant nécessaire à l’imitation d’une colonne, y est pour ainsi dire absent118. On comprend bien ici la difficulté de rendre à la fois le réseau de veines du matériau et le dégradé pour la forme. Le même manque est à signaler au niveau de la colonnade centrale, vue en perspective, dans l’oecus 3 de la maison de M. Obellius Firmus (fig. 39, à comparer avec la fig. 53), mais pas pour les colonnes de premier plan de ce même décor, pourtant ornées, pour l’une, d’un réseau d’écailles et, pour l’autre, d’une alternance de tenons peints et de bas-reliefs.
107Pour les autres éléments ronds, non cylindriques, comme les sphères ou, plus fréquemment, les oves, le procédé est approximativement le même, mais le dégradé, au lieu d’être droit, épouse la forme concave. Chaque étape colorée du dégradé prend ainsi une forme de « croissant de lune » (fig. 20) ; puis, une touche plus claire (souvent blanche) appliquée dans la zone la plus saillante parachève l’illusion.
Le contraste de valeur119
108Ce procédé, qui fait intervenir la notion de clair-obscur, est utilisé de manière extrêmement courante : il sert à figurer tout élément anguleux. Chaque changement de plan d’un même élément, étant éclairé différemment, provoque un changement de la couleur. On observe cette variation d’intensité colorée au niveau des nombreux éléments parallélépipédiques qui truffent les décors architecturaux : les constructions empilées dans le cubiculum M de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale120, les podiums et autres entablements à décrochements, les socles comme celui figuré en onyx dans la salle 5, dite « des Mystères », de la villa éponyme à Pompéi (fig. 40), ou encore la représentation de panneaux dont le bossage chanfreiné en biseau est à profil particulièrement saillant dans le cubiculum x de la maison des Noces d’Argent à Pompéi (fig. 41).
109La figuration de la ciselure des panneaux de toute taille (orthostates, boutisses, panneresses…) qui forment les murs fictifs des décors peints est également le résultat d’un contraste : deux lignes claires – indiquant le côté d’où provient la lumière – s’opposent à deux lignes sombres. Lorsque le profil est rentrant et non saillant, les lignes, claires et foncées, sont inversées (fig. 42).
Les « touches lumineuses »
110Elles ont pour objet de mettre en avant la partie saillante de certains éléments, en particulier des objets métalliques. Il peut s’agir d’une longue ligne – dans le cas de colonnes notamment – mais, le plus souvent, on observe des touches ponctuelles destinées à figurer le point d’accroche de la lumière (fig. 48) : sur les modillons métalliques une touche blanche donne l’effet de la brillance.
Les ombres portées, marqueurs de distance
111Lorsque la lumière rencontre un obstacle sur sa trajectoire, une ombre, répercutant la forme plus ou moins modifiée de l’obstacle, se projette sur le plan opposé à la source lumineuse. Cette ombre, dite « portée », est un marqueur de profondeur, voire de distance. Pour les petits éléments décoratifs qui projettent leur ombre, elle indique un profil proéminent – pour les oves et certaines moulures saillantes, par exemple (fig. 20). Pour des éléments architecturaux plus importants tels que les colonnes, dont l’ombre se projette à la fois sur un plan horizontal et vertical, elle permet même d’appréhender la distance entre le mur et la colonne ; c’est le cas dans le studiolo 14 de la maison d’Auguste (fig. 35) : l’ombre de la colonne cannelée, projetée à la fois sur le plan horizontal du podium rouge et sur le socle jaune du mur vertical surmonté d’une corniche et d’orthostates rouges, « construit » la distance perçue entre la colonne et le mur. Parfois, l’ombre portée présente le découpage complexe d’une forme, comme une ombre chinoise : dans le cubiculum 17 de la maison de la Bibliothèque, un chapiteau corinthien projette habilement sa forme baroque sur la paroi du fond de l’architecture feinte (fig. 2).
112Cette ombre n’a qu’une intensité, contrairement à l’ombre propre qui peut être dégradée, nuancée. En peinture, elle est donc théoriquement d’une couleur unie si elle est projetée sur un plan uni dont elle modifie la couleur. Sa forme peut être déformée en fonction de l’emplacement de la source lumineuse et du plan sur lequel elle se projette. Si le plan de projection est lui-même en relief, comme c’est le cas pour la colonne du studiolo 14 de la maison d’Auguste, l’ombre portée doit suivre ce relief, ce qui a pour effet de lui donner plus de corps et de la rendre plus visible. Lorsque le plan qui reçoit l’ombre portée est multicolore, le peintre doit, en principe, modifier le chromatisme de l’ensemble de ces zones : c’est bien ce qui apparaît dans l’exemple de la maison d’Auguste, où les trois zones concernées par l’ombre portée prennent chacune une teinte plus sombre. C’est aussi cet effort dont témoigne l’oecus 6 de la villa des Mystères, où l’ombre portée suit à la fois les reliefs du plan et ses variations chromatiques particulièrement complexes car elles touchent des éléments polychromes (boutisses imitant divers marbres ; fig. 43). Cependant, par un souci d’efficacité, dans certains décors les artisans s’en tiennent à ne modifier que les couleurs les plus visibles : on peut alors parler d’une « économie de moyens121 » qui privilégie l’efficacité visuelle aux dépens du réalisme. Ainsi les artisans décorateurs qui ont orné le cubiculum x de la maison des Noces d’Argent à Pompéi se sont-ils contentés de répercuter l’ombre portée des colonnes de premier plan sur la zone la plus claire et la plus en creux, à savoir l’entablement à modillons, où l’ombre est la plus visible (fig. 17)122. Selon ce même principe d’efficacité, il arrive que l’ombre portée soit seulement initiée, suggérée, sans que le geste du peintre ne soit achevé : c’est notamment le cas du fameux oiseau représenté dans le triclinium 14 de la villa A d’Oplontis (fig. 36), qui ne projette, sur le plan où il s’est posé, que l’ombre de ses pattes, figurée comme deux queues de comètes, alors que le reste du corps de l’oiseau est privé de toute ombre portée. Il revient alors au spectateur de reconstruire mentalement l’ombre dans sa globalité123.
113L’ombre portée, qu’elle soit représentée pleinement ou tronquée, demeure un outil d’une grande efficacité pour la mise en image de l’espace. Parmi les sujets qui offrent la possibilité de figurer des ombres portées, certains apparaissent comme des « astuces d’atelier ». Particulièrement récurrents, ces artifices sont inventés, puis copiés, par un effet de mode certainement, mais peut-être aussi pour leur efficacité manifeste dans le processus de « création d’espace ».
114La représentation des modillons métalliques permet un jeu d’ombres portées sur le bandeau situé en arrière-plan qui, tout en étant très décoratif, est particulièrement efficace pour créer une impression de relief. On en trouve une quarantaine d’exemples dans les décors étudiés. Le cubiculum x de la maison des Noces d’Argent à Pompéi illustre bien cette pratique (fig. 17, voir aussi fig. 48, 50).
115Un autre exemple d’élément décoratif régulièrement « utilisé » dans les décors semble issu du même processus d’efficacité visuelle : les tenons de bardage (déjà évoqués124), figurés sur les colonnes ou les pilastres peints de certains décors architecturaux, projettent une ombre en forme de flèche particulièrement efficace dans la « fabrication » de l’espace fictif (fig. 28). Si le cas où ces tenons ont effectivement été laissés dans les constructions achevées pour leur fonction décorative (donc en dehors des structures éphémères de théâtre) ne semble pas attesté, le phénomène n’est en revanche pas isolé dans les trompe-l’oeil. Un tel décalage entre la réalité et l’imitation confirme que cette pratique, au-delà d’une simple mode, devait avoir une fonction : de fait, elle offre un intérêt notoire dans le processus créatif des peintures de IIe style pour la représentation de l’espace.
Quelques indices sur les ateliers d’artisans décorateurs à la lumière des procédés de représentation de l’espace
116Il est difficile d’identifier avec précision des ateliers (voire des mains d’artisans) en s’appuyant seulement sur l’observation de leurs modes de représentation125. En revanche, certaines pratiques ont circulé et se sont répandues d’atelier en atelier, comme les deux exemples qui viennent d’être évoqués : la représentation des modillons métalliques et des tenons de bardage avec leurs ombres portées. Quelques éléments de ce type ont pu être relevés, touchant notamment au traitement de la lumière représentée dans son rapport à la lumière réelle. Après l’ombre, donc, place à la lumière.
Le traitement de la lumière
117Le travail d’ombre et de lumière, qui restitue le volume des éléments en trompe-l’œil, définit la provenance de la lumière fictive telle que l’ont choisie les peintres : côté où les lignes de profil des panneaux sont claires, où les colonnes reçoivent la couleur la plus claire du dégradé, côté opposé à la direction des ombres portées, etc. Cette source lumineuse peut être en adéquation avec la lumière réelle qui éclaire la pièce ; elle peut aussi être elle-même fictive et provenir d’une ouverture interne au décor, ou encore résulter d’un geste systématique sans avoir fait l’objet d’une attention particulière.
118Pour l’ensemble des décors étudiés, la répartition des modes de représentation de la lumière est indiquée dans le graphique 5126.
119En dehors des 37 cas où la représentation de la provenance de la lumière n’a pas pu être identifiée, notamment pour cause d’une conservation insuffisante des peintures, l’immense majorité des décors a été réalisée en conformité avec la provenance réelle de la lumière.
120Sur les 106 décors où le procédé a été identifié, 63 respectent la source lumineuse réelle : trois d’entre eux ne présentent pas d’inversion au milieu de la paroi située en face de la source de lumière. De même que l’orientation des lignes de fuite n’est pas progressive mais s’inverse brutalement au milieu de la paroi, la représentation de la lumière subit une inversion radicale dans de très nombreux décors. Cela est particulièrement visible au niveau des ombres portées des modillons et des colonnes de premier plan dans le cubiculum x de la maison des Noces d’Argent à Pompéi : elles passent brusquement de droite à gauche au milieu de la paroi du mur situé en face de la source lumineuse (fig. 17). Par ailleurs, parmi les 63 décors où la lumière représentée est conforme à la lumière réelle, trois n’ont pas cette inversion et trois autres présentent une exception, qui donne une information précieuse sur l’organisation des ateliers : il s’agit du cubiculum 7 de la maison de la Bibliothèque, de l’oecus x de la maison de M. Gavius Rufus à Pompéi et de l’oecus 23 de la villa A d’Oplontis. Dans ces trois cas, c’est au niveau d’une moulure d’oves et fers de lance que se situe l’exception : la représentation de la lumière y est appliquée de manière systématique sur toutes les parois. Les trois décors ne présentent cependant pas assez de similitudes pour que l’on puisse conclure au travail d’un même atelier : bien au contraire, de la composition des décors au traitement pictural, tout les distingue. En revanche, cela laisse supposer une répartition du travail similaire : dans les trois cas, un seul et même artisan a dû travailler à la représentation de la moulure d’oves, tandis que d’autres se partageaient le reste de la composition. Cette conclusion sur l’organisation probable de certains ateliers de peintres diffère d’autres observations qu’il a été possible de mener ailleurs, notamment dans les pièces 44 et 45 de la villa d’Ariane à Stabies, où plusieurs mains ont été identifiées pour la réalisation des oves et des denticules127 : chaque atelier devait avoir son mode d’organisation interne128.
121Seulement deux décors présentent une source lumineuse interne : celui du cubiculum 71 de la maison de M. Fabius Rufus (Pompéi, VII 16, Ins. Occ. 22), où la lumière semble irradier de la porte ouverte d’un temple où se tiennent Vénus et Cupidon (fig. 74)129. Il pourrait y avoir ici un jeu de lumière symbolique. L’autre est celui de l’oecus l de la maison de Cherem à Pompéi (fig. 44)130. Là aussi, la lumière est représentée comme émanant du centre de la paroi – où se trouve effectivement une percée vers un extérieur imaginaire – et se diffusant à droite et à gauche. Le peintre (ou l’auteur de la composition du décor) a-t-il intentionnellement respecté cette « source de lumière fictive » ? Ou bien s’agit-il plutôt d’une inattention, les marques de lumière ne concernant que deux colonnes cannelées et les profils de quelques orthostates ? Sur l’autre paroi conservée de ce décor, en revanche, la lumière est représentée conformément à son arrivée réelle dans la pièce.
122Dans seize cas, aucune source de lumière n’est représentée. Cela concerne en particulier les six décors de IIe style « linéaires schématiques », d’une couleur unie (blanc en général), dont les profils et les contours des rangs d’appareil sont d’une seule couleur. Pour les autres, cinq décors appartiennent à la phase tardive du IIe style où la représentation de l’espace se dissout peu à peu, annonçant les décors de IIIe style (deux pièces de la maison du Bracelet d’Or, l’atrium de la maison des Noces d’Argent, le cubiculum 5 de la maison de M. Obellius Firmus à Pompéi et le tepidarium de la maison de l’Auberge à Herculanum) ; trois au contraire sont des décors apparemment plutôt de la phase initiale131 ; enfin, les deux derniers concernent une pièce secondaire (la salle 41 de la maison du Labyrinthe) et une portion de paroi très réduite du cubiculum 11 de la villa A d’Oplontis.
123Seulement dix répondent à un traitement systématique de la lumière : sur toutes les parois, elle est représentée provenant du même côté, indiquant un geste automatique.
124Dix autres décors présentent un traitement irrégulier de la lumière qui, selon les cas, peut indiquer la césure entre des zones travaillées par des artisans différents ou simplement dénoter le peu d’attention prêté à cette question de la lumière, alors que deux autres semblent avoir été réalisés de manière aléatoire : la représentation de la lumière y diffère en fonction des zones et des éléments représentés.
125Enfin, deux cas présentent un mode représentatif « régulier mais non conforme » à la source lumineuse réelle : l’ala 11 de la maison d’Auguste à Rome et le tablinum de la maison I 15, 1 à Pompéi.
Les points de vue divergents
126Il s’agit ici de « points de vue » au sens propre. La pratique la plus courante dans les représentations perspectives des décors de la fin de l’époque républicaine est de définir un point de vue unique. Mais ce principe n’est pas toujours respecté : cela semble plus vraisemblablement lié à un problème de maîtrise du procédé ou à un manque d’intérêt qu’à une pratique consciente, comme l’atteste l’exemple des deux panneaux du décor de la salle I de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale, où les lignes de fuite qui organisent les caissons du plafond sont inversées : dans un des cas, elles sont représentées conformément au point de vue d’un potentiel spectateur, se croisant sur une ligne verticale située au niveau de la colonne centrale ; dans l’autre, elles se croisent au-dessus, soit sur cette même ligne mais en dehors du décor, ce qui supposerait un point de vue dédoublé (fig. 45)132.
127Dans le cubiculum C de la maison de Cérès, on observe également un point de vue double, mais il relève d’un autre processus, marginal et absolument isolé. Les chapiteaux des pilastres de séparation entre les deux unités décoratives sont vus selon deux angles de vue, simultanément. En effet, on voit leurs deux faces latérales (fig. 46). Le procédé est d’autant plus étrange que la console en S située au-dessus est vue d’un seul côté (celui de l’antichambre). Alors que les décors de ce cubiculum C et ceux des cubicula G et H de cette maison sont relativement proches, ce n’est que dans le cas du cubiculum C que les chapiteaux bénéficient de cet étrange traitement où trois des faces sont visibles et qui définit un double point de vue. L’artisan qui a exécuté ce motif n’est sans doute pas celui qui les a réalisés dans les autres pièces, indiquant que les équipes d’artisans devaient fluctuer.
128Ailleurs, ce sont les objets indépendants, posés çà et là dans la structure architecturale feinte, qui bénéficient d’un point de vue différent du reste du décor. Placés dans la zone supérieure du décor au-dessus du regard du spectateur, les vases, compotiers et paniers chargés de fruits situés sur des corniches devraient être vus en « contre-plongée » (point de vue situé sous l’objet). Or, ils sont généralement représentés en « vue plongeante » (point de vue situé au-dessus), ce qui, certes, permet de mieux voir leur contenu133 mais ruine la justesse de la représentation en perspective. Alors qu’on ne voit pas le plan supérieur de la corniche, dont le plan inférieur est en revanche parfois visible, on voit les ellipses qui figurent ici le contour du pied du vase, là ses lèvres ou le haut d’une panière représentés de manière inversée : c’est le cas des images d’une corbeille de igues et d’un canthare en argent dans le triclinium 14 de la villa A d’Oplontis (fig. 47), ou encore des fameux compotiers en verre remplis de fruits figurés sur les parois latérales de l’oecus 23 de la même villa, dont une proposition de « correction » où les compotiers sont vus en contre-plongée, comme le reste du décor, a été réalisée (fig. 48).
129Ces différences de point de vue révèlent peut être la « spécialisation » de certains artisans : ces objets étaient-ils réalisés par des peintres spécialisés qui ne participaient pas à la réalisation globale du décor, y appliquant leur propre mode représentatif ? Cette interprétation est d’autant plus probable que, dans l’oecus 23, les pyxides acrotères intégrées à l’architecture sont quant à elles représentées en contre-plongée en cohérence avec le reste du décor et ont dû être réalisées par les mêmes artisans que l’ensemble de la composition (fig. 49).
Les échelles multiples
130Si les points de vue peuvent être multiples, on observe aussi – parfois pour les mêmes éléments – un décalage dans les rapports de proportion. Plutôt que le signe d’une maladresse, ce décalage est peut-être porteur de sens, comme l’étaient à la Renaissance les différences d’échelle entre les personnages dans les tableaux religieux, établissant une hiérarchie entre les figures divines, les saints et les donateurs.
131Dans le panneau détaché du cubiculum 17 de la maison de la Bibliothèque conservé au MANN, ce ne sont pas moins de quatre échelles différentes qui se côtoient sur une même paroi (fig. 3)134 : les poissons, les perdrix (et le lièvre sur l’autre panneau) suspendus au mur écran sont d’une taille monumentale par rapport à l’architecture dans laquelle ils s’inscrivent et aux masques posés sur la corniche du même mur. Dans le panneau central, dont on distingue mal s’il représente un tableau fixé sous un édicule ou une baie ouverte sur l’extérieur, on aperçoit des femmes affairées autour d’une tholos : leur petite dimension s’explique soit par la distance, soit par le fait qu’il s’agit d’un tableau. Mais sur la krépis du temple sont disposés des fruits démesurés. S’agit-il de mettre en valeur les offrandes faites aux dieux, puisque les realia suspendues au mur sont certainement aussi à interpréter comme des offrandes ?
132On retrouve aussi cette différence d’échelle dans le cubiculum 11 d’Oplontis : il s’agit là aussi de fruits disposés cette fois en avant d’une grotte, peut-être un sanctuaire rupestre (fig. 50)135.
Un procédé mystérieux : des files de « points successifs »
133Dans de nombreux décors, on peut observer un procédé pictural étrange, une suite de points plus ou moins distants les uns des autres et suivant une ligne d’architecture. Ces « points successifs » semblent plutôt attachés à la représentation des formes, des volumes qu’à celle des matières136, bien qu’il soit difficile de définir précisément à quoi renvoient ces suites de points. Souvent d’une couleur intermédiaire entre celles des deux plans qu’ils séparent, ils semblent jouer un rôle de transition (fig. 36).
134Ces points qui s’égrainent comme des perles le long des lignes architecturales sont en général bien arrondis et légèrement espacés les uns des autres. Ils peuvent cependant aussi – même plus rarement – être ovales, inclinés et serrés (par exemple dans les fauces de la maison des Amants, Pompéi I 10, 10-11, au niveau du chapiteau de pilastre137).
135Ces points de transition peuvent dans certains cas faire penser à des ombres portées, mais le plus souvent le contexte ne permet pas une telle interprétation. Ils laissent donc ouverte la question de leur fonction.
136La présence de ce procédé est attestée dans tous les sites analysés, mis à part à Brescia138. Il ne peut donc constituer un critère de datation car il est déjà présent dans les peintures de la maison des Griffons à Rome et se retrouve dans les peintures étudiées les plus tardives de la maison d’Auguste. Cette pratique très originale mérite d’être relevée : si elle reste aujourd’hui mystérieuse, il sera sans doute possible de déchiffrer un jour sa fonction, pratique ou esthétique.
137La distribution des couleurs et le type de décor offrent des éléments de compréhension des peintures de IIe style et de leur langage imagé : les éléments les plus novateurs sont réservés aux espaces où le propriétaire recevait ses invités, tandis qu’il préférait un décor plus conservateur pour les pièces de représentation comme le tablinum et, plus généralement, les pièces liées à l’atrium.
138Par le truchement de la peinture, l’architecture est transformée et certains éléments architecturaux y perdent toute leur matérialité pour devenir de véritables motifs : ce glissement visuel se réalise sans doute par la reproduction démultipliée de ces éléments d’architecture peints, dont on perd peu à peu le sens puisqu’ils n’ont plus de fonction réelle.
139La distribution des couleurs est aussi le résultat de la faculté d’adaptation des artisans peintres qui savent mettre à profit des procédés picturaux efficaces pour favoriser la création de l’espace fictif. La fabrication de l’espace en trois dimensions, Vitruve l’appelle scaenographia, terme qu’il définit, en architecture, comme le « trompe-l’œil » (adumbratio) « de la façade et des côtés en perspective et la convergence de toutes les lignes vers le centre du cercle139 ». Le terme latin adumbratio est particulièrement significatif car il vient de l’action d’umbrare, « ombrer ». C’est là précisément ce que requiert le trompe-l’œil – en plus de la projection en perspective –, dont certains artisans peintres de la fin de la République ont su brillamment tirer parti pour fabriquer l’espace : disposer l’ombre et la lumière.
Notes de bas de page
1 Les différents résultats proposés sous la forme de statistiques, de graphiques et de tableaux sont issus de l’élaboration d’une base de données dont les principes sont expliqués dans l’Annexe 3.
2 Voir les exemples p. 206, n. 6.
3 Dans un certain nombre de publications, on trouve l’indication d’un matériau précis au sujet d’éléments unis dont la couleur semble suffire à renvoyer à un matériau pourtant polychrome. Ainsi, les pilastres vert clair qui séparent en deux le décor du cubiculum q de la maison du Laraire d’Achille sont définis comme des éléments en marbre « vert antique » (Spinazzola 1953, p. 550 et 553) et le reste de la paroi, décoré dans un camaïeu rouge, considéré comme du porphyre (PPM, I, p. 327) : il n’y a pourtant aucune tentative illusionniste pour représenter ce matériau de la part des décorateurs qui sont à l’origine de cette peinture. Ils ont en revanche déployé toute leur virtuosité afin de représenter des bas-reliefs et une multitude de détails avec une extraordinaire finesse (fig. 7) : s’ils l’avaient souhaité, ils auraient pu s’appliquer à rendre les veines ou les mouchetis caractéristiques de tel ou tel matériau, mais là ne semblait pas être leur intention décorative. À Stabies, le soubassement des salles 44 et 45, composé de panneaux rouges et bordeaux, est interprété par M. Grimaldi comme une alternance de « rouge antique » et de « porphyre », alors qu’ici encore les artisans n’ont mis en œuvre aucun procédé pour rendre le mouchetis du porphyre ou la moindre veine du rouge antique (Grimaldi 2007). Dans cette même pièce, D. Del Bufalo remarque du porphyre dans les cartels situés sous les corniches (Del Bufalo 2003, p. 17) : l’une d’entre elles semble en effet présenter un mouchetis blanc mais il s’agit en réalité d’altérations, les autres sont d’un bordeaux uniforme.
4 Sur la genèse et l’évolution du Ier style, voir Rostovtzeff, Barbet 2004, p. 170-175 ; Laidlaw 1985 ; Coarelli, Pesando 2004 ; 2005.
5 Les éléments de la catégorie « non uni » sont classés par couleur : c’est la couleur dominante qui est prise en compte. Par convention, le terme polychrome a été réservé aux matériaux naturellement de plusieurs couleurs. Tous les autres éléments qui ne sont pas unis ont été indiqués comme multicolores, qu’il s’agisse d’une couleur appliquée (pinakes, panneaux décoratifs, statues) ou d’objets à plusieurs couleurs comme les guirlandes de fruits et de fleurs, ou des animaux (voir infra p. 207).
6 Sur les 135 décors étudiés, constitués de 5650 éléments décoratifs, 357 sont des éléments polychromes (répartis selon le graphique 17, voir Annexe 4).
7 Au sujet de ce motif de cubes en perspective, ou opus scutulatum, voir supra p. 26-27.
8 Dans le cas du couloir 26 de la maison du Bracelet d’or à Pompéi, ce système ne concerne que la partie supérieure du décor, au-dessus des trois niveaux habituels. On peut aussi voir les restes de deux assises de faux blocs blancs cernés de rouge au-dessus d’une corniche en stuc dans le cubiculum 3 de la maison I 17, 2 : ils appartenaient certainement à un décor plus ancien qui devait couvrir l’intégralité du mur et a été en partie remplacé par une peinture de IIe style polychrome. Le décor du tepidarium de la maison de Caesus Blandus répond aussi à ce schéma très simple, mais le fond est ocre jaune et non blanc, et une épaisse guirlande de pin festonne la partie supérieure du décor.
9 Baldassare et al. 2003, p. 67.
10 Il est cependant possible que ladite rampe ait été construite avant le temple ; elle n’en serait donc pas, à l’origine, une rampe d’accès (Iacopi, Tedone 2005-2006).
11 Iacopi 2007, p. 56, 58-59.
12 Voir ce que l’on définit comme « unité décorative », infra p. 205 (Annexe 3).
13 Cependant, l’encadrement des orthostates est représenté en marbre polychrome (essentiellement vert pour l’alcôve et jaune pour l’antichambre) ; par ailleurs, les lunettes des arcatures et les bordures de certains blocs de l’antichambre sont de couleur bordeaux.
14 Au sujet des tenons de bardage, voir infra p. 54-55.
15 Voir les planches dans Mazzoleni, Pappalardo 2004, p. 88 ; Barbet, Verbanck-Piérard 2013, I, p. 85 ; II, p. 141 et pl. xvi.
16 Mazzoleni, Pappalardo 2004, p. 129 (au centre de la paroi), p. 135 (panneaux jaunes partiels, à droite et à gauche de l’image). 17. Sur les topia, voir Rouveret 1989, p. 323-331 ; 1996, p. 115-117 (« Varietas topiorum »). 18. Pour une analyse de ces frises, voir Turcan 1999.
17 Sur les topia, voir Rouveret 1989, p. 323-331 ; 1996, p. 115-117 (« Varietas topiorum »).
18 Pour une analyse de ces frises, voir Turcan 1999.
19 Sur les 135 décors étudiés, seulement dix font intervenir moins de quatre champs chromatiques, 106 entre cinq et dix, et les 19 autres entre onze et treize d’après les résultats extraits de la base de données réalisée dans le cadre du doctorat (voir la présentation de l’outil de recherche, Annexe 3).
20 Sur la poikilia, voir Grand-Clément 2012.
21 Luc., Phars., 10 (voir Annexe 1) ; l’auteur y relate la visite de César à Cléopâtre, en 48 av. J.-C. À ce sujet, voir supra p. 20.
22 Stat., Silv., 1, 5, 34-41 (voir Annexe 1).
23 Sur le mélange des règnes (animal, végétal, humain), voir infra p. 131.
24 De même que la poikilia peut faire référence à des formes variées ou des motifs complexes et non seulement à la multiplicité des couleurs, comme le démontre brillamment A. Grand-Clément au sujet des différents motifs graphiques qui ornent les images grecques pour illustrer la poikilia du barbare… ou de l’animal (Grand-Clément 2012, p. 256-259).
25 Même si ce n’est pas systématique (voir n. précéd.).
26 Vitr., Arch., 7, 5, 1 : crustarum marmorearum varietates et conlocationes (voir Annexe 1).
27 Sen., Nat., 1, 3, 1 : illam mirabilem arcus varietatem ; et 1, 3, 12 : varietas autem non ab aliam causam fit quam quia pars coloris <a> sole est, pars a nube illa.
28 Verg., G., 3, 264.
29 Hor., Sat., 2, 4, 83.
30 Ernout, Meillet 1931, p. 1032. Cic., Fin., 2, 3, 10. Dans le cas où il a une valeur morale, le terme est alors rapproché des mots diversus, multiplex, multiformis.
31 Lucr., 2, 759.
32 Ov., Am., 1, 2, 41.
33 Sen., Ep., 86, 6 (voir Annexe 1).
34 Stat., Silv., 1, 5, 41 : Viridis cum regula longo Synnada distinctu variat (voir Annexe 1).
35 Plat., Hipp. ma., 298a.
36 Eschl., Pers., 836 (couleurs variés) ; Plat., Rép., 404d (variété de goût).
37 Plat., Rép., 401a.
38 Plat., Rép., 373a.
39 Hom., Il., 18, 590. Le verbe ποικίλλω, qui signifie « représenter en couleur » ou « orner », est employé ici pour la réalisation du bouclier d’Achille par Héphaïstos : il s’agit vraisemblablement d’un travail de métal gravé ou repoussé (et non d’un ornement coloré). Le bouclier était cependant polychrome car l’étain (κασσίτερος) et une pâte de verre bleue (kyanos) se mêlaient à l’or. Tout au long de la description, Homère indique un certain nombre de couleurs – de même qu’il indique des sons et des mouvements – afin de donner plus de vie à son ekphrasis, mais ces couleurs ont une valeur narrative plus qu’elles ne renvoient à une réalisation.
40 De façon générale, lorsque le terme est utilisé dans des mots composés, il renvoie presque toujours à une variété liée à la couleur (par exemple ποικιλό-βοτρυς : aux raisins de couleurs variées ; ou ποικιλό-θριξ : au pelage ou aux plumes tachetées), mais peut aussi concerner d’autres types de variété (ποικιλό-θροος : aux chants variés). Parmi ses dérivés, ποικιλίας est le nom d’un poisson, peut-être dénommé d’après ses couleurs (Pausanias) ; ποικιλίς désigne un oiseau tacheté, peut-être le chardonneret (Aristote) ; ποίκιλμα, à partir du sens premier « tacheture », donne « dessin ou peinture de couleurs variées », ou encore « broderie ».
41 Au sujet d’une personne, par exemple Hés., Th., 511 : Προμηθέα ποικίλον (l’astucieux Prométhée).
42 L. Gerschel interprète ce terme comme désignant la teinture pourpre (Gerschel 1966, p. 616-621). Sur la question de la couleur pourpre renvoyant au textile teint, voir p. suiv. et notes associées.
43 Cic., Fin., 3, 18.
44 La soie, matériau rare et précieux, était en usage dans les cercles aristocratiques et sa représentation sied bien à un décor d’une telle qualité. Pour la villa de Cicéron, voir De Caro 2001, p. 12 ; pour la villa de la Farnésine, voir Di Mino, Bragantini, Dolciotti 1998, p. 51, 55, fig. 59-67.
45 Plin., 35, 58.
46 Ce qui confirme le flou souligné par H. Brécoulaki au sujet des classifications proposées par Pline (voir infra p. 44).
47 Voir Christol 2002.
48 Sur les questions des couleurs et des symboliques qu’elles véhiculent, voir par exemple André 1949 ; Gernet 1957 ; Gerschel 1966 ; Rouveret 1988 ; Gage 1993 ; Pastoureau 1990 ; 2000 ; 2008 ; 2010 ; Villard 2002 ; Rouveret, Dubel, Naas 2006 ; Bradley 2009, ainsi que le site du CNRS « Chimie et Beauté » <http://www. cnrs. fr/cw/dossiers/doschim/decouv/couleurs/index.html>.
49 Voir infra p. 80 la symbolique des marbres. Ici, le blanc de la leukos lithos suffit à évoquer le marbre (Jockey 2009, p. 15) ; là, le blanc, couleur du textile non teint, entretient « un rapport privilégié avec une [autre] matière, le lin », qui – par opposition à la laine, « produit d’une excrétion du corps et, de ce fait, produit impur » – redouble la valeur morale de pureté qui lui est associée, le lin tirant « son origine de la terre immortelle » (Rouveret 1988, p. 113).
50 Au sujet de la pourpre dans l’Antiquité, voir Longo 1998 ; Cardon 1999 ; Grand-Clément 2010 et les articles relatifs dans Jockey à paraître.
51 Rouveret 1988, p. 110-111 ; Pastoureau 2000, p. 15-16.
52 L’association de cette couleur avec le porphyre rouge conférant, par analogie, une valeur symbolique à ce matériau n’a peut-être pas été immédiate. Voir Faedo 2000, p. 61 et infra p. 101.
53 Vitr., Arch., 7, 4, 4 (voir Annexe 1).
54 Vitr., Arch, 1, 2, 1. Vitruve définit six critères qui composent l’architecture : l’ordonnance (ordinatio), la disposition (dispositio), l’eurythmie (eurythmia), la symétrie (symmetria), la convenance (decor) et la distribution (distributio). Cette classification, peu claire, rassemble des théories de plusieurs époques et plusieurs écoles de pensées et se réfèrent aussi bien à l’architecture qu’à la peinture ou à la sculpture, mais aussi à la rhétorique. Le terme de convenance est utilisé pour traduire « décor » ; mais dans ce texte, les termes convenientia ou conveniens sont utilisés par Vitruve pour définir tous ces critères sauf la dispositio et la distributio. La convenance doit être entendue comme la correspondance entre une construction et sa fonction. Ce critère de correspondance se trouve déjà chez Platon pour qui est beau ce qui est « approprié » (Plat., Pol., 283-284b). Cette réflexion est aussi présente chez Aristote qui en fait l’apologie lorsqu’il codifie des styles rhétoriques appropriés à chaque partie du discours (Arstt., Rhet., 3). Sur le rapport décor-fonction dans la peinture pompéienne, voir Scagliarini Corlàita 1974-1976 ; Tybout 1993.
55 Les données exposées sont extraites de la banque de données réalisée dans le cadre du doctorat (voir Annexe 3).
56 Il est par ailleurs essentiel d’être attentif à l’état de conservation des décors pour ce type d’analyse, car le nombre de couleurs répertoriées dans un décor très dégradé n’a pas de sens et ne peut être pris en compte. Il ne faut pas se contenter des chiffres et conserver en mémoire les pièces pour voir celles dont les résultats ne peuvent entrer en ligne de compte.
57 Cf. le graphique 18 sur la répartition des couleurs dans les triclinia d’hiver, et le graphique 17 sur la répartition générale des couleurs (voir Annexe 4).
58 Vitr., Arch, 7, 4, 4, et 7, 5, 1 (voir Annexe 1).
59 Vitr., Arch., 7, 5, 8 (voir Annexe 1).
60 Pour lesquelles on préfère au contraire des décors plutôt conservateurs (voir infra p. 45-46) ; on entend ici par « pièces de réception » celles où le maître reçoit ses pairs et par « pièces de représentation » celles où il se présente à ses clientes.
61 Ces pratiques sont liées à la composition du décor et non à la répartition des couleurs ; elles sont donc étudiées infra p. 46.
62 Les couloirs 26 de la maison du Bracelet d’Or à Pompéi, 24 de la villa A d’Oplontis et 2 de la maison d’Auguste à Rome ont dû être exclus de l’observation pour cette raison.
63 Un champ polychrome ayant une unité en soi.
64 On a appelé « multi-niveau » les éléments qui sont à la fois sur plusieurs niveaux (inférieur et médian/médian et supérieur/inférieur, médian et supérieur) ; il s’agit le plus souvent des colonnes ou pilastres qui scandent les décors.
65 Voir l’explication du comptage, Annexe 3.
66 Indescens est employé par Vitruve pour désigner ce qui n’est pas « approprié » ; c’est l’opposé du critère de convenance (voir supra p. 41).
67 Vitr., Arch., 7, 5, 7 (voir Annexe 1).
68 Voir aussi infra l’étude sur le bleu par plans de projection et par niveaux.
69 L’usage du bleu pour évoquer un espace ouvert est signalé par A. Rouveret notamment dans le cas des tombes d’Alexandrie et de Kertch en Russie méridionale, mais aussi, et particulièrement en zone haute, dans les décors de plusieurs maisons de Délos datées entre le IIe et le début du Ier siècle av. J.-C. (Rouveret 1989, p. 192-201).
70 Plin., 35, 30 : Sunt autem colores austeri aut floridi (voir Annexe 1).
71 Regret déjà exprimé par Vitruve (Arch., 7, 5, 8 ; voir Annexe 1).
72 Brécoulaki 2006, p. 38. Voir aussi Lepik-Kopaczynska 1961.
73 Rareté notamment due à leur incompatibilité avec la technique a fresco pour la plupart, mais aussi à leur prix élevé.
74 Rouveret 1989, p. 255 (« Colores loridi et colores austeri »).
75 Dans de rares cas, le décor se divise en plus de deux parties, par exemple dans le cubiculum à deux alcôves de la villa des Mystères à Pompéi : l’antichambre et chaque alcôve ont reçu un décor différencié, que l’on définit comme « unité décorative ». Voir l’explication de la mise en place de la base de données, Annexe 3.
76 Voir ce qui définit une « unité décorative » dans la présentation de l’outil de recherche, Annexe 3.
77 Les cubicula 4, 8 et 16 de la villa des Mystères, le cubiculum 71 de la maison de Fabius Rufus, le cubiculum m de la maison de Julius Polybius et le cubiculum 11 de la villa A d’Oplontis, le frigidarium 20 et l’oecus 22 de la maison du Cryptoportique, les oeci 6 de la villa des Mystères et l de la maison de Cherem, l’oecus tétrastyle de la maison d’Auguste à Rome et l’oecus 4 de la maison des Noces d’Argent, le triclinium G de la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale ainsi que la rampe 12 de la maison d’Auguste et le couloir 24 de la villa A d’Oplontis.
78 Vitr., Arch., 7, 5, 2 (voir Annexe 1).
79 Voir supra p. 17-18 et, en particulier, n. 17-18.
80 Dans la conclusion de son chapitre sur le IIe style, particulièrement riche et documenté (Barbet 1985, p. 75), A. Barbet semble opposer les décors centrés, pour les « pièces secondaires, de petites dimensions », aux « dispositifs rythmés » destinés aux « grands espaces » : cependant les décors centrés témoignent parfois d’une attention dans la réalisation qui ne semble pas procéder d’un travail de second ordre et se trouvent aussi bien dans des pièces de réception que dans des chambres à coucher.
81 Sur l’élaboration des décors des alcôves, Barbet 1985, p. 58-66. L’auteur détaille les différenciations entre alcôves et antichambres. Le critère de dimensions qu’elle propose, selon lequel les éléments de l’alcôve seraient plus réduits que ceux de l’antichambre, ne se vérifie pas systématiquement.
82 Vitr., Arch., 7, 5, 2, (voir Annexe 1).
83 Spinazzola 1953, I, pl. XX, LXXXVIII, LXXXIX ; II, p. 905-970 ; PPM, I, p. 193-195 ; Augris 2014, p. 286-300 et cat. IV, 114-134 ; B. Augris, « Troie à Pompéi : retour sur la frise iliaque de la maison du Cryptoportique », communication au 27e Colloque de l’AFPMA, Toulouse, 21-22 nov. 2014.
84 Ce décor étant hors corpus (Annexe 2), voir La Rocca 2009, p. 268 ; Coarelli 1998.
85 Le cubiculum 4 de la villa des Mystères ne peut être considéré comme une mégalographie du fait de la taille des personnages – adaptée aux dimensions réduites de la pièce –, bien inférieure aux mégalographies, mais également parce que les personnages, malgré leur air vivant et leur position parfois lointaine de ce que la sculpture permettait de produire, sont tous positionnés sur des socles. Cette petite pièce où sont aussi présentés d’élégants pinakes, en position frontale ou vus de profil, évoque une « pinacothèque » fictive. Sur ce sujet, une thèse a été récemment soutenue : Loiseleur des Longchamps 2014.
86 Ces ensembles peints n’ont pu être intégrés au corpus par manque d’accès aux sources lors de la préparation de la thèse. Sur Terzigno, voir Cicirelli 2003 ; Moormann 2005 ; 2006 ; Strocka 2005-2006 ; Moormann 2013. Sur la villa des Papyrus, Guidobaldi, Esposito 2009 ; Guidobaldi, Esposito, Formisano 2009 ; Guidobaldi, Esposito 2010 ; Esposito 2013.
87 Le salon H de Boscoreale est sans doute un des décors qui a suscité le plus de commentaires et d’interprétations, si bien que G. Sauron a intitulé l’un de ses articles « Une fresque malade de ses interprètes : la mégalographie de Boscoreale » (Sauron 1996). F. Müller propose une bibliographie de trois pages, de 1950 à 1994, consacrée uniquement à cet ensemble (Müller 1994, p. 135-137). Pour une autre interprétation, voir Smith 1994. Pour la salle des Mystères, qui a également suscité une importante exégèse, voir en particulier Pappalardo 1982a-b ; Sauron 1998 ; Veyne 2000.
88 Spinazzola 1953, I, p. 549-569 ; PPM, I, p. 193-195, 322-325.
89 Sur ce décor, voir Moreno 2007 ; Esposito 2008-2009.
90 La figure conservée au Louvre a été choisie pour illustrer l’affiche de l’exposition « L’empire de la couleur, de Pompéi au sud des Gaules » (Toulouse, 15 novembre 2014-22 mars 2015) ; Capus, Dardenay 2014.
91 Dans une autre maison de l’insula Occidentalis de Pompéi (VI 17, Ins. Occ. 10), un décor de naumachie dont plusieurs panneaux sont conservés au MANN (inv. 8603-8604, NR1172) est daté de la deuxième moitié du ier siècle av. J.-C. et peut être mis en parallèle de ces deux peintures représentant des proues de bateau (Allroggen-Bedel 1976 ; Bragantini, Sampaolo 2009, p. 196-197 ; Coarelli 2010). Ces vues aquatiques ont la particularité d’être situées à la base de la paroi.
92 Cette pièce n’a pas été intégrée au corpus du fait de son impossible lecture actuelle.
93 Schefold 1957, p. 64 ; PPM, III, p. 555.
94 Grimal 1969, p. 281-284. L’étymologie, même tardive, du terme « feston » lié aux jours de fête concourt à cette lecture du motif.
95 Vitr., Arch, 7, 4, 4 (voir Annexe 1).
96 Sur les masques dans la peinture romaine, voir Allroggen-Bedel 1974. Pour une analyse de l’ensemble des masques conservés dans les peintures de IIe style, voir Sampaolo 2010, qui dénombre 35 exemplaires. Ce motif n’est cependant pas exclusif des parois : on le trouve également en mosaïque ; on pense notamment au beau spécimen des fauces de la maison du Faune à Pompéi (Zevi 1997, p. 40, pl. 67).
97 Vitr., Arch., 7, 5, 2 (voir Annexe 1).
98 Barbet 1985, p. 57-77. L’auteur appuie sa démonstration sur un seul exemple de chaque type, pour les pièces déambulatoires notamment, ce qui affaiblit quelque peu le propos.
99 Delbrueck 1907-1912, p. 169-173.
100 Les corniches de type lesbique, ionique ou dorique situées au niveau du soubassement existent dans l’architecture réelle, mais seules et non pas au sein d’un entablement complet (Delbrueck 1979, p. CXIX).
101 Voir aussi dans Barbet 1984, fig. 11, les différents types de représentation.
102 R. Delbrueck évoque une kyma de type sicilien. Il s’agit aussi d’une moulure conçue à partir de feuilles d’eau sur un profil en bec de corbin, qui doit être un dérivé de la moulure dorique (Delbrueck 1907-1912, p. 172 et p. 147, fig. 81).
103 Ehrhardt les identifie lui aussi à des kymatia doriques : voir Ehrhardt 2004, p. 125 pour le cubiculum z, et p. 133 pour le cubiculum x.
104 C’est aussi dans cette forme oblique qu’on la trouve dans la maison de Livie sur le Palatin, qui ne fait pas partie du corpus étudié ici.
105 Dans certains décors (notamment celui de l’apodyterium de la maison de l’Auberge à Herculanum) ce motif a été identifié à des oves, mais cela n’est pas possible car dans d’autres décors des oves bien identifiables sont présentes simultanément.
106 L’état de conservation ne permettait pas d’y mener des observations suffisamment cohérentes.
107 Balmelle et al. 2002.
108 Ginouvès 1992, pl. 33, fig. 1 et 6.
109 Sauron 1994, p. 332-334 ; Rouveret 2013, p. 138 : la question avait été évoquée lors du colloque de Mariemont consacré à la villa de Boscoreale : Les fresques de Boscoreale, perspectives actuelles (21-23 avril 2010, musée du Centenaire, Musée royal de Mariemont).
110 Je remercie Marion Faure-Ribreau de m’avoir fait remarquer cet aspect.
111 Adamo Muscettola 2007. Le traitement des masques (fig. 1-4, p. 211-213) est très proche de ceux que l’on trouve dans les peintures. Le masque tragique le mieux conservé (fig. 1) rappelle en particulier celui de gauche de la paroi ouest du triclinium G de la villa de P. Fannius Synistor, comme l’indique l’auteur, qui compare le deuxième, tragique également (fig. 2), à celui qui igure dans l’oecus 15 de la villa A d’Oplontis ; celui-ci étant représenté de trois-quarts, le parallèle est moins évident.
112 Dans le dictionnaire Ginouvès 1992, p. 124, n. 567, il est précisé que le terme de « console » est à éviter pour ce cas particulier, celui de « modillon » étant spécifiquement approprié.
113 Ginouvès 1992, II, pl. 65, fig. 7 : « Représentation peinte d’un entablement à modillons métalliques (Oplontis, Villa) ».
114 Voir aussi les planches de Mazzoleni, Pappalardo 2004, p. 94-95.
115 Voir infra p. 67-68.
116 Cette question sera évoquée infra, p. 131.
117 Voir infra p. 68 et n. 122 sur l’« économie de moyens ».
118 Les autres colonnes du même décor, en revanche, présentent un dégradé qui rend leur forme cylindrique parfaitement lisible, en particulier les colonnes cannelées. Sur les colonnes d’onyx, on remarque des tracés blancs qui suivent les courbures des veines, tentant de rendre plus lumineuse la partie la plus proéminente de la colonne pour la faire venir en avant, mais la tentative, trop timide, ne produit pas l’effet escompté. Plin., 35, 127, mentionne cet usage du blanc.
119 On parle de contraste de valeur lorsque l’on compare leur degré d’intensité (clair/foncé). La valeur d’une couleur est son intensité, son degré de saturation : deux couleurs sont de même valeur si, en transformant une image en noir et blanc, elles donnent le même gris.
120 Voir Mazzoleni, Pappalardo 2004, p. 81 et pl. 86-87 ; Barbet, Verbanck-Piérard 2013, I, p. 81 ; II, p. 277 et pl. XV/A).
121 Pour reprendre, selon un goût assumé pour l’anachronisme, une expression chère aux artistes minimalistes dont le principe est hérité du fameux « Less is more » de l’architecte allemand Ludwig Mies Van der Rohe (1886-1969).
122 On observe le même processus dans l’exèdre y adjacente.
123 Celle-ci s’estomperait de toute façon (atténuation tonale de l’ombre portée).
124 Voir supra p. 54-55.
125 Ce qui est envisageable, en revanche, à partir de l’étude des procédés picturaux, de la gestuelle des peintres ou d’autres aspects techniques. Voir infra p. 160 et suiv.
126 Au total, on compte 143 cas, c’est-à-dire un peu plus que le nombre de décors étudiés (135), car certains d’entre eux présentent un mode de représentation de la lumière différent en fonction des unités décoratives qui les composent (sur la définition d’une « unité décorative », voir Annexe 3).
127 Dans ces mêmes décors, plusieurs mains ont aussi été identifiées pour la réalisation des panneaux représentant des marbres polychromes ; les détails en sont donnés infra p. 167 et suiv.
128 L’expérimentation que nous avons menée au musée Saint-Raymond de Toulouse dans le cadre de l’exposition « L’empire de la couleur, de Pompéi au sud des Gaules » a donné lieu à une réflexion sur cette organisation : la mise en œuvre pratique d’une fresque, depuis les premières couches de mortier jusqu’à la peinture des motifs, demande une rigueur pour ne pas se gêner dans le travail (Aussilloux-Correa, Mulliez 2014).
129 Pappalardo, Aoyagi 2006, p. 402-403.
130 Pompéi I 11, 14 ; De Vos 1975, p. 143, et restitution graphique p. 151.
131 Il s’agit de la maison des Quatre Styles (Pompéi, I 8, 11-17) et de celle de Sutoria Primigenia (Pompéi, I 13, 2) dont la datation, cependant, est, comme trop souvent, fondée sur des critères stylistiques.
132 Le troisième panneau, plus large, conservé au musée du Cinquantenaire à Bruxelles, présente la représentation classique des lignes de fuite, comme le premier des deux panneaux cités (du Musée royal de Mariemont).
133 Quoique, s’agissant parfois de vases transparents, le contenu resterait visible au travers.
134 Bragantini, Sampaolo 2009, p. 203 et 185.
135 Sur un autre type d’échelles multiples, voir Rouveret 2013, p. 133-134 : l’auteur relève plusieurs exemples de jeux d’écho entre des scènes représentées à grande échelle et en miniature au sein d’un même décor (des mégalographies en particulier).
136 C’est pourquoi ils sont mentionnés ici plutôt que dans le chapitre technique lié à la représentation des matériaux.
137 Au sujet du IIe style de cette maison, voir Ling 2005, p. 108-109, 271, 476-477 ; PPM, II, p. 433-437.
138 Voir Annexe 4, tableau 12.
139 Vitr., Arch., 1, 2, 2. A. Rouveret propose de traduire adumbratio par « trompe-l’œil » plutôt que par « esquisse » (Rouveret 2013, p. 136). Voir aussi Rouveret 2006.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les bois sacrés
Actes du Colloque International (Naples 1989)
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
1993
Énergie hydraulique et machines élévatrices d'eau dans l'Antiquité
Jean-Pierre Brun et Jean-Luc Fiches (dir.)
2007
Euboica
L'Eubea e la presenza euboica in Calcidica e in Occidente
Bruno D'Agostino et Michel Bats (dir.)
1998
La vannerie dans l'Antiquité romaine
Les ateliers de vanniers et les vanneries de Pompéi, Herculanum et Oplontis
Magali Cullin-Mingaud
2010
Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des début de la République jusqu'au Haut Empire
Centre Jean Bérard (dir.)
1994
Sanctuaires et sources
Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
2003
Héra. Images, espaces, cultes
Actes du Colloque International du Centre de Recherches Archéologiques de l’Université de Lille III et de l’Association P.R.A.C. Lille, 29-30 novembre 1993
Juliette de La Genière (dir.)
1997
Colloque « Velia et les Phocéens en Occident ». La céramique exposée
Ginette Di Vita Évrard (dir.)
1971