De l’archéologie à l’histoire
p. 237-238
Texte intégral
1En même temps que j’essayais de situer l’impact relatif des Grecs de Marseille en Gaule méridionale, dès le départ, mon objectif a été de définir le poids réel de Marseille dans le contexte méditerranéen des VIe-IIe s. av. J.-C., que ce soit à travers la définition de son territoire ou de ses activités maritimes.
2Les Phocéens étaient, au VIe s., les derniers explorateurs et aventuriers des mers extrême-occidentales. Promoteurs, selon Hérodote, des makrai nautiliai de l’Étrurie à l’Espagne, en venant à Marseille, ils participaient à une dynamique qui ne s’arrêterait qu’après la bataille d’Alalia ; avant Marseille, il y avait eu Lampsaque, après Marseille il y aurait Alalia, Emporion, peut-être Mainakè. Et pourtant, dans un consensus quasi-général, auquel j’ai adhéré dans un premier temps (Cf. dans ce volume mes articles d’avant 1990), on avait fini par leur dénier toute activité commerciale dans un contexte où les Étrusques auraient dominé les trafics en Méditerranée nord-occidentale depuis le dernier quart du VIIe s. jusqu’à ce que les Phocéens aient surmonté leurs difficultés d’installation en Gaule dans le dernier quart du VIe s.
3Pour moi, l’occasion de la coupure fut clairement en 1990 dans le cadre du colloque de Marseille sur “Marseille grecque et la Gaule”, dont j’étais un des organisateurs, avec ses rencontres et ses débats. Il y eut ensuite, dans la foulée, le séjour à Naples à la tête du Centre Jean-Bérard et les ouvertures sur un nouveau monde de contacts interculturels où je fus introduit par de savants chercheurs, bientôt des amis, Emanuele Greco, Bruno d’Agostino, Angela Pontrandolfo, Stefano De Caro, Mario Lombardo, Alfonso Mele, Luca Cerchiai, Mario Torelli, Piero Guzzo.
4En essayant de réinstaller les Phocéens dans le concert des échanges, j’ai été rapidement accusé d’hellénocentrisme, accusation assez plaisante venant de la part d’étruscocentristes. Mon argumentation s’appliquait à deux niveaux : d’une part, une prise en compte de l’ouverture relative des chronologies céramiques grecques et étrusques sur lesquelles prétendait s’appuyer ce discours, d’autre part, une insertion dans le contexte évolutif des relations commerciales entre prexis et emporíè, bien définies par les travaux d’Alfonso Mele. Il ne s’agissait pas de promouvoir je ne sais quelle supériorité grecque, objectif bien étrange de la part de quelqu’un qui appuyait sa réflexion sur le concept réciproque d’acculturation, mais de tenir compte des nouveaux acquis de la recherche archéologique et historique pour sortir aussi bien du concept fermé d’hellénisation que de l’impasse étrusque. D’où mes propositions d’une entreprise commune méditerranéenne d’organisation entre partenaires des échanges – Grecs, Étrusques, Puniques – dans le cadre d’une emporía ouverte – par exemple à Gravisca ou Pyrgi, avec les cités étrusques, mais aussi à Emporion (Ampurias) avec les Ibères –, alors que les anciennes pratiques de la prexis ont toujours cours vis à vis de certains interlocuteurs – c’est, dans notre cas, le type de relation des Phocéens avec Nannos pour la fondation de Marseille ou avec Arganthonios, roi de Tartessos. Il ne s’agissait pas de nier le rôle des navigateurs étrusques, mais de les contextualiser en compagnie de tous ceux qui, comme eux, tentaient leur chance dans ce nouveau far-west de Méditerranée nord-occidentale que représentait l’extrême Occident gaulois et ibère. Dans cette optique, après resserrement de la fourchette chronologique, Marseille devenait un point de ralliement quasi-obligé, faisant fonction d’emporion pour la Gaule méridionale, comme Emporion (Ampurias) pour l’Ibérie ou Huelva pour Tartessos. Une réglementation de ces échanges n’interviendra qu’après la bataille d’Alalia avec le développement des accords et des contrats entre cités-états (Cf. Aristote, Pol., III, 7,7 ; et Polybe à propos du traité de 509 entre Rome et Carthage) que l’on aurait tort d’appliquer au début du VIe s. où prévaut ce que j’ai appelé une emporía ouverte. Et en Gaule comme en Étrurie, trafiquants phocéens, de Phocée ou de Marseille, et étrusques, de Caeré ou Tarquinia, ont développé un partenariat dont témoigne symboliquement l’afflux des amphores étrusques à Marseille même.
5À l’autre extrémité de la chronologie, le problème majeur est celui de la place de Marseille dans la province de Transalpine, c’est-à-dire dans la période tardo-républicaine romaine. Rome, à travers particulièrement le témoignage de Cicéron, prétend avoir toujours protégé Marseille, qui elle-même fut l’alliée sans faille du pouvoir romain. Encore une fois, la solution n’est guère évidente. La question est : quelle fut l’étendue des territoires rétrocédés ou confiés à l’administration de Marseille après les interventions romaines de 125/123 av. J.-C., c’est-à-dire au moment de et après la création de la Provincia Transalpina ? Là-aussi, j’ai essayé d’accorder archéologie et histoire en tenant compte des informations littéraires antiques. Il ne s’agit pas de vérifier par l’archéologie la véracité des auteurs antiques, mais de rechercher l’existence de correspondances entre les différentes sources d’information. Strabon cite précisément les territoires dévolus par Sextius Calvinus, mais d’après César et les informations transmises par Stéphane de Byzance, il existe aussi des territoires et des villes confiés à l’administration massaliote, des poleis Massalias. Après d'autres, j'ai essayé d’en proposer un contour logique.
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