De l’archéologie à l’anthropologie
p. 37-38
Texte intégral
1Je suis l’héritier de mon époque, les années 50 et 60 du XXe s. : dans ma formation, les problèmes de domination, de colonialisme, de décolonisation, d’identités, de revendications d’identités et de cultures différentes ont été omniprésents.
2À partir de la fouille d’Olbia, ville grecque, où j’arrive à peine sorti du bac en 1961, ce qui m’a très vite intéressé était comment se définissaient les colons Grecs de ce “quartier de Massalia” – comme le qualifiait le fouilleur du site, Jacques Coupry, qui fut mon professeur d’histoire grecque à l’Université de Bordeaux – par rapport aux indigènes colonisés.
3Donc, à l’origine, une vision affective et politique, qui va devoir chercher une base théorique anthropologique au-delà du concept universitaire d’“hellénisation” dont j’avais été nourri. Mais ce fut dans un premier temps pour tomber dans l’opposition dominants/dominés, issue du marxisme ambiant. Je suis particulièrement redevable à Michael Dietler (relecteur de ma thèse) et à Philippe Boissinot (à travers sa thèse comme membre de son jury) de m’avoir poussé, sans le savoir, vers d’autres sources d’information. C’est ainsi que j’ai découvert Herscovits et que j’en ai retenu une définition de l’acculturation (Herskovits, Redfield, Linton 1936) qui est restée à la base de mes études ultérieures parce qu’elle marquait bien la réciprocité des contacts : « L’acculturation comprend les phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de culture différente avec des changements subséquents dans les types culturels originaux de l’un ou des deux groupes ». Mais c’est finalement chez Roger Bastide que j’ai trouvé l’équilibre entre le domaine culturel de la lecture archéologique des artefacts et la dimension sociale de leur environnement (cf. infra, III, 4).
4Le point de départ : l’étude et la publication des céramiques préromaines d’Olbia, confiées par J. Coupry, dans le cadre d’une thèse de IIIe cycle ; précédées et accompagnées de voyages en Italie (Étrurie, Campanie) à la recherche des origines des céramiques importées. Mais, contre les visions prépondérantes à l’époque sur les céramiques comme productions artisanales et surtout objets de commerce, mon étude s’est très vite recentrée sur les consommateurs, ultimes utilisateurs et responsables, en fait, de leur production. D’où, une double interrogation sur le lien d’une part entre producteurs et consommateurs dans la création des récipients, d’autre part entre récipients, fonction et usage, c’est-à-dire préparation, cuisine et manières de table. Je pris pour premiers guides Claude Lévi Strauss, avec L’origine des manières de table et surtout Jack Goody dont l’ouvrage Cooking, Cuisine and Class. A Study in comparative sociology (1982) bénéficia très vite d’une traduction française (1984). Mon objectif était de proposer des us et coutumes susceptibles de distinguer un Grec d’un Gaulois, même s’il est vite apparu que la culture matérielle révélée par l’archéologie n’était pas suffisante pour révéler l’identité de son usager, particulièrement en milieu “indigène”. D’où la recherche d’autres critères de distinction. C’est ainsi que j’ai élargi mes recherches vers d’autres aspects caractéristiques d’identité. J’ai retenu deux secteurs : la tombe et l’écriture. Le premier est resté à l’état d’ébauche, le second m’a fortement mobilisé, encore une fois, au départ, sous la conduite de J. Goody1. Je me suis donc investi dans les témoignages écrits des Gaulois comme manifestations d’identité (se nommer, se distinguer), toujours plus nombreux avec le développement de l’archéologie des habitats. Je reste persuadé, malgré l’émergence de théories “italiano-centristes”, que la transcription de la langue gauloise en alphabet grec est directement liée à la présence massaliète et que le gallo-grec est né des contacts quotidiens entre Grecs massaliètes et Gaulois, qu’ils soient alliés ou dominés.
Notes de bas de page
1 J. Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, 1979 ; La logique de l’écriture. Aux origines des sociétés humaines, Paris, 1986.
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