Les savoir-faire des maçons romains, entre connaissance technique et disponibilité des matériaux. Le cas pompéien
p. 41-63
Remerciements
Mes remerciements vont à S. Camporeale, A. Coutelas, N. Monteix et J. de Sigoyer, pour leurs conseils au cours de cette étude. Sauf avis contraire, traductions et figures sont de l’auteur. Toute ma reconnaissance s’adresse au surintendant de Pompéi, P. G. Guzzo pour son accueil bienveillant sur le site en 2008-2009.
Texte intégral
1Dans l’histoire de la construction, les connaissances techniques des artisans sont traditionnellement envisagées dans une double direction, sans que l’on puisse rencontrer de véritable point de convergence. De façon hiérarchique, on distingue en effet l’architecture en grand appareil, faisant appel à des tailleurs de pierre au savoir spécialisé et, par ailleurs, celle en petit appareil, qui se développe en Italie au début du IIe s. av. J.-C. et nécessite des procédés opératoires moins complexes et moins coûteux, aux mains de maçons, les structores1. En rapport avec le contexte socio-économique, le lien entre la diffusion de cette seconde technique et l’afflux de la main d’œuvre servile des guerres puniques a été souvent invoqué, les appareils maçonnés matérialisant un nouveau mode de production, rationalisé et, pour ainsi dire, standardisé2. Ils résultent de l’enchaînement de tâches bien définies, ne demandant pas en apparence de savoirs très expérimentés : les éléments préfabriqués, des blocs acheminés depuis le site de fabrication, sont retaillés en série sur le chantier pour se conformer au montage du parement et du blocage interne du mur3 ; ils sont ensuite assemblés avec du mortier, au fur et à mesure de la construction des élévations. La représentation d’un chantier dans la tombe de Trebius Justus, datée du milieu du IVe s., sur la Via Latina à Rome, illustre bien une telle répartition des tâches avec la construction d’un mur maçonné en briques4. Peut-on pour autant affirmer que le travail des structores n’était pas le fruit d’un véritable savoir professionnel, dont les gestes bien définis constituaient une réelle identité sociale5 ? Si les études sur l’extraction de la pierre et sa mise en œuvre dans le grand appareil ont mis en évidence les savoirs des tailleurs de pierre6, en revanche nous ne connaissons que très partiellement les choix techniques et les modes de transmission des connaissances des artisans maçons7.
2L’objectif de cette étude sera donc d’examiner cet artisanat spécifique, en tentant d’identifier les pratiques professionnelles qu’il mettait en œuvre. Afin d’envisager sous un angle particulier un sujet aussi large, le propos sera centré sur la connaissance des roches, condition essentielle d’une architecture réussie. Bien qu’elle n’ait été que fort peu abordée8, la question demeure centrale, car du choix des matériaux et de leur mise en œuvre dépend la solidité et la longévité d’une structure construite. Deux qualités semblent décisives pour déterminer la sélection des matériaux : d’une part, leur dureté, répondant à des contraintes mécaniques, par la résistance à la taille et à l’érosion, et, d’autre part, leur densité, répondant à des contraintes statiques, par la résistance aux charges et aux poussées9 ; ainsi, les éléments les plus denses se trouvent généralement dans la partie inférieure d’un mur et les éléments les plus légers dans la partie supérieure. Les encyclopédies modernes témoignent de la conscience du rapport entre choix des roches et techniques constructives, en distinguant la pierre dure de la pierre tendre, selon la position des moellons dans le bâtiment (angles, reins des voûtes, corbeaux)10. Géologues et tailleurs de pierre ont aujourd’hui recours à une classification selon l’indice de taille qui, mis en correspondance avec les mesures de masse volumique, permet de distinguer quatorze types de roches dans six catégories de dureté croissante : très tendre, tendre, demi-ferme, ferme, dure, froide11.
3Si ces différenciations s’imposent aujourd’hui, on peut s’interroger sur les pratiques antiques : les constructeurs maîtrisaient-ils la connaissance des roches ? Peut-on percevoir, à partir des textes, des solutions normatives sur le comportement des maçonneries ? Enfin, dans quelle mesure les gestes des praticiens – tels que les vestiges archéologiques nous permettent de les restituer – peuvent-ils les refléter et témoigner de ‘recettes’ bien affirmées ? Loin de pouvoir affronter tous les aspects de la question, cette contribution se limitera à quelques aspects centraux. Il s’agira d’examiner tout d’abord les connaissances transmises par les textes, sur la densité et la résistance des roches12, avant d’envisager, à partir des données archéologiques, les savoirs et pratiques des structores observables à Pompéi. Au-delà de ses conditions d’analyse exceptionnelles, c’est un autre paramètre que cette petite cité campanienne, victime de plusieurs tremblements de terre dans ses dernières années de vie13, permet d’introduire : le risque sismique et son éventuelle prise en compte par les professionnels, dans la sélection des matériaux et leur mise en œuvre sur les chantiers de reconstruction urbaine.
« Histoires de pierres ». Les apports des textes antiques sur le choix des roches
La singularité du De lapidibus
4Les sources textuelles antiques, qui constituent un corpus très restreint sur le sujet, révèlent un savoir pétrologique et minéralogique – au sens moderne du terme – fort limité. Le court traité de Théophraste, malheureusement incomplet, Des Pierres, Πϵρὶ Λίϑων, daté entre 315 et 305 av. J.-C., est évidemment central sur le sujet, même s’il n’a été que peu exploité pour les informations techniques qu’il renferme14. Novateur, il constitue une première esquisse de géologie scientifique, attentive à l’origine des matières minérales et à leurs propriétés physiques15. Le texte propose une classification des pierres, en fonction de leurs causes de formation et de leur genèse, selon une suite logique dans la tradition des Météorologiques d’Aristote16. Sans trop entrer dans le détail du texte, nous nous limiterons aux acquis de Théophraste sur le rapport entre choix des roches et techniques de construction. Quatre critères de classification interviennent : la texture, l’éclat, la transparence et la densité – ce dernier critère étant essentiel pour les applications architecturales. C’est à travers les notions de masse et de porosité que la notion de densité est appréhendée et expliquée. En effet, dans son introduction, Théophraste rappelle l’origine des corps, formés d’eau ou de terre. C’est de la pureté et de l’homogénéité de la matière qu’ils tirent leur compacité (τὸ πυϗνὸν)17. À propos d’un cas particulier, le poros (calcaire)18, il se livre à une véritable réflexion sur la densité et sur le développement d’une technique de fondations :
On y trouve également le poros [égyptien], semblable par la couleur et la compacité au marbre de Paros, mais ayant seulement la légèreté du poros [ordinaire] ; c’est la raison pour laquelle les Égyptiens le placent en ceinture dans les fondations de leurs édifices19.
5La seule autre indication précise sur les pratiques constructives est présentée à propos du gypse, avec l’usage du plâtre comme liant de moellons ou de blocs, dont Théophraste note la fermeté et la résistance (ἰσχύς) :
Sa fermeté aussi est remarquable ; en effet, quand les pierres [de l’élévation] se brisent et tombent, le plâtre ne présente aucune dégradation et souvent, les parties [de l’élévation] se sont écroulées et dispersées, alors que perdurent les parties supérieures restant suspendues, tenues ensemble par les joints [de plâtre]20.
6Cette importance accordée au liant répond à des connaissances empiriques : de son adhérence au support, de sa résistance et de son épaisseur dépend la solidité d’une construction, qu’il s’agisse de plâtre ou, pour la période romaine, de mortier de chaux21.
7Pour s’en convaincre, il suffit d’observer, à Pompéi, des maçonneries réalisées avec des moellons de nature fragile et poreuse (tuf volcanique jaune), aujourd’hui fortement érodés, alors que les joints de mortier sont restés intacts et garantissent la bonne tenue du parement (fig. 17).
8Théophraste utilise aussi le critère de dureté et de résistance à la taille22, qui lui permet de distinguer les pierres poreuses (μανός), tendres et cassantes, des pierres compactes (πυϗνός)23. Il introduit ainsi une hiérarchie en fonction de la densité des roches volcaniques, sans qu’il en précise toutefois les possibles usages, le seul indiqué étant la meunerie pour la lave sicilienne24. Selon lui, ce type de pierre, de couleur foncée, compacte et lourde (βάρos, πυϗνότης) est donc beaucoup plus prisé que la pierre ponce légère (μανότης), de couleur claire. Avec l’aide d’un vocabulaire chromatique, Théophraste utilise donc de façon associée les notions de porosité, de masse, de compacité pour caractériser les matériaux et en appréhender la densité. Toutefois, le lien avec les applications techniques reste finalement peu exploité. En réalité, ce n’est guère l’intention du traité, qui ne s’intéresse aux utilisations pratiques que pour mieux comprendre, en miroir, les procédés à l’œuvre dans la genèse des matériaux. Là se situe la finalité de la connaissance : à son tour, l’homme doit tenter de reproduire ces procédés dans ses réalisations techniques. C’est en quelque sorte un savoir technique circulaire qui se développe, les causes et les fins, la nature et l’art, se rejoignant, selon une conception commune dans l’Antiquité25.
La constitution d’un corpus technique, de Vitruve à Frontin
9Sur un tel sujet, il serait difficile de ne pas invoquer le livre II du De architectura, exclusivement consacré aux matériaux de construction et aux appareils, mais toutefois peu précis sur la sélection des roches, la copiarum electio, et sur leur utilisation différenciée26 : « Je vais donc traiter, pour le mieux, des matériaux propres à être utilisés dans les constructions, de leur nature et de leurs qualités spécifiques »27, affirme Vitruve dans sa préface. Mais cette intention affichée n’est que fort peu remplie, car l’adéquation entre la qualité des matériaux et leur usage architectural ne fait l’objet que d’éclairages ponctuels au cours du livre. Comme le souligne Louis Callebat, cette relation est seulement esquissée à la fin de l’ouvrage, par l’étude exemplaire des bois de construction28. Car ce ne sont guère les applications architecturales des matériaux qui retiennent l’attention de Vitruve, mais plutôt leurs uirtutes, c’est-à-dire leurs propriétés intrinsèques qui reposent sur des lois physiques énoncées, fortement marquées par la théorie atomiste : « c’est la raison pour laquelle ce qui aurait dû être le livre le plus pratique et le plus concret du De architectura se révèle être aussi le plus abstrait et, à certains égards, le plus philosophique »29. Ainsi, Pierre Gros a pu relever toute la singularité et les ambiguïtés de ce livre, dans lequel l’auteur ne cesse de s’excuser et de se justifier, affrontant en quelque sorte un détour obligé30. Vitruve ne tâche pas de codifier un savoir professionnel sur l’usage des matériaux, car ce n’est pas tant aux praticiens qu’il s’adresse, mais plutôt aux membres d’une élite cultivée, propriétaires de domaines et magistrats chargés des constructions publiques, à qui il transmet les informations techniques pour les aider dans la bonne conduite des travaux31. Il faut émettre une réserve supplémentaire pour notre propos, liée à la conception sociale et morale de Vitruve : il s’intéresse beaucoup plus à la pierre de taille qu’à la maçonnerie, pour laquelle il éprouve une méfiance constante. Fidèle à l’héritage de l’architecture grecque, il valorise la construction en grand appareil et, par là même, le savoir technique et l’organisation professionnelle qu’elle implique.
10Le livre trouve son fondement dans la définition de la perpetuitas, la longévité des constructions et c’est en fonction de cet objectif que sont mobilisés les différents critères de choix des roches. Pour cela, il faut savoir apprécier les moyens disponibles et mobiliser un paramètre économique, composante à part entière de l’architecture (distributio)32 : la recherche de l’optimisation des temps de transport et de coût, en choisissant les carrières les plus proches du chantier33. La présentation des matériaux est donc centrée sur les ressources du territoire de Rome34, mais d’autres cas sont rapidement évoqués, le tuf rouge et noir de Campanie, le tuf blanc de l’Ombrie, du Picenum et de la Vénétie35. Pour les briques, des fabrications régionales spécifiques sont mentionnées, celles de Marseille, de Maxilua et Callet en Bétique et de Pitane en Mysie36.
11Différents critères distinctifs et combinatoires sont invoqués, à commencer par la dureté des roches, qui permet d’évaluer leur résistance aux éléments extérieurs, charges et intempéries37 (sustinere laborem)38. Trois grands groupes sont déterminés39, les roches tendres (molles), qui correspondent aux tufs volcaniques de la région de Rome, les roches mi-dures, constituées de tufs calcaires et des tufs volcaniques de Campanie et les roches dures, d’origine siliceuse (silices), qui ont l’avantage de résister aux gelées, au feu et à l’érosion, mais qui sont de provenance plus lointaine (territoire de Tarquinia et Ferentium)40. Comme Théophraste, Vitruve accorde une importance primordiale au liant41. Dans les constructions maçonnées tout particulièrement, la qualité du mortier de chaux qui le constitue est essentielle pour assurer la résistance d’un appareil. De façon novatrice, Vitruve souligne l’importance de l’interaction entre le liant et la nature des caementa, à partir d’observations personnelles menées sur des tombeaux autour de Rome. Avec pertinence, il note qu’une trop grande porosité des moellons produit le dessèchement du mortier et fait perdre à la maçonnerie sa cohérence42. Deuxième critère, la porosité (proprietas rara)43, associée à la légèreté (leuitas), est présentée comme une qualité lorsqu’elle se trouve dans de bonnes proportions44. Ainsi, à propos des briques crues (lateres), dont il indique avec quel type d’argile et avec quel dégraissant elles doivent être formées, Vitruve assure que la légèreté des composants garantit la solidité du produit final, pesant peu et résistant à l’eau45.
12Troisième critère associé, le poids permet de sélectionner les matières premières et de déterminer la qualité des moellons en fonction de leur usage. Un passage du traité mérite de ce point de vue une attention particulière. À propos de la construction des parois maçonnées d’une citerne revêtue d’un enduit de tuileau, « à la manière de Signia »46, Vitruve préconise d’utiliser des moellons taillés dans une roche dure, chacun ne devant peser plus d’une livre47. Mêlés à un mortier de chaux composé de sable très pur, les moellons permettent de constituer une maçonnerie compacte, obtenue par un damage intensif. Dans deux autres passages, c’est la notion de dimension qui est invoquée, lorsque Vitruve recommande de choisir des moellons de petite taille (minutissima caementa), afin d’obtenir une meilleure cohésion avec le mortier48. Par l’association de ces différents critères – porosité, masse et dimension – c’est bien la conscience de la masse volumique qui est appréhendée par Vitruve. Sur ce point, il s’éloigne des modèles théoriques et semble mobiliser ses observations personnelles sur la bonne tenue des matériaux.
13Une telle perception peut être mise en relation avec un document épigraphique célèbre, mais peu exploité pour les indications constructives qu’il peut offrir, la Lex parieti faciendo, relative à la réfection de murs devant le temple de Sérapis à Pouzzoles, en 105 avant notre ère. Le texte constitue un cahier des charges très précis sur la nature du chantier et indique les garanties exigées de l’entrepreneur par les duumvirs. Sans reprendre l’ensemble de l’inscription, nous nous limiterons à l’extrait portant sur les techniques constructives des murs :
Que ces murs et tous ces chaperons, qui n’auront pas été enduits, qu’il les enduise et polisse de mortier et qu’il les blanchisse convenablement d’un lait de chaux. Quant à la réalisation des maçonneries, qu’il ajoute à la terre un quart de chaux éteinte. Qu’il n’utilise pas des moellons plus gros que ceux qui à l’état sec ont un poids de 15 [livres] et que la hauteur des moellons d’angle ne dépassent pas 4,5 onces49.
14Le degré de précision du texte nous permet de restituer la morphologie du mur : une maçonnerie constituée d’un appareil en opus incertum assemblé au mortier, avec chaînage d’angle en opus uittatum (moellons rectangulaires) et un enduit constitué de deux couches. Les moellons sont de petit module, avec une masse inférieure à 7,5 kg50 et une hauteur limitée à 11 cm pour ceux placés en chaînage51. Leur nature poreuse peut être supposée de la différence indiquée entre état sec et humide, qui laisse penser qu’ils avaient été taillés dans du tuf volcanique, abondant sur le territoire de Pouzzoles52. Comme dans les traités de Théophraste et de Vitruve, le critère du poids semble décisif, avec le souci de ne pas utiliser des moellons trop lourds, susceptibles d’accentuer démesurément les charges sur les fondations. Le paramètre de la dimension est tout aussi important, l’utilisation de petits modules permettant de garantir la stabilité du chaînage et la bonne cohésion avec le mortier. Là encore, de la combinaison de ces deux critères, s’affirme une bonne compréhension de la masse volumique et de la densité. La nature du contrat nous permet de relever qu’elle était maîtrisée et recherchée par les magistrats locaux veillant à la bonne exécution du projet. Il n’est donc pas surprenant de retrouver, à une époque postérieure, des mises en garde équivalentes dans le traité vitruvien.
15La plupart des données présentes chez Théophraste et Vitruve sont intégralement reprises dans le livre 36 de Pline l’Ancien, qui propose une classification des roches selon leurs modes de production et leurs fonctions53. Ainsi, sont présentées les operarii lapides, les pierres utilisées par les artisans. On retrouve les considérations de Vitruve sur le tuf volcanique, tendre et peu durable54. Pour la sélection des silices, les roches dures55, Pline utilise, comme Théophraste et Vitruve, une approche chromatique ; il souligne la solidité (firmitas) de la lave (lapis) et son usage comme pierre de meule56. La seule considération sur le rapport entre la qualité d’une pierre et l’organisation du bâti est développée à propos des pierres de médiocre qualité, que Pline recommande de placer dans les parties souterraines de la maçonnerie (subterraneae structurae)57. Plus généralement, dans les sources textuelles, les malfaçons et les destructions d’édifices s’expliquent souvent par la conjonction de deux défauts : l’inadaptation des fondations à la nature du terrain et la mauvaise qualité des matériaux de construction. C’est ainsi que Pline le Jeune justifie l’écroulement du théâtre de Nicée en Bithynie, alors que le chantier n’était pas encore parvenu à son terme58.
16À un terrain peu fiable, humide et mou, s’ajoute l’utilisation de pierres fragiles et friables (lapis ipse gracilis et putris)59. À propos de l’aqueduc de Nicomédie, dont la coûteuse réalisation a été vouée à l’échec, il propose une reprise des travaux dans une perspective d’économie de la construction. D’une part, pour la réalisation des arches, il préconise le remploi du grand appareil de l’ouvrage précédent, resté abandonné, d’autre part, il souligne l’intérêt de construire des tronçons en briques, pour une mise en œuvre « plus facile et moins chère »60. Un autre passage témoigne de cette confiance en la brique cuite, envisagée comme ‘solution miracle’ pour la réussite d’un projet – Pline le Jeune exprimant ici sa fidélité au mode de construction le plus largement répandu dans la Rome impériale, l’opus testaceum. Il s’agit du gymnase de Nicée, également victime d’importantes malfaçons :
[…] Les murs, bien que larges de 22 pieds [environ 6,50 m] ne peuvent soutenir la charge qu’on leur destine, parce que ils sont formés d’un blocage maçonné, sans parements de briques61.
17Un critère intéressant est introduit ici, le rôle des charges (onera) et le rapport aux matériaux constructifs. Une mention équivalente se trouve dans un texte contemporain, le De aquaeductu urbis Romae de Frontin, à propos des piles construites en tuf volcanique62.
18Pour conclure sur la transmission des savoirs pétrologiques par les textes, il reste difficile de faire émerger un point de vue cohérent. Ce sont surtout les critères de résistance à la taille et de dureté qui sont sollicités et, dans l’étendue du corpus, les données restent fort limitées sur les qualités constructives des matériaux et plus particulièrement sur le rapport entre la densité des roches et la qualité des maçonneries. Il convient donc de se tourner vers un savoir empirique, celui des hommes de métier, qui n’apparaissent qu’en filigrane dans l’écrit. Par l’archéologie, que peut-on apprendre des pratiques des artisans maçons, les structores, de leurs connaissances et de leurs gestes ?
Des matériaux et des hommes. Les structores pompéiens
La définition d’une culture professionnelle
19Il ne saurait s’agir de dresser un tableau systématique de la profession, comme N. Blanc a pu le faire à propos des tectores, les stucateurs63, mais de s’interroger sur la constitution d’un groupe professionnel cohérent. En effet, la figure du structor n’est pas si clairement délimitée64, dans la mesure où c’est la réalisation de la structura65, du gros œuvre, qui la définit, par opposition aux travaux de finition (tectorium). Elle est donc assez proche de celle du faber, en tant que constructeur, même si la profession ne connaît pas la même représentativité dans les inscriptions66. Car la documentation textuelle sur les structores reste mince et les quarante-sept attestations épigraphiques révèlent des statuts sociaux variés : esclaves d’une familia impériale67 ou privée, comme la puissante gens des Statilii68 ; affranchis ou ingénus, possédant un atelier à leur compte, ou bien louant leur service à un entrepreneur pour un travail temporaire69. Pour se limiter à Pompéi, un relief célèbre le savoir faire de Diogenes structor70, un artisan probablement d’origine grecque, qui a choisi de représenter, à l’angle de VII 15, 2, ses outils (fig. 18a, de gauche à droite) : un fil à plomb, une truelle, un phallus protecteur, une amphore, destinée au transport de la chaux71, une équerre niveau, une taloche, un marteau taillant72 ou une polka73 et un ciseau74. Un autre relief pompéien, encore in situ sur la façade de IX 1, 5 (Officina di L. Liuius Firmus) et à fonction de véritable enseigne sur la via Stabiana, reprend certains éléments constitutifs du travail du maçon : le marteau taillant (ou la polka) et la truelle (fig. 18b). Ce sont donc deux opérations principales qui sont représentées : la taille des moellons, avec un outil percuteur, et leur mise en œuvre dans des lits de mortier, avec la truelle75. De fait, les traces visibles sur les moellons et les terres cuites architecturales en parement à Pompéi révèlent l’utilisation systématique du marteau taillant ou de la polka pour les opérations de retaille (fig. 19).
20Par l’exemple de ces deux reliefs, il apparaît que le structor est un artisan polyvalent, qui se définit par ses gestes : taille des matériaux, montage du mur avec le mortier, finition des joints pouvant aller parfois jusqu’à la mise en place d’un enduit76. Il faut donc en déduire une grande diversité des pratiques et une mobilité des tâches qu’il nous est difficile d’individualiser, du gros œuvre à la finition des travaux. C’est la construction du mur dans sa globalité qui est appréhendée, qui justifie la dénomination de structor parietarius dans deux inscriptions funéraires de Rome77. Une autre, en Aquitaine, insiste sur le travail de la pierre, avec l’expression lapidarius structor78. Par ailleurs, les tâches du structor ne peuvent être perçues qu’au sein d’un groupe et il faut supposer une hiérarchie dans la répartition des tâches manuelles et une transmission des savoirs, entre maître artisan (magister), apprentis et manœuvres chargés du transport des matériaux79. Les représentations iconographiques de maçons restent bien plus discrètes que celles des artisans dont les tâches sont plus facilement individualisables et, à ce titre, plus facilement valorisables80. De ce point de vue, dans les scènes de la Tombe de Trebius Justus, sur la via Latina, l’image du magister Generosus, représenté parmi ses ouvriers et auprès du commanditaire, règle et truelle à la main constitue, au milieu du IVe s., une véritable exception81. Toutefois, le travail des structores définit bien une culture professionnelle enracinée dans la cité, qui s’exprime par la référence à des outils et des gestes communs et par une organisation collégiale, une seule inscription de Rome attestant d’un collegium structorum82.
La sélection des roches dans le déroulement du chantier
21L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert définit ainsi les diverses attributions du maçon : « Le principal ouvrage du maçon est de préparer le mortier, d’élever les murailles depuis le fondement jusqu’à la cime, avec les retraites et les à-plombs nécessaires, de former les voûtes, et d’employer les pierres qu’on lui donne »83. De façon significative, dans la vision moderne, le travail de sélection des roches semble donc exclu des tâches du maçon. Comment pouvait intervenir la sélection des matériaux de construction dans l’Antiquité romaine ? Sur ce point, la documentation textuelle apporte une réponse nuancée. Il faut tout d’abord s’en référer aux sources sur l’organisation des chantiers84. Généralement, un contrat, du type locatio conductio, est conclu entre le commanditaire et le conducteur des travaux (redemptor, conductor), qui prend à ferme les travaux et se charge du recrutement des professionnels nécessaires. La nature des matériaux de construction peut être précisée dans le contrat, comme l’indique la lex parieti faciendo évoquée plus avant. Dans leur mode de sélection, les ressources locales et les souhaits du commanditaire jouent donc un rôle important. Vitruve le rappelle clairement :
Le choix des matériaux qu’il convient d’utiliser n’appartient pas à l’architecte, pour la raison qu’on ne trouve pas en tous lieux toute espèce de matériaux, ainsi que cela a été exposé dans le premier livre ; c’est en outre au propriétaire qu’il appartient de décider s’il veut construire en brique crue, en moellons ou en pierre de taille85.
22À la lecture des différents témoignages textuels, il semblerait que deux cas de figures se présentent. Dans un premier cas, le maître d’ouvrage fournit luimême à l’entrepreneur les matériaux de construction. C’est le dispositif recommandé par Caton pour la construction d’une villa et de murs de clôture86 : le propriétaire fournit au faber tous les matériaux nécessaires (pierre, chaux, sable, eau, paille, terre) et même les outils, scie et cordeau, le conductor louant au maître d’ouvrage seulement sa main d’œuvre. Mais c’est à une réalité différente que renvoient les textes du Digeste87, les matériaux (lapis, caementa) étant apportés par le redemptor et devenant propriété du commanditaire à l’achèvement du bâtiment. Ainsi, Alfenus, dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C., fait état d’un contrat dans lequel le locator fixe la somme à verser au redemptor en fonction d’un prix linéaire de la pierre et de la main d’œuvre. Sans doute faut-il considérer des clauses différentes, en fonction de la nature du chantier, de son emplacement et des besoins en matériaux. Par exemple, en contexte rural, un dominus ne manquait pas de ressources dans sa propriété, qu’il pouvait sélectionner lui-même et faire transporter par une main d’œuvre servile. Dans un cadre public urbain, la lex parieti faciendo comporte des informations très fournies sur la nature des matériaux à employer, mais, curieusement, elle n’indique pas à qui l’approvisionnement incombait. L’indication était probablement implicite, mais il nous est difficile de la restituer. Soit l’approvisionnement en matériaux revenait au redemptor et c’est pour cette raison que les magistrats de la colonie de Pouzzoles avaient voulu prévenir toute malfaçon, par un descriptif aussi détaillé. Soit la colonie avait fourni elle-même les matériaux et c’est pour cette raison qu’elle voulait s’assurer de leur emploi et éviter leur détournement. Considérant le prix de l’ouvrage, relativement bas (1500 sesterces), Vicenzo Arangio-Ruiz avait supposé que la somme versée à l’entrepreneur ne devait couvrir que sa main d’œuvre88, mais il reste difficile de trancher. Dans un cadre public, une des clauses du contrat de construction cité dans les Verrines sur la restauration du Temple des Dioscures sur le forum romain, en 73 av. J.-C., renvoie à une situation différente :
Que l’ouvrage soit fait de bons matériaux, chacun en son genre89.
23Ici, le choix des matériaux revenait donc au redemptor, qui devait en maîtriser les spécificités. Il faut donc retenir une variabilité des solutions, en fonction des termes du cahier des charges.
Un choix des roches maîtrisé dans les maçonneries ?
24Deux paramètres principaux entrent en compte dans le choix des matériaux. C’est tout d’abord une règle de rentabilité qui s’impose. Il faut en effet évaluer les ressources locales, les constructeurs recherchant la plus grande proximité possible dans leurs sources d’approvisionnement, afin de ne pas alourdir la logistique et les frais du chantier. C’est un aspect qui ne doit pas être sous-estimé et que Janet DeLaine a souligné pour les thermes de Caracalla, dont un tiers des coûts de la réalisation était consacré à la production des matériaux et à leur transport90. Le deuxième paramètre dépend de la compréhension des lois statiques qu’acquirent progressivement les professionnels. Ce phénomène a été mis en lumière par Lynne Lancaster à propos du développement de la construction voûtée à Rome, innovations et sélections des matériaux constructifs étant intimement liées91. Dans le territoire de Rome, la production à grande échelle de la brique cuite a favorisé des avancées technologiques considérables et a permis de rationaliser les opérations de construction92. Dans les voûtes comme dans les parois maçonnées, le choix des agrégats, les caementa (moellons ou fragments de terre cuite architecturale), revêt une importance particulière, que nous avons vu apparaître au fil des textes. Les vestiges archéologiques nous permettent-ils de l’appréhender ? Il revient à Elizabeth B. Van Deman d’avoir pour la première fois ouvert ce questionnement. Dans son étude des aqueducs, à propos de l’Aqua Marcia (144 av. J.-C.), elle note en effet un usage différencié des moellons en tufs en fonction de leur position dans l’élévation, constituant selon elle une véritable innovation dans la construction romaine93. Avec une perspective différente, centrée sur le développement architectural des voûtes, Lynne Lancaster dégage quant à elle une évolution plus tardive : elle indique un usage différencié des caementa dans les élévations en fonction de leur densité seulement à partir du règne d’Auguste, la technique devenant systématique un siècle après, avant de connaître une maîtrise parfaite sous le règne de Trajan à Rome94.
25Encore jamais abordé en ce sens, le cas pompéien nous permet d’appréhender l’application de ces savoirs dans un contexte différent. En effet, à l’échelle de cette petite colonie, les chantiers de construction présentent une ampleur et une complexité toutes relatives, si on les compare à ceux de la Rome impériale, où les professionnels devaient répondre à une émulation et une exigence constantes.
26Les ressources sont celles d’un territoire volcanique. On distinguera, par ordre de densité décroissante : laves (masse volumique : env. 2800 kg/m3) ; calcaires sédimentaires (calcaire dit ‘du Sarno’, env. 2100 kg/m3), terre cuite (env. 1750 kg/m3) ; tufs volcaniques (tuf gris dit ‘de Nocera’, env. 1650 kg/m3 ; tuf jaune : env. 1350 kg/m3), scories (masse volumique : env. 800kg/m3)95. Par exemple, une nette sélection des qualités de laves par les artisans boulangers, avec des importations massives en provenance d’Orvieto, a été mise en évidence pour la confection des meules96. Pour les matériaux de construction, une étude minéralogique et pétrologique est en cours par Julia de Sigoyer, dans le cadre d’un projet collectif de recherche97. Elle permettra d’aboutir à une évaluation plus précise de la densité de chacune des roches.
27Les premiers édifices publics élevés en maçonnerie ont recours à un approvisionnement homogène en matériaux. La basilique (VIII 1, 1-2), datée de la première moitié du IIe s. av J.-C., est intégralement élevée en moellons de lave liés au mortier98. La lave constituait le matériau le plus facilement accessible, exploitable dans le sous-sol même de la ville, où des carrières antiques ont été mises en évidence par les fouilles récentes99. L’Odéon (VIII 7, 17-20), élevé dans les années 80 av. J.-C., se caractérise par l’usage de moellons de lave et de fragments de terre cuite en chaînage100. Dans l’habitat contemporain, la nature des matériaux est plus diversifiée et semble montrer un choix raisonné en fonction de leur densité. Ainsi, Roger Ling observe dans la façade de I 10, 18, construite à la fin du IIe s. ou début du Ier s. av. J.-C., l’utilisation de la lave dans la partie basse du mur et du calcaire du Sarno, moins dense, dans la partie supérieure101. Volker Michael Strocka fait une remarque identique à propos de la façade sud de la Casa del Labirinto (VI 11, 8-10), avec une datation du troisième quart du IIe s. av. J.-C.102. En d’autres points de la ville, bien d’autres murs, pour lesquels les datations sont moins précises, présentent les mêmes caractéristiques, avec moellons de lave dans la partie basse et moellons de calcaire dans la partie supérieure : I 10, 11 (façade ouest) ; II 2 (façade sud) ; II 4 (façade ouest, fig. 20) ; V 1, 10 (mur nord de la cour) ; VI 6, 9-11 (façade est) ; VI 7, 20 (mur ouest) ; IX 7, 20 (pièce angle sud-est). Une différenciation des roches, relativement précoce, est donc relevée à Pompéi et, même si les moellons ne sont pas régulièrement taillés, les maçons avaient donc une bonne conscience du comportement des maçonneries.
D’une culture technique à une « culture anti-sismique » ?
L’introduction de nouveaux matériaux
28Dans les dernières années de la ville, l’utilisation hiérarchique des roches semble s’imposer. Faut-il y voir le signe d’un « savoir-faire accumulé », tel que Lynne Lancaster le met en évidence pour l’époque lavienne, ou bien le témoignage d’une conscience du risque sismique ? Les textes nous conduisent à envisager cette hypothèse. C’est en effet une des singularités de Pline l’Ancien que d’établir un lien entre le risque et les techniques de construction. Cette relation apparaît à deux reprises dans le livre 36, à propos du temple de Diane à Éphèse, aux fondations anti-sismiques103, et des égouts de Rome, dont la firmitas permit de résister aux tremblements de terre104. Notons que la même conscience est aussi présente dans les textes juridiques sur les chantiers de construction, la responsabilité du conducteur des travaux étant écartée dans le cas d’un tremblement de terre ou d’un glissement de terrain (terrae motus)105. À Pompéi, plusieurs observations peuvent nous fournir des éléments de réponse sur les pratiques des constructeurs. Tout d’abord, en ce qui concerne l’organisation des élévations, on note un usage systématique des moellons de lave en fondations. Ce choix s’explique aisément par la densité maximale de cette roche, particulièrement adaptée à la partie du mur qui reçoit toutes les charges, mais aussi par sa taille difficile, permettant d’utiliser des moellons plus gros ou irréguliers que dans l’élévation. Sans chercher l’exhaustivité, on peut citer le cas des Terme centrali (IX 4, 5.10.15-16.18), de l’édifice municipal VIII 2, 10 et des bâtiments du forum, comme la façade reconstruite de l’Edificio di Eumachia, côté ouest (VII 9, 1)106 (ig. 21).
29Par ailleurs, en ce qui concerne la nature des matériaux, on observe, dans les édifices qui se trouvaient encore en construction en 79, un usage important du tuf volcanique jaune, dont l’utilisation restait relativement ponctuelle avant cette dernière phase constructive107. L’exemple des châteaux d’eau apparaît à ce titre particulièrement révélateur. Ces monuments, fort hauts (plus de 6 m) et soumis au poids d’une cuve en plomb pleine d’eau à leur sommet, présentaient donc de fortes contraintes statiques108. Deux d’entre eux (I 4 et VIII 5), réalisés dans les dernières années de la ville109, se caractérisent par un usage graduel des roches en fonction d’une densité décroissante : calcaire sédimentaire dans le tiers inférieur, tuf ‘de Nocera’ dans la partie médiane, tuf jaune dans la partie supérieure (fig. 22). Un dispositif similaire peut être observé dans le grand réservoir auprès des Terme del Foro (VII 6, 17)110, dont les murs étaient soumis à une forte pression hydraulique, pour une contenance d’environ 450 m3. La partie basse du mur est élevée en moellons de calcaire, lave et scories, avec chaînages en terres cuites architecturales, tandis que la voûte est construite en moellons de tuf jaune (fig. 23). Selon le même principe, la densité des roches décroît au fur et à mesure que le mur s’élève et les terres cuites, plus résistantes à l’érosion, assurent la résistance de l’ossature.
30Encore inachevés en 79, les chantiers des Terme centrali (IX 4, 5.10.15-16.18) et du portique du Tempio di Venere (VIII 1, 3.5) témoignent de pratiques similaires dans l’emploi des matériaux111. C’est le tuf jaune qui est utilisé, avec des terres cuites architecturales en assises de réglage en chaînage pour le premier, et en chaînage pour le second (fig. 17). Une première analyse indique que le tuf jaune proviendrait de la zone des Champs Phlégréens112. Quant aux terres cuites utilisées dans les maçonneries, une remarque d’ensemble s’impose sur leur typologie : il ne s’agit pas de briques, mais de tuiles retaillées. C’est sur cette catégorie de matériaux que nous nous attarderons en dernier lieu, pour présenter les premières orientations d’une étude en cours. Dans un article fondateur sur la production céramique pompéienne, M. Steinby avait déjà relevé deux types principaux de tuiles113 : l’un, local, présentant des rebords profilés (risega) et caractérisé par une pâte chargée en agrégats volcanique – que nous désignerons, pour plus de facilité, comme type A (dimensions : env. 45 x 60-65 cm ; ép. variable, de 2 à 4,5 cm ; ép. rebord de 4 à 6 cm) ; l’autre, non local, présentant des rebords amincis (incasso) et caractérisé par une pâte fine et dense, de couleur claire, dont la production remonterait à l’époque augustéenne et proviendrait de la Campanie septentrionale – type B (dimensions plus normalisées : env. 45 x 55 cm ; ép. env. 3 cm ; ép. rebord env. 5-6 cm). Plus récemment, l’analyse de Mario Pagano, centrée sur des exemplaires équivalents conservés à Herculanum, a permis de préciser l’origine de ce second groupe, probablement produit dans les Champs Phlégréens114. À Pompéi, l’examen macroscopique des types de terres cuites utilisées dans les maçonneries donne bien lieu à l’identification de deux ensembles distincts (fig. 24), particulièrement nette dans le cas des phases successives du Comitium (VIII 3, 1)115 (fig. 25 et 26). L’étude de Kurt Wallat sur l’opus testaceum pompéien les fait apparaître également, avec une pâte granuleuse et une autre, beaucoup plus fine, caractérisant notamment l’élévation des édifices du forum116. Sur les formes produites, les conclusions de cet article peuvent être toutefois révisées, dans la mesure où elles définissent nettement différents modules de briques rectangulaires, qui ne sont guère identifiables sur le terrain, puisque, dans la plupart des cas, les éléments examinés dans les parements se révèlent issus de tuiles plates.
31Plusieurs analyses de situation permettent de s’en convaincre. Tout d’abord, de façon générale, il n’y a qu’en de rares bâtiments de la cité que des briques rectangulaires peuvent être reconnues en parements117. Les briques de type bipedales, de production locale et de large épaisseur (5-6 cm), sont réservées aux structures hydrauliques (bassins, thermes), soles de four et escaliers. Dans les parements, une analyse morphologique et une prise de mesure systématique des éléments, tant de leurs longueurs que de leurs épaisseurs118, permet d’identifier aisément des fragments de tuiles plates et d’identifier les deux groupes de production, A et B, comme le révèle de nouveau le cas du Comitium. Dans la phase d’aménagement des piliers, d’époque augustéenne, ce sont des tuiles de lots divers qui sont utilisées, avec des pâtes de natures très différentes, des longueurs comprises entre 10 et 19 cm et des épaisseurs comprises entre 2,5 et 4 cm (fig. 26, A). Dans la phase de réfection, limitée à l’angle nord-est du bâtiment (fig. 26, B), les longueurs sont plus uniformes, entre 24 et 27 cm et les épaisseurs sont concentrées autour de 3 cm ; la pâte, de couleur orange clair, est identique dans les différents fragments, issus vraisemblablement d’un même lot de tuiles entières, retaillées de façon régulière. Certaines, entières et seulement privées de leur rebord, se trouvent d’ailleurs utilisées comme assises de réglage, à la jonction entre les deux phases successives (fig. 25). Les premières attestations de terres cuites architecturales dans les maçonneries, comme les chaînes d’angle de l’Odéon (VIII 7, 18-20), ne s’écartent pas de ce principe, par ailleurs bien attesté dans les constructions italiques tardo-républicaines, où l’usage des tuiles plates dans les maçonneries prédomine, avant le développement industriel de la brique119. La découpe d’une tuile plate en éléments triangulaires ou rectangulaires ne diffère guère de celle d’une grande brique, la seule différence étant la taille préalable des rebords longitudinaux. Comme pour les moellons, c’est un outil à percussion lancée, type marteau taillant ou polka, qui permet de tailler les éléments120 (fig. 19).
32Dans certains cas, il est possible d’observer dans le blocage interne du mur les rebords découpés, comme dans l’élévation du portique du Tempio di Venere (VIII 1, 3.5), élevé en opus reticulatum de tuf jaune et chaînages de terres cuites architecturales. Ces dernières, de forme grossièrement triangulaire, se trouvent en parements, tandis que les rebords et les déchets de taille sont réutilisés dans le blocage (fig. 17, 27 et 29). Les éléments proviennent d’un même lot, constitué de tuiles de type B, identifiables par la nature de la pâte (couleur orange clair, pâte dense, rares inclusions de nodules de tuf gris et beige). Dans ce cas, il apparaît donc clairement que les éléments en parements ont été retaillés sur le chantier, à partir d’un ensemble homogène de tuiles plates, vraisemblablement de même provenance. De l’analyse modulaire, on peut supposer qu’une fois les bords retaillés, huit fragments pouvaient être obtenus d’une tuile plate de type B (env. 45 x 55 cm). Dans les édifices municipaux, on peut observer la même chaîne opératoire. Les parements sont, entièrement réalisés en fragments de tuiles de type B, de forme grossièrement triangulaire et dont les modules se rapprochent très fortement de la réfection du Comitium et du portique du Tempio di Venere (fig. 29). Des tuiles entières ont été utilisées dans les linteaux des niches et dans les arcs de décharge de l’édifice VIII 2, 6 (fig. 28). De type B, elles présentent des bords amincis et, en section, des ailettes rectangulaires, sur une longueur de 45 cm environ. Sur la façade de l’Edificio di Eumachia, on observe le même type de mise en œuvre, avec des tuiles de longueurs entières placées en linteau et des éléments retaillés en parement, toujours issus de lots proches (type B), comme le révèle l’analyse modulaire (fig. 21 et 29).
Un usage généralisé des tuiles dans les maçonneries
33Dans l’architecture publique pompéienne, la réfection de l’ensemble de la façade est du forum est datée par John Dobbins d’une phase post-sismique121. Celle des édifices municipaux et tout particulièrement du Comitium, resté inachevé122, comme la construction du Tempio di Venere – se distinguent donc par une mise en œuvre similaire, avec un usage systématique de tuiles entières retaillées, provenant de lots homogènes, de type B, avec les caractéristiques suivantes, révélées par l’analyse statistique : longueur moyenne des éléments de 20-22 cm et épaisseur de 3 cm (fig. 26 et 29). En l’état actuel de la recherche, il est encore difficile de préciser à partir de quelle période ces lots commencent à être utilisés, mais il semblerait que leur emploi devienne massif et exclusif dans les dernières années de la ville. Les exemples de ce type pourraient être multipliés, attestant de réfections importantes avec l’utilisation de lots de tuiles similaires. On citera seulement le cas des Terme Stabiane (VII 1, 8.14-15.17), dont la façade est se trouve largement remodelée dans son dernier état, par la construction d’un avant-corps123, le bouchage d’ouvertures et la mise en place de nouveaux chaînages autour des baies – autant d’indices correspondant à des interventions post-sismiques, sur les éléments les plus vulnérables124 (fig. 30). Là encore, on peut supposer que les travaux de finition n’avaient pas encore été achevés, puisque le mur de l’avant-corps, ouvrant sur la via Stabiana, ne comporte aucun enduit peint, mais seulement un badigeon de chaux.
34En contexte privé, le recours à ces lots de tuiles n’est pas non plus absent et il caractérise toujours des phases de dernier état : mise en place d’un contrefort extérieur sur la façade sud de la Casa di Sallustio (VI 2, 3-5.30-31), d’un pilier d’angle dans la Casa dei Sirici (VII 1, 25.46-47), réfection d’une baie dans la Casa del Labirinto (VI 11, 8-10)125, voire l’entière édification de la façade et d’une partie interne, comme dans la Casa del Forno (VI 3, 3.27-28)126 ou la Casa dei Dioscuri (VI 9, 6-9)127 (fig. 31). Leur usage est plus ou moins ponctuel et, selon l’ampleur des travaux, les fragments de tuiles peuvent être associés à des assises d’opus uittatum ou à des panneaux d’opus reticulatum, à moellons de tuf jaune ou tuf ‘de Nocera’. Les quantités de tuiles disponibles semblent donc moindres que dans les chantiers publics et on retiendra que leur usage est toujours limité à des points stratégiques de l’élévation, particulièrement exposés aux séismes, principalement les murs de façades. Les lots homogènes de type B restent cependant assez rares dans l’habitat et sont souvent mélangés à d’autres, de facture locale (type A)128. Les modes de mise en œuvre, assez variés, permettent de supposer diverses qualités d’interventions, des entrepreneurs expérimentés aux constructeurs plus improvisés. En effet, l’usage des tuiles dans les maçonneries et la comparaison avec les chantiers publics permettent de restituer différentes échelles dans le degré de formation des structores : intervention de maîtrises d’œuvre non locales amenant leurs matériaux et leur savoir-faire ; ‘copie’ des techniques de mise en œuvre et récupération de lots par des artisans locaux, en particulier pour les interventions plus limitées ? Toujours est-il que l’utilisation de tuiles retaillées reste une constante technique – qu’elles soient du groupe A ou B –, témoignant d’une véritable circulation des pratiques. Il faut supposer que propriétaires ou entrepreneurs pouvaient racheter les lots de tuiles non utilisés par les grands chantiers publics. On peut aussi se demander ce qu’il advenait des matériaux issus de la destruction des édifices antérieurs au séisme et qui ne sont pas nécessairement réutilisés dans les nouvelles constructions, comme semblent l’indiquer la réfection de la façade orientale des édifices du forum et celle des édifices municipaux. Dans le cas des constructions privées, ils pouvaient être recyclés sur place, à moins qu’ils ne soient regroupés dans des dépotoirs ou stockés par les entrepreneurs pour des travaux successifs129. Ainsi, une clause d’un contrat de construction, transmise par Cicéron dans les Verrines, précise que les anciens matériaux pouvaient être repris par le conducteur des travaux :
Qu’il ait pour lui les anciens matériaux130.
35Une inscription murale de Pompéi (III 7, 1) semble témoigner de l’existence de ces lots de seconde main, avec la mise en vente de différentes terres cuites architecturales :
De la tuile en grand nombre / À vendre, couvercle, tuile de rive / Qu’on se retrouve à partir du même endroit131.
36D’interprétation difficile, le texte énumère les différents éléments disponibles, en mettant en valeur les tuiles plates (tegula, avec emploi du singulier), à côté de couvercles (opercula) et de tuiles de rive recueillant les eaux (collicia)132. La dernière ligne, peu claire, semble désigner un point de rendez-vous, en faisant référence à une autre inscription où le lieu devait être vraisemblablement indiqué (indidem)133. Pour la réfection de l’habitat, les maîtres d’œuvre avaient sans doute recours à des lots de ce type, regroupant différents matériaux de construction issus de récupérations134.
Hypothèses de restitution d’une chaîne opératoire
37Au-delà des différences d’approvisionnements entre chantiers publics et privés, on ne peut manquer de s’interroger sur l’usage aussi massif de lots de briques dans les élévations et sur leur processus de production. L’identification de lots homogènes et d’éléments entiers dans les maçonneries permet donc de restituer un arrivage de tuiles entières de type B, principalement destinées aux édifices publics et retaillées au moment de l’édification du mur par les maçons. Les lots de tuiles ont-ils été produits et vendus de façon indifférenciée, pour la couverture ou la maçonnerie135 ? Ou s’agit-il de lots sélectionnés, dont la qualité insuffisante ne se prêtait pas à la couverture ? Il est difficile d’apporter, en l’état de l’enquête, une réponse définitive. L’observation des fragments en parements et des tuiles entières dans les linteaux ou arcs de décharge ne permet pas de déceler de défauts de fabrication ou de cuisson. Mais si des lots aussi nombreux étaient destinés à la maçonnerie, pourquoi les producteurs n’avaient-ils pas prévu de réaliser plutôt des briques, de grand ou petit format, évitant ainsi la complexité de réalisation des rebords des tuiles et les pertes possibles liées à leur recoupe136 ? En toute logique, il faudrait donc supposer que les commanditaires aient acquis des lots déjà existants, voire des invendus stockés depuis plusieurs années. Dans l’urgence des reconstructions post-sismiques, il est probable qu’ils aient cherché à se procurer un matériel déjà produit et facilement adaptable. Du reste, la récupération des rebords de tuiles et des déchets de taille dans le blocage montre bien qu’en dépit des pertes liées aux opérations de découpe toutes les partie étaient utilisées et que le choix du matériel était donc entièrement rentabilisé au moment de la mise en œuvre (fig. 27). En outre, il était sûrement plus rapide de charger de grands éléments dans des chariots, du site de production au chantier de construction, que de petites briques rectangulaires137. Aux difficultés logistiques que pouvait poser l’approvisionnement en petits éléments, la taille sur place de grandes tuiles, rapide et facile, a donc été privilégiée.
38Afin d’éclairer ces pratiques, on peut invoquer un passage du De architectura indiquant que pour s’assurer d’une parfaite résistance des matériaux, il est préférable d’utiliser de vieilles tuiles, ayant résisté aux intempéries et aux épreuves du temps138. Pour Vitruve, la durée constitue en effet un élément d’appréciation de la qualité d’utilisation et de production. Ainsi, il recommande également de stocker les briques crues durant deux ans, comme les pierres après leur extraction, afin de mieux en évaluer la résistance139. Aux yeux des constructeurs, l’utilisation de stocks de tuiles, peut-être anciens, n’était donc pas un élément défavorable – il est par ailleurs bien attesté à Rome pour des lots de briques, dans le contexte probable de surproductions140. En outre, l’usage de la terre cuite architecturale, facile à mettre en œuvre, constituait une recherche de qualité pour les nouvelles constructions. Notons enfin que ces tuiles de production non locales (type B), à la pâte dense et peu poreuse, semblaient appréciées pour leur bonne tenue et leur cohésion avec le mortier.
39En parements, on peut observer sur les lits d’assise, au contact avec le mortier, une surface lisse et bien adhérente au mortier. En revanche, dans la même situation, il est fréquent de relever une fine couche de chaux sur la surface des tuiles de production vésuvienne (type A) (fig. 32). Plus poreuses, ces dernières aspirent l’eau contenue dans le mortier de chaux, au risque de produire une maçonnerie moins cohérente. L’usage des tuiles de type B présentait donc de nombreux avantages – facilité de mise en œuvre, solidité – et c’est sûrement la raison qui explique sa diffusion systématique dans les constructions ayant suivi les tremblements de terre.
40Mais pour mieux comprendre cette innovation pompéienne et les pratiques de maçons, il semble nécessaire d’appréhender toute la dynamique des chantiers dans lesquels elles s’insèrent. Il faut tout d’abord prendre en compte l’introduction de matériaux non locaux dans les pratiques des constructeurs, tuiles et tuf jaune étant associés, en provenance de la Campanie septentrionale, et peut-être plus particulièrement des Champs Phlégréens. Mais ce sont aussi de nouvelles pratiques qui sont introduites, que nous avons pu relever précédemment : fondations en lave généralisées, chaînages systématiques des murs, chaînages et assises de réglage avec des fragments de tuile, utilisation dans les parties supérieures et les voûtes du tuf jaune, utilisation d’échafaudages encastrés, finesse des joints au mortier de chaux, dans une chaîne opératoire bien plus rationalisée et systématique. Afin d’interpréter cette évolution des pratiques de structores, particulièrement sensibles dans les chantiers publics, plusieurs interprétations possibles se présentent. Il est certain qu’une intégration du risque sismique, dans une ville qui a connu deux tremblements de terre rapprochés, a sûrement conduit les constructeurs à rechercher une plus forte résistance des bâtiments, par un choix des matériaux et des techniques de mise en œuvre améliorées141. C’est un comportement bien décrit par Bruno Helly, qui évoque l’« ergonomie » des cultures anti-sismiques : dans un environnement donné, une communauté tâche de minimiser les inconvénients et d’optimiser les avantages, en fonction des ressources matérielles et des efforts qu’elle peut produire142. Mais on peut aussi s’interroger sur les interactions possibles entre les structores pompéiens et d’autres maîtrises d’œuvre. En effet, il est possible que l’introduction de nouveaux matériaux constructifs soit le signe de l’intervention de redemptores venus des Champs Phlégréens, apportant les ressources dont ils étaient familiers et leur expérience professionnelle. On ne peut écarter l’hypothèse qu’ils aient aussi engagé sur place des structores pompéiens louant leur main d’œuvre, afin de compléter leurs équipes. L’appel à des maîtrises d’œuvre extérieures à la cité peut se comprendre aisément dans le contexte de reconstruction intense que devait connaître Pompéi dans ses dernières années, les professionnels locaux, comme les matériaux de construction, s’avérant probablement insuffisants pour répondre aux besoins143. Dans cet état de crise, il faut donc supposer un afflux certain de nouveaux maîtres d’œuvre profitant de la situation et venus offrir leurs services aux édiles ou aux particuliers.
41Une première observation en ce sens peut être avancée. En effet, dans l’amphithéâtre de Pouzzoles, inauguré en 66 et dont la construction, financée par la colonie, débute entre la fin de l’époque néronienne et le début de l’époque flavienne, il est frappant d’observer des techniques de construction similaires dans les tronçons élevés intégralement en terres cuites architecturales (grandes entrées et couloirs de passage)144 : utilisées entières dans l’aménagement des arcs de décharge, des tuiles sont également retaillées dans les parements (fig. 33) ; elles ont une forme triangulaire, avec une longueur moyenne de 20-22 cm et une épaisseur autour de 3 cm, proches des modules observés à Pompéi (fig. 29). L’observation macroscopique de la pâte des tuiles les rapproche fortement du groupe B identifié à Pompéi (fig. 24). Bien évidemment, la recherche mériterait d’être approfondie pour mieux connaître l’utilisation de ce type de tuiles dans les maçonneries du territoire campanien et la circulation des maîtrises d’œuvre venues des Champs Phlégréens dans les années 60 ap. J.-C.
42Une dernière question se pose, celle du financement de ces amples travaux à Pompéi. Pour l’amphithéâtre de Pouzzoles, nous disposons de l’inscription dédicatoire, soulignant l’effort de la colonie145. Pour Pompéi, nous ne disposons d’aucune source, mais l’importance des reconstructions et le changement des pratiques d’édification pourraient laisser penser que la petite cité a bénéficié d’une intervention impériale, permettant de contracter et rémunérer des redemptores familiers des grands travaux publics. Ainsi, à Nola, sous Vespasien, est attestée la présence d’un curator operum publicorum datus a diuo Augusto, pour veiller aux chantiers de construction, sans doute suite au tremblement de terre de 62146. L’épigraphie témoigne bien souvent de financements impériaux consécutifs aux séismes pour venir en aide aux villes sinistrées147. Non loin de Pompéi, à Herculanum, celui de Vespasien est attesté en 76 pour la reconstruction du temple de la Magna Mater148, ceux de Titus en 79-80 à Sorrente, en 80 à Salerne, en 81 à Naples et à Nola, dans le temple du Génie149, enfin, celui de Domitien, en 82, à Nocera, pour la réfection du théâtre150, en opus reticulatum à chaînage de terres cuites architecturales, dont la typologie devrait être précisée. Certes, ces dernières interventions pourraient être aussi consécutives au séisme de 79, mais il pourrait sembler étonnant que Pompéi n’ait connu aucun support impérial, alors que les sources littéraires la mentionnent comme la plus touchée151. L’envoi du tribun militaire T. Suedius Clemens par Vespasien, pour rétablir les terrains publics dans la ligne pomériale pourrait constituer un argument en ce sens152. Par ailleurs, la situation de contraste entre les reconstructions publiques et privées invite en tout cas à considérer des ressources importantes pour les premières, qu’elles proviennent de la colonie ou de l’évergétisme impérial. Si l’étude de John Dobbins a déjà pu mettre en évidence, sur le forum, d’importantes capacités de restructuration, avec nouveau plan d’ensemble consécutif au séisme153, l’analyse des matériaux conduit donc à une conclusion similaire, avec ces arrivées massives de tuiles de bonne qualité, non locales. Il conviendrait donc de la poursuivre avec attention, à l’échelle du territoire campanien, afin de mieux évaluer l’importance de ces lots et leur rôle systématique dans les restaurations post-sismiques.
43Le dossier constitué par l’utilisation des tuiles est donc particulièrement riche et mériterait à lui seul une étude approfondie, que nous espérons pouvoir développer dans le futur, afin de restituer toute la chaîne de production. Il s’agira tout d’abord d’identifier tous les exemplaires portant un timbre conservés dans les réserves du site, dont l’inventaire a été initié en 2009, la plupart restant en grande partie inédits154. Des analyses géologiques permettront de préciser les types de production. Enfin, l’étude des chantiers de construction pompéiens, publics comme privés, permettra de suivre l’utilisation des types de tuiles dans les maçonneries de la ville en fonction de leur origine, selon une méthode proche de celle développée par Janet DeLaine pour reconstituer le marché de la brique à Ostie155.
Conclusions
44Au terme de ce parcours, plusieurs conclusions sur le lien entre connaissance des roches et pratiques professionnelles des structores se dégagent. Il apparaît tout d’abord que c’est un métier qui se construit par des procédés de mémorisation tactile et visuelle, dont Vitruve lui-même se fait l’écho, lorsqu’il indique comment sélectionner les sables pour les maçonneries :
Le meilleur est celui qui crisse quand on le frotte dans les mains156.
45L’appréhension tactile est donc primordiale et le savoir-faire des maçons connaît donc un développement indépendant de l’écrit. Même si les traités mentionnent des expériences techniques qu’ils ont pu observer, ils apportent seulement un éclairage ponctuel sur les pratiques de sélection de roches et leur application dans la maçonnerie. La nomenclature qualitative des roches qu’ils nous livrent n’est pas intégrée à une conception structurelle et organique du chantier, telle qu’on pourra la trouver, bien plus tard, dans le De re aedificatoria d’Alberti157. Empirique et intuitif, le savoir-faire des structores est aussi ‘accumulé’, par l’effet additionnel de l’innovation et le souci d’optimisation que l’on perçoit nettement dans les phases de reconstruction post-sismiques pompéiennes. Il n’est guère facile de restituer dans son ensemble cette culture technique voire, dans ce cas précis, ces éléments de culture sismique mobilisés par une communauté. Car nous restons toujours tributaires de marqueurs et d’objectifs de rentabilité contemporains. L’exemple des lots de tuiles est à ce titre particulièrement significatif. À l’inconfort des opérations de taille, auxquels nous pouvons être sensibles aujourd’hui, les constructeurs antiques ont visiblement privilégié l’épuisement de stocks et les facilités d’un transport massif. À cela s’ajoutent probablement des choix économiques non négligeables : le coût de la main d’œuvre pour ces différentes opérations était sûrement inférieur au prix de lots de briques neufs et assurait donc une meilleure rentabilité, avec l’écoulement des stocks de tuiles.
46En cela, Pompéi nous donne l’extraordinaire opportunité de pouvoir restituer le cycle productif du choix des matériaux, de leur extraction à la gestion des stocks, jusqu’aux procédés constructifs. Il y apparaît difficile d’isoler les observations développées par les maçons sur les matériaux de la dynamique propre des chantiers. Car la sélection d’un matériau, aussi pertinente soit-elle, ne prend sens que dans l’économie globale de la construction, dans le rapport aux autres matériaux et aux dispositifs de mise en œuvre. De nouveau, l’exemple des tuiles retaillées utilisées dans les dernières années pompéiennes semble le plus révélateur, dans leur mesure où leur introduction s’accompagne de nouvelles techniques de construction, plus rationalisées et attentives au comportement statique des maçonneries. Un parallèle suggestif peut être proposé, celui de l’utilisation de la brique dans l’Espagne médiévale, mise en évidence par Philippe Araguas.
47Du point de vue de la résistance ou de la densité, le matériau ne présente pas d’avantages rentables par rapport à la pierre et c’est surtout son aptitude particulière à adhérer au mortier qui en a généralisé l’usage158. Un matériau en cache donc toujours un autre et les connaissances des constructeurs s’avèrent mobilisées à différentes échelles de la production, pour une optimisation maximale des travaux.
48Les savoirs, ou plutôt les savoir-faire des maçons, s’inscrivent donc dans une vaste chaîne opératoire, de la réalisation des matériaux aux mises en œuvre les plus adaptées. L’exemple pompéien montre que la transmission de leurs connaissances et de leurs gestes reste largement conditionnée par la nature du chantier et du commanditaire, à chaque bout de la chaîne.
Notes de bas de page
1 Martin 1989, p. 62-63 ; Anderson 1997, p. 114.
2 Pour une approche générale de l’économie des techniques constructives et des matériaux, Mannoni – Boato 2002, p. 46-47 et Mannoni 2005, p. 17. Voir, par exemple, les différentes analyses conduites sur l’opus reticulatum : Coarelli 1977, Torelli 1980 et Dessales 2010. On se reportera également à l’étude de l’évolution des techniques de construction à Thamusida : Camporeale 2008, p. 142 et 149-178.
3 Sur la taille des moellons, pour une synthèse, voir Blagg 1976 ; sur celle des briques, voir en dernier lieu Bukowiecki 2010.
4 Rea 2004, p. 60, p. 94-95, fig. 39, 82-83 et Bisconti 2004, p. 142, fig. 110.
5 Voir de ce point de vue l’analyse de Choisy 1873, p. 14.
6 Travaux fondateurs de Varène 1974 et Bessac 1986.
7 Il faut signaler les progrès considérables accomplis dans l’étude du mortier de chaux ; voir la synthèse d’A. Coutelas (2009).
8 On pourra seulement citer le travail exemplaire de Lancaster 2005, sur le développement de la construction voûtée à Rome. Sur le cas particulier du Panthéon, voir Waddell 2008, principalement p. 43-50, 91-98 et 105-109. De brèves notices antérieures se trouvent dans Van Deman 1934, p. 8, Blake 1947, p. 350 et Lugli 1957, p. 40-48. À propos des édifices de spectacle gallo-romains, voir Fincker 1998.
9 Sur les notions de porosité et densité : Guéguen – Palciauskas 1992, p. 1-2 et 18-19.
10 Diderot 1775, article « Maçonnerie » et « Des murs en général », p. 807 et 809 ; Quatremère de Quincy 1825, p. 115-118, article « Pierres ».
11 Normes Afnor B. 10.001, reproduites dans Bessac 1999, p. 15, fig. 7.
12 Bien d’autres aspects mériteraient d’être également développés, comme la résistance à la chaleur et au feu.
13 Cf. Archäologie und Seismologie 1995.
14 Pour les éditions et traductions anglaises, Caley – Richards 1956 et Eichholz 1965. On regrettera l’absence de publication d’une traduction française et se reportera à la riche contribution de Véronique Foulon, Présentation, traduction et lecture archéologique du De Lapidibus de Théophraste, Des Pierres, Maîtrise d’archéologie et de lettres classiques, Université de Paris 4, 2004. Je remercie l’auteur d’avoir bien voulu me transmettre son mémoire inédit.
15 Halleux – Schamp 1985, p. xiii : « L’œuvre de Théophraste constitue le commencement et le point final de la géologie scientifique chez les Grecs ». Il n’appartient donc pas au genre particulier des lapidaires, « lesquels se caractérisent par leur prédilection pour les pierres précieuses, curieuses ou fabuleuses, et par leur insistance sur les propriétés magiques » (ibid., p. vii).
16 Arstt., Meteor., 4, avec une classification des minéraux. Sur l’influence de ce traité chez Théophraste, cf. Eichholz 1965, p. 4.
17 Th., Lap. 1, 2.
18 Sur le terme, cf. Ginouvès – Martin 1985, p. 40.
19 Th., Lap. 1, 7 : καὶ ὁ πόρος ὅμοις τῷ Παρίῳ τὴν δὲ ϰουφότητα μόνον ἒχων τοῦ πόρου, διὸ καὶ ἐν τοῖς σπουδαζομένοις οἰκήμασιν ὣσπερ διάζωμα τιθέασιν αὐτὸν οἱ Αἰγύπτιοι.
20 Th., Lap. 9, 66 : θαυμαστὴ δὲ καὶ ἡ ἰσχύς ὅτε γὰρ οἱ λίθοι ῥήγνυνται καὶ διαφέρονται, ἡ δὲ οὐδαμῶς ἀνίησι, πολλάκις δὲ καὶ τὰ μὲν πέπτωκε καὶ ὑφῄρηται, τὰ δ’ἂνω κρεμάμενα μένει συνεχόμενα τῇ κολλήσει..
21 Coutelas 2009, p. 14, 78-79.
22 À deux reprises (résistance à des outils en fer) : Th., Lap. 1, 5 et 7, 41-43.
23 Cette qualité peut changer lors de la combustion (exemple des pierres de Lipari et de la ponce en Th., Lap. 2, 14).
24 Th., Lap. 3, 22.
25 Th., Lap. 1, 2.
26 Vitruve aurait probablement eu accès à l’œuvre de Théophraste, au moins à son Histoire des plantes : voir le commentaire de P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. xl.
27 Vitr., 2, 1, 7 (trad. CUF).
28 Callebat 2003, p. 91-92.
29 P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. xvi.
30 Ibid., p. x.
31 Gros 1994, p. 90 ; P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. lviii.
32 Callebat 2003, p. 90.
33 Vitr., 1, 2, 8 et 2, 7, 4-5, à propos des carrières d’Anicius.
34 Voir pour une présentation Lancaster 2005, p. 15.
35 Vitr., 2, 7, 1.
36 Vitr., 2, 3, 4.
37 Vitr., 2, 7, 2 ; voir le commentaire de P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. 103 (autre occurrence en 2, 8, 19).
38 La même notion se retrouve chez Frontin., Aq., 121, 1.
39 Sur ces identifications, Ginouvès – Martin 1985, p. 42-43, P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. 104-107 et Panei – Dell’Orso 2008.
40 Difficultés d’identification soulignées par P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. 105.
41 Vitr., 2, 4, 1.
42 Vitr., 2, 8, 3.
43 P. Gros dans Callebat et al. 1999, p. 86, mettant en évidence le rôle de la notion lucrétienne du vide.
44 Vitr., 2, 3, 1 et 2, 3, 4.
45 Vitr., 2, 3, 1.
46 Vitr., 8, 6, 14, avec révision du texte dans Gros 2003.
47 Vitr., 8, 6, 14 : caementum de silice frangatur ne grauius quam librarium. Indication reprise par Plin., NH, 36, 173.
48 Vitr., 2, 8, 2 (pour l’opus incertum et reticulatum) et Vitr., 4, 4, 4 (à propos de la construction des murs de la cella). Voir une autre application, à propos de la taille des moellons utilisés dans le hérisson des pavements en Vitr., 7, 1, 3. On trouve une annotation équivalente dans Cat. Agr., 18 (caementa minuta).
49 CIL X, 1781 (CIL I2, 698 ; CIL I, 577 ; ILS 5317), col. 2, l. 34-40 : Eosq(ue) parietes | marginesque omnes, quae lita non erunt, calce | harenato lita politaque et calce uda dealbata recte | facito. Quod opus structile fiet, in te[r]ra calcis | restinctai partem quartam indito. Niue maiorem | caementa<m> struito, quam quae caementa arda | pendat p(ondo) XV, niue angolari<m> altiorem (trientem semunciam) facito.
Pour une traduction du document (conservé au MANN, inv. no 2458), cf. Tran Tam Tinh 1972, p. 58-62 ; Aubert 2003, p. 10-12 et Lassère 2005, p. 402-405.
50 En retenant la masse de 7,5 kg pour les moellons et en appliquant une masse volumique moyenne de 1500 kg/m3 (tuf), on peut restituer une dimension approximative de chaque moellon : 25 x 20 x 10 cm.
51 Je retiens ici, par l’indication de 9 semuncia (1 semuncia = 1/2 once), soit 9/2 onces (1 once = 1/12 pied). Dans les parements en opus uittatum de Pompéi, la hauteur des moellons est généralement comprise entre 8 et 11 cm (écarts possibles de 6 à 18 cm), pour une longueur d’env. 20 cm (observation personnelle). Voir un exemple en fig. 17.
52 Carrières du monte Barbaro (Demma 2007, p. 42). Sur les ressources du territoire de Cumes, voir Vitr. 2, 6, 2 et Plin., NH, 16, 202 et 35, 166.
53 Plin., NH, 36, 164-170.
54 Plin., NH, 36, 166-167 (notions de mollitia et mortalitas).
55 Plin., NH, 36, 135 ; 36, 168.
56 Plin., NH, 36, 136. Voir les remarques d’A. Rouveret (André et al. 1981, p. 214) sur le fait que Pline est incapable de distinguer la nature d’une roche de l’usage qui en est fait, comme le montre l’exemple de la pierre de meule.
57 Plin., NH, 36, 170. Voir des considérations proches dans Vitr., 2, 7, 5.
58 Plin., Ep., 10, 39 (48), 2.
59 Même remarques en Plin., Ep., 10, 90 (91), 1.
60 Plin., Ep., 10, 37 (46), 2 : […] aliqua pars, ut mihi uidetur, testaceo opere agenda erit : id enim et facilius et uilius.
61 Plin., Ep., 10, 39 (48), 4 : […] parietes quamquam uiginti et duos pedes latos imposita onera sustinere non posse, quia sint caemento medii farti nec testaceo opere praecincti.
62 Frontin., Aq., 122, 2, en retenant la transcription de Rodgers 2004.
63 Blanc 1983.
64 Voir les remarques proches de Blanc 1983, p. 860, sur la terminologie appliquée aux stucateurs.
65 Vitr., 2, 5, 1 et 2, 4, 2 ; voir Blanc 1983, p. 862.
66 Martin 1989, p. 62. Voir l’expression combinée faber structor parietarius dans CIL VI, 6354 (ILS 7623).
67 CIL VI, 6639 (CIL X, 6637) (Fastes d’Antium, cf. Blanc 1983, p. 877).
68 CIL VI, 6353 et 6354.
69 Cic., Att., 14, 3, 1 ; Q., 2, 6, 3 ; dans Petr., 35, 2, un cuisinier est associé, de façon métaphorique, à un structor.
70 CIL X, 868. Magasins SANP, Pompéi, inv. no 14210. Voir Homo Faber 1999, p. 311.
71 Exemples dans Adam 1986, p. 77 (V 3, 4 et VII 3, 17) et Fulford – Wallace Hadrill 1998, p. 135-136, fig. 7 (I 9, 12). Voir également la représentation de la Tombe de Trebius Justus, cf. supra, n. 4.
72 Outil à percussion lancée : Varène 1974, p. 9-14 ; Bessac 1986, p. 34-35.
73 Outil à percussion lancée : Adam 1984, p. 35, fig. 48 ; Bessac 1986, p. 58 ; Bukowiecki 2010, p. 146-147.
74 Outil à percussion posée avec percuteur : Bessac 1986, p. 133-134.
75 Pour des représentations d’outils de maçons sur des stèles, cf. Lugli 1957, vol. 2, tav. 25. Pour leur identification dans les collections de Pompéi, cf. Homo Faber 1999, p. 304-309.
76 Souvent, on note en effet un badigeon de mortier sur l’ensemble du parement : par ex. maison VII 2, 18 ou mur extérieur occidental de l’édifice municipal VIII 2, 10. Cas similaire dans la Casa del Centenario (IX 8, 3.6.a), voir Negri 2007, p. 129 et 134. Voir, sur les opérations associées de maçonnerie et d’enduit, le cas de la Lex parieti faciendo, citée supra n. 49 et l’analyse de D. Esposito ci-après p. 72.
77 CIL VI, 6354 (ILS 7623) et CIL VI, 9910.
78 CIL XIII, 1034.
79 Magister structor mentionné en CIL III, 13389 et CIL X, 1959. Sur l’organisation des chantiers, Di Pasquale 2004, p. 228-230 et voir la contribution de Chr. Freu dans ce même volume, en particulier p. 38.
80 Sur ces représentations, voir Béal 2000, en part. p. 155.
81 Rea 1994, p. 39, 89-90, 94-95 et Bisconti 2004, p. 142-144, fig. 79 et 111.
82 CIL VI, 444.
83 Diderot 1775, p. 803.
84 Martin 1989, p. 19-41 et 52-60 ; Barresi 2003, p. 71-72 ; Saliou à paraître.
85 Vitr., 6, 8, 8 : Quibus autem copiarum generibus oporteat uti, non est architecti potestas, ideo quod non in omnibus locis omnia genera copiarum nascuntur, uti in primo uolumine est expositum ; praeterea in domini est potestate utrum laterici an caementicio an saxo quadrato uelit adificem (traduction CUF).
86 Cat. Agr., 14-15.
87 Dig., 19, 2, 30, 3 (Alfenus) ; Dig., 6, 1, 39 (Ulp.).
88 FIRA III, 473, p. 473-475, n. 1.
89 Cic., Verr., 2, 1, 146 : Hoc opus bonum suo cuique facito.
90 DeLaine 1997, p. 103-130 et 211-220.
91 Lancaster 2005.
92 Wilson 2006a ; DeLaine 2006 ; Bukowiecki 2010.
93 Van Deman 1934, p. 8.
94 Lancaster 2005, p. 59.
95 Données moyennes évaluées à partir des caractéristiques générales des matériaux : Baïlon – Dorlot 2000 ; Giuliani 1998, p. 151 ; Lancaster 2005, p. 66.
96 Buffone et al. 1999.
97 D’eau et de pierre. Le réseau hydraulique de Pompéi et son bâti : recherches des laboratoires de géologie (UMR 8538) et d’archéologie (UMR 8546) de l’École Normale Supérieure, 2007-2010, dir. H. Dessales. Données en cours de publication. Pour une première dénomination des matériaux, voir Carrington 1933 ; Adam 1983, p. 12 ; Sassi 2007, p. 79-92.
98 Öhr 1991, p. 26-30.
99 Brun et al. 2006, p. 365, fig. 48.
100 Wallat 1993.
101 Ling 1997, p. 14-16 et 18.
102 Strocka 1991, p. 66.
103 Plin., NH, 36, 95 : choix d’un terrain marécageux, élastique et propice à la dispersion des ondes sismique ; couche de charbons et de laine en fond de fouilles pour éviter les remontées humides dans les fondations.
104 Plin., NH, 36, 106.
105 Dig., 19, 2, 59 (Iavol.) ; Dig., 19, 2, 15 (Ulp.).
106 Dobbins 1994, p. 649.
107 Carrington 1933, p. 135 ; Maiuri 1942, p. 196.
108 Pour le fonctionnement de ces aménagements hydrauliques, cf. Dessales 2007.
109 Données en cours de publication (voir supra, p. 50).
110 Bâtiment inédit (en cours d’études, voir supra, n. 97), dépourvu d’élément de datation. Analyse de la documentation ancienne sur ce quartier dans Barattolo – Romaldi 2007.
111 Coletti et al. 2010 ; de Haan – Wallat 2008.
112 Données J. de Sigoyer (en cours), voir supra, p. 50.
113 Steinby 1979. Approfondissement dans Shepherd 2007.
114 Pagano 1990.
115 Évolution du bâtiment mise en évidence dans Maiuri 1942, p. 72 et Fuchs 1957.
116 Wallat 1993 (groupes 3 et 4).
117 On peut citer la production spécifique des colonnes de la basilique (VIII 1, 1-2). Des briques ont probablement été utilisées entières dans les opérations de restauration qui se sont déroulées dans les édifices suivants : VI 12, 6 (26,5 x 13,5 x 3,8 cm) ; VI 8, 8 (21,5 x 11 x 3,6 cm) ; macellum (VII 9, 7-8.19.42, murs périmétraux).
118 Sur la méthode modulaire appliquée, proche de celle de l’opus testaceum de briques, voir les indications reportées dans Bukowiecki et al. 2008, p. 30-32.
119 Van Deman 1912, p. 387-399 ; Coarelli 2000. Exemple dans Malacrino 2010.
120 Bukowiecki 2010.
121 Dobbins 1994, p. 689-693.
122 La dernière phase, caractérisée par des tuiles en parement de type B, ne présente aucun revêtement, alors que la précédente, datée du début du principat, avec des tuiles de type A se caractérisait par un placage de marbre. Maiuri 1942, p. 35-38 (cas de VIII 2, 6) : voûte inachevée, pavement antérieur entaillé pour faciliter le montage des nouveaux murs.
123 Eschebach 1979, pl. 37a (phase 5).
124 Adam 1986, p. 73-75.
125 Phasage dans Strocka 1991, pl. 48, pièce 34 (piliers nord).
126 Adam 1986, p. 83.
127 Phasage dans Romizzi 2006b, p. 85, fig. 3 (reproduit de Richardson 1955).
128 Exemples : VII 4, 16-20 ; VIII 2, 29-30 ; VIII 5, 10-12.
129 Adam 1986, p. 72-73. Exemple de matériaux de récupération dans Negri 2007, p. 134-135. Voir l’identification de dépotoirs urbains et extra-urbains par Maiuri 1942, p. 159-160 et 174-175.
130 Cic., Verr., 2, 1, 147 : Rediuiua sibi habeto.
131 CIL IV, 7124 : Tegula cumular(ia) | Ven(alia) operculacolliquia | Conuenito indide(m). Commentaire dans Della Corte 1936, no 194, p. 332-333, fig. 10 ; Frank 1938, p. 224-225. Sur les conditions du remploi, Barker 2010.
132 Pour la terminologie, Ginouvès 1992, p. 183-186. Attestation de collicia en ce sens dans Vitr., 6, 3, 1 et Plin., NH, 18, 179. Caton (Agr. 14, 4) évoque des tegulae conliciares. Pour le terme cumular(ia), on peut se demander si une erreur ne s’est pas produite dans l’écriture du r final, la restitution la plus logique étant le qualificatif cumulat(ata).
133 Pour une utilisation du terme conuenito, voir CIL IV, 138, 3864 et 9948.
134 La découverte, à l’extérieur de la ville, d’un dépôt de tuiles (Stefani – di Maio 2003, sondage 15.A, p. 154-156, fig. 8), dont certaines fort anciennes, avec des timbres osques, pourrait également être interprétée dans ce sens. Sur la présence de dépotoirs extra-urbains, voir supra, n. 129.
135 Voir une utilisation de ce type de tuiles dans les couvertures de la Villa San Marco, à Stabies : Miniero 1999.
136 D’autant que la confection des tuiles à incasso était beaucoup plus difficile que celle à risega : Shepherd 2007, p. 60 et 76.
137 Sur ces questions, Bukowiecki 2010. Pour un exemple de transport, sur bateau : Joncheray – Joncheray 2004, p. 15, fig. a.
138 Vitr., 2, 8, 19.
139 Vitr., 2, 3, 2.
140 Thébert 2000, p. 344-346 ; Bianchi 2002, p. 411-413.
141 Pour un exemple à Herculanum, Monteix 2010.
142 Helly 2000.
143 Andreau 1973, p. 378-379.
144 Demma 2007, p. 43 (l’auteur définissant, sans précision supplémentaire, des briques dans le parement et des tuiles dans les arcs de décharge).
145 CIL X, 1789.
146 CIL X, 1266 ; Conti 2008, p. 37.
147 Barresi 2003, p. 30 ; Bérenger-Badel 2005 ; Conti 2008.
148 CIL X, 1406 et AE 1979, 170 ; Monteix 2010.
149 AE 1902, 40 ; AE 1951, 200 ; CIL X, 1481 et AE 1994, 413.
150 AE 1994, 404 ; Johannowsky 1986.
151 Sen., Nat., 6, 1-2 ; Tac., Ann., 15, 22.
152 CIL X, 1018 (ILS 5942) et AE 2001, 797.
153 Dobbins 1994, p. 689-693.
154 Complément de l’étude prosoprographique menée sur Stabies par Magalhaes 2006.
155 DeLaine 2002.
156 Vitr., 2, 4, 1 : Ex his quae in manu confricata fecerit stridorem erit optima (traduction CUF).
157 Callebat 2003, p. 94.
158 Araguas 2003, p. 43.
Auteur
École Normale Supérieure, Paris, UMR 8546.
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