Les moulins de Barbegal 1986-2006
p. 185-199
Texte intégral
1En 1992, M. -C. Amouretti faisait le point de la recherche sur les moulins de Barbegal (Amouretti 1992), opération à laquelle elle participait dans le cadre des recherches sur l’histoire des techniques qu’elle animait pour la période antique aux côtés de G. Comet pour la période médiévale (Amouretti et Cornet 2000). Six ans auparavant, en 1986, sensibilisé à l’état d’abandon d’un site, qui, correctement mis en valeur, pourrait constituer un pôle touristique majeur, le Service Archéologique Régional avait lancé une étude préliminaire. Dans l’équipe réunie par G. Bertucchi, conservateur du Patrimoine chargé des Bouches du Rhône, j’avais eu la charge d’éclairer la question de l’alimentation en eau des moulins et de l’évacuation des eaux utilisées. L’étude de l’architecture du monument avait été confiée à J. -L. Paillet, architecte à l’IRAA, qui avait immédiatement entrepris des relevés et, dès 1990, avait remis un plan provisoire publié dans Gallia Information (Paillet 1990). Vingt ans après, les moulins, restés propriété privée, sont revenus dans l’état où ils se trouvaient avant le début de cette opération. L’étude architecturale du bâtiment n’a pas abouti. Aucune restitution des mécanismes n’a été réalisée. Les arbres et les broussailles ont repris possession des ruines dont la dégradation se poursuit. Laissé visible dans l’espoir d’une mise en valeur du site, pour laquelle un financement européen avait été accordé à la commune de Fontvieille, le bassin, dont la mise au jour rendait compte du système hydraulique, a été enfoui par mesure de protection, comme l’avaient été deux ans plus tôt les chambres basses des moulins que leur inondation annuelle dégradait.
2Pourtant dans ce bilan, tout n’est pas négatif. Au plan scientifique, une nouvelle chronologie a été substituée à celle qui était retenue depuis F. Benoit (Benoit 1942-1945). La situation du bâtiment dans son environnement géographique et archéologique a été précisée et le fonctionnement général du système hydraulique éclairé. Cet article en dresse le bilan. Au plan patrimonial, la municipalité de Fontvieille assure l’entretien des aqueducs et a lancé un programme de consolidation de ces ouvrages. Mais, surtout, l’aménagement du site constitue l’un des objectifs de la charte du Parc Naturel Régional des Alpilles dans ce domaine (Charte 2006, p. 80).
Le monument
Présentation générale
3Situé sur la commune de Fontvieille, dans la Vallée des Baux, immédiatement au sud du Vallon des Arcs qui doit son nom aux restes des ponts aqueducs qui le franchissaient (fig. 1), le site de Barbegal fit longtemps l’objet de deux interprétations : s’agissait-il d’un réservoir destiné à l’un des deux aqueducs conduisant à Arles les eaux des Alpilles ou d’une installation industrielle ? Dans sa monographie sur Arles antique, L. -A. Constans défendait la première hypothèse : l’installation correspondrait à un siphon comparable à ceux des aqueducs de Lyon (Constans 1921, p. 388-389). Mais, les trois campagnes de fouilles que Fernand Benoit y dirigea de 1937 à 1939, confirmèrent la seconde hypothèse, déjà suggérée par P. Véran. La topographie explique la localisation des moulins. Le versant sud du chaînon de la Pène sur lequel ils sont implantés offrait une pente propice à l’utilisation optimale de la force hydraulique motrice. Il a suffi de dériver une des branches de l’aqueduc d’Arles en construisant un nouveau pont, parallèlement à celui qui portait le conduit et qui continua à alimenter la ville (fig. 2).
Fig. 1. La plaine du Rhône et les Alpilles.
Localisation de Barbegal et tracé des Aqueducs des Alpilles
4Les fouilles permirent à F. Benoit de décrire l’architecture générale du bâtiment. Long de 61 mètres pour 20 mètres de large, il comporte deux ensembles symétriques s’organisant dans le sens de la longueur (nord-sud) de part et d’autre d’un escalier monumental. Cet escalier partait d’une galerie d’accès située en bas. De chaque côté, vers l’extérieur, huit sections (“biefs”) aménagées l’une au-dessous de l’autre définissaient deux “trains” de huit chutes actionnant seize roues. Les chambres abritant les mécanismes de mouture se trouvaient entre chacun de ces biefs et l’escalier central (fig. 3).
5Les spécialistes s’accordent à souligner le caractère savant du dispositif et des mécanismes. Une goulotte de bois amenait l’eau en avant de la roue. Elle tombait dans les augets (“par en dessus”), qui, une fois remplis, faisaient tourner la roue par leur poids ; la rotation s’effectuait dans le sens du courant. Plus difficile à mettre en œuvre que le système de la turbine et celui de la roue “par en dessous”, ce système n’était pas le plus commun dans l’Antiquité. Mais il était le plus efficace. Selon les niveaux, la meule se trouvait à l’étage supérieur ou inférieur de la chambre. Dans les chambres inférieures, le fond du bief était au niveau de la fosse du moulin et les meules étaient placées sur un étage supérieur ; la transmission se faisait de bas en haut. Dans les chambres supérieures les biefs étant en surélévation, la transmission se faisait de haut en bas et les meules se trouvaient au-dessous de l’engrenage. Un tel dispositif permit de placer un maximum de chambres dans la pente. Dans l’enthousiasme de la découverte, un ingénieur avait évalué à 28 t. de farine par jour la production de l’usine. En fait, elle devait être bien inférieure et ne pas dépasser 4,5 t., ce qui est déjà considérable et assure la fourniture journalière de 350 gr de farine à 12 500 personnes, la population d’un centre urbain romain comme Arles. Durant leur période de fonctionnement, comme tous les ouvrages hydrauliques, ces moulins ont fait l’objet de modifications et de restaurations dont on observe la trace dans les murs qui subsistent en élévation.
Fig. 3. : Les moulins de Barbegal. Vue aérienne oblique (A. Chenet CNRS) :
1 : localisation de l’émissaire orientale ;
2 : localisation des inhumations
Compléments apportés par les fouilles
Hydraulique
6Les deux ouvrages de franchissement du Vallon des Arcs paraissaient correspondre à deux aqueducs indépendants. La mise au jour et la fouille d’un bassin situé trois cents mètres au sud des moulins constitua donc une découverte majeure (fig. 4 et 5).
7Inconnu jusqu’aux fouilles conduites en 1990, il assurait la convergence des deux branches de l’aqueduc d’Arles, avant la construction des moulins. Une prise d’eau située à quelques mètres du bassin dériva vers une nouvelle conduite, les eaux venues de la branche orientale.
8En 1992, à la suite de la fouille des ponts et en parallèle avec elle, le débit des canaux a fait l’objet d’une étude spécifique conduite par une équipe d’hydrauliciens du Leichtweiss Institut de Brunschwig (Heimann et al. 1993). Immédiatement à l’aval de la dérivation, sur une trentaine de mètres, la pente du nouveau conduit reste faible ou nulle. Au-delà, elle s’accentue pour atteindre 0,85 m pour 308 m soit 1,97 m pour mille, ce qui correspond à une valeur beaucoup plus forte que celle du conduit parallèle de l’aqueduc d’Arles. Cette différence résulte d’un choix technique prenant en compte l’altitude de la prise d’eau imposée par la réutilisation de la branche de l’aqueduc, sans compromettre la hauteur de chute disponible. Il aurait en effet été plus commode d’utiliser le conduit occidental dont le radier aboutit à une altitude supérieure à l’amont du bassin.
9S. Heimann a évalué le débit maximum potentiel à 1350 1/s. (fig. 6). Compte tenu des rugosités de la paroi, des dépôts de calcaire et des problèmes d’écoulement, il ramène le débit moyen à 260 1/s, soit 22 464 m3 par jour. De ce fait, ce chiffre se situe en dessous de l’évaluation de Sagui (1000 1/s). Il est proche de ceux que proposaient déjà N. Schnitter (240 1/s) et Sellin (300 1/s).
Architecture
10En 1992 et 1993, la fouille de l’angle sud-est du bâtiment a permis d’en compléter le plan réalisé par J. -L. Paillet. Il est apparu que le mur qui avait été reconnu à 6,15 m des deux chambres inférieures occupait le fond d’un portique de façade fermant les moulins. Le bâtiment est en effet inscrit dans une enceinte dont les murs latéraux sont conservés dans la partie inférieure. Le mur sud de cette enceinte a été reconnu à 19 m du fond du portique. Il délimitait une sorte d’avant-cour où aboutissaient les deux émissaires évacuant les eaux qui avaient actionné les roues. Seul l’émissaire oriental a été fouillé. Long de 20,10 m, son conduit voûté déversait les eaux dans un fossé de 5 m de long qui les évacuait à l’extérieur de l’enceinte (fig. 7). Contrairement donc à ce qui était attendu, aucun plan d’eau ne baignait le bas de l’usine.
Chronologie
11Les fouilles ont d’abord permis de corriger la date qui avait été proposée à la suite des fouilles de F. Benoit. Les moulins ne datent pas de la fin de l’Antiquité, mais sont contemporains de l’apogée de la cité d’Arles. Construits vraisemblablement sous le règne de Trajan, ils ont produit la farine dont la ville avait besoin. Dans les siècles suivants et jusqu’à une date indéterminée, le site resta occupé et l’usine partiellement en fonction.
12Ce schéma très général constitue un progrès significatif. Mais il ne résoud évidemment pas les nombreux problèmes que pose l’histoire de ce monument. Il convient donc de présenter les éléments d’une chronologie relative que l’on tentera ensuite de transformer en chronologie absolue.
Une chronologie relative
13La fouille du bassin et de la section du conduit située entre le bassin et la prise d’eau d’une part, l’étude des dépôts carbonatés d’autre part (Guendon 2005) ont permis d’établir la chronologie relative des travaux effectués sur le site à l’amont des ponts. À l’origine, un bassin y assurait la convergence de deux conduits venant l’un de Fontvieille (à l’ouest), l’autre de Paradou (à l’est). Les eaux se déversaient dans l’aqueduc qui conduisait les eaux vers Arles. Le conduit oriental collectait des sources dans la région de Maussane et Paradou. Il fut affecté au fonctionnement des moulins. L’eau fut alors dérivée par une brèche ouverte à quelques mètres à l’est du bassin et un pont fut élevé parallèlement au pont primitif pour conduire l’eau aux moulins. Le bassin de convergence perdit sa fonction originelle, ne conservant que celle d’escalier hydraulique compensant la différence de niveau demeurant entre la branche nord de l’aqueduc et le canal vers Arles. Pour un certain nombre de raisons dont on discutera (un fonctionnement défectueux de l’aqueduc qui l’alimentait ? une utilisation différente des eaux du versant sur des Alpilles ? l’aménagement d’un nouveau point de captage au nord des Alpilles ?), l’ancien bassin de convergence fut partiellement remis en service et fonctionna désormais en divergence. La communication entre les deux aqueducs avait été fermée par un mur. Elle fut partiellement rouverte pour permettre une alimentation complémentaire des moulins à partir de l’aqueduc d’Arles et une vanne fut posée. Dans ce second temps, le bassin eut donc une fonction de distribution de l’eau entre le canal d’Arles et celui des moulins.
Chronologie absolue
14Si cette chronologie relative est bien assurée, il n’en va pas de même de la chronologie absolue. Il était donc nécessaire de récapituler les éléments datant. Nous distinguerons ce qui est lié à la construction des moulins et ce qui relève de leur fonctionnement.
Construction des moulins
15La première observation porte sur les techniques de construction qui distinguent le pont aqueduc allant vers les moulins et le pont de l’aqueduc d’Arles. Le nouvel ouvrage est bâti en maçonnerie de blocage parementé en petit appareil régulier. Le grand appareil y est utilisé à la base des piles et pour les impostes (Goutoulli 1995 ; Leveau et Thernot 2005). Cette technique se retrouve dans les moulins. À l’inverse, l’aqueduc d’Arles offre une grande variété de modes de construction. Les observations faites sur les sections amont et aval et sur les fondations montrent qu’il a d’abord été construit en grand appareil (Leveau 1995). Par la suite, il a fait l’objet de nombreuses consolidations. Certaines parties ont été reconstruites sur les fondations du premier ouvrage. Ces techniques de construction donnent un terminus : le pont des moulins est postérieur au changement technique qui assure en Gaule Narbonnaise le succès de la construction en blocage parementé en petit appareil, ce qui le place au plus tôt à la fin de l’époque flavienne. Mais aucune donnée architecturale ne permet de savoir jusqu’à quand il a fonctionné. En effet, l’exploitation du site comme carrière a fait disparaître la majeure partie des sections en grand appareil de l’aqueduc d’Arles. Les mêmes carriers ont extrait des blocs dans les impostes et les fondations de celui de Barbegal, faisant par là même disparaître toute trace de son entretien. Faut-il en conclure que le nouveau pont a été maintenu en usage moins longtemps que celui de l’aqueduc d’Arles ? C’est mon opinion, mais elle est fondée sur une présomption.
16Heureusement, —c’est la seconde observation qui a été faite—, une donnée stratigraphique précise permet d’approcher une date absolue. Le bassin de convergence avait été construit en grand appareil, comme le pont dans son premier état. Son radier a été refait à une date que donne une monnaie incluse dans la maçonnerie : un as de Trajan frappé entre 103 et 111 ; il avait peu circulé (Bost, in Leveau et al., 2000). Les observations de J. -L. Guendon sur les dépôts carbonatés du bassin ont montré que cette réfection est postérieure à la fermeture de la communication avec la branche orientale. Dans le fond du bassin, ne subsistent que des concrétions appartenant à la seconde génération des dépôts carbonatés qu’il a étudiés (Guendon 2005).
Fonctionnement
17Les données relatives au fonctionnement du monument viennent de contextes contenant des céramiques et des monnaies piégées, issues des fouilles effectuées à l’amont sur le bassin et à l’avant sur l’émissaire évacuant les eaux des biefs orientaux.
18Le bassin était revêtu d’épaisses concrétions calcaires pour la fouille desquelles il a été fait appel à la collaboration de J. -L. Guendon qui a également travaillé sur les dépôts carbonatés des aqueducs de Nîmes et de Fréjus. Il a reconnu trois générations de concrétions. La première qui était conservée sur les parois du bassin est antérieure à la construction de la meunerie. Correspondant à une soixantaine d’années de fonctionnement, en s’appuyant sur date de 103-111, elle suggère que le bassin a été construit sous le règne de Claude. La deuxième génération est datée par les monnaies qui y ont été trouvées. Elles dataient de l’époque antonine, à l’exception d’une monnaie frappée par l’atelier d’Arles en 347-348.
19Ces concrétions se sont déposées après la fermeture des conduits pendant au moins trois quarts de siècle, correspondant probablement à la période de fonctionnement optimale de l’usine. Une troisième génération correspond au fonctionnement du bassin en divergence. La réouverture de la partie condamnée du conduit oriental a été partielle : la quantité d’eau envoyée vers les moulins était réglée par une vanne. Comme l’a observé P. Kessener, la pose de cette vanne montre que l’on a alors bien contrôlé la quantité d’eau prélevée sur l’aqueduc d’Arles (Kessener 2005, 308).
20Une seconde série de données a été fournie par les fouilles de l’exutoire oriental des moulins. Le canal de fuite déversait les eaux dans un fossé qui les évacuait à l’extérieur de l’enceinte des moulins. À la sortie de l’exutoire maçonné, la chute d’eau entraînée par la différence de niveau a creusé une cavité dans les marnes. Un lot de céramiques y a été piégé. Cet ensemble était essentiellement constitué de Sigillée Claire Β dont les formes les plus anciennes donnent un terminus dans les années 150-160. Il contenait seulement trois rebords correspondant à des formes précoces de Luisante. La sigillée Sud Gauloise était absente et la sigillée du Centre de la Gaule faiblement représentée. À l’autre extrémité de la chronologie, la sigillée claire D est absente, alors que la claire C et la céramique africaine de cuisine sont bien représentées (Tremmel in Leveau et al. 2000). Quelques monnaies ont été trouvées dans le fossé. La plus récente date des années 254-268. Cet ensemble donne une date qui correspond donc aux années 260/270, celle qui était proposée par F. Benoit pour dater les moulins. Cependant la poursuite de la fouille a permis de trouver une monnaie piégée dans une cavité creusée par le courant dans le second fossé situé à l’extérieur de l’enceinte des moulins. Cette monnaie est illisible. Mais J. -P. Bost y a reconnu un buste radié, ce qui peut nous placer au IVe s. (Bost in Leveau et al. 2000).
L’interprétation (fig. 8)
21Si le bassin a bien fonctionné en convergence durant une soixantaine d’années, la construction de l’aqueduc d’Arles remonte au plus tôt aux années 40/50. Une datation au règne de Claude ne surprendra pas : c’est celle qui est proposée pour le pont du Gard.
22Les moulins auraient été construits dans la seconde décennie du IIe s. Indépendants de l’aqueduc d’Arles, ils auraient disposé d’une alimentation en eau spécifique, assurée jusqu’à l’époque sévérienne uniquement par l’ancienne branche sud des aqueducs des Alpilles. Les 18 chambres de mouture sont susceptibles de fonctionner simultanément conformément aux objectifs initiaux du ou des commanditaires
23À l’époque sévérienne, le bassin est utilisé pour envoyer de l’eau vers les moulins (fonctionnement du bassin en diffluence). Cette modification a été liée à une dégradation de l’aqueduc des Baux : à l’amont, à Paradou, M. Gazenbeek avait observé que l’encombrement du specus par des dépôts carbonatés faisait remonter le niveau de l’eau jusqu’en haut de la voûte. On peut imaginer que seule une partie des chambres de mouture restait en fonction. Mais il peut s’agir aussi bien d’une conséquence que d’un cause. L’usine continua à fonctionner normalement grâce à l’apport complémentaire de l’aqueduc d’Arles.
24Les données numismatiques et céramologiques laissent penser qu’au IVe s., les moulins avaient perdu leur place dans le ravitaillement d’Arles en farine. Si saint Césaire a vu fonctionner des moulins, ceux-ci pouvaient fort bien être installés sur le Rhône ou sur des dérivations du fleuve. Pour autant, ni le site ni l’installation ne furent abandonnés. On continua probablement à moudre du grain à Barbegal jusqu’à une époque indéterminée. La découverte d’inhumations datées de la fin de l’Antiquité au pied des moulins (Leveau et al. 2000) et, un peu plus loin, celle d’un petit cimetière d’époque carolingienne (Bellamy et Hitchner), montrent que l’occupation agricole de la Vallée des Baux a été plus continue et plus longue qu’on ne le croyait. Le secteur continua à être habité jusqu’au Moyen Âge.
Les meules (fig. 9-14)
25Les éléments de meules découverts lors des fouilles en 1992 et ceux qui avaient été entreposés à la ferme de la Mérindole après les fouilles conduites par F. Benoit ont été déposés dans les réserves de l’IRPA où ils ont rejoint un groupe transféré des réserves du Musée Réattu. C’est à ce groupe que se rapportent les dessins qui ont été communiqués à D. Castella. Dans sa publication du moulin d’Avenches, il en donne un inventaire accompagné du profil d’une meta (meule dormante) et de deux catilli (meule courante). Il explique en effet « qu’une dizaine de meules de basaltes de Barbegal sont conservées dans les réserves du Musée de la ville » —transférées du musée Réattu à l’IRPA— et se dit frappé par leur très grande variété, qui « pourrait être l’indice d’une évolution technologique (le passage à l’anille ?) » (Castella 1994, p. 60). En fait, cette proposition qui était formulée avec prudence ne peut plus être retenue. Toutes ces meules viennent vraisemblablement d’autres sites et ont été par la suite attribuées à Barbegal. En effet, dans sa publication, F. Benoit qui ne pouvait donner aucun exemple de meule complète décrivait seulement une meta découverte à l’extérieur des moulins (Benoit 1942-1945, fig. 16, p. 59). Cette meta, — probablement celle qui a été vue par P. Véran dès la fin du XVIIIe s. —, était conservée au Musée Réattu. Elle est remarquable par son épaisseur (0,44 m au centre). F. Benoit avait par ailleurs disposé d’un dessin donné par P. Véran.
26Les quatre fragments de catillus et deux de meta découvertes lors des fouilles mériteraient d’être publiées. H. Amouric à qui elles avaient été confiées pour étude, donne quelques indications dans une étude générale comparative. Il donne des vues de dessus et les coupes des deux exemplaires les plus complets (Amouric 1997, fig. 11, p. 43). Il relève que les meules de Barbegal sont dans les normes des moulins romains hydrauliques connus. Leur diamètre lui paraît modeste ; leur profil assez marqué, encore proche de celui des meules de Pompéi, tend à se rapprocher de celui des moulins domestiques. Il s’est plus particulièrement intéressé au système de mobilisation des meules courantes : deux crampons de fer scellés au plomb dans leur face supérieure, ce qui est le système connu en Suisse et aux Mesclans dans le Var.
L’origine des basaltes
27Les meules de Barbegal sont en basalte. Jusqu’à présent, le seul qui se soit risqué à en proposer une provenance est Olwen Williams-Thorpe dans une étude qui avait l’ambition de couvrir l’ensemble de la Méditerranée. Des échantillons analysés sur le plan microscopique et sur le plan des analyses chimiques d’éléments majeurs et mineurs établissaient de manière incontestable une parenté entre deux fragments de meules et les laves de Volvic près du Puy-en-Velay. Ce site est situé à 250 km à vol d’oiseau d’Arles (Williams-Thorpe 1988, p. 235, tableau 8).
28Dans le cadre des fouilles conduites sur la partie basse du site, 22 lames minces furent prélevées sur le matériel de mouture disponible et confiées au Laboratoire de Pétrologie Magmatique de Saint-Jérôme à Marseille. Grâce aux référentiels dont il disposait et à l’étude des lames minces, G. Coulomb (Université de Marseille) put écarter le volcanisme provençal et en particulier la carrière du Beausset où furent pourtant confectionnées des meules de même diamètre. Les mêmes échantillons ont été vus ensuite par J. -L. Reille, un géologue de l’Université de Montpellier, qui s’était intéressé à ce type de matériel et avait utilisé l’analyse pétrographique microtexturale pour identifier la provenance de quelques meules basaltiques d’un site protohistorique de la moyenne vallée de l’Hérault (Reille 1995), puis avait renouvelé sa tentative sur les meules en basalte de Martigues (Reille 1998). À l’examen et par comparaison avec ses référentiels, il ne put proposer de provenance de carrières languedociennes pour aucun des échantillons prélevés. Par l’intermédiaire de D. Castella, qui dans son étude sur le moulin d’Avenches-en-Chaplis avait tenté une comparaison avec les meules de Barbegal, les lames furent ensuite confiées à V. Serneels du Centre d’Analyse Minérale de l’Université de Lausanne qui procéda à leur détermination jusqu’au stade de l’identification de la famille des minéraux et rédigea à leur propos un petit rapport dont l’essentiel est résumé ici. Il a reconnu dans les basaltes quatre groupes pétrographique. Un premier groupe réunit les laves basaltiques à phénocristaux (grands cris- taux de pyroxène et de plagioclase). Les roches du groupe 2 sont des laves basaltiques à phénocristaux de pyroxène et d’olivine. Le groupe 3 correspond à des roches andésitiques dans lesquelles les feld-spaths plagioclases sont prédominants tant parmi les phénocristaux que dans la mésostase. Le groupe 4 est représenté par un seul échantillon présentant une paragenèse différente de toutes les autres. Il s’agit d’une roche basaltique à tendance alcaline. Pour lui, une chose est certaine : toutes ces roches ne peuvent pas provenir d’une même carrière ni d’une même coulée et il est presque certain qu’elles ne proviennent pas toutes de la même région. Mais les nombreuses régions qui ont pu fournir des roches comparables ont rarement été étudiées. Parmi les zones qu’il propose d’écarter, il relève les roches fortement saturées de la région du Rhin tout en n’excluant pas a priori des roches moins typées. De même peuvent être rejetées à son avis, les leucitites de la province toscane (Orvieto). Cette observation est importante dans la mesure où, se fondant sur une étude de Oliva et al., C. Domergue a pu établir que les meules du domaine des Forges avaient été taillées dans une lave dont le type se rencontre dans toute la province volcanique romaine, ce qui, dans ce cas, accrédite l’hypothèse d’une fabrication à Orvieto (Domergue et al., 1997, p. 53). L’ensemble volcanique de la région d’Agde étant écarté, Vincent Serneels songe aux gisements de l’Escandorgue, des Causses, de l’Aubrac et des Coirons pour les groupes 1 et 2 qui représentent 75 % des lames étudiées. Les roches andésitiques du groupe 3 pourraient provenir des zones volcaniques récentes du Massif Central.
29Les hypothèses formulées orientant vers le Massif Central, les lames ont été ensuite communiquées en même temps que l’article de O. Williams-Thorpe, à A. De Goër de Hervé, alors professeur de Géologie au département des Sciences de la Terre de l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand. Celui-ci conclut son examen par les observations suivantes. La première porte sur un point précis. Un site de prélèvement est totalement exclu, le volcan de Beaulieu près de Rognes dans le Bassin d’Aix-en-Provence. La sagesse consistant à chercher la solution la plus simple, soit une zone offrant des sites de prélèvement les moins dispersés possibles et géographiquement la plus proche de Barbegal. Il suggère que les meules viendraient du secteur situé entre les plateaux du Mézenc et le Coiron. En toute rigueur, deux solutions peuvent être envisagées. Selon la première, les laves des groupes 1 (trachyandésites) et 3 (trachytes ou phonolite) proviennent seules du Velay Oriental—Haut Vivarais (secteur Mézenc) et toutes les autres (groupes 2 et 4) du Coiron. Selon la seconde, toutes les laves proviennent du secteur du Mézenc, à la seule exception de la lave du groupe n°4 qui viendrait du Coiron. Cette solution est la plus simple. En raison de la banalité des basaltes du groupe 2, il n’est pas possible de trancher. Des analyses chimiques permettraient d’étiqueter les échantillons avec plus de précision, mais n’apporteraient aucun argument supplémentaire sur les provenances. Enfin, à son avis, une origine italienne devrait être recherchée. Revenant sur l’article de Olwen Williams-Thorpe, s’il ne remet pas en question la similitude des deux échantillons de Barbegal avec ceux de Volvic sur le plan microscopique et sur le plan des analyses chimiques d’éléments majeurs et mineurs, il observe que les laves de Volvic sont les basaltes les plus ubiquistes qui soient et d’une « inégalable banalité ». Dans ce cas, l’identification proposée pourrait être validée par l’existence d’une exploitation gallo-romaine de la lave de Volvic. Mais les carrières qui étaient présentées comme gallo-romaines ont été creusées au XIIe siècle et que, jusqu’à présent, il n’existe aucune preuve de l’exploitation de ces laves à l’époque romaine. Cette observation doit être mise en relation avec les doutes qui subsistent sur la provenance des fragments de meules des réserves du Musée Réattu. En effet, il existe trois possibilités : soit les meules sont antiques et proviennent d’une carrière de Volvic à découvrir ; soit elles ont été extraites de laves analogues dans une autre région ; soit les meules ne sont pas antiques et proviennent bien des carrières médiévales de Volvic.
30Ces différentes observations méritaient d’être reproduites en réponse aux archéologues qui imaginent que les sciences exactes sont en mesure de résoudre tous leurs problèmes. Il résulte de ces différentes démarches que les meules de basaltes de Barbegal peuvent aussi bien provenir de carrières circum méditerranéennes que de carrières du Massif Central. La seule certitude est qu’il faut exclure la provenance provençale ou languedocienne. Il y a donc une rupture avec la période précédente et les meules domestiques analysées par J. -L. Reille. Compte tenu de la grande importance du port d’Arles à l’entrée du Rhône, des meules ont pu être amenées comme lest d’un quelconque endroit de la Méditerranée, —Rome étant le site de provenance le plus probable. Cela me semble la direction de recherche qu’il convient de suivre. Mais on peut aussi marquer une préférence pour un acheminement par le réseau fluvial rhodanien dont l’importance pour le transport des matériaux pondéreux a été rappelée par une étude récente (Christol et Fiches 2000).
L’environnement du site
31Les travaux réalisés en accompagnement et à la suite des fouilles permettent de replacer l’usine dans son contexte : un milieu naturel qui a profondément changé et un environnement archéologique.
Le milieu
32Dans la partie inférieure de l’usine, suivant en cela l’hypothèse de F. Benoit selon lequel « la fabrique était reliée à la cité par une voie navigable » (Benoit 1942-1945, p. 68), la maquette exposée à l’IRPA restitue un quai permettant l’abordage d’embarcations adaptées à la navigation lagunaire. En l’absence de données archéologiques, cette restitution était justifiée par la présence hypothétique d’un vaste plan d’eau continu entre Barbegal et la ville d’Arles. Il aurait permis la circulation de radeaux amenant les grains à l’usine et en rapportant la farine. De longs travaux de drainage qui ont totalement modifié le paysage de la plaine d’Arles ont fait de la Vallée des Baux un polder continental. Mais cette hypothèse « de bon sens » se fondait sur une approche de l’histoire du milieu consistant à le restituer, par régression, à partir des plus anciens témoignages disponibles. Or au XVIIe s., la vallée des Baux était totalement occupée par un étang dont tout laissait penser qu’il était en place depuis la fin du Néolithique.
33Les fouilles conduites en 1992 n’ont pas permis la découverte de l’installation portuaire attendue. Au contraire, les géomorphologues aixois qui sont intervenus ont restitué dans ses grandes lignes l’histoire naturelle de la dépression et montré que l’Antiquité correspondait à une période de bas niveau des eaux (Bruneton et al. 1998 ; Bruneton 2000 ; Bruneton et al. 2005). De ce fait, l’hypothèse d’un quai permettant l’abordage doit être abandonnée. Sans doute, cela n’aurait-il pas surpris F. Benoit qui expliquait que « les deux égouts évacuant l’eau se jetaient dans un fossé d’évacuation qui traverse en diagonale les prairies marécageuses en direction du “goulet” des marais de la vallée des Baux » (Benoit 1942-1945, p. 42). Cette observation était déjà incompatible avec l’hypothèse d’un canal arrivant au pied de l’usine.
À qui appartenaient les moulins : propriété impériale, municipale ou privée ?
34Aucune donnée archéologique ne permet de proposer une hypothèse sur l’appartenance de la fabrique. Cependant, dans les réfections du pont de l’aqueduc d’Arles, ont été utilisés des éléments sculptés et taillés provenant d’un ou de plusieurs mausolées qui pourraient avoir été ceux des propriétaires d’une villa proche (Fournier 2000 ; Gascou et Leveau 1996). En effet le site ne peut pas être compris indépendamment de la villa partiellement reconnue en prospection quelques centaines de mètres à l’est vers le Mas de la Mérindole. Un de ses bâtiments annexes a été fouillé par B. Hitchner et P. Bellamy qui ont identifié une occupation remontant précisément au IIe s. Le site n’est pas abandonné à la fin de l’Antiquité. Les mêmes ont fouillé à une faible distance un cimetière d’époque carolingienne installé à proximité de la villa. À l’extérieur de l’enceinte des Moulins, mais à proximité immédiate, nous avons fouillé une fosse dépotoir contenant un matériel inclus dans un foyer et en très mauvais état. L’ensemble est antérieur au lot décrit ci-dessus : la sigillée sud gauloise est bien représentée ; la sigillée de Lezoux est présente. Le terminus est donné par trois rebords de la forme Desbat 67. La sigillée claire C est absente. La date proposée est la fin du IIe s. Nous avons eu la surprise de découvrir à quelques mètres des inhumations datables des IIIe et IVe s. par un vase de céramique commune (Walsh in Leveau et al. 2000). L’ensemble doit être replacé dans un contexte archéologique prospecté par M. Gazenbeek. Celui-ci a identifié une dizaine de sites pouvant correspondre à des villae (Gazenbeek et al. 1996 ; Gazenbeek 2000).
35Selon F. Benoit, « impériale plutôt que municipale», la fabrique dépendait des services de l’annone (Benoit 1942-1945, p. 71). La date qui est maintenant proposée invite à exclure toute relation avec l’annone militaire et à privilégier l’hypothèse municipale. Mais on ne peut exclure qu’il s’agisse d’une installation privée du propriétaire arlésien de la villa de la Mérindole (Leveau et Gascou 1996). De leur côté, P. Bellamy et B. Hitchner y reconnaissent plutôt la propriété collective (societas) de plusieurs villae de la région (Bellamy et Hitchner 1996, p. 172-173). Dans tous les cas, la question doit être envisagée dans le cadre plus général du ius aquae, «droit de conduire l’eau, de la vendre ou de la donner en concession contre le paiement d’une rente » (Biundo à paraître). Au début de l’Empire, ce droit appartient aux colonies et aux municipes qui en tirent un revenu. On peut donc supposer qu’Arles a concédé contre une redevance dont nous ignorons le montant l’eau des sources du sud des Alpilles et l’aqueduc qui la véhiculait à un ou plusieurs entrepreneurs qui ont construit les moulins et l’ouvrage de dérivation du vallon des Arcs.
36La construction de l’usine a été replacée dans le cadre plus général de la gestion de l’eau dans le massif des Alpilles et de l’alimentation en eau de la ville d’Arles. Les hypothèses qui ont été proposées se concentraient sur la question de l’alimentation des moulins sans prendre suffisamment en compte l’hydrogéologie du massif et de sa périphérie. Elles s’appuyaient sur les observations faites sur chacune des deux branches de l’aqueduc d’Arles convergeant à l’amont du pont du vallon des Arcs. Le conduit arrivant de l’ouest a été prolongé à une date indéterminée pour aller chercher l’eau de sources du versant nord. Les fouilles ont montré que l’autre conduit, celui qui fut affecté aux moulins, était dégradé et que, par endroits, l’eau avait atteint le sommet de la voûte. L’eau de cette branche serait devenue impropre à la consommation de sorte que, fonctionnant mal pour un usage urbain, l’ouvrage aurait été affecté à un usage industriel. Les faits invoqués sont avérés. Mais ils peuvent être lus autrement. Il me semble plus probable que les autorités municipales arlésiennes ont prolongé leur aqueduc sur le versant nord pour rendre plus sûre l’approvisionnement en eau de la ville en captant un aquifère de nappe alluviale. C’est alors qu’aurait été prise la décision de construire les moulins. Comme leur usage ne nécessitait pas une eau de qualité, le ou les concessionnaires de l’aqueduc en auraient négligé l’entretien. Contrairement à une hypothèse formulée auparavant, je ne pense plus que la construction d’une usine a créé une situation de pénurie obligeant à rechercher ailleurs des ressources complémentaires. Il s’agit de deux faits indépendants, à moins que ce ne soit même le contraire. L’approvisionnement de la ville étant assuré, on a pu construire une usine (Leveau à paraître).
Les moulins dans les circuits économiques
37F. Benoit pensait que le blé moulu à Barbegal était acheminé depuis Arles où, amené par bateaux, il avait été stocké dans les cryptoportiques. Il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’une production régionale. L’état de l’inondation dans la plaine d’Arles autorise à émettre l’hypothèse de sa mise en culture. Les limons argileux légèrement sableux déposés par le fleuve sont de bonnes terres pour les céréales, à condition que l’on puisse les cultiver, c’est-à-dire que l’on dispose de semences et surtout de moyens de labour assez puissants, autant de conditions réunies à l’époque romaine. Les quelques données polliniques disponibles vont dans ce sens (Andrieu-Ponel et al. 2000). Mais les pollens ne nous disent pas s’il s’agit de céréales à grain nu ou vêtu. Or ce point fondamental pour l’étude d’un moulin, comme l’ont rappelé M. -C. Amouretti et G. Comet (2000, p. 27), n’a pu être éclairé par les fouilles : aucun carporeste n’a été trouvé dans les sédiments du fossé de l’exutoire examinés par Ph. Marinval.
38La relation entre Arles et les moulins paraît aller de soi : on ne voit pas quel autre centre aurait absorbé la production de l’usine. Mais le contexte n’est pas comparable à celui des moulins du Janicule à Rome. La boulangerie arlésienne reste inconnue.
Conclusion
39Le bilan qui vient d’être dressé montre la diversité des questions que pose l’interprétation du site. Il y a matière à plusieurs programmes de recherche. Il reste que la place du site dans le patrimoine régional invite à les hiérarchiser et à privilégier des opérations scientifiques qui sont en relation avec une présentation au public. Deux d’entre elles paraissent s’imposer. La première consiste à achever l’étude hydraulique, la seconde à réaliser une maquette montrant le fonctionnement des moulins. Dans les deux cas, il faut faire appel à la collaboration de spécialistes, hydrauliciens et archéologues des techniques, capables de restituer des mécanismes à partir des traces qu’ils ont laissées sur les architectures et en prenant en compte les contraintes imposées à la mouture par les meules.
Addendum. De nouvelles perspectives pour une reprise de la recherche : à Barbegal, des moulins du haut Empire et un habitat du Bas Empire
40Présentée à l’occasion du colloque, la recherche de S. Longepierre offrait l’opportunité d’intégrer le matériel de mouture de Barbegal dans une histoire générale de ce matériel dans le Sud-Est de la France. La documentation qui avait été réunie durant les fouilles pouvait contribuer à une remise en ordre des séries de meules conservées au Musée de l’Arles Antique. Elle lui a été communiquée. L’examen auquel il s’est livré confirme en les précisant les observations antérieures faites par H. Amouric qui ont été reprises ici. En définitif, le matériel de mouture de Barbegal est caractéristique du haut Empire. On ne relève sur le site aucune meule ou fragment de meule attribuable à la fin de l’Antiquité. Ce constat s’accorde avec les observations qui avaient été faites lors des fouilles.
41À la fin de l’Antiquité, les moulins ont fait l’objet d’une occupation sans rapport avec leur fonction originelle : des paysans se sont installés dans ce site, comme sur de nombreuses villae à la même époque. Cet habitat expliquerait la référence aux moulins dans le nom du site aux alentours de l’an Mil, relevé par H. Amouric. Une partie du cimetière qui lui est relié a été retrouvé sous les déblais des fouilles de F. Benoit au pied du bâtiment. Un habitant y aurait perdu le denier mérovingien remis à C. Brenot et publié en 1989 (Bulletin de la Société Française de Numismatique, 44, 9, p. 679-680. L’observation des élévations conservées des chambres de mouture montre de nombreuses reprises qui, sous réserve d’une étude précise, sont peu compatibles avec une poursuite de l’utilisation originelle du bâtiment. Les nouveaux habitants des moulins auraient acquis ou conservé un droit d’eau sur l’aqueduc d’Arles. La vanne observée à la sortie du bassin aurait été placée pour permettre une utilisation en divergence de l’ancien bassin de convergence. Le maintien de l’adduction de Barbegal correspondrait à une utilisation domestique et agricole de l’eau. Compte tenu de la fonction ancienne du bâtiment, l’hypothèse d’une activité de mouture peut être prise en considération, mais dans un cadre domestique.
42On aboutit ainsi à un renversement des perspectives de la recherche. Alors que les moulins de Barbegal étaient considérés comme l’exemple de l’utilisation de la force hydraulique dans l’antiquité tardive, désormais le problème est de justifier son maintien à cette époque. Le dégagement du site par F. Benoit a été commandé par deux idées justes : il s’agissait de moulins ; le site était occupé au IVe s. Un réexamen des données montre que chacune correspondait à une époque différente.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
Amouretti 1992 : AMOURETTI M. -C., Barbegal. De l’histoire des fouilles à l’histoire des moulins, Provence Historique, fascicule 167-168, 1992, p. 135-150.
Amouretti et Comet 2000 : AMOURETTI M. -C., COMET G., La meunerie antique et médiévale, Archives internationales d’Histoire des Sciences, vol 50, 2000, p. 18-29.
Amouric 1997 : AMOURIC H., L’anille et les meules, in : Garcia D. et Meeks D., Techniques et économie antiques et médiévales. Le temps de l’innovation. Paris, Errance, 1997, p. 39-47.
10.1191/095968300669147926 :Andrieu-Ponel et al. 2000 : ANDRIEU-PONEL V., PONEL Ph., BRUNETON H., LEVEAU Ph., Palaeoenvironments and cultural landscape of the last 2000 years reconstructed from pollen and coleopteran record in the Lower Rhône Valley, southern France. The Holocene, 10,3, 2000, p. 341-355.
Bellamy and Hitchner 1996 : BELLAMY P., HITCHNER R. B., The villas of the Vallée des Baux and the Barbegal mill: excavations at La Mérindole villa and cemetery, Journal of Roman Archaeology, 9, 1996, p. 154-172 = Les fouilles de La Mérindole (1992-1993) : un bâtiment annexe à la villa et un cimetière du Haut Moyen Âge. In : Leveau Ph. et Saquet J. -P. 2000, p. 213-242.
Benoit 1940 : BENOIT F., L’usine de meunerie hydraulique de Barbegal (Arles), Revue Archéologique, 15 (1), 1940, p. 19-80.
Biundo 2006 : BIUNDO R., La gestion publique de l’eau : finances municipales et centre du pouvoir à l’époque impériale, in : Hermon E., dir., Gestion intégrée de l’eau dans l’histoire environnementale : savoirs traditionnels et pratiques modernes, Colloque international, 27-29 octobre 2006, Université Laval, à paraître.
Bruneton et alii : BRUNETON H., ALLINNE C., LEVEAU Ph., VERDIN F., Morphogenèse, anthropisation et changement climatique. État du champ scientifique, in : Allée Ph. et Lespez L., L’érosion entre société, climat et paléoenvironnement, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont Ferrand, 2006, p. 191-202.
Bruneton 2000 : BRUNETON H., La dynamique holocène des paysages du Marais des Baux : une première approche morphosédimentaire. In : Leveau Ph. et Saquet J. -P. 2000, p. 15-25.
Bruneton et alii 1998 : BRUNETON H., LEVEAU Ph., ANDRIEU V., OBERLIN C., Échelle de temps et mise en évidence d’une opération de drainage : le cas de la vallée des Baux à l’époque romaine, Actes du colloque CI4 et Archéologie, Lyon 6-10 avril 1998, 1998, p. 397-401.
Castella 1994 : CASTELLA D., Le moulin hydraulique gallo-romain d’Avenches en Chaplix. Lausanne, Cahiers d’Archéologie romande, 62, 1994 (155 p.).
10.3406/galia.1999.3251 :Christol et Fiches 1999 : CHRISTOL M., FICHES J. -L., Le Rhône : battellerie et commerce dans l’Antiquité, in : Leveau Ph., Le Rhône romain. Dynamiques fluviales, dynamiques territoriales, Gallia, 56, 1999, p. 141-155.
Constans 1921 : CONSTANS L. -A., Arles Antique, Paris, 1921.
Domergue et alii 1997 : DOMERGUE C., BÉZAT D., CAUUET B., JARRIER C., LANDES C., MORASZ J. -C., OLIVA P., PULOU R., TOLLON F., Les moulins rotatifs dans les mines et les centres métallurgiques antique, in : Garcia D. et Meeks D., Techniques et économies antiques et médiévales. Le temps de l’innovation, Paris, Errance, 1997, p. 48-61.
Fournier 2000 : FOURNIER P., Les éléments du décor architectural en remploi dans l’aqueduc d’Arles au Vallon des Arcs, in : Leveau Ph. et Saquet J. -P. 2000, p. 205-213.
10.3406/ktema.1996.2171 :Gascou et Leveau 1996 : GASCOU J., LEVEAU Ph., Un témoignage sur l’économie domaniale près d’Arles au début de l’Empire ? Un membre d’un collège de fabri à Barbegal (Fontvieille, Bouches-du-Rhône), Ktéma, 21, 1996, p. 237-250.
Gazenbeek 2000 : GAZENBEEK M., L’habitat rural autour du Marais des Baux : évolution de l’âge du Fer au Moyen Âge, in : Leveau Ph. et Saquet J. -P. 2000, p. 85-96.
Gazenbeek et alii 1996 : GAZENBEEK M., LEVEAU Ph., MOCCI F., SINTÈS M., Archéologie des paysages, parcellaires et recouvrements sédimentaires sur le piémont sud des Alpilles, in : Chouquer G., dir., Les formes du paysage, t. 2 - Archéologie des parcellaires Actes du Colloque d’Orléans (mars 1996), Paris 1996, p. 113-123.
Goutoulli 1994-1995 : GOUTOULLI M., La taille de la pierre sur l’aqueduc romain d’Arles au Vallon des Arcs à Fontvieille (B. -du-Rh.), Revue Archéologique de Narbonnaise, 27-28, 1994-1995, p. 165-174.
Guendon 2005 : GUENDON J. -L. (en collaboration avec Leveau Ph.), Dépôts carbonatés et fonctionnement des aqueducs romains. Le cas du bassin amont du Vallon des Arcs sur l’Aqueduc d’Arles, Gallia, 62, 2005, p. 87-96.
Kessener 2005 : KESSENER P., Reflections on the Pompeian castellum divisorium, in : Mols S. T. et Moormann E., a cura di, Omni pede strare. Saggi architettonie circumvesuviani in memoriam Jos de Waele, Soprintendenza Archeologica di Pompei, Napoli, 2005, p. 301-309.
Leveau 1995 : LEVEAU Ph., Les moulins romains de Barbegal, les ponts-aqueducs du vallon des Arcs et l’histoire naturelle de la Vallée des Baux (Bilan de six ans de fouilles programmées), CRAI, janvier mars 1995, p. 115-144.
Leveau 2004 : LEVEAU Ph., La cité romaine d’Arles et le Rhône. La romanisation d’un espace deltaïque, American Journal of Archaeology, 108, 2004, p. 349-375.
Leveau à paraître : LEVEAU Ph., L’aqueduc d’Arles, Carte Archéologique d’Arles.
10.4000/books.alpara.1458 :Leveau et Saquet 2000 : LEVEAU Ph., SAQUET J. P., Milieu et sociétés dans la vallée des Baux, Supplément 31 à la Revue Archéologique de Narbonnaise.
10.3406/galia.2005.3223 :Leveau et Thernot 2005 : LEVEAU Ph., THERNOT R., Le pont de Barbegal au Vallon des Arcs à Fontvieille (Bouches-du-Rhône) : étude archéologique de la dérivation de l’aqueduc d’Arles, Gallia, 62, 2005, p. 97-105.
Leveau 1996 : LEVEAU Ph., The Barbegal waters mille in its environment: and the economic and social history of antiquity, J. of Roman Archaeology, 9, 1996, p. 137-153.
Leveau 1999 : LEVEAU Ph., Milieux et sociétés dans la Vallée des Baux, dans Bravard J. -P. et Prestreau M., Dynamiques du paysage. Entretiens de géoarchéologie. Table ronde tenue à Lyon, les 17 et 18 novembre 1995, p. 203-217 = The Integration of archeological, historical and environmental data : the example of the “Vallée des Baux” (Bouches du Rhône, France), in : Leveau Ph., Trement F., Walsh Κ. et Barker G., ed., Environmental Reconstruction in Mediterranean Landscape Archaeology, Oxbow Book, Oxford, 1999.
Leveau et alii 2000 : LEVEAU Ph., WALSH K., BERTUCCHI G., BRUNETON, H., BOST J. -P., TREMMEL B., Le troisième siècle dans la Vallée des Baux : les fouilles de la partie basse et de l’émissaire oriental des moulins de Barbegal, Revue Archéologique de Narbonnaise, 2000, p. 381-439.
Paillet 1990 : PAILLET J. -L., Gallia Information, 1990, p. 159-162.
10.3406/dam.1995.1162 :Reille 1995 ; REILLE J. -L., La diffusion des meules dans la vallée de l’Hérault à l’époque protohistorique et l’identification microtexturale des basaltes, Documents d’Archéologie Méridionale, 18, 1995, p. 197-205.
10.3406/dam.1998.1192 :Reille 1998 : REILLE J. -L., L’importation des meules en basalte dans le secteur de Martigues au deuxième âge du Fer. Identification pétrographique des sources, DAM, 21, 1998, p. 237-243.
Williams-Thorpe 1988 : WILLIAMS-THORPE Ο., Provenancing and archaeology of Roman Millestones from the Mediterranean Area, Journal of Archaeological Science, 1988, 15, p. 253-305.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les bois sacrés
Actes du Colloque International (Naples 1989)
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
1993
Énergie hydraulique et machines élévatrices d'eau dans l'Antiquité
Jean-Pierre Brun et Jean-Luc Fiches (dir.)
2007
Euboica
L'Eubea e la presenza euboica in Calcidica e in Occidente
Bruno D'Agostino et Michel Bats (dir.)
1998
La vannerie dans l'Antiquité romaine
Les ateliers de vanniers et les vanneries de Pompéi, Herculanum et Oplontis
Magali Cullin-Mingaud
2010
Le ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des début de la République jusqu'au Haut Empire
Centre Jean Bérard (dir.)
1994
Sanctuaires et sources
Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte
Olivier de Cazanove et John Scheid (dir.)
2003
Héra. Images, espaces, cultes
Actes du Colloque International du Centre de Recherches Archéologiques de l’Université de Lille III et de l’Association P.R.A.C. Lille, 29-30 novembre 1993
Juliette de La Genière (dir.)
1997
Colloque « Velia et les Phocéens en Occident ». La céramique exposée
Ginette Di Vita Évrard (dir.)
1971