Etude d’un cas : le lucus deae Diae à Rome
p. 145-157
Résumés
Le bois sacré de dea Dia, connu par l’épigraphie et par des fouilles récentes, permet de préciser le statut de ce type d’espace cultuel. Le plan du sanctuaire atteste une série de lieux clos, séparés les uns des autres, et dont la partie supérieure paraît avoir été le lucus. Les arvales y pénètrent uniquement pour célébrer le sacrifice annuel ou pour effectuer des travaux d’entretien. Ils le font à chaque fois après avoir offert un sacrifice expiatoire. Le piaculum ouvrant les cérémonies du sacrifice annuel à dea Dia prouve que les arvales créaient, par des travaux symboliques, la “clairière” (sens étymologique de lucus) qui servait de cadre aux actes cultuels. Ce type de lieu sacré ou cultuel s’oppose aux temples, où aucune précaution de ce type ne s’imposait.
The sacred grove of the goddess Dea Dia. known through epigraphy and recent excavations, permits us to state precisely the statute of this type of cult space. The plan of the sanctuary attests to a series of closed places, separated one from another, and whose upper part seems to have been a lucus. Tle arvales enter it only to celebrate the annual sacrifice or to execute maintenance work, after having offered each time an expiatory sacrifice. The piaculum opening the ceri monies of annual sacrifice to the goddess Dea Dia proves that the arvales created, through symbolic work, the “clearing” (etymological sense of lucus) which served as a setting for the ritual acts. This type of sacred or cult place is opposed to temples, where no precaution of this type was imposed.
Texte intégral
1In : Les bois sacrés. Actes du colloque international de Naples. Collection du Centre Jean Bérard, 10, 1993, 145-157.
2Les données lexicographiques et les témoignages des antiquaires permettent de circonscrire avec une relative netteté la nature du Incus romain1. Toutefois, le passage des sources théoriques aux faits liturgiques et architecturaux présente des difficultés nouvelles, que plusieurs études de ce volume tentent de résoudre. En effet, pour qu’une définition de grammairien ou d’antiquaire acquière une portée générale, il convient de vérifier si elle est appliquée dans la vie cultuelle quotidienne, ou du moins, si les pratiques rituelles attestées peuvent concorder avec les discours théoriques des anciens. Ce contrôle “sur le terrain” est indispensable, car, dans la religion traditionnelle des Romains, les gestes rituels, le cadre topographique compris, sont porteurs de représentations si importantes que, sans eux, la connaissance d’un fait religieux reste toujours sommaire.
3Le site de La Magliana, dans la banlieue ouest de Rome, offre des données archéologiques et épigraphiques relatives au bois sacré de dea Dia et au culte que le collège des frères arvales y célébrait2. Le caractère exceptionnellement précis de la documentation fait de cet ensemble un observatoire privilégié pour étudier le concept de bois sacré. Nous rappellerons d’abord la topographie du site avant d’observer l’utilisation de ces espaces par les prêtres.
4Grâce à 1’enquête archéologique conduite sur le site de La Magliana depuis 1975, il est désormais possible de mettre en relation données épigraphiques et réalités archéologiques. Un certain nombre d’édifices (fig. 1) ont pu être localisés, identifiés et datés, ainsi que les espaces dans lesquels ils s’inscrivent. C’est la répartition de ces espaces et la façon dont ils s’articulent qui, tout autant que la fonction des édifices eux-mêmes, permet de mieux comprendre le déroulement du culte.
5Encore mal connue pour la période républicaine, où le sanctuaire semble être organisé selon un axe est-ouest, la topographie générale du site peut être appréhendée avec plus d’exactitude à partir de l’époque flavienne, lorsque le sanctuaire est restructuré autour d’un axe nord-sud qui conditionnera l’extension sévérienne du complexe monumental, extension pour laquelle nous possédons des données archéologiques précises et nombreuses. Ces données sont suffisantes pour restituer une image du complexe cultuel tel qu’il devait se présenter dans le deuxième quart du IIIe siècle (fig. 2).
6Sous le règne des Sévères, probablement celui de Caracalla ou de Sévère Alexandre, de grands travaux sont entrepris. Le temple de Dia est entièrement reconstruit. Le sanctuaire est agrandi vers le sud par l’adjonction d’une porticus triplex et d’un balneum édifiés sur un terrain jusqu’alors vierge de toute construction. Il n’est pas impossible aussi que le cirque, dont les seuls éléments retrouvés à ce jour datent du règne de Tibère ou de Claude, ait été lui aussi concerné par ces travaux.
7L’ensemble, à l’exception du cirque, s’organise autour d’un axe perpendiculaire à la colline qui domine le Tibre.
8Le temple de la déesse, une rotonde de 25 m de diamètre implantée sur une terrasse artificielle dans la partie basse de la pente, occupe une position dominante. Cette terrasse est limitée par un mur de soutènement dont la présence à une vingtaine de mètres en avant de la rotonde est attestée par les données stratigraphiques. Au nord, un autre mur de soutènement retenait les terres de la colline. A l’est et à l’ouest, deux murs en opus latericium attestés par les fouilles anciennes délimitaient 1’espace. Une voie pavée de grande dalles de basaltes polygonales reliait la terrasse du temple et le cirque situé plus à l’ouest en bordure du Tibre.
9Au pied de cette terrasse, un espace en pente douce vers le sud, de forme sensiblement carrée, était circonscrit à l’est et à l’ouest par un grand mur de clôture, probablement d’époque flavienne. Il n’est pas impossible que ce mur délimite l’aire du Caesareum mentionné pour la première fois dans les commentaires des années 78/81.
10Au sud de cet enclos s’étend l’adjonction sévérienne édifiée sur un terrain plat en bordure du Tibre. Il s’agit d’un portique en U dont l’aire centrale est dépourvue de toute construction et dont le stylobate de la galerie ouest se situe dans le prolongement exact du mur de clôture mentionné plus haut. Ce portique donne accès, dans sa partie méridionale, à une série de salles qui correspondent peut-être aux papiliones des arvales, comme le suggère le voisinage immédiat du balneum dont l’accès se situe dans l’axe du portique. L’usage du balneum, compte tenu de ses dimensions restreintes, devait être réservé aux arvales et aux personnes directement liées au culte.
11Même s’il est souvent appelé lucus par les rédacteurs des comptes rendus du collège arvale, le site de La Magliana comprenait en fait plusieurs espaces cultuels. Le plan reconstruit par nos fouilles aussi bien que les procès-verbaux révèlent l’existence de plusieurs édifices et espaces.
12D’après les inscriptions, le lucus proprement dit, avec l’aedes de la déesse et une série d’autels, surplombe une zone située ante lucum, qui comprend une deuxième ara de la déesse, et un Caesareum, dans lequel la confrérie se réunit et consomme le banquet sacrificiel. Enfin, un troisième secteur, contigu au Caesareum, accueille, en tout cas au IIIe s. après J. -C., les papiliones des arvales et leur balneum; à proximité, toujours ante lucum, s’étend le cirque. Les trois espaces cultuels peuvent être rapprochés des trois espaces du sanctuaire sévérien3.
13Seul le lucus et les rites qui le concernent sont intéressants pour notre propos4.
14Les arvales célèbrent la partie culminante du sacrificium deae Diae dans le bois sacré. Τoutefois, avant de pénétrer dans le lucus, le président de la confrérie offre deux sacrifices extrêmement importants pour la notion de lucus. C’est par eux qu’il convient de commencer l’enquête.
15Le matin du sacrifice, le magister et la confrérie se retrouvent, à environ six milles de Rome, devant le bois sacré de dea Dia. Le magister commence par sacrifier, sur l’autel situé ante lucum, deux jeunes truies piaculaires « pour l’émondage du bois sacré et le travail à faire »5. Ce rituel pose plusieurs problèmes. Les termes employés sont coinquere et opus facere. La nature du « travail à faire » n’est pas décrite. Le terme de coinquere, au contraire, est précis : il est l’équivalent de coercere, deputare, comme R. Goujard l’a noté d’après une glose de Paul Diacre6 appliqué à un bois il signifie “contenir, retenir dans sa croissance, dans son extension”. Autrement dit coinquere lucum équivaut à “en retrancher une partie”.
16Le deuxième problème a été résolu voici deux siècles par G. Marini, et il est inutile d’y revenir : les truies sacrifiées était au nombre de deux parce que les activités à expier étaient deux, lucum coinquere, opus facere7. Mais pourquoi ces sacrifices expiatoires sont-ils célébrés? Pour être en mesure de répondre à cette question, il faut d’abord donner quelques précisions sur la portée de ces sacrifices.
17Constatant qu’aucun travail n’était effectué au bois sacré pendant la journée du sacrifice, W. Henzen a supposé que le sacrifice des truies expiait tous les travaux effectués au cours de l’année8. Cette interprétation est contestable, car, grâce à une prescription de Caton relative au défrichage d’un lucus, nous savons qu’un piaculum n’est valable que pour une durée de temps ininterrompue9. Il est indiscutable, d’après ce texte, qu’un piaculum peut expier uniquement les infractions à venir, au cours de la journée et des journées immédiatement consécutives; il ne peut pas couvrir les infractions passées, ni celles qui seraient commises après une interruption des travaux. La formule employée interdit de faire porter le piaculum sur les travaux précédents, puisqu’elle mentionne des travaux à faire, non des travaux déjà effectués. Des piacula réguliers comme les nôtres ne doivent pas être confondus avec les piacula destinés à réparer une infraction que l’on vient de découvrir. De toute façon, tous les travaux exécutés au lucus sont expiés par des piacula propres, et il est inutile de les expier une deuxième fois.
18Le sacrifice des truies piaculaires concerne, par conséquent, un émondage et un travail qui seront effectués le jour-même du sacrifice, éventuellement au cours des journées suivantes. C’est, par conséquent, plutôt l’opinion de G. Wissowa qu’il faut rejoindre, qui considérait que cespiacula avaient la vocation d’expier l’émondage régulier du lucus, ainsi que les travaux liés à la célébration du sacrificium deae Diae10.
19Lorsque nous examinons de plus près l’ensemble des services religieux concernant les travaux effectués au lucus, des données nouvelles apparaissent. Nous constatons ainsi que, à l’exception des piacula concernant la gravure des inscriptions, qui ne nous intéressent pas dans ce contexte, tous les autres sacrifices, et donc tous les autres travaux sont fortuits. Ils sont motivés par des événements imprévus, allant de la chute d’une branche jusqu’à l’incendie d’une partie du lucus11. Ces sacrifices comprenaient d’ailleurs d’autres victimes, et si les travaux étaient plus amples, les expiations comprenaient un lustrum et s’adressaient à toutes les divinités hébergées par dea Dia. Ces piacula étaient célébrés par les calateurs et les esclaves publics du collège, sauf s’il s’agissait de dommages et de travaux importants. Comme notre documentation est fiable, nous pouvons conclure que le bois sacré n’était l’objet d’aucun travail d’entretien régulier en dehors des interventions expiées le jour du sacrificium deae Diae.
20Or, on doit se demander pourquoi les arvales ont choisi le jour du sacrificium deae Diae pour faire ou commencer ces travaux. S’il s’agissait d’une opération purement utilitaire, préparant les lieux pour l’office du mois de mai et effectuant les nettoyages de routine, on ne comprend pas pourquoi les arvales ne faisaient pas exécuter ces travaux en même temps que la gravure des inscriptions, généralement exécutée en mars ou avril. Il est certain que ce n’était pas pendant l’offrande du sacrifice que le bois pouvait être élagué et nettoyé : le calme de l’office aurait été troublé par cette agitation, sinon par l’exercice même des gestes de travail sous le regard et autour des sacrifiants. D’autre part, le délai séparant les piacula du début du sacrifice-au maximum six à sept heures, en ne tenant pas compte des autres rites religieux de la matinée-paraît trop court pour permettre un élagage conséquent du lucus. Donc ces travaux ne doivent pas être compris comme un élagage total du lucus, préalable aux cérémonies du mois de mai, car ces travaux n’auraient pas pu être accomplis entièrement. De surcroît, s’il s’agissait seulement du début de travaux appelés à se poursuivre au cours des journées suivantes, on voit mal pourquoi ce piaculum ouvrait la journée centrale du culte de Dia; le président aurait pu le célébrer une fois les autres rites achevés. A moins de supposer que le bois sacré ne comprenait qu’une poignée d’arbres, les travaux expiés devaient être limités.
21Autrement dit, de quelque façon qu’on les examine, les travaux évoqués le matin du sacrifice à Dia n’apparaissent ni comme une simple opération arboricole ni comme un élément indépendant du programme liturgique de la journée. Cette impression est confirmée, une fois que les piacula sont replacés dans la trame des rites célébrés en ouverture du sacrificium deae Diae. En même temps que les piacula, mais après eux, le magister offre un sacrifice au cirque. On a proposé d’interpréter ce sacrifice comme une sorte de praefatio du sacrifice principal, comme un hommage solennel à Dia12. On n’a pas tenu compte en analysant ce sacrifice, du cadre dans lequel ce sacrifice était offert : l’hommage à Dia n’est pas célébré sur l’autel placé ante lucum, mais au cirque. Or ce contexte permet de confirmer l’interprétation donnée et d’y ajouter un élément qui intéresse directement notre enquête.
22Le cirque est, en quelque sorte, un espace commun aux dieux et aux hommes, et requiert une “installation” rituelle des dieux avant chaque spectacle. A Rome, cette introduction se faisait de façon spectaculaire par la pompa circensis. Et quand les images des dieux entraient sur la piste du cirque, le peuple les acclamait13, tout comme il acclamait les présidents des jeux14 ensuite des sacrifices étaient offerts15. Rapproché de la pompa, le sacrifice du président des arvales apparaît comme une formule mineure d’une même liturgie : comme les acclamations du peuple, le sacrifice honoraire rendait hommage à la divinité, et correspondait vraisemblablement aux sacrifices d’accueil des dieux au Grand cirque. En insistant solennellement sur la suprématie de la divinité, ce sacrifice introduisait dea Dia dans le lieu où devaient être célébrés les jeux, tout en lui accordant le rang et la place qui lui étaient dus dans cet espace au statut ambigu.
23Ainsi, l’un des rites célébrés en premier lieu par le magister des, arvales précisait le caractère du cirque utilisé au cours du sacrificium deae Diae : plus précisément, il ménageait dans ce lieu commun aux dieux et aux hommes une place à la déesse. Le sacrifice des truies ne serait-il pas le pendant de l’offrande de la vache d’hommage?
24Nous le pensons. Le sacrifice expiatoire concerne, lui aussi, l’un des espaces utilisés au cours des rituels à venir, et il est offert avant que les prêtres y pénètrent. Contrairement au statut du cirque, celui du bois sacré n’est pas ambigu; il s’agit d’un lieu sacré16, appartenant à la déesse, un lieu dont les hommes sont a priori exclus. Ne pourrions-nous pas supposer que le piaculum a, en fait, pour objectif d’introduire les prêtres, ou les humains, dans un espace qui leur est interdit? Ne s’agit-il pas d’instituer rituellement un espace humain dans un lieu strictement divin? Le piaculum expie à proprement parler un élagage et divers travaux. Nous avons vu que ces opérations intéressaient le sacrificium deae Diae et qu’elles ne devaient pas être très importantes, faute de temps. Or, si nous rapprochons toutes ces données du sens premier de lucus, “clairière”, et de toutes ses autres connotations, la conclusion suivante s’impose. Le lucus étant un espace strictement divin, les humains doivent aménager rituellement une “clairière” dans ce “bois”. I Ils le font en vue du culte, par des opérations d’élagage dûment expiées. S’il est vrai que les arvales n’entretenaient pas autrement le bois sacré de Dia, ces travaux d’élagage devaient être à la fois symboliques et nécessaires, puisque l’aire située devant Vaedes de Dia devait être envahie chaque année par la végétation.
25Nous proposons de considérer les deux sacrifices préliminaires du sacrificium deae Diae comme des rituels complémentaires destinés à préparer les deux aires cultuelles principales, le lucus et le cirque. La déesse était accueillie dans le cirque; dans le bois sacré, les humains se ménageaient une “clairière” pour y célébrer le culte en toute quiétude.
26Ces précisions faites, nous pouvons reconsidérer le problème du lucus à la lumière de cette séquence rituelle.
27A l’analyse du rituel, nous pouvons ajouter, pour commencer, quelques précisions. D’abord, les commentaires des arvales attestent l’existence dans le lucus deae Diae d’arbres (ilex, laurus) assez nombreux pour qu’il pût y avoir des incendies17. Comme nous l’avons déjà dit, cet ensemble d’arbres n’est jamais l’objet de travaux d’entretien gratuits. Les interventions sont toujours motivées par les nécessités du culte18 ou par une dégradation du lucus19. Bref, on a l’impression que les prêtres s’occupent avant tout de veiller sur l’intégrité du bois sacré et d’éloigner de lui toute souillure, notamment celle qui était produite par la mort20. Le bois mort est enlevé, débité et brûlé au cours des sacrifices, les arbres morts ou détruits sont remplacés. Nos documents ne livrent pas le moindre indice d’une exploitation du lucus.
28Ces conduites correspondent à celles qui sont prescrites ou réglementées par les inscriptions de Lucérie et de Spolète21, et nous pouvons considérer qu’elles correspondent aux règles concernant tous les bois sacrés22 du monde italique et à la description du bois sacré comme un lieu touffu et impénétrable23.
29Les commentaires des arvales permettent de recouper cette observation. Les frères arvales se réunissent à l’extérieur du lucus; ils pénètrent dans le lucus pour célébrer le sacrifice, et le quittent dès que cette cérémonie est achevée : le banquet sacrificiel des prêtres est servi à l’extérieur du lucus. Les hommes ne pénètrent dans le lucus qu’à des fins cultuelles ou restauratrices, et encore ces hommes doivent-ils être qualifiés pour le faire. Il s’agit des prêtres de la déesse et de leurs remplaçants. Les simples humains ne semblent pas avoir le droit de fouler le sol du bois sacré. L’analyse détaillée des séquences rituelles in lucoet des termes employés paraît, à nos yeux, suggérer que le “peuple” assistait au culte à l’extérieur du lucus24. Autrement dit, le bois sacré de Dia paraît être, lui aussi, impénétrable pour le commun des mortels.
30Enfin, pour finir avec ces précisions, les arvales n’effectuent aucune activité strictement personnelle, autrement dit humaine, à l’intérieur du lucus, comme par exemple changer de tenue, consommer les chairs sacrificielles ou dresser le compte rendu du sacrifice. L’élection du président de la confrérie, qui se déroule dans le Incus, dans l’aedes de Dia, ne peut pas être considérée comme une opération purement profane : à l’image des élections comitiales qui se font avec l’approbation des dieux, dûment consultés, le choix du magister des arvales s’effectue sous le regard de la déesse. Les activités purement “humaines” des arvales se faisaient à l’extérieur du bois sacré, dans la zone des papiliones, pour ce qui concernait les soins du corps, et dans le Caesareum, pour les sessions du collège et la consommation du banquet sacrificiel. Les jeux, quant à eux, étaient donnés dans un lieu commun aux hommes et aux dieux, situé lui-aussi ante lucum.
31Revenons aux piacula célébrés par le président des arvales. Nous avons conclu que les travaux expiés par le magister n’étaient manifestement ni un simple élagage, ni une opération englobant tous les arbres du bois, mais des travaux symboliques appartenant au rituel même du sacrifice à dea Dia.
32Or, si nous considérons le sens étymologique précis du terme lucus,les règlements concernant le lucus de Spolète et les fameux textes de Caton sur la collucatio, littéralement “ouverture de clairière”, opérée par le retranchement d’une partie du bois, nous pouvons difficilement nous soustraire à la conclusion que les travaux en question étaient destinés à “ouvrir, à créer la clairière”25. Cette opération rituelle était manifestement requise pour que le culte puisse être célébré dans ce genre de site, même à une époque où la clairière était, en fait, permanente, puisqu’elle contenait une aedes et des autels. Mais si les prêtres ne touchaient pas à cette “clairière” avant le sacrifice de Dia suivant, elle devait être envahie de nouvelles pousses et de branches, de sorte que “l’élagage” n’était pas une fiction : le chemin vers l’aedes et l’aire située devant celle-ci devaient “réellement” être nettoyés. Ainsi l’établissement de la clairière était à la fois une nécessité et un préalable au sacrifice célébré dans le lucus.
33Ces opérations mettent en évidence le caractère particulier du culte in luco : un lucus est autant une aire permanente au sein d’un bois, que le résultat d’un élagage qui s’imposait à chaque fois que l’on voulait rencontrer la divinité dans son bois sacré.
34Plusieurs réflexions complémentaires peuvent être ajoutées à cette conclusion. S’il est exact que, pour pénétrer dans le bois sacré de Dia, les hommes ont besoin de créer une clairière, un espace intermédiaire entre le bois impénétrable et obscur de la divinité et l’espace ouvert propre aux hommes, cela signifie que le lucus est le résultat d’un compromis entre la divinité et les hommes qui désirent lui rendre hommage. La divinité accepte que les humains retranchent une partie de ses arbres, les humains osent pénétrer sur une terre qui n’est pas la leur. Si nous poussons plus loin ce raisonnement, le lucus, au sens de clairière cultuelle, serait le pendant de l’area de l’aedes banale, et l’ensemble du bois sacré avec sa clairière serait, en quelque sorte, l’équivalent de la cella et de l’area du sanctuaire courant. Ces déductions ne sont pas absurdes. Le sacrifice de dea Dia s’étend sur trois jours; les rites du premier et du troisième jour sont célébrés à Rome. Or, si nous comparons les modalités du service religieux célébré à Rome à celles du culte in luco, une différence saute immédiatement aux yeux : à Rome, les opérations préalables et leurs expiations manquent, et ne sont donc pas nécessaires. A Rome, les rites commencent d’emblée par une salutation de la déesse, et continuent sans qu’il y ait besoin d’instituer au préalable un espace pour célébrer le culte26. Dea Dia a un sanctuaire urbain qui n’a rien de terrifiant et n’impose d’autre précaution que le respect de la divinité et de sa propriété.
35Il existe donc une différence nette entre le sanctuaire de Dia à Rome et le sanctuaire de Dia in luco. Ce clivage permet peut-être d’articuler les représentations du lucus, examinées plus haut (voir page 18 sq.), et les institutions du culte, et d’expliquer ainsi les modalités différentes de la pratique rituelle. Ce qui différencie les deux espaces où les arvales vénèrent dea Dia, c’est que in luco les arvales s’entourent de précautions, alors qu’à Rome ils abordent dea Dia - comme les autres dieux-avec respect, mais sans peur. On pourrait dire qu’à Rome, les arvales s’adressent à la divinité comme à un concitoyen alors que, dans son bois sacré, ils la rencontrent en tant que divinité, dans toute son altérité. C’est de la tension entre ces deux types d’approche des dieux que naissait la représentation de la nature des dieux, éminemment supérieure aux hommes, mais pourtant accessible et partie prenante dans la respublica.
36Pour développer et fonder plus solidement cette hypothèse, il faudra comparer d’autres sanctuaires urbains et bois sacrés appartenant à une même divinité. En tout cas, les données sont nettes pour le lucus deae Diae : c’était un vrai bois dont la taille n’est pas connue, mais n’avait pas à être très importante, puisque le culte construisait, en quelque sorte, la notion du lucus. Nous savons, en revanche, qu’il n’était pas productif et strictement isolé, mais assez foisonnant pour être une multitudo arborum capable d’entourer un lucus, une “clairière”.
37Le lucus de Dia n’est donc pas v éloigné des définitions des grammairiens et des exégèses de poètes ou philosophes. Plus précisément, on peut deviner sur quoi ceux-ci se sont fondés pour construire leurs interprétations.
38Le lucus, au sens large et restreint à la fois, serait ainsi, pour emprunter une formule de Ch. Malamoud27, une sorte de grand vide, une déchirure dans le tissu de l’espace humain, où les dieux signalent leur présence dans ce monde, et où les hommes, au prix de précautions rituelles et d’une sorte de défrichement, introduisent un semblant d’harmonie pour le temps de leur rencontre avec l’au-delà.
Annexe
ANNEXE. Liste des piacula concernant les travaux d’entretien effectués au bois sacré
1) 14 apr. J. -C. (CIL, VI, 2023,I)
a.
[----------- quod]
1 [Cn. Corneliu]s Cn. f. Lentulus augur, mag(ister) in locum [----]
[factus, ad] fratres aruales rettulit : arborem
[in luco deae] Diae uetustate cecidisse, q(uid) d(e) e(a) r(e) f(ieri) p(laceret), d(e) e(a) r(e) i(ta) c(ensuerunt) :
[Cum arbo]r uetustate in luco deae Diae cecidisset, ut
5 [in luc]o ad sacrifïcium consumeretur, neue quid
[ligni] exportaretur.
2) 38 apr. J. -C (CIL, VI, 2028)
c.
21 (uacat)A(nte) d(iem) (quartum decimum) k(alendas) Maias (uacat)
Taurus Statilius Coruinus promagister ob ramum uetus[tate delaps]um
in luco deae Diae sacrificium piaculare fecit ramumqu[e consumi iu]ssit.
W. Henzen a restitué le verbe exportari à la 1. 22. Or le décret des arvales de l’année 14 interdit précisément d’exporter le bois du lucus. Il faut donc restituer le verbe consumere ou caedere.
g.
1 [(Ante diem — Octob-/Nouemb-/Decemb]r(es)
[Taurus Statilius Coruinus promagiste]r collegii fratrum arua[lium nomine]
[ob ramum uetustate delapsum in lu]co deae Diae sacrificiu[m piaculare]
[fecit ramumque consum]i iussit.
Pour la restitution du verbe consumere (ou caedere) à la 1. 4 voir le document précédent.
3) 58 apr. J. -C (CIL, VI, 2040 = 32353)
i.
Isdem cos X— [in l]uco deae
5 Diae [piaculum factum por]cam
[---------- c]ausam
[Ioui b(ouem)] mar(em), Iu-
[noni uaccam—]
4) 66 apr. J. -C (CIL, VI, 2044,I c,d)
21 [----Isdem cos ---------- piaculum factum o]b arborem, quae ceciv- [derat in luco deae Diae, per kalatorem et publicos porcam et agna]m opimam.
5) 72 apr. J. -C (CIL, VI, 2053 d,e)
12 Imp(eratore) Cae[sa]re Ves[pasiano Aug I]III, Tito Caesare imp(eratore) (iterum) co(n)s(ulibus)
[(uacat) —] Maias (uacat)
[piacul]um factum [in luc]o deae Diae ob arborem, qua[e]
15 [a] tempestate de[ciderat,] per calatorem et publicos.
6) 75 apr. J. -C (CIL, VI, 32361 e,h)
6 (uacat) Is[dem co(n)s(ulibus) — (uacat)]
[sa]crific[ium piaculare factum in luco deae Diae ob-----]
[---------]
Ad[fuerunt ----------].
La formule rappelle celle qui est employée en 38 (sacrificium piaculare fecit) et de 69 (VI, 2051,II, 1. 14 sqq. : [p]iaclum (!) factum etc. ; il s’agit d’un piaculum relatif aux jeux). Mais le document est trop mutilé pour que nous puissions être certains qu’il s’agit bien d’un sacrifice expiatoire du type qui nous intéresse.
7) 81 apr. J. -C (CIL, VI, 2059)
17 L. Flauio Silua Nonio Basso (uacat) Asinio Politone Verrucoso (uacat) co(n)s(ulibus) (uacat) (ante diem duodeuicesimum) k(alendas) Febr(uarias)
in luco deae Diae piaculum factum per calatorem et publicos eius sacerdoti, quod arbor
a uetustate decidit, expiandum porcam et agnam opimam. (uacat)
8) 81 apr. J. -C (CIL, VI, 2060)
5 M. Roscio Coelio, C. Iulio luuenale co(n)s(ulibus)(ante diem quartum) k(alendas) Apr(iles) in luco deae Diae piaculum factum
per kalatorem et publicos eius sacerdoti ob arbores, quae a tempestate niuis
deciderant exp[i]andas, porcam et agnam opimam. (uacat)
9) 87 apr. J. -C (CIL, VI, 2065, II)
[—]Prisco co(n)s(ulibus) (ante diem quartum) idus Sept(embres) mag(isterio) C. Iuli
55 [Sila]ni in luco deae Diae, quod ramus ex arbore ilicina ob
[u]etustatem deciderit, piaculum factum est per calatorem et
[p]ublicos. (uacat)
10) 89 apr. J. -C (CIL, VI, 2066)
47 [(uacat) Isde]m co(n)s(ulibus)v pr(idie) idus April(es) (uacat)
[in luco piaculum] factum ob a[rbor]em expiata (!), cui prae
[-----------]per publicos [et ca]latorem.
11) 90 apr. J. -C (CIL, VI, 2067)
43 [Isdem co(n)s(ulibus)](ante diem nonum) k(alendas) Maias magisterio P. Sallusti Blaesi (altero) [in luco deae Diae piaculum factum per kalatorem et publicos porc]am et agnam expiatam arborem ob uetustatem, quod decidit.
12) 91 apr. J. -C (CIL, VI, 2068, II)
Q. Valerio Vegeto, P. Met[ilio Secundo (?) co(n)s(ulibus)]
25 (uacat) non(is) (uacat) Nou(embribus) (uacat)
magisterio (altero) L. Verati Quadrati [piaculum factum per kala-]
torem et publicos et aedituom in [luco deae Diae porcam et ag-]
nam. Expiata arbor, quod uetustat[e decidit.]
13) 101 apr. J. -C (CIL, VI, 2074 I-II)
I 73 (uacat) Q. Seruaeo Innocente, M. Maecio Celere co(n)s(ulibus) (uacat)
(ante diem sextum) k(alendas) Mai(as) in luco deae Diae arbores expiatae, quod uetustate uel ui maiori deciderant, porcis et
II 1 [agnis, struibus fertisque per Ti. Claudium Sacerdotem Iulianum mag(istrum) ministrantibus publicis —].
a. b.
1 [Isdem (?) co(n)s(ulibus)-------]
in [luco deae Diae magisterio Ti. Claudi Sacerdotis Iuliani piaculum factu]m, quod arbor
uetusta[te deciderat, porcam et agnam, struibu]s fertisq[ue per calatorem] et publicos eor[um],
14) 105 apr. J. -C (CIL, VI, 2075,I)
Isdem c[o(n)s(ulibus)------]
in aedem Conco[rdiae fratres aruales conuenerunt,]
30 ibique referen[te M. Valerio Trebicio Deciano mag(istro) ad]
collegas de arbor[ibus lauribus in luco deae Dae, quod]
a tempestatibus per[ustae essent, placuit piaculo fac-]
to caedi. Adfuerunt in co|llegio M. Valerius Trebicius De-]
cianus, Q. Fuluius Gillo | Bittius Proculus, Ti.Iulius]
35 Candidus Marius Celsus, Ti. [Iulius Candidus, P. Metilius]
Sabinus Nepos. (uacat)
(uacat) Isdem co(n)s(ulibus) k(alendis)—]
in luco deae Diae piaculum factu[m ob arbores lau-]
rus caedendas, quod tempestatibus perusta[e erant,]
40 porcis et agnis, struibus fertisque per M. Valeri[um]
Trebicium Decianu[m mag(istrum] ministrantibus public[is].
15) 111 apr. J. -C (Hommagesà R. Schilling,Paris, 1983,p. 228)
40 (uacat) Isdem (co(n)s(ulibus) (date) (uacat)]
Piaculum factum in lu[co deae Diae v arborum ex]piandarum [causa, quod uetustate uel ui maiori deciderant, porcis et agnis struibus fertisq(ue)]
per kalatorem et pub[licos fratrum arualiu]m. (uacat)
16) 118 apr. J. -C (CIL, VI, 32374, I)
40 Isdem co(n)s(ulibus) pr(idie) non(as) M[art(ias)]
[i]n luco deae Diae piaculum ob arb[orum caeden-]
darum causa (!), quae tempestate uel ui maiori decide[rant]
porcis et agnis, [s]truibus fertisque per M. Valerium
Trebicium Deci[an]um mag(istrum) (iterum) et publicos arua[lium.]
17) 155 apr. J. -C (CIL, VI, 2086)
(uacat) [Isdem] co(n)s(ulibus) (ante diem tertium) k(alendas) Iun(ias) (uacat)
in luco [deae Diae piaculum fact]um ob arborem expiandam, quae ue-
60 [tustate deciderat, porcajm et agnam, struibus ferctisq(ue)(!) per M. Fului-
[um Apronianum pro]magist(rum) et publicos fratrum arualium. (uacat)
18) 183 apr. J. -C (CIL, VI, 2099, I-II)
I, 20 L. Tutilio Pontiano (uacat) Gentiano co(n)s(ule) (ante diem sextum) id(us) Februar(ias) (uacat) in luco deae Diae Q. Licinius Nepos mag(ister) operis inchoandi causa, quod in fastigio aedis deae Diae ficus innata esset, eruendam et aedem reficiendam, immolauit suouetaurilibus maioribus; item ad aedem deae
Diae boues feminas (duas), Iano patri arietes (duas), Ioui berbeces(!) (duos) altilaneos,
II, 1 Marti arietes altilaneos (duos), Iunoni deae Diae oues (duas), siue deo siue deae oues (duas),
Virginibus diuis oues (duas), Famulis diuis uerbeces (duos), Laribus uerbeces (!) duos,
Matri Lat um oues duas, siue deo siue deae, in cuius tutela hic lucus locusue est, oues (duas), Fonti uerbeces (!) (duos), Florae oues (duas), Vestae oues (duas), Vestae matri oues (duas); ite[m]
5 Adolendae Conmolandae Deferundae oues (duas), item ante Caesareum Diuis n(umero) (sedecim) uerbec(es)(!) immolauit n(umero) (sedecim). (uacat) M. Herennio Secundo, M. Egnatio Postumo co(n)s(ulibus) (ante diem tertium) id(us) Mai(as)
in luco deae Diae Q. Licinius Nepos mag(ister) operis perfecti causa, quod arboris eruendae et aedis refectae, immolauit suouetaurilibus maioribus; item ad aedem deae Diae boues feminas (duas), Iano patri arietes (duos), Ioui uerbeces(!) (duos) altilaneos, Marti
10 ariet(es) altilan(eos) (duos), Iunoni deae Diae oues (duas), siue deo siue deae oues (duas), Virginibus diuis oues (duas), Famulis diuis uerbeces (duos), Laribus uerbeces(!)(duos), Matri Larum oues (duas), siue deo siue deae, in cuius tutela hic lucus locusue est, oues (duas), Fonti uerbeces (!) (duos).
Florae oues (duas), Vestae oues (duas), Vestae matri oues (duas), item Adolendae Commolendae Deferundae oues (duas); item ante Caesareum Diuis n(umero) sedecim uerbeces(!) immolauit (sedecim).
19) 218 apr. J. -C (2104, recto)
1 [in luco deae Diae L. Alfenius Auitianus promag(ister) operis inchuandi causa, quod------ immolauit suoue]taurilibus maiorib(us), deae Diae [b(oues) f(eminas) n(umero) (duas)],
[Iano patri arietes n(umero) (duos), Ioui uerueces n(umero) (duos), Marti arietes n(umero) (duos), Iunoni d]eae Diae oues n(umero) (duas), siue deo siue deae ou(es n(umero) (duas),
[Virginibus diuis ou(es) n(umero) (duas), Famulis diuis uerueces n(umero) (duos), Laribus uerueces n(umero) (duos), Matri] Lar(um) oues n(umero) (duas), Fonti uerbeces(!) n(umero)(duos), Florae oues n(umero) (duas),
[Vestae oues n(umero) (duas), Vestae matri oues n(umero) (duas); item Adolendae Commolendae Deferundae] oues n(umero) (duas); item ante Caesareum Diuis n(umero) (uiginti) uerbec(es) (!) (uiginti).
5 [---------- operis perfecti causa coll(egium) frat(rum) arual(ium) f]ecit similiter q(uod) s(upra) f(actum) e(st) per e[un]dem Auitianum promagistr(um).
20) 221 apr. J. -C (RAC, 71,1985,257)
77 [---------- Isdem c]o(n)s(ulibus) [(uacat?)]
[i]n luco deae Diae uia Camp[ana—].
Ce compte rendu figure sur la partie inférieure du commentaire de 109 et 111.
21) 224 apr. J. -C (CIL, VI, 2107)
[Adfuerunt-----------]
1 T. Fl(auius) [Archelaus,---------,M.]
Saenius Donatus,L. Fabius Fortunatus. (uacat)(ante diem septimum) id(us) Nou(embres) fratr(es) arual(es) in luc(o) d(eae) D(iae) uia Camp(ana) apud lap(idem) (quintum) conu(enerunt) per C. Porc(ium) Priscum
mag(istrum), et ibi imm(olauerunt) quod ui tempestat(is) ictu fulmin(is) arbor(es) sacr(i) l(uci) d(eae) D(iae) attact(ae)
5 arduer(int), ear(um)q(ue) arbor(um) eruendar(um), ferr(o) [f]endendar(um), adolendar(um), commolendar(um), item aliar(um) restituendar(um) causa operisq(ue) inc[h]oandi ara[s] temporal(es) sacr(as) d(eae) D(iae) reficiend(i), eius rei causa lustr(um) miss(um) suouetaurilib(us) maior(ibus); item ante aed(em) d(eae) D(iae) b(oues) f(eminas) a(uro) i(unctas) n(umero) (duas); item ad ar(as) tempor(ales) dis inf(ra) s(ub)s(criptis) : Ian(o) patr(i) ariet(es) (duos), Ioui uerbec(es)(!) (duos), Marti patri ult(ori) ar(ietes) n(umero) (duos), siue deo siue deae uerb(eces) (!) (duos), Iun(oni) d(eae) D(iae) ou(es) n(umero) (duas),
10 Virginib(us) diu(is) ou(es) n(umero)(duas), Fam(ulis) diu(is) uerb(eces)(!) n(umero) (duos, Larib(us) uerb(eces)(!) n(umero) (duos), Matri Lar(um) ou(es) n(umero) (duas),
Font(i) uerb(eces)(!) n(umero) (duos), Flor(ae) ou(es) n(umero) (duas), Summa(no) pat(ri) uerb(eces) (!) atros(duos), Vestae matri ou(es) (duas),
Ves[tae] deor(um) de[a]r(um)q(ue) ou(es) (duas); item Adolend(ae) Coinq(uendae) ou(es) (duas); et ante Caesar(eum) Genio
d(omini) n(ostri) Seueri Alexa[ndri] Aug(usti) t(aurum) a(uratum); item Diuis n(umero) (uiginti) uerbec(es) (!) (uiginti).
(ante diem quartum) id(us) Dec(embres) fratres arual(es) in luco deae Diae uia Campana apud lap(idem) (quintum) conuener(unt)
15 per C. Porc(ium) Priscum mag(istrum), et ibi immolau(erunt), quod ab ictu fulminis arbores luci sacri d(eae) D(iae) attactae arduerint, earumq(ue) arborum adolefactarum et coinquen-darum, et <quod> in eo luco sacro aliae sint repositae et arae temporal(es) refectae, ferri effer(endi), [h]uius oper(is) perfecti causa lustrum missum suouetaurilib(us) maioribus et cetera q(uae) s(upra). (uacat) Adfuer(unt) P. Ael(ius) Se[c]undinus, T. Fl(auius) Arc[h]esilaus, M. Fab(ius) Fortuna-
20 tus, M. Saen(ius) Donatus. (uacat)
22) 237 apr. J. -C (CIL, VI, 37164, II = Hermes, 52, 1917, 326)
[---fratres aru(ales) in luco deae Diae uia Camp(ana) apud lap(idem) (quintum) conu(enerunt) per P. Ael(ium)]
1 [Se]cundinum m[ag(istrum) op(eris) inchoandi causa-----]
aliam arborem s[----------; huius rei]
lustr(um) miss(um) suoue[tauril(ibus) maiorib(us) et ante aedem deae Diae b(oues) f(eminas)]
MAL (!) alb(as) n(umero) (duas), IV[--------; item]
5 ad ar(as) temp(orales) Iano patr(i) ar(ietes) (duos), Ioui uerb(eces) (!) (duos), lunoni deae Diae ou(es) (duas), siue deo] siue deae uer[(ueces) (duos), Virginibus diuis ou(es) (duas), Famulis diuis ueru(eces) (duos), La-] rib(us) uerb(eces) (!) (duos), M[atri Lar(um) ou(es) (duas), Fonti ueru(eces) (!) (duos), Florae ou(es) (duas), Summano patri]
uerb(eces) (!) atr(os) (duos), V[estae matri ou(es) (duas), Vestae deor(um) dear(um)q(ue) ou(es) (duas); item ante]
10 tetrastulum Genio d(omini) n(ostri) Imp(eratoris) — t(aurum) a(uratum)].
Chr. Huelsen (manuscrit inédit conservé à l’Institut archéologique allemand de Rome) propose de lire à la ligne 4b(oues) fe/m(inas) a(uro) i(unctas), en soulignant le caractère négligé de la rédaction des documents arvales du IIIe siècle. Pour la date, voir J. Scheid, Romulus et ses frères. Le collège des frères arvales. modèle du culte public dans la Rome des empereurs. Rome, 1990 (BEFAR, 275).
23) Alex. b (CIL, VI, 2110)
[---------]non(as) Mai(as)
[fratres aruales in l]uco deae Diae uia Campa[na apud lap(idem) (quintum) conuenerunt per M].
[Saenium Donatum] mag(istrum). Operum luci sacri [inchoandorum causa---]
10 [---------- lustru]m missum. Prastina?[--------- immolauit]
[--------]s suouetaur[ilibus maioribus.]
Pour la restitution de la ligne 10, voir J. Scheid, Le collège des frères arvales. Étude prosopographique du recrutement (69-304). Rome, 1990, 461.
24) 240 apr. J. -C (NSA, 1914, 466)
I 8 (uacat) Pr(idie) kal(endas) April(es) (uacat)
[fr]a[t]res aruales in luco deae Diae uia Camp(ana) apud lap(idem) (quintum) conu(enerunt) per Fab(ium) Fortunatum Victorinum promag(istrum) uice Fl(aui) Luciliani
10 mag(istri). Op(eris) inchoandi causa luci sublucandi et arborum oblaqueand(arum) et aliar(um) restituendarum, huius rei lustrum missum suouetaur(ilibus) maiorib(us) et ante aed(em) deae Diae b(oues) f(eminas) f (!) au(ro) iunctas alb(as) n(umero) (duas), Iano patr(i) ar(ietes) n(umero) (duos), Ioui uerb(eces) n(umero) (duos), siue deo siue deae uerb(eces) n(umero) (duos), Virg(inibus) ou(es) n(umero) (duas), Famul(is) dis uerb(eces) n(umero) (duos),
15 Lar(ibus) uerb(eces) n(umero) (duos), Matri Lar(um) ou(es) n(umero) (duos), Flor(ae) ou(es) n(umero) (duos),
Vestae m(atri) ou(es) n(umero) (duas);
item ante Caes(areum) Gen(io) d(omini) n(ostri) Imp(eratoris) M. Antoni Gordiani p(ii) f(elicis) A(ugusti) t(aurum) a(uratum);
sollemn(ibus) sacrif(iciis) fact(is), felicia dix(erunt).
Notes de bas de page
1 Voir plus haut l’exposé introductif, p. 13 sq
2 Pour ce culte, voir J. Scheid, Romulus et ses frères. Le collège des frères arvales, modèle du culte public dans la Rome des empereurs. Rome, 1990 (BEFAR, 275).
3 Scheid, Romulus et ses frères. Le collège des frères arvales, modèle du culte public dans la Rome des empereurs. Rome, 1990 (BEFAR, 275), 95-140.
4 Ibid., 553-563; 567-571.
5 Par ex., CIL, VI, 2080 (de l’année 120), 1. 36 sqq. : In luco deae Diae C. Vitorius Hosidius Geta mag(ister) ad aram immolauit porcas piaculares duas luco coinquiendo et operis faciundi.
6 Paul. Fest., p. 56 L : coinquere deputar; 57 L : coinquere coercere’, v. R. Goujard, Caton, De l’agriculture. Paris, 1975, 287.
7 J. Scheid, cit. à la n. 3, 554 sqq.
8 W. Henzen, Acta fratrum Arvalium quae supersunt. Berlin, 1874, 22.
9 Cat., De agr., 140; voir J. Scheid, cit. à la n. 3, 555, note 7.
10 G. Wissowa, in RE, II, 2, s. v. Arvalesfratres, col. 1476.
11 Voir l’annexe, p. 152 sq.
12 J. Scheid, cit. à la n. 3, 559; 569 sqq.
13 Cic., Att., 13, 44; Ovid., Amor., 3,2,43.
14 S uet., CL, 12.
15 Dion. Hal., 7, 72, 15.
16 Pour le lucus de dea Dia cette qualité est attestée par la formule lucus sacer deae Diae (p. ex., en 224, CIL, VI, 2107, 1. 15 sqq.). La même formule figure sur l’inscription CIL, X, 4104 (Capoue), relative à un lucus funéraire.
17 CIL, VI, 2065, II, 1. 55 (87 ap. J. -C.) : ramus ex arbore ilicina; VI, 2075, I, 1. 37 sqq. (105) : [ob arbores lau]rus caedendas, quod tempestatibus perusta[e erant]. Un autre incendie est attesté en 224 (CIL, VI, 2107, 1. 1 sqq).
18 La gravure de la copie des comptes rendus de la confrérie sur les parois du sanctuaire doit être considérée comme une opération rituelle, par laquelle les arvales informaient, en quelque sorte, la déesse de la bonne exécution du culte, voir J. Scheid, cit. à la n. 3, 66-72.
19 Voir Annexe; les causes sont la chute de branches ou d’arbres morts, ou bien les dommages causés par des orages ou la neige.
20 Il s’agit toujours d’arbres ou de branches tombés uetustate, ou détruits, bref de branches ou d’arbres morts, ou mutilés.
21 ILLRP, 504-506. Ces textes interdisent notamment de souiller le bois sacré par des cadavres, de violer l’espace du bois, d’emporter ce qui en fait partie et d’y faire du bois (caedere) si ce n’est pour le service religieux annuel (p. ex. ILLRP, 505, 1. 5 sqq. :neque cedilo,/nesei quo die res deina/anua fiel), c’est-à-dire pour “créer la clairière”.
22 Ces règles contribuent d’ailleurs à obscurcir le problème du lucar, qui était d’après Paul Diacre de l’aes, quod ex lucis captatur (Paul Fest., p. 106 L). Certes, cette définition n’était peut-être pas la seule qui circulait puisque, par exemple, le même Paul Diacre rapporte que lucaris pecunia, quae in luco erat data (p. 106 L), et que lucar désigne le budget des jeux. En tout cas, on voit mal comment les luci pouvaient produire des revenus, si, à l’exemple de ceux des arvales et de Spolète, on ne pouvait rien en exporter. Si cette définition a un sens, elle pourrait se rapporter au défrichement de terres appartenant en fait à des bois sacrés publics.
23 Pl., Aul., 674 sqq. (lucus... auius crebro salicto oppletus), voir P. Grimal, Les jardins romains. Paris, 19692, 167.
24 J. Scheid, cit. à la n. 3, 601-610.
25 On notera que l’activité humaine qui se déploie dans des espaces gagnés sur les bois sacrés est aussi, d’après les anciens, l’agriculture. Voir, à titre d’exemple, Cat., De agr., 139 sqq. Or l’agriculture n’était pas une simple activité économique, c’était aussi une pieuse acceptation de l’ordre des choses voulu par les dieux, en somme une activité pieuse : l’écart n’est donc pas infranchissable entre les deux activités humaines qui prennent place dans les luci au sens restreint.
26 Pour ces phases de la liturgie, voir J. Scheid, cit. à la n. 3, 506 sqq.
27 Ch. Malamoud, Village et forêt dans l’idéologie de l’Inde brahmanique. In : Cuire le monde. Rite et pensée dans l’Inde ancienne (Ch. Malamoud dir.). Paris, 1989, 94 sqq., notamment 101.
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