De la forêt initiatique au bois sacré
p. 127-143
Résumés
Dans de nombreuses légendes du monde méditerranéen antique, la montagne couverte de forêts — silua en Italie, ϋλη en Grèce,’ίδα, en Crète — apparaît comme le lieu privilégié de l’initiation du héros et des jeunes gens qui l’entourent : elle sert de cadre à leurs exercices sportifs et cynégétiques et fournit le combustible nécessaire au développement de la métallurgie, qui, à l’origine, fait partie intégrante de cette initiation (cf. e. g. les Dactyles de l’Ida, initiateurs du jeune Zeus crétois). Cette association se perpétue au fil des siècles, malgré la réduction des surfaces boisées et la perte de prestige social de l’activité artisanale : la structure qui, à Kition (Chypre) rassemble, dès le XIIIe s. av. J. -C., un sanctuaire consacré à un couple divin, des fours pour la fonte du cuivre et un jardin, se retrouve un millénaire plus tard sur l’Agora d’Athènes, où l’Héphaisteion, qui associe le culte d’Athéna à celui d’Héphaistos, était entouré d’ateliers de forgeron et d’arbres sacrés.
In the numerous legends of the ancient Mediterranean world, the mountain covered with forests—silva in Italy, ϋλη in Greece, ίδα in Crete — appears as a privileged place of the initiation of heroes and of the young that surround them : it serves as a background to their athletic and cynegctic exercises and furnishes the fuel necessary for the development of metallurgy, which, in origin, is an integral part of this initiation (cf. e. g. the Idaean Daktyls, initiators of the young Cretan Zeus). This association is perpetuated in the course of the centuries, in spite of the reduction of the wooded surfaces and the loss of social prestige of artisan activity : the structure which at Kition (Cyprus) resembles, from the thirteenth century B. C., a sanctuary dedicated to a divine couple, kilns for the casting of copper and a garden, is found again a millennium later in the Agora of Athens, where the Hephaisteion, which associates the cult of Athena to that of Hephaistos, was surrounded with workshops of smiths and sacred trees.
Texte intégral
Est ingens gelidum lucus prope Caeritis amnem, religione patrum late sacer ; undique colles inclusere caui et nigra nemus abiete cingunt. Situano fama est ueteres sacrasse Pelasgos...
(Virgile, Aen., VIII, 597-600)
1Au début de son évocation des rois d’Albe, Tite-Live (I, 3, 6 ; 8) indique brièvement, à propos de Silvius, éponyme de la dynastie :
« 6. Siluius deinde regnat Ascani filius, casu quodam in siluis natus... 8. Mansit Siluiis postea omnibus cognomen, qui Albae regnarunt. »
2En fait, casu quodam n’est qu’un artifice d’auteur qui ne veut pas s’étendre sur un événement considéré sans doute comme purement légendaire. Mais bien entendu ce n’est pas un hasard si un futur roi, fils de roi, naît dans une forêt — silua — et reçoit un nom — Siluius — qui perpétue le souvenir de cette particularité.
3Nous sommes heureusement mieux renseignés par Denys d’Halicarnasse (I, 70, 1-3), qui donne un récit détaillé, presque romancé, mais logiquement construit :
Άσκανίου δε όγδόω και τριακοστῷ ἔτει της βασιλείας τελευτήσαντος παρέλαβε την ήγεμονίαν Σιλούιος αδελφός ὢν Άσκανίου, μετὰ τòν Αiνείου θάνατον γενόμενος έκ Λαουϊνίας της Λατίνου θυγατρός, ὅν φασιν ἐν τοις ὄρεσιν ὑπò τῶν νομέων έκτραφῆναι. 2. Του γὰρ Άσκανίου παραλαβόντος την βασιλείαν περιδεὴς ή Λαουϊνία γενομένη μή τι δεινὸν ὑπ’αύτοṽ πάθη κατά τὸ της μητρυιας ὄνομα, έγκύμων ούσα δίδωσιν ἑαυτὴν Τυρρηνᾦτινι συοφορβί ων ἐπιμελητἧ βασιλικών, ον ἤδει Λατίνᾡ γενόμενον έν τοις μάλιστα προσήγορον. Ό δ’εἰς ύλας έρημους άγαγών αύτήν ὡς τῶν ἐπι τυχουσῶν τινα, φυλαττόμενος ὀφθῆναι τοις είδόσιν ετρεφεν έν τη νάπη κατασκευάσας οἴκησιν ού πολλοίς γνώριμον, καὶ τό παιδίον γενόμενον ἀναιρεῖταί τε καὶ τρέφει Σιλούιον όνομάσας ἀπὸ της ύλης, ωσπερ αν εἴ τις’Ελλάδι γλώσσῃ λέξειεν Ύλαῖον. 3. Χρόνου δὲ προϊόντος ώς πολλὴν ζήτησιν ἔγνω της γυναικός ὑπὸ των Λατίνων γινομένην καί δι’αιτίας όντα παρά τω πλήθει τὸν Άσκά-νιον, ώς άνηρηκότα την παιδίσκην, φράζει τω δήμω τό πρἆγμα καί την ἄνθρωπον άγει μετά τοῦ παιδὸς έκ της νάπης. Τύχη μεν δή τοιαύτη χρησάμενος ὁ Σιλούϊος την εἰρημένην εσχεν ὀνομασίαν καί τό έξ έκείνου γένος ἅπαν, την δὲ βασιλείαν παρέλαβεν, ἐπειδὴ τὸν ἀδελφὸν αὐτοῦ τελευτῆσαι συνέπεσεν...
4Ici donc Silvius n’est pas le fils d’Ascagne, mais l’enfant posthume d’Énée ; sa mère Lavinia, enceinte de son mari défunt, et craignant l’hostilité d’Ascagne, le nouveau roi, part dans la forêt, où elle se confie à la protection de Tyrrhénus, le porcher de son père Latinus. L’enfant naît et est élevé dans cette forêt, jusqu’à ce qu’Ascagne, revenu à de meilleurs sentiments sous la pression de l’opinion publique, l’appelle à la cour et en fasse son héritier. Et Denys confirme bien l’étymologie de son nom, en en donnant l’équivalent grec, Ύλαῖος < ύλη1.
5La même version des faits2 est attestée, avec plus ou moins de détails, par Virgile (Aen., VI, 763-766)3, Festus (s. v. Silui, 460, 7 L)4 et Servius (Aen., VI. 760)5. Or, bien qu’elle semble répondre à une situation familiale particulière, elle suit en réalité un schéma très fréquent dans les légendes des “premiers rois”6. Et de fait Silvius est le fondateur, sinon d’Albe elle-même, du moins de la dynastie à laquelle il transmet son nom. Son personnage se rapproche ainsi d’autres “Urkônige” du Latium, dont les exemples les plus fameux restent, d’une part son descendant Romulus7, rejeton de la famille royale d’Albe par sa mère Rhéa Silvia, mais surtout fondateur et premier roi de Rome, qui connaît lui aussi une naissance clandestine, est abandonné sur les eaux du Tibre, nourri par une louve et enfin recueilli par le berger Faustulus8, et d’autre part Caeculus9, fondateur et premier roi de Préneste, né également dans une forêt10, après une conception “miraculeuse”, et élevé par des bergers11.
6En ce qui concerne Silvius, il convient de noter que celui qui lui sert en quelque sorte de père nourricier porte, bien qu’étant le gardien des troupeaux12 de Latinus, le nom on ne peut plus étrusque de Tyrrhénus13, ce qui confère à l’épisode de la vie dans les bois une coloration “toscane”, que l’on retrouve dans le cas des deux autres “premiers rois” que nous venons d’évoquer : pour Romulus, dans la version de Promathion, transmise par Plutarque (Rom., 2, 4-8), où le roi d’Albe s’appelle Tarchétius14 pour Caeculus, dans la mesure où Préneste est une cité très influencée culturellement par l’Étrurie15 et où, surtout, Caeculus concurrence d’autres candidats au titre de fondateur, Télégone16 et Praenestes17, qui représentent, eux, une tradition d’origine grecque.
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7Le motif de la naissance clandestine et de l’exposition du roi, du premier roi, dans la forêt est un thème légendaire extrêmement répandu tout autour de la Méditerranée centrale et orientale. Il n’est évidemment pas question d’examiner ici tous les cas18, mais nous pouvons nous arrêter sur l’un d’entre eux, qui rappelle celui de Silvius à cause du nom, ou plutôt de l’épithète du personnage : Ζεὺς Ίδαῖος, Zeus de l’Ida.
8En effet, le mot Ἴδα, qui désigne ici la principale montagne de Crète, est un terme probablement préhellénique, que l’on trouve chez Hérodote (I, 1 10 ; IV, 109 ; IV, 175 ; V, 23 ; VII, 111)19 — sous la forme ionienne ἴδη —, utilisé comme un nom commun synonyme de ὕλη20 dans le premier passage il s’agit du lieu où est exposé Cyrus, qui est donc, lui aussi, un enfant de l’ἴδα, de la forêt21. Cependant les lexicographes sont plus précis, et l’on trouve aussi bien dans la Souda (s·, ν. ἴδη, Ι, 101 A)que dans l’Etymologicum Magnum (s. ν. ἴδη, 465, 52) cette définition :
Ἴδη πᾶν σύμφυτον ὄρος...22
9Or on sait que les deux montagnes portant ce nom étaient très boisées23 c’est ainsi que les arbres de l’Ida phrygien ont été utilisés par les Grecs pour fabriquer le cheval de Troie24, et par Enée pour construire sa flotte25 — comme avant lui Pâris26 en Crète, ce sont les forêts de l’Ida27 qui ont permis le développement de la métallurgie28, ce qui, en retour, a provoqué le déboisement29.
10Mais ces deux montagnes sont aussi des lieux privilégiés de naissance et de mises à l’épreuve de héros. Pour l’Ida phrygien, la liste est longue, où se côtoient figures mythologiques et créations littéraires : Ganymède30, Hermaphrodite31, Esaque32, Pâris33, Enée34, Nisus35, Bitias et Pandarus36, ainsi que plusieurs personnages nommés Idaios37.
11Pour l’Ida crétois, c’est, comme on l’a dit, le dieu que les Grecs assimileront à leur Zeus, mais avec une physionomie bien particulière, puisqu’on lui attribue une naissance et une enfance construites sur le schéma type de celles des “premiers rois”, ainsi que cela apparaît, pour l’essentiel, dès Hésiode (Th., 459-491) : mère menacée38 — ici par son époux —, ce qui entraîne un accouchement clandestin ; refuge dans une grotte ; thérotrophie-par une chèvre et des abeilles39 association à un arbre, auquel le berceau du bébé est suspendu40.
12Le jeune dieu est confié à des éducateurs, répartis en deux groupes, souvent mal distingués : les Dactyles, pacifiques et inventeurs de la métallurgie41 les Courètes, qui sont à la fois des guerriers — pratiquant la danse en armes42 — et des bergers43 c’est de ces derniers que l’adolescent divin est le plus proche, lui que l’hymne de Palaikastro44 invoque comme le Μέγιστ[ος] Κοῦρ[ος], en lui demandant d’assurer la fécondité des champs et des troupeaux45. Parvenu à l’âge adulte, il fonde une ville dans l’est de l’île46 diverses légendes locales attestent des unions avec des nymphes, par exemple Ankhialè à Axos47. Et sescompagnons Courètes font de même : ils ont eux aussi des compagnes et fondent des villes48.
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13Si l’Ida crétois est le lieu mythique des enfances de Zeus, c’est aussi un site où se pratiquent des initiations humaines, comme l’indiquent à la fois des traditions comme celles qui concernent Epiménide49 ou Pythagore50, et les trouvailles archéologiques, notamment les boucliers qui servaient à évoquer la danse des Courètes51. C’est en fait l’archétype de la montagne sacrée où se déroulaient les retraites des adolescents.
14On sait qu’en Crète52 ceux-ci étaient groupés par classes d’âge en ἀγέλαι, c’est-à-dire en “troupeaux”, constitués chacun autour du fils d’un personnage important de la cité ; ce dernier était en quelque sorte le “parrain” de la troupe, chargé d’organiser ses activités, dont le but était la formation militaire des jeunes gens : chasse, course, simulacre de combat avec des armes émoussées, danse en armes. Τous ces exercices se pratiquaient à l’extérieur de la cité, comme on le sait pour Γ entraînement similaire des jeunes Spartiates, et comme 1’indique, en Crète même, le rituel du κλεινός53, c’est-à-dire cette initiation qui, à l’époque hellénistique, semble ne plus concerner qu’une élite des adolescents et qui prend la forme d’un rapt, très codifié, de la part d’un ϕιλήτωρ : ce dernier emmène pour deux mois le jeune homme ἀπὸ τῆς χώρας, c’est-à-dire hors du territoire de l’État — et pas seulement hors de l’agglomération urbaine —, probablement sur une montagne, puisqu’à la fin, « ils redescendent dans la cité », εις τὴν πόλιν καταβαίνουσιν54.
15Sans doute y avait-il en Crète plusieurs montagnes sacrées55, mais l’Ida a certainement joui d’une situation privilégiée : située au centre de l’île, sur le territoire de la petite cité d’Axos56, elle était entourée par les grands États de Cnosos, Gortyne et Phaistos qui s’en partageaient l’usage et s’en disputaient le protectorat57, comme le montrent, par exemple, la légende de Minos, roi de Cnosos, montant tous les neuf ans jusqu’à l’antre pour consulter Zeus58, et aussi des inscriptions de Gortyne réglementant des fêtes et des sacrifices59, ou encore des monnaies de Phaistos datant du IVe siècle av. J. -C. et représentant un dieu appelé F ελχάνος 60,60, ancien nom de celui que les Grecs assimilent à leur Zeus, comme l’indique, avec unegraphie fautive, un lemme d’Hésychius (Γ, 315 Latte) :
Γελχάνος ό Ζευς παρὰ Κρησίν61.
16Hors de Crète, d’autres montagnes du monde grec connaissent également de tels rituels, qui se déroulent toujours dans un cadre forestier. Nous n’évoquerons ici que le “Pélion boisé”, sur lequel Chiron aurait élevé Jason, selon deux vers d’Hésiode (Ήοῖαι, fr. 40 MW) conservés par un scholiaste de Pindare (Nem., 3, 92) :
Aἴσων, ὃς τέκεθ’υἱὸν Ίήσονα ποιμένα λαών, ὃν Χείρων ἔθρεψ’ένϊ Πηλίωι ὑλήεντι.
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17La mise en évidence de motifs caractéristiques du schéma de l’initiation du “premier roi” permet d’en retrouver la trace, même lorsque les légendes sont mal connues ou paraissent avoir été très profondément modifiées.
18C’est le cas, par exemple, pour Servius Τullius. Dans le récit de la vulgate62, on note immédiatement la ressemblance de sa conception avec celle de Caeculus ou mieux encore avec celle de Romulus dans la version de Promathion : dans tous les cas, c’est le feu qui est l’élément fécondateur, bien que le modus operandi soit différent, avec une étincelle à Préneste et un phallus à Albe et à Rome. En revanche, ce qui distingue Servius des deux autres rois, c’est que ces derniers sont exposés en pleine nature et recueillis par des bergers, alors que lui naît au palais de Tarquin et est éduqué comme un prince63.
19Deux détails, au moins, montrent pourtant que la légende de Servius est démarquée du schéma général. D’abord le nom de sa mère, Ocrisia, rattaché généralement au vieux mot ocris,64, que Festus (s. v. ocrem, 192, 1 L) définit comme mons confragosus et illustre par quatre citations de Livius Andronicus (Trag. inc., fr. 31 ; 32-33 ; 34 ; 35 Ribbeck3), dont la dernière concerne le Pélion, la “montagne boisée” de Chiron :
OCREM antiqui, ut Ateius Philologus in libro Glosematorum refert, montem confragosum uocabant, ut aput Liuium : “Sed qui sunt hi, qui ascendent altum ο c r i m ?” et “celsosque ο c r i s aruaque putria, et mare magnum ” <et> “Namque Taenari celsos ocris” et “haut ut quem Chiro in Ρelio docuit οcri ”.
20Ocrisia signifie donc quelque chose comme “la Dame de la Montagne” ; c’est certainement un nom à valeur fonctionnelle, équivalent de Siluia ou Ίδαία, qui désigne la mère d’un héros né et/ou initié sur une “montagne boisée”.
21Le second élément, ce sont les deux bergers — ex pastoribus duo ferocissimi, selon Tite-Live (I, 40, 5) — qui, en assassinant Tarquin, permettent à Servius de prendre le pouvoir, grâce à l’habileté de Tanaquil. D’après la vulgate65, ils ont été soudoyés par les fils d’Ancus Marcius et ils ont réussi à s’approcher du roi en feignant de se quereller — specie rixae :comment ne pas songer que c’est aussi une rixe entre bergers qui est à l’origine de la mort d’Amulius et du triomphe de Romulus et Rémus66 ?
22Bien que Servius soit présenté comme un citadin, sa légende “normalisée” laisse donc apparaître des éléments précis qui concernent habituellement des “héros de la forêt”67. Peut-être est-ce par là qu’il faut interpréter son nom, qui semble bien être un dérivé de se ruus, s’il est vrai que le sens premier de ce mot n’est pas “esclave”, mais plutôt “étranger”, “apatride”68 — c’est-à-dire en somme ξένο[ς] καὶ ἄπολι[ς], selon la qualification que Denys d’Halicarnasse (III, 65, 6) donne précisément à notre personnage la première fois qu’il l’évoque. Ainsi trouverait-on dans ce “prénom” non pas, comme l’expliquent nos sources anciennes, la marque de la condition servile de sa mère69, mais plutôt la trace du statut que connaissent les hommes qui passent par l’initiation dans la forêt.70.
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23Si tel est bien le sens originel de seruus, cela pourrait expliquer aussi le rôle de la déesse Féronia71 et de ses bois sacrés. Cette divinité a des caractéristiques de “Grande Déesse”, notamment en tant que πότνια θηρῶν : son nom est probablement formé sur le radical de θὴρ et de ferus72.. Mais elle a surtout un aspect maternel : à Terracine, associée, comme l’indique Virgile (Aen., VII, 799-800), à un IuppiterAnxurus :
Circaeumque iugum, quis IuppiterAnxurus aruis praesidet et uiridi gaudens Feronia luco.
24dont on sait par Servius (Aen., VII, 799) qu’il était un enfant, au visage imberbe :
CIRCAEVMQUE IVGUM : circa hunc tractum Campaniae colebatur puer luppiter, qui Anxyrus dicebatur, quasi άνευ ξυροῦ, id est sine nouacula, quia barbam numquam rasisset, et Iuno uirgo73, quae Feronia dicebatur.
25ce qui fait songer à Zeus Crétois74, plutôt qu’à Jupiter Capitolin ou à Zeus Olympien ; à Préneste, en tant que mère d’Erylus, le mystérieux roi a trois corps et à trois vies qu’Évandre, dans l’Énéide (VIII, 560-567) se glorifie d’avoir abattu :
Ο mihi praeteritos referai si luppiter annos, qualis eram, cum primam aciem Praeneste sub [ipsa
straui scutorumque incendi uictor aceruos et regem hac Erylum dextra sub Tartara misi, nascenti cui tris animas Feronia mater (horrendum dictu) dede rat : terna arma mouenda, ter leto sternendus erat ; cui turn tamen omnis abstulit haec animas dextra et totidem exuit ar-[mis.75
26Enfin, c’est la déesse des esclaves, présidant à leur libération dans ses sanctuaires et protégeant les affranchis76, selon le témoignage de Servius (Aen., VIII, 564) :
FERONIA MATER : nympha Campaniae, quam etiam supra diximus. Haec etiam libertorum dea est, in cuius tempio raso capite pilleum accipiebant.
27que son interpolateur (ibid.) complète en mentionnant le siège de pierre du temple de Terracine où se produisait la “métamorphose” de l’affranchissement :
In huius tempio Tarracinae sedile lapideum fuit, in quo hic uersus incisus erat : “Bene meriti serui sedeant, surgant liberi”.
28Or les sanctuaires de Féronia, ce sont essentiellement des bois sacrés77, dont le plus célèbre, avec celui de Terracine78, est celui de Capène79, le lucus Feroniae par excellence80, situé dans une zone frontalière entre les Étrusques, les Latins et les Sabins81. Si notre interprétation du sens premier de seruus est exacte, on peut penser qu'à très haute époque ces bois servaient de lieux de séjour et d'initiation à des bergers-chasseurs homologues de ceux que nous avons rencontrés en Crète, à des “hors-la-loi” temporaires se préparant à réintégrer leur cité ou à en fonder une autre. Plus tard, elle est devenue la patronne de ces nouveaux “hors-la-loi” que sont les esclaves, dont elle facilite l'affranchissement et le retour dans la cité comme des hommes libres82.
29Les progrès de la civilisation et de l’économie, avec le développement, au détriment de la chasse et de la cueil lette, de l’élevage et de l’agriculture, qui entraîne la réduction des territoires “sauvages”, ont certainement joué dans cette transformation du rôle réel de Féronia. Mais ils ont joué aussi dans la modification de sa définition théologique : cette déesse des bois est devenue, selon les glossateurs (CGL, IV, 238,25 ; 342,18 ; V, 599,27)83 une dea agrorum, à laquelle on offre les prémices des moissons, comme le note Tite-Live (XXVI, 11,9) pour le sanctuaire de Capène :
Capenates aliique qui accolae eius erant primitias frugum eo donaque alia pro copia portantes...,
30tandis qu’à Terracine, son jeune parèdre est le protecteur des arua, selon la formule de Virgile (Aen., VII, 799-800) citée ci-dessus.
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31On peut constater une évolution tout à fait parallèle pour Siluanus, Silvain, titulaire d’un bois sacré près de Caere, probablement sous son nom étrusque de Selvans84.. Ce bois, décrit par Virgile (Aen., VIII, 597-602), remonterait aux Pélasges85, ce qui lui confère une très haute antiquité86 :
Est ingens gelidum lucus prope Caeritis amnem, religione patrum late sacer ; undique colles inclusere caui et nigra nemus abiete cingunt. Siluanofama est ueteres sacrasse Pelasgos, aruorum pecorisque deo, lucumque diemque, qui primi finis aliquando habuere Latinos.
32Comme on le voit, le poète définit Silvain comme aruorum pecorisque de[us]. Mais il est évident, par la nature de son lieu de culte et plus encore par son nom même, qu’il est originellement un dieu de lasilua87 : étymologiquement, Siluanus est un doublet de Siluius, et donc aussi un équivalent d’Ίδαῖος88.
33C’est dans ce bois proche de Caere que Virgile (Aen., VIII, 606-616) localise la remise à Enée par Vénus des armes forgées pour lui par Vulcain. Certes, l’emplacement peut avoir été choisi en fonction de la logique interne du récit, puisqu’Enée se rend au camp de Tarchon, situé tout près de là (ibid., 603-605), pour solliciter l’alliance du chef étrusque. Mais peut-être y a-t-il aussi des raisons rituelles, car le bois servait sans doute à l’initiation des jeunes gens de Caere. De fait, la remise des armes est l’une des cérémonies qui sanctionnent normalement la fin de l’apprentissage ; en outre, c’est après cet épisode qu’Enée devient le chef de la coalition qui s’oppose à Τurnus, ce qui peut être considéré comme équivalant à une investiture royale89.
34Quant à la présence en quelque sorte indirecte de Vulcain, le fabriquant des armes, elle est certes due à lafois à l’imitation d’Homère et à sa fonction même de dieu forgeron. Mais il y a peut-être un peu plus — et là encore, ce sont, si l’on peut dire, des noms qui parlent. C’est ainsi que dans le panthéon de Martianus Capella — composite mais avec une forte dominante étrusque —, on rencontre une mystérieuse Lynsa Siluestris, qui cohabite avec Vulcain, désigné ici par son épiclèse Mulciber, dans la quatrième des seize régions du ciel (Nup., I, 48)90 :
Tunc Lynsa Siluestris, Mulciber, Lar caelestis nec non etiam militaris Fauorque ex quarta regione uenerunt.
35De par son épithète, cette divinité appartient, comme Siluius et Siluanus, au monde des êtres de la forêt.
36Et le nom même de Volcanus n’est-il pas bien proche de celui de Fελχάνος, l’ancien dieu de l’Ida, qui siège dans un arbre, préside à des rituels d’initiation, qui reproduisent les épreuves qu’il a lui-même subies, et entretient quelque rapport avec la métallurgie, puisque c’est à l’un des groupes de ses éducateurs, les Dactyles, qu’est attribuée Γ invention de cet art, favorisé précisément, comme on l’a dit, par l’abondance des forêts de la montagne ? Τant par lui-même que par son associée. Vulcain semble donc bien avoir un rôle spécifique dans les pratiques d’initiation91 : comment ne pas songer alors que deux des héros que nous avons rencontrés au début de cette étude, Caeculus et Servius Τullius, passaient pour ses enfants ?
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37La Crète n’est pas le seul lieu du monde grec qui puisse fournir des rapprochements. Nous examinerons donc quelques autres exemples, en nous appuyant à nouveau sur l’onomastique.
38On a déjà vu l’équivalence situa / ἴδα/ύλη, qui entraîne celle de leurs dérivés siluius/ἰδαῖος/ὑλαῖος92. Mais de même que silua donne également siluanus ou siluestris, de même ϋλη peut produire aussi ύλάτης. Or cet adjectif est Γ une des principales épithètes d’Apollon à Chypre — au point que Lycophron {Alex., 448) appelle l’île Ύλάτου γήν, la “terre d’Hylatès”93. Le culte de cet Apollon est attesté en divers lieux94, mais le sanctuaire principal était à Kourion95, une cité qui passait, selon Etienne de Byzance (s. ν. Κούριον, 380,4 M), pour avoir été fondée par Κούρευς :
Κούριον πόλις Κύπρου, ἀπὸ Κουρέως τοῦ Κινύρου παιδός
39un héros dont le nom rappelle celui des Courètes de l’Ida.
40Ce sanctuaire de Kourion comportait, sur un promontoire appelé Κουρνάς, un vaste bois sacré—ἄλσος—où, d’après le témoignage d’Elien (N. Α., XI, 7), de nombreuses biches trouvaient refuge96, hors de l’atteinte des chasseurs et de leurs chiens :
Έν Κουριάδι αἱ ἔλαϕοι — πλῆθος δε άρα τούτων τῶν θηρίων ἐνταῦθά ἐστι, και πολλοί θηραταὶ περί τὴν ἄγραν αὐτῶν ήνέμωνται —, ὅταν καταϕύγωσιν ἐς τὸ τού’Απόλλωνος ἱερὸν τὸ ένταυθοί — ἔστι δὲ ἄλσος μέγιστον —, ὑλακτοῦσι μὲν οἱ κύνες, πλησίον δὲ ἐλθεῖν ούχ ὑπομένουσιν αἱ δε συστᾶσαι νέμονται ἄτρεπτον καί άδεά τήν νομήν, άπορρήτω τινὶ φύσει τήν ὑπέρ εαυτών σωτηρίαν τω θεῷ πιστεύουσαι αί ελαφοι.
41Mais l’archéologie a révélé en outre l’existence d’un bosquet sacré, constitué par six ou sept arbustes plantés dans des trous creusés dans le roc et entourés d’un muret circulaire97. N’y a-t-il pas là quelques éléments qui esquissent, comme en pointillé, un cadre analogue à celui des rituels crétois ?
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42L’île de Chypre paraît du reste avoir été particulièrement riche en bois sacrés, et l’on peut penser que ces bois étaient des lieux d’initiation, bien que nos sources ne fournissent pas d’informations aussi précises que pour la Crète ou la Grèce continentale.
43D’après Strabon (XIV, 6, 3, 683 C), c’est à Zeus qu’appartenait le bois sacré d’Arsinoè, une cité de la côte occidentale qui avait succédé à l’antique Marion :
Είθ’ό Άκάμας εστί μετά Пάφον είτα πρὸς ἕω μετὰ τὸν Άκάμαντα πλοῦς εἰς Άρσινόην πόλιν και τὸ τού Διός ἄλσος είτα Σόλοι πόλις...
44Or c’est dans une nécropole de Marion, à Polis tis Chrysochou, que l’on a découvert un relief de terre cuite, datant du IVe siècle av. J. -C.98, qui représente un dieu identique au Fελχάνος des monnaies de Phaistos et assis comme lui dans la fourche d’un arbre99 : on peut donc supposer que le culte de ce vieux dieu crétois s’était implanté dans la région, avec les rituels initiatiques qui lui étaient associés100.
45De fait, 1’exploit de Thésée y était connu très anciennement, puisqu’on a trouvé — toujours à Polis tis Chrysochou — un scarabée datant du VIIe siècle av. J. -C.101 et figurant son combat contre le Minotaure en présence d’Ariane102. Mais surtout cette légende paraît avoir reçu un développement local propre, avec un nouveau personnage, Akamas, fils de Thésée selon Hésychius (. s. v. ἀκάμαντα, A, 2253 L) :
ἀκάμαντα άκοπίαστον... Καί ὄροςἐν Κύπρω ούτως καλούμενον. Ώνομάσθη δὲ ἀπὸ’Ακύμαντος, τού Δημοφώντος μεν αδελφού, υἱοῦ δέ Θησέως
46et d’Ariane selon un scholiaste d’Homère (Schol. vet. in Od., XI, 321) :
καλήν τ’Άρίαδνην’Αρίαδνη, Μίνωος θυγάτηρ, γυνή Θησέως, ἐξ ής Δημοϕῶν καί Άκάμας.
47Son nom même, qui signifie 1’“Infatigable”, traduit probablement une initiation à l’endurance ; et ce héros est à la fois, comme l’indique Hésychius (l. c.) l’éponyme d’un cap couvert, selon Strabon (XIV, 6,2,682 C), d’une abondante forêt :
Ό δ’Άκάμας ἐστὶν άκρα δύο μαστούς ἔχουσα καὶ ύλην πολλήν...
48et, toujours selon ce dernier auteur (XIV, 6, 3, 683 C), le fondateur de la cité de Soloi103
Εἶτα Σόλοι πόλις, λιμένα ἔχουσα καί ποταμὸν καί ιερόν’Αϕροδίτης καί Ίσιδος κτίσμα δ’έστί Φαλήρου καί’Ακάμαντος’Αθηναίων104,
49ce qui permet de reconnaître en lui encore un “premier roi”105.
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50Mais c’est Aphrodite, la principale déesse de Chypre, qui semble avoir possédé le plus de bois sacrés dans l’île. L’un des plus importants était situé à Amathonte — cité “étéochypriote”106 — et consacré, d’après Plutarque (Th., 20, 7), à Ariane-Aphrodite :
... καλεῖν δε τὸ άλσος Άμαθουσίον, ἐν ᾧ τὸν τάϕον (sc. τῆς’Αριάδνης) δεικνύουσιν,’Αριάδνης’Αφροδίτης.
51Cela signifie probablement qu’il s’agissait d’un bois dédié originellement à Ariane, une des hypostases de la Grande Déesse crétoise, absorbée par Aphrodite lorsque celle-ci est devenue la divinité majeure de l’île — ce qui suggère l’existence en ce lieu d’antiques pratiques d’origine crétoise107.
52Aphrodite devait posséder également un jardin sacré près de Paphos, puisque Strabon (XIV, 6, 3, 683 C) mentionne un lieu-dit au nom évocateur de Ίεροκηπίς. Citons encore le mont Olympe, au sommet duquel se trouvait, selon le même auteur (XIV, 6, 3, 682 C), un temple d’Aphrodite’Ακραία108.
... ή δ’ἀκρώρεια καλεῖται Ὄλυμπος, ἔχουσα’Αϕροδίτης’Ακραίας ναόν, ἄδυτον γυναιξί καὶ ἀόρατον.
53Le fait que ce temple fût interdit aux femmes suggère qu’il était réservé aux initiations des jeunes gens.
54Enfin Virgile (Aen, I, 692-694) atteste l’existence d’un bois sacré de la déesse sur une hauteur proche d’Idalion109, au centre de l’île, et il le décrit ainsi :...
…in altos Idaliae lucos, ubi mollis amaracus illum (sc.As[ cani um) floribus et dulci aspirons complectitur umbra.
55Or l’identité du fondateur de la cité d’Idalion nous est connue par Etienne de Byzance (s. ν. Ίδάλιον, 326,6 M), dont le bref résumé, qui rattache la création de la ville — et son nom — à un oracle évoquant l’apparition du soleil levant, laisse supposer une légende locale plus ample :
Ίδάλιον πόλις Κύπρου. Χρησμὸςγὰρ ἐδόθη<lacuna> ὅπου ἴδοι τὸν ἥλιον άνίσχοντα, πόλιν κτίσαι. Ό oῦvvv Χαλκήνωρ περιών<lacuna> τις τῶν συν αύτω ἔφη “Εῖδον, βασιλεῦ, τον ἅλιον”. Άϕ’οῦ ώνομασθαι την πόλιν.
56Ce nom évocateur de Χαλκήνωρ, l’“Homme de Bronze” — qui fait penser au Talôs crétois — convient bien à l’oeciste d’une cité proche des mines de Tamasos, dont Strabon (XIV, 6, 5, 684 C) vante la richesse, tout en indiquant au passage que leurs minerais ont aussi des vertus curatives :...
μέταλλα τε χαλκού έστίν άφθονα τὰ έν Ταμασω, έν οῖς τὸ χαλκανθὲςγὶνεται, καί ό
ιός του χαλκού, πρὸς τὰςἰατρικὰς δυνάμεις χρήσιμα110.
57Tout cela suggère bien sûr un lien entre les rites des forêts et des bois sacrés et la métallurgie. De fait, il existait, selon Clément d’Alexandrie {Strom., 1, 75, 4) une tradition transposant à Chypre la légende de l’invention de la métallurgie par des Dactyles de l’Ida, sans que l’on puisse savoir s’il s’agit ici de l’Ida crétois ou d’un Ida local :
Κέλμις τε αῦ καί Δαμναμενεύς δύο τῶν Ίδαίων Δακτύλων πρώτοι σίδηρον εῦρον έν Κύπρω, Δέλας δὲ άλλος Ίδαῖος εύρε χαλκού κρᾶσιν, ὡς δὲ’Ησίοδος, Σκύθης111.
58En outre, la mythologie de l’île connaît des héros qui sont à la fois rois et artisans :Pygmalion112, qui obtient d’Aphrodite l’animation d’une statue qu’il a lui-même sculptée113, ce qui lui donne un pouvoir qui appartient ailleurs à Dédale114 et à Héphaistos115 Cinyras116,, son petit-fils117, découvreur des mines de cuivre et inventeur des outils du forgeron (comme le rappelle Pline, N. H., VII, 195) :
Tegulas inuenit Cinyra, Agriopae filius, et metallo aeris, utrumque in insula Cypro, item forcipem, martulum, uectem, incudem,
59et en même temps prêtre d’Aphrodite à Paphos118 et père de Koureus, le fondateur de Kourion119.
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60On retrouve ainsi à Chypre, en ordre dispersé faute d’une documentation suffisante, toutes les données que nous vues, en Crète, associées à l’initiation des jeunes gens. C’est d’abord, comme cadre naturel, une forêt très étendue, dont Strabon (XIV, 6, 5, 684 C) atteste, d’après Eratosthène (Geogr., fr. III Β 91 Berger), qu’elle a été progressivement réduite par la métallurgie et la construction de navires :
Φησὶ δ’’Ερατοσθένης τὸ παλαιὸν ύλομανούντων τῶν πεδίων, ὥστε κατέχεσθαι δρυμoῖς καί μὴ γεωργεῖσθαι, μικρά μεν ἑπωφελεῖν πρὸς τούτο τὰ μέταλλα, δενδροτομούντων πρὸς τὴν καῦσιν τοῦ χαλκού καί τοῦ αργύρου, προσγενέσθαι δὲ καί την ναυπηγίαν των στόλων, ἤδη πλεομένης ἀδεῶς της θαλάττης καί μετὰ δυνάμεων.
61Elle subsiste cependant en de nombreux endroits, comme nous l’avons vu, sous forme de bois sacrés — ἄλση —, et, dans l’un des plus importants de ceux-ci, le dieu porte l’épithète dérivée de ύλη, ce qui confirme bien la “filiation”. Dans cette forêt vit l’animal qui sert souvent de gibier dans les rituels d’initiation, le cerf120 ; certes, il est attesté à un moment où il est protégé, dans le bois sacré de Kourion121, mais le témoignage d’Elien (N. A., XI, 7), que nous avons cité plus haut122, indique que l’on continuait à le chasser hors des limites de 1’ἄλσος proprement dit.
62Cette forêt fournit la source d’énergie nécessaire à la métallurgie, un art qui a sans doute longtemps fait partie de l’initiation, comme le suggère le rôle quasi universel du forgeron dans ce processus. Pour Chypre, il suffira de rappeler les données concernant Cinyras, Khalkènor, les Dactyles...
63Quant au panthéon de l’île, il comporte deux divinités principales, une déesse et un dieu, et c’est la déesse qui semble prédominer. A l’époque classique, la déesse porte le nom d’Aphrodite et le dieu celui d’Apollon, sauf dans la région de Marion, où c’est Zeus, comme en Crète, peut-être parce que la côte ouest a été plus directement influencée par l’autre grande île123. Mais ces noms ont certainement remplacé ceux de divinités préhelléniques, comme Γ indiquent par exemple la confusion d’Ariane et Aphrodite à Amathonte, ou la représentation probable de Velchanos à Marion.
64Un site au moins atteste de manière particulièrement frappante les liens entre ces di vers éléments ;c’est Kition124, où l’on trouve un sanctuaire qui a été plusieurs fois remanié, mais qui a toujours compris deux temples, un grand et un petit — ce qui indique l’association de deux divinités inégales — ; un quartier industriel, avec des fours pour la fonte du cuivre ; et enfin un jardin sacré, dont la création remonte au XIIIe siècle av. J. -C., ce qui en fait le plus ancien κήπος découvert à ce jour dans la région méditerranéenne125 : ce jardin était constitué par des fleurs ou des arbustes plantés dans des trous creusés dans le sol et reliés par des canaux d’irrigation126.
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65L’association étroite entre l’initiation, la métallurgie et la forêt — éventuellement réduite à un bois ou à un jardin sacré — amène à s’interroger sur le cas d’Héphaistos127.
66Sa légende classique présente en effet bien des motifs qui la rapprochent de celles des héros que nous avons déjà rencontrés : naissance illégitime128, expulsion du milieu familial129, ordalie par l’eau130, fosterage et initiation131, mariage132. Son initiation nous est présentée comme étroitement spécialisée en métallurgie, mais cette orientation univoque est probablement un effet de la limitation des fonctions de l’Héphaistos athénien. En tout cas, dans son “fief” même de Lemnos, il semble avoir eu d’autres pouvoirs, en particulier médicaux, en liaison avec les vertus curatives de la “Terre de Lemnos”133, que les prêtres ramassaient sur le Mosychlos134 et vendaient sous forme de cachets135 ; c’est pour se faire soigner par eux que Philoc tète avait été envoyé dans l’île, comme le précise Dictys le Crétois (2, 14) :
Neque multo post Philocteta cum paucis, uti curaretur, Lemnum insulam mittitur ; namque in ea sacra Vulcano autistes dei inhabitare ab accolis dicebatur solitos mederi aduersus uenena huiusmodi136.
67Le panthéon de Lemnos dans lequel Héphaistos est inséré apparaît comme très différent du panthéon grec classique, mais tout proche, en revanche, de celui de la Crète. Au sommet trône une Grande Déesse, qui porte le nom même de Lemnos137 d’après le témoignage d’Etiennede Byzance (s. v. Λήμνος, 413, 8 M) :
Λῆμνος νήσος πρὸς τᾗ Θράκη, δύο πόλεις ἔχουσα, Ήϕαιστίαν καὶ Μύριναν, ώς Εκαταῖος Ευρώπη.’Απὸ τής Μεγάλης λεγομένης Θεοῦ, ήν Λῆμνόν ϕασι.
68Une note d’Hippolyte (Réf. haeres, 5, 7, 4, p. 79 W) indique que cette déesse enfanta, apparemment sans partenaire masculin, un enfant nommé Cabire :
... Λήμνος καλλίπαιδα Κάβιρον ἀρρήτῳ ἐτέκνωσεν ὀργιασμῷ...
69Et cet enfant est entouré d’autres Cabires138, de même que le Grand Couros crétois est entouré d’autres Couroi ou Courètes. C’est à lui que s’identifie probablement Héphaistos, qui, dans les versions récentes données par Strabon (X, 3,21,472-473 C), d’après Acousilaos d’Argos (Γενεαλογίαι, FGH, 2 F 20 Jacoby) et Phérécyde d’Athènes (Ίστορίαι, FGH. 3 F 48 J), devient l’époux d’une Cabirô et le père ou le grand-père des autres Cabires, ainsi que de leurs partenaires féminines, les Nymphes Cabirides :
Άκουσίλαοςδ’ὁ Άργεῖος ἐκ Καβειροῦς καὶ’Ηφαίστου Κάδμιλον λέγει, <τού>του δὲ τρεις Καβείρους, οἷς <συγγενέσθαι τρεῖς> Νύμϕας Καβειρίδας Φερεκύδης δ’έξ’Απόλλωνος και’Ρητίας Κύρβαντας ἐννέα, οἰκῆσαι δ’αύτους ἐν Σαμοθρᾴκῃ έκ δὲ Καβειροῦ<ς> τής Πρωτέως και’Ηϕαίστου Καβείρους τρεις καὶ Νύμφας τρεις Καβειρίδας, ἑκατέροις δ’ἱερὰ γίνεσθαι. Μάλιστα μὲν οῦν έν Ἴμβρῳ καὶ Λήμνῳ τούς Καβείρους τιμᾶσθαι συμβέβηκεν, ἀλλὰ και έν Τροία κατά πόλεις τὰ δ’ονόματα αύτών ἐστι μυστικά.
70Quelques indices laissent supposer l’existence de rites d’initiation comparables à ceux de la Crète. Comme on vient de le voir, Hippolyte parle d’une “orgie secrète”, au cours de laquelle la Grande Déesse enfanterait le Cabire : l’expression suggère une cérémonie à huis clos139, comportant la mise en scène d’un simulacre d’accouchement140.
71Par ailleurs, Pline (N. H., 36, 90) évoque un “labyrinthe” qui aurait existé à Lemnos :
Et de Cretico labyrintho satis dictum est. Lemnius similis illi columnis tantum CL memorabilior fuit, quarum in officina turbines ita librati pependerunt, ut puero circumagente tornarentur. Architecti fecere Zmilis et Rhoecus et Theodoras indigenae.
72Certes, on a mis en doute cette affirmation, et pensé à une confusion avec l’Héraion de Samos141, qui était aussi surnommé “Labyrinthe”142 ; de fait deux des architectes, donnés comme des “indigènes” de Lemnos, Rhoikos et Theodoros, étaient en réalité des Samiens143. Mais à vrai dire Lemnos a bien pu avoir une légende de labyrinthe à défaut d’un labyrinthe réel : le plus fameux des labyrinthes, celui de Cnosos144, n’est-il pas lui-même d’existence incertaine145
73Quoi qu’il en soit de ce dernier point, il reste vraisemblable que des rituels d’initiation146ont bien existé à Lemnos147, sous le patronage de la Grande Déesse locale, également appelée Lemnos, et de son parèdre, Cabire ou Héphaistos148. Et celui-ci est précisément le titulaire d’un bois sacré entourant sa forge : lorsqu’Accius, dans sa pièce Philoctetes — dont Vairon (L. L., 7, 11) a conservé quelques vers —, évoque le séjour d’Héphaistos à Lemnos, il parle à plusieurs reprises de ce bois, en utilisant divers mots — et c’est justement pour cela que Varron le cite. On a ainsi nemus (Phil., fr. 536-538 Warmington) :
Νemus expirante uapore uides, uncle ignis cluet mortalibus <clam> diuisus,
74un locos qu’il faut peut-être lire lucos (Phil., fr. 533-535 W) :
Volcania <iam> tempia sub ipsis
collibus, in quos delatus l ο c ο s
dicitur alto ab limine caeli
75et surtout tesca (Phil., fr. 557-558 W) :
Quis tu es mortalis, qui in deserta et tesca te [adportes loca149
76mot sabin selon un scholiaste d’Horace150, que Varron (L. L.,1, 10) définit ainsi :...
…loca quaedam agre stia, quae alicui us dei sunt, dicuntur tesca151.
77On peut peut-être y joindre les siluestres saepes qui apparaissent dans un distique, conservé par Cicéron (N. D., 1, 119) et attribué parfois à la même pièce (fr. 531-532 W) :
nocturno aditu occulta coluntur siluestrib u s s ae p i b u s densa152.
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78En dehors de Lemnos153, le seul lieu de culte important d’Héphaistos, c’est Athènes154. On a en général l’impression qu’il est, dans la cité classique, un dieu relativement secondaire, simple protecteur des artisans des métiers du feu. Et pourtant quelques détails témoignent d’une plus grande importance passée.
79Ainsi lorsque Platon évoque, dans le Critias (109 cd), le partage du monde entre les dieux, il attribue à Héphaistos et à Athéna une souveraineté conjointe sur Athènes :
Αλλοι μεν οῦν κατ’ἄλλους τόπους κληρουχήσαντες θεῶν εκείνα έκόσμουν, Ηφαιστος δὲ κοινήν και’Αθηνᾶ φύσιν ἔχοντες, ἅμα μὲν αδελφή ν έκ ταὐτοῦ πατρός, άμα δὲ φιλοσοφία φιλοτεχνίᾳ τε ἐπὶ τὰ αὐτὰ έλθόντες, οὕτω μίαν άμφω λῆξιν τήνδε τὴν χώραν εἰλήχατον ώς οίκείαν καί πρόσφο-ρον ἀρετῇ καί φρονήσει πεϕυκυῖαν, άνδρας δὲ ἀγαθοὺς ἐμποιήσαντες αὐτόχθονας ἐπὶ νοῦν έθεσαν τήν πολιτείας τάξιν.
80ce qui met le dieu sur un pied d’égalité avec la déesse poliade et éponyme. Mieux encore, un peu plus loin (Critias, 112 b), il assigne aux deux divinités un temple commun sur Γ Acropole, autour duquel ne vivent que les guerriers, tandis que les cultivateurs et les artisans sont au pied de la colline :
Ώικεῖτο δέ τὰ μέν έξωμεν, ὑπ’αύτα τὰ πλάγια αὐτῆς, ὑπὸ τῶν δημιουργών καί τών γεωργών ὅσοι πλησίον ἐγεώργουν τά δ’ἐπάνω τὸ μάχιμον αυτό καθ’αὑτὸ μόνον γένος περί τό τής’Αθηνᾶς Ηϕαίστου τεἱερὸν κατωκήκειν, οἷον μιας οικίας κῆπον ἑνὶ περιβάλω προσπεριβεβλημένοι.
81Dans cette conception, Héphaistos n’est évidemment pas du tout le dieu des artisans, c’est un dieu souverain. Et l’on notera que Platon emploie une expression remarquable pour décrire le τέμενος commun aux deux dieux, entouré d’“une seule clôture”—ἑνὶ περιβόλῳ—, comme le “jardin” — κῆπος — d’une seule maison : cela ne sonne-t-il pas comme une référence, plus ou moins consciente, à un jardin sacré ?155
82N’y aurait-il là que le fruit de l’imagination d’un philosophe-poète ? Rien n’est moins sûr. Il est de fait qu’à Athènes, Héphaistos et Athéna sont étroitement associés156 ; ils ont au moins deux fêtes communes, qui portent chacune le nom de l’un des deux, mais auxquelles l’autre participe : les Ήφαίστια157 et les’Αθήναια — appelées aussi Χαλκεία158.
83En ce qui concerne les lieux de culte, le plus ancien autel d’Héphaistos se trouvait dans 1’Erechthéion159, le vénérable sanctuaire de l’Acropole qui conservait le souvenir du triomphe d’Athéna sur Poséidon pour la suprématie religieuse en Attique — ce qui donne un fondement réel à la reconstitution de Platon160.
84Mais le temple le plus important des deux divinités associées, c’est celui du quartier du Céramique, cet “Héphaistéion” du Κολωνὸς’Αγοραῖος qui a si longtemps passé pour un “Théséion” en raison du décor de ses métopes161. C’est bien à lui que s’applique la notice de Pausanias (I, 14, 6) indiquant que la déesse y avait une statue à côté de celle du dieu :
’Υπὲρ δὲ τὸν Κεραμεικὸν και Στοὰν τὴν καλουμένην Βασίλειον ναός ἐστιν’Ηϕαίστου. Καί ὅτι μεν ἄγαλμά οἱ παρέστηκεν’Αθηνᾶς, ούδεν θαῦμα ἑποιούμην τὸν ἐπὶ Έριχθονίῳ ἐπιστάμενος λόγον162.
85et c’est certainement dans ce temple qu’elle portait l’épithète d’Hϕαιστία163.
86Or ce sanctuaire est également remarquable pour deux autres raisons : c’est à son pourtour qu’ont été découverts les plus anciens ateliers métallurgiques de cette zone164, qui a toujours été celle des artisans du feu ; et c’est là aussi que l’on a trouvé, creusés dans le sol, en alignements parallèles au côté sud, des trous contenant des pots, dans lesquels étaient plantés des arbustes arrosés par des canaux d’irrigation et formant un jardin sacré165.
87On retrouve ainsi, à plusieurs siècles de distance, une structure qui rappelle celle de Kition, l’association du culte d’un couple de divinités souveraines avec des ateliers métallurgiques et un jardin sacré. Est-ce ce jardin qui a inspiré à Platon son image du κῆπος ? Il est bien difficile de répondre, car, d’après les archéologues, ce jardin ne daterait que du début du IIP siècle av. J. -C166. mais il est possible qu’il ait remplacé autre chose, ou qu’il reproduise un ensemble ayant existé ailleurs. En tout cas, ce jardin ne peut pas se justifier par la seule activité artisanale d’Héphaistos et d’Athéna167 ; en revanche, il pourrait bien être le dernier avatar de la forêt initiatique, que nous avons déjà vue réduite à Lemnos à un simple nemus entourant le séjour du dieu forgeron168.
88Et s’il y a bien un lien entre ce jardin et des rites d’initiation remontant à la plus haute antiquité, cela ne permet-il pas de comprendre le choix, pour le programme décoratif du temple, des exploits de Thésée169, un héros qui paraît n’avoir aucun lien particulier avec Héphaistos170, mais qui est, pour les Athéniens, l’initié-type selon le rituel crétois ?
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89Au terme de ce périple des silves de l’Italie centrale au κήπος du Kolônos Agoraios, nous ne prétendons évidemment pas avoir fourni une clé permettant d’expliquer la présence et la finalité de tous les luci ou ἄλση. Nous sommes au contraire tout a fait conscient de la nécessité de distinguer des catégories différentes comme, par exemple, celle des bois sacrés oraculaires. Mais il nous semble que, parmi ces catégories, doit trouver place celle que nous avons essayé de mettre en évidence. Nous croyons que, dans certains cas, le bois ou le jardin sacré représente la réduction, dans un monde plus civilisé, plus urbanisé, de la forêt où les populations plus anciennes pratiquaient leurs initiations.
90Ces populations sont, selon nous, à situer chronologiquement très haut : en Crète, à Chypre, à Lemnos et sans doute à Athènes, avant l’arrivée des Achéens ; en Italie, à cette époque plus ou moins mythique des Pélasges, dont les traditions religieuses sont perpétuées par les Étrusques. Mais la venue des Hellènes d’un côté, des populations italiques de l’autre n’a pas détruit ces usages-dont on retrouve des traces jusqu’à des dates très tardives ; simplement la forêt s’est réduite à un bois ou à un jardin, mais on n’a pas oublié les rites, dont ces espaces consacrés avaient justement pour but de perpétuer le souvenir.
91M. Michel Lejeune, président de séance, nous a fourni de précieuses indications, dont nous tenons à le remercier.
Notes de bas de page
1 Pour le rapprochement silua / ὕλη — refusé par les modernes (cf. H. Frisk. Griechisches Etymologisches Wörterbuch. II. Heidelberg, 1970..v. v. ὕλη, 962-963 ; P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots. IV, 1. Paris, 1977, s. v. ὕλη, 962- — cf. e. g. Fest., s. v. suppum, 370, 20, L.
2 Ovide (F.. IV, 39-42) fait de Silvius le fils d’Ascagne, comme Tite-Live, mais il lui donne comme prénom Postumus, ce qui renvoie en fait à la version où il est le fils d’Énée (cf. la note suivante).
3 Siluius, Albanum nomen, tua postuma proles, /quem tibi longaeuo serum Lauinia coniunx/educet siluis regem regumque parentem,/unde genus Longa nostrum dominabitur Alba. - Sur le sens de postuma, cf. e. g., Gell., Ν. Α., II, 16, 1-7 ;Serv., Aen., VI, 763.
4 S i l u isunt appellati Albani reges, a Lauiniaefilio, quem post excessum Aeneae grauida relicta, timens periculum et suae vitae et eius. quem utero gerebat, in siluis latens, enixa est. Qui restitutus in regnum est post mortem Ascani, praelatus litio fratris filio. cum inter eos de regno ambigeretur.
5 D’après Caton (Orig., I, fr. 11, 3-6 Chassignet/Peter2) : Cuius (sc. Ascanii) Lauinia timens insidias, grauida confugit ad situas et latuit in casa pastoris Tyrrhi... et illic enixa est Siluium. Sed cum Ascanius flagraret inuidia, euocauit nouercam et ei concessit Laurolauinium, sibi nero Albani constituit. Qui quoniam sine liberis periit, Siluio, qui et ipse Ascanius dictus est, suum reliquit imperium : unde apud Liuium est error, qui Ascanius Albam condiderit. Postea Albani omnes reges Siluii dicti sunt ab huius nomine... (cf. D. -Serv., Aen.. 1,270 ; Myth. Vat.,I, 199 Kulcsór). Voir encore Ps. -Aur. Vict.. Orig., 16-17.
6 Cf. e. g. G. Binder, Die Aussetzung des Königskindes. Kyros und Romulus. Mesenheim am Glan, 1964 (Beitrage zur klassischer Philologie, 10), 156-157, § 42 ; A. Alföldi, Die Struktur des voretruskischen Romerstaates.Heidelberg, 1974 (Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften, NF, 1, 5), 1 10 ; 115 ; 126.
7 Cf. e.g. Liv., I, 3, 11 ; 4. 7 ; D.H., I, 76. 3 ; 79, 10 ; Plut., Rom., 3-4. Sur la légende de Romulus en général, v. notamment C. J. Classen, Romulus in der römischen Republik. Philologus, 106, 1962, 174-204 ; Id., Zur Herkunft der Sage von Romulus und Remus. Historia, 12, 1963, 447-457 ; G. Binder, op. cit.à la n. 6, 78-95 ; 153, § 38.
8 Selon Denys d’Halicarnasse, I, 84, 3, Faustulus avait un frère, Faustinus, qui s’occupa également des enfants (cf. Plut., Rom., 10,2, où le nom est corrompu en Πλειστῖνος).
9 Cf. surtout Serv., Aen., VII, 678 — et aussi Verg., Aen., VII, 678-681 avec Schol. Ver. in Aen., VII, 681 ; Solin., 2, 9. Sur ce personnage, v. F. Müller, De Caeculo Praenestis conditore. Mnemosyne, N. S., 58, 1938, 89-93 ; A. Brelich, Tre variazioni romane sul tema delle origini. Rome, 1955 ; 2e éd., Rome, 1976, 17-55 ; G. Binder, op. cit.à la n. 6, 30-31 ; 154, § 39 ; et en dernier lieu L. Deschamps, Caeculus. In : Hommages à Henri Le Bonniec. Res Sacrae. Bruxelles, 1988 (Coll. Latomus, 201), 144-157.
10 Il s’agit d’une forêt d’yeuses, comme cela ressort d’une précision de Serv., Aen., VII, 678, qui explique ainsi le nom de la cité de Préneste : Praeneste locus est haud longe ab Vrbe, dictus ἀπὸ τῶν πρίνων, id est ab ilicibus, quae illic abundant.
11 Cf. Varr., Marius, fr. 1 Riese = ap. Schol. Ver. in Aen., VII, 681 : Hunc (sc.Caeculum)Varro ab Depidiis pastoribus education ipsique Depidio nomen fuisse <et datum cognom> entum Caeculo <tradit> libro, qui inscr<ibitur Marius aut de fortuna>.
12 Cf. Verg., Aen., VII, 485-486 : Tyrrhusquepater, cui regia parent /armenta. Denys d’Halicarnasse, I, 70, 2 en fait un porcher, comme pour Faustulus (I, 79, 9, d’après Fabius Pictor ; cf. Plut., Rom., 6, 1 : συΦορβός) qui, ailleurs, est également un berger : cf. Liv.. I, 4, 6 : magister regii pecoris.
13 Ou Tyrrhus chez Verg., Aen., VII, 485. Servius, Aen., VI, 760 ; VII, 484, confirme qu’il s’agit bien du même personnage (cf. Schol. Ver. in Aen., VII, 485 et aussi Ps. -Aur. Vict., Orig., 16, 1 ; 5 ; Myth. Vat., I, 199 K).
14 En outre, ce roi consulte un oracle de Téthys ἐν Τυρρηνίᾳ et le serviteur qu’il charge de faire disparaître les nouveau-nés se nomme Tératius.
15 Comme l’indique le matériel trouvé dans plusieurs tombes — Barberini, Castellani et Bernardini, du VIIe s. av. J. -C. — et aujourd’hui dispersé dans divers musées ; cf. e. g. H. Besig, s. v. Praeneste, in RE, S VIII, 1956, 1241-1260 (c. 1257).
16 Le seul garant explicite est ici le Ps. -Plut., Par. min., 41, 316 ab ; en fait, il s’agit probablement d’une confusion, car Télégone est traditionnellement le fondateur de Τusculum (cf. Fest., s·. v. Mamiliorum, 16, 7 L ; Hor., Od., III, 29, 6-3 ; Stat., Silu., I, 3, 83 ; Sil. Ital., XII. 535).
17 Cf. Zénodote de Trézène, FGH, 821 F 1 Jacoby = ap.Solin., 2,9 ; Mart. Cap., VI, 642 ; Steph. Byz, S. V. Πραίνεστος, 533, 26 M.
18 Cf. le répertoire de G. Binder, Die Aussetzung des Konigskindes. Kyros und Romulus. Mesenheim am Glan, 1964 (Beiträge zur klassischer Philologie, 10), qui recense cent vingt et un exemples.
19 Cf. aussi Paus., X, 12. 7 ; Theocr., XVII, 9.
20 Y compris au sens de “bois de construction” (Herod., V, 23).
21 Cf. A. Alfoldi, Königsweihe und Männerbund bei den Achamenid.In : Heimat und Humanität. Festschrift fur Κ. Meuli zum 60.Geburtstag. Bâle, 1951 (Schweizer. Archiv fur Volkskunde, 47), 11-16 ; G. Windengren, La légende royale de l’Iran antique. In : Hommages à Georges Dumézil Bruxelles, 1960 (Coll. Latomus, 45), 225-237 ; G. Binder, Die Aussetzung des Konigskindes. Kyros und Romulus. Mesenheim am Glan, 1964 (Beitrage zur klassischer Philologie, 10), 17-28 ; 175, § 59.
22 Cf. aussi Hesych., s. v. Ἴδη, I, 184 L.
23 Les poètes latins semblent connaître parfaitement le sens du mot, car le nom de l’un ou l’autre Ida attire presque automatiquement la mention de forêts ; cf. e. g. pour l’Ida phrygien, Verg.,Aen., III, 1 11-1 12 : Hinc mater cultrix Cybeli Corybantiaque aera/Idaeumque nemus... ; pour l’Ida crétois, Ον., F., V, 115-116 : Nais Amalthea, Cretae nobilis Ida,/dicitur in s i luis occuluisse louem.
24 Cf. Quint. Sm., XII, 122-132 ; Triphiod., 59-60 ; Apollod., Epit., 5, 14 ; et aussi Petr., Sat., 89, 4-6 ; Stat., Silu., I, 1, 10 ; I, 2, 214.
25 Cf. Verg., Aen., III, 6 ; IX, 80-81 (cf. IX, 112 ; X, 230) ; une représentation du mont Ida domine la poupe du navire d’Énée : Verg., Aen., X, 158.
26 Cf. Eur„Hec., 629-637 ; Triphiod., 60-61 ; Collouth., 195-198 ; et aussi Ον., Her., 16, 107-110.
27 Cf. la description de l’île par Strabon, X, 4, 4, 475 C :Ἔστιδ’ορεινήκαὶδασείαήνήσος, ἔχειδ’αύλῶναςεὐκάρπους ; pour l’Ida au IVe s. av. J. -C., cf. Plat., Leg., I, 625 b.
28 C’est aux Dactyles de l’Ida qu’est attribuée l’invention de la métallurgie (cf. infra, n. 41).
29 Cf. e. g. P. Faure, Fonctions des cavernes crétoises. Paris, 1964 (Ecole Française d’Athènes. Travaux et mémoires des anciens membres étrangers de l’Ecole et de divers savants, 14), 36-37 ; 118, n. 4 ; La vie quotidienne en Crète au temps de Minos (1500 avant Jésus-Christ).Paris, 1973, 57-61.
30 Cf. Verg., Aen., V, 252-254.
31 Cf. Ον., Met., IV, 288-291.
32 Cf. Ov., Met., XI, 761-766.
33 Cf. Apollod., Bibl., III, 12, 5,4. C’est le seul personnage de cette liste que l’on trouve cité par G. Binder, Die Aussetzung des Konigskindes. Kyros undRomulus. Mesenheim am Glan, 1964 (Beiträge zur klassischer Philologie, 10), 144-145, § 27.
34 Cf. Hom., Il., II, 819-821 ;Hymn. Ven., 255-273 ; Hes., Th., 1008- 1008-1010 ; Verg., Aen.,, 285-286.
35 Cf. Verg., Aen., IX, 176-178.
36 Cf. Verg., Aen., IX, 672-674.
37 O. Jessen, s. v. Idaios, in RE, IX, 1916, 1192-1193, en recense six rattachés à l’Ida phrygien ; parmi eux on retiendra surtout le héraut et aurige de Priam (Hom., Il., III, 248 ; VII, 276 ; 381 ; XXIV, 325 ; 470 ; Hesych., s. v Ίδαiος, I, 159 L) et le fils de Darès, prêtre d’Héphaistos, sauvé par le dieu devant Diomède (Hom., Il., V, 9-26 ; Hesych., l. c.) ; sur ce dernier, cf. H. Miihlestein, Homerische Namenstudien. Francfort, 1987 (Beitrage zur klassischen Philologie, 183), 28-31.
38 On remarquera que c’est son nom,’Ρέα = Rhea, qui sera donné à Rome à la mère de Romulus, accompagné de Siluia, équivalent de l’épithète, ce qui confirme le lien entre les deux légendes (cf. A. Rosenberg, s. v. Rea Silvia, in RE, I A, 1914, 341-345 [c. 343]).
39 Les mythographes postérieurs (cf. Didyme, ap. Lact., Inst. Diu., I, 22, 19-20) les transformeront en nymphes — Amalthée, Mélissa —, selon un processus de “rationalisation” que l’on retrouve ébauché à Rome avec la version qui faisait de la louve une prostituée (cf. Liv.. I, 4, 7 ; D. H.. I. 84, 4 ; Plut., Rom., 4, 3-4).
40 Cf. Hyg., Fab., 139. Pour Romulus, c’est la ficus Ruminalis (cf. Varr., ap. Fest., s. v. Romulum, 326,24L ; s. v. <Ruminalemficum>, 332, L [et Paul., s. v. Ruminalis, 333,4 L] ; Liv., I,4,5 ; Plut., Rom., 4, 1 ; Fort. Rom., 8, 320 d ; Plin., N. H.,XV, 77 ; Rumina ficus chez Ον., F., II, 412).
41 Cf. Hes., Ίδαîοι Δάκτυλοι, fr. 282 MW = ap.Plin., N. H., VII, 197 ; Diod. Sic., V, 64, 5 ; Schol., in Ap. Rh., Arg., I, 1129 ; Eust., in Horn., Il., II, 821 = 353, 19. Le passage de Strabon, X, 3, 22, 473 C est ambigu, mais le texte de Démétrios de Skepsis (fr. 61 G) qu’il résume se référait certainement à l’Ida phrygien.
42 Cf. Callim., H. Iou., 52-54 ; Strab., X, 3, 11,468 C ; Diod. Sic., V, 65, 4 ; Lucr., II, 633-639 ; Verg., G., IV, 149-152 ;Ον., F., IV, 207-210 ; Hyg., Fab., 139 ; Serv., Aen., III, 104 ; Myth. Vat., I, 103 Κ ;II, 26 Κ.
43 Selon Diodore de Sicile, V, 65, 2, ce sont eux qui ont formé les premiers troupeaux et inventé l’apiculture. Des inscriptions (IC, I, 25, 31, 7 ; 31, 8) attestent qu’on demandait leur protection pour les troupeaux.
44 Sur ce texte (IC, III, 2, 2), cf. en dernier lieu M. L. West, The Dictaean Hymn to the Kouros. JHS, 85, 1965, 149-159 (avec une traduction anglaise) ; H. Verbruggen, Le Zeus Crétois. Paris, 1981, 101-111 (avec une traduction française).
45 Cf. ce passage — le seul à peu près certain — de la cinquième strophe (v. 24-25) :... και θόρ’εὔποκ’ἐ[ςποίμνια/κἐςλάï]α καρπών θόρε...
46 Selon Diodore de Sicile, V, 70, 6, seule source sur ce point : Άνδρωθέντα δ’αὐτόν ϕασι πρώτον πόλιν κτίσαι περὶ τήν Δίκ-ταν, όπου και τὴν γένεσιν αυτού γενέσθαι μυθολογοῦσιν ᾗς ἐκλειϕθείσης έν τοις ὕστερον χρόνοις διαμένειν ἔτι και νῦν έρματα τών θεμελίων. Pour une localisation possible au sommet du mont Αγιος’Ηλίας, qui domine Praisos au sud-est, et où subsistent, au lieu-dit Κόπια, des ruines du IIe millénaire av. J. -C., cf. P. Faure, Nouvelles recherches de spéléologie et de topographie crétoises. BCH, 84, 1960, 189-220 (194-196).
47 Selon Lydus, Mens., 4, 67, p. 122, 1 W, qui en fait la mère du Dactyle Héraclès, fondateur des Jeux Olympiques (cf. Diod. Sic., V, 64, 6-7 ; Plut., Th., 25, 5 ; Paus., V, 7, 6-9) ; selon Apollonios de Rhodes, Arg., I, 1129-1131, elle aurait fait naître les Dactyles de la poussière de l’Ida ; selon Servius, Buc., I, 65 (d’après Philistènes ou Philistides, FGH, 11 F 4 Jacoby), elle se serait unie à Apollon pour enfanter Oaxes, le fondateur d’Axos (sur cette “concurrence” entre Zeus et Apollon, cf. notre communication : L’oracle de l’Ida crétois. In : Oracles et mantique en Grèce ancienne. Actes du colloque de Liège (1989). Kernos, 3,1990, 89-101). Zeus se serait également uni à Ida, mère de Crès (Steph. Byz., s. v. Κρήτη, 384, 1 M), de Minos (Diod. Sic., IV, 60, 3) et aussi des Dactyles (Stésimbrote, Περὶ Τελετών, FGH, 107 F 12a Jacoby = ap. Etym. Magn., s. ν. Ἰδαίος, 465, 33 ; Phérécyde, Ἱστορίαι, FGH, 3F47 J et Mnaseas, Περιήγησις, II (’Aσία), 1, fr. 26.FHG, III, 154 Müller = ap. Schol. in Ap. Rh., Arg., I, 1129).
48 Etienne de Byzance cite plusieurs cités crétoises ayant pour éponyme un Courète, qu’elles devaient revendiquer comme fondateur : ainsi Βίεννος (s. v., 168, 16 M), Έλευθεραί (s. v., 265, 10 M ; cf. s. v. Αωρος, 154, 3 M) ou Έλεύθερνα (s. v., 266, 5 M), Ίτανός (s. v., 341, 21 M), Κύρβα, devenue ensuite’Ιεράπυτνα (s. v., 328, 4 M) ; cf. Strab., X, 3, 19, 472C). Diodore (V, 60, 2-3) mentionne cinq courètes fondateurs de villes en Chersonèse de Carie.
49 Cf. Max. Tyr., Phil, X, 1 (allusion dans Orai., XXXVII, 1). L’antre n’est pas identifié chez Plin., N. H., VII, 175 ; Paus., I, 14, 4 ; Diog. Laert., I, 109.
50 Cf. Porph., V. Pyth., 17. Selon Diogène Laerce, VIII, 3, et Apulée, Flor., XV, 20, c’est Epiménide qui l’aurait initié. Il aurait épousé une crétoise, Théano (Porph., V. Pyth., 4 ; Souda,. s. v. Θεανώ, 0, 84 A) et se serait fait aménager à Samos une grotte sur le modèle de celle de Zeus (Iambl., V. Pyth., V, 25-27). Le début de son nom — ΠΕΙΘΑΓ — a été retrouvé gravé dans une caverne près d’Axos (IC, II, 5, 38) et M. Guarducci (ad loc., p. 77) pense qu’il a pu être écrit par lui-même.
51 Cf. P. Faure, Fonctions des cavernes crétoises. Paris, 1964 (Ecole Fr. d’Athènes. Travaux et mémoires des anciens membres étrangers de l’Ecole et de divers savants, 14), 100-104 (notamment p. 103, n. 6).
52 Une description détaillée du système d’initiation crétois nous est fournie par un passage d’Ephore, Hist., 4 = FGH, 70 F 149 Jacoby, conservé par Strabon, X, 4,20-21,482-483 C (cf. le fragment d’Aristote, Pol. Cret., 374 Rose = ap. Heracl. Lamb., Exc. Pol., 15 Dilts ; Hesych., s. ν.ἀγελάους, A, 432 L).
53 Cf. Eph., Hist., 4 = FGH, 70 F 149 J = ap.Strab., X, 4, 21,483 C.
54 Comme dans le système classique des άγέλαι, la chasse joue un rôle important dans la formation du jeune κλεινός, qui, du reste, la pratique en compagnie de ses camarades.
55 Le nom de Δίκτη, porté par le massif qui domine Palaikastro, à l’est de l’île (Strab., X, 4, 12,478 C [cf. X, 4,6,475 C] ; Ptolem., III, 15, 6) est en fait un nom commun qui désigne la “montagne sacrée” (<*δiF-(α)κτη, cf. P. Faure, op. cit. à la n. 51, 99). Cela explique que des confusions se soient produites avec d’autres “montagnes sacrées”, aussi bien l’Ida (Ap. Rh., Arg., I, 1129-1 131 ; Arat., Phaen., 33) que le Tityros (auj. Rhodopou), où s’élevait le sanctuaire de Dictynna, à l’ouest (Callim., H. Dian., 197-200 ; Steph. Byz., s. v. Δίκτη, 231, 3 M) — comme le remarque déjà Strabon, X, 4, 12, 478-479 C. L’épithète Δικταί ος semble attestée pour Zeus dès Γ époque mycénienne (tablette KN Fp 1 : di - ka-ta-jo/di-we - Δικταίῳ ΔιFί [ ?]).
56 Cf. Αp. Rh., Arg., I, 1129-1131 — et notre communication : L’oracle de l’Ida crétois (citée n. 47). Selon Etienne de Byzance, s. v. Ὄαξος, 482, 10 M, et Hérodien, Pros. cath., VII, 186, 19 L, le mot désigne — en crétois ? — un “lieu escarpé” et équivaut au terme ἀγμὸς de la koinè ; selon Hésychius, s. v. ἄξος, A, 5639 L, il signifie “forêt” en... macédonien. On retrouve ainsi — avec une spécification dialectale un peu curieuse — les deux éléments constitutifs de la définition de l’ἴδα : une montagne portant une forêt.
57 Cf. Strab., X, 4, 4, 475 C. De fait, comme le note [G. Rizza,] V. Santa Maria Scrinari, Il santuario sull’acropoli di Cortina. I. Rome, 1968 (MonoScuolaArchAtene, 2), 53-54, les principaux temples de ces Etats sont orientés vers l’Ida, c’est-à-dire vers le sud pour le sanctuaire des doubles haches de Cnosos, vers le nord pour celui de l’acropole de Gortyne et celui d’Haghia Triada — une dépendance de Phaistos —, consacré au dieu Velchanos comme l’indiquent les tuiles votives portant son nom (IC, I, 23, 5).
58 Cf. Plat.,Leg., I,624a-625 b ; Ps. -Plat., Minos, 319 be ; Eph.,Hist., 4 = FGH, 70 F 147 Jacoby = ap. Strab., X, 4,8,476 C ; Nic. Dam., FGH, 90 F 103 aa 1 J = ap. Stob., IV, 2, 25 ; Max. Tyr., Orat., XXXVIII, 2 c ; Val. Max.. I, 2, ext. 1..Il y a déjà une allusion à cette tradition chez Homère, Od., XIX, 178-179.
59 IC, IV, 80, 1-3 ; 146, 6-7. Cf. Hesych., s. v. Έκατόμβαιος, E, 1270 L.
60 Cf. J. N. Svoronos, Numismatique de la Crète ancienne, accompagnée de l’Histoire, la Géographie et la Mythologie de l’Ile. I. Description des monnaies, Histoire et géographie. Mâcon, 1890 [réimpr. Bonn, 1972], s. v. Phaestos, 259-260, nos 29-31 (= pl. XXIII, 24-26) ; G. Le Rider, Monnaies crétoises du Ve au Ier siècle av. J. -C. Paris, 1966 (Études crétoises, 15), 91, n™. 38-40 (= pl. XXII, 20-24).
61 La confusion de Γ et F est fréquente chez Hésychius (cf. liste ap. H. L. Ahrens, De Graecae linguae dialectis. Gottingen, 1839-1843, IL 52-56 — qui omet Γελχάνος). Pour la fin du lemme, le ms. porte π κρισίῳ ; la correction est de L. Kuster et J. V. Perger (cités par I. Alberti éd., Leyde, 1746, ad loc.) et elle est acceptée par tous les éditeurs modernes (cf. K. Latte éd., Lexicon. I : Α-Δ. Copenhague, 1953).
62 Cf. D. H., IV, 2, 1-3 ;Ον., F., VI, 625-634 ; Plut., Fort. Rom., 10, 323 bc ; Plin., N. H., XXXVI, 204 ; Arn., Nat., V, 18.
63 Cf. Liv., I,32,3 : Puerum liberum loco coeptum haberi erudirique artibus quibus ingenia ad magnae fortunaeexcitantur.
64 Cette étymologie, proposée par W. Corssen, Kritische Beitrage zur lateinischen Formenlehre. Leipzig, 1863, 475, est unanimement acceptée. Cependant R. Peter, s. V. Ocrisia oder Ocresia, ap. W. H. Roscher éd., Ausfürliches Lexicon der griechischen und römischen Mythologie, III, 1. Leipzig, 1897-1902, 599-600 (c. 600), propose comme interprétation du nom propre : “Burgjungfrau” ou “Burgfrau”, ce que E. Marbach, s. v. Ocrisia, in RE, XVII, 2, 1937, 1781-1786 (c. 1786) trouve « nicht übel ». A notre avis, ce serait plutôt : “Berg(jung)frau” (cf. infra).
65 Cf. Liv., I, 40, 2 ;41, 1.
66 Cf. Liv., I, 5, 3-6, 2 ; D. H., I, 79, 12-81, 2 ; Plut., Rom., 7, 1-4.
67 Sur les raisons et les modalités de l’application du schéma mythique du premier roi à celui qui n’est que le sixième roi de Rome, cf. notre communication : Servius Tullius et le mythe du premier roi. In : Mythe et Politique. Actes du colloque de Liège (1989). Paris, 1991 (Bibl. Fac. Phil. Lett. Univ. Liège, 257), 45-74.
68 Cf. H. Lévy-Bruhl, Esquisse d’une théorie sociologique de l’esclavage à Rome. RGDL, 55,1931, 1 -17, résumé dans Esclavage. RS. 52 [à corriger en 511, 1931, 1, 204-209 ; J. Vendryes, A propos de lat. s e r u ο s. BSL, 36, 1935, 124-130 ; et notre communication : Le nom de Servius Tullius. In : La Rome des premiers siècles. Légende et histoire. Actes de la table ronde en l’honneur de Massimo Pallottino (Paris, 1990). Florence, 1992 (Biblioteca di “Studi Etruschi”, 24), 47-67.
69 Cf. e. g. D. H., IV, 1, 3.
70 On peut rappeler que J.G. Cuno, Etruskische Studien. NJPhP,107, 1873, 649-695 (p. 669, n. 17), avait proposé de relier Seruius à Siluius par l’intermédiaire du théonyme ombrien Çerfo, Çerfio, Serfe. S’il est difficile d’admettre la parenté étymologique — réfutée par C. Pascal, La leggenda latinae la leggenda etrusca di Servio Tullio. AAT, 32,1896-1897,760-774 (p. 769) —, le rapprochement sémantique nous semble en revanche tout à fait plausible.
71 Sur cette déesse, cf. P. Aebischer, Le culte de Feronia et le genti lice Feronius. RBPh, 13, 1934,5-23 ; R. Bloch et G. Foti, Nouvelles dédicaces archaïques à la déesse Feronia. RPh, 3e s., 27 (79), 1953, 65-77 ; G. Dumézil, La religion romaine archaïque, avec un appendice sur La religion des Étrusques. Paris, 1966, 402-409 ; 2e éd., Paris, 1974 [réimpr. Paris, 1987], 416-422 (l’article annoncé dans la première édition, p. 403, n. 1, n’a jamais paru).
72 <i. -e. *ghwer-. Le nom de la déesse a un e long, comme le mot grec, alors que ferus aune bref, considéré comme secondaire (cf. A. Ernout, A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots. 4e éd., Paris, 1959 [4e tir. Paris, 1985], s. v. férus, 230 ; P. Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots. Paris, 1970, s. v. θήρ, 435-436 [p. 436]) ; on peut donc penser qu’il a été emprunté à un parler italique, sans doute le sabin, où le e long s’était conservé. M. Torelli, Etruria. Bari, 1980 (Guide Archeologiche Laterza, 3), 30, interprète Féronia comme « la dea sabina degli animali ».
73 Sur la validité et le sens de l’assimilation de Féronia à luna uirgo — confirmée par une inscription de Villanuova (CIL, V, 412 ; auj. au musée de Vérone, n° inv. 549) —, cf. J. Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain des origines à César. I : Fortuna dans la religion archaïque. Rome, 1982 (Coll. EFR, 64), 112 et n. 502.
74 Une statue de Zeus imberbe se serait trouvée dans le sanctuaire du Dicté (cf. Etym. Magn., s. v. Δίκτη, 276, 1 ; Zonar., Lex., s. v. Δίκτη, 520, 1).
75 Ce passage est la seule source réelle sur le personnage, car les commentaires de Lydus, Mens.. I,11, p. 2,24 W, de Servius, Aen., VIII, 564 et de son interpolateur dans l’édition de G. Fabricius (Bâle, 1551), Aen., VIII, 562, ne sont que des paraphrases du texte virgilien. Cela ne signifie pas nécessairement qu’Erylus soit une création du poète, car il s’insère mal dans sa chronologie : en effet, comment ce roi de Préneste aurait-il pu être tué par Evandre dans sa jeunesse, alors que celui-ci est, dans sa vieillesse, contemporain de Caeculus, fondateur de la cité ? Mais peut-être a-t-il été influencé par l’ancêtre des Ausoniens, Marès, doté d’un corps de centaure et de trois vies selon le Prénestin Elien, Var : hist., IX, 16.
76 Pour expier les prodiges de 217 av. J. -C., il est prescrit, entre autres, que les matrones apportent des offrandes à Junon Reine sur l’Aventin, et les affranchies à Féronia (Liv., XXII, 1, 17-18).
77 Elle est cependant titulaire à Rome du “temple C” du Largo Argentina, dont la fête tombait le 13 novembre (cf. Inscriptiones Italiae, XIII, 2 [a cura di A. Degrassi]. Rome, 1963, 530), selon le calendrier d’Antium (ibid., 22) et celui des Frères Arvales (ibid., 42- 42-43), qui précise : Feroniae in [Ca]mp(o). Mais il semble qu’il y ait eu un bois sacré — symbolique ?—auprès de ce sanctuaire urbain, puisque l’on connaît par son épitaphe un operi<s> exactor ab luco Feroniae (CIL, VI, 37422-début de l’Empire). Sur ce temple, cf. e. g. F. Coarelli, Roma. Bari, 1980 (Guide Archeologiche Laterza, 6), 282-284.
78 Cf. l’anecdote rapportée à propos de ce bois par Servius, Aen., VII, 800 : cum aliquando huiusfontis lucus fortuito arsisset incendio et uellent incolae exinde transferre simulacra, subito reuiruit.
79 Cf. Verg., Aen., VII, 697 :... lucos... Capenos (pluriel poétique).
80 Ce sanctuaire a été identifié, grâce à des inscriptions, au lieu-ditScorano, sur le cours d'eau dit Fosso di Gramiccia (anciennementCapenas), à un kilomètre de son confluent avec le Tibre, tout près du péage de Roma-Nord sur l'Autostrada del Sole (cf. G. Foti, Capena. Iscrizioni rinvenute in località “Bambocci” nella tenuta di Scorano. NSA, s. 8, 7 (=78), 1953, 13-17). La cité de Capène était en amont sur le cours d'eau, à environ sept kilomètres du sanctuaire.
81 D’où, chez les modernes, des hésitations entre une origine étrusque (cf. e. g. J. Heurgon, Trois études sur le “Ver sacrum”. Bruxelles, 1957 [Coll. Latomus, 26], 11-19) et une origine sabine (cf. e. g., R. Bloch et G. Foti, Nouvelles dédicaces archaïques à la déesse Feronia. RPh, 3e s., 27 (79), 1953,70 ; G. Dumézil, La religion romaine archaïque, avec un appendice sur la religion des Étrusques. Paris, 1966, 408 ; 2e éd., Paris, 1974 [réimpr. Paris, 1987], 420), ce qui était déjà l’opinion de Varron, L. L., V, 74,1, et reste Γ hypothèse la plus conforme à l’étymologie probable (cf. supra, n. 72).
82 Ceci explique que les dédicaces qui lui sont faites émanent souvent d’esclaves ou d’affranchis : une ancilla à Rome (CIL, VI, 147 = 30702), une liberta au lucus Feroniae de Capène (R. Bloch et G. Foti, op. cit. à la n. 81, 66-71, fig. 1-3), un libertus à Trebula Mutuesca (CIL, I 2, 1832 = IX, 4873), un seruus — de l’empereur Claude — à Nepi (CIL, XI, 3199).
83 On peut y ajouter CGL, V, 456, 23 : dea agrorum siue inferorum et 500, 47 : agrorum siue inferorum dea — où le second élément de la définition n’est sans doute qu’un jeu étymologique.
84 Ce nom figure deux fois sur le foie de Plaisance (sous la forme Selva : 10 ; 31 Maggiani [SE, 50, 1982, 53-88]) et par ailleurs dans huit dédicaces (TLE 148 ; 504 ; 559 ; 641 ; 696 ; 900 ; CII, 92 ; SE, 39, 1971, 336, n° 6) et sur un ossuaire (CIE, 4446).
85 Selon une tradition légendaire, ce sont les Pélasges qui auraient fondé Caere, sous le nom d’Agylla ; cf. D. Briquel, Les Pélasges en Italie. Recherches sur l’histoire de la légende. Rome, 1984 (BEFAR, 252), 169-221, qui note en ouverture :« La ville de Caeré est assurément celle dont l’origine pélasgique est le plus souventrappelée » (cf. notamment Strab., V, 2, 3, 220 C ; D. H., I, 20, 5 ; III, 58, 1 ; Plin., N. H., III, 51 ; Solin., II, 21 ; D. -Serv., Aen., VIII, 479). -Sur le bois sacré, cf. aussi J. Gagé, Enée, Faunus et le culte de Silvain “Pélasge”. A propos de quelques traditions de l’Etrurie méridionale. MEFR, 73, 1961, 69-138, que nous ne pouvons discuter ici.
86 Le culte de Silvain paraît être resté vivant à Caere, puisqu’une inscription (CIL, XI, 7602), dont l’attribution à cette cité est vraisemblable, atteste l’érection, en 39 av. J. -C., d’autels à ce dieu et à Mars. Le texte commence par : [L.] Censorino C. Calvisio cos. Mag(istri) aras Silu(ani) Mar(tis) fac(iundas) cu[r](auerunt) et comporte ensuite la liste des douze magistri (un par mois ?), dont neuf sont des liberti et trois des serui, puis le nom d’un probable mi(nister), également libertus.
87 Ce double rapport explique sans doute que le voeu en faveur des bovins décrit par Caton, Agr., 83, doive être exécuté dans la forêt : Votum pro bubus uti ualeant sic facito : Marti, Siluano in silua interdius in capita singula boum uotum facito... On remarquera que Silvain est associé à Mars, comme dans l’inscription citée à la note précédente.
88 Servius, Aen., VIII, 601, distingue bien, dans son commentaire, la publica opinio qui voit en Siluanus, conformément au culte qui lui est rendu, un dieu des champs et du bétail, de celle des prudentiores qui se réfèrent à l’étymologie, tout en attribuant en l’occurrence à silua l’ensemble du champ sémantique de ὕλη, y compris le sens de materia : Publico caerimoniarum opinio hoc habet, pecorum et agrorum deum esse Siluanum. Prudentiores tamen dicunt, esse eum ὕλικον θεόν, hoc est deum ὕλης.’Ύλη autem est faex omnium elementorum, id est ignis sordidior et aer, item aqua et terra sordidior, unde cuncta procreantur : quam ὕλην Latinimateriam appellauerunt ; nec incongrue, cum materiae siluarum sint. Ergo quod Graeci a toto, hoc Latini a parte dixerunt.
89 Tarchon, qui a pris le commandement des Etrusques révoltés contre leur cruel roi Mézence, souhaitait, pour se conformer à un oracle, remettre le pouvoir suprême à un étranger, et il avait sollicité à cet effet Evandre, en lui envoyant les insignes royaux (Aen., VIII, 505-508) : Ipse oratores ad me regnique coronam/cum sceptro misit mandatque insignia Tarchon, /succedam castris Tyrrhenaque regna capessam. En refusant à cause de son âge et en envoyant Enée à sa place, le vieux souverain arcadien fait du Troyen le destinataire de ces insignes.
90 Le rapprochement des deux divinités est confirmé par le foie de Plaisance, où νelχ et lvsl partagent une des cases de la “roue” qui occupe le lobe gauche (34 Maggiani).
91 Sur l’importance du forgeron dans les rituels d’initiation antiques, cf. A. Alföldi, Die Struktur des voretruskischen Römerstaates. Heidelberg, 1974, 181-219. Ceci se retrouve dans de nombreux rituels africains, comme le remarquait déjà H. Jeanmaire, Couroi et Courètes. Essai sur l’éducation spartiate et sur les rites d’adolescence dans l’antiquité hellénique. Lille, 1939 [réimpr. New York, 1975], 208 ; cf. la communication de M. Cartry, Les bois sacrés des autres : les faits africains, dans le présent volume.
92 Rappelons que c’est par ce mot que Denys d’Halicarnasse, I,70,2, “traduit” le nom du fondateur de la dynastie albaine (cf. supra, p. 128).
93 L’expression est citée par Étienne de Byzance, s. ν. Ύλη, 647, 10 M, et imitée par Nonnos, Dion., XIII, 444, qui écrit : Ύλάταο πέδον.
94 Des inscriptions attestent son culte à Chytroi (ICS, 250 ; 250 a), Dhrymou (ICS, 85 ; 86), Nea Paphos (ICS, 2 ; 3) et il figure parmi les divinités invoquées dans un serment d’allégeance à Tibère, dont le texte a été retrouvé à Nikoklia, près de Kouklia, le site de l’ancienne Palaipaphos (publié par T. B. Mitford, A Cypriot oath ofallegiance to Tiberius. JRS, 50, 1960,75-79, pl. X). En outre, selon deux vers de Dionysius, Βασσαρι κά, fr. 1 Heitsch, conservés par Etienne de Byzance, Apollon Hylatès aurait été honoré à Έρύσθεια (s. ν., 281,6 M), Άμαμασσός (s. ν., 82, 14 M) et Τέμβρος (s. ν., 614,13 M ; cf. Nonn., Dion., XIII, 445). mais la localisation de ces cités est inconnue. Le lexicographe mentionne également un culte à Υλη (s. v., 647, 10 M), mais il s’agit probablement du site de Kourion évoqué ci-après (cf. Tzetz., Alex., 448 : Υλη γὰρ ἐστι τόπος περὶ τὸν Κούριον, τόπον της Κύπρου, ἱερὰ’Απόλλωνος, ἀϕ’ᾑς’Ύλατον τόν θεὸν προσαγορεύουσι).
95 Dans l’attente d’une publication synthétique des fouilles des missions américaines qui se sont succédé sur le site, on trouvera dans l’ouvrage de J. H. Youg et S. H. Young, Terracotta Figurines from Kourion in Cyprus. Philadelphie, 1955 (Museum Monographs, 11), une description générale du sanctuaire, avec plan et carte de la zone (4-8) et une esquisse de l’histoire du culte (218-223). Les inscriptions ont été publiées par T. B. Mitford, The Inscriptions ofKourion. Philadelphie, 1971 (Memoirs of the American Philosophical Society, 83) [cité IK] : les premières dédicaces, datables du VIe siècle av. J. -C., sont adressées simplement τῶ θεῶ (IK, 14 ; 15) ; le nom d’Apollon apparaît pour la première fois sur la statue d’un enfant, datée du Ve siècle (IK, 18) ; la première mention d’Ύλάτης figure sur la base d’une statue d’un gouverneur de Chypre, érigée à la fin du IIIe siècle, sous les Ptolémées (IK, 41) ; au total, 1’épithète est attestée sur une quinzaine d’inscriptions, s’étendant jusqu’à la fin du IIe siècle ap. J. -C.
96 Strabon, XIV, 6,3,683 C cite un poème qui aurait été composé par un certain Hédylos pour ces biches, et qui commence ainsi : Ίραὶ τω Φοίβω, πολλὸν διὰ κῦμα θέουσαι,/ᾔλθομεν αἱ ταχιναὶ τόξα φυγείν ἔλαϕοι.
97 Cf. les progrès de sa découverte lors des campagnes de fouilles successives αρ. V. Karageorghis, Chronique des fouilles et découvertes archéologiques à Chypre en 1978. BCH, 103, 1979, 671-724 (718, § 17) ; Chronique... 1979. BCH, 104, 1980, 761-803 (796, § 13) ; Chronique... 1980. BCH, 105, 1981, 967-1024 (1001-1002, § 15) ; Chronique... 1981. BCH, 106, 1982, 687-744 (727-730, § 9 [728]).
98 Aujourd’hui au Cyprus Museum de Nicosie (n° inv. D 224).
99 Cf. P. Dikaios, A Terracotta Relief from Marion and the Palaikastro Hymn. Kadmos, I, 1962, 139-142 (avec photos h. -t.).
100 P. Dikaios, ibid., suggère un rituel apparenté à celui qu’évoque l’hymne de Palaikastro.
101 Signalé par D. G. Hogarth, Devia Cypria. Londres, 1889, 9 et décrit (avec un dessin) par G. D. Pierides, A Scarab from Cyprus. JHS, 16, 1896, 272-274, qui venait d’en faire l’acquisition (auj. à Nicosie, dans la collection G. G. Piéridès, n° inv. 974 ; cf. LIMC, III, 1986, 1, 1056, n° 41 ; 2, pl. 729).
102 Le style des figures, teinté d’influences orientales, et la présence d’un nom inscrit en syllabaire chypriote — sans doute celui du propriétaire — suggèrent une interprétation locale du mythe grec.
103 Selon Plutarque, Sol., 26,2, cette fondation serait l’œuvre de son frère Démophon. En fait, les aventures des deux héros, fils—jumeaux ? — de Thésée et Ariane, devaient être plus ou moins confondues.
104 On remarquera que, dans ce dernier témoignage, Akamas est associé à Phaléros et qualifié comme lui d’Athénien : c’est qu’une autre tradition faisait des deux fils de Thésée les enfants de Phèdre, nés à Athènes. Sur ces variations, cf. A. Aloni, L’intelligenza di Ipparco (II). La presenza dgli eroi attici in Omero e nelle tradizioni arcaiche. In : Graeco-latina Mediolanensia. Milan. 1985 (Quaderni di Acme. 5), 1 1-27.
105 Son petit-fils Χύτρος est l’éponyme — et donc sans doute le fondateur — de la cité de Χύτροι, selon Etienne de Byzance, s. v. Χύτροι, 698, 9 M.
106 On sait que le terme — “eteokyprisch” — a été créé par J. Friedrich, KleinasiatischeSprachdenkmäler. Berlin, 1932 (Kleine Texte fiir Vorlesungen und Übungen. 163), 49, pour qualifier la langue des inscriptions non grecques d’Amathonte, sur le modèle du nom Έτεόκρητες, qui désigne, depuis Homère, Od., XIX, 176, des populations “autochtones”, donc préhelléniques, de Crète (cf. Strab., X, 4,475 C). — Selon Étienne de Byzance, s. v. Κύπρος, 395, 15 M, l’île de Chypre aurait, à une époque non précisée, porté le nom d’Άμαθουσία. C’est à Amathonte que se trouvait le second plus ancien temple d’Aphrodite — après celui de Paphos (cf. Tac., An., III, 62, 4).
107 Selon Plutarque, Th., 20, 6-7, un sacrifice annuel, institué grâce à une donation de Thésée, y était célébré en Γ honneur d’Ariane, et l’un des rites consistait en un simulacre d’accouchement exécuté par un jeune garçon. On trouve ainsi, associés dans cette mise en scène, le travestissement sexuel et la naissance symbolique, qui sont deux éléments quasi permanents de tout rituel d’initiation.
108 Peut-être est-ce le sanctuaire que Nonnos, Dion., XIII, 446, nomme Πάνακρον et situe sur une montagne couverte de forêts (τέμενος βαθύδενδρον ὀρεσσαύλοιο Πανάκρου). Ces mots rappellent une épithète de Γ Ida crétois, Πάvακpα (Callim., H. Iou., 51) et celle de l’abeille nourricière du jeune Zeus, Πανακρίς (ibid., 50).
109 Le séjour d’Aphrodite à Idalion est aussi attesté par Théocrite, Id., XV, 100, et Catulle, 36, 12-14. En revanche, le champ sacré de Tamasos, avec un arbre aux rameaux et aux pommes d’or, que décrit Ovide, Met., X, 644-650, est sans doute le fruit d’une confusion et/ou de son imagination.
110 Cf. Steph. Byz., s. v. Τάμασος, 599, 6 M.
111 Texte cité par Eusèbe de Césarée, Pr. eu., X, 6, 5, qui modifie par erreur en Τέλμις le nom du premier personnage.
112 Sur ce personnage, cf. e. g. E. Wiist, s. v. Pygmalion 2-3, in RE, XXIII, 2, 1959, 2075-2076.
113 Telle est la version d’Ovide, Met., X, 243-297. Selon Philostéphanos de Cyrène, Περὶ νήσων, [I] (Περὶ Κύπρου), fr. 13 FHG, III, 31 Millier, dont le témoignage est conservé par Clément d’Alexandrie, Protr., IV, 57, 3 et Arnobe, Nat., VI, 22, il aurait traité comme une véritable femme une statue d’Aphrodite.
114 Sur Dédale, cf. la monographie de F. Frontisi-Ducroux, Dédale. Mythologie de l’artisan en Grèce ancienne. Paris, 1975 ; les statues “vivantes” sont évoquées p. 100-101 (cf. Eur., Hec., 838-840 ; Plat., Men., 97 d ; Euthyphr., 11 cd ; Arist., Pol., I,4, 3, 1253 b 33-35 ; An., I,3, 406 b 18-19 [citant une explication “technique” de Philippe le Comique, fr. 1 PGC, VII, 354 Kassel-Austin] ; D. Chrys., Or., XXXVII, 9).
115 Parmi les créations du dieu, on peut citer ses deux servantes d’or (Horn., Il., XVIII, 417-418), les chiens d’or et d’argent d’Alcinoos (Horn., Od., VII, 91-94), Pandora (Hes., Th., 571 ; Op., 60), Talôs (Ps. -Plat., Minos, 320 c ; Ap. Rh., Arg., II, 1051 ; Appollod., Bibl., I, 140) et même des trépieds animés (Hom., Il., XVIII, 373-377 ; Arist., Pol., I, 4, 3, 1253 b 35-37).
116 Sur Cinyras, cf. C. Baurain, Kinyras. La fin de l’âge du bronze à Chypre et la tradition antique. BCH, 104,1980, 277-308 ; Id., Κινύρας et κέραμος. AntCl, 50, 1981, 23-37 ; S. Ribichini, Kinyras di Cipro.In : Scritti in memoria di Angelo Brelich. = R&C, 3, 1982, 479-500.
117 Cf. Ον., Met.,Χ, 295-299. Selon Apollodore, Bibl., III, 14, 3, c’est son gendre : dans les deux cas, la parenté est assurée par une femme, la fille de Pygmalion.
118 Cf. Pind.,Pyth., II, 15-17 ; Clem. Alex., Protr., II, 13, 4 ; Arn., Nat., IV, 24 ; V, 19 ; Firm. Mat., Err. prof., 10, 1. — Il est le fondateur de la dynastie des rois-prêtres de Paphos, les Kinyrades (cf. Tac., Hist., II, 3, 2-3 ; Schol. in Pind., Pyth., II, 27 b ; Hesych., s. v. Κινυράδαι, Κ, 2744 L ; ν. aussi Arn., Nat., VI, 6).
119 Cf. Steph. Byz., s. v. Κούριον, 380, 4 M (cité supra p. 135).
120 Virgile, Aen., IV, 68-72, l’évoque comme exemple type du gibier en Crète.
121 L’entretien de cerfs sacrés ( ?), ou tout au moins protégés, semble remonter très haut, si c’est bien en ce sens que doivent être interprétées trois tablettes de Pylos formant la classe Cr chez E. L. Bennet Jr., J. -P. Olivier, The Pylos Tablets transcribed. I. Texts and notes. Rome, 1973 (Incunabula Graeca, 51), 81-82 (Cr 591 ; 868 ; 875) et comportant chacune un inventaire sous la forme : toponyme-idéogramme CERVUS-nombre ; au total, quatorze lieux sont mentionnés, avec un nombre d’animaux variant de un à trois.
122 P. 135-136.
123 Cf. supra p. 136. C’est Zeus qui, selon Hégésandre de Delphes, Υπομνήματα, VI. fr. 30 FHG, IV, 419 Müller — cité par Athénée, IV, 174 a, et repris par Eustathe, in Hom., Od., I, 225 = 1413, 23 — aurait porté l’épithète d’Eἰλαπιναστὴς le désignant comme le protecteur des banquets collectifs. Mais l’archéologie n’a révélé pour l’instant qu’un Apollon Eilapinastès, dont un sanctuaire se trouvait à Chytroi/Vouni (cf. O. Masson. ICS, 338 [sous n° 342]).
124 Cf. V. Karageorghis. Le quartier sacré de Kition : campagnes de fouilles 1972 et 1973.CRAI, 1973, 520-530 ; repris dans Kition. Mycenaean and Phoenician Discoveries in Cyprus.Londres, 1976,54-57 ; 62-76 ; 82-89.
125 Cf. Cf. V. Karageorghis,ibid., 522 (CRAI) / 57 (Kition).
126 Une représentation stylisée d’un jardin sacré symbolisé par deux arbres encadrant un temple apparaît sur un cratère de la classe “Bichrome III” du Cyprus Museum de Nicosie (n° inv. Β 1988) ; Cf. V. Karageorghis, J. Des Gagniers, La céramique chypriote de style figuré. Age du fer (1050-500 av. J. -C.). Rome, 1974 (Biblioteca di antichità cipriote, 2), n°XXVI (Illustrations et description des vases, p. 493 ; texte, p. 80-82).
127 Sur ce dieu, l’ouvrage récent le plus complet reste la monographie de M. Delcourt, Hèphaistos ou la légende du magicien. Paris, 1957 (Bibl. Fac. Phil. Lett. Univ. Liège, 146) [rééd., Paris, 1982], auquel nous renvoyons pour toutes les références non reprises ici — sans accepter pour autant son orientation, indiquée par le sous-titre, qui nous paraît trop restrictive. De la bibliographie antérieure, on retiendra surtout les deux articles de L. Malten, Hephaistos. JDAI, 27, 1912, 232-264 ; Id., s. v. Hephaistos, in RE, VIII, 1913, 31 1-366.
128 Chez Hésiode, Th., 927-928. Héphaistos apparaît comme l’enfant de la seule Héra (cf. Luc., Sacr., 6 ; Apollod., Bibl., I, 3, 5 ; Myth.Vat., III, 10, 4 — et peut-être déjà [Hom.,] H. Apol., I. 317, si l'on peut interpréter ainsi l'insistance de la déesse : παις ἐμὸς Ηϕαιστος...ὅv τέκον αύτη). Mais dans l'Odyssée, VIII, 312, le dieu évoque ses deux parents — τοκἧε δύω —. ce qui correspond sans doute à la version qui le faisait naître de rapports préconjugaux entre Zeus et Héra (cf. Schol.Townl. in Hom., Il..XIV, 296 ;Schol. Ven., ibid. ; Schol. vet. AD in Hom., Il., I, 609 ;Myth.Vat., I, 125 Κ).
129 A sa naissance, Héphaistos est jeté du ciel par sa mère, à cause de son infirmité (cf. Horn., IL, XVIII, 396-397 ; H. Apol., 318 ; Paus., I, 20, 3 ; Serv., Aen., VIII, 454 ; Myth. Vat., III, 10, 4). Mais son mythe comporte une autre précipitation, du fait de Zeus, à cause de son soutien à Héra lors d’un différend entre les deux époux souverains (cf. Horn., IL, I, 589-591 ; Apollod., Bibl., I, 3, 5 ; Clem. Alex., Protr., II, 29, 5 ; D. -Serv., Aen., VIII, 454 ; Myth. Vat., II, 48 Κ).
130 Lors de sa première chute, Homère, Il., XVIII, 397-399, indique qu’il tombe dans la mer, où il est recueilli par Thétis et Eurynomè (cf. H. Apol., 319-320 ; Paus., VIII, 41, 5) ; lors de la seconde, il tombe à Lemnos, chez les Sintiens (Horn., Il, I, 592-594 ; cf. Luc., Sacr., 6 ; Myth. Vat., Ι, 125 Κ). Mais les mythographes postérieurs confondent parfois les deux : ainsi pour Apollodore, Bibl., I, 3, 5, il tombe à Lemnos mais est secouru par Thétis.
131 Auprès de Thétis et Eurynomè, Héphaistos s’exerce à la métallurgie pendant neuf ans (Horn., Il., XVIII, 400-405). Les choses sont un peu moins claires pour Lemnos, mais les Sintiens, chez qui il réside, sont présentés eux-mêmes comme des fabricants d’armes (cf. Schol. Ven. in Horn., Il., I, 594 ; Schol. in Hom., Od., VIII, 294) et c’est chez eux qu’il installera sa forge (cf. infra, n. 134). Enfin, dans une version sans doute propre à l’île de Naxos, Héra confie son fils à Kédalion, pour qu’il l’initie à l’art du bronze {Schol. Townl. in Hom., Il., XIV, 296).
132 Selon Homère, //., XVIII, 382(suivi parCallimaque, Έκθέωσις’Αρσινόης, fr. 228,47 ; 66 Pfeiffer [in Pap. Berol. 13417 A] ; cf. Schol. ad v. 47), son épouse est Charis, et ils vivent à Lemnos ; chez Hésiode, Th., 945-946, c’est Aglaè, « la plus belle des Charites », fille de Zeus et Eurynomè {ibid., 907-909). L’alliance malheureuse avec Aphrodite, qui fait l’objet du chant de Démodocos dans une interpolation de V Odyssée (VIII, 266-369), est sans doute une version relativement récente (cf. Eust., in Hom., Il., XVIII, 382 = 1148, 55).
133 Pour l’histoire de cette “terre”, jusqu’aux temps modernes, cf. F. W. Hasluck, Terra Lemnia. ABSA, 16, 1909-1910, 220-231 ; elle était utilisée notamment comme contrepoison, en particulier contre les morsures de serpents venimeux (cf. Plin., Ν. H., XXIX, 104 ; XXXV, 33 ; Dioscor., Med., V, 97 Wellmann ; Gal., Simpl. med., IX, 1,2 = XII, p. 174 Kuhn).
134 Comme on le sait, il s’agissait d’une flamme tellurique, dont l’émanation spontanée constituait un prodige particulièrement frappant. Il faut toutefois noter que les témoignages anciens en parlent déjà au passé. Nicandre, Τ her., 472-473, décrit le Mosychlos comme une montagne couverte de forêts et de pâturages ; mais son scholiaste (ad r. 472) évoque l’ancien feu, en citant des vers d’Antimaque de Colophon, Θηβαίς, fr. 46 Wyss, et d’Eratosthène, Ά ντερι νύς, fr. 17 Powell. Poulies mythographes classiques, cependant, c’est là que se situait la forge d’Héphaistos, et c’est de là que Prométhée aurait dérobé le feu sacré (cf. e. g. Accius, Phil., fr. 538-540 Warmington = ap. Cic., Tusc., 2, 23).
135 Selon le témoignage de Galien, Simpl. med., IX, l,2 = XII,p. 169 Kühn, qui indique que ces cachets portaient l’effigie d’une déesse, identifiée par lui comme Artémis, mais qui était sans doute à l’origine la Grande Déesse éponyme Lemnos (cf. infra et n. 137).
136 Cf. aussi Philostrate, Her., 28,4-5, qui souligne le lien de cette terre avec Héphaistos :... 5. Ίαθἧναι δε αὐτὸν αὐτίκα ὑπὸ τἧς βώλου τἧς Λημνίας, εις ἥν λέγεται πεσεῖν ό’Ήφαιστος.
137 C’est donc une Terre-Mère, identifiée avec le territoire sur lequel elle règne. On a retrouvé des statuettes qui la représentent coiffée d’une haute couronne en forme de “corbeille” ou κάλαθος : cf. C. Fredrich, Lemnos. MDAI(A), 31, 1906, 60-86 ; 241-256 (67-69 et pl. VIII) ; G. Karo, Archäologische Funde aus dem Jahre 1929 und der ersten Hälfte von 1930. AA, 1930, 88-167 (c. 140 et fig. 20).
138 En dehors du passage d’Hippolyte, le nom est en effet toujours attesté au pluriel et désigne un groupe de deux, trois ou quatre divinités, honorées également à Imbros et Samothrace (cf. Herod., Il, 51 ; Nonn., Dion., XIV, 17-21 ; et le passage de Strabon ci-dessous).
139 C’est sans doute au même cérémonial que fait allusion Accius, Phil., fr. 527-530 W = ap. Varr., L. L., VII, 11, lorsqu’il évoque les “mystères” des Cabires de Lemnos : Lemniapraesto/litora rara et celsa Cabirum/delubro tenes, mysteria quae/pristina castis concepta sacris.
140 Comme à Amathonte, avec sans doute la même symbolique (cf. supra, n. 107).
141 Ce n’est certainement pas un lapsus de copiste, car un peu plus haut Pline, N. H., XXXVI, 86, mentionnait déjà le “labyrinthe de Lemnos” dans la liste des quatre grands monuments de ce type.
142 Comme l’indique ailleurs Pline lui-même, N. H., XXXIV, 83 : Theodorus, qui Labyrinthum fecit Santi. On peut supposer, avec E. Buschor, Heraion von Samos : Fruite Bauten. MDAI(A), 55, 1930, 1-99 (p. 50), que la confusion est née d’une description de l’Héraion de Samos — sans doute celle qu’écrivit l’un de ses architectes, Théodoros (cf. Vitruv., VII,praef., 12) — indiquant que celui-ci se trouvait ἐν λίμναις. C’est au temple de Samos qu’Hérodote, II, 148, compare le “labyrinthe d’Égypte”.
143 Hérodote, III, 60, cite Rhoikos comme le premier des architectes de l’Héraion de Samos. Pour Théodoros, cf. la note précédente. Quant au troisième artiste cité, Zmilis d’Égine, il est surtout connu comme sculpteur dexoana, dont un pour l’Héraion de Samos selon Pausanias, VII, 4,4.
144 Un élément troublant est Γ incertitude totale sur sa localisation et sa structure. Les évocations (cf. e. g. Plin., N. H., XXXVI, 85 ; Diod. Sic., I, 61, 3-4 ; D. Chrys., Or.., LXVII, 6 ; LXXX, 9 ; Isid., Or., XV, 2, 36) semblent concerner plus un monument idéal qu’un édifice réel. De fait, les monnaies de Cnossos ne le représentent que par des tracés géométriques, qui évoluent au cours du temps : méandre, svastica, labyrinthe carré ou rond (cf. J. N. Svoronos, Numismatique de la Crète ancienne, accompagnée de l’Histoire, la Géographie et la Mythologie de l’Ile. I. Description des monnaies. Histoire et géographie. Macon, 1890 [réimpr. Bonn, 1972], s. v. Cnosos, 65-95 et pl. IV-VIII, passim) ; même son plan au sol est donc incertain.
145 Il en est de même pour le “labyrinthe italien”, également décrit par Pline, Ν. H., XXXVI, 91, d’après Varron, et identifié comme le tombeau de Porsenna, roi de Clusium ; cf. notre communication : Porsenna, re del labirinto. In : La civiltà di Chiusi e del suo territorio. Atti del XVII Convegno di Studi Etruschi ed Italici (Chianciano Terme, 1989). Florence, 1993, 53-71.
146 C’est par la transposition de tels rites en légendes que G. Dumézil, Le crime des Lemniennes. Rites et légendes du monde égéen. Paris, 1924, 11-12, propose d’expliquer les traditions relatives aux Λήμνια κακά.
147 D’une manière générale, les rituels lemniens paraissent se rapprocher des rituels crétois par le rôle qu’y joue le chiffre neuf. On sait que Minos, l’archétype du souverain crétois, faisait renouveler son pouvoir chaque neuvième année dans l’antre de l’Ida (cf. supra n. 58), que les Athéniens y envoyaient leurs otages à la même cadence (cf. e. g. Plut., Th., 15, 1) et que les initiations s’y déroulaient sur un rythme novénaire (cf. l’incubation de Pythagore pendant trois fois neuf jours : Porph., V. Pyth., 17). A Lemnos, c’est l’ensemble de l’île qui renouvelle ses feux chaque année en éteignant tous les foyers pendant neuf jours et en envoyant un navire à Délos chercher un feu nouveau (cf. Philostr., Her., 53, 5-7) ; par ailleurs l’initiation d’Héphaistos, le dieu de Lemnos, dure neuf ans (cf. Horn.. IL, XVIII, 400), de même que la maladie de Philoctète, que l’on peut interpréter comme une épreuve de purification (c’est au cours de la dixième année de son séjour que l’on va le chercher : cf. Soph., Phil., 312 ; 715 ; D. Chrys., Or., LU, 8).
148 On remarquera que le personnage auquel est consacré la célèbre stèle “tyrrhénienne” de Lemnos, découverte près d’Hephaistia (cf. e. g. J. Heurgon, A propos de l’inscription “tyrrhénienne” de Lemnos. CRAI, 1980,578-600 ; 605-606 ; repris avec modifications in : Secondo Congr. Intern. Etrusco (Florence, 1985). Atti. Rome, 1989. I, 93-102 +pl. I-IV ; Id., Homère et Lemnos. CRAI, 1988, 12-30), s’appelait Holaies, trans- criptiocription probable du grec Ύλαῖος (déjà attesté sur des tablettes de Cnosos : urajo, notamment comme nom d’un berger [KN Db 1265 ; 1329 ; Dv 1199 ; 5357 ; cf. KN Β 799]). Comme il semble originaire de Phocée — Φokiasale = Φωκοαεύς — et que, par ailleurs, ce n’est pas le nom de son père qui est indiqué, mais celui d’un personnage dont il est le ηαϕοθ— probablement “neveu” (cf. étr. nefts, lat. nepos) —. on peut imaginer qu’il a connu dans son adolescence le fosterage chez un oncle et l’initiation dans la forêt, pratiqués à Lemnos, pour finalement parvenir à la plus haute magistrature de l’île — nuiras. Bien entendu, cela reste hautement hypothétique! (mais v. déjà M. Lejeune, Un Phocéen à Lemnos ? CRAI, 1980, 600-604).
149 Ce fragment est également cité par Festus, S. V. <tesca>, 488, 12 L. qui donne la définition suivante : loca augurio desig<nata...(repro- duitduite par Paul, s. v., 489, 7 L).
150 Ps. -Acron, in Hor., Epist., I. 14.19 : Loca deserta et difficilia lingua Sabinorum sic dicuntur. inde deserta et completa sentibus sic nominarunt.
151 Le mot est encore attesté, associé à templum, dans une prière de consécration conservée par Varron, L. L., VII, 8, dont voici le début : Tem<pla> tescaque me ita sunto, quoad ego ea rite lingua nuncupauero. Qu’il s’agisse bien d’un lieu boisé est indiqué par cette expression de Lucain, VI, 41-42 :... nemorosaque tesca /et siluas...
152 Ces variations de vocabulaire dans la désignation d’une même réalité rendent difficiles l’établissement de définitions différenciées, puisque c’est précisément sur l’usage des écrivains que se fondent les lexicographes. Ainsi l’interpolateur de Servius, Aen.. I, 310, à qui l’on doit la distinction classique — interest autem inter nemus et siluam et lucum : lucus enim est arborum multitudo cum religione, nemus nero composita multitudo arborum, silua diffusa et inculta — doit reconnaître que Virgile, l. c., emploie nemus au sens de silua :nemorum autem modo “siluarum”.
153 Sur les autres lieux de culte d’Héphaistos dans le monde grec, cf. L. Malten, s. v. Hephaistos, in RE, VIII, 1913, c. 313-323 ; M. Delcourt, Héphaistos ou la légende du magicien. Paris, 1957 (Bibl. Fac. Phil. Lett. Univ. Liège, 146) [rééd.,Paris, 1982], 187-190 ; 191.
154 cf. L. Malten, op. cit.à la n. 153, C. 311-313 ; M. Delcourt, op. cit.à la n. 153, 191-203 (= ch. IX. Héphaistos à Athènes).
155 Dans la suite de sa description, Platon, Crit., 1 12 bc, évoque les maisons collectives des guerriers—οἰκίας κοινὰς—et les réfectoires destinés à leurs repas en commun, qu’il désigne par le terme de συσσίτια, ce qui rappelle tout à fait les institutions crétoises.
156 En dehors de l’épisode qui aboutit à la naissance d’Érichtonios (cf. e. g. Hyg.,Astr., II, 13 ; Fab., 166 ; Apollod., Bibl., III, 14, 6 ; Aug., Ciu., XV III, 12), il s’agit toujours d’une association d’artistes travaillant ensemble, ce qui sauvegarde le caractère virginal de la déesse (cf. e. g. Horn., Od., VI, 232-234 = XXIII, 159-161 ; H. Volc., 1 -4 ; Hes., Th., 571 - 580 ;Op.,60-72 ;Solon, Ύποθήκαι εἰς ἑαυτόν, fr. 13, 49-50 West = αρ. Stob., Flor., III, 9, 23 Hense ; Plat., Polit., 274 c ; Leg., 920 d).
157 Malgré l’affirmation de M. Delcourt, op. cit.à la n. 153, p. 198, Athéna était bien associée aux Ήϕαίστια, comme l’indique un passage du règlement de 421/420 av. J. -C. (/G, I3, 82, 15 ; cf. F. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques. Paris, 1969, 26-28, n° 13). Cette fête comportait une lampadodromie (cf. IG,I3, 82, 32 ; II-III2, 3006 ; Herod., VIII, 98 ; Harpocr., Lex., s. v. λαμπάς, 182, 12 Dindorf ; Souda, s. v. λαμπάδoς Λ, 88 Adler ; Schol. in Ar., Ran., 131 ; 1087) et des chorégies (cf. IG, II-III2. 1 138 ; Ps. -Xen., Ath., 111,4).
158 L’identité est indiquée par la Souda, s. v. Χαλκεία, X, 34 A : Χαλκεῖα ἑορτή Άθήνησιν, ἅ τινες Άθήναια καλοῦσιν — et une inscription de 277/276 (IG,II-III2,674) atteste un sacrifice à Athéna lors des Χαλκεῖα. Le nom des Άθήναια figure encore dans une inscription de 157/156 (IG, II-III2, 1937, 2), mais Athéna semble avoir peu à peu abandonné le patronage de la fête, qui, selon les lexicographes, a fini par n’être plus célébrée que par les artisans (cf. Harpocr., Lex., s. v. Χαλκεία, 304, 12 D ; Pollux. Onom., VII. 105 ; Souda, s. v. Χαλκεῖα, X, 35 A ; Etym. Magn., s. v. Χάλκεια, 805, 43 ; et aussi Eust., in Horn., Il., II, 552 = 284, 36). Cependant le lien ancien de la déesse avec la fête reste marquée par le fait que c’est aux Χαλκεία que commence le tissage du péplos des Panathénées par les arrhéphores et les prêtresses (Souda, s. v. Χαλκεῖα, X, 35 A ; Etym. Magn., s. v. Χάλκεια, 805, 43).
159 C’est l’un des trois autels qui, selon le témoignage de Pausanias, I, 26, 5, se trouvaient dans le vestibule du sanctuaire : Έσελθοῦσι δέ εἰσι βωμοί. Ποσειδώνος, έφ’οὗ καὶ Έρεχθεῖ θύουσιν, έκ τοῦ μαντεύματος, καὶ ᾕρωος Βούτου, τρίτος δὲ’Ηφαίστου.
160 Certes, comme l’indique Pausanias. l’autel d’Héphaistos n’est pas le seul, mais Poséidon est le rival vaincu par la déesse, et Boutès n’est pas un dieu, mais un héros. Seul Héphaistos est donc à la fois du même rang qu’Athéna et de son côté.
161 Sur la localisation de ce temple, cf. encore les témoignages d’Andocide, I, 40 ; Harpocr., Lex., s. v. Κολωναίτας, 181, 16 D. L’ensemble des témoignages littéraires et épigraphiques est commodément réuni par R. E. Wycherley, Literary and Epigraphical Testimonia. Princeton. 1957 (The Athenian Agora, III), 98-102,nos 281-295.
162 On a retrouvé une inscription portant la comptabilité relative à ces deux statues, fabriquées entre 421/420 et 416/415 (IG, I3, 472) : il s’agit probablement d’œuvres d’Alcaménès, comme l’indiquent Cicéron, N. D., I, 83, et Valère-Maxime, VIII, 1 1, ext. 3, à propos de la statue d’Héphaistos. Des éléments de leur base commune ont été retrouvés, ainsi que des fragments de moule ayant pu servir à leur fabrication (cf. W. B. Dinsmoor, Observations on the Hephaisteion. Baltimore, 1941 |Hesperia, Suppl. 5], 105-110). Pour un essai de reconstitution de ces statues et de leur base, cf. en dernier lieu. E. B. Harrison, Alkamenes’Sculptures for the Hephaisteion. AJA, 81, 1977, 137-178 ; 265-287 ; 41 1-426.
163 ’Αθηνᾶ Ήφαιστία est citée, en association avec Héphaistos, comme destinataire d’une offrande dans un décret pris à l’occasion de la célébration de jeux scéniques aux Grandes Dionysies de 343/342 (IG, II-III2, 223 b, 4), ainsi que dans une dédicace duIVe ou duIIIe siècle (IG,II-III2,4980). Cf. encore Hesych.,s. v. Ήφαιστία, H,983 L : Ήφαιστία-’Αθηνᾶ. Και πόλις τῆς Λήμνου.
164 Une fonderie de bronze, utilisée à la fin duVe siècle av. J. -C., a été retrouvée à l’intérieur même du téménos du temple (cf. T. L. Shear, The Campaign of 1936. Hesperia, 6, 1937,333-381). Pour une synthèse des trouvailles dans cette zone, cf. H. A. Thompson, R. E. Wycherley, The Agora of Athens.Princeton, 1972 (The Athenian Agora, XIV), 188-190.
165 Cf. D. B. Thompson, The Garden of Hephaistos. Hesperia, 6, 1937,396-425 ; résumé dans ; Garden Lore of Ancient Athens. Princeton, 1963 (Excavations of the Athenian Agora-Picture Books, 8) [2e éd., 1971], fig. 11-14. En fait, si les alignements ne sont bien conservés que le long du mur sud, des trous isolés au nord et à l’ouest laissent supposer que le jardin s’étendait sur les trois côtés autres que la façade (cf. D. B. Thompson, ibid., 403-404).
166 Pour l’histoire du jardin, cf. D. B. Thompson, op. cit.à la n. 165, 410-41 1. -Une instai lation comparable semble avoir existé autour du temple de Gabies, dans la seconde moitié du IIe s. av. J. -C. ; cf. H. Lauter, Ein Tempelgarten ? AA, 1968, 626-631.
167 Ce n’est évidemment pas une raison pour nier qu’il y ait un rapport entre le jardin et les deux divinités, et partant de là, contester l’identification du temple : cf. e. g. l’argumentation en ce sens de H. Koch, Der “Garten des Hephaistos”.In : Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth Birthday. I. Saint-Louis (Missouri), 1951, 356-359, repris dans : Studien zum Theseustempel in Athen.Berlin, 1955 (Abhandlungen der sachsischen Akademie der Wissenschaft zu Leipzig.Phil. -hist. Kl., 47, 2), 9-15 — et la ferme réfutation de R. E. Wycherley, The Temple of Hephaistos. JHS, 79, 1959, 153-156.
168 On a pensé à rapprocher aussi le bois sacré d'Adranos, sur les pentes de l'Etna en Sicile (cf. Ael., N.A., XI, 20) : cette divinité “volcanique” était assimilée à Héphaistos, voire confondue avec lui (cf. Ael., N.A., XI, 3). Son sanctuaire abritait des chiens, ce qui peut suggérer une activité cynégétique.
169 Ces exploits sont figurés sur les métopes des murs latéraux (quatre de chaque côté), tandis que les métopes de la façade représentent les “travaux” d'Héraclès. En outre, la frise Est représente la lutte de Thésée contre les Pallantides pour la possession de l'Attique (cf. e.g. Ch. H. Morgan, The Sculptures of the Hephaisteion, I II. Hesperia, 31, 1962,210-219 ; 221 -235, pl. 71 -84).
170 Selon la légende, son père divin est Poséidon (Plut., Th., 6, 1 ; Bacch., XVII, 33-38) et c'est en son honneur qu'il développe les Jeux Isthmiques (Plut., Th., 25, 5). Cependant, son dieu de prédilection est Apollon, dont l'oracle a prédit sa naissance (Th., 3, 5) ; c'est lui qui patronne toute son expédition crétoise (Th., 18, 1-3 ; 22,4), dont le point fort, sur le plan religieux, est l'escale dans l'île sacrée du dieu, Délos (Th., 21, 1-3).
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