Suspension d’ex-voto dans les bois sacrés
p. 111-126
Résumés
Si les bois sacrés, comme tous les sanctuaires, étaient remplis d’offrandes, les cas de suspension d’ex-voto aux arbres mêmes sont peu nombreux. Deux types de documentation, très différents l’un de l’autre, sont successivement envisagés. Le corpus des peintures campaniennes (riche en luci de convention), dans lequel C. Boetticher a largement puisé pour illustrer ses vues sur un hypothétique “culte de l’arbre”, ne permet pas, en fait, d’étayer la thèse du Baumkultus. Le corpus des pratiques cultuelles consiste en suspension de cheveux, de fers, de vêtements aux arbres, c’est-à-dire des marques d’un statut dont on fait l’abandon, avant d’en acquérir un nouveau.
If the sacred groves, as all sanctuaries, were full of offerings, the cases of suspension of the ex-voto to the trees themselves are not very numerous. Two types of documentation, very different from each other, are successively envisioned. The corpus of Campanian painting (rich in conventional luci), on which C. Boetticher has abundantly drawn to illustrate his view of a hypothetical “tree cult", does not permit us, in fact, to sustain the thesis of the Baumkultus. The corpus of religious practices consists in suspensions of hair, iron, clothing to the trees, that is to say the signs of a statute which one relinquishes, before acquiring a new one.
Texte intégral
1Est-il de bonne méthode de vouloir consacrer une étude d'ensemble aux offrandes votives déposées dans les bois sacrés ? C’est-à-dire : de vouloir envisager solidairement des séries d’ex-voto dont le dénominateur commun est la présence dans l’un de ces sanctuaires que les sources littéraires ou épigraphiques appellent ἂλσος, lucus. Les bois sacrés, en effet1, ne forment pas une classe à part de lieux de culte (en ce sens qu’ils présenteraient des caractéristiques propres, inconfondables). Ils constituent, tout au plus, une composante de la topographie des sanctuaires, alors que ceux-ci peuvent, sous d’autres aspects, différer les uns des autres, et être dédiés à des divinités bien diverses. Dès lors, il serait vain de chercher s’il existe des ex-voto spécifiques aux luci, ou même déposés préférentiellement dans ceux-ci2.
2C’est donc dans une perspective différente qu’il faut envisager l’articulation entre les αναθήματα d’une part, le téménos planté d’arbres de l’autre. La présence d’un bosquet, la prolifération des ex-voto représentent deux éléments majeurs du décor sacré du sanctuaire. Eléments de nature diverse, mais souvent étroitement imbriqués : il suffit de renvoyer sur ce point aux descriptions de Pausanias, par exemple à celle de l’Altis d’Olympie, au centre duquel les frondaisons des platanes ombrageaient le trophée de bronze des Éléens3, tandis que dans le τέμενος intérieur réservé à Pélops se pressaient, les uns à côté des autres, δένδρα... καὶ ἀνδριάντες, les arbres qui y avaient poussé et les statues qu’on y avaient offertes4. Même complémentarité, dans les sources littéraires et les inscriptions latines, entre le lucus et ses ex-voto statuaires et monumentaux, signa et ornamenta5. Et ceci vaut aussi pour des dons plus modestes, de type différent : l’enceinte (saepes) du bois sacré de Diane à Nemi était, aux dires d’Ovide6, couverte de bandelettes et de tableaux votifs. On pourrait, bien sûr, multiplier les exemples. L’essentiel est de voir que l’espace de 1’ἂλσος, du lucus joue un rôle dans la mise en situation, dans la présentation matérielle des ex-voto. Vouloir en étudier toutes les modalités reviendrait à parcourir à nouveau “la géographie des sanctuaires” à laquelle une section de ce colloque est consacrée. Il ne peut en être question. On ne s’attachera donc ici qu’aux seuls cas limites où l’imbrication des éléments du décor sacré est totale, c’est-à-dire aux attestations — plutôt rares — de suspensions d’offrandes directement aux branches des arbres du lucus. Dans ces cas-là, en effet, il est évident que l’utilisation qui est alors faite du bois sacré comme support des dons conditionne, au minimum, les formes rituelles de l’oblation et, dans une certaine mesure sans doute, le sens même de celle-ci.
3Parler de suspension d’offrandes dans les arbres ne va pas sans ambiguïté. Car il existe deux manières d’interpréter (ou de sur-interpréter) ce type de pratique rituelle. Ou bien on considère qu’il s’agit là, purement et simplement d’une variante de la mise en place en hauteur — ἀνάθεσις — du don fait à la divinité dans son sanctuaire ou sa chapelle. Dans cette optique, l’arbre-support n’est pas autre chose que le substitut d’une paroi : celle de la cella cultuelle ou encore celles de ces annexes (trésor, portiques...) qui constituent les “espaces d’exposition” où s’effectue, de règle, l’accrochage votif. Cette manière de voir est celle qui sera adoptée ici, étant entendu que cette substitution n’est pas indifférente et qu’il faut en chercher les raisons.
4Mais, bien sûr, les rituels de suspension d’offrandes à un tronc ou des branches ont été très souvent interprétés d’une toute autre manière : comme les manifestations, ou les traces résiduelles, d’un “culte des arbres”. Il suffit de citer ici les noms de Mannhardt, de Frazer et, avant eux, de Carl Bötticher dont le Baumkultus der Hellenen paraissait à Berlin en l856. Un chapitre entier de l’ouvrage est consacré aux dons offerts au « Gottesbaum ». La documentation rassemblée, assez nombreuse, porte indifféremment sur tous les arbores sacrae, car Bötticher ne prête que peu d’attention à la réalité spécifique du bois sacré. La masse des témoignages invoqués peut être divisée en deux parties très inégales : les notices qui mentionnent des pratiques qu’elles donnent pour réellement accomplies, ne forment qu’un dossier restreint. Beaucoup plus nombreuses sont les références de Botticher à des textes poétiques et épigrammatiques qui se placent, clairement, sur le terrain de l’imaginaire. Enfin, les lacunes de la documentation sont comblées, dans le Baumkultus der Hellenen, par le recours systématique aux représentations figurées : vases grecs, reliefs hellénistiques et surtout peinture campanienne.
5Il est clair que la confrontation de sources hétérogènes ne peut être menée sans précaution. Les images, en particulier, que Bötticher convoque si souvent à l’appui de sa démonstration, doivent être lues séquentiellement, et non arbitrairement isolées. On commencera donc ici par un rapide examen des arbres et des offrandes “imaginaires” en peinture et en poésie pour voir si, dans leur registre propre, ces images confortent, si peu que ce soit, la thèse d’un « Baumkultus ». Le terrain étant ainsi déblayé, on pourra, dans un deuxième temps, passer aux offrandes réelles — ou données pour telles — et tenter d’en dégager la signification.
Arbres, bois sacrés et offrandes “topiques”
6Le corpus des peintures hellénistico-romaines de paysages — ceux qu’on appelle communément, depuis Rostovtzeff, sacro-idylliques7 — obéit à des règles propres d’agencement, de composition, de production de sens telles qu’il serait vain d’y vouloir chercher une représentation réaliste de la campagne antique. Il s’agit, comme cela a été plusieurs fois montré8, d’images topiques, en ce sens qu’elles consistent en une juxtaposition d’éléments similaires aux lieux communs de la rhétorique, et que ces éléments portent en peinture le nom de topia. On connaît la liste, établie par Vitruve et par Pline, des topia les plus courants : les luci figurent en bonne place dans les deux versions (associés aux fana chez Vitruve, aux nemora chez Pline), à côté des montagnes, des cours d’eau, du littoral9.
7Il est évident que le sens de lucus est ici « bosquet, bois consacré, partie (ou totalité) plantée d’arbres d’un sanctuaire ». Or existe-t-il, dans le répertoire figuré dont nous disposons, des images de bois sacrés ? On pourrait à la rigueur proposer de considérer comme telles des représentations que caractérisent à la fois l’immédiate proximité de l’édifice de culte, temple ou chapelle, et la présence d’un mur de téménos qui enclôt une végétation plus ou moins indistincte. Le petit paysage de troisième style reproduit fig. 1 et qui provient d’Herculanum présente, dans l’ensemble d’une série extrêmement stéréotypée (la figure récurrente du voyageur...), une distribution originale de ses éléments constitutifs : le grand arbre et la colonne votive, qui forment d’ordinaire un groupe isolé et resserré au centre de la composition, sont ici intégrés dans une unité plus vaste, l’enceinte du sanctuaire. Notons déjà qu’à la colonne située à l’intérieur du téménos, comme à celle qui se trouve en avant du temple sont fixés des ex-voto (thyrse ou pedum sans doute), tandis qu’aucune autre offrande n’apparaît sur les arbres10.
8Plus fréquemment, l’enclos planté d’arbres, lorsqu’il est présent, passe au deuxième plan. Tout l’accent est mis sur le grand arbre solitaire qui se détache derrière la colonne votive dont on dirait presque, dans certains cas, qu’elle lui sert de tuteur, ou bien déploie ses branches dans l’entrecolonnement auquel on donne le nom conventionnel de « porta sacra »11, ou encore surgit au milieu d’un tétrastyle. Ces variantes du même thème, répétées jusqu’à satiété12, sont toutes trois déclinées sur les parois de la “chambre rouge” de la villa d’Agrippa Postumius à Boscotrecase, datable de la dernière décennie du Ier s. av. J. -C.13. Sur le grand paysage, souvent reproduit, du mur nord (fig. 2), la colonne seule — et non l’arbre — se trouve chargée d’offrandes : un vase de bronze la couronne, des boucliers y sont appendus, un pinax repose contre sa base. Le paysage du mur ouest (fig. 3) présente le même foisonnement d’exvoto qui, encore une fois cependant, n’intéresse que le tetrastylon, à l’exclusion de l’arbre qui y pousse : à l’architrave et aux colonnes sont fixés un tambourin, des boucliers, une tête que Blanckenhagen reconnaît pour être celle d’une chèvre mais qui pourrait être plutôt, comme le suggérait déjà Rostovtzeff, celle d’une antilope14.
9La diffusion même du motif [arbre + élément architectural et/ou édicule] pourrait accréditer l’hypothèse qu’il constitue, au moins dans certains cas, la réalisation « en compréhension » (au sens où l’on parle d’un ensemble mathématique défini en compréhension) de l’un de ces topia essentiels dont parlent Vitruve et Pline : en l’occurrence celui du lucus. Différents indices orientent dans ce sens. En premier lieu, la définition vitruvienne des topia qui consistent en « représentation(s), moins des objets particuliers que de ce qui fait leur particularité », en « éléments typiques des lieux »15. L’arbre vaudrait ici, en somme, la forêt16. En deuxième lieu, le fait qu’un grand nombre d’arbres peints est entouré d’un enclos : celui-ci peut consister en une simple margelle, de type puteal (la peinture reproduite fig. 4, au Musée de Naples, offre une combinaison assez complète des éléments de base du motif : l’arbre, la colonne, la « porta sacra » avec la statue d’une divinité, la balustrade ajourée, ainsi que le pinax appuyé contre la barrière17, mais revêtir aussi une forme plus élaborée : schola, tetrastylon, etc. En troisième lieu, dans plusieurs cas, un mur de téménos, avec de la végétation indiquée à l’intérieur, est juxtaposé au grand arbre central. C’est le cas à Boscotrecase (fig. 3). Autre exemple, parmi d’autres, le paysage connu sous le nom de « Pâris sur le mont Ida ». A gauche de l’arbre qui se développe au travers de la « porta sacra », une balustrade enserre un petit bosquet (fig. 5)18. Il arrive enfin qu’on dispose d’informations supplémentaires pour localiser le motif de l’arbre, non pas seulement dans une campagne abstraite, mais dans une contrée précise : il en est ainsi de « Pâris sur le mont Ida ». Et c’est également sur le mont Ida que se déroule l’union de Zeus et d’Héra représentée sur une fresque de la maison du Poète Τragique (fig. 6)19. Il est clair que c’est la localisation homérique qui est ici retenue20, parce que la scène se déroule devant le bois sacré de Cybèle21, auquel de multiples signes renvoient : un pin surgit derrière la colonne, elle-même surmontée des lions de la déesse, et parée des instruments des Corybantes, flûtes, cymbala, tambourin.
10Bien sûr, il est assez peu fréquent de pouvoir resituer avec autant de précision un paysage peint dans la géographie mythique des anciens, voire d’y pouvoir identifier un bois sacré mentionné par les textes. On se gardera donc de toute généralisation, et de la tentation de reconnaître un lucus — même réduit à sa plus simple expression — dans n’importe quelle occurrence du motif [arbre + élément architectural]. Il suffit, pour notre propos, de constater que les lois essentielles de composition de l’image — par exemple la manière dont sont distribuées les représentations d’ex-voto — sont invariantes, quels que soient les critères qui, par ailleurs, portent à supposer qu’on a affaire à un lucus ou à un arbre isolé.
11Or, une de ces constantes iconographiques semble bien être que les offrandes sont volontiers suspendues à l’élément architectural, plutôt qu’à l’arbre lui-même. Il en est ainsi dans les scènes examinées jusqu’ici. Et l’on pourrait citer de nombreux autres exemples d’ex-voto (de convention) suspendus ou noués à une colonne22, à une structure distyle (fig. 7)23, tri- ou tétrastyle24. Plus original, ce cas de figure (fig. 8), dans lequel la prolifération d’ex-voto requiert un support composite : au binôme arbre-colonne se superpose une τράπεζα supportant un canthare et un petit hermès. D’autres objets sont simplement appuyés sur la table : un pinax, une torche ( ?), une hampe peu lisible. A mi-hauteur de la colonne est assujetti un thyrse d’où pend un tambourin. L’ensemble des αναθήματα renvoie à la sphère dionysiaque, comme le montrent aussi les deux figures porte-thyrse qui encadrent le motif central25. Plus rares encore, les représentations de la mise en place de l’offrande : sur la vignette pompéienne reproduite fig. 9, une taenia est en train d’être fixée autour du fût mince de la colonne26. Inversement, on ne représente que tout à fait exceptionnellement l’installation d’ex-voto sur l’arbre seul : en voici un exemple (fig. 10). Mais cette scène avec Hercule et Omphale renvoie bien sûr au registre érotico-élégiaque27, et ce sont des petits amours qui suspendent le carquois et la massue du héros à la ramure de l’arbuste qui surmonte l’autel, lui-même chargé d’une couronne et d’un pinax28.
12En règle générale, donc, l’arbre n’est pas représenté chargé d’offrandes. Les exceptions sont rares et souvent significatives : prenons un exemple bien connu, l’Hercule dans le Jardin des Hespérides — qu’on disait être lui-même situé dans un luncus29 — du caldarium de la villa d’Oplontis30. Au-dessus du héros, l’arbre est ceint à mi-hauteur d’une large bandelette jaune. Mais précisément, on ne trouve ici aucun élément d’architecture susceptible de servir de support. A la différence d’autres représentations picturales du même épisode31, le paysage est ici entièrement naturel. Et cela explique pourquoi l’άνάθημα est transféré sur l’arbre.
13Retournons maintenant aux sources littéraires. C’est de la même façon, je crois, qu’il convient d’interpréter, dans le VIe livre de l’Anthologie Palatine, les épigrammes — d’ailleurs très peu nombreuses — qui mentionnent la suspension d’offrandes dans un arbre. Ex-voto de chasseurs32 ou de pasteurs33, à une exception près34, consacrées préférentiellement à Pan35, elles sont exhibées dans un décor champêtre de convention, où il n’y a de place ni pour un édicule, ni pour un monument quelconque. Là aussi donc, l’offrande est fixée à l’arbre, pour ainsi dire, par défaut. Dans la même catégorie encore, il faut ranger le bois sacré mythique de Cérès (Déméter) en Thessalie, dont parle Ovide au livre VIII des Métamorphoses : dans le lucus s’élève un chêne immense chargé de bandelettes, de tableaux commémoratifs, de guirlandes (uittae... memoresque tabellae/sertaque)36. Mais ce détail ajustement pour fonction de reporter le lecteur aux temps primordiaux du mythe, dans l’espace entièrement sauvage et naturel du nemus Cereale, où il ne peut y avoir d’autre moyen d’effectuer 1’άνάθεσις que par suspension dans l’arbre.
14En définitive, ce rapide survol de la documentation iconographique et littéraire permet d’invalider une partie des prémisses sur lesquelles repose la théorie du Baumkultus. Pour Bötticher, l’offrande s’adresse à l’arbre même, en tant que puissance divine, avant d’être éventuellement transférée sur certains supports qui ne sont que des substituts : la colonne, les portes et la cella du temple. En réalité, on l’a vu, l’ex-voto n’est que rarement fixé à l’arbre et, lorsqu’il l’est, c’est l’arbre qui doit être considéré comme un substitut de l’élément architectural absent. Bien entendu, les bois sacrés de la peinture et de la poésie sont conventionnels — topiques —, comme sont conventionnelles les offrandes qu’on dépose à côté d’eux. Τoutefois cet imaginaire possède sa cohérence propre et la leçon qu’il donne est claire : l’espace du lucus peut bien être rempli d’ex-voto de toute nature ; l’ανάθημα, toutefois, n’est pas conçu en principe pour être placé dans un arbre.
Rituels de suspension d’offrandes aux arbres du lucus
15Les rares exceptions qu’on peut signaler prennent d’autant plus de relief. On en relèvera quelques-unes qui renvoient, non à l’imaginaire “sacro-idyllique”, mais à des gestes, des pratiques réellement en vigueur, ou du moins que les sources donnent pour tels. On ne prétendra pas ici à l’exhaustivité et on laissera de côté des manifestations rituelles dont on ne peut pas affirmer qu’elles aient pour cadre un lucus (p. ex. on ne traitera pas le dossier complexe des oscilla). Le petit nombre d’exemples qu’on peut invoquer ressortissent au domaine grec et au domaine romain ; apparemment hétérogènes, ils orientent, en fait, dans le même sens.
16Commençons par Rome et par son centre symbolique : le foyer perpétuel de Vesta. De manière assez inattendue, l’aedes Vestae possédait un lucus du côté de la Via Noua et des premières pentes du Palatin37. De manière assez inattendue, parce que nous sommes habitués à considérer que les bois sacrés se déploient préférentiellement aux marges du territoire ou de la cité38. Au lucus Vestae appartenait sûrement un arbre, qui passait pour être l’un des plus anciens de Rome, plus ancien encore que le lotos du lucus de Junon Lucina, de la même espèce que ce dernier. Il portait le nom de capillata ou capillaris arbor, « l’arbre chevelu », quoniam Vestalium uirginum capillus ad eam defertura39. Y étaient suspendus les cheveux tondus des Vestales.
17Cette information a parfois été suspectée, pour la raison que les Vestales n’avaient pas la tête tondue mais arboraient, tout comme les nouvelles mariées, les senicrines40. On a d’ailleurs voulu reconnaître, dans les portraits conservés des Vestales, des représentations réalistes de cet ornatus uetustissimus41, mais cette interprétation a été également combattue42. Il semble en définitive raisonnable de supposer43 que les deux opérations (tonsure et disposition des cheveux restants en seni crines, à l’aide de la caelibaris hasta) allaient de pair. Cette supposition peut, en fait, être étayée par de nombreuses analogies avec le domaine grec, l’usage observé par la jeune fille d’offrir sa chevelure à la divinité au moment du mariage y étant assez répandu, entre autres à Trézène44, Délos45, Mégare46, Athènes,47, et dans l’Asclepieion de Titanè à Sicyone où l’on vénérait, au milieu d’arbres antiques, une statue d’Hygie couverte de cheveux48.
18La tonsure, comme le port des seni crines, caractérise donc, on l’a souvent remarqué49, la Vestale comme une jeune mariée. La captio qu’effectue le Grand pontife confère, à la petite fille qu’il « prend » rituellement pour en faire une Vestale, un nouveau statut, et la fait accéder à l’existence juridique50. Il est intéressant de noter que les signes tangibles, corporels de ce passage sont exhibés à ciel ouvert51, alors que normalement la jeune fille, à la veille de son mariage, se contente d’offrir, sur l’autel de la demeure qu’elle va quitter, ses poupées et ses vêtements d’enfants52. L’arbre chevelu signifie donc, de manière explicite, l’accès de la Vestale à une condition juridique et sociale entièrement inédite, qui suppose qu’elle abandonne une partie d’elle-même aux branches du vénérable lotos. Il semblerait normal que cet abandon s’effectue en quelque sorte sur une ligne de démarcation, de partage. Or, le lucus Vestae est moins central qu’il n’y paraît au premier abord. Il se situe en fait à la frontière imaginaire53 et hautement symbolique de la plus ancienne cité arcadienne et romuléenne54.
19La tonsure rituelle, l’oblation de la chevelure ne renvoient pas seulement aux cérémonies du mariage et, plus largement, à l’encadrement religieux des passages d’âge. Deux catégories très différentes de personnes sont également touchées, que les érudits rapprochaient cependant l’une de l’autre : les esclaves affranchis, les marins échappés au naufrage55. Bien entendu, pour les esclaves qui, la nuque rasée, coiffaient le pileus le jour de leur affranchissement56, de même que pour les marins dont la tonsure57 rappelaient qu’ils s’étaient acquittés du naufragorum ultimum uotum58, nous n’avons aucun moyen de prouver qu’ils aient jamais suspendu leur chevelure aux branches d’un arbre. On notera toutefois que le rituel de manumissio d’esclaves raso capite sur lequel nous sommes le mieux informés se déroule dans un bois sacré, celui de Feronia à trois milles de Terracina59. La tonsure des affranchis et celle des Vestales, si différentes qu’elles paraissent être, accompagnent en réalité la même naissance à la capacité juridique.
20Nous ne savons donc pas ce que faisaient de leurs cheveux coupés ceux qui avaient échappé aux périls de la mer ou à la servitude, afin de naître, ou de renaître, à la société des hommes. Nous savons par contre que les uns comme les autres suspendaient, dans certains cas, des offrandes aux branches des arbres. Ici encore, il ne s’agit pas d’ex-voto au sens habituel du terme, d’objets manufacturés ou de monuments qui conservent le souvenir du vœu contracté mais, littéralement, de dépouilles d’une condition antérieure.
21Nous possédons d’abord deux témoignages qui établissent formellement qu’en deux points au moins du monde grec, on suspendait dans un bois sacré les marques d’une servitude passée. Il ne s’agit pas, à vrai dire, d’esclaves en général, mais spécifiquement de prisonniers enchaînés qui, à Phlionte en Corinthie, faisaient l’άνάθεσις de leurs entraves aux cyprès de 1’άλσος consacré à Hébé60 et qui, dans le lucus d’Apollon Gryneios, en Éolide, fixaient aux arbres les fers qu’on leur avait ôtés61. Il s’agit, comme on l’a souvent noté, de pratiques caractéristiques de sanctuaires jouissant du droit de l’άσυλία62. Ce qui nous retiendra davantage, c’est la nature des ὰναθήματα et leur présentation. L’oblation est très précisément une ablation puisque les captifs délivrés offrent, non un objet qu’ils auraient acquis mais cela même qui, rivé sur leur corps, était le moyen de leur asservissement. Ces entraves, exhibées sur les arbres du bois sacré, témoignent bien sûr de la puissance de la divinité libératrice. Mais surtout elles garantissent que ce changement, qui a fait du prisonnier un homme libre, est irréversible. Consacrer des chaînes dans un sanctuaire, c’est les rendre pour jamais inutilisables, puisqu’il ne saurait être question de reprendre au dieu ce qu’on lui a donné. Les suspendre dans un άλσος dont des règlements nous avertissent qu’il était interdit de rien faire sortir63, revient à les mettre définitivement hors de portée, hors service64.
22Pour les ex-voto de marins naufragés, les choses sont un peu plus complexes : on a déjà évoqué l’oblation de la chevelure. Mais l’offrande d’action de grâce la plus courante paraît avoir consisté en tableaux votifs, dont la fréquence dans les sanctuaires est notée par Cicéron65 et Juvénal66. Où étaient suspendus ces ex-voto peints ? Juvénal emploie le terme générique de fana67 mais un passage d’Horace permet de préciser davantage : c’est sur une paroi de la cella du temple (sacer paries) qu’est censée être accrochée la tabula uotiua commémorant le sauvetage du poète des eaux68. Quant aux sujets figurés, ils devaient consister très souvent en scènes de tempêtes et de naufrages. Toutefois, ce type de représentations, si familier pour nous qui avons en mémoire les ex-voto marins modernes des sanctuaires littoraux atlantiques ou méditerranéens69, n’est, à vrai dire, formellement attesté par les sources antiques que pour des tableaux dont la destination était toute autre : il s’agit des pancartes coloriées qu’exhibaient les naufragés en train de mendier70.
23La tabula uotiua d’Horace joue sur un registre différent : elle indique que le naufragé a suspendu ses vêtements trempés d’eau de mer en offrande à Neptune. La tabula n’est, par conséquent, qu’un ex-voto au “deuxième degré”. Elle ne possède qu’une fonction commémorative de l’acquittement proprement dit du vœu71. Sous quelles formes s’effectuait cet acquittement, c’est-à-dire la suspension des vêtements du matelot rescapé ? Une notation de Virgile permet d’apporter une réponse valable au moins dans certains cas. Les Troyens, sacrilèges par ignorance, ont coupé un olivier sauvage dédié à Faunus. L’arbre était vénéré des marins qui « sauvés des flots, avaient coutume d’y fixer les offrandes qu’ils faisaient au divin Laurente et d’y suspendre les vêtements qu’ils lui avaient voués »72.
24Si l’on admet que ces vers de l’Énéide portent témoignage sur des pratiques réelles, reste que Virgile ne parle pas d’un lucus mais d’un seul arbre, sacré certes, mais isolé. On observera toutefois que l’oléastre consacré à Faunus — c’est-à-dire à un dieu de la lisière73, des confins entre brousse et cultures, lui-même présent dans de nombreux luci, celui d’Albula74, de Bona Dea sub saxo75 au Lupercal76, dans la silua Arsia77 — surgit dans un paysage « de marge », situé entre la terre ferme et la cité laurente d’une part, les marais et la mer de l’autre78, dans ce décor marécageux qui caractérise de nombreux bois sacrés du Latium et de Rome79. Et c’est précisément cette localisation de 1’arbor sacer de Faunus qui permet de comprendre pourquoi on offre à une divinité, en principe bien terrestre, des ex-voto marins. Servius, dans son commentaire, se pose le problème : c’est parce que Faunus est deus patrius, dit-il, que les marins lui adressent leurs vœux, pour qu’il leur permette de revenir chez eux80. Faunus intervient ici, en fait, parce qu’il se tient à la frontière du monde sauvage et du monde civilisé. Il peut aider le matelot donné pour perdu à réintégrer la société des hommes, mais à une condition : que celui-ci fasse l’abandon de sa défroque de noyé encore imbibée d’eau salée. Il s’agit encore une fois d’exhiber — sur un arbre — mais aussi de dépouiller définitivement les insignes d’un état antérieur, de manière à pouvoir accéder à une vie nouvelle qui est, dans le cas du naufragé, presque une résurrection. Les sanctuaires des confins, avec leurs bois et leurs arbres sacrés, sont des lieux privilégiés de ce passage, de cet accès ou de ce retour à l’existence dans la cité.
25Les remarques qui viennent d’être faites sur les dons votifs des marins, permettent peut-être de mieux comprendre le sens d’un ex-voto fameux. Il s’agit du tableau déposé en 88 av. J. -C. ou peu après, dans le sanctuaire côtier de Marica à Minturnes, en action de grâces pour le succès de la fuite de Marius. Cette fuite, la déesse l’avait en effet favorisée en concédant un droit de passage à travers son Incus, qui barrait l’accès à la mer et qu’il était, en principe, interdit de traverser81. Quant au tableau votif, il consistait en une « peinture des événements » (πίναξ των πράξεων εκείνων)82 — et il faut probablement entendre par là qu’il juxtaposait, en une sorte de narration figurée, les scènes les plus dignes de mémoire de l’escale de Marius à Minturnes. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il faille y voir une source des élaborations littéraires de l’épisode83. On imaginera volontiers qu’étaient représentées les marques de la bienveillance de Marica : peut-être le départ vent arrière du navire84 ; sans doute aussi la traversée du bois sacré à laquelle la déesse avait consenti, ou plutôt les deux traversées. Car Marius, bien sûr, a franchi deux fois le lucus inaccessible de Marica, pour aller à Minturnes et en partir. Et lui donc, qui connaissait sans doute bien Minturnes85, qui veille scrupuleusement à se concilier la faveur divine86, savait, dès son arrivée à l’embouchure du Liris, qu’il commettait une faute rituelle en s’aventurant dans le domaine de la déesse, si ce n’était pour y accomplir un acte de culte déterminé. Or, c’est précisément à ce moment qu’il se dépouille de ses vêtements et qu’il pénètre dans le marais87. Peu après, il fera son entrée à Minturnes « couvert de boue topographique assez similaire à celle du lucus de Marica à l’embouchure du Garigliano (P. Mingazzini, Il santuario della dea Marica alle foci del Garigliano. MonAL, 37,1938, col. 695 et suiv. ; sur Marica et son domaine marécageux, infra, n. 81 et 87 ; sur les et nu », βορβόρου κατάπλεως και γυμνός88. en définitive, se comporte exactement comme un naufragé ; c’est en accomplissant le rite caractéristique de ceux-ci qu’il passe une première fois par le Incus de Marica89. L’ex-voto commémoratif de « ces événements » ne devait pas être si différent de celui dont parle Horace, si y était représenté (ou mentionné) l’abandon par Marius de ses vêtements.
26Au total, le dossier des offrandes votives suspendues dans les bois sacrés reste peu fourni, si on ne prend en considération que les dons directement fixés aux arbres. Les donarla et l’arborum multitude cum religione — selon l’expression fameuse de Servius90 — coexistent comme deux éléments, complémentaires mais distincts, du décor sacré du sanctuaire. La riche documentation figurée, dans sa logique propre, ne dit pas autre chose et ne fournit pas d’arguments, en réalité, à la théorie du « Baumkultus ». Par contraste, les quelques cas de suspension qu’on peut citer prennent d’autant plus de relief, mais regardent des offrandes d’un type particulier : on n’accroche pas aux arbres du lucus des présents de valeur (de valeur marchande), mais les marques corporelles ou vestimentaires d’un statut dont on fait matériellement et symboliquement l’abandon, avant d’en acquérir un nouveau. Offrandes bien adaptées, pourrait-on dire, à des sanctuaires qui, bien souvent, matérialisent une limite, un confin. Les bois sacrés sont infranchissables mais, en même temps, ils gardent le passage vers la cité des hommes que les esclaves, les prisonniers, les marins (les Vestales aussi, d’une certaine façon91 parcourent ou reparcourent chacun à leur manière.
Bibliographie
Abréviations bibliographiques
Dall’Olio 1989 : DALL’OLIO (L.), Il motivo della « porta sacra » nellapitturaromanadi paesaggio. Latomus, XLVIII, 1989, 513-531.
Dawson 1944 : DAWSON (C. M.). Romano-Campanian mythological landscape painting. New Haven, 1944 (Yale Classical Studies, 9).
Peters 1963 : PETERS (W. J. T.), Landscape in Romano-Campanian mural painting. Groningen. 1963.
Notes de bas de page
1 L’expression « bois sacré » est ici employée par commodité, conformément à l’usage reçu, pour traduire le terme latin lucus. On ne reviendra pas sur les problèmes de définition (lucus = clairière / lucus = bois) — il suffit de renvoyer sur ce point aux autres communications de ce colloque, en particulier à la communication liminaire de J. Scheid.
2 Il est facile de vérifier cette assertion. Considérons, p. ex., les sanctuaires du Latium (et de l’Ager Faliscus) dont nous savons d’une part, par des sources littéraires, qu’ils possédaient un lucus et dont, d’autre part, le dépôt votif (ou un dépôt votif) est connu — partiellement, malheureusement, dans presque tous les cas. La liste en est vite établie : dans l’Ager Faliscus, le lucus Feroniae (A. M. Sgubini Moretti, Materiali archeologici scoperti a Lucus Feroniae. In : Nuove scoperte e acquisizioni nell’Etruria Meridionale. Rome, 1975, 93-175, part. 110-154) et, à Falerii Veteres, le sanctuaire de Junon Curitis, à supposer que celui-ci ne soit autre, comme on l’a continûment affirmé, que le temple de Celle (A. M. Cornelia, I materiali votivi di Falerii. Rome, 1986, 185 et suiv. (Corpus delle stipi votive in Italia, I, Regio VII, 1). Dans le Latium, le lucus Dianius in nemore Aricino (T. F. C. Blagg in : A. G. MacCormick et alii, Mysteries of Diana. The Antiquities from Nemi in Nottingham Museums. Nottingham, 1983, 46 et suiv. ; T. F. C. Blagg, Le mobilier archéologique du sanctuaire de Diana Nemorensis, dans le présent volume), le sanctuaire de Junon Sospita à Lanuvium (A. M. Woodward, The antiquities from Lanuvium in the Museum at Leeds and elsewhere, II. Sculpture and Miscellaneous. PBSR, XI, 1929, 102 et suiv.) et celui de Mar ica à Minturnes (P. Mingazzini, Il santuario della dea Marica alle foci del Garigliano. MonAL, 37, 1938, col. 694 et suiv.). A Rome enfin, on possède deux décharges votives appartenant à la maison des Vestales (A. Bartoli, I pozzi dell’area sacra di Vesta. MonAL,XLV, 1961,69 et suiv.) qui possédait également un lucus (infra, n. 37 et 54). La documentation, très incomplète (sauf dans le cas de Minturnes) fait apparaître toutefois, à un premier repérage, des écarts notables. A Minturnes, les représentations grandeur nature du corps humain, entier (statues) ou réduites à la seule tête représentent près des 3/4 du total (respectivement 189 et 97 ex. plus ou moins fragmentaires = 46 % et 23,6 %). Les statuettes (imitations de » Tanagra » ou élaborations locales) ne représentent qu’un peu plus du quart des ex-voto plastiques (109 ex. = 26,5 %). Les ex-voto anatomiques, d’ordinaire omniprésents dans les sanctuaires de l’Italie Centrale, sont ici, significativement, presque absents (9 ex. = 2,2 %). Si le petit noyau de matériel provenant de Celle (Falerii) présente un faciès un peu similaire (prédominance des têtes ; sous-représentation des ex-voto anatomiques. Mais le matériel conservé est-il statistiquement représentatif ?), le panorama s’inverse à Nemi (prédominance écrasante des statuettes : 277 ex. = 72 % des ex-voto figulins de la collection de Nottingham ; présence — modeste — d’ex-voto anatomiques, membres surtout : 37 ex. = 10 %) et, semble-t-il (d’après le noyau de matériel récupéré), au Lucus Feroniae (les statuettes forment la catégorie relativement la plus nombreuse — 39 ex. —, suivies par les ex-voto anatomiques — 21 ex.).
3 Paus., V, 27, 11 : "Εστι δε ύπό ταῖς έν τή "Αλτει πλατάνοις κατά μέσον μάλιστα που τòν περίβολον τρόπαιον χαλκοΰν.
4 Paus., V, 13, 1 -2 : και λίθων τε θριγκω περιέχεται και δένδρα έντός πεφυκότα και ανδριάντες είσίν άνακείμενοι.
5 Cic., Prov., 7 : qui locus aut lucus... tarn sanctus fuit, in quo ullum simulacrum, ullumornamentum reliquumsit ? CIL, VIII, 16532 : cistifer cum suis lucum a solo cum signis et ornamentis suis fecerunt et dedicauerunt.
6 Ον., F., III, 267-268 : licia dependent longas uelantia saepes/et posita est meritae multa tabella deae : Fr. Börner, Die Fasten. II. Kommentar. Heidelberg, 1958, ad loc., décèle dans les pratiques décrites par Ovide, les traces d’un ancien « Baumkultus ». A tort, puisque Ovide ne parle pas de suspension de ces tableautins aux arbres même.
7 M. Rostovtzeff, Pompeianische Landschaften und römische Villen. JdI, 19, 1904, 103-126 ; id., Die hellenistisch-römische Architekturlandschaft. RM, 26, 1911, 1-85.
8 On se réfère ici particulièrement aux analyses de P. Grimal, Les jardins roma ins. Paris, 1943 (BEFAR, 155), 93 et suiv. et d’A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne (Ve siècle av. J. -C. Ier siècle ap. J. -C,). Rome, 1989 (BEFAR, 274), 323 et suiv.
9 Vitruv., VII, 5,2 :... ambulationibus uero propter spatia longitudinis uarietatibus topiorum ornarent a certis locorum proprietatibus imagines exprimentes ; pinguntur enim portus, promunturia, litora, flumina, fontes, euripi, fana, luci, montes, pecora, pastores ; Plin., N. H., XXXV, 116 : non fraudando et Studio (ou Ludio) diui Augusti aetate, qui primus instituit amoenissimam parietum picturam, uillas et portus ac topiaria opera, lucos, nemora, colles, piscinas, euripos, amnes, litora, qualia quis optaret...
10 Fresque provenant d’Herculanum, Musée Archéologique National de Naples, inv. 9419. Cf. M. Rostovtzeff, Die hellenistisch-römische Architekturlandschaft. RM, 26, 1911, 84, fig. 50 ; Peters 1963, 1 16 et suiv., fig. 96 (qui définit l’enclos comme un « walled garden »).
11 Dall’Olio 1989 : l’auteur (516) compte 22 cas de simple juxtaposition arbre/ « porta sacra », 19 cas de “corrélation” entre les deux éléments (lorsque l’arbre se développe, au moins partiellement, à travers l’embrasure).
12 K. Schefold, Origins of roman landscape painting. The Art Bulletin, 42,1960,90 : « Roman landscape repeat again and again the elements of this composition : the sacred tree, the pillar with archaistic statues, the deities venerated by pious people and the curtain, veiling or protecting the sacred scene ».
13 P. H. von Blanckenhagen, C. Alexander, The paintings from Boscotrecase. Heidelberg, 1962 (RM, Suppl. 6), 21 et suiv.
14 Ibidem, 23.
15 P. Grimal, Les jardins romains. Paris, 1943 (BEFAR, 155), 97 ; voir également A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne (Ve siècle av. J. -C. -Ier siècle ap. J. -C.). Rome, 1989 (BEFAR, 274), 325 et suiv.
16 De la même manière, il existe un topos littéraire de l’(arbor) una nemus, de l’arbre si majestueux qu’il est une forêt à lui tout seul : Ον., Met.,VIII, 743-744 (chêne dans un Cereale nemus ; cf. infra, n. 36), avec le comm. de Fr. Börner (Die Fasten. II. Heidelberg, 1958), ad loc. ; id., Epist. Sapph., 159-160 (lotos près d’un fons sacer) ; cf. Plin., N. H., XVI, 242 ; Plin., Epist., V, 6, 39 ; Sil., V, 482 et suiv.
17 Fresque provenant de Pompei, temple d’Isis, Musée Archéologique National de Naples, inv. 9486. Cf. O. Elia, Le pitture del tempio di Iside. Rome, 1941 (Monumenti della pittura antica scoperti in Italia, III, Pompei, III-IV), 32 ; Peters 1963, 150, n. 582 et fig. 141.
18 Musée Archéologique National de Naples, inv. 9508 ; cf. Peters 1963, 128, n. 443 (avec bibliographie précédente) et fig. 104.
19 Musée Archéologique National de Naples, inv. 9559 ; cf. Peters 1963,145 et suiv., n. 575 (avec bibliographie précédente) et fig. 138. Le corpus des représentations (peu nombreuses) de l’union de Zeus et d’Héra est établi, dans le LIMC, IV, 1, 1988, 682 et suiv., par A. Kossatz-Deissmann.
20 Hom., Il.. XIV, 153 et suiv. Sur les autres localisations du mythe, voir H. Graillot, s. v. Hiéros Gamos, dans DA, III, 1, 1900, 178.
21 Sur le bois de pins consacré sur l’Ida à Cybèle, voir surtout Verg., Aen.. IX. 85 et suiv. ; cf. Sen., Troad., 173 et suiv.
22 On se contentera de citer ici quelques exemples, parmi les plus significatifs : Rome, casa di Livia, triclinium : l’arbre enserre étroitement une colonne sommée d’un vase, chargée de bandelettes qui retiennent un bouclier et deux javelots, avec un pinax au pied ; cf G. A. Rizzo, Le pitture della « casa di Livia ». Rome, 1936, pl. XI, 58 et suiv., fig. 42. Rome, maison d’Auguste, salle des masques ; au centre de l’une des parois, colonne, devant l’arbre et un long mur courbe, porte des bandelettes et des guirlandes, une lance, un pinax ; sur le mur ouest, la colonne, surmontée d’un vase, supporte une bandelette et un pedum ; à une branche de l’arbre qui s’enroule autour d’elle pend une bourse ; cfG. Carettoni, La decorazione pittorica della casa di Augusto sul Palatino. RM, 90, 1983, 373 et suiv. Pompei : Peters 1963,68 et suiv., fig. 49, pl. XV (maison 1,7,19 : colonne ceinte de bandelettes, hermès au pied, à l’ombre d’un pin) ; 83 et suiv., fig. 69-70, pl. XIX (maison V, 2,10) ; 86 et suiv., fig. 72, pl. XX (maison I,2, 17) ; 91 et suiv., fig. 78, pl. XXI (maison du sacerdos Amandus : à la colonne derrière l’arbre est plutôt suspendu un tambourin qu’un bouclier, comme le voudrait Peters ; même sujet — Polyphème et Galatée — et offrandes similaires : Dawson 1944, n° 42, pl. XVII ; n° 96 (ici fig. 1) ; n° 115,134 et suiv.,pl. XXVIII ; n° 128,142, pl. XXXI ; n° 138,145 et suiv., pl. XXXII (ici fig. 6) ; n° 141 (ici fig. 4).
23 Dall’Olio 1989,520 et suiv., cat. n° 8 (Rome, MNR, provenant du colombarium de Villa Pamphili, paroi F, XX : carquois suspendu à une colonne, près de l’arbre), n° 9, 14 (Rome, Antiquarium Comunale et Domus Aurea : vases sur la « porta sacra » traversée par l’arbre), n° 32-34 (Pompéi, maisons des Dioscures, de Vibius Italus, de Fabius Rufus : « porta sacra » avec vases et statues ; arbre à côté), n° 44-45 (Naples, MAN, inv. 8574-8575, prov. du temple d’Isis : “chapelle d’Isis-Hathor” et “chapelle de Neith”. Vases ; guirlandes, boucliers, épées, javelots suspendus à la « porta sacra » ; arbre derrière), n° 46 (Naples, MAN, inv. 8845 : sanctuaire peut—être de Cybèle, avec arbre ; les éléments d’architecture supportent les dons votifs, cymbala, pinax, taenia), n° 51 (ici fig. 5), n° 53 (Pompéi, Maison de C. Iulius Polybius). On a reproduit ici, à la fig. 7, le n° 15 de Dall’Olio 1989 (Naples, MAN, inv. 147502) qui provient, comme les fresques des fig. 2-3, de la “chambre rouge” de la villa de Boscotrecase, et qui présente une particularité intéressante : on retrouve, sur la « porta sacra », les habituels ex-voto de convention : vases sur le couronnement, tympanum et pinax suspendus, hermès au pied de celle-ci. Mais l’arbre, lui aussi, porte une offrande d’interprétation difficile, « a very peculiar object » selon P. H. von Blanckenhagen, C. Alexander, The paintings from Boscotrecase. Heidelberg, 1962 (RM, Suppl. 6), 23 à la n. 13, 22 et suiv., qui y voient un bouclier de pygmée. Quoi qu’il en soit, on notera que les αναθήματα se répartissent de manière significative : les “normaux” sur l’édicule, l’“anormal” (avec peut-être une référence au monde non-civilisé) sur l’arbre. Enfin, dans le catalogue de Dall’Olio 1989 ne figurent pas deux paysages (disparus) de la maison pompéienne IX, 2,18, connus d’une part par un dessin (Dawson 1944,87, n° 17 et pl V), d’autre part par une aquarelle récemment publiée (Italienische Reise. Immagini pompeiane nelle raccolte archeologiche germaniche, catalogue d’exposition, Naples, 1989 (Soprint. Archeol. di Pompei, Le Mostre, 8), 231 et suiv., n° 73 et fig. p. 310 = Dawson 1944, 87 et n° 17a) : sur le premier, la « porta sacra » est ornée de deux vases, d’un bouclier et d’une javeline ; sur le deuxième, l’arbre est en retrait de l’entrecolonnement qu’occupe une statue, probablement de Dionysos ; sur la colonne la plus proche, surmontée d’un vase métallique, sont suspendus un thyrse, un pedum, un tambourin.
24 Ainsi Peters 1963, n°9 (20 et suiv.,pl. II : Naples, MAN, inv. 9423) ; n° 56 (72, pl. XVI : édicule, peut-être dionysiaque, aux colonnes duquel sont suspendues les offrandes : lagobolon, thyrse, bouclier et javelot) ; n° 58 (74 et suiv., pl. XVII : chapelle décorée de nombreux dons : tableaux votifs, javelot, thyrse, taenia) ; Italienische Reise, cit. à la n. 23, n° 60, 212-213,fig. à p. 301.
25 Fresque pompéienne à Naples, Musée Archéologique National, inv. 9258 ; Peters 1963,72, n. 278 avec bibliographie précédente et fig. 57.
26 Fresque provenant de Pompéi, Naples, Musée Archéologique National, inv. 9858. Le mauvais état de la peinture ne permet pas de se rendre compte si le nœud de la bandelette enserre également une branche de l’arbuste noueux placé derrière la colonne qui constitue, en quelque sorte, son “tuteur”. La colonne de la fresque 9258 (fig. 8) pourrait rendre le même service à l’arbre qui se développe derrière elle ; une ligature (à la hauteur du thyrse suspendu) unissait là aussi peut-être l’élément végétal et l’élément architectural.
27 Particulièrement : Ον., Her., IX, 53 et suiv.
28 Fresque provenant de Pompéi, Naples, Musée Archéologique National, inv. 9000. Cf. Peters 1963, 106, n. 86 et pl. XXII.
29 Plin., N. H., V, 31 ; cf. Luc., Phars., IX, 362.
30 A. De Franciscis, La villa romana di Oplontis. PdP, XXIX, 1973, 453-466, part. 464 et suiv., et fig. 8.
31 Maison du Sacerdos Amandus, triclinium : NSA, 1927, 22-23, pl. cf. Dawson 1944, 99, n° 40a. Pompei, V, 2, 10 : ibid., 89, n° 22, pl. VII ; Peters 1963, 84, n. 316 avec bibliographie précédente et fig. 71.
32 Anth. Pal., VI, 35 ; 57 ; 106 ; 110 ; 168 ; 262 ; 331. Dans les Florides d’Apulée (I. 1 -3), le thème de l’ex-voto de chasseurs consacré dans un lieu de culte à ciel ouvert se trouve associé à l’image du voyageur et de ses haltes pieuses : Ut ferme religiosis uiantium moris est, cum aliqui lucus aut aliqui locus sanctus in uia oblatus est, uotum postulare, pomum adponere, paulisper adsidere... Neque enim iustius religiosam moram uiatori obiecerit aut ara floribus redimita aut spelunca frondibus inumbrata aut quercus cornibus onerata aut faguspellibus coronata...
33 Anth. Pal., VI, 96 ; 221 ; 255.
34 Anth. Pal., VI, 237 (un Galle offre sa chevelure à Cybèle : il s’agit d’une variante de la série d’épigrammes 217-221).
35 Anth. Pal., VI, 35 ; 57 ; 96 ; 106 ; 168. Dans quatre cas, la divinité bénéficiaire de l’offrande n’est pas citée (110 ; 255 ; 262 ; 331). Zeus Sôter est le bénéficiaire du tableau votif de 221 ; Cybèle de la chevelure du Galle en 237. Sur ces offrandes de l’Anthologie et d’autres ex-voto “littéraires”, voir C. Bötticher, Baumkultus der Hellenen. Berlin, 1856, ch. VI et ch. X, 4-5 ; W. H. D. Rouse, Greek votive offerings. Cambridge, 1902, 42 et suiv.
36 Ον., Met., VIII, 741-745 : Ille (= Erysichton) etiam Cereale nemus uiolasse securi/Dicitur et lucos ferro temerasse uetustos. /Stabat in his ingens annoso robore quercus,/Una nemus ; uittae mediam memoresque tabellae/Sertaque angebant, uoti argumenta potentis ; cf aussi, pour d’autres attestations littéraires de la suspension de uittae dans les arbres, ibid., 722-723 ; Stat., Theb., II, 736.
37 Cic., Div., I, 45. 101 (épisode d’Aius Loeutius) : exaudita uox est a luco Vestae, qui a Palati radice in nouam uiam deuexus est. ; cf. Liv., V, 32. 6 ; Cell., Ν. Α., XVI, 17, 2. Cf. G. Stara-Tedde, I boschi sacri dell’antica Roma. BC, XXIII. 1905, 208-210 et infra, n. 53.
38 Voir p. ex. Cic., Leg., II. 19 : lucos in agris habento et Larum sedes ; cf. F. Castagnoli, Il tempio romano : questioni di terminologia e di tipologia. PBSR. 52, 1984, 6.
39 Plin., N. H., XVI. 235 ; cf. Paul. -Fest., 50, 12 L. : capillarem arborem dicebant, in qua capillum tonsum suspendebant.
40 Fest., p. 454 L.
41 L’expression est de Fest., p. 454 L ; cf. J. A. Hild. s. v. Vesta, dans DA, V, 1919, 759 ; H. Dragendorff, Die Amtstracht der Vestalinnen. Hermes, LI, 1896, 281 et suiv.
42 L. Sensi, Ornatus e status sociale delle donne romane. Ann. Fac. Lett. Fil. Perugia, Sez. St. Class., XVIII, n. s. IV, 1980-1981,55 et suiv. ; M. Torelli, Lavinio e Roma, Rome. 1984, 33 et suiv.
43 P. ex. M. Torelli, Lavinio e Roma, Rome, 1984, 33 et suiv.
44 Luc., Syr., 60.
45 Hdt., IV, 34 ; Cali.. Del., 296 et suiv. ; Paus., I, 43, 4.
46 Paus., I, 43, 4.
47 Stat., Theb., II, 2, 234.
48 Paus., II 116, 6.
49 M. Torelli, Lavinio e Roma, Rome, 1984, 33 et suiv. ; M. Beard. The sexual status of Vestal Virgins. JRS, 70, 1980. 13 et suiv., souligne avec raison l’ambiguïté du statut des Vestales, à la fois vierges, matrones et adultes mâles.
50 Gell., I, 12 ; cf., entre autres, G. Dumézil, Te amata capio. REL, 41,1964, 90 et suiv. = Mariages indo-européens, Paris, 1979. 241 et suiv.
51 Parce que, précisément, les cheveux de la Vestale sont exhibés, suspendus, on ne peut considérer comme entièrement valide le rapprochement qu’on fait d’habitude avec les rognures d’ongles et de cheveux du Flamen Dialis qui sont, au contraire, enfouies au pied de 1’arbor felix (Gell., X, 15,5 : unguium Dialis et capilli segmina subter arbore felici terra operiuntur).
52 Schol. ad Horat., Sat., I, 5, 69 ; Varr., in Non., 836, 15 L. ; parfois l’offrande se fait à Vénus : Pers., II, 70, ou à Fortuna Virginalis : Arnob., Adu, nat., II. 67 ; cf. J. Gagé, Matronalia. Bruxelles, 1963 (coll. Latomus. 60), 38 et suiv.
53 Soit dit sans prendre position sur l’éventuelle réalité (proto)historique de cette frontière. Ce qui seul importe ici, c’est que cette représentation, vraie ou fausse, appartenait indubitablement à l’imaginaire collectif des Romains se penchant sur leurs propres origines.
54 Le lucus s’étendait entre le temple de Vesta et la Via Noua (supra, n. 37), c’est-à-dire dans une zone dont on savait encore, à l’époque augustéenne. qu’elle avait été inondable et qu’elle confinait à la palus du Vélabre (Ον., F., VI, 395-414 ; Varr., LL, V, 43, 1-4). Le lucus Vestae appartient en conséquence à cette ceinture marécageuse que les textes littéraires restituent alentour du Palatin et qui était jalonnée de luci réputés avoir été initialement extra-urbains (cf. p. ex. Verg., Aen., VIII. 102 et suiv. : Enée, en visite sur le site de Rome, va de l’Ara Maxima (104 : ante urbem in luco) au Lupercal (343-344 ; cf. Ον., F., VI. 411 : lucus erat iuncis et harundine densus : le Lupercal était distinct de la cité au temps de Pallantée selon la reconstruction de DH, I. 32, 4) et à la demeure d’Evandre en côtoyant le lucus ingens de l’Asyle (342) et (345) le sacri nemus Argileti). F. Coarelli, Il Foro Romano. I. Periodo arcaico. Rome, 1983, insiste ajuste titre (p. 275 et suiv.) sur “l’aspetto liminare” des cultes du Vélabre (de Faunus au Lupercal, comme d’Aius Locutius au lucus Vestae) et situe « subito fuori della... porta Romulana... l’ara di Aius Locutius... divinità tutelare delle mura e delle porte » (p. 233 et suiv.).
55 Non., p. 186 Müller = p. 616 Quicherat : Qui liberi fiebant, ea causa CALVI erant + ut naufragio liberati solent, quod tempestatem seruitutis uiderentur effugere. Plautus in Amphitryone : ut ego hocedie raso capite caluus capiam pilleum.
56 Plaut., Amph., 462 (loc. cit. par Non., note précédente, et par Seru., ad Aen., VIII, 564 : FERONIA MATER nympha Campaniae, quam etiam supra (cf. VII, 799) diximus. haec etiam libertorum dea est, in cuius templo raso capite pilleum accipiebant. cuius rei etiam Plautus in Amphitryonefacit mentionem quod utinam ille faxit Iuppiter, ut raso capite portem pilleum. [Serv. auct.] in huius templo Tarracinae sedile lapideum fuit, in quo hic uersus incisus erat bene meriti serui sedeant, surgant liberi.
57 Juv., XII, 81 -82 : gaudent ibi uertice raso /garrula securi narrare pericula nautae ;cf. Artemid., Oneir., I, 22 ; Lue., Merc. cond.
58 Petr., Sat., 103 (cf. ibid., 104).
59 Serv. et Serv. auct., loc. cit. à la note 56. Le lucus extra-urbain de Terracina est mentionné par Verg., Aen., VII, 800, et le commentaire de Serv.. ad loc. Selon une hypothèse soutenue à plusieurs reprises par F. Coarelli (Lazio. Rome-Bari, 1982, (Guide archeologiche Laterza), 325 et suiv. ; Id., I santuari del Lazio e della Campania tra i Gracchi e le guerre civili, In :. Les “Bourgeoisies” municipales italiennes aux IIe et Ier siècles av. J. C., Naples, 1983, (Publications du Centre Jean Bérard, VI), 232 et suiv. ; Id., I santuari del Lazio in età repubblicana. Rome, 1987, 113 et suiv.), le sanctuaire du Monte Sant’Angelo, que l’on reconnaît généralement pour être celui de Jupiter Anxur, appartiendrait au contraire à Feronia. Le raisonnement s’appuie sur l’identification des turres dont parle Plin., N. H., II, 146, inter Tarracinam et aedem Feroniae, avec l’enceinte fortifiée du Monte S. Angelo. Il conviendrait, en ce cas, de distinguer soigneusement entre l’aedes Feroniae, suburbaine (où se déroulaient, selon F. Coarelli, les manumissiones, puisque Serv., ad Aen., VIII, 564, parle d’un templum) et le lucus et le fons de Feronia qu’on a pu, depuis longtemps, situer avec toute la précision nécessaire, grâce au récit du voyage d’Horace jusqu’à Brindisi (Sat., I. 5,24 et suiv.), sur la via Appia, trois milles avant Terracina, à l’extrémité du canal doublant le Decennouium qui côtoyait la voie consulaire (cf. aussi Strab., V, 3, 6). A cela, on objectera : a) que les affranchissements avaient sûrement lieu dans le sanctuaire où coulait le fons Feroniae (Servius, loc. cit. supra, n. 56, appelle la dea libertorum dans le temple de laquelle ont lieu les affranchissements une nympha Campaniae. Nympha parce qu’une source lui appartient : Hor., Sat., I, 5, 24 : Ora manusque tua lauimus, Feronia, lymplia ; cf. ibid., 97 où lymphis = nymphis) : b) que le fons Feroniae se trouvait dans le lucus Feroniae (Serv., ad Aen., VII, 800 : huius fontis lucus)·, c) que d’une manière générale, les sanctuaires de Feronia se caractérisaient par un bois sacré (lucus Feroniae capénate bien sûr, mais aussi peut-être, à Rome : NSA, 1905, 15), une source (P. Aebischer, Le culte de Feronia et le gentilice Feronius. RBPhH, 13, 1934, 23 ; D. Monacchi, Un luogo di culto di Feronia a Narni. DdA, n. s. III, 1985, 93-107), une dévotion spéciale de la part des affranchis (à Rome : Liv., XXII, 1,18 ; CIL, VI, 30702 ; au Lucus Feroniae·. R. Bloch et G. Foti, Nouvelles dédicaces archaïques à la déesse Feronia. RPh, 27, 1953, 65-77 ; M. Torelli, Feroniae Lucus Feroniae in due iscrizioni latine. Arch. Class., 25-26, 1973-1974, 741-750 ; à Trebula Mutuesca : CIL, IX, 4873-4875) ; d) que la présence simultanée de deux sanctuaires de Feronia à si peu de distance l’un de l’autre n’aurait pas manqué d’être signalée, surtout dans les cas où la simple mention topographique apud Feroniam (ainsi Tac., Hist., III, 76) serait, par là même, devenue source de confusion.
60 Paus., II, 13,3-4 : λυθέντες δε οί δεσμώται τάς πέδας προς τά έν τω άλσει δένδρα άνατιθέασιν (il s’agit, en l’occurrence, d’un bois sacré de cyprès, κυπαρίσσων άλσος).
61 Varr,,ap. Serv. auct. ad Ecl., VI, 72 : Varro ait, uincladetrahi solita, id est compedes catenasque et alia, qui intrarunt in Apollinis Grynei lucimi, et fixa arboribus·, cf. Paus., 1,21,7.
62 Les suppliants qui gagnent Phlionte sont assurés de l’impunité, άδεια (Paus., II. 13,4). Sur l’άσυλία, voir Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques. Nancy, 1972,226 et suiv., et, plus récemment, les contributions de M. Ciccio, A. Mastrocinque, G. G. Belloni, dans le volume collectif (coordonné par M. Sordi), / santuari e la guerra nel mondo classico. Milan, 1984 (CISA, X), 132-180. Un autre άλσος célèbre jouissant de l’άσυλία était celui du cap Lacinion (Plut., Pomp., 24,6) consacré à Héra, qui y était vénérée, entre autres, comme Eleutheria, comme divinité présidant aux affranchissements (G. F. Maddoli, I culti di Crotone. In : Crotone. Atti del XXIII Convegno di Studi sulla Magna Grecia (Taranto, 7-10 Ottobre 1983). Naples, 1984, 313 et suiv., part. 318-320 et 327-328, ainsi que, dans le même volume, les interventions de M. L. Lazzarini, 353-354, et de M. Giangiulio, 347-351 ; cf. également M. Giangiulio, Per la storia dei culti di Crotone antica. Il santuario di Hera Lacinia. Strutture e funzioni cultuali, origini storiche e mitiche. ASCL, XLIX, 1982,7 et suiv.) Pour G. F. Maddoli, art. cit., 328 et suiv., le sanctuaire crotoniate de Vigna Nuova, remarquable par les fers (d’esclaves ou plutôt de prisonniers de guerre) qui y ont été retrouvés en grand nombre (R. Spadea, La topografia. In : Crotone. Atti del XXIII Convegno di Studi sulla Magna Grecia (Taranto, 7-10 Ottobre 1983). Naples, 1984, 144 et suiv.) serait également dédié à Héra et constituerait donc le pendant urbain du sanctuaire du Lacinion.
63 P. ex. (dans le domaine italique) le règlement du sanctuaire de Marica à Minturnes : infra, n. 81 ; ou celui du Iucus de Spolète : CIL, XI, 4766.
64 De manière assez similaire, la consécration comme ex-voto d’outils (ou d’armes), parce qu’elle revient à mettre ceux-ci hors-service, équivaut à une renonciation solennelle, de la part du donateur, à son métier, ses combats, etc. Cette renonciation accompagnée d’offrande est un poncif du livre VI de l’Anthologie Palatine : 2, 5. 21, 25-30, 38, 48, 51, 52, 62-68, 69-70, 73, 74. 75, 81, 83, 84, 90, 92, 93, 94, 95, etc. Par contre, la consécration des armes des ennemis vaincus par suspension aux arbres d’un bois sacré relève d’une logique bien différente : il s’agit de trophées, et essentiellement, semble-t-il, de trophées “barbares” (en Germanie : Tac., Ann., I, 59,4 ; 61,4. Ce type de pratique a peut-être influencé les descriptions littéraires du bois sacré de Pélops (Sen.. Thyest., 650-664), ou de celui de l’Acis (Claud., Pros., III, 337 et suiv.)
65 Cic., ND, III, 37, 89 : tu, qui deosputas humana neglegere, nonne animaduertis ex tot tabulis pictis. quant multi uotis uim tempestatis effugerint in portumque saliti peruenerint.
66 Juv., XII, 27-28 : uotiua testanturfana tabella /plurima·, il s’agit d’un ex-voto à Isis : pictores quis nescit ab Iside pasci ; cf. Tib., I, 3, 27- nam posse mederi picta docet templis multa tabella tuis (mais le contexte est ici différent : il s’agit d’ex-voto pour la santé et non pas spécifiquement pour le salut sur la mer).
67 Juv., XII, 27; sur le sens defanum, voir récemment F. Castagnoli, Il tempio romano: questioni di terminologia e di tipologia. PBSR, 52, 1984, 4 et suiv.
68 Hor., O., I. 5, 13-16 :... Me tabula sacer/ Votiuo paries indicat uuida/Suspendisse potenti/Vestimenta maris deo.
69 La bibliographie sur le sujet est extrêmement vaste. On se contentera de citer ici les catalogues des trois expositions organisées par le Musée de la Marine à Paris (Ex-voto marins du Ponant, 1975 ; Ex-voto marins de Méditerranée, 1978 ; Ex-voto marins dans le monde, 1981), ainsi que la présentation synthétique de F. et C. Boullet, Ex-voto marins. Paris, 1978. Un cas bien étudié est celui des ex-voto marins du sanctuaire campanien de la Madonna dell’Arco (A. E. Giardino, M. Rak, Per Grazia Ricevuta. Le tavolette dipinte ex voto per la Madonna dell’Arco. Pompei. 1983, part. 281 et suiv.)
70 Juv., XIV, 298-302 ; Pers.. 1, 88-90 ; VI, 32-33 ; Phaedr., IV, 22, 24-25 ; cf. Hor., Ars poet., 19-21.
71 P. Veyne, « Titulus Praelatus » : offrande, solennisation et publicité dans les ex-voto gallo-romains. RA, 1983, 2, 281-300, p. 291, estime qu’il ne s’agit pas d’« une peinture... (mais d’) une inscription peinte ». Les scholies d’Acr. et Porph. ad loc., laissent planer le doute en mentionnant des pictas tabulas. D’un autre côté, les témoignages de Cic. et de Juv. cités supra (n. 65-66) attestent l’existence de véritables peintures en relation avec les vœux des naufragés.
72 Verg., Aen., XII, 766 : forte sacer Fauno foliis oleaster amaris/hic steterat, nautis olim uenerabile lignum,/seruati ex undis figere dona solebant/Laureati diuo et uotas suspendere uestis.
73 G. Dumézil, La religion romaine archaïque. Paris, 1974(2e éd.), 350 et suiv.
74 Verg., Aen., VII, 81 et suiv. ; Acr., ad Hor. carm., I, 7, 1, 12, 13 ; cf. Mart., I, 13, 3. Sur la question des manifestations de Faunus dans les bois sacrés, on se reportera, dans ce même volume, à la contribution de D. Briquel sur les voix oraculaires.
75 Ον., F., III, 295 et suiv. ; cf. Plut., Num., 15, 3-5 ; Arnob., V. 1.
76 DH, I. 32, 3 et suiv. ; 79, 8 ; Ον.. F.. VI. 411 et suiv.
77 DH, V, 16, 2-3 (mais, selon Liv., II, 7, 2, et Val. -Max., I, 8, 5. il s’agit de Silvanus).
78 Verg., Aen., XII, 745 : hinc uasta palus, hinc ardua moenia cingunt.
79 De la lagune côtière marécageuse à l'embouchure du Numicus (Laurentia palus : Verg., Aen., X, 709 ; cf. Veli., II, 19, 1 ;fontis stagna Numici : Verg,,Aen„ VII, 150 ; cf. Serv., ad loc. : Sil., I, 666), on connaît bien l'extension antique : Lavinium I (a cura di F. Castagnoli). Rome, 1972, 1 et suiv. ; F. Piccarreta, Saggi di restituzione e interpretazione difotografie aeree. QuadlstTopA, IX, 1981, 7-13 ; M. Fenelli, Lavinium. Archeologia Laziale. VI, Rome, 1984, 326. Il s'agit d'une situation topographique assez similaire à celle du lucus de Marica à l'embouchure du Garigliano (P. Mingazzini, Il santuario della dea Marica alle foci del Garigliano. MonAL, 37,1938, col. 695 et suiv. ; sur Marica et son domaine marécageux, infra, n. 81 et 87 ; sur les rapports entre Faunus et Marica : Verg., Aen., VII, 47 ; Serv., ad loc. ; ibid., XII. 164), et sans doute à celle du lucus de Feronia à l'embouchure de l'Ufens (sur la localisation du lucus, supra, n. 59 ; sur le parcours antique de l'Ufens et son débouché marécageux, M. Cancellieri, Il territorio pontino e la via Appia. In : La Via Appia. Archeologia Laziale, X. 1. Rome, 1990. 64. 68 et suiv.). D'autres luci situés dans des zones de marécages sont ceux du Vélabre à Rome : supra, n. 54. Sur l'image, religieuse et littéraire, du marais dans le monde antique, voir G. Traina, Paludi e bonifiche nel mondo antico. Rome. 1988, 120 et suiv.
80 Serv. auct., ad Aen., XII, 768 : quaeritur, cur terreno deo nautae dona suspenderent ? quia constat omnes in periculis suis deos patrios inuocare et ideo illis uota soluere, quorum familiarius numen opitulari sibi credant.
81 L’épisode entier apparaît, surtout dans le récit qu’en donne Plutarque (Mar., 37-40, 1 (comme l’illustration exemplaire et touchante des vicissitudes de la fortune des puissants. Dans le décor d’eau et de vase des marais « sans chemins » (άνοδίαις : ibid., 37,9) à l’embouchure du Liris, le maître de Rome redevient un homme nu, à la merci des magistrats locaux, d’une femme, d’un mercenaire cimbre. Mais Marius croit toujours fermement qu’il est le protégé des dieux (ibid., 38,7-8) et, cette fois encore, les faits lui donnent raison. La population de Minturnes, saisie de pitié pour l’illustre fuyard, le raccompagne jusqu’à la mer où il va pouvoir s’embarquer. Mais un dernier obstacle se dresse sur sa route : « or, le bois sacré de la nymphe appelée Marica — objet de vénération pour les Minturniens qui n’en laissent rien sortir de ce qui y est une fois entré — barrait la route de la mer, et l’on devait le contourner, ce qui était long. Mais soudain un vieillard s’écria qu’il n’y avait pas de chemin interdit que l’on ne pût suivre pour sauver Marius. Et lui-même le premier, prenant l’un des bagages que l’on portait au bateau, passa à travers le bois. Grâce à cet empressement, on eut vite fait de fournir à Marius tout ce qui lui était nécessaire, et un navire lui fut procuré par un certain Belaeus, qui plus tard fit faire un tableau représentant ces événements et le consacra en ex-voto dans le sanctuaire d’où Marius était parti et s’était embarqué par un vent favorable » (trad. R. Flacelière, Les Belles Lettres, 1971). Sur la topographie du sanctuaire de Marica, cf. P. Mingazzini, Il santuario della dea Marica alle foci del Garigliano. MonAL, 37, 1938, col. 694 et suiv.
82 Plut., Mar., 40, 1. On ne peut exclure que le pinax ait en fait porté une inscription (cf. supra, n. 71).
83 Une autre source de ces épisodes romancés est constituée par les récits faits par Marius lui-même à ses compagnons d’exil : Plut., Mar., 36, 9.
84 …qui doit être également interprété comme une marque de la faveur de la déesse, puisque le vent nécessaire aux embarcations en partance souffle des marais et donc du domaine de la déesse, comme l’a précisé Plutarque peu auparavant (ibid., 37, 6).
85 F. Coarelli, Lazio. Rome-Bari, 1982 (Guide archeologiche Laterza, 370.
86 Plut.. Mar., 38, 8-9.
87 Plut.. Mar., 37, 7-38, 2 : « (Marius) tout seul, abandonné de tous, resta longtemps sans voix, couché sur le rivage, puis, se ressaissant à grand-peine, erra misérablement dans des lieux sans chemins (et) traversa des marais profonds et des fossés pleins d’eau et de boue. Il finit par apercevoir la cabane d’un vieillard qui travaillait dans les marais ; il se jeta à ses pieds et le supplia de (le) secourir... (Le vieillard) le mena dans le marais, lui dit de se tapir dans un creux près du fleuve et jeta sur lui beaucoup de roseaux et de broussailles légères qui pouvaient l’envelopper sans lui faire du mal. Peu de temps après, il entendit du bruit et du tumulte... C’est que Geminius avait envoyé de Terracine un grand nombre d’hommes à sa poursuite... Alors Marius sortit de son trou, se dévêtit et se jeta dans le marais plein d’une eau sale et bourbeuse. Il y fut découvert par ceux qui le cherchaient ; ils le tirèrent de là, tout nu et couvert de boue, l’emmenèrent à Minturnes et le remirent aux magistrats ».
88 . Plut., Mar., 38, 2.
89 Marica est elle-même une divinité clairement marine, comme son nom suffit à l'indiquer, ainsi que son association avec une Aphrodite Ποντίη (Serv., ad Aen., VII. 47), dans un sanctuaire situé à l'embouchure du Liris qui est elle-même un port important (voir récemment B.S.D. Ruegg, The roman port and bridge at Minturnae, Italy. Int. J.Naut.A., 12, 1983,203-218).
90 . Serv. auct., ad Aen., I, 310.
91 Cf. à nouveau les remarques de M. Beard. The sexual status of Vestal Virgins. JRS, 70, 1980, 21, sur la “marginalité” des Vestales.
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