Le mobilier archéologique du sanctuaire de Diane Nemorensis
p. 103-109
Résumés
Les 2ème et 3ème éditions du Rameau d’Or amplifient les références de Frazer aux fouilles les récentes à Nemi. Cet article commence avec l’histoire des découvertes, dont la collection au Musée de Nottingham est la plus importante, et fait un résumé du mobilier archéologique, qui témoigne de la pratique du culte, de l’architecture du sanctuaire de Diane et de sa clientèle.
The second and third editions of The Golden Bough amplify Frazer’s references to the recent excavations at Nemi. This article begins with the history of the discoveries, whose most important collection is in the Museum of Nottingham, and summarizes the archaeological finds, which testify to the practice of the cult, to the architecture of the sanctuary of Diana and to its clientele.
Texte intégral
1In: Les bois sacrés. Actes du colloque international de Naples. Collection du Centre Jean Bérard, 10, 1993, 103-109.
2Au début du Rameau d’Or, dans une note se reportant à sa description du Lac de Nemi, Frazer mentionne les fouilles qui y avaient été faites quelques années auparavant par l’ambassadeur britannique en poste à Rome à ce moment-là, Sir John Savile Lumley (qui devint parla suite Lord Savile)1. Pour commencer j’aimerais dire quelques mots sur la manière dont Frazer aborda les preuves archéologiques provenant de Nemi dans Le Rameau d’Or.
3Avant la première édition de son ouvrage, que nous commémorons ici, plusieurs compte-rendus des fouilles avaient déjà été publiés2. Frazer fit de nombreuses références aux sources littéraires ayant trait à Nemi, mais, dans cette première édition, il ne fit qu’une seule allusion aux preuves archéologiques. Et celle-ci concerne les offrandes votives démontrant le culte rendu à Diane par « des femmes désireuses d’avoir des enfants ou recherchant un accouchement facile », comme il le dit3.
4Lorsque sortit la seconde édition du Rameau d’Or en 1900, d’autres publications sur Nemi étaient déjà parues. Parmi celles-ci on pouvait trouver le Catalogue du mobilier archéologique des fouilles que Savile avait faites, mobilier dont il avait fait don au Castle Museum de Nottingham, puisque cette ville était le chef-lieu du comté où il possédait un de ses châteaux, Rufford Abbey. Ces publications ne poussèrent pourtant pas Frazer à tenir davantage compte des preuves archéologiques4. A. B. Cook lui en tint rigueur dans son long compte rendu de la seconde édition du Rameau d’or5. Au cours de cette critique, Cook proposa de nouvelles interprétations pour certaines des découvertes, entre autres pour un hermès doté de deux têtes ressemblant à des satyres. Jusqu’alors on avait pensé qu’il s’agissait de divinités aquatiques: Cook, pour sa part, suggéra que cet hermès représentait peut-être Hippolytus/Virbius, c’est-à-dire le premier Rex Nemorensis sous les traits d’un jeune homme et d’un vieillard6.
5L’année précédente Frazer était allé à Nemi et il y avait vu de ses propres yeux les vestiges archéologiques. C’est sans doute pour cette raison et aussi à cause de la critique de Cook et de l’interprétation que ce dernier avait faite des découvertes de Savile, que Frazer se mit à examiner plus attentivement les preuves archéologiques. Dans sa troisième édition amplifiée il développa ce qu’il avait déjà dit sur la topographie de Nemi et il ajouta une description des preuves structurales à l’appui du sanctuaire : la plate-forme rectangulaire en terrasse avec ses murs de soutènement imposants où Savile avait fait ses fouilles, et les vestiges du grand édifice qui, selon Savile, représentaient l’Artémision que Strabon avait décrit7.
6Frazer discuta aussi la question des objets de façon plus approfondie, en particulier pour ce qui est des statuettes de Diane, des figurines représentant des cerfs et d’autres animaux, des offrandes votives associées à la procréation et à l’enfantement, des lampes en terre cuite et des monnaies. La manière dont il se servit de ces preuves aboutit à un premier chapitre beaucoup plus décousu. Les offrandes votives l’amenèrent par exemple à comparer Diane au Saint Leonhard du sud de l’Allemagne pour ce qui est de la protection des animaux domestiques mettant bas et des femmes en couches; il établit un rapport entre les lampes et l’association qu’on faisait entre Diane et le feu; les ruines des établissements de bains et les modèles en terre cuite représentant des parties du corps humain lui inspirèrent l’idée que les eaux d’Egérie étaient utilisées pour soigner les malades ; et l’hermès double en était venu à représenter le Rex Nemorensis en tant que prêtre-roi. Tout ceci n’avait pas grand chose à voir avec ce à quoi pensait Cook quand il suggérait que prêter attention aux preuves archéologiques « pourrait servir à restreindre notre imagination »8.
7Si l’on considère les preuves fournies par les objets dans leur ensemble on constate qu’il y a trois aspects principaux de Nemi sur lesquels ces objets nous renseignent davantage que les autres sources disponibles. Ce sont :
- • la pratique du culte;
- • l’architecture du sanctuaire;
- • sa clientèle.
8Frazer s’intéressait surtout à la première catégorie, à savoir la pratique du culte. La façon dont il se sert des preuves est tout à fait sélective, mais cela n’est pas tellement surprenant si l’on considère la nature fragmentaire des publications qu’il avait à sa disposition et aussi des découvertes faites à Nemi. Les fouilles de Savile sont les seuls travaux de recherche relativement systématique effectuée dans le sanctuaire qui aient été publiés, si l’on fait abstraction des fouilles effectuées par Morpurgo dans le théâtre attenant en 1924-289.
9Les plus anciens documents consignant les découvertes archéologiques faites à Nemi décrivent les terres cuites votives et les inscriptions trouvées au cours des fouilles exécutées par les Marchesi Frangipani vers le milieu du XVIIe siècle10. A la fin du XVIIIe siècle. Mgr. Despuig — qui devint par la suite Cardinal —, fit des fouilles aux alentours et acquit aussi des sculptures provenant du sanctuaire de Diane, mais il n’est pas certain qu’il y ait vraiment fait faire des fouilles11. Mais sa collection comprenait un hermès identique à celui trouvé par Savile, ainsi qu’une tête de statue en bronze datant du début du Ve siècle av. J. -C. Il est probable qu’il s’agissait d’une des statues dédiées au culte triple qui, selon Riis, sont représentées sur les deniers de 43 av. J. -C. du triumvir monetalis P. Accoleius Lariscolus12, auxquels notre collègue le Professeur Ampolo a également fait référence pendant notre col loque. L’hermès et la tête de bronze se trouvent maintenant au Ny Carlsberg Glyptothek à Copenhague qui possède aussi certaines des plus belles sculptures provenant des fouilles faites par Savile en 1885 et de celles exécutées au cours des années suivantes13.
10Il faut maintenant que je dise un mot des circonstances dans lesquelles ces fouilles ont été faites pour expliquer pourquoi le mobilier archéologique de Nemi qui subsiste est aujourd’hui dispersé entre les musées de Rome, de Nottingham et de Copenhague pour la majeure partie, et de Londres, de Paris, de Palma de Majorque, de Boston et de Philadelphie14, et pourquoi il en manque une partie.
11A l’époque où eurent lieu les fouilles à la fin du XIXe siècle le site appartenait au Prince Filippo Orsini. Une fois les fouilles de 1885 terminées, Savile ne réussit pas à se mettre d’accord avec Orsini pour renouveler le contrat, et aux termes de ce contrat les objets déjà découverts devaient être partagés entre eux. Savile fit don de sa part au Musée de Nottingham, comme je l’ai déjà mentionné, et sa part représentait 832 objets répertoriés, surtout des terres cuites et des bronzes ainsi que près de 700 pièces de monnaie15. La plupart des objets inscrits dans le catalogue de 1893 ne font l’objet que d’une description très brève et bon nombre de ces objets (les terres cuites votives par exemple) ne furent même pas inscrits de façon individuelle. Il semble qu’Orsini ait vendu la majorité de la part qu’il détenait à la suite des fouilles effectuées par Savile ainsi que de celles qui avaient eu lieu en 1886-1888 et en 1895. L’achat de certaines des plus belles sculptures fut négocié par le Professeur Wolfgang Helbig, au nom de Carl Jacobsen, le fondateur du Ny Carlsberg Glyptothek de Copenhague où la correspondance entre Flelbig et Jacobsen est conservée16. Un exemple pour illustrer les résultats de cette division: si l’on considère la statuaire trouvée dans une salle au nord de l’enceinte, on constate que la statue d’une femme nommée Fundilia se trouve à Copenhague et que l’hermès avec un buste de cette même femme est à Nottingham tandis que les orteils d’un autre hermès de Copenhague ont été récemment découverts à Nottingham.
12Une certaine quantité de la part d’Orsini provenant des fouilles de 1885 fut acquise par le Museo Nazionale dix ans plus tard et se trouve maintenant à la Villa Giulia à Rome, tandis que certains objets sont conservés au Museo delle Terme17. On peut démontrer que d’autres objets ont disparu sans laisser de trace. Les documents décrivant le résultat des découvertes laissent beaucoup à désirer: on n’a pas connaissance de carnet de notes décrivant les travaux effectués sur le site ni d’inventaire des objets découverts. Avant leur dispersion, toutefois, Savile avait fait photographier plusieurs groupes d’objets dont certains illustrèrent le catalogue de Nottingham. Un grand nombre des négatifs sur verre est conservé par le Musée de Nottingham, mais malheureusement pas tous, et le British Museum possède aussi une série d’épreuves18. A eux tous, ils illustrent environ 140 objets. La plupart se trouve maintenant à Nottingham, six sont à Rome, mais une trentaine de statuettes de bronze, de terres cuites et de reliefs architecturaux sont introuvables. De même, les Notizie degli Scavi pour l’année 1885 font référence à la découverte de 300 monnaies impériales romaines, mais on ne peut en trouver aucune dans les musées de Rome ou de Nottingham où la plupart des pièces sont des bronzes républicains19.
13Les archives consignant les fouilles de 1885 ne sont peut-être pas parfaites, mais elles valent tout de même mieux que les renseignements qui nous restent au sujet des fouilles faites au cours des années suivantes20. Tout ce qui démontre leur existence, autant que j’aie pu en juger, c’est ce qui fut acheté pour les musées de Copenhague et de Boston et certaines photos d’autres objets publiées dans un article rédigé par Morpurgo en 190321. Le mobilier archéologique provenant des fouilles effectuées par Savile en 1885 représente donc la part la plus importante du matériel trouvé au sanctuaire de Diane que l’on puisse étudier, soit plus de 1000 objets en tout (si l’on fait abstraction des monnaies), dont 80 % sont à Nottingham, et la majeure partie du reste à la Villa Giulia à Rome. En 1982, le matériel trouvé à Nemi fut repris pour une exposition au musée de Nottingham et cela fournit l’occasion d’examiner la collection Savile en détail pour la première fois depuis 1891. Le nouveau catalogue, bien qu’incomplet, contient tout de même une publication plus complète du matériel sélectionné pour l’exposition22. Dans le reste de mon exposé, je vais essayer de faire un résumé du contenu de la collection.
14D’abord, les preuves relatives à la pratique du culte. J’ai déjà mentionné la statue du culte de Diane, et le Professeur Coarelli a parlé dans son exposé du bronze inscrit « Dianae af louko » (supra, 000). Parmi les quelques rares objets datant de la même époque ou d’une époque antérieure, on trouve une figurine de la fin du VIe siècle av. J. -C. semblable à des exemples provenant de Lanuvium et Satricum23, et des “navicella” et d’autres fibules, deux à Nottingham, huit à la Villa Giulia24. La majorité des découvertes datent de la période allant du IVe siècle au début du Ier siècle av. J. -C., époque à laquelle le temple de Diane à Nemi, comme bien d’autres sanctuaires religieux de la région, reçut toute une série d’offrandes votives en bronze et en terre cuite.
15Naturellement, c’est Diane qui prédomine parmi les figurines en bronze moulé: sur les 19 bronzes que l’on trouve à Nottingham, 11 la représentent en costume typique; les autres représentent sans doute des prêtresses ou des adorateurs25. Il y a trois autres figurines représentant Diane à la Villa Giulia ainsi que trois statuettes d’hommes26, et il y en avait au moins cinq autres qu’on ne connaît maintenant que grâce aux photos de Savile. Dans les fouilles de 1887, on a découvert cinquante-sept autres bronzes votifs représentant presque tous Diane, mais ceux-ci aussi ont disparu27.
16Les figurines de terre cuite sont bien plus courantes que les bronzes dans la collection de Nottingham: quatre-vingt-quinze figurines de femmes, cinquante-six d’hommes, et cent douze têtes indépendantes dont peu correspondent aux corps sans tête28. Au contraire, la Villa Giulia ne possède que huit de ces figurines29. A Nottingham, vingt-trois de ces figurines représentent Diane, mais, parmi les autres divinités représentées, on trouve Minerve, Vénus, Apollon, Mercure et Bacchus30. La majorité de ces statuettes sont des statuettes de femmes du style dit Tanagra, admirablement exécutées dans toute une série de positions. Certaines ont leur pendant sur les sites du Latium et de Rome31. Les figurines d’hommes sont faites dans une argile rouge-brun plus grossière, semblable à celle utilisée pour les terres cuites anatomiques; il y en a cinq types principaux qui se distinguent par le détail de la draperie, et il semble qu’ils aient été fabriqués dans les environs de Nemi32. Les paires de personnages assis, la femme tenant un enfant sont moins courants que Frazer ne l’avait laissé entendre dans sa discussion: il y en a huit en tout33.
17La majeure partie de ces ex-voto ont été trouvés dans d’épaisses couches de cendre devant le soit-disant temple, mais d’autres furent découverts avec des terres cuites anatomiques dans ce qui ressemble à des favissae dans le coin sud de l’enceinte34.
18La plus grande partie des terres cuites anatomiques sont des têtes: trente-six têtes de femmes, vingt-trois d’hommes et douze trop abîmées pour qu’on puisse les identifier. On peut reconnaître plusieurs exemplaires comme provenant des mêmes moules, ou bien on peut les rapprocher d’autres exemplaires du même type provenant d’autres sites35. Deux autres têtes se trouvent au Ny Carlsberg Glyptothek, ayant été achetées lors de la vente qui avait eu lieu en 1896 au Palazzo Savelli d’Orsini36, mais il semble que la Villa Giulia n’en possède aucune. Pour ce qui est des parties du corps, Nottingham a en sa possession dix-neuf pieds, une jambe, huit mains et trois bras droits37. Il y a deux représentations d’utérus, mais pas de seins ni d’organes génitaux. Toutefois, il paraît que des organes génitaux mâles ont été trouvés38, mais ont depuis disparu. Il y a aussi une statuette de femme dont les viscères sont exposées en cartouche39. Un nombre relativement restreint de ces offrandes votives est associé à la procréation et à l’enfantement comme Frazer le laissait entendre. Toutefois, si l’on considère la nature assez différente de la collection de Nottingham par rapport à ce qu’il y a dans la collection de la Villa Giulia, on ne peut pas en déduire avec certitude que ce qui nous reste maintenant comme matériel d’étude est représentatif de ce qui avait été découvert à l’origine.
19On a également suggéré une certaine sélectivité dans d’autres céramiques. Sur les quatre-vingt-sept vases en céramique de Nottingham, trente sont de petits bols et des pichets à vernis noir, trente-quatre sont de petits unguentaria; il n’y a qu’une seule poterie qui soit certainement de l’époque impériale bien qu’une lettre adressée à Savile fasse référence à d’autres poteries de la même période40. Cependant, pour ce qui est des lampes, sur les trente-et-une répertoriées, une seule ne fut pas fabriquée en Italie, et elles vont d’une époque datant du début du IIIe siècle av. J. -C. jusqu’au règne d’Hadrien41. La petite quantité de verre appartient à deux périodes distinctes, avec des récipients miniatures façonnés autour d’un noyau d’argile, datant du IVe et du IIIe siècles av. J. -C., et des unguentaria en verre soufflé datant du Ier siècle après J. -C.42
20Le dernier type d’offrande votive qu’il nous reste à mentionner est celui des temples-modèles. Celui qui se trouve à la Villa Giulia est bien connu depuis longtemps; un autre, publié par Staccioli mais qu’on pensait perdu, est en fait à Nottingham avec d’autres fragments43. Ceux-ci faisaient en réalité partie d’au moins trois temples-modèles différents, mais pour les besoins de la présentation, ils ont été regroupés en une reconstruction. Le tettucio double qu’on trouve dans ce modèle reconstruit a causé quelque surprise44. Il n’y avait pas assez de place dans le catalogue pour justifier une description détaillée de cette particularité peu orthodoxe, et je n’ai pas le temps non plus de l’expliquer ici dans mon exposé, mais je suis en train de le faire dans une autre publication45.
21Pour terminer, je voudrais parler de l’architecture du sanctuaire. Les modèles de temple eux-mêmes ne semblent pas être des représentations du temple même de Diane. C’est-à-dire qu’ils ne semblent pas faire partie d’un bâtiment qui corresponde à la description plutôt énigmatique de Vitruve46. Les antéfixes dites d’Artémis perse ont des équivalents sur d’autres sites et ne sont donc pas spécialement liées à Diane au site de Nemi47. D’autres antéfixes et d’importants fragments de sculpture de fronton démontrent qu’il y avait au moins deux édifices datant du IIIe ou du IIe siècle qui précédaient le tracé de la grande enceinte avec ses murs de soutènement d’opus incertum de la fin du second ou du début du Ier siècle av. J. -C. Les antéfixes triangulaires avec des bustes de Diane, qui faisaient sans doute partie du portique de l’enceinte, sont connues depuis longtemps, mais les recherches effectuées pour la nouvelle exposition de Nottingham ont abouti à la restauration de deux types de revêtements en terre cuite, décorés de représentations ailées de Diane et de motifs floraux48. Des fragments de chapiteaux et de moulages en marbre ne représentent sans doute qu’un petit échantillon de matériel, provenant de toute une variété de petits bâtiments, avec lequel le sanctuaire fut embelli au cours des deux premiers siècles de l’Empire49. Il y a, dans la construction, des attestations des initiatives impériales, par exemple une conduite d’eau en plomb portant le nom de Pamphilus, servus Augusti nostri et des marques apposées sur des briques datant de la fin du IIe siècle, mais il doit sûrement y en avoir davantage que les deux qui se trouvent maintenant à Nottingham50. Une grande munificence est également révélée dans la sculpture. Il y a, à Copenhague, une tête de Diane en marbre, provenant d’une statue de plus de 3 m de haut, et à Nottingham on trouve un buste d’homme barbu, interprété selon les cas comme Jupiter, Sérapis et plus récemment comme Virbius par le Professeur Coarelli. Le buste était en cours de retaille, ce qui en rend l’interprétation difficile51.
22Les personnes qui allaient au temple au début de l’Empire n’étaient plus du tout les mêmes que celles qui avaient apporté les offrandes votives dont j’ai déjà parlé. Les fouilles faites par Savile aboutirent à la découverte d’un certain nombre de nouvelles sculptures bien qu’elles n’aient pas toutes été exhumées en 188552. La statue de Tibère, découverte par Savile dans une exèdre semi-circulaire dans la partie nord du téménos, fut révélée à ce moment-là. J’ai déjà mentionné d’autres exemples ainsi que les acquisitions faites par le Ny Carlsberg Glyptothek qui comptent une trentaine de pièces achetées entre 1891 et 189953. Au moins une partie des sculptures de Nemi, achetées en 1907 et données au Musée de l’Université de Pennsylvanie, provient sans doute des fouilles faites au temple, mais leur origine n’est pas absolument certaine54. Ce qu’il y a de plus intéressant, en ce qui concerne la clientèle du temple, ce sont les bustes portraits, les hermès et les statues provenant de la même salle que les portraits de Fundilia que j’ai déjà décrits. On y trouve certains portraits touchants d’individus inconnus, mais aussi d’autres portraits qu’on peut identifier comme étant ceux d’acteurs et de liberti. L’existence du théâtre accolé à l’enceinte du temple et de la villa aristocratique voisine revêt ici une importance significative. L’idée d’un clergé esclave qui avait poussé Frazer à se mettre à la recherche du Rameau d’or est tout à fait différente de ce que révèle la statue de C. Fundilius Doctus, libertus et client de Fundilia, et parasitus Apollinis55 dans la dignité de sa toge, il proclame le nouvel ordre social, bourgeois ou impérial, qui avait pris possession de l’ancien sanctuaire latin.
Bibliographie
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Abréviations bibliographiques
10.1093/owc/9780199538829.001.0001 :Frazer 1890; 1900; 1911: FRAZER (J. G.), The Golden Bough. Cambridge, 1890(2e éd. 1900;3e éd. 1911).
Melis-Serra Ridgway 1987: MELIS (F.), SERRA RIDGWAY (F. R.), “Mysteries of Diana”: sulla nuova esposizione dei materiali nemorensi nel Castle Museum di Nottingham. In: Archeologia Laziale VIII. 1987, 218-226 (Quaderni del Centro di studio per l’archeologia etrusco-italica, 14).
Mysteries 1983: MAC CORMICK (A. G.) ET ALII. Mysteries of Diana. The antiquities from Nemi in Nottingham Museums. Nottingham, 1983.
Wallis 1891; 1893: WALLIS (G. H.), Catalogue of Classical Antiquities from the site of the Temple of Diana. Nemi. Italy. Nottingham, 1891 ; édition illustrée, 1893.
Notes de bas de page
1 Frazer 1890, 2, n. 1.
2 Melis-Serra Ridgway 1987,218, n. 2; Mysteries 1983, 88.
3 Frazer 1890, 4, n’en cite que Bull. Inst., 1885 et The Athenaeum, 10 octobre 1885.
4 Frazer 1900, 2, n. 1: en ajoutant à sa note une citation du catalogue de Wallis 1891-1893, il a fait une courte référence aux quelques objets dans le mobilier qui attestent de la grande antiquité du sanctuaire.
5 .A.B. Cook, The Golden Bough and the Rex Nemorensis. Classical Review, XVI, 1902, 365-380.
6 Ibid., 373.
7 Frazer 1911, 3-4; J. Savile Lumley, Journal of the British and American Archaeological Society of Rome, I, 2, 1885-1886, 60-74; Wallis 1891, 5; Strabon, V, 3, 12.
8 Frazer 1911, 6-8, 41-42; A. B. Cook, The Golden Bough and the Rex Nemorensis. Classical Review, XVI, 1902, 369.
9 L. Morpurgo, Nemi. Teatro e altri edifici in contrada “La Valle”. NSA, VII, 1931, 237-309.
10 J. G. Graevius, Thesaurus Antiquitatum Romanarum, XII. Leyden, 1699, 753, illustration faite par Tomasini, 1654.
11 . E. Lucidi, Memorie Storiche dell’Antichissimo Municipio ora terra dell’Ariccia e delle sue Colonie Genzano, e Nemi. Rome, 1796, 97 sqq; Mysteries 1983, 21-22.
12 P. Riis, The Cult Image of Diana Nemorensis. Acta Archaeologica, XXXVII, 1966, 67-75.
13 V. Poulsen, Les Portraits Romains, I. Copenhague, 1962 (réimp. 1973), (Publications de la Glyptothèque Ny Carlsberg, 7), 84-85, n° 47; 87-88, n° 51 ; 112-117, n°. 77-84
14 . Mysteries 1983,21-22; Melis-Serra Ridgway 1987,218-219, nn. 5-6.
15 Wallis 1891, 1893; O. Rossbach, Bull. Inst., 1885, 149-157, a fait une étude préliminaire sur le mobilier en Italie, avant sa répartition entre Orsini et Savile.
16 M. Moltensen, Wolfgang Helbig, Brugger Jacobsens Agent i Rom 1887-1914. Copenhague, 1987. Je voudrais remercier le Dr. Moltensen de m’avoir montré ce qui concernait Nemi dans cette correspondance inédite pendant ma visite à la Glyptothèque Ny Carlsberg en 1982. La Ny Carlsberg possède aussi quelques sculptures de Nemi acquises en 1898 dans la collection du Cardinal Despuig à Mallorque: F. Poulsen, Nemi Studies. Acta Archaeologica, XII, 1941, 2.
17 L. Morpurgo, Nemus Aricinum. Monumenti Antichi, XIII, 1903, 297-368, part. 316-341 ; au sujet des objets trouvés dans les fouilles de 1886-1887, Morpurgo dit (316, n. 2): «ignoro dove si trovino al presente», sauf ceux qui ont été acquis par le Museum of Fine Arts de Boston.
18 J. Savile Lumley, Journal of the British and American Archaeological Society of Rome, II, 1886-1887, 83. British Museum, Department of Greek and Roman Antiquities, portfolio 692.
19 NSA, 1885, 255 : pace Melis-Serra Ridgway 1987, 223, n. 20, qui disent que Savile lui-même et les différentes publications “notano... la presenza di sole monete repubblicane”.
20 NSA, 1887, 23-25, 120-121, 195-198; 1888, 193-194, 392-393, 708-709; 1889, 20-22; Ο. Rossbach, Das Dianaheiligtum in Nemi. Verhandlungen der vierzigsten Versammlung deutscher Philologen undSchulmänner in Görlitz, 1889 (Leipzig 1890), 147-165 ; NSA, 1895, 106-108, 206, 232, 324, 391-396, 424-436, 461-468.
21 Copenhague: V. Poulsen, Les Portraits Romains. Copenhague, 1973, (Publications de la Glyptothèque Ny Carlsberg, 7); également, deux antéfixes de Diane, Cat. H 267, et deux têtes votives en terre-cuite, Cat. H 121, 122. Boston a acquis 23 objets en terre-cuite et bronze provenant des fouilles faites par Orsini et L. Boccanera en 1887: O. Rossbach, Das Dianaheiligtum in Nemi. Verhandlungen der vierzigsten Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner in Görlitz. 1889. Leipzig, 1890, 149-151; L. Morpurgo, Nemus Aricinum. Monumenti Antichi, XIII. 1903, fig. 6-94.
22 Mysteries 1983; pour un compte-rendu en italien de l’exposition et du catalogue, voir Melis-Serra Ridgway 1987.
23 Nottingham inv. Ν 650, Mysteries 1983, 56; cf. F. Castagnoli et al., Lavinium II, le tredici are. Rome, 1975, 352-354, n° F. 16-21; St. Etr., XXV, 1957, 561 sqq
24 Nottinghaminv. N713,716,Mysteries 1983,56; Villa Giulia, inv. 6788-6795.
25 Inv. Ν 614-632, Mysteries 1983, 54-56.
26 Inv. 6765-6770.
27 NSA. 1 887, 23-25.
28 Mysteries 1983, 47-52; Wallis 1891, 17-29.
29 Inv. 6903-6910.
30 Inv. Ν 5, 34-39,41-44, 62, 67, 123-126, 175, 235, 245, 265-267 (Diane); 58, 165, 281, 344-346 (Minerve); 51, 113-116, 274, 278 (Vénus); 117 (Apollon); 186 (Mercure); 46, 48, 52, 118, 119, 268, 272 (Bacchus). Dix-huit autres figurines masculines demi-nues, mais sans attributs distinctifs, représentent probablement aussi les divinités.
31 Plusieurs exemples identiques ou assez similaires sont illustrés dans le catalogue de l’exposition Enea nel Lazio. Rome, 1981 : D159, D162, D164; aussi, P. Pensabene et alii., Terrecotte votive dal Tevere. Rome, 1980 (Studi Misc., 25), n° 64-65,76-78. Mysteries 1983,46-50.
32 Inv. Ν 8, 78-79, 81-85, 91-93, 95-97; Mysteries 1983, 47-52; T. F. C. Blagg, Cult practice and its social context in the religious sanctuaries of Latium and Southern Etruria; the sanctuary of Diana at Nemi, in C. Malone et S. Stoddart (éd.), Papers in Italian Archaeology IV. Oxford, 1985 (BAR int., 246), 33-50, part. 39.
33 Frazer 1911, 6-8; inv. Ν 66, 132, 133, 282-284.
34 NSA, 1885, 159-160; Wallis 1891,6.
35 Inv. Ν 70-76, 172, 359-402; Mysteries 1983,47, 51-53.
36 Carlsberg Glyptotek, cat. Τ 121, 122.
37 Inv. Ν 427-429, 431-458; Mysteries 1983, p. 53.
38 Utérus: inv. Ν 287, 288; organes génitaux, NSA, 1885, 192-193, ‘simboli di virilità’; pour une comparaison des caractéristiques des ex-voto de Nemi avec ceux des autres sanctuaires latins, voir T. F. C. Blagg, Cult practice and its social context in the religious sanctuaries of Latium and Southern Etruria; the sanctuary of Diana at Nemi, in C. Malone et S. Stoddart (éd.), Papers in Italian Archaeology IV. Oxford, 1985 (BAR int., 246), 41-44.
39 Inv. Ν 131 ; Mysteries 1983, p. 53.
40 Inv. Ν 495-581 ; lettre inédite de W. Hawley à Savile, Notts. Record Office DDSR 226/20, 24a; Mysteries 1983, 59-64.
41 Inv. Ν 460, 465-468, 470-494, 729; Mysteries 1983, 65-67.
42 Inv. Ν 584-594; Mysteries 1983, 68-69.
43 R. A. Staccioli, Modelli di edifici etrusco-italici; i modelli votivi. Firenze, 1968, 39-41, n° 30, 31. Nottingham inv. Ν 168, 725. 1 -9, 726-728. Mysteries 1983, 43-45.
44 Melis-Serra Ridgway 1987, dans leur compte-rendu, font connaître la nouvelle exposition de Nottingham, et traitent (223-226) en particulier des temples-modèles, en en proposant une autre reconstruction.
45 Communication prononcé à la Fourth Conference of Italian Archaeology, Université de Londres, janvier 1990; et aussi, en préparation, une réponse à la critique de Melis-Serra Ridgway 1987 que j’espère présenter dans les PBSR.
46 Vitruve, De Arch., IV. 8. 4. Les informations nouvelles sur les temples de Veiovis et de Castor in circo Flaminio ont beaucoup éclairci ce que Vitruve voulait dire: F. Coarelli, I santuari del Lazio in età repubblicana. Rome, 1987, 171-173. Cependant, la forme précise du temple de Diane n’est connue que par les fouilles archéologiques faites sur le site indiqué dans le plan de 1856 de P. Rosa, sur la colline au-desssus de la grande terrasse où Savile a fait ses explorations: Coarelli, ibid., fig. 46, et ce volume, 45-52.
47 Inv. Ν 602,603; Mysteries 1983,30-31 ; les antéfixes de Lavinium sont très similaires: Enea nel Lazio. Rome, 1981, D7, D8.
48 Antéfixes triangulaires: Nottingham inv. N 767-769, Mysteries 1983, p. 33 et pl. IV; Rome: Museo Nazionale Romano, le terrecotte. III. i, Antefisse, Rome, 1983, 115-117, n° 187-191, et Villa Giulia, inv. 6911 ; L. Morpurgo, Nemus Aricinum, Monumenti Antichi, XIII, 1903, 317, fig. 6; Copenhague: Ny Carlsberg Gly ptotek, cat H 267. Plaques de revêtement, Nottingham inv. Ν 741,778; Mysteries 1983,33-35.
49 Mysteries 1983, 38-39.
50 Nottingham inv. Ν 733 (= CIL, XIV, 4202), 734, 739. En dehors des fouilles de Savile, il y a plusieurs témoignages épigraphiques qui attestent de constructions variées au Ier siècle: liées, sans doute, aux propriétaires de la villa aristocratique voisine: F. Coarelli, I Volusii Saturnini. Una famiglia della prima età imperiale. Bari, 1982, 37-43; Id., I santuari del Lazio in età repubblicana. Rome, 1987, 178-183.
51 F. Poulsen, Nemi Studies. Acta Archaeologica, XII, 1941, 16, Ny Carlsberg 87; Mysteries 1983, 42-43, pl. X; F. Coarelli, I santuari del Lazio in età repubblicana. Rome, 1987, 176.
52 NSA, 1885,317-321; 1887, 196-198; Mysteries 1983,41-43.
53 Supra, nn. 13 et 16.
54 University of Pennsylvania Museum inv. MS 3446-3484, 4034-4038; E. H. Hall, Two Marbles from Lake Nemi. The Museum Journal (University of Pennsylvania), V, 1914, 117-121.
55 V. Poulsen, Les Portraits Romains, I. Copenhague, 1962, (réimp. 1973), (Publications de la Glyptothèque Ny Carlsberg, 7), 113, n° 77 (Fundilius), n° 78 et Mysteries 1983, 41-42, inv. N 827 et pl. III (Fundilia). Trois inscriptions de Nemi témoignent de parasiti Apollinis: CIL, XIV, 4198 (L. Faenius Faustus), 4273 (C. Fundilius Doctus) et A. Galieti, Contributi alla storia della diocesi suburbicaria di Albano Laziale. Città del Vaticano, 1948, 68-69 (C. Norbanus Sorex); indication peut-être d'un collegium des acteurs à Nemi: E.J. Jory, Associations of Actors in Rome. Hermes, XCVIII, 1970, 224-253, 237-242.
Je tiens à remercier particulièrement Mme Brigitte Ward pour la traduction de mon texte en français.
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