Chapitre IV. Luxe des objets
p. 191-271
Texte intégral
I Verre, pierre spéculaire et obsidienne
1. Verre
1En première analyse, les sources littéraires semblent indiquer le peu de valeur du verre. Chez Properce (Elég. IV, 8, 37), dans ce qui est probablement une auberge extrêmement modeste, la vaisselle se compose au moins d’objets en verre (vitri aestiva supellex, du matériel d’été en verre), qualifiés d’été, c’est-à-dire probablement légers et donnant une sensation de fraîcheur. Et Trimalcion sait qu’il profère une énormité lorsqu’il avoue son estime pour le verre1. Lorsqu’il dit préférer le verre au bronze de Corinthe parce qu’il n’a pas d’odeur, exprime ce que beaucoup doive penser, mais, noblesse oblige, il se sent contraint de demander pardon à son auditoire2. Le verre incolore, qui ressemble au cristal, avait supplanté les vases à boire en argent ou en or. Pour Martial (Epigr. I, 37), il a beaucoup moins de valeur que l’or ; les coupes de verre sont dites vilia3 ; et la verrerie courante se vend à très bon compte (Epigr : I, 37 ; Pétrone, Satir. LI).
2L’expression latine correspondant au « verrier » n’est pas un mot composé mais un dérivé direct du mot latin qui désigne le verre, vitrum. Ceci reflète le fait qu’à l’époque de Pline l’Ancien, l’utilisation du verre devint plus courante dans la vie quotidienne. Vitrum ne nomme plus seulement le matériau, mais aussi la vaisselle en verre4. De même, le nom de certaines bouteilles contenant du parfum dérive du matériau dans lequel elles étaient fabriquées : murex, rhinocéros, onyx, alors que le verre n’a donné origine à aucun terme particulier. L’utilisation quotidienne et généralisée du verre n’a laissé aucune trace dans le vocabulaire (De Tommaso 1990, p. 23).
3Or, lors du procès de Rabirius Postumus, en 54 avant J.-C., Cicéron admet que son client, qui n’a pas été payé par le souverain d’Egypte, Ptolémée Aulète, a cependant réussi à ramener une flotte de navires chargés de « papyrus, lin et verre »5. Il est clair qu’un homme aussi avisé que Postumus a su choisir des produits d’une grande valeur commerciale. Le verre était donc importé d’Alexandrie au milieu du Ier siècle avant J.-C., ce qui peut suggérer qu’il était un produit coûteux à cette époque. Mais Strabon, qui séjourna en Égypte de 25 à 20 avant J.-C., visita les ateliers des maîtres-verriers d’Alexandrie, et déclare que, « à Rome aussi », de multiples découvertes ont été réalisées dans le domaine des verres colorés, et que les techniques de fabrication se sont améliorées. Strabon (Geogr : XVI, 2, 25) affirme qu’à son époque, c’est-à-dire au début de l’Empire, il était possible d’acheter une coupe en verre pour une monnaie de bronze, c’est-à-dire forcément pour un as.
4L’étude archéologique séparée des sources littéraires a fait croire que le verre était un matériau précieux du fait de la rareté des fragments dans les habitats ou dans les remblais de destruction. En réalité, nous devons attribuer cette pénurie au fait que les morceaux de verre cassé étaient récupérés pour être refondus. Les débris servent de catalyseur dans le processus de fusion car ils refondent à une température plus basse et accélère la fusion du verre avec lequel ils sont mélangés dans le creuset. Les sources littéraires du début de l’époque flavienne traitent explicitement de ce recyclage du verre, c’est à cette époque qu’on découvre qu’il est possible de refondre totalement les débris de verre6. D’autre part, dans la Villa della Pinasella à Boscoreale a été découvert un panier d’osier rempli de morceaux de verre blanc et coloré, fragments probablement destinés à être refondus. Une amphore remplie de débris de verre et de verre fondu a également été retrouvée à Acqui7.
5L’analyse du matériel conservé dans l’Antiquarium d’Herculanum révèle que le verre est plus rare que la céramique commune, mais plus commun que la céramique fine. Il est cependant difficile d’établir un rapport entre vases de céramique et vases de verre en procédant maison par maison, en raison de la dispersion subie par le matériel, due au torrent de boue et de lave. Il faut toutefois noter des exceptions. Ainsi, dans la Casa del sacello di legno (V, 31), à l’intérieur d’une armoire de bois, ont été découverts 11 vases de verre et 4 de céramique dont l’un de céramique fine8 ; dans une caisse de bois de la Casa del Bicentenario (V, 15-16), 6 vases de verre et 3 de céramique. La présence de vases de verre dans ces deux demeures ne nous étonne pas, étant donné le niveau de richesse de ces dernières ; cependant, dans le biclinium (2) de l’appartement du premier étage de la Casa a graticcio (III, 13-15), dans une armoire de bois, se trouvaient 10 vases de verre et 8 de céramique, dont 4 de céramique fine9. Il s’agit d’une des maisons les plus pauvres d’Herculanum (Scatozza Höricht 1989, p. 102).
6L’utilisation croissante du verre est la conséquence de la découverte de la technique du verre soufflé et de sa diffusion rapide en Occident. La Palestine fut le lieu d’une telle invention : la découverte d’un flacon en verre soufflé dans une tombe d’un cimetière à Engedi en Israël, détruite vers 40-37 avant J.-C. (et datée par des monnaies du début du Ier siècle avant J.-C.) et les trouvailles de Jérusalem (dans des strates datées de 50-40 avant J.-C.) attestent l’utilisation de la technique du verre soufflé pour la fabrication de vases à parfum dès le milieu du Ier siècle avant J.-C. au moins, avec une gamme relativement vaste et diversifiée de formes et de types (Harden 1969, p. 47). Pour les autres types de vaisselle, la technique du verre soufflé est surtout utilisée sur une large échelle à partir de l’époque de Tibère10.
7Des fragments de verre soufflé découverts dans la Regio VI, insula 5 de Pompéi, confirment une date haute vers 50-40 avant J.-C.11. Ils proviennent de la région syriaco-palestinienne. Pouzzoles fut un pivot du commerce entre Rome et l’Orient et une escale pour les marchandises orientales ainsi qu’un centre de diffusion possible des formes et des modes de verrerie orientale. Mais ce port fut également un centre de production verrière d’une certaine importance, comme le prouve l’existence peut-être depuis l’époque augustéenne d’un clivus vitrarius où, récemment, fut découvert un four à verre (Beretta et Di pasquale 2006, p. 30). Une industrie du verre a été suggérée à Pompéi à l’époque flavienne, en raison notamment de séries de vaisselle de mêmes caractéristiques, attribuables vraisemblablement à une main-d’oeuvre locale, et de traces d’une activité de fusion. La verrerie d’Ampliatus devait avoir son siège à Pompéi où furent retrouvées des scories de verre (Cicirelli 1987, p. 225). Le matériel herculanéen confirme la thèse selon laquelle le verre soufflé fut introduit dans la zone du Vésuve avant Auguste, et qu’il parvint à une diffusion maximale dans les dernières années du Ier siècle après J.-C. La présence d’exemplaires en verre soufflé à la libre canne et décorés de filaments, provenant de la verrerie d’Ampliatus, a révélé, contrairement à ce que l’on pensait initialement, l’usage courant d’une telle décoration à Herculanum parmi une vaisselle de production locale.
8De produit rare et luxueux, le verre devient durant le Ier siècle après J.-C. un matériau commun pour toutes sortes d’utilisations domestiques (Frank 1982, p. 20 ; Grose 1983, p. 38 ; Harden 1969, p. 66). Une des raisons de son extension si rapide tenait, outre à son prix modique, au fait que la technique du verre soufflé permettait d’obtenir un verre plus fin et plus transparent qu’avant et donc plus acceptable pour la table. Une des prérogatives du verre est d’être inodore et de ne pas modifier la saveur des aliments et des liquides. Dès l’époque flavienne, le verre s’impose non seulement comme le produit idéal pour réaliser des pots à onguents ou des coupes, mais aussi comme la matière tout particulièrement indiquée pour l'instrumentum escarium. Cette vaisselle trouve son affirmation sur le marché comme substitut plus économique des services de table plus coûteux en bronze et en argent, desquels elle imite plutôt bien la forme, l’éclat en plus de la malléabilité. Les premiers objets en verre soufflé se sont inspirés du répertoire métalmétallique ; de nombreux exemplaires reproduisent les formes communes de l’argenterie hellénistique : rhyton, oinochoe, skiphos, trulla, modiolus, carchesium12. Le verre permet aussi d’imiter des substances infiniment plus précieuses : gemma, murrinum ou crystallum. La technique du verre de type millefiori, qui consistait à fusionner dans un moule de nombreux bâtons de verre de couleurs différentes, pouvait aussi imiter, du fait de sa polychromie et ses formes irrégulières, les pierres dures comme le marbre13. Certains auteurs ont considéré d’ailleurs que les verres millefiori étaient produits à Rome et en Campanie, mais dans ce cas pourquoi les verres retrouvés à Pompéi et Herculanum sont-ils pour l’essentiel de type monochrome ? Le millefiori devait donc être importé d’Égypte (Tamassia 1965, p. 6).
9Quoi qu’il en soit, nous pouvons donc déjà noter la volonté d’imiter par le verre des matières indiscutablement plus précieuses.
1.1 Verre à vitre
10Un passage de Martial14 révèle l’invention assez récente, d’après l’apparent émerveillement de l’auteur, de serres peut-être construites en verre puisque gemma peut parfois désigner ce matériau. De nombreux auteurs insistent sur la luminosité des salles thermales, à l’intérieur desquelles le soleil pénètre abondamment, par l’intermédiaire de grands châssis vitrés15.
11À Pompéi et à Herculanum l’emploi des panneaux vitrés fut l’exception et non la règle16. Dans la Casa del Centenario (IX, 8, 3/6), le caldarium (47) possédait dans la schola labri une fenêtre circulaire avec une vitre de verre17. Dans les Praedia di Iulia Félix (II, 4, 1-12), le caldarium (42) présente de larges fenêtres donnant sur le jardin qui devaient avoir une vitre de verre (De Vos 1988, p. 145). Les bains de la Casa del Menandro (I, 10, 4) possédaient également un tel confort (Fontaine et Foy 2005b, p. 35). La Casa di M. Lucretius Fronto (V, 4, a) conserverait des restes de vitre de verre sur un oeil-de-boeuf du cubiculum (i) donnant sur le viridarium (De Vos 1988, p. 216). Dans la Casa dell’Efebo (I, 7, 11), le portique18 était fermé entre ses colonnes par des vitres de verre pour protéger du froid et de la pluie le triclinium, le tablinum et l'exèdre donnant sur ce dernier. Une vitre de verre a été, autrefois, retrouvée dans la Casa di C. Iulius Polybius (IX, 13, 1-3)19. Dans la Casa di Fabius Rufus (VII, 16 (Ins. occ.), 22), les pièces adjacentes à l’atrium s’ouvraient sur la mer par de larges fenêtres vitrées (Tran Tarn Tinh 1988, p. 26) ; cette maison présentait un décor que nous pouvons qualifier de luxueux. Dans la Casa dell’Atrio a mosaico à Herculanum, le jardin est entouré sur trois côtés par un portique dont la galerie orientale était protégée par des plaques de verre maintenues par d’étroites bandes de bois (Deiss 1989, p. 43 ; cf fig. 83).
12C’était une sorte de véranda permettant aux pièces basses et peu lumineuses, situées à proximité de l’exèdre, de recevoir la lumière ; un système complexe de châssis en bois, encore visible aujourd’hui, reposait sur une sorte de podium qui, en son milieu, tenait lieu de jardinière pour plantes ornementales ; l’ensemble donnait un aspect de serre à ce côté de l’ambulacre (Maiuri 1958a, p. 291). La loggia couverte (21) devait également avoir des fenêtres vitrées (Maiuri 1958a, p. 300). Dans la Casa dei Cervi, une galerie faisant face au triclinium possédait des vitres de verre20 de même que la Casa del Gran portale (V, 35). Les rapports de fouilles, datés du 9 mai 1753, concernant les Thermes de la Villa dell’Epitaffio, mentionnent des fragments de verre pour les fenêtres (Scatozza Hôricht 1985, p. 151). Dans le tepidarium des bains de la villa di Diomede à Pompéi, quatre panneaux de verre, chacun de 38,1 cm2, ont été retrouvés, avec les restes d’un encadrement de bois en forme de croix (Richardson 1988, p. 351 ; Dell’Acqua 2006, p. 119). Le cubiculum de la Villa dei Papiri présente des oculi, de 50 cm de diamètre, avec des restes de vitres circulaires bleu clair (Fontaine et Foy 2005b, p. 35 ; Dell’Acqua 2006, p. 119).
13Nous sommes donc en présence de verre à vitre dans dix maisons urbaines et trois villas ; la conclusion essentielle ici est que précisément nous avons pu qualifier de luxueux au moins huit de ces treize sites (les Case del Centenario, dell’Efebo, di Fabius Rufus, dell’Atrio a mosaico, dei Cervi ; les Praedia di Iulia Félix ; la villa dell’Epitaffio, la villa di Diomede), la Casa del Menandro a livré un trésor d’argenterie et la Villa dei Papiri, une riche collection de sculpture tandis que la Casa di Iulius Polybius relève au moins d’un certain niveau d’aisance21. Nous soulignons l’utilisation des vitres de verre dans les bains privés et les portiques ou galeries permettant ainsi de jouir du panorama, tout en étant protégé du froid et du vent.
14Nous avons remarqué au British Muséum de Londres une vitre de verre provenant des alentours d’Herculanum et datant d’entre 1 et 70 après J.-C., elle mesure environ 60 cm par 3022. Trois autres vitres de verre venant d’Italie y sont également conservées : un panneau mesure 30,5 cm par 53,323 les deux autres panneaux plus petits, font 14,6 cm par 8,924. Des plaques de vitre en verre, mesurant 33 cm se trouvent au Musée Archéologique National de Naples et au dépôt de Pompéi (Jashemski 1979a, p. 38 ; Harden 1961, p. 49-50). Nombre de vitres romaines, rectangulaires ou carrés, devaient être d’un format modeste compris entre 27 et 60 cm, d’autres plus larges, pouvaient atteindre jusqu’à 80 cm (Foy 2005, p. 51). La taille des vitres carrées (80 x 80 cm), placées dans les thermes suburbains d’Herculanum, est exceptionnelle (Broise 1991, p. 63 ; Fontaine et Foy, 2005a, p. 22-23).
15Nous pouvons souligner que la production de verre à vitre moulé commence probablement au début du Ier siècle après J.-C. Vitruve en effet ne fait aucune allusion à ce type de produit, ce qu’il n’aurait très probablement pas manqué de faire le cas échéant, tandis que la mise en oeuvre de grandes fenêtres vitrées apparaît chez Sénèque (Ep. LXXXVI, 8 ; 11) comme une technique à la mode. À Sentinum, a été découvert, entre 1954 et 1960, un ensemble de déchets de verre, dans la zone urbaine (on ne connaît plus la localisation exacte), attestant l’existence d’un atelier de verrier (Taborelli 1982, p. 141, n. 12). On observe parmi ces déchets de verre des fragments de vitre de verre réalisée grâce à des moules malheureusement disparus. Il existe deux types différents de fragments pour la période qui nous intéresse, dont l’un de très haute qualité et d’une remarquable homogénéité, réalisé à partir de moules plutôt durs probablement en pierre, soigneusement polis, ou à partir de moules en terre cuite lisse. Ces fragments, d’une épaisseur variant entre 2,6 et 7 mm, dateraient pour certains de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C., pour d’autres du IIème siècle après J.-C. (Taborelli 1982, p. 149). Le second type commence à être produit vers la fin du Ier siècle après J.-C. et le début du IIème et se prolonge au IIIème siècle. Ce type est de qualité généralement modeste et a été surtout réalisé à partir de moules en terre cuite. La présence de bulles plus grandes dans ce second type, une irrégularité accentuée de la surface et du périmètre, la réduction de la gamme chromatique et une réutilisation du même moule à plusieurs reprises révèlent un déclin progressif par rapport au premier, où l’on peut voir la conséquence d’une tentative de réduction des coûts de production. L’artisanat du verre parvint à la pureté et à la transparence du verre de couleur au Ier siècle après J.-C., mais c’est seulement après la mort de Commode (192 après J.-C.), que le verre incolore et transparent se vulgarisa, quoique quelques exemples de verres presque incolores soient antérieurs. Il fallait en effet éliminer les oxydes métalliques naturels (de cuivre et de fer), qui colorent le verre en un bleu-verdâtre, pour obtenir la transparence recherchée (Carducci 1965, p. 356). Le problème suivant est ainsi posé : le verre à vitre pouvait-il être transparent à l’époque qui nous intéresse ? Pline le Jeune25 insiste sur la luminosité des salles thermales dans lesquelles le soleil peut pénétrer par les fenêtres de verre et souligne aussi le fait que l’on peut jouir du paysage environnant par les fenêtres. Le verre antique était translucide, mais non transparent (Broise 1991, p. 61 ; cf fig. 82). La vitre de verre, découverte dans la maison de C. Julius Polybius (IX, 13, 1.3) à Pompéi, montre une teinte rosée due à un phénomène de solarisation, c’est-à-dire que les rayons du soleil, au moment de la pose, lui ont donné cette couleur. Le verre transparent pouvait être plus spécifiquement destiné à la vaisselle de table, et le verre moins soigné et épuré à couvrir de grandes surfaces comme dans les thermes (Martin-Bueno et Ortiz Palomar 1995, p. 11). Nous remarquons également qu’un verre transparent plus coûteux pouvait sans doute apparaître dans les riches villas, telle celle de Pline.
16Laisser passer la vue, “couler les images” est le premier mérite du verre ; faire entrer la lumière en est un autre, pour assurer une clarté fonctionnelle ou donner de la splendeur et de l’éclat aux décors intérieurs et aux volumes ; enfin, capter la chaleur naturelle du soleil et ne pas laisser échapper la douceur de l’atmosphère intérieure est aussi un précieux avantage (Foy 2005a, p. 50). La vitre de verre semble donc être un signe de modernité et de confort indispensable au luxe des grandes demeures.
1.2 Verre-cristal
17Mais, à côté du verre populaire, les textes semblent témoigner de l’existence d’un verre pour lequel on payait des sommes extraordinaires : Pline l'Ancien affirme que, sous Néron, un type spécial de coupes fut payé 6000 sesterces la paire26. En réalité, il s’agirait du verre-cristal, verre blanc d’une grande transparence qui contient de l’oxyde de plomb27. Mais il n’est pas clair que ce type de verre-cristal fût produit à Rome ou importé. Deux passages, de Lucain et Martial, se rapportant à l’Égypte, grand centre de production du verre, pourraient faire référence au verre-cristal28. On peut donc se demander dans quelle mesure il n’était pas importé d’Égypte. Le fait que ce verre-cristal imite le vrai cristal de roche explique son prix élevé29, quoique moindre que la louche en cristal de roche vendue 150 000 sesterces, mentionnée dans le même passage. C’est encore ici une preuve de l’existence d’une hiérarchie dans les objets de luxe, caractérisée par le fait que la strate inférieure est destinée à imiter la strate supérieure, à moindre coût30.
18Par conséquent, d’après les sources littéraires, il existait un verre-cristal coûteux par lequel les plus riches n’hésitaient pas à remplacer le cristal de roche trop onéreux. Le verre-cristal devait être au Ier siècle après J.-C. beaucoup plus rare, inusuel et plus facilement qu’aujourd’hui susceptible d’être confondu avec du vrai cristal de roche. À notre connaissance aucun vase en verre-cristal n’a jamais été découvert. Pourtant, nous sommes à même de nous interroger sur la possibilité de distinguer à l’oeil nu du verre courant et du verre-cristal, sans analyse chimique. Ainsi, nous confondons, de nos jours, le verre et le verre-cristal31.
1.3 Verre millefiori
19Les sources archéologiques ne peuvent généralement pas nous aider à déterminer si le verre millefiori était considéré comme un objet de luxe car les contextes de découverte ne sont plus attestés aujourd’hui32. Nous ne connaissons, pour notre part, que les cas suivants. Dans la Villa de la localité Colle Plinio (campo di S. Fiora), située dans la province de Pérouse, un fragment de verre millefiori fut mis au jour dans une pièce résidentielle. Il daterait de l’époque augustéenne et serait en rapport avec la première phase de construction de la villa qui présente des éléments de décor luxueux. En outre cette villa a pu appartenir, au moment de sa première phase de construction, à M. Granius Marcellus, proconsul de Bithynie en 14-15 après J.-C.33. Nous ne disposons que de deux exemples herculanéens de verre millefiori dont le contexte de la découverte est suffisamment connu. Ainsi une coupe hémisphérique, en verre moulé à fond noir, bigarré de jaune, vert, bleu et blanc, fut retrouvée dans la Casa dell’atrio a mosaico (IV, 1-2)34. Une même coupe à fond bleu, avec des éléments de forme ovale de couleur blanche a été découverte dans la Casa dei due atri (VI, 29)35 La première maison présente un type de décor que nous avons défini comme pouvant être luxueux, tandis que la seconde n’en possède aucun.
20Ces découvertes nous incitent à émettre l’hypothèse que le verre millefiori pouvait être, au moins à l’époque augustéenne, un objet "riche”. Mais aucun élément ne permet de l’affirmer avec certitude, et surtout pas de considérer ce type de verre comme luxueux.
1.4 Verre-camée
21De même, les historiens sont partagés quant à la valeur du verre-camée : certains considèrent que cette technique devait être coûteuse car exigeant un travail délicat et lent (Ashmole 1967, p. 1) ; l’artisan ne pouvait commettre d’erreurs car elles étaient irréparables : les retouches sont impossibles et on ne peut rajouter des détails une fois la sculpture exécutée. D’autres historiens pensent que ce type de verre devait avoir peu de valeur : le verre étant un matériau peu coûteux, le verre-camée ne devait avoir d’intérêt que dans la mesure où il imitait les véritables camées de pierres dures36.
22Il faudrait étudier les exemples de verre-camée et leur contexte de découverte pour tenter de déterminer leur statut. Malheureusement, nous disposons au départ de peu d’exemples :
le célèbre vase de Portland, datant de l’époque augustéenne, et plus précisément d’entre 30 et 17 avant J.-C.37, serait l’oeuvre de Dioskourides, car il se rapproche d’une gemme montrant Diomède volant le Palladium, appartenant à la collection du duc de Devonshire, et portant sa signature. Dioskourides appartenait au cercle de la famille julienne au cours de la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C. ; au cours des années 40 avant J.-C. il produisit des portraits de Jules César et dans les années 20 avant J.-C. un sceau pour Auguste avec le portrait de l’Empereur ; entre 13 et 9 avant J.-C. il grava des portraits en verre et en pierre de plusieurs dames de la famille impériale.
la cruche Auldjo, retrouvée dans la Casa del Fauno (VI, 12, 2) à Pompéi entre 1830 et 1832, pour laquelle aucune datation n’a été proposée38. Cette riche maison de Pompéi possédait un décor luxueux.
une paire de panneaux39 datant de l’époque claudienne a été retrouvée dans la Casa di Fabius Rufus (VII, Ins. Occ. 16, 22)(cf fig. 84-85). Ils ornaient sans doute un meuble en bois au lieu des incrustations d’ivoire habituelles40. Retrouvés à l’état de fragments mais reconstitués de façon relativement sûre, ils présentaient au moment de la découverte des traces d’usure et de restauration. Ils pourraient être attribués à des ateliers romains et non alexandrins comme on l’a longtemps pensé41. Cette découverte est advenue dans une maison qui présente un décor luxueux.
le vase appelé Vase Bleu42, d’époque claudienne, venue au jour, selon le rapport de fouilles à Pompéi le 29 décembre 1837, dans une tombe appartenant à la villa delle Colonne a mosaico43. Les chercheurs doutent en fait de la fonction d’urne funéraire d’un tel objet, bien que, le jour de la “découverte”, il fût plein de cendres, et ils pencheraient plutôt, du fait de la scène représentée (des Amours jouant de la flûte et vendangeant), pour un vase à servir le vin. Les auteurs avancent plusieurs arguments (notamment la forme très proche des amphores Dressel 2-5) en faveur d’une datation entre 16 avant J.-C. et la fin de la première moitié du Ier siècle après J.-C.
23Par conséquent, à l’exception de la Casa del Fauno et de la Casa di Fabius Rufus, aucun contexte44 ne nous permet de déterminer avec certitude si le verre-camée était un type de verre luxueux. Nous devons cependant signaler l’existence d’un fragment en verre-camée, d’environ 50 par 20 cm, aujourd’hui conservé au Metropolitan Muséum (Inv. n°81.10.347). À bord courbe, il présente un décor aquatique sur fond bleu, dont un crabe sur la partie gauche, un élément indistinct et un autre qui pourrait être une pieuvre sur la partie droite. Il est signalé comme venant de Capri. Or, lors des fouilles de la grotte impériale dell’Arsenale à Capri en 1879, Cerio (1894, p. 7-8) nota la découverte « d’un grand et très précieux fragment d’une patère en verre, d’un bleu opaque, avec des poissons délicatement taillés dans un émail blanc, d’une exécution semblable à celle du célèbre vase de Portland, et au non moins précieux vase, trouvé en 1837 dans une tombe de Pompéi ». Maiuri (1955, p. 78) mentionne également cette découverte en précisant que ce fragment a été vendu sans que l’on sache ce qu’il est devenu. Le fragment du Metropolitan Muséum pourrait être celui qui fut découvert dans la grotte dell’Arsenale car il est enregistré comme étant entré au musée en 1881. Il doit appartenir à une plaque décorative étant donné qu’il est plat.
24Cette découverte pourrait confirmer le caractère précieux de certaines pièces en verre-camée de dimensions exceptionnelles, comme cette plaque dont le diamètre devait atteindre environ 1 m, oeuvres d’artistes de renom. Une autre matière offre des qualités comparables à celles du verre, étanchéité, résistance et transparence, mais doit être analysée séparément : il s’agit de la pierre spéculaire.
2. Pierres spéculaires
25Les speculares sont un luxe pour Sénèque qui révèle qu’il s’agit d’une invention récente à son époque45, ce que Juvénal (Sat. IV, 20-23) confirme en les opposant à la frugalité. Or, il semblerait que ces passages ne fassent pas référence à des vitres en verre mais à des plaques (testa speculiorum) d’une matière plus ou moins translucide, le lapis specularis, qui servait parfois à couvrir les fenêtres. À Rome, ce matériau est très certainement utilisé dès le début du Ier siècle après J.-C. : Philon d’Alexandrie (Leg. Ad Gaium, 364) rapporte les exigences de Caligula ordonnant de parer les fenêtres d’une grande salle de pierres diaphanes comparables au verre blanc. Pline l’Ancien (H.N. XXXVI, 163) rappelle également les dires de Juba quant à l’utilisation fort ancienne en Afrique du Nord d’une « pierre transparente comme le verre », qu’il assimile à une forme de pierre spéculaire qui pourrait être de l’albâtre (Guisado et Bernardez 2004, p. 4). Trimalcion fait répandre de la sciure colorée avec du safran et du cinabre et de la poudre de pierre spéculaire sur le sol de la salle de banquet (Sat. LXVIII, 1) : ce gaspillage de produits coûteux que sont le cinabre et le safran, utilisés comme agglutinant pour balayer les restes du repas, semble nous renseigner sur la haute valeur du lapis specularis.
26La pierre spéculaire que l’on pourrait également traduire par « pierre translucide », désigne un minéral brillant dont la principale caractéristique est de se déliter en plaques suffisamment fines pour laisser passer la vue et la lumière. De toutes les appellations minéralogiques qui lui sont associées, mica, gypse, talc, celle de sélénite ou de plâtre sélénique est vraisemblablement la plus appropriée (Fontaine et Foy 2005c, p. 159). Pline rapporte que cette pierre venait en particulier d’Espagne46. Récemment, des carrières de pierres spéculaires ont été localisées dans la province de Cuenca en Espagne, s’étendant sur trois régions naturelles : Sierra, Alcarria y Mancha (Guisado et Bernardez 2004, p. 1). Ce qui correspond aux informations données par Pline (H.N. XXXVI, 162) qui précise que cette pierre venait d’une région située à 100 milles de Segobriga (Canto 1977-1978, p. 183). Les données archéologiques et épigraphiques de la région livrent de nombreuses informations sur l’importance de ces complexes miniers qui ont largement contribué au développement économique et démographique de Segobriga et des cités alentours. Le mobilier retrouvé dans les structures liées aux mines est essentiellement datable des Ier et IIème siècles de notre ère et témoigne clairement, par sa qualité et sa quantité, du dynamisme des exploitations (Guisado et Bernardez 2004, p. 2). Nous avons pu observer au Musée Archéologique de Cuenca deux plaques de ce type (cf fig. 86)47. Si l’on en croit Pline (H.N. XXXVI, 160), les plaques extraites pouvaient atteindre jusqu’à 1,50 m de long ; plus léger et beaucoup plus transparent que la vitre de verre coulé, le lapis specularis peut être facilement taillé à la forme voulue (Foy 2005, p. 54 ; Fontaine et Foy 2005c, p. 162). Cependant, les panneaux ou les fragments de panneaux, découverts jusqu’à présent, sont rectangulaires, plus ou moins allongés, de gabarit plus réduit que la plupart des vitres en verre. Ainsi, dans la Casa di C. Cuspius Pansa o di P. Paquius Proculus (I, 7, 1), à Pompéi, ont été retrouvés huit carreaux de pierre et une trentaine de fragments permettant d’estimer l’ensemble à une quinzaine ou vingtaine de pièce. Ces plaques mesurent 25 cm par 17 pour une épaisseur de 1,5 et proviennent vraisemblablement de la même fenêtre ou de fenêtres voisines dont furent aussi retrouvées les ferrures avec des clous, les charnières et une poignée, en bronze. Des restes de stuc, qui devait servir à les fixer sur le cadre en bois de la fenêtre, ont été attestés48. On peut cependant assurer que cette (ou ces) baie vitrée était mobile puisque des gonds et une poignée font partie de la découverte ; à moins qu’ils n’aient appartenu au volet de bois qui pouvait aussi couvrir les vitrages. Toutes ces trouvailles ont été faites à proximité du péristyle, ce qui laisse penser qu’elles proviennent des fenêtres ou des portes ouvrant sur la cour à moins qu’elles ne signifient que l'atrium était transformé en jardin d’hiver. Or, cette maison ne fait pas partie de celles de Pompéi qui présentent un décor que nous avons défini comme pouvant être luxueux. Mais, il s’agit sans aucun doute d’une maison de niveau aisé puisqu’elle appartenait aux Cuspii, famille qui, arrivée avec les premiers colons syllaniens, finança la reconstruction de l’amphithéâtre après le tremblement de terre de 62 après J.-C.49.
27Cette découverte inciterait à attribuer à une telle matière un caractère au moins “riche” ; cependant, une unique découverte ne peut bien évidemment aboutir à une conclusion aussi assurée. François Mazois mentionne l’existence de fragments à Pompéi et à Rome et Domenico Romanelli décrit de petites fenêtres mises au jour à Herculanum comme « tutte chiuse di fogli di talco ». Les termes fogli ou lastre di talco sont également employés dans les inventaires de Pompéi et d’Herculanum pour enregistrer les plaques de pierre spéculaire. En Afrique du Nord, ce matériau a été identifié à Carthage, dans des thermes et dans le quartier d’habitation dit « les villas romaines », et en Libye sur le site de Bunjem (Mazois 1829 ; Romanelli 1811, p. 242 ; Fontaine et Foy 2005c, p. 159). Ce ne sont que les traces infimes d'une pratique qui, d’après les occurrences littéraires, était vraisemblablement assez répandue. Il est important de noter que Pline, décrivant les richesses métallurgiques d’Hispania, mentionne le lapis specularis avec le cinabre (H.N. III, 30).
28La valeur de l’obsidienne reste également difficile à déterminer.
3. Obsidienne
29Les sources littéraires ne mentionnent pas l’obsidienne comme un matériau de luxe, mais elle n’en mérite pas moins toute notre attention. L’obsidienne a dû être découverte par un certain Opsius, marchand osque qui trafiquait dans le Mer Rouge à l’époque d’Auguste50. La dédicace, de la part de cet empereur, de quatre éléphants opsiani dans le temple de la Concorde, vers 10-14 après J.-C., considérée comme miraculum, montre la nouveauté que représentait ce matériau pour les Romains.
30Les données archéologiques attestent effectivement l’existence de gisements d’obsidienne en Erythrée moderne, comme d’ailleurs le Périple de la Mer Érythrée (5) (De Romanis 1996, p. 234-235 et 226). L’obsidienne est un verre naturel, c’està-dire une substance amorphe. Elle provient du refroidissement rapide de laves volcaniques. Elle présente parfois des irisations provoquées par des bulles et des inclusions minuscules.
31Or, Pline mentionne l’utilisation de cette pierre comme miroir et Pompéi a livré quelques exemplaires : deux sont encastrés dans la paroi est du péristyle (F) de la Casa degli Amorini dorati (VI, 16, 7.38)(cf. fig. 87-88)51, un troisième dans la paroi est du péristyle (10) de la Casa del Frutteto (I, 9, 5)(SAP inv. 86689 ; PPM II, p. 44, fig. 63-65 ; Beretta et Di Pasquale 2006, no 3.14 p. 290) et un quatrième dans la paroi est de l'atrium (A”) de la Casa dell'Efebo (I, 7, 11)(PPM I, p. 639 ; cf. fig. 33). Dans ces maisons, les miroirs ont été placés en des lieux de grand passage, suggérant que leur but était moins utilitaire qu’ostentatoire. Leur exposition dans une partie publique de la maison permettait aux visiteurs de remarquer que le propriétaire de la maison avait les moyens de s’offrir un tel objet, voire en deux exemplaires. Les miroirs de Pompéi seraient constitués d’obsidienne provenant de Sardaigne52. Or, doit-on reconnaître l’obsidienne dans la pierre nommée dionysias par Pline53 ? Réduite en poudre, elle donne à l’eau le goût du vin et elle empêche l’ivresse. Il convient de noter que le miroir de la Casa del Frutteto est placé entre les portes du triclinium (11) et du cubiculum (12) considérés comme deux grottes-pergola dionysiaques et que l’un de ceux de la Casa degli Amorini est fixé près d’un sacellum dont les peintures représentent des objets et une scène de culte isiaque54. L’usage magique de ces miroirs n’est pas à exclure55.
32En revanche, dans le quartier des thermes de la Villa San Marco à Stabies, fut découvert un groupe d’au moins quatre pièces en obsidienne comprenant deux coupes identiques, deux skyphoi, un troisième skyphos plus petit, et enfin une phiale conservée aux deux tiers seulement (cf. fig. 89-93)56. Les coupes ont été taillées à la main dans un seul bloc d’obsidienne, qui proviendrait de Lipari en raison de son aspect monochrome à reflets violacés (Elia 1957a, p. 98 et D'Orsi 1951, p. 2). Or, des éléments en malachite, lapis-lazuli, corail blanc et rose sont incrustés dans des alvéoles (d’environ 3,5 mm de profondeur) plaquées de feuilles d’or selon la technique du “cloisonné”57. Ces coupes ne sont pas l’oeuvre d’un artisan italique ou grec mais constituent une production d’exception ; elles seraient dues à un artisan opérant à Alexandrie au service des Ptolémées ou de rois orientaux, production ensuite absorbée par Rome (Elia 1957a, p. 102). Ces coupes, datant du Ier siècle avant J.-C., auraient appartenu au trésor de quelque temple de l’Orient hellénistique, dispersé et vendu sur le marché d’Alexandrie, avant de parvenir entre les mains du propriétaire de la villa.
33Le Musée Archéologique National de Naples présente une coupe d’obsidienne à incrustation provenant de Pompéi, sans aucune mention d’un contexte plus précis. Elle a pour motif intérieur une couronne de pampres dont les tiges sont en fil d’or ; les grains des grappes de raisin sont apparemment faits de petits disques de corail, dont deux sont conservés ; les feuilles, dont il reste un fragment, sont de malachite ; enfin, on peut noter l’empreinte d’une libellule et celles d’oiseaux58.
34Au Metropolitan Museum de New-York, nous avons pu observer deux fragments d’obsidienne provenant de Pompéi59, datant du Ier siècle après J.-C. : l’un, courbe, appartiendrait à une coupe et présente un décor de pampres en creux, dont une feuille de vigne. Ce décor rappelle tout à fait celui de la coupe du Musée Archéologique National de Naples et pouvait accueillir des éléments de marqueterie en or et/ou en pierre semi-précieuse. Le second fragment plat pourrait provenir d’un panneau de revêtement mural, nous l’avons vu.
35Bien que le statut et l’usage des miroirs en obsidienne soit difficile à déterminer, il n’en reste pas moins que les trois maisons qui les accueillent sont d’un niveau aisé60 Les skyphoi ont été trouvés dans une riche villa attestant d’un décor de type luxueux. De plus, le fait qu’ils formaient une paire incite à considérer qu’ils devaient être exposés comme des objets de collection (Leospo 1999, p. 336).
36Si nous abordons maintenant la détermination de la valeur des métaux, nous devrions pouvoir obtenir des positions plus tranchées. La vaisselle de bronze a souvent été considérée par les archéologues ou les historiens comme une vaisselle de luxe ; l’étude des textes s'avère en cela indispensable.
II Métaux
1. Bronze
37Les vases de bronze n’ont jamais joui à Rome d’une grande faveur comme vaisselle de table proprement dite ; on les reléguait volontiers au cellier ou à la cuisine61. Dès l’époque de Plaute et de Caton, le bronze est communément utilisé pour conserver et transvaser les liquides ; si argentum, chez Plaute, désigne l’argenterie, ahenum signifie « chaudron », ce qui est très significatif. Dès la fin de l’époque républicaine, les sources littéraires attestent que le bronze n’est pas un bien luxueux ou semi-luxueux ; ainsi, la modeste campana supellex d’Horace n’est pas la céramique campanienne, comme on pourrait le penser, mais plutôt de la quincaillerie de bronze fabriquée à Capoue62. De même, les lits en bronze des ancêtres, même sculptés, sont le symbole de la rusticité passée63. Et les statues de bronze64 ne sont dignes d’admiration, que lorsqu’elles sont l’oeuvre d’artistes réputés et surtout lorsqu’elles sont colossales. Les sculptures colossales en marbre n’étaient à cette époque accessibles qu’à l’Empereur (Andreae 1995, p. 138) ; des sculptures grecques colossales étaient parvenues à Rome par le biais des butins de guerre mais placées dans un contexte public. Dans le milieu privé, à la fin de la République et au début de l’Empire, de telles statues manquent toujours et semblent avoir été réservées à l’Empereur. Ainsi Pline l’Ancien témoigne des prix élevés payés pour des statues d’artistes grecs65 telle la statue colossale d’Apollon, consacrée au Capitole par M. Licinius Lucullus en 71 avant J.-C.66. La seule oeuvre contemporaine qu’il mentionne, de manière négative, est le fameux colosse en bronze de Néron, considéré comme le révélateur de connaissances techniques déficientes (Lahusen 1999, p. 39). Or, l’audacia de l’art du bronze permet de construire des colosses grâce à la technique de la fonte et de recomposition par soudure d’éléments séparés (Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 38). Pline l’Ancien laisse entendre qu’il préfère les oeuvres en marbre à celles de bronze. Selon lui, l’art de la sculpture en marbre est plus ancien que l’art du bronze et les images des dieux et les figures mythologiques étaient de préférence réalisées en marbre. Ainsi sur le forum d’Auguste, les statues des héros légendaires de l’histoire de Rome, étaient en marbre, tandis que celles des triomphateurs étaient de bronze. De plus, on constate qu’à partir du début de l’époque impériale, les statues honorifiques de bronze deviennent des produits réalisés en série, ce qui entraîne une perte de qualité dans l’alliage et les détails des oeuvres67. C’est certainement une des raisons qui fait dire à Pline que l’art du bronze est en décadence.
38L’évolution est ici parallèle à celle de la céramique ; dès le IVème siècle avant J.-C., la fabrication de vases somptueusement décorés a été pratiquement abandonnée en Italie, et, à la fin de la République, la vaisselle de bronze n’est plus considérée comme luxueuse que dans les provinces d’Occident. Ainsi, le matériel pompéien atteste que le bronze prévaut sur la céramique, au moins pour certains usages (Pucci 1985, p. 580). Les récipients en bronze étaient sans aucun doute plus coûteux que ceux de terre cuite mais ils offraient l’avantage de pouvoir être réparés ou refondus (Tassinari 1993, p. 234).
39Certains vases en bronze étaient peut-être considérés comme précieux : ainsi, dans la Casa di C. Iulius Polybius (IX, 13, 1-3) fut découverte une hydrie en bronze du Vème siècle avant J.-C. (SAP 45 180 ; Adamo Muscettola 1992, p. 96). Ce vase ayant été restauré plusieurs fois, son propriétaire devait être conscient de sa valeur d’“antiquité”, d’autant plus qu’une inscription incisée sur le bord mentionne qu’il fut donné comme prix lors d’un concours en l’honneur d’Héra à Argos. Il devait également y avoir une différence entre les objets d’usage commun sans doute exécutés localement et ceux que l’on commandait dans un atelier extérieur : fut retrouvé à Pompéi un meuble en bois décoré de plaques de bronze avec une tête de Dionysos ainsi qu’une des plaques portant une inscription : C. Calpumiis Romae f(ecit) (CIL X, 8172, 32 ; Mustilli 1950, p. 221). Ce meuble ou ce décor exécuté à Rome, a peut-être été fabriqué par un artiste de renom.
40Mais les sources littéraires révèlent aussi qu’il y avait différentes qualités de bronze : celui de Corinthe était considéré comme aes pretiosum68. Dès la fin de la République, les amateurs se disputent les bronzes de Corinthe à prix d’or. Tibère en vue de réfréner ce luxe69, a établi une liste des prix maxima autorisés pour les objets de bronze de Corinthe, mesure apparemment sans effet. Pline n’admet guère que la fabrication des vases à Corinthe, mais constate qu’à Rome on les transformait souvent en plats, bassins, lanternes et autres ustensiles “vulgaires”70. Il témoigne de la folie de beaucoup de Romains pour ces vases71. Les amateurs prétendaient reconnaître ce métal à l’odeur (Martial, Epigr. IX, 59), trait caractéristique d’une échelle du luxe fine et codifiée au point de prêter à ce type de subtiles pratiques.
41Or, nous ne connaissons que par l’intermédiaire des textes ce fameux bronze de Corinthe dont l’invention est entourée de légendes, et nous ne pouvons le reconnaître dans aucun objet précis. La plus tenace des légendes fait naître l’alliage de Corinthe dans l’incendie de la grande cité grecque en 146 avant J.-C., attribuant l’invention de ce métal à un hasard merveilleux : les objets de bronze, d’argent et d’or auraient été fondus ensemble72 Les Romains attribuaient donc les qualités de ce métal à un alliage d’or et d’argent. Les bronzes de Corinthe seraient donc à l’origine des vases anciens remontant peut-être au IIIème siècle avant J.-C. (Cicéron, Verr. II, 4, 97). La découverte d’un manuscrit, provenant de Syrie et contenant les écrits d’un alchimiste du nom de Zosimos, donne la clé pour l’identification des différentes sortes de bronze de Corinthe73. Elles étaient produites à partir de différents alliages contenant une faible quantité d’or et d’argent, entre 0,5 et 3 %, patinés artificiellement, c’est-à-dire traités de façon chimique. Sénèque témoigne qu’il avait une patina spécifique. Pline le Jeune et Plutarque spécifient que le bronze de Corinthe avait une couleur particulière. Mais seul le manuscrit mentionne clairement que le procédé de sa fabrication permettait d’obtenir un métal de couleur noire. L’alliage, après avoir été moulé et aspergé de sulfure et de sel d’ammoniaque, est chauffé de nouveau et plongé dans une solution de vinaigre et de sharira, certainement du vertde-gris74. Ce processus est répété plusieurs fois et permet d’obtenir un métal brillant. Ces alliages étaient souvent utilisés pour réaliser des incrustations dans des objets de métal aux couleurs contrastées. A. Giumlia-Mair établit un parallèle entre ces objets de bronze de Corinthe et un marbre appelé Corinthium Marmor : de couleur or, il dessine des lignes noires qui peuvent renvoyer aux incrustations de bronze de Corinthe. Cette découverte atteste que ce bronze était encore produit au IIIème siècle après J.-C., et pas uniquement à Corinthe. D’ailleurs, les sources épigraphiques, essentiellement à travers des inscriptions de Rome, révèlent l’existence d’esclaves impériaux corinthiarii : Zoilus corint(hiarius) Agripp(ianus) ; Philemon Agripp(ianus) corinthiar(ius) ; Neapos corinthiar(ius)75. Ces esclaves devaient être des fabricants de vases à la manière de Corinthe, le rapport entre les désignations corinthiarius et a corinthis étant le même qu’entre argentarius et ab argento (Boulvert 1970, p. 27). Ces esclaves ne produisaient donc pas des faux ou des imitations de bronze de Corinthe comme l’artisan de Trimalcion (Pétrone, Satir. L, 2-4).
42Si de faibles quantités d’argent et d’or rehaussaient ainsi considérablement la valeur des vases de bronze, Pline l’Ancien (H.N. XXXVII, 204), concluant son encyclopédie par une tentative d’établir une échelle de valeur des matières précieuses, ne situe l’argent lui-même qu’en vingtième position.
2. Argent
43Il ne place pas moins l’argent après l’or dans son classement des manifestations de la folie humaine (insania : H.N. XXXIII, 95). Mais il n’en considère pas moins la vaisselle d’argent comme un faste nécessaire à l’aristocratie76, surtout si elle est déployée lors de réceptions publiques.
44Dès le début du IIème siècle avant J.-C., comme Plaute en fait foi, l’argenterie était relativement répandue à Rome. Les prêches et les soupirs des écrivains de l’Empire ne doivent pas nous abuser : c’est bel et bien le IIIème siècle qui vit en ce domaine périr l’austérité “républicaine”, avec l’annexion de la Sicile et la conquête des mines d’argent de Sardaigne, puis d’Espagne (Morel 1963-1964, p. 330).
45Les sources littéraires suggèrent en effet un accroissement continu du poids d’argenterie possédé par les riches Romains :
en 275 avant J.-C., Publius Cornelius Rufinus fut expulsé du Sénat parce qu’il possédait plus de 10 livres d’argenterie (Val. Max. Facta et memor. Il, 9, 4). Cette mesure répressive apparaît avant l'important afflux d’argent qui a sans doute suivi l’annexion de la Sicile (241 avant J.-C.).
en 161 avant J.-C. un sénatus-consulte sur les banquets megalenses fixa à 100 livres d’argent le plafond autorisé, d’après Aulu-Gelle (Noct. Att. Il, 24, 2). En l’espace de 120 ans, le poids autorisé est multiplié au moins par 10. Il s’agit généralement d’une argenterie non décorée, argentum purum.
ainsi, en l’espace de soixante-dix ans, la quantité de livres est multipliée par 100 puisque Livius Drusus, mort en 91 avant J.-C., en possède 10 000 livres (Pline, H.N. XXXIII, 141).
Pline révèle qu’à l’époque de Sylla existent des plats de 100 livres, mais qu’à l’époque de Claude un esclave impérial possédait des plats pesant au total 2550 livres77. Il est certain que cet accroissement est partiellement dû à la baisse du prix de l’argent en même temps que celui de l’or.
46Si l’on considère un rapport d’environ 12 entre la valeur monétaire de l'or et celle de l’argent, la livre de métal argent valait environ 250 sesterces à l’époque de César, mais l’argenterie non travaillée environ 5000 (Pline, H.N. XXXIII, 147) ; il est certain que les plus riches pouvaient, dans ces conditions, posséder plusieurs livres d’argenterie78. Dans ce sens, Valère Maxime révèle, à propos de l’expulsion du Sénat de Cornélius Rufus79, que le fait de posséder seulement dix livres d’argenterie manifeste donc une certaine pauvreté (inopia) à son époque.
47Les sources littéraires suggèrent en effet que, dès le début de l’Empire, toute famille aisée possédait de l'argentum escarium ou potorium, et à l’époque de Calvus même les vasa coquinaria étaient d’argent (Pline, H.N. XXXIII, 140). À l’opposé, vivre avec milium argenteum vas in usu, comme Domitien enfant, c’était vivre dans l'inopia80. La vaisselle d’argent est le signe d’un certain statut social mais posséder un vase en argent n’est pas le signe d’un luxe particulier81. La diffusion de l’argenterie est confirmée par la présence d’esclaves ab argento, non seulement à la cour impériale mais dans beaucoup de maisons82. Le luxe s’accroît en fonction directe du poids d’argenterie possédée, comme le révèlent les propos de Tibère lors du débat sur la promulgation d’une nouvelle loi somptuaire (Tacite, Ann. III, 53, 5). Les poids hyperboliques donnés dans le texte du Satiricon montrent toute l’importance de ce critère dans la définition du luxe83 : certaines pièces d’argenterie portent leur poids gravé à un endroit bien visible de tous.
48De même, Juvénal semble suggérer que les vases d’argent unis, autrefois luxueux à Rome, font à son époque partie des biens miserabilia que seul souhaite posséder l’indigent ; ceci confirme à la fois l’hypothèse du caractère beaucoup plus commun de l’argent84. Posséder un ou des petits vases en argent uni ne représente plus un réel luxe au Ier siècle après J.-C. pour les couches les plus riches de la société romaine, compte tenu de la baisse du prix de la matière brute. Martial confirme d’ailleurs le peu de valeur de certaines pièces d’argenterie85 : surtout, il apparaît que le travail de ce métal, qui lui donne la forme d’objets ou de pièces de vaisselle, ajoute peu à la valeur de la matière brute. Mais il s’agit de vaisselle peu travaillée : in cotula rasa, un cotyle poli, ou d’objets trop petits pour recevoir un décor ciselé : une cuillère et une écuelle. Par conséquent, d’après ce passage, la vaisselle non ciselée ou les petits objets en argent avaient peu de valeur, et pas plus que leur poids en argent. La ligula est l’objet que le pauvre reçoit du patron avare et orgueilleux lors des Saturnales, elle ne vaut pas plus que son poids d’argent qui est d’une demi-livre (Martial, Epigr. V, 19, 11-12). Une inscription murale de Pompéi mentionne l’achat d’un vase d’argent une trulla, pour 90 deniers (Baratte 1986, p. 16). Mais nous ne savons pas exactement de quoi il s’agit : un vase avec un long manche, parfois décoré de reliefs, une sorte de louche semble-t-il, ou même un pot de chambre. Cette trulla pouvait donc être achetée par un individu modeste, pour 22,5 sesterces86.
49Or, Pline87 révèle que, comme pour l’or, l’art de la ciselure a rehaussé le prix de la vaisselle d’argent, compensant sans doute partiellement la baisse du prix de la livre d’argent brut. Une évolution importante se dessine en effet dès la fin de la République pour s’affirmer au Ier siècle de l’Empire88 : c’est désormais l’argenterie ciselée qui devient le symbole d’un certain statut social (Pline, H.N. XXXIII, 139-140). Le caractère luxueux de certains vases d’argent dépend donc de l’atelier qui l’a ciselé, dont la réputation varie suivant la mode. Sénèque marque son dédain à l’égard de la passion de ses contemporains pour l’argenterie ennoblie du nom d’artistes du passé, qui contraste avec la simplicité de l’argenterie appartenant aux ancêtres, privée de toute signature89. Dans une épigramme de Martial, un riche personnage possède, entre autres objets illustres (oeuvres de Myron, Praxitèle, Phidias, Mentor), de l’argenterie désignée comme vera Gratiana, donc façonnée par un certain Grattius90, sans doute un ciseleur contemporain au style bien particulier. Sur une petite urne funéraire de Rome, un certain M. Canuleius Zosimus, affranchi de 28 ans, est rappelé pour avoir surpassé tout le monde dans l’art de la caelatura clodiana91. Le fait que l’argenterie prenne le nom du personnage confirme l’importance attachée au travail de certains artisans, voire des effets de mode92. Cette vaisselle se pare de noms grecs, à moins qu’un Varron ne s’ingénie à faire remonter au grec les quelques mots latins qui survivent en ce domaine. Le fossé entre les deux registres de vocabulaire est aussi profond qu'entre les deux types de vaisselle : in conviviis a Graecia (venit) epichysis et cyathus, in sacrificiis remansit guttus et simpuvium (Varron, Lingu. lat. V, 124). Comme il est naturel lorsqu’il s’agit de modes, les mots grecs eux-mêmes se dévaluent rapidement, ce qui est extrêmement significatif : cantharus, qui désigne chez Plaute une coupe relativement somptueuse, ne désigne plus chez Horace qu’un vase assez ordinaire, et skyphos le remplace dans le vocabulaire élégant (Morel 1963-1964, p. 333).
50L’analyse, capitale, de chiffres donnés par Pline (H.N. XXXIII, 147) a conduit à la conclusion que le prix du travail de l’orfèvre représenterait la considérable proportion de plus de 90 % de la valeur de l’objet (Baratte 1985, p. 628). Et de fait, si l’on prend une valeur de la matière brute de 300 sesterces la livre, celle-ci ne représente que 5 % du prix de 6 000 sesterces la livre mentionné par Pline, et guère plus (6 %) de l’autre prix, 5000 sesterces, mentionné dans le même passage.
51Naturellement, une grande prudence s’impose dans l’interprétation de ces données :
d’une part, Pline utilise ces exemples précisément pour montrer l’absurdité à laquelle on est parvenu en termes de prix attaché à la mainmain-d’oeuvre ; il n’est donc nullement exclu que les chiffres avancés présentent quelque exagération ou qu’ils soient exceptionnels, c’est-à-dire attachés à un artiste au style particulier, “à la mode” dirions-nous de nos jours ;
on peut aussi interpréter ce passage de la façon suivante : lalivre d’argent, même travaillée, coûtait normalement bien moins de 5000 sesterces, mais le travail du ciseleur a multiplié le prix.
enfin, l’analyse ci-dessus, ne traitant que de la valeur esthétique comparée à la valeur purement matérielle des objets, a peut-être sous-estimé un point important, et que nous avons fréquemment rencontré à propos du luxe : il s’agit peut-être d’oeuvres très anciennes, ce qui en ferait tout le prix, davantage que la rétribution de l’artisan proprement dite.
52Il reste que l’hypothèse du poids déterminant d’un artiste "de style” ou "à la mode” est rendue extrêmement probable par la mention de l’achat de deux coupes de Mentor pour 100 000 sesterces. Il aurait fallu, si 6000 sesterces équivalent à la livre d’argenterie ciselée et ancienne, que les deux coupes pèsent plus de 5 kg (probablement ensemble), ce qui paraît excessif pour des vases à boire. La différence de prix pour un poids donné provient donc probablement de ce que Mentor était un artiste encore plus renommé que celui, d’ailleurs anonyme, qui a fabriqué les coupes à 5-6000 sesterces.
53Cette hypothèse est confirmée par au moins deux faits importants :
d’après nos recherches, le même Mentor est mentionné chez non moins de trois autres auteurs à partir de Cicéron93, ce qui en dit long sur le renom de cet artiste, toujours fameux aux yeux de Pline, c’est-à-dire au moins un siècle plus tard.
cela suggère une conclusion d’une portée plus vaste : le ciseleur pouvait atteindre un statut d’artiste à un degré peut-être équivalent au statuaire ou au peintre ;
plus étonnant encore, Mentor a même donné son nom à un type de coupe ou de vase ciselés94.
54Chez Martial95, parmi des bronzes de Corinthe, des statues de Polyclète, des vases murrhins et d’autres en cristal de roche, sont mentionnées des pocula Mentorea nobilitata manu, expression remarquablement explicite sur le rôle décisif de la main de l’artiste, qui non seulement confère à la matière une bien plus grande valeur que la seule quantité d’argent (quoique l’acheteur potentiel de Martial pèse, expendit, les objets qu’il semble ambitionner), mais aussi ennoblit l’objet96. Le caractère ancien des coupes a de l’importance, comme l’illustre la mention dans la même phrase, au vers précédent, de veîeres calathi. Ce passage montre que l’argenterie ancienne était recherchée mais celle ciselée par Mentor l’était encore plus. Le fait que le personnage “marchande” ces pièces d’argenterie reflète leur prix élevé et peut-être aussi le profit conséquent du vendeur.
55Nous pencherions donc plutôt pour l’hypothèse que les 6000 sesterces correspondent à la livre d’argenterie façonnée par un atelier contemporain à la mode et que la livre d’argenterie “antique” et grecque coûtait encore plus cher97. Les chiffres avancés par Pline pourraient naturellement être totalement erronés. Un passage de Martial fournit un prix assez proche98 mais il ne serait pas pour autant raisonnable de tirer des conclusions générales de ce rapprochement. De plus, il n’est pas précisé s’il s’agit d’argenterie ciselée ou unie ; cependant, étant donné les autres acquisitions de ce personnage, on peut penser que c’est bien le cas.
56Quoi qu’il en soit, ces passages attestent suffisamment que l’argenterie ciselée par un atelier à la mode était infiniment plus recherchée. Elle était manifestement inabordable pour les plus modestes : les vases de C. Gracchus ou de Crassus, exceptionnels, valaient l’équivalent de près de 3 ou 5 ans de salaire d’un ouvrier99.
57Pline (H.N. XXXV, 4) désigne les argenteae faciès en termes de luxe parce qu’elles ont supplanté les portraits véristes exécutés en peinture100 Il condamne ainsi la corruption par le faste des traditions les plus sacrées : la vénération des images des ancêtres exécutées en cire. Il ajoute cependant des éléments suggérant, à notre avis, que ces objets avaient une valeur marchande élevée101. Certains textes juridiques (Ulpien Dig. XVI, 3, 1, 40) confirment aussi que l’apparence de l’objet (species) était, avec le poids et le titre du métal, un des éléments qui permettaient de lui conférer sa valeur (Baratte 1985, p. 629). Mais nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure d’apprécier la part exacte de la facture. Les textes juridiques (Dig. XXXII, 2, 19, 5) distinguent cependant avec soin le legs d’un poids donné d’argent brut de celui de vases décorés.
58Enfin, nous disposons d’un inventaire de vaisselle d’argent établi sur un papyrus égyptien, écrit en grec au milieu du Ier siècle après J.-C. et aujourd’hui conservé au Musée de Berlin (Inv. n°8935). Cette liste méthodique de 228 pièces d’un poids total de plus de 310 livres romaines, soit 102 kg, décrit dans la plupart des cas le décor des pièces du service, de façon brève, en n’en retenant que les caractéristiques marquantes102. Ceci prouve l’importance du décor dans l’estimation de la valeur de l’objet donné en garde ; dans le cas contraire, l’argentarius se serait contenté de préciser le poids de chaque pièce d’argenterie. Un grand nombre de pièces sont décrites comme étant gravées (les objets étaient répartis en services de douze pièces, généralement de 4 assiettes, 4 petits plats et 4 bols à vinaigre)103. On peut conclure que toute pièce pouvait être gravée, à l’exception peut-être des plats destinés à servir les oeufs. Certaines autres pièces semblent présenter un décor en relief104. Les poignées ou les anses sont particulièrement détaillées, peut-être parce que c’était le moyen le plus simple de caractériser, de marquer les objets pour l’inventaire (tout comme la présence ou l’absence de pieds), ou surtout parce que c’était aussi là que se portait le souci décoratif. En effet, certains bols à vinaigre présentent des anses en forme de satyres ou en forme d’amande, ou sont incurvées ou arrondies. En général, les poignées et les anses devaient être fabriquées séparément, puis soudées au corps de l’objet à décorer, puisque quatre assiettes, de “style moderne” ont des « poignées qui ne font qu’un avec l’assiette », est-il minutieusement précisé. Outre les rosettes d’or de ces dernières, quatre autres assiettes, du type des lancula, présentent des "incrustations d’or”.
59Il est parfois spécifié que ces pièces ont été façonnées sur le modèle de service d’argenterie possédé par d’autres personnes : le second ensemble mentionné dans la colonne 1, a pris pour modèle le service de Aebilius Rufus, de même que quatre autres plats ronds dans la quatrième ; dans la seconde, la troisième et la quatrième colonne, d’autres pièces du service ont pris pour modèle celui d’un certain Kronios, de même qu’une lancula, c'est-à-dire un petit lanx, petit plateau de 21 livres, dans la colonne 6 (à comparer aux plateaux de 250 livres mentionnés par Pline (H.N. XXXIII, 145)). Ces noms ne se rapportent pas à des artisans mais plutôt à des particuliers dont les services ont été admirés et copiés (Oliver et Shelton 1979, p. 28).
60Il est capital de remarquer le soin avec lequel est mentionné l’artisan, Apollonios, qui a fabriqué huit des pièces de la colonne 4. Le fait que ces objets soient l'oeuvre de tel atelier ou de tel artisan leur conférait manifestement une certaine plus-value, sans quoi cela n’aurait pas été spécifié. Ceci confirme les conclusions que nous avons tirées plus haut de certains passages de Pline. Cet artisan, au nom grec, était installé en Égypte même, l’inventaire ajoutant en effet que ces pièces d’argenterie ont été faites dans le Nome Arsinoïte, dans le Fayûm. Il ne s’agit donc pas de pièces importées et réalisées par un artisan installé en Grèce. La provenance de ces objets est donc également spécifiée, confirmant ainsi l’importance de l’origine géographique des objets de luxe en général, élément sur lequel insistent les sources littéraires, comme nous l’avons vu.
61Nous constatons par ailleurs que certaines pièces sont décrites comme étant de style ancien105 : il peut s’agir de pièces anciennes ou plus probablement de pièces récentes imitant de l’argenterie "antique”. Quoi qu'il en soit ceci confirme l’engouement, dénoncé par Pline, pour la vaisselle ancienne.
62Nous avons donc montré que le métal lui-même ne devient un luxe que s’il est possédé en grandes quantités. Posséder moins de 4 ou 5 livres d’argenterie est chez Martial considéré comme une misère, nous l’avons vu. Ce caractère luxueux est plus manifeste encore si la matière est travaillée par des ciseleurs grecs tels que Mentor, Acragas, Boéthos, et Mys106. L’ancienneté éventuelle d’une telle vaisselle lui confère une valeur additionnelle. Les collectionneurs recherchaient ainsi des oeuvres uniquement pour leur antiquité : argentum vetus, elles étaient appelées archetypa (Juvénal, Sat. I, 75). Pline (H.N. XXXIII, 157) se moque de cet engouement pour des ouvrages tellement polis par l’usure, que le décor en était devenu illisible.
63L’augmentation de la fabrication d’argenterie à l’époque tardo-républicaine est en rapport avec un double phénomène culturel et économique. D’une part, le contact avec le style de vie luxueux des populations de l’Orient et de l’Égypte incita leurs nouveaux maîtres romains à les imiter. D’autre part, l’assujettissement définitif de l’Espagne, riche en mines, avec la Seconde Guerre Punique, puis le siège de Numance en 133 avant J.-C. et la défaite de Sertorius en 72 avant J.-C., provoqua l’afflux d’argent sur les marchés italiens. Les mines de la péninsule ibérique étaient très importantes : selon Pline (H.N. XXXIII, 97), le seul puits de Baebelo fournissait quotidiennement à Hannibal 300 livres, c’est-à-dire environ 97 kg d’argent. L’une des régions les plus fécondes est ainsi située entre les actuelles villes de Carthagène et Almeria jusqu’à Huelva, en passant par la Sierra Morena, couvrant ainsi une grande partie du Sud de l’actuelle Andalousie. En Gaule, des mines étaient situées en Provence, Savoie, Aquitaine et Bassin de l’Hérault. À cela, furent ajoutées les ressources de la Grande-Bretagne, conquise par Claude en 43 après J.-C., avec les mines du Cumberland et du Northumberland (Pettinau 1993, p. 68).
64La propriété et l’administration des mines se concentrent entre les mains de l’Empereur à partir de Tibère (Pirzio Biroli Stefanelli 1991, p. 27). Contrairement à ce que rapporte Pline (H. N. XXXVII, 202), l’Italie était pauvre en minerais, et l’extraction de l’argent était limitée à quelques zones de la Sardaigne, comme l’Iglesiente. Un sénatus-consulte107 interdisait l’ouverture de mines en Italie répondant à une requête de la plupart de ceux qui jouissaient des ressources minières de la péninsule ibérique, afin de les protéger de la concurrence. Ce qui prouve que l’Italie trouvait dans les provinces un abondant approvisionnement.
65Dans le vestibule, de la maison (I, 8, 14) à Pompéi, les fouilleurs mirent au jour un trésor de onze objets en argent dont deux patères et quatre skyphoi parmi les restes d’une boîte en bois108. Des neuf vases d’argent finement travaillés, sept d'entre eux comportent le nom Blaesia Prima et certains des signes indiquant le poids. Sur l’un d’entre eux, le nom de la dame est associé à celui de Q.P.M. initiales connues par ailleurs de Q. Postumius Modestus. Les spécialistes en déduisent qu’il s’agit de conjoints, et que l’épouse possédait ces vases. Blaesia Prima appartenait à la famille des Blaesii, dont la tombe, d’époque augustéenne, a été reconnue à Porta Nocera. Nous ignorons quels rapports ces deux personnes entretenaient avec le propriétaire, M. Epidius Primus, et pourquoi ces vases se trouvaient dans sa maison : nous pouvons penser qu’ils ont été cédés, vendus ou simplement confiés au propriétaire pour être placés en sûreté. Cette demeure, qui a révélé un trésor d’argenterie de plus de 2,4 kg, semble d’un niveau moyen, tout au moins non luxueux, d’après l’analyse de la décoration de chacune des pièces (Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 202-203). Elle a de plus restitué un assez grand nombre d’outils de travail, pour la plupart des cisailles et burins, dont on n’a pas pu préciser jusqu’à présent à quel type d’artisanat ils renvoient. L’absence d’ouverture directe sur la rue, à l’exception de l’entrée de la maison, exclut l’hypothèse qu’il s’agissait d’une boutique de vente d’instruments en fer et en bronze (Stéfani 2007, p. 110). Le trésor a-t-il été confié au propriétaire de la maison ou lui appartenait-il ? Dans le second cas, nous devons nous résigner à penser que la possession de plus de 2 kg d’argenterie reflétait un niveau social moyen. Il est à noter cependant qu’il s’agit de vaisselle d’argent dont le décor est incisé et non en relief.
66En 1915, la Casa di Trebio Valente (III, 2, 1), qui ne présente aucun décor luxueux, a révélé quelques petits objets d’argenterie (cuillères et épingles à cheveux)109. La Casa dei Quadretti teatrali (I, 6, 11) a livré en 1928 un canthare en argent repoussé du milieu du Ier siècle avant J.-C., confirmant le goût des Romains pour la vaisselle ancienne, ainsi que deux coupes et deux patères en argent110. Elle est apparemment d’un niveau moyen, avec un atrium et 14 pièces d’habitation111. Le propriétaire devait être un commerçant qui aimait s’entourer d’objets précieux mais qui ne pouvait se permettre l’achat d’un service complet. Tl dut donc se contenter d’un nombre limité de récipients, sans décor, et d’une unique pièce de grande qualité (De Carolis 2006, p. 139), pour un total de 1,031 kg. Dans la maison (I, 11, 15), deux scyphoi (SAP inv. no 128142 et 12813) et un simpulum (SAP inv. no 12814) ont été découverts pour un total de 452 gr (Stéfani 2006, p. 151). Cette demeure est de petites dimensions et d’un niveau moyen, elle possède deux atria mais pas de péristyle (elle fut unie à I, 11, 6 dans une seconde phase). La maison (IX, 12, 6-7) a livré un miroir en argent avec corniche et manche en bois112. Nous n’avons aucune idée de l’importance de cette maison, car, à notre connaissance, elle appartient au secteur non fouillé de la regio IX. Dans la maison (VI, 16, 32), dans la pièce (D), ont été découvertes trois cuillères en argent, longues de 13 cm (Sogliano 1908b, p. 287 et 291). Il s’agit d’une maison apparemment modeste, annexe au thermopolium no 33, de dimensions réduites113.
67La Casa del Citarista (I, 4, 5-25) a restitué, dans son péristyle, cinq bossages en argent portant des bustes exécutés dans la technique du repoussé114 et dans les écuries (25-30), une statuette en argent représentant un personnage en toge115 et un manche en argent116. Cette maison est l'une de celles qui présentent un décor luxueux. Étant donné le peu d’argenterie retrouvé, on peut supposer que les propriétaires avaient déjà quitté leur demeure au moment de l’éruption117. On peut penser qu’ils s’étaient rendus dans une de leurs villas pour l'été en emportant leur argenterie, comme c’était l’habitude des riches Romains. La Casa dell’Argentaria (VI, 7, 20) a révélé 15 pièces d’argenterie, dont une paire de canthares en argent repoussé représentant des Centaures et des Amours, de l’époque claudio-néronienne et deux scyphoi décorés de feuilles de lierre en relief portant des traces de dorure118. Cette maison est une grande et riche demeure composée de 45 pièces d’habitation, avec deux atria et un viridarium. Dans la Casa di Meleagro (VI, 9, 2) ont été découverts 14 vases d’argent119 dont quatre skyphoi dorés120, deux cotyles avec guirlandes de lierre121, quatre calices tronqués, un vase à boire, une casserole décorée d’une petite tête de femme, une sorte de cruche, pourvue d’un manche, pour les condiments et les sauces, enfin une casserole122. Soit un total de 4,69 kg d’argenterie. Il s’agit d’une riche et vaste demeure, de 45 pièces également, avec un atrium, un péristyle à 24 colonnes, et un oecus corinthien. La Casa degli Epigrammi (V, 1, 18) a livré 25 pièces d’argenterie, ce qui la place parmi les trésors les plus importants avec un total de 3,165 kg d’argenterie ainsi que des bijoux, dont un collier avec émeraudes et une statuette de Vénus en ivoire. Son atrium et son péristyle incomplet confèrent à cette maison un niveau relativement élevé. La conservation de décors du IIeme style dénote une volonté d’anoblir cette demeure par l’exhibition d’un certain « traditionalisme » (De Carolis 2006, p. 125 et no 111 à 135). Le contexte de découverte de 64 pièces d’argenterie dans la Casa di Inaco e Io (VI, 7, 19), lors de la visite de Ferdinand II en octobre 1836, reste douteux. Cette maison atteste un niveau moyen avec cependant un atrium, un péristyle, deux triclinia et un tablinum ainsi que des peintures du IIème style. Cet ensemble présente notamment deux canthares avec des Amours et un vase avec des feuilles de lierre et de la vigne en relief. Les 57 pièces aujourd’hui attestées représentent un poids de presque dix kg (Lista 2006, p. 168, no 217 à 271).
68Un miroir en argent a été mis au jour près du squelette d’une femme découvert près de la villa 2 de Terzigno, ainsi qu’une petite amphore fragmentée, en argent, de petites dimensions, avec des anses à motif de feuilles, et à quelque distance du squelette, un service potorium en argent composé de deux skyphoi et d’une situle (cf. hg. 95)123 La situle a de profondes ciselures et une anse à motifs végétaux et ornithologiques. Les coupes présentent de petits Amours encadrés par des motifs architectoniques. Malheureusement, l’état des fouilles actuelles ne permet pas de reconstituer le niveau de richesse de la villa124 La villa rustica à Gragnano a livré une casserole argentée ; le fait que cette découverte ne soit pas le fruit du hasard (par exemple l’abandon par une personne non propriétaire de la villa) semble confirmé par la circonstance qu’une casserole identique a été découverte dans une autre villa rustica de Gragnano (Miniero 1987, p. 186 et 188). Une villa rustique à S. Antonio Abate, au lieu dit Monte Capomazza, dans la propriété Ambrosio, fouillée clandestinement en 1931, a livré une casserole en argent avec décoration incisée sur le manche et la panse125 Ceci montre qu’une telle pièce devait représenter un luxe pour les habitants de ces villas, mais qu’elle ne l’était pas pour de riches Romains, et qu’un objet recouvert d’argent est un succédané à de la vaisselle en argent massif.
69Le célèbre trésor d’argenterie de Boscoreale représente environ 91,5 livres romaines, soit près de 30 kg de métal précieux. La seule valeur métallique de ce trésor peut être calculer à plus de 44 700 sesterces, il est cependant difficile d’apprécier la plus-value que confère aux différents objets le travail de l’orfèvre (Baratte 1986, p. 15).
70Ce trésor est composé de 109 pièces, parmi lesquels se trouvent des objets de toilette (trois miroirs et sans doute une coquille), et des créations de prestige (les trois coupes à emblema et peut-être les deux phiales avec un buste de Dionysos), destinées à être exposées pour provoquer l’admiration des visiteurs (Baratte 1986, p. 21). Les trois coupes à emblema, c’est-à-dire un médaillon travaillé à part et inséré au centre d’une vasque très ouverte, sont l’une des réalisations les plus spectaculaires de la toreutique grecque et romaine. De telles coupes requéraient une très grande maîtrise technique ; très coûteuses, elles n’avaient évidemment aucun usage pratique126 Deux coupes du trésor, conservées dans une collection privée, représentent des événements mettant en scène l’Empereur127. Tacite (Ann. III, 70) mentionne ainsi un procès de lèse-majesté intenté contre un chevalier qui avait fait fondre un portrait de Tibère en argent, pour en faire de la vaisselle de table ; on imaginera donc mal qu’une coupe portant l’image de l’Empereur puisse être autre chose qu’un objet de vitrine.
71Sur les objets du trésor de Boscoreale, on ne relève que deux noms d’artisans : Marcus Domitius Polygnos, sur l’un des miroirs, nom manifestement grec, et Sabinus, peut-être un Italien, dont le nom se retrouve, une fois en grec, l’autre en latin, sur les coupes aux natures mortes. Le fait que le nom de Sabinus figure aussi en grec, mettant en évidence une sorte de snobisme, montre le prestige dont jouissaient dans ce domaine les artisans grecs ou hellénisés, auxquels on doit également attribuer les gobelets aux squelettes (Baratte 1986, p. 83-84). De nombreuses traces de dorure, rehaussant le décor d’une moulure ou soulignant un motif figuré, sont encore visibles sur les pièces du trésor. Le milieu du Ier siècle après J.-C. est le moment où se répand la dorure au mercure : l’artisan prépare un amalgame d’or et de mercure, substance volatile à la chaleur, l’étend sur la surface choisie, et chauffe le tout ; le mercure s’évapore, l’or se dépose sur l’argent (Baratte 1986, p. 39). Sur les deux coupes aux natures mortes, l'intérieur était ainsi uniformément doré. Les pièces du trésor peuvent être datées entre l’époque augustéenne et 79 après J.-C. Les deux portraits, par exemple, sont naturellement datables, grâce aux coiffures, des années 35-40 après J.-C.
72Ce trésor a été découvert dans une villa, située sur les pentes du Vésuve au-dessus de Pompéi, d’une superficie de 1000 m2. Elle était divisée en pars rustica et pars urbana ; l’activité de la première était orientée vers la production du vin et, dans une moindre mesure, de l’huile. Cette partie de la villa comportait un grand cellier à ciel ouvert où le vin était conservé dans des dolia ; même si la totalité des jarres n’était pas remplie tous les ans par la récolte, la capacité de stockage a été estimée à plus de 900 hl de vin et 150 d’huile, ce qui pouvait correspondre, d'après les normes des agronomes latins, à une superficie d’environ 25 ha (Baratte 1986, p. 12). Une question intéressante est de savoir si 25 ha, dans cette région fertile et viticole, correspondent à une grande richesse foncière. D’après Columelle, un domaine viticole de 60 jugères aux environs de Rome fut vendu 400 000 sesterces à son époque, soit 26 700 sesterces par hectare. À ce prix, le domaine de Boscoreale vaudrait 667 000 sesterces au moins, voire plus puisque situé dans la région du Vésuve, et donc peut-être planté de vignobles de cru.
73La partie occidentale de la villa constituait la pars urbana, composée d’un nombre restreint de pièces128, occupant une surface totale de 161 m2 contre 644 pour la partie agricole. Ces pièces, de modestes dimensions, ne présentent aucun décor luxueux. L’entrée de la villa est commune aux deux parties, et se fait par la cour qui n’offre qu’un péristyle incomplet, c’est-à-dire développé sur trois côtés seulement129. Le coût des galeries du péristyle a dû empêcher le propriétaire, aux moyens modestes, de compléter celui-ci. Nous pouvons également remarquer l’absence de réelle séparation entre le quartier d’habitation et la partie agricole ; depuis l’entrée, le visiteur remarque d’abord le pressoir à vin. Tout ceci nous incite à penser que l’activité agricole l’emportait sur le caractère résidentiel de la villa : il s’agit plutôt d’une villa rustica au plan conçu pour offrir une résidence passagère au maître en tournée d'inspection de ces domaines. Étant donné la taille du domaine et le patrimoine qu’il devait représenter, cette propriété agricole ne constituait sans doute que l’une des villas du maître.
74La bourse retrouvée à côté du squelette de l’homme qui s’apprêtait à mettre en sûreté l’argenterie, contenait mille aurei, soit cent mille sesterces, somme tout à fait exceptionnelle pour une découverte isolée. Cette somme représente un quart du cens équestre, somme considérable car le patrimoine des Romains était en général essentiellement foncier. Les trouvailles monétaires de Pompéi ne dépassent jamais 10 000 sesterces, la plupart étant comprises entre 100 et 1000 sesterces130. C’est dans de tels édifices, attachés à une production agricole florissante de type industriel, que pouvait se trouver une concentration maximale de capitaux et d’objets précieux (Pappalardo 1986, p. 92).
75Par conséquent, la présence dans cette villa d’un tel trésor étonne ; il aurait été apporté par ses possesseurs venus se mettre à l’abri depuis la ville, ou depuis une véritable villa de plaisance, située à proximité de l’exploitation agricole, comme on le voit parfois en Campanie, à Francolise, par exemple. On peut aussi se demander dans quelle mesure ce trésor, composé de vaisselle de table, n’avait pas accompagné le maître dans sa tournée d’inspection puisque les sources littéraires attestent cette mode.
76Dans la Casa del Menandro, un coffret en bois (1,50 m par 0,80) contenait 118 pièces d’argenterie : la vaisselle pour la bouche, argentum escarium, est en argent massif, la vaisselle à boire, argentum potorium, est en argent repoussé (Maiuri 1933, p. 246). L'argentum escarium est constitué d’une grande lanx et de 16 plats de type léger131. L'argentum potorium est composé de 12 coupes et verres cylindriques allant deux par deux et en outre d’un petit verre isolé. Certaines coupes datées de l’époque augustéenne, portent des traces de dorure à feu132. Les deux skyphoi avec scène pastorale appartiendraient à la toreutique hellénistique de la fin du IIème siècle avant J.-C., à l’époque où se développe le commerce de l’argenterie d’art entre Rome et l’Orient (Maiuri 1933, p. 262). Ces deux coupes ainsi que les skyphoi représentant les travaux d’Hercule portent le nom d’APELLES et l’indication d’un nombre transcrit en lettres grecques133. Il est exclu que ce nom puisse désigner le propriétaire des coupes car il serait au génitif (Maiuri 1933, p. 308-309). Apelles est mentionné par Athénée (Deipnosophistes, XI, 488 c-d) ; ce toreute grec, né sous le règne d’Attale ou d’Eumène, exerçait à Rome à l’époque de Pompée, et avait l’usage de placer son nom sous la zone figurée. Il pourrait s’agir peut-être du nom de l'argentarius qui restaura ou consolida quelque partie des deux coupes ; nous disposons à Capoue d’une inscription portant le nom de C. Papius C. I. Apelles argentarius accensus du consul P. Silius (C/L X, 3877, en 3 et 28 après J.-C.).
77Il faut ajouter un grand miroir avec emblema figuré et un plus petit avec un anneau de suspension (diamètre : 0,138 m ; poids : 314 gr), une table portative, un ferculum, retrouvé en fragments, sur lequel les plats étaient transportés jusqu’au triclinium134. Le grand miroir avec emblema porte des traces de dorure (cf fig. 94)135 et une phiale présente un emblema doré avec un buste féminin en haut-relief, personnification d’une cité sans doute136. Ces pièces d’argenterie représentent un poids total de 24 kg.
78L’archéologie fournit de précieux renseignements et révèle que certaines pièces d’argenterie étaient réellement utilisées et non pas uniquement destinées à la décoration ou à l’ostentation, comme cette patère (Inv. 145517) avec scène de chasse qui présente sur le métal des traces d’exposition à la chaleur. Le propriétaire n’a pas hésité à la mettre sur le feu ; elle n’était donc pas un objet coûteux que l’on conserve comme oeuvre d’art et de collection bien qu'elle représente un poids d’argent supérieur au kilogramme. Elle ne devait avoir que la valeur du métal, c’est-à-dire environ 800 sesterces, somme négligeable sans doute pour ce riche propriétaire. D’autres pièces, encore, apparaissent corrodées par l’usure et montrent des réparations effectuées avec des lames de plomb comme par exemple la poivrière en forme d’aryballos (Inv. 145557) ou les skyphoi avec scène paysagiste (Inv. 145504 et 145505) du même trésor.
79Cette maison appartenait à Quintus Poppeus, édile en charge vers 40 après J.-C., et était en restauration au moment de l’éruption (Pirzio Biroli Stefanelli 1991, p. 268). Il ne s’agit pas d’un trésor déposé au moment d’une fuite mais pour la durée des travaux. Par conséquent, le propriétaire n’a pas jugé nécessaire d’emporter avec lui sa vaisselle d’argenterie.
80L’archéologie confirme les conclusions tirées des sources littéraires. Dans certains cas, audessous des récipients en argent sont incisés des noms ou des graffiti suivis de notations pondérales. Les noms latins, habituellement au génitif, désignent très probablement les propriétaires, alors que les noms en grec pourraient être ceux des artisans, à une époque où en Italie de telles boutiques étaient souvent tenues par des Grecs.
81Les sources littéraires évoquent toutes, nous l’avons vu, le désir des membres de la nobilitas, des chevaliers et parvenus, de posséder de l’argenterie, notamment grecque classique et hellénistique, par exemple celle produite par Mentor, mys et Kalamis. Or, parmi tous les trésors, provenant de la Campanie et d’autres provinces de l’Empire, aucune pièce grecque d’une certaine antiquité n’a été découverte. Le marché de l’art ne pouvait offrir aux clients romains tout ce qu’ils désiraient, les argenteries grecques devant être très rares. C’est ce qui expliquerait que, parmi les objets campaniens ne figurent que des objets contemporains, “modernes”, qui circulaient le plus, ce qui paraît d’ailleurs naturel (Künzl 1979, p. 211). Pour répondre à une telle demande d’argenterie ancienne, le revendeur pouvait apposer la signature d'un artiste fameux pour feindre l’antiquité de la pièce offerte et en majorer le prix ; c’est ce qui peut être supposé des skyphoi du trésor de la Casa del Menandro portant le nom d’APELLES. De même, l’habitude des caelatores de ne pas apposer leur signature sur les argenteries a été interprétée comme un expédient permettant aux acheteurs de faire passer les pièces modernes pour des pièces de collection aux yeux des invités137.
82Or, le manque d’informations disponibles sur l’argenterie des couches supérieures de la société romaine, domus impériale, sénateurs et chevaliers, est à souligner ; l’argenterie campanienne n’appartenait sans doute pas, en effet, à des membres de la nobilitas romaine, même si ces propriétaires étaient relativement riches, comme Quintus Poppaeus Sabinus, propriétaire de la Casa del Menandro (Künzl 1979, p. 213-214). L’argenterie de la nobilitas privilégiait certainement les pièces grecques antiques138.
83Les argenteries campaniennes nous apprennent également que les clients romains ne semblaient pas apprécier la vaisselle lisse ou décorée seulement de motifs végétaux. Il n’y a pas de doute que la Campanie, et notamment Pompéi, comportait des boutiques d’argentarii. Ainsi, un graffito pompéien découvert en 1912 sur une maison de la Via dell'Abbondanza, atteste un caelator qui salue son ami gemmarius : Priscus caelator Campano gemmario féliciter. Ce graffito, ainsi que quelques enclumes retrouvées dans le Fond Barbatelli et les traces de réparations présentes sur certaines pièces d’argenterie découvertes à Pompéi, suggèrent que le travail de l’argent figurait parmi les activités artisanales de la ville. De plus, Pouzzoles, relativement proche, était un port commercial majeur à cette époque, où devaient arriver non seulement les produits finis mais aussi les lingots de métal précieux provenant d’Espagne (Pappalardo 1986, p. 97).
84Un bracelet en argent, découvert sur la place de l’amphithéâtre de Pompéi, confirme l’importance du poids d’argent possédé. Il pèse 500 gr et porte des applications en or. Il fut retrouvé près d’un groupe de squelettes donc dans un contexte ne pouvant nous fournir aucune aide dans notre recherche139.
85Un bracelet en argent en forme de serpent140 ainsi que deux anneaux141 ont été mis au jour dans la pièce (15), mêlés à des fragments du coffret en bois, de la villa B d’Oplontis, villa à la fois résidentielle et rustique. Or, ce coffret devait être conservé dans une des pièces de séjour, située à l’étage et effondrée. Il contenait aussi l’argent liquide de la maison, appartenant peut-être à la domina. Cette villa devant être d’un niveau assez élevé, cette découverte confirme au moins le caractère assez riche des bijoux d’argent. La Casa délia Statuetta indiana (I, 8, 5) à Pompéi a livré deux bijoux en argent142. Cette maison, grande demeure à atrium, ne présente aucun décor que nous avons défini comme étant luxueux. Dans la Casa di Stephanus, ou Casa del Pomarius Félix (I, 8, 2) à Pompéi, furent découverts une épingle à chignon en argent ciselé et un collier. Il s’agit d’une demeure de dimensions moyennes143 qui ne conserve aucune décoration luxueuse. Dans la pièce (D) de la modeste maison (VI, 16, 32)144, ont été mis au jour divers petits objets en argent145.
86Par conséquent, des bijoux en argent ont été découverts dans des maisons de condition apparemment moyenne et même modeste. Or, il faut rappeler que le prix de la livre d’argent brut était d’environ le douzième du prix de la livre d’or146 soit environ 250 sesterces. Les membres de la plèbe pouvaient donc s’offrir des bijoux en argent avec une certaine facilité, dans la mesure où un bijoux de 10 gr revient, en coût de la matière, à une dizaine de sesterces, soit quelques jours de salaire d’un ouvrier non qualifié147.
87L’argent n’est pas un matériau si luxueux qu’il en devienne l’apanage exclusif des plus riches, puisque les découvertes archéologiques ont abondamment révélé que les propriétaires de maisons de niveau modeste possédaient, fréquemment, un petit vase ou quelques bijoux en argent et ceux de niveau moyen jusqu’à un kilogramme d’argenterie. Ceci confirme, par exemple, les propos de Suétone (Dom. I, 2) concernant Domitien adolescent qui, parce qu’il ne possédait pas un seul vase d’argent, vivait dans l'inopia. Outre son poids, sa valeur esthétique participait au luxe d’un objet d’argent. Elle tenait à la qualité du travail, au renom éventuel de l’artiste, notamment s’il est grec, voire à son ancienneté.
88Nous avons déjà signalé que Pline l’Ancien (H.N. XXXVII, 204) cherche à instituer une échelle de valeur concernant les produits et matières précieuses et ne place l’or qu'en dixième position.
3. Or
89La connotation morale de l’or est très forte peut-être parce qu’il est aussi un moyen d’échange, un élément de richesse148. Pourtant, l’or ne semble pas être le plus cher des matériaux précieux149 : Pline nous révèle ainsi qu’un changement de mode entraîna une abondance de vases d’or et d’argent par rapport à la demande150. Il fournit des renseignements attestant une augmentation des réserves d’or et d’argent dans le trésor de Rome pour les années 156, 89 et 49 avant J.-C. Il note l’avilissement du prix des métaux précieux, qui se marque dans l’abondance de la vaisselle précieuse, et dans la quantité croissante d’argent utilisée pour la décoration. Il ajoute que les mines d’Asturie, de Galice et de Lusitanie fournissaient ainsi annuellement 20 000 livres d’or, soit 6,5 tonnes151.
90Les calculs métrologiques prouvent que la livre d’or fin valait avant cette époque de 3 600 à 3 800 sesterces : il y avait en effet 40 aurei à la livre, et chacun de ces aurei valait 100 sesterces, ce qui fait 4000 sesterces la livre pour l’or monnayé ; l’or brut devait être de 5 à 10 % moins cher. Le pillage de la Gaule par César aurait entraîné une baisse de 20 % du prix de l’or152, qui a encore chuté après le triomphe d’Auguste sur l’Égypte153. Mais, au temps d’Auguste un denier valait un millième de la livre d’or, ce qui fait 4 000 sesterces la livre d’or monnayé, donc la même valeur que sous César154. L’arrivée massive de butin sur le marché pouvait donc entraîner une baisse du prix de l’or, parfois très importante155.
91Nous devons signaler une indication de prix très déconcertante : en 93 après J.-C., des broches en or, d’un poids total de 6 mines et demi, coûtèrent la somme de 2160 drachmes, c’est-à-dire 8640 sesterces pour 2,925 kg d’or (CPR, 12. cf. Balil 1975, p. 68). Ce qui revient à la conclusion, même si l’on oublie tous les coûts autres que le métal, que le gramme d’or coûtait environ 3 sesterces, soit 1050 sesterces la livre, chiffre étonnant par rapport aux 3600-4000 habituellement cités. De même, en 97 après J.-C., des bracelets en or, d'un poids total de 8 mines, coûtèrent 2816 drachmes (BGU 1065), soit 11264 sesterces pour 3,6 kg d’or, 3,1 sesterces le gramme, ou 1085 la livre environ. Il est naturellement possible que ces deux attestations, postérieures à la prise de Jérusalem par Titus et à l’afflux d’or qui s’en est suivi, témoignent d’une baisse importante du prix de l’or. Cependant, envisager une baisse de 70 % environ paraît hardi. Or, la découverte ou l’exploitation de nouvelles mines, apportant une mise en circulation de nouvelles quantités de métal, pouvaient avoir de tels impacts156.
92Par conséquent, nous pouvons conclure que les conquêtes ont provoqué une augmentation générale du niveau de vie des particuliers, en même temps qu’une baisse du prix de l’or à la suite de l’arrivée de butin en quantité considérable.
93Ces deux faits ont peut-être entraîné une forte diffusion de la vaisselle d’or parmi les plus riches. La loi somptuaire votée sous Tibère en 16 après J.-C.157 suggère que l’utilisation de la vaisselle d’or massif était si répandue chez les plus riches qu’elle faisait partie du service de table. Cette loi interdisait donc aux particuliers lusage’des vases ou récipients culinaires en or massif et en fit un privilège impérial158. Son but était avant tout politique : les nobiles riches ne pouvaient plus ainsi rivaliser avec le princeps et les nobiles pauvres n’avaient plus l’obligation de posséder un service en or afin de maintenir leur status. Mais cette loi avait peut-être aussi un but économique : celui d’éviter la thésaurisation de l’or par le biais de la vaisselle. La vaisselle d’or ne semble plus avoir été l’objet d’une interdiction somptuaire dès Néron159. Signe de luxe, elle est destinée à manifester aux yeux de toutes les richesses de son propriétaire160. Martial confirme la nécessité d’un tel faste pour les nobiles161. On observe chez Juvénal la mention de gobelets en or à usage privé (Goodyear 1972-1981, p. 287).
94Si l’on considère que la valeur de la livre d’or est restée égale ou inférieure à 3 000 sesterces, les plus riches pouvaient en posséder plusieurs : un investissement de 5 % du cens équestre, représentait entre 5 et 6 livres de métal. La baisse du prix de l’or de 50 % à la suite de la prise de Jérusalem en 70 après J.-C. explique que la vaisselle en or massif connut une baisse de prix, mais que, en revanche, la vaisselle dorée resta d’un prix plus élevé162 : le coût de la façon, du travail de l’artiste entrent en considération, et ce d’autant plus s’il s’agit d’objets exécutés par des artisans grecs ou suivant une mode grecque163. Le coût de l’art de la ciselure a donc pu contrebalancer la baisse du prix de l’or si l’on en croit Pline. Les prix restèrent certainement inabordables pour une grande partie de la population164. De plus, le luxe devait s’accroître proportionnellement à la quantité de vaisselle possédée, comme semble le révéler Tibère dans son discours sur la nécessité d’une nouvelle loi somptuaire165.
95Or, Pline, au-delà de son indignation, révèle que166 certaines femmes de la plèbe paraient leurs chevilles de bracelets d’or. Le luxus de ces femmes est bien sûr l’usage vulgaire qu’elles en font167. L’auteur explique ce fait par l’accroissement du luxe sans aucune compréhension des facteurs économiques. Quoi qu’il en soit, si l’on considère que la valeur de la livre d’or est restée égale ou inférieure à 3000 sesterces, sous César, il faudra qu’un ouvrier sans qualification, dont le salaire serait de 3 sesterces par jour, travaille 100 jours pour s’offrir un bijou de 32 gr d’or, et un mois environ pour un bijou de 10 gr environ. Pour nous confirmer dans cette idée qu’un bijou en or pouvait être accessible aux personnes d’un niveau de fortune peu élevé, nous savons qu’une paire de boucles d’oreille en or valait, en 36 après J.-C., 20 drachmes, soit 80 sesterces (P. Ryl. 125 ; Balil 1975, p. 68). Si le prix de l’or a encore baissé de moitié par la suite, il ne faut plus qu’environ 16 jours de travail pour un bijou de 10 gr environ. Bien sûr ces prix ne prennent pas en compte le coût de la confection, mais fournissent un ordre de grandeur et nous montrent qu’il était possible, sous certaines conditions, qu’un membre de la plèbe s’offre un bijou en or, d’autant plus que nous ne disposons que du salaire d’un ouvrier non qualifié168.
96C’est donc le poids de l’or, la quantité qui fait du bijou un luxe ou non169. Fortunata porte des bracelets aux bras et aux chevilles, ainsi qu’une résille, en or, pour un poids total de 6 livres et demi. Le bracelet de Trimalcion pèse, selon ses dires, dix livres (Pétrone, Satir. LXVII, 7). Naturellement, le Satiricon est une oeuvre où l’exagération côtoie la vérité, mais il révèle l'importance du poids de l’or et le fait que la possession de quelques bijoux pesant quelques grammes ne devait pas être un signe de luxe.
97La vaisselle d’or ne fut pas introduite à Rome avant la fin du Ier siècle avant J.-C. ; elle ne fut qu’exceptionnellement ciselée, et semble n’avoir jamais suscité le même engouement que la belle argenterie (Morel 1963-1964, p. 332). L’aurum gemmatum, vaisselle ornée de pierres précieuses, fascina au contraire les Romains qui ne purent guère en posséder avant la fin du Ier siècle de notre ère170. Ainsi, à partir de cette époque sont attestés, dans la maison impériale, à côté des praepositi argenti potori du début du siècle, les praepositi auri escari ou potori, ou même ab auro gemmato (Morel 1963-1964, p. 330). Une inscription retrouvée à Rome confirme l’existence de vaisselle en or et l’habitude aussi d’enchâsser des gemmes dans ce type de vaisselle (CIL V, 9437 ; Sena Chiesa 1978, p. 17 n. 26).
98Les découvertes campaniennes sont malheureusement rares. Une grande lampe à deux becs, faite de feuilles d’or et provenant de Pompéi, datée du Ier siècle avant J.-C., est conservée au Musée Archéologique National de Naples (Coarelli 1966, no 64). Produit de l’art romain, elle pèse plus de deux livres. Nous ne connaissons pas l’endroit exact de son invention. Dans le cubiculum (34) de la Casa di Sallustio (VI, 2, 4), à Pompéi, a été retrouvé un vase en or de dimensions réduites, dans une petite niche située dans la paroi ouest de la pièce (PPM IV, p. 144). Cette maison présentait un décor relativement luxueux, et d’ailleurs essentiellement concentré dans ce cubiculum (34).
99Aucune autre donnée archéologique attachée à son contexte de découverte ne permet de confirmer ou d’infirmer le caractère luxueux de la vaisselle d’or.
100La connaissance des bijoux en usage à l’époque romaine repose sur l’abondante documentation fournie par Pompéi, par Herculanum et Oplontis171.
101Rares sont en fait les découvertes de bijoux faites dans les sépultures : à la différence d’autres populations antiques, les Romains n’ensevelissaient pas les bijoux de grand prix avec les défunts. La Lex Oppia de 215 avant J.-C., la plus ancienne des lois somptuaires connues, interdisait l’excès de bijoux dans les tombes. Certaines traditions ou conceptions romaines peuvent être aussi invoquées, comme la volonté de conserver des bijoux de famille pour les vivants (Pirzio Biroli Stefanelli 1993, p. 69 ; Coarelli 1966, p. 137). De plus, l’étude archéologique se heurte au fait que les bijoux en or pouvaient être refondus pour une réutilisation du métal.
102Certaines découvertes archéologiques peuvent cependant nous aider dans notre investigation. Tout d’abord, l’étude de l'insula 8 de la Regio I a permis de conclure qu’un unique objet en or n’atteste pas à lui seul d’un niveau de vie élevée (cf. fig. 81) : en fait le bracelet et l’anneau sont apparus dans des maisons relativement modestes (ce qui s’accorde avec le fait que les femmes de la plèbe portaient des bijoux d’or, d'après Pline) ; ce sont des objets de famille, qui peuvent fournir une garantie lorsqu’ils sont engagés. Ceci concerne la maison n°13 par exemple. De même, la Casa di Stephanus (I, 8, 2), d’aisance moyenne (qui cependant comprenait sans doute un second étage), a livré des ornements féminins en or et en argent : une aiguille à chignon en or, un morceau de dentelle en or qui ornait les vêtements, trois colliers d’or et une paire de boucles d’oreille (Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 192). Cette maison ne conserve presque aucune trace de peinture murale, et ne possède en tout cas, à notre connaissance, aucun décor luxueux. Sept bijoux d’or ont été retrouvés dans la Casa di M. Epidius Primus (I, 8, 14) (deux torques en tresse, une chaîne, deux anneaux dont l’un avec une pierre, deux boucles d’oreille et un morceau de tissu d’or) qui ne présente aucun décor luxueux. Ces bijoux ont été découverts avec la vaisselle d’argent dans une caisse en bois, et peuvent avoir été confiés, en même temps que l’argenterie, au propriétaire de la maison ; il est difficile de déterminer le contexte exact auquel il convienne de relier ces objets. En revanche, la Caupona e officina pigmentaria di N. Fufidius Sucessus (I, 8, 15-16) a livré un bijou en or172. Elle comportait sans doute un étage mais ne présente aucun décor luxueux (PPM, I, p. 844). Des boucles d’oreille en or ont été retrouvées dans la maison (V, 3, 2)173, maison ou boutique comportant cinq pièces de dimensions très modestes. La maison (I, 2, 3) a livré un bracelet en or174. Elle possède dix pièces et un atrium, de dimensions relativement modestes. Dans l'atrium de la maison (I, 10, 7) a été découvert un collier à grosses mailles en or175 et dans le cubiculum (8), une paire de boucles d'oreille en or176. Cette maison, reflétant une aisance moyenne, ne présente aucun décor luxueux. Dans la Casa di C. Iulius Polybius (IX, 13, 1-3), le corps d’une jeune femme portait deux bracelets en or avec relief et une paire de boucles d’oreilles à segment de sphère177. Cette jeune femme appartenait peut-être à la famille des propriétaires, affranchis impériaux d’origine grecque. La maison témoigne d’un niveau de vie moyen ou élevé mais n’a pas fourni d’éléments luxueux. Dans la Casa di Trebio Valente (III, 2, 1), dans la pièce (b), furent découvertes deux boucles d’oreille en or178. Cette maison ne présente aucun décor luxueux179. De plus, la Casa a graticcio (III, 13-15) à Herculanum, a livré une perle de collier en or180. Cette maison compte parmi les plus pauvres d’Herculanum. Soulignons néanmoins qu’elle a livré un poids d’or très modeste (0,5 gramme, soit, pour la seule valeur-métal, environ 5 sesterces, ou moins de deux jours de rémunération d’un ouvrier non qualifié181) ce qui confirme le fait que les couches modestes de la population pouvaient en posséder un peu.
103Dans le viridarium des Praedia di Iulia Félix (II, 4, 1-12)182, en 1952, près d’une victime se trouvait un coffret à bijoux contenant deux paires de boucles d’oreilles en or de forme hémisphérique et un anneau183. Or, ces praedia constituent l’une des seules demeures de Pompéi à avoir révélé des pilastres en marbre et présentent un décor somptueux. Les victimes de la Villa di Diomede, près de Pompéi, portaient de précieux colliers et bracelets d’après les rapports de fouilles du XVIIIème siècle. Malheureusement ne subsistent aujourd’hui qu’un collier en or et une gemme184. Près du corps du propriétaire de la villa, qui portait un anneau en or, se trouvait un groupe de dix pièces de monnaies en or, de quatre-vingt-huit en argent et de neuf en bronze, rassemblées dans un morceau d’étoffe. Ce trésor monétaire est l’un des plus importants de ceux retrouvés dans cette cité. Dans la zone de la villa no 2 à Terzigno, cava Ranieri, ont été découverts en 1984, dans une pièce ouvrant sur le péristyle, les squelettes de cinq personnes, dont une femme sans doute assez jeune qui portait sur elle quelques bijoux dont une chaîne en or185. De plus, près du cou de cette femme, étaient dispersés les éléments d’un collier186 ainsi que deux bracelets identiques en or187. Malheureusement, aucun élément ne peut, en l’état actuel des fouilles, nous révéler le niveau de richesse de cette villa188. La villa de Boscoreale a livré quelques bijoux d’or dont une chaîne-baudrier, quatre bracelets, dont deux en forme de serpent, une bague ainsi que deux boucles d’oreilles en or et pâte de verre189, pour un poids total de 635 gr, ce qui équivaut à plus de 7000 sesterces pour la seule valeur du métal, et sans compter les 11600 sesterces en monnaie simultanément découverts (Baratte 1986, p. 15). La Casa del Bracciale d’oro (VI, 17 (Ins. Occ.), 42), à Pompéi, tire précisément son nom de la découverte d’un grand bracelet en or dont le poids (610 gr) est exceptionnel et la facture tout à fait particulière190.
104Les sources archéologiques confirment que la possession de quelques grammes d’or sous forme d’un anneau ou d’une paire de boucles d’oreille était sans doute accessible aux couches modestes de la population. Fait important, les bijoux retrouvés dans la maison du Ménandre et ceux de la Villa de Boscoreale, toutes deux de riches demeures qui ont livré des trésors d’argenterie attestant le raffinement du propriétaire, sans doute membre d’une famille aristocratique de province, sont relativement proches des autres exemplaires découverts à Pompéi. Le luxe devait se manifester par la quantité de bijoux en or possédés, plus que par leur facture, et surtout par la possession de certaines gemmes. Selon Pline l’Ancien (H.N. XXXVII, 11 et 14), c’est le triomphe de Pompée, célébré à la suite de sa victoire sur Mithridate, qui amena à Rome la vogue des collections de gemmes. La dactyliothèque du roi, venant elle-même d’Égypte, fut consacrée au Capitole par le vainqueur191.
III Gemmae
105Les Romains ne connaissaient, de ce que l’on nomme aujourd’hui pierres précieuses que le diamant192. Les gemmae, c’est-à-dire les pierres considérées comme précieuses par les Romains, étaient, à l’exception peut-être du diamant, soit des pierres dites de nos jours semi-précieuses ou fines, soit des pierres aujourd’hui vulgaires, soit des matières qui ne sont même pas des pierres, telles que les perles fines, les pâtes vitreuses et les fossiles. Cette constatation confirme une nouvelle fois, la nécessité de ne pas partir d’une définition contemporaine du luxe.
106Pline l’Ancien, qui fournit plus de 300 noms de gemmae, leur a consacré le dernier livre de son Histoire Naturelle tout entier. Ceci montre pleinement l’importance des gemmae pour les Romains, mais aussi la difficulté des identifications : beaucoup de noms n’apparaissent que dans le livre XXXVII, et certains, déformés par des copistes qui ne les comprenaient pas, sont incertains. Quoi qu’il en soit, Pline y établit un palmarès des objets de luxe : il mentionne tout d’abord les vases murrhins (paragraphe 2 à 22), puis le cristal de roche (paragraphe 23 à 29), et l’ambre (paragraphe 30 à 53). Il semble distinguer ces matières des gemmae mais ils font l’objet de longues notices dans ces passages. En fait, Pline n’est pas lui-même très assuré.
107Dans notre étude des gemmae, nous allons retracer le palmarès du luxe qu’il établit, en tentant de retrouver les caractéristiques qui, aux yeux des Romains, faisaient de telle pierre, et pas de telle autre, un matériau ou un objet luxueux.
1. Vases murrhins
108Les vasa murrina apparaissent souvent dans les textes du Ier siècle avant J.-C. et du Ier siècle après J.-C. lorsqu’il s’agit pour les auteurs de décrire de la vaisselle de luxe193. Pline révèle qu’ils furent introduits pour la première fois à Rome par Pompée en 62-61 avant J.-C., après ses campagnes en Asie mineure194. Comme aucun texte ne fait mention de ces vasa avant cette date, il n’y a aucune raison de douter de ce témoignage.
109D’après Pline (H.N. XXXVII, 18), leur mollesse, leur beauté et leur rareté, concernant tout au moins les morceaux assez importants pour la fabrication de la vaisselle, font des vasa murrina des objets de grande valeur (H.N. XXXIII, 5 ; XXXVII, 21 ; 204), atteignant des prix exorbitants195. Ils acquièrent encore plus de valeur en fonction de la personne à laquelle ils ont appartenu, et aussi sans doute de leur antiquité, marquant une sorte d’historique de l’objet luxueux196. Pline (H.N. XXXVII, 8) et Martial (Epigr : XIII, 110) rapportent que l’on peignait de couleurs variées les vases murrhins. Ils citent tous les deux le royaume parthe comme la principale source d’approvisionnement pour cette matière197. Pline mentionne la Carmanie, la partie méridionale de la Parthie, sur les bords du Golfe Persique. Le Périple de la Mer Erythrée, écrit probablement dans la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. 198, donne comme troisième lieu de provenance l’Égypte. Mais, cette manufacture de vases murrhins située à Diospolis en Égypte devait plutôt être un centre d’imitation de la murrina, probablement par le verre199.
110Or, même si la murrina est classée parmi les objets de prix, beaucoup d’auteurs latins ignorent quelle était sa nature. Pline la classe avec le cristal ainsi que Sénèque, Martial, Stace, Juvénal, Pausanias avec le verre et le cristal200. Le juriste Javolenus (Dig. XXXIII, 10, 11) la mentionne avec la vaisselle de verre et la place aussi dans la catégorie des gemmes. La description la plus précise qu’en donnent les textes anciens reste celle de Pline, quoique obscure et entremêlée de fables. Elle ne nous permet pas de l’identiher avec une matière artificielle ou naturelle connue du monde ancien ou moderne. Certains historiens contemporains ont pensé qu’il pouvait s’agir de la pâte de verre (Trowbridge 1930, p. 84). Les mots perses mori, mûri, ou mûris, signifiant petits coquillages ou perles de verre seraient une probable survivance de mura ou murra existant dans le langage iranien, le mot grec morria est un emprunt à l’iranien et le prototype iranien a comme signification pâte de verre, glaçage. D’autres historiens considèrent que la seule matière qui concorde avec les caractéristiques décrites par les auteurs anciens est la fluorine (Loewental et Harden 1949, p. 34). Ce produit naturel est très fragile car les cristaux qui le composent ont tendance à se désagréger, il existerait des mines de fluorine dans la région de l’ancienne Parthie. De plus, elle se trouve en même temps que le cristal de roche, ce qui expliquerait la confusion des auteurs antiques à propos des deux matières. La pourpre et le bleu, couleurs décrites comme étant celles de la murrina, sont caractéristiques de la fluorine. Afin de la travailler, les artisans la plongeaient dans une résine naturelle, probablement la myrrhe (d’où le nom de murrina qui ne désignerait donc pas la matière), qui permettait ainsi de coller les cristaux ensemble. Au contact de l’alcool, la résine fond, changeant le goût du vin et amollissant la matière qui pouvait être “mordue” selon Pline l’Ancien (H.N. XXXVI, l)(Slavazzi 2003, p. 445). Tous ces faits sont très convaincants mais il n’y a aucune certitude pour l’instant. Quoi qu’il en soit, le fait que les vases murrhins restent d’un prix élevé, en dépit de l’augmentation des échanges entre Rome et l’Orient, inciterait à penser qu’il s’agit d’une matière minérale très rare que l’on ne pouvait extraire qu’en petite quantité (Bromehead 1952, p. 66).
111Les sources archéologiques peuvent-elles nous révéler, sinon la vraie nature de la murrina, du moins le statut des vases en pierre dure ?
112Sur l’ancienne plage d’Herculanum, près du squelette (no 3) fut découverte une petite coupe en agate (cf. fig. 96)201 ayant probablement servi à contenir des onguents, datée de la première moitié du Ier siècle après J.-C. Malheureusement aucun élément ne permet d'en déterminer la valeur. Dans le portique (10) de la maison (I, 10, 7) à Pompéi fut mis au jour un bombylios en albâtre202, dans la Casa degli Amanti (I, 10, 10-11), la partie supérieure d’un aryballos en albâtre203 et dans la Casa di Trebio Valente (III, 2, 1) un unguentarius en agate tournée204. Ces maisons, d’aisance moyenne, ne présentent aucun décor que nous avons défini comme luxueux. En revanche, près du théâtre de Marcellus, fut découvert en 1615 un vase en albâtre ayant appartenu à un prêtre d’Amon et Moutou du nom de Nibnouterou, de l’époque d’Osorkon III, pharaon de la XXIIème dynastie (CIL VI, 1282). Ce vase, complété avec un pied et deux anses, fut utilisé comme urne cinéraire pour P. Claudius Pulcher, fils de Clodius et de Fulvia, frère de la première femme d’Octave, Claudia (La Rocca 1987, p. 366). Notons que ce vase devait être de taille supérieure à celle des exemples pompéiens puisqu’il servit d’urne cinéraire. De plus, dans ce cas précis, le caractère sacré de ce vase devait sans doute accroître considérablement sa valeur.
113Par conséquent, les trois découvertes pompéiennes semblent attester le fait que la possession d’un vase de pierre dure, agate ou albâtre, de petite taille (de 4,4 à 14 cm) ne devait pas représenter un grand luxe. Or, Pline place le cristal de roche en seconde position après les vases murrhins, dans son palmarès des objets de luxe205.
2. Cristal de roche
114L’imitation des vases de cristal de roche par le verre-cristal confirme le caractère précieux de cette matière (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 29). C’est surtout la fragilité d’un vase de cristal de roche qui manifeste l’opulence de son possesseur fargumentum opum), objet extrêmement périssable contrairement aux métaux précieux qui peuvent être refondus (Sénèque le Rhéteur, De Ben. VII, 9, 3 ; Pline l’Ancien, H.N. XXXIII, 5). C’est donc une attitude risquée et déraisonnable de la part du collectionneur que d’investir dans un tel objet, alors qu’il peut en perdre tout le prix en un instant. Ce qui valorise l’objet de luxe aux yeux des amateurs pousse les tenants du mos maiorum à une dure critique.
115Pline (H.N. XXXVII, 26) pense que le cristal de roche est formé d’eau de pluie et d’un peu de neige.
116Il affirme que le plus estimé venait d'Inde mais aussi de Carie, de Chypre, des Alpes et de Lusitanie. La qualité et le prix de l'objet précieux dépendent de l’origine géographique de la matière206. La pureté et la transparence du cristal déterminent également le prix de l’objet207. Certaines qualités de moindre valeur car moins pures provenaient d’Asie. La fragilité de la matière, la difficulté de la travailler et les pertes de matière encourues ou à venir augmentaient sans aucun doute le prix de l’objet fini. La matière, même non ciselée, avait d'ailleurs à elle seule de la valeur lorsqu’elle était pure208.
117L’importance attachée au poids du cristal dans l’évaluation de son prix est liée à la rareté de cette matière, les gros morceaux surtout209. Le danger encouru pour extraire la matière précieuse devait naturellement en accroître non seulement la valeur marchande210, mais également l’attrait pour l’amateur de curiosités.
118Pline affirme qu’une louche en cristal de roche fut achetée 150 000 sesterces, chiffre d’autant plus stupéfiant à ses yeux qu’il s’agit d’une trulla ; c’est encore le caractère commun, presque vil, de l’utilisation d’une matière par ailleurs précieuse qui prête au ridicule. Le chiffre est d’autant plus extraordinaire que cette louche ne devait pas être très grande ni très lourde. Il semble d’autant plus condamner cet excès que mercata matre familias nec divite211. Nous retrouvons ici le topos d’un luxe purement féminin. Même si ce chiffre semble peu crédible, il montre que l’écart de prix entre le cristal de roche d’Inde et celui d’Asie devait être important. La difficulté d’exécuter un objet aussi fin explique certainement sa valeur si élevée.
119L’utilisation du cristal de roche est attestée pour des objets aussi divers que : calix, cristallinum, poculum, urnula, trulla, vas amphorale chez Pline (H.N. XXXVII, 10), et semble attestée pour des pinakes incisés faisant partie du mobilier ou autonomes comme xenia212. Au demeurant, Pline (H.N. XXXVII, 30) reconnaît au cristal de roche au moins une qualité : il conserve les boissons au frais. On continue donc à fabriquer des récipients dans ce matériau bien qu’on en ait découvert un autre facile à travailler et moins cher. Le verre est un meilleur conducteur de chaleur que le quartz (Schwarzenberg 2006, p. 63).
120La taille, la pureté et l’éclat du morceau de cristal de roche, la difficulté d’extraction et surtout de taille du minéral, créaient toute une hiérarchie du luxe. Notre étude cherche à présent à déterminer si les sources archéologiques confirment cette hiérarchie.
121Certains objets sont situés relativement bas dans la hiérarchie du luxe. Les petits récipients de cristal de roche devaient être assez largement accessibles, comme le montrent les nombreux exemples découverts dans les cités du Vésuve et dans les columbaria et les tombes de Rome, Ostie, Aquilée, etc... Ils contrastent nettement avec ceux, propriétés impériales, que mentionnent les sources littéraires, exceptionnels par leurs dimensions et la richesse de leur décoration (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 10 ; Gaspari 1975, p. 353). Or, des objets en cristal de roche, aujourd’hui conservés au Musée Archéologique National de Naples, ont été mis au jour à Pompéi ; malheureusement, nous ne pouvons généralement plus déterminer de quelle maison ils proviennent. Il s’agit d’une part d’une pyxide en cristal de roche découverte en 1765 (Inv. 1852, n°2), et d’autre part de quatre petits vases, tous récipients miniatures. Ces objets si délicats pouvaient être collectionnés en tant qu’objets d’art ou bien échangés au moment des Saturnales ou ils avaient une autre signification (Ziviello 1986, p. 109). Certains, en forme de coeur, étaient accrochés avec d’autres amulettes en ambre, en os, en corail et avec des graines213.
122La Casa délia Statuetta indiana (I, 8, 5), à Pompéi, a livré un bijou en cristal de roche214. Cette grande demeure à atrium ne présente à notre connaissance aucun décor de type luxueux, elle est tout au plus relativement aisée215. La Casa dei Quattro stili (I, 8, 17) a également restitué un bijou en cristal de roche216. Il s’agit d’une maison traditionnelle à atrium dont le décor paraît assez riche mais non luxueux. Dans le tablinum de la maison (I, 10, 7), a été découvert un collier constitué de perles de toutes sortes de matières (pâte de verre, os, bronze, faïence), dont une en cristal de roche (Inv. 5332 ; Elia 1934, p. 301). Cette maison semble avoir été d’un niveau moyen et ne possédait en tout cas aucun décor luxueux. La Casa di L. Elvius Severus (I, 13, 2) a restitué deux pendentifs en cristal de roche217 très pur et transparent, de dimensions relativement importantes. L’occupant de cette maison appartenait à une catégorie sociale aisée218. Dans la Casa di Trebio Valente (III, 2, 1) a été retrouvé, en 1915, un unguentarius en cristal de roche en forme de cigale219. Cette maison est de niveau moyen, comprenant 16 pièces. Parmi les objets découverts dans la maison (VI, 16, 32), d’apparence modeste, figurent220 deux perles de collier, l'une sphérique, l’autre conique en cristal de roche, sans précisions sur leurs dimensions. L'atrium de la maison (IX, 7, 4) à Pompéi a livré un morceau elliptique de cristal de roche de 56 mm de long (Fiorelli 1880, p. 397). Malheureusement nous ne disposons d’aucune référence ni d’aucun plan de cette maison qui pourraient attester de son niveau de richesse.
123Dans de tels contextes, d’aisance plus que de réel luxe, les petits objets et les bijoux en cristal de roche retrouvés ne sont qu’un simple signe de richesse.
124A Rome, dans les Horti Lamiani fut découvert, en 1879, un ensemble de 28 fragments de cristal de roche ainsi que 21 gemmes et trois plaques en cristal de roche incisées221. Les éléments coniques ou fusiformes, parfois décorés de moulures horizontales ou verticales, sont percés d’un trou central et devaient être à l’origine enfilés sur un axe en bois ou en bronze probablement doré, la dorure restant visible à travers le cristal. Ces caractéristiques ont fait penser qu’ils devaient former les pieds d’un meuble ou d’un trône222. Deux des trois plaques en cristal de roche sont encore conservées aujourd’hui, en état malheureusement fragmentaire. L’une porte un décor représentant une panthère, l’autre, de forme carrée, une rosette223. L’incision formant ces décors a été réalisée comme pour les intailles, c'est-à-dire sur la face inférieure du morceau de cristal. Ces plaques de cristal de roche devaient être revêtues, sur leur face inférieure, d’une feuille d’or afin d’exalter le motif. De plus, 21 gemmes en cristal de roche ont également été retrouvées parmi un ensemble de 415 gemmes au total (Cima 1986c, p. 117). Ces éléments et ces plaques en cristal de roche, datés sans doute du Ier siècle après J.-C., appartenaient au mobilier ou au décor d’une des constructions luxueuses des Horti Lamiani.
125Nous remarquons que le cristal de roche est apparu dans ce trésor en grande quantité, et que les dimensions des éléments sont apparemment supérieures aux perles et aux petits objets mis au jour dans les maisons de Pompéi et d’Herculanum. Nous pensons qu’il devait y avoir de nettes différenciations, voire une échelle complète, entre les objets en cristal, suivant l’origine de la matière, sa pureté et surtout les dimensions de l’objet fini. L’origine géographique devait être un facteur important, mais aucune étude physico-chimique n’a à notre connaissance jamais été faite.
126De telles caractéristiques concernent-elles aussi l’ambre ?
3. Ambre
127Chez Tacite et Dion Chrysostome, l’importation de l’ambre baltique en Italie sert d’argument pour marquer le contraste entre le luxe romain et la simplicité de la population de la côte224. D’après un passage d’Eusèbe225, une loi de 46 avant J,-C. n’autorisait le port de l’ambre qu’aux femmes de plus de 45 ans au même titre que les perles fines, confirmant ainsi que l’ambre représentait, tout du moins à cette époque, un luxe ostentatoire répréhensible. Cette loi permettait peut-être aussi de limiter les importations de cette matière exotique.
128Pline l’Ancien place l’ambre en troisième position, après les vases murrhins et le cristal de roche, dans son palmarès des objets de luxe226. L’ambre est un luxe particulièrement féminin, selon cet auteur. Or, le fait que les objets en ambre ne soient découverts que dans des contextes funéraires féminins semble confirmer qu’ils n’appartenaient qu’au mundus muliebris. Ce luxe est d’autant plus condamnable qu’inutile, car il ne sert même pas à fabriquer des vases à boire. Pourtant Juvénal fait référence à des coupes en ambre227. L’ambre ne sert pas non plus à confectionner des bijoux et ne peut révéler la richesse de son propriétaire. En fait, ce qui choque Pline et qu’il critique, c’est peut-être l’usage profane d’objets en ambre qui jusqu’alors avaient un caractère sacré (Bertacchi 1964, p. 66). Pour lui, cette matière ne peut pas se prêter à l’art, et n’a de toute façon aucune valeur esthétique comme peut avoir le bronze de Corinthe. Pausanias (V, 12, 5) mentionne pourtant, à Olympie, un portrait en ambre d’Auguste, sans doute un buste, considéré comme une oeuvre d’art. Cette inutilité rend l’ambre encore plus condamnable, donc luxueux en lui-même : ce n’est pas le travail de l’artiste, sa beauté ou son utilisation ostentatoire qui en font un objet de luxe, mais seulement son prix très élevé. Selon Pline (H.N. XXXVII, 49), les statuettes en ambre sont plus coûteuses que des esclaves, or il n’en fournit aucun ordre de prix.
129Pline relate comme un fait extraordinaire228 la découverte d'un morceau d’ambre pesant 13 livres, soit 4,275 kg. De nos jours, les plus gros morceaux pèsent jusqu’à 10,5 kg. Par conséquent, comme pour le cristal de roche, le luxe que représentait un objet d’ambre devait être étroitement lié à la taille du morceau de matière. De plus, nous remarquons l’existence d'une échelle de prix établie en fonction de la couleur de la matière : Pline distingue un ambre de moindre prix (sucinum candidum et le cerinum) et un coûteux (fulvum). Tout en haut de l’échelle se situe l’ambre qui a la couleur du Falerne (H.N. XXXVII, 47) donc rouge-brun ; ce sont donc les couleurs les plus foncées, rouge, orange-brun, qui plaisaient. Et l’ambre transparent a encore plus de valeur bien sûr229. L’esthétique prime ici, c’est un raffinement que d’allier le vin de Falerne et la coupe d’ambre aux couleurs harmonieuses ; la coupe remplie de vin dégageant peut-être alors un parfum particulier. Les fragments qui renfermaient des insectes étaient prisés comme curiosités230. Un autre raffinement consistait à teindre l’ambre, celui de moindre prix certainement, avec de la pourpre notamment, autre substance précieuse (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 48). Enfin, l’ambre permettait d’imiter les pierres précieuses (Pline, H.N. XXXVII, 51), en le teignant : nous pouvons donc en conclure que l’ambre était moins coûteux que certaines gemmes.
130Les Romains tiraient leur ambre de la Germanie et des côtes de la mer du Nord à travers la Gaule. En 12 avant J.-C., les expéditions militaires de Germanicus en Germanie ont dû favoriser un regain d’intérêt pour l’ambre car Pline (H.N. XXXVII, 42 ; IV, 13), en déclarant que les Germains appelaient l’ambre glaesum, révèle que ses troupes avaient surnommé une des îles de la mer du Nord du nom de Glaesaria. Et Julius Solinus231 confirme l’importance de l’expédition dans la connaissance de la matière. Quelques références littéraires mentionnent comme lieu de provenance pour l’ambre les côtes septentrionales de l’Europe232. Il s’agit en fait de l’ambre de la mer du Nord qui n’eut plus, dès le Ier siècle avant J.-C., qu’un rôle secondaire (Kolendo 1981, p. 77) ; le premier rôle revenant à l’ambre de la Baltique233. Les Germains transportaient de l’ambre venant de la Baltique par la province de Pannonie, c’està-dire sur les terres étendues entre Vindobona (Vienne en Autriche) et Aquincum (Budapest)234. L’ambre était ensuite importé depuis la Pannonie vers les terres transpadanes235.
131D’après Pline, Néron organisa une expédition en Baltique à la recherche de l’ambre236. Le caractère pionnier de cette entreprise révèle que jusqu’alors le secteur le plus septentrional de ce trafic était resté entre les mains des tribus ou royaumes locaux. L’expédition avait sans doute pour but la simplification du commerce de l’ambre par l’élimination de certains intermédiaires afin d’accroître la sécurité des approvisionnements et de réduire le prix par l’élimination des marges des commerçants. Pline ne précise pas exactement la région où se dirigea l’expédition (Kolendo 1981, p. 59) nécessairement vers la partie du littoral de la Baltique, c’est-à-dire entre l’embouchure de la Vistule et celle du Niemen. Pline assigne, comme point de départ de l’expédition, Carnuntum, important établissement romain situé au confluent de la Morava et du Danube. Cette expédition n’était possible que grâce à l’aide du peuple des Quades, fidèles clients de Rome (Tacite, Ann. XII, 30). Maîtres du dernier tronçon de la voie de l’ambre, ils en organisaient le commerce et entretenaient des contacts assez suivis avec leurs voisins du Nord. L’emploi du terme commercium par Pline témoigne de ce que les habitants des rivages de la Baltique ramassaient l’ambre pour le vendre à des marchands venus du Sud, des barbares mais aussi des Romains. Les riverains ne s’aventuraient pas vers le Sud pour y acheminer l'ambre récolté, mais le vendaient sur place aux négociants, fait peut-être confirmé par la présence de nombreux produits importés sur la Baltique même, au débouché de la grande voie de l’ambre et sur tout le tracé de celui-ci vers le Sud. Il y avait donc beaucoup d’intermédiaires entre le lieu de provenance de l’ambre et l’achat de celui-ci par les Romains, ce qui devait sans aucun doute en augmenter sensiblement le prix. Ce fut certainement l’un des motifs qui incitèrent les Romains à se rendre directement à la source de l’ambre.
132Pline ne précise pas à quel degré cette expédition a joué un rôle dans ce commerce entre Rome et la Baltique. L’énorme quantité d’ambre rapportée par l’expédition n’a pas été commercialisée, semble-t-il, mais immédiatement employée pour le décor de jeux. Il faut ici souligner qu’il s’agissait d’une entreprise unique en son genre qui n’a peut-être eu aucune répercussion sur les approvisionnements futurs en ambre. Mais cette expédition a dû démontrer aux Romains qu’il leur était possible de parvenir jusqu’aux rivages de l’Océan septentrional et d’établir des contacts avec les peuplades de ces régions. L’ambre n’ayant servi au décor des jeux que pendant une journée, qu’en est-il advenu par après ? A t-il été conservé dans le trésor impérial ou a-t-il été vendu ? Dans le second cas, cet afflux de matière sur le marché a peut-être provoqué une baisse temporaire de son prix.
133Les sources archéologiques confirment l’existence et le tracé des routes commerciales de l’ambre annoncées par les textes. Carnuntum fut le point de départ de la grande voie de l’ambre qui suivait la rive gauche de la Morava, parallèlement aux Petites Carpathes, puis aux Carpathes Blanches, jusqu’à la Porte de Moravie (Kolendo 1981, p. 60). En effet, trois dépôts d’ambre brut ont été repérés le long de la route qui joignait Aquilée à la côte baltique par Carnuntum. Ils contenaient, au total, pas moins de 2750 kg de matière brute, datés du Ier siècle après J.-C. Les sources archéologiques attestent donc l’existence d’un commerce de l’ambre vers l’Italie à une époque haute. D’autres dépôts d’époque impériale, mais dont nous n’avons pu déterminer une datation plus précise, ont été mis au jour près de Wroclaw, pour un total de 2 tonnes d’amhre brut.
134Aquilée a restitué des objets en ambre dans des proportions inconnues ailleurs : au total environ 700 pièces dont la chronologie oscille entre le milieu du Ier siècle et le IIIème après J.-C. (Kolendo 1993, p. 59). Des études scientifiques ont permis de conclure que la grande majorité proviennent de la Baltique (Giovannini 2002, p. 159). Les routes que suivait l’ambre depuis les rives de la Baltique traversaient l’Europe centrale jusqu’à la Méditerranée : les voies de communication entre l’Italie, la Pannonie et la Baltique passaient à travers les vallées de la Vistule et de l’Oder, puis au Sud de la Morava ; l’ambre arrivait alors à Carnuntum, et de là par Poetovio à Aquilée237. Aquilée fut donc le noeud où convergeaient les routes d’importations, en même temps qu’un centre essentiel du travail et de la réexportation de l’ambre ouvré comme de la matière brute. On ne peut naturellement conclure à une sorte de monopole qu’aurait détenu la ville pour la matière première ni penser que ce fut l’unique centre de production des sculptures en ambre. Dans les années 1960 des objets en ambre sculptés furent retrouvés en Gaule Cisalpine, province qui jusqu’alors n’en avait pas fourni238. Les découvertes d’ambre travaillé dans la zone cisalpine et padane ont élargi l’aire de production de ces objets (Carducci 1968, p. 75). Les pièces de Mercallo dans la région de Varèse datées du Ier siècle après J.-C. reportèrent plus à l’Ouest la limite de la diffusion l’ambre. Les sculptures (dites “des joueurs” et du “vendeur de pain”) découvertes à Gravellona Toce et Libarna sont parmi les plus importantes et doivent être rattachées à la production de la partie la plus occidentale de la Cisalpine, et non à celle d’Aquilée. Mais il ne faut pas nécessairement attribuer à une production d’Aquilée les ambres des tombes d’Illyrie et de Pannonie même si l’on peut observer certaines ressemblances dans le choix des thèmes, la typologie et le style. Certes, la production des ateliers d’Aquilée dépassait la demande de la ville et de ses environs, et était donc partiellement exportée ; mais il est probable que les artisans formés à Aquilée ont migré, répandant ainsi un savoir-faire.
135L’ambre, matière particulière, devait être relativement précieux tout au moins au début de l’Empire. Ceci serait dû à sa rareté bien sûr, à sa provenance lointaine mais aussi à ses caractéristiques propres, matière difficile à travailler et d’exploitation limitée. Les dimensions modestes d’un morceau d’ambre typique239, la présence de veines, sa couleur, son éclat imposent au sculpteur de choisir un type d’objet précis, de déformer éventuellement le modèle, de s’adapter en somme à la matière. L'ambre avec sa surface cireuse, sa transparence irrégulière, ses dégradés de couleur répond difficilement aux exigences de la sculpture. De plus, alors qu’un objet en métal peut être refondu, l’ambre, de même que l’ivoire et les pierres nobles de la glyptique, ne peut être réutilisé une fois travaillé, à moins de retransformer la sculpture en un autre objet, ce qui représente une perte de matière.
136Le caractère précieux de la matière première a entraîné un certain conservatisme dans l’art de sculpter de l’ambre. En effet, les artisans ont en général suivi les goûts de la clientèle plus qu’ils n’ont expérimenté de nouveaux modèles qui pouvaient la décevoir, provoquer des invendus, ce qui signifiait, outre la perte d’une importante somme de travail, celle de la matière elle-même. Ces considérations ne concernaient que l’ambre de production courante. Peut-être existait-il un art véritable de l’ambre pour des commanditaires prêts à payer des sommes considérables. En étudiant les pièces conservées, nous avons souvent observé que les qualités naturelles de la matière ont probablement été des critères plus importants que la qualité technique et esthétique des petites sculptures ; le caractère précieux de la matière supplante ici l’esthétique dans la notion de luxe.
137Les collections d’objets en ambre provenant d’Aquilée sont conservées aux Musées d’Aquilée, Udine et Trieste, outre quelques pièces qui sont à Vienne en Autriche240. La production sculptée d’Aquilée s’étend de l’époque julio-claudienne à la fin du IIème siècle après J.-C., mais c'est surtout à partir du règne de Néron que la production connut la plus grande intensité. Cette chronologie coïncide avec l’expédition vers la Baltique sous Néron et pourrait confirmer son importance pour le commerce de l’ambre entre cette dernière et l’Italie. Malheureusement, la grande majorité de ces objets en ambre ne sont plus aujourd’hui liés à leur contexte de découverte originel. Ils ont souvent été découverts à un moment où l’intérêt des archéologues se dirigeait vers les objets précieux eux-mêmes, négligeant le contexte ; ou bien ils proviennent de tombes d’Aquilée241 qui ne peuvent fournir de précisions. Ils peuvent cependant en eux-mêmes nous fournir quelques renseignements : on observe, en effet, qu’ils représentent le plus souvent des fruits, des animaux, des figurines mythologiques comme Psyché et Amour, Dionysos, des génies, de petits Amours242 ; d’autres sont en forme de petits vases, de coquillages, d’amulettes. Ce ne sont donc des objets d’aucune utilité pratique, les anneaux en ambre, qui seuls auraient pu servir d’ornements, sont trop petits ou trop épais pour être des bijoux, trop fragiles pour être portés, et ne présentent d’ailleurs aucune trace d’utilisation (Bertacchi 1964, p. 64 ; Maselli Scotti 2007, p. 62). D’autres objets en ambre d’Aquilée, représentant des cornes d’abondance, étaient offerts à la nouvelle année comme le suggèrent les inscriptions qu’ils portent (Strong 1966, p. 12). Les fruits, représentés seuls, pouvaient faire partie des xenia (Maselli Scotti 2007, p. 62). Des alabastra étaient destinés à contenir de précieux onguents et le bâton, découvert dans la tombe de Crepereia Tryphaena à Rome, témoigne d’un raffinement extrême puisqu'il servait à parfumer les mains de cette jeune patricienne243. Aucun vase en ambre mentionné par les sources littéraires n’a été retrouvé244 ; en revanche, des vases miniatures témoignent peut-être de l’existence de grands vases à boire245. Nous remarquons également que certains objets présentent deux faces et donc deux motifs246. Ils étaient certainement destinés à être manipulés et non pas uniquement exposés. Les deux faces étaient peut-être sculptées dans le but d’économiser la matière. De plus, les sujets représentés ne sont nullement raffinés, ils appartiennent plutôt à un registre populaire ; mais rien ne permet de conclure qu’ils s’adressaient à une population de niveau moyen et donc qu’ils n’avaient pas beaucoup de valeur, ni qu’ils n'étaient pas considérés comme des oeuvres d’art.
138Seules les maisons de Pompéi et d’Herculanum pourraient nous aider dans notre recherche. Or, malheureusement, quant aux bijoux en ambre d’Herculanum247, nul contexte édilitaire et social ne peut nous guider dans notre recherche. Le nombre relativement élevé de bijoux en ambre découverts à Herculanum, datés de la fin du Ier siècle avant J.-C., confirme le niveau maximal atteint dans les importations d’ambre après l’expédition militaire de Germanicus et l’importance de cette ville comme lieu de production248.
139Dans la Casa del Fauno (VI, 12,2), riche demeure nous l’avons vu, a, semble-t-il, été retrouvée une statuette en ambre représentant un acteur249. Le triclinium de la maison (VI, 16, 15), d’aisance moyenne, a livré une statuette représentant un personnage drapé dans un manteau, à tête difforme, sans doute un acteur comique250. De même, dans le tablinum de la maison (VI, 16, 28), nettement moins aisée que la précédente, a été découvert le buste d’une statuette en ambre transparent représentant un Amour251. Nous pouvons constater que les deux premières statuettes ont la même hauteur, malheureusement, nous ne disposons pas des dimensions de la troisième pièce qui puissent nous indiquer une différence de valeur suivant la taille de l’objet.
140Dans la Casa délia Rissa dell’Anfiteatro (I, 3, 23) ont été trouvés une statuette fragmentaire représentant un satire portant un panier et une châtaigne en ambre (Nava 2007, p. 68). Cette demeure possède un atrium et un péristyle ainsi qu’un étage ; elle était à l’origine plus étendue jusqu’à l’annexion de trois de ces pièces à la maison adjacente (PPM 1, p. 77). Elle semble de niveau moyen et n’a livré aucun élément de décor luxueux.
141Au moment des fouilles de 1879 des Horti Lamiani, quarante fragments en ambre ont été retrouvés252 : taillés en forme d’octogone, d’hexagone ou de carré, ils sont décorés d’incisions en forme de fleur. Quelques éléments affectent la forme de feuilles, dont les nervures sont représentées par des incisions. Ils étaient recouverts d’une feuille d’or qui mettait en évidence leur décor. Il est impossible de dire, dans l'état actuel des recherches, s’ils ornaient un meuble, un trône ou les parois des constructions luxueuses repérées dans ces jardins253.
142Nous constatons que des objets en ambre ont été retrouvés aussi bien dans des constructions impériales luxueuses que dans des maisons de Pompéi riches mais apparemment non luxueuses. Nous remarquons que l’ambre ne semble pas avoir été une matière si précieuse que seuls l’Empereur ou les plus riches fussent en mesure d’en posséder. Le caractère plus ou moins luxueux devait résider dans la quantité d’ambre possédée et les dimensions des objets finis quoique les éléments découverts dans les Horti Lamiani soient de petite taille. Nous pouvons nous interroger sur la nécessité de la mise en valeur de cette matière par le biais des feuilles d’or, rappelons que l’ambre le plus coûteux est le sucinum fulvum selon Pline.
143Pline l’Ancien révèle à propos des trois matières que nous venons d’étudier :... candemque omnia haec quam gemmae auctoritatem254, et il établit ensuite un classement des gemmae.
4. Pierres précieuses
144Les gemmae sont des objets de luxe pour Pline (in deliciis255) dont la perspective apparaît non seulement scientifique, mais presque moralisatrice : craignant la ruine des prodigues, qui achèteraient de fausses pierres précieuses pour des vraies, il fournit des conseils “techniques” pour reconnaître les véritables pierres256. Suétone (Caes. XLVI, 2-XLVII) montre que le fait de collectionner des pierres précieuses révèle un goût pour le luxe chez César. Dans son discours, Tibère dénonce la conséquence économique, plus que morale, de ce luxe257 parce qu’il enrichit les « nations étrangères » et surtout les « ennemis » de Rome.
145Il est difficile de croire que les 300 pierres décrites par Pline étaient toutes des objets de luxe. D’ailleurs, l’auteur tente d’établir un palmarès du luxe ; il situe en premier le diamant, les perles fines, les émeraudes, les béryls, les opales, les sardoines et les onyx, mais ne sait pas quel ordre donner aux autres gemmae258. Les femmes ont institué une sorte de loi établissant la primauté de certaines pierres précieuses, ce « sénatusconsulte » est ironiquement l’opposé des lois somptuaires. Pline se dit incapable de classer les autres gemmae en fonction de leur prix, car celui-ci varie au gré de la mode et des extravagances impériales. Il place le diamant au sommet259 et en distingue six variétés d’après leur grosseur et leur pays d’origine : Ethiopie, Inde, Arabie, Macédoine et Chypre (H.N. XXXVII, 55-61). Le problème est que tous n’étaient pas de vrais diamants : ils pouvaient être du quartz, de l’analchite ou de la pyrite de fer. Viennent ensuite les perles fines traitées au livre IX de son Histoire Naturelle et que nous étudierons par la suite, puis les émeraudes dont il fournit douze sortes suivant leur nobilitas liée au pays d’origine260. La plus réputée est celle qui provient de Scythie ; chez Martial, les bijoux et les coupes d’or avec émeraudes scythes sont effectivement des objets de luxe261. Celle d’Égypte est également très prisée (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 69). Ce sont là les deux seules vraies émeraudes, les autres relevant plutôt de malachites, turquoises, calamines, porphyre vert ou jaspe vert. Il est toutefois parfois difficile de déceler dans ses écrits s'il s’agit bien d’un lieu d’extraction ou simplement un lieu de vente ou de taille. On connaît également des gisements à l’Habachtal en Autriche et en Sibérie (Vanhaeke 1995, p. 75). Pline range ensuite, mais bien après les émeraudes, les béryls, importés d’Inde ; de grandes quantités de monnaies romaines ont effectivement été retrouvées dans le district de Coimbatore, c’est-à-dire près des anciennes mines de Béryl (De Romanis 1982-1987, p. 166). Selon Pline (H.N. XXXVII, 76), ces pierres provenaient aussi du voisinage du Pont-Euxin, il s’agit plus précisément de l’Oural qui est riche en minéraux et pierres précieuses. La valeur de cette pierre dépendait de la taille par l’artisan, si possible elle devait être hexagonale, et il distingue plusieurs variétés plus ou moins appréciées suivant leur couleur : la plus estimée était l’aigue-marine que nous connaissons. Les autres variétés indiquées par l’auteur n’étaient pas toutes de vrais béryls. Viennent alors, au même niveau que les béryls, les opales dont le prestige vient de leurs couleurs variées et leurs reflets irisés (H.N. XXXVII, 80). La variété la plus prisée provenait d’Inde, il y eut effectivement des mines d’opales au Cachemire. Des opales de qualité inférieure (à cause de leur moindre éclat et de l’absence de nuance du vert et d’une altération plus rapide) se rencontraient en Thrace, en Asie Mineure et en Égypte (H.N. XXXVII, 84 et 130). Pline (H.N. XXXVII, 86) place ensuite les sardoines d’Inde et d’Arabie, parfois confondues avec des cornalines. La sardoine d’Inde fait partie des symboles de richesse chez Martial (Epigr : IV, 28, 4). L’onyx est la dernière des pierres qualifiées de lauditissimae (Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 54), mais il correspond tantôt à l’albâtre, tantôt à la calcédoine ou même à certaines variétés de sardoine. L’auteur insiste sur les nuances d’onyx, suivant l’aspect flamboyant, noir ou veiné ; le plus apprécié vient d’Inde et d’Arabie (Pline l’Ancien, H.N.VII, 90-91).
146L’échelle de luxe dans les pierres précieuses dépend donc de leur lieu de provenance, de leur couleur et de leur éclat. Les sources juridiques considèrent les pierres translucides comme plus précieuses que les pierres opaques262. Pline fournit les noms de fameux artistes grecs ou gréco-romains spécialisés dans le travail des pierres précieuses263. Les collectionneurs devaient rechercher les pierres taillées par ces artistes de renom. Les sources littéraires mentionnent aussi le goût pour les pierres précieuses anciennes : Cléopâtre possédait des perles fines anciennes, Lollia Paulina des bijoux anciens et Bibula un diamant célèbre ayant appartenu à Bérénice qui le tenait de son frère Agrippa (Juvénal, Sat. VI, 153-155). Mais Pline ne fournit aucun renseignement sur les centres de production de tels objets ni sur l’organisation artisanale d’une telle production.
147Selon Macrobe264 les pierres précieuses avaient atteint un prix très élevé et selon Pline l’Ancien, leurs prix n’ont cessé d’augmenter, tandis que l’or s’avilissait265 L’afflux d’or et d’argent266, à la suite des conquêtes ou de la prise de Jérusalem, causa une inflation qui a pu se répercuter sur le prix des pierres précieuses (mais aussi des vases murrhins comme le dit Pline). Mais elle a dû se traduire par une augmentation de la valeur des biens et donc de la richesse des propriétaires. Par conséquent, le prix des pierres précieuses a augmenté proportionnellement à la richesse des particuliers. Pline ne s’intéresse pas à de tels mécanismes économiques mais s’attache à décrire la montée du luxe ; or, comment mieux la démontrer qu’en soulignant l’augmentation de la valeur de certains objets de luxe ? Les sources littéraires témoignent également de l’importance du faste que représentaient les pierres précieuses pour les nobiles267.
148La rareté des découvertes de pierres précieuses dans la Rome républicaine s’explique peut-être par la promulgation de lois contre l’abus des bijoux (Reggiani Massanari 1992 p. 87). Les bijoux découverts dans les sépultures républicaines tardives sont de moindre valeur. De même, la rareté de telles découvertes, isolées ou dans les corridors funèbres, est générale dans l’ensemble de la vallée du Pô268. Une des raisons de ce phénomène peut être un rituel funéraire différent, l’abandon de la coutume de déposer des objets précieux dans les tombes ou une moindre tendance à la thésaurisation par l’acquisition de bijoux, due à la tranquillité politique de la Cisalpine du milieu du Ier siècle à la fin du IIème siècle après J.-C. (Sena Chiesa 1965, p. 390). Les découvertes de gemmes dans la péninsule italienne sont en fait peu nombreuses (Sena Chiesa 1978, p. 23).
149De même nous n’avons le plus souvent plus aucune mention du lieu de découverte exact des gemmes et bijoux provenant de Pompéi269. Concernant Herculanum, il est frappant de constater le nombre peu élevé de découvertes de bijoux, y compris celles du XVIIIeme siècle. Le centre urbain n’a d’ailleurs non plus restitué aucun squelette, et des fouilles récentes ont révélé que les habitants ont fui vers la plage, où l’on a retrouvé un grand nombre de squelettes portant avec eux leur fortune, c’est-à-dire leurs bijoux et leur pécule en monnaie. Ainsi sur 139 squelettes exhumés entre 1981 et 1985, dans la zone suburbaine d’Herculanum, 27 seulement portaient sur eux, ou avaient à côté d’eux, des bijoux (Scatozza Hôricht 1989, p. 97). Ce pourcentage paraît très bas et est, peut-être, à mettre en rapport avec l’âge ou le sexe des individus. On peut considérer que les enfants ne portaient pas de bijoux (ce qui n’est pas évident, car nous avons l’exemple du squelette n°89 attribué à une petite fille de deux ans et demi, qui portait des boucles d’oreille en or et perles). Certains individus, étant des hommes, ne portaient pas de bijoux, à l’exception d’anneaux pour ceux qui étaient de naissance libre. On peut aussi penser que certains individus ont préféré fuir rapidement sans prendre le temps d’emporter avec eux leurs biens les plus précieux, ou que ceux qui sont restés sur la plage sont les plus pauvres, n’ayant pu embarquer sur un bateau. Il faut conclure effectivement qu’une grande partie de ces individus ne possédaient probablement aucun bien à emporter parce qu’ils étaient trop pauvres : Romains libres de niveau social très modeste ou esclaves de basse condition ? Par conséquent, ces découvertes ne peuvent réellement nous aider dans notre recherche, puisqu’elles sont isolées et sorties de leur contexte édilitaire, et ce d’autant plus que les possesseurs de ces bijoux restent anonymes. Peut-être que prochainement les analyses anthropologiques, combinées avec l’étude des monnaies retrouvées sur les squelettes, autoriseront des conclusions sur des aspects socio-économiques importants.
150La villa (B) d’Oplontis a livré des bijoux au cours des fouilles de 1984. Cette villa, dite de L. Crassus Tertius, à la fois résidentielle et rustique, daterait du IIème siècle avant J.-C. (D’Ambrosio 1987, p. 30). La pièce (15), dans une situation évidente d’effondrement de l’étage supérieur, a rapporté, entre autres270 deux anneaux en or, l’un avec émeraude et l’autre avec un grenat271. Cependant, dans la pièce (10) qui a servi de refuge aux habitants de la villa ou à des fugitifs cherchant à gagner la mer, dans une bourse de cuir étaient enfermés une paire de boucles d’oreille en or et quartz272 et un pendentif en or, en forme de croissant lunaire avec dix-huit émeraudes273. Près du squelette no 27 a été trouvé un autre collier en or et émeraudes, provenant de mines égyptiennes274. Deux bracelets tubulaires en or, dans chacun desquels est enchâssée une émeraude de forme quadrangulaire ou ovoïdale, ont été découverts aux bras du squelette n°14275, ainsi que trois anneaux en or, avec une calcédoine plasma276, et un collier en or et émeraudes277. Le contexte de ces découvertes n’autorise pas de conclusions sur le caractère luxueux ou non de tel ou tel bijou car ils sont la propriété de fugitifs dont on ignore la condition sociale. Nous en sommes réduite à signaler le grand nombre de bijoux découverts auprès des squelettes no 14 et no 27, on a proposé de reconnaître dans ce dernier le propriétaire de la villa parce qu’il portait avec lui de l’argenterie. La plupart des pièces de cette villa ne sont pas enduites ou sont simplement revêtues d’un enduit blanc, et présentent un sol nu, en terre battue. Mais l’étage supérieur, qui s’est effondré, était entièrement destiné à servir de résidence au dominus. Dans la zone de la villa n°2 à Terzigno, cava Ranieri, ont été découverts en 1984, dans une pièce ouvrant sur le péristyle, les squelettes de cinq personnes, dont une femme sans doute assez jeune qui portait un collier composé de 38 prismes d’émeraude reliés entre eux par de petits anneaux en or278. Malheureusement, aucun élément ne peut, nous l’avons déjà vu plus haut, nous révéler le niveau de richesse de cette villa en réfection au moment de l’éruption279.
151Par contre, à Scafati, dans les années 1890, ont été découverts les restes d’un complexe thermal appartenant à une villa résidentielle (Conticello De Spagnolis 1991-1992, p. 82). Or, en 1905, près de ce site fut dégagé le squelette d’une femme portant de nombreux bijoux280. Elle devait faire partie de la riche famille habitant la villa et portait un collier en or avec des perles fines et des émeraudes, deux bracelets en or avec émeraudes, deux anneaux en or avec émeraudes, et deux boucles d’oreille en perles fines281. Cette villa possédait un décor luxueux dans la partie thermale282 et sans doute dans d’autres secteurs résidentiels.
152Nous devons de nouveau nous référer au trésor exceptionnel des Horti Lamiani composé de 441 gemmes. Elles ornaient sans doute un trône ou un revêtement pariétal en bois : la plupart sont enchâssées dans des lames de bronze doré (cf. fig. 98)283. Les plus nombreuses sont les peridots de couleur vert clair (au nombre de 103), puis 75 améthystes, 53 grenats, 47 lapis-lazuli, 36 quartz micro-cristallins verts, 32 calcédoines qui présentent des nuances allant du bleu azur au marron clair, 21 cristaux de roche dont nous avons déjà parlé, 20 cornalines, 14 gemmes en pâte de verre, 6 agate-onyx, 2 saphirs, 2 quartz citrines, 1 béryl vert, 1 quartz aventurin, 1 aigue-marine, une pierre non identifiable, 3 cornalines incisées (deux de grandes dimensions et une plus réduite), 2 plaques de cristal de roche déjà mentionnées, et enfin 2 petites feuilles de quartz microcristallin vert. Les autres gemmes et camées, mentionnés dans les rapports de fouilles, n’ont pas été localisés284. Or, la quantité de sertissages retrouvés au moment des fouilles suggère que le nombre total de gemmes s’élevait au moins au double de ce qui nous est parvenu.
153Les deux saphirs sont de dimensions plutôt réduites, de forme ovale et taillés en cabochon285, les analyses ont révélé qu’ils devaient provenir de Ceylan. La description du saphir chez Pline correspond plutôt au lapis-lazuli, c’est-à-dire que les Romains pouvaient confondre ces deux pierres ; le trésor des Horti Lamiani comprend d’ailleurs 47 lapis-lazuli, dont les analyses ont montré qu’ils venaient aussi de fort loin, d’Afghanistan (Martini 1986, p. 150). Les deux béryls sont un béryl vert et une aigue-marine, provenant probablement des mines égyptiennes, alors que Pline mentionne l’Inde ou l’Oural comme origine (Martini 1986, p. 146). Ce même auteur (H.N. XXXVII, 76) les mentionne parmi les pierres les plus estimées. Les péridots de dimensions et de tailles diverses proviennent sans doute de l’île de Zabargad sur la Mer Rouge. Les grenats, presque tous de forme ovale, proviennent sans doute de Bohême (Martini 1986, p. 147-148). En revanche, aucun élément n’a permis d’identifier l’origine géographique des quartzs. Les quartzs citrins et aventurin proviendraient de l’Oural. Nous avons dit que les quartzs pouvaient être pris pour des diamants à l’époque de Pline (H.N. XXXVII, 55). Les calcédoines, parmi lesquelles il faut également ranger les cornalines, les agates et les onyx, sont de dimensions variables (8 mm de long pour les plus petits : Martini 1986, p. 150). Leur origine géographique est difficile à déterminer : des gisements sont attestés en Sicile, en Germanie, en Inde et dans les zones désertiques du Moyen-Orient. Les agates et les calcédoines étaient parfois prises pour des onyx par Pline (H.N. XXXVII, 90-91), les cornalines pour des sardoines (H.N. XXXVII, 86) et elles provenaient selon lui d’Inde et d'Arabie. Toutes ces pierres étaient donc rangées par l’auteur parmi les plus estimées à son époque.
154Nous avons établi un tableau répertoriant tous les bijoux avec pierre découverts dans des contextes bien définis (cf. fig. 99). Nous constatons tout d’abord que, concernant les luxueuses demeures d’Herculanum, seule la Casa dell’Atrio a mosaico a révélé un anneau en or avec émeraude (Beretta, Di Pasquale 2006, p. 338, no 4.75). Ces maisons avaient déjà été peut-être évacuées au moment de l’éruption, les propriétaires étant partis passer l’été dans leur villa (Scatozza Hôricht 1989, p. 99). De plus, nous remarquons qu’à notre connaissance aucun saphir n’a jamais été mis au jour dans les maisons de Pompéi ou d’Herculanum, ni aucun lapis-lazuli286. Tandis que la cornaline est la pierre qui se rencontre le plus fréquemment dans nos maisons, que ces dernières soient “pauvres” comme la Casa a graticcio à Herculanum, ou luxueuses comme la Casa del Citarista à Pompéi, par exemple. Elles ne semblent pas avoir été découvertes en plus grande quantité dans les maisons les plus luxueuses, d’après les données dont nous disposons. Elles ornent des anneaux en or mais aussi en argent et en fer. À l’opposé les bijoux avec émeraudes, essentiellement des colliers, ne semblent avoir été découverts jusqu’à présent que dans des maisons riches ou “luxueuses”, de même que les bijoux avec grenats, agates, onyx. Nous soulignons également la grande quantité d’anneaux trouvés dans les demeures les plus aisées telle la Casa del Menandro, avec ses onze exemplaires avec cornaline ou émeraude, ou la Casa del Citarista (I, 4, 5-25), avec six exemplaires avec onyx ou cornaline. La prédominance de la cornaline peut s’expliquer par le fait que cette pierre, contrairement aux autres, provenait d’une région peu éloignée, les Alpes. Elle était d’un moindre coût et sa taille est plus facile que les autres pierres287. À partir de la conquête du Norique par Auguste, la cornaline devint la pierre la plus utilisée dans les ateliers d’Aquilée d’époque impériale288. À l’exception de la cornaline, la majorité des pierres précieuses et semi-précieuses provenait d’Orient : pour le diamant, les émeraudes et le diaspre, de l’Égypte ; pour les sardoines, les hématites et les topazes, d’Arabie ; pour les nicolos, les améthystes, les béryls et les opales, d’Inde. Ces pierres précieuses arrivaient en Italie dans les deux grands ports où affluaient les produits de luxe provenant de Méditerranée orientale : Aquilée et Ostie. Il va de soi que le coût du transport ne devait pas influer beaucoup sur le prix de vente de la gemme en Italie (Sena Chiesa 1978, p. 25).
155Aquilée était probablement un centre de production important de pierres précieuses travaillées, d’après notamment le grand nombre de gemmes qui y ont été retrouvées par rapport à d’autres régions italiennes ou provinciales. L’implantation exacte d’ateliers n’a pas été encore précisée par une concentration de matériel à un endroit donné. Mais les découvertes occasionnelles de blocs de minéraux semi-précieux en attente d’être travaillés et de groupes de pierres déjà façonnées en forme d’amande ou de disque, avec des faces convexes ou planes destinées à être enchâssées, sont suffisamment fréquentes pour indiquer l’activité d’ateliers de gemmarii ou sigillarii. On pourrait pencher également pour l’existence d’ateliers de gemmarii à Rome, des boutiques vendant des pierres gravées et des intailles, situées sur la Via Sacra, sont attestées par de nombreuses inscriptions289.
156Nous devons signaler également l’existence d’ateliers de gemmarii à Pompéi : en effet, dans l'atrium de la maison (II, 9, 2), les restes de deux coffrets en bois contenaient des gemmes et des outils de travail (Sodo 1992, p. 89). Cette maison s’ouvrait sur le cardo Nucerinus, dans la partie sud-orientale de la cité, dans un contexte d’établissements commerciaux et d’habitations modestes. Les deux coffrets en bois, mesurant environ 70 cm par 50, étaient adossés à la paroi nord de l’atrium et contenaient différentes pierres dures et gemmes à des stades différents de façonnage et un étau utilisé pour maintenir la pierre au cours de l’incision290. De même, dans l’oecus de la Casa di Pinarius Cerialis (III, 4, 4), 114 gemmes291, en même temps que plusieurs outils de travail, témoignent du métier du propriétaire, probablement un gemmarius. Ces deux ateliers de Pompéi confirment ainsi l’existence d’ateliers locaux ayant recours aux matières premières importées d’Orient. Herculanum possédait également une boutique de gemmarii située dans l’Insula Orientalis (II, 10), comme l’atteste le nombre considérable de gemmes et de pendentifs (dont certains étaient conservés dans un coffret en bois) découvert dans différentes salles, mais surtout dans l’arrière-boutique, ainsi que plusieurs instruments en bronze. Un camée en pâte de verre figurant un buste masculin, certainement un prince hellénistique, semble avoir été créé directement à partir d'une matrice importée (MANN 155881, Guzzo (dir.) 2004, p. 57).
157Nous devons ajouter que l’imitation des pierres précieuses par le verre est un problème extrêmement intéressant pour notre recherche, et ce à plusieurs égards. C’est à partir du Ier siècle avant J.-C. que la pâte de verre est utilisée pour imiter les pierres dures. En premier lieu, son prix est inférieur à celui des gemmes. Ensuite, c’est surtout en raison du caractère mécanique du procédé de fabrication, qui permet d’obtenir rapidement plusieurs exemplaires à partir d'un même moule, que le prix devait s’avérer relativement bas par rapport au matériau imité. Le corps d’un fugitif, retrouvé dans le triclinium de la Casa di Oppius Gratus (IX, 6, 5), portait sur lui deux bracelets, en bronze, à hémisphères (MANN 118270-118271, cf. Guzzo (dir.) 2004, fig. 2 p. 118). Un large chaton elliptique insérant une pâte de verre convexe de couleur verdâtre constitue leur fermoir. Des traces de dorure semblent indiquer que ces bracelets étaient destinés à paraître plus précieux qu’ils ne l’étaient ; les pâtes de verre imitaient certainement des émeraudes. Les effets chromatiques, que la pâte de verre permettait d’obtenir, donnaient paradoxalement à cette industrie une valeur dépassant celle d’imitations à prix modique d’objets coûteux, et parvenant à un résultat original292. La pâte de verre permettait également d’obtenir à bas prix des copies d’originaux célèbres de la glyptique (Pannuti 1989, p. 91).
158Les perles fines sont des gemmae pour Pline l’Ancien, elles occupent d’ailleurs la seconde place de son palmarès.
5. Perles fines
159La loi somptuaire promulguée par César lors de sa censure en 46 avant J.-C., interdisait le port des perles fines, sauf à quelques personnes et durant certains jours293. Cléopâtre dilua dans du vinaigre deux perles fines, atteignant le prix de dix millions de sesterces, leur grosseur extraordinaire devait fortement augmenter leur valeur, outre le fait qu’elles avaient appartenu à des rois orientaux. Mais d’autres sources indiquent des prix aussi extravagants : ainsi, César acheta une perle, offerte par la suite à Servilia, six millions de sesterces (Suétone, Caes. L). Celle de Metala valait un million de sesterces. Sénèque (De Ben. VII, 9, 3-4) mentionne le fait que des boucles d’oreille valaient l'équivalent de deux ou trois patrimoines (patrimonia). De même, Pline l’Ancien évoque à plusieurs reprises les perles fines comme un luxe294.
160Les sources littéraires, dont Pline l’Ancien (H.N. IX, 106) et le Périple de la Mer Erythrée (XXXV et XXXVI), témoignent que les perles fines provenaient d’Orient, surtout d’Inde et d’Arabie, régions où l’on pêchait les huîtres perlières. Selon le Périple de la Mer Erythrée, l’Inde méridionale est la plus grande productrice et la qualité des perles indiennes est la meilleure295. Le jugement de Pline (H.N. IX, 106 et 113) diffère mais il considère que les perles indiennes sont les plus grosses. Des zones de pêche, les perles confluaient vers les ports arabes et indiens, et étaient exportées par le flux commercial régulier (Périple de la Mer Erythrée, XXXVI). La prise d'Alexandrie a favorisé bien sûr ce type de commerce, l’Égypte ptolémaïque entretenait déjà des rapports commerciaux réguliers avec l'Inde. Le tarif d’Alexandrie (Dig. Just. 39, 4, 16(7)) énumère les perles (margaritae) parmi les species pertinentes ad vectigal in Aegypto, preuve ultérieure de l’importation des perles fines de l’Orient. Sous l’Empire, l’État a nettement cherché à contrôler la production et le commerce des biens de luxe et par exemple des perles, dans les provinces orientales.
161Pline relate un fait très surprenant296 : certaines femmes pauperes (adjectif qui sous-entend une pauvreté sans dénuement : des femmes de condition modeste) possèdent des perles et en parent abondamment leurs chaussures. Ce passage peut surprendre par comparaison avec le luxe que semblaient précédemment représenter ces perles. Comment résoudre cette apparente contradiction ? Un autre passage de Pline nous a suggéré une explication297 dont nous croyons pouvoir tirer les éléments suivants :
Pline s’accorde avec Fenestella pour décrire comme fréquent et commun l’usage des perles viles, à partir de la conquête d’Alexandrie (30 avant J.-C.) ;
ceci implique naturellement que de telles perles existaient, et aucune controverse n’oppose Pline et Fenestella à ce sujet ;
en revanche, il diverge d’avec Fenestella sur la date d’apparition de ces perles : Fenestella semble avoir vu dans les uniones des perles viles, alors que, d’après Aelius Stilon, il s’agissait en fait de vraies perles fines. La première utilisation du mot unio daterait, suivant les deux sources, d’environ 100 avant J.-C.
162Ce passage expliquerait donc bien comment les femmes pauperes pouvaient arborer de nombreuses perles sur leurs chaussures : ce sont en réalité des perles plus petites et certainement beaucoup moins chères que les uniones ou margaritae. Pline298 mentionne ainsi l’existence d’une qualité différente de perle, provenant d’un coquillage, appelé pina, typique de l’Acarnanie, dont les caractéristiques ne correspondent pas à celles de la margarita, la véritable perle fine, rare et précieuse produite par l’huître perlière. Ainsi les perles, représentées sur les portraits du Fayoum ou sur ceux de Pompéi et d’Herculanum, sont, le plus fréquemment, petites, irrégulières, et non lisses et semblent l’opposé des margaritae souvent destinées à être portées en solitaires. Les femmes dont parle Pline devaient donc recourir à ces perles de second choix.
163Le Musée Archéologique National de Naples conserve quelques exemples de bijoux provenant de la région du Vésuve mais sortis de leur contexte de découverte qui pourrait nous aider à déterminer la valeur des perles fines au Ier siècle après J.-C.299.
164À Pompéi, dans le viridarium des Praedia di Iulia Félix (II, 4, 1-12), un coffret renfermait différents bijoux en or dont un collier composé de légers fils d’or de 9 gr, sur lequel étaient enfilées dix perles et un fermoir rectangulaire en émeraude brute300 Ces praedia peuvent être considérées comme une riche demeure présentant un décor luxueux. Dans le péristyle de la Casa del Citarista (I, 4, 5-25), a été découvert un anneau contenant une gemme, qui pourrait bien être une perle fine brûlée301 Nous ne sommes donc pas certaine de cette découverte ; cette maison présente un décor luxueux. Une boucle d’oreille en or formée d’un bouton et d’un petit ruban horizontal, auquel pendaient deux petites perles fines a été retrouvée dans la Casa del Fauno (VI, 12, 2), riche maison conservant des décors luxueux, nous l’avons déjà vu (NSA, 1896 p. 474). La Casa (I, 15, 4) a livré une paire de boucles d’oreille en forme de panier composé de petites perles302. Des exemplaires semblables, datés du Ier siècle avant J.-C. ou du Ier siècle après J.-C., proviennent de la Casa del Menandro303. Le trésor d’argenterie de cette maison atteste de la grande richesse de son propriétaire. Or, ses boucles seraient composées de perles de rivière (Coarelli (dir.) 2002, p. 118). Des valves d’anodonte (Anadonta cygnea), provenant du Sarno, ont ainsi été retrouvées dans la Casa (I, 8, 14)304 Ce coquillage produisait des perles qui, bien qu’irrégulières, étaient fort recherchées. Une paire de boucles d’oreille avec perles fines aurait également été mise au jour dans la Casa del Sacello Iliaco (I, 6, 4)305. D’autres bijoux avec gemmes, découverts dans cette maison, sont le signe d’une certaine aisance confirmée par les dimensions et la décoration de celle-ci. En revanche, l'atrium de la maison (I, 10, 7) a révélé, de même qu’une chaîne en or, une paire de boucles d’oreille en or composées d’un disque duquel pendent deux perles fines306. Il convient de signaler que cette maison, ne possédant aucun décor luxueux, semble de niveau moyen. Les perles fines ne semblent pas parfaitement rondes.
165À Scafati, dans les années 1890, ont été découverts les restes d’un complexe thermal décoré luxueusement qui devait appartenir à une villa résidentielle. Et près de ces restes archéologiques lut dégagé le squelette d’une femme portant de nombreux bijoux, dont deux boucles d’oreille en perles fines307. Cette jeune femme devait faire partie d’une riche famille habitant la villa. Dans la villa (B) d'Oplontis, attribuée à L. Crassius Tertius, a été trouvée, près du squelette (27), une paire de boucles d’oreille en or et perles fines308, qui doivent être les crotalia que Pline critique. D’après les photographies que nous en avons309, ces perles semblent être de forme assez irrégulière, d’une imparfaite rondeur. Quant à ce squelette, on a proposé d’y reconnaître le propriétaire de la villa qui portait avec lui de l'argenterie, des bijoux et des pièces de monnaie pour une somme totale de dix mille sesterces, somme qui compte, dans l’absolu, parmi les plus élevées de toutes celles découvertes dans l’aire vésuvienne (Guzzo (dir.) 2004, p. 78). Cette même villa a également restitué, dans la pièce (10) dans une bourse en cuir, un anneau perlé en or, sur lequel est enfilé une perle fine parfaitement sphérique, ce qui peut faire penser qu’elle devait avoir une grande valeur310.
166Dans la zone des Thermes Suburbains d’Herculanum, au niveau de la quatrième arcade, le squelette (no 89) d’une petite fille de deux ans et demi portait une paire de boucles d’oreille en or, à chacune desquelles pend un fil en or sur lequel est enfilée une perle fine. Une seule des deux est conservée : elle est petite, de couleur blanche mais irrégulière et légère311 ; elle serait du type appelé pinaria. Nous ignorons à quelle catégorie sociale appartenait cette petite fille mais il semblerait curieux qu’une enfant porte des boucles d’oreille de très grande valeur.
167Nous avons signalé plus haut que la perle fine brûlée de la Casa del Citarista (I, 4, 5-25) mesure 17 mm de diamètre (Elia 1938, p. 98), celles de la paire de boucles d’oreille312 de la villa (B) d’Oplontis, 10,5 à 11 mm de diamètre, et celle de l’anneau perlé en or313, 6,3 mm de diamètre. Nous remarquons donc que le diamètre de ces perles fines varie du simple au triple presque. Or, certaines de ces perles fines pourraient être des perles de fleuve, comme celles composant les boucles d’oreille de la Casa del Menandro, du type appelé pinaria, mentionné par Pline (H.N. IX, 115) et les documents égyptiens d’époque romaine. Nous constatons la découverte en Égypte de boucles d’oreille en or présentant des perles fines sans doute de ce type car elles sont petites et irrégulières : par exemple, une boucle d’oreille, datant du IIeme siècle après J.-C., est constituée d’un fil d’or en forme de S sur lequel sont enfilées neuf petites perles de forme irrégulière et de grosseur différente, la plus grosse atteint un diamètre de 4 mm314.
168Par conséquent, toutes ces perles découvertes à Pompéi ou Oplontis sont d’un diamètre supérieur à celles trouvées en Égypte, ce qui atteste de l’existence de qualités différentes provenant de coquillages divers et correspondant sans doute à une valeur marchande variable. Malheureusement, étant donné que nous ne connaissons pas le diamètre d’une grande majorité des perles découvertes en Campanie, nous ne pouvons affirmer de quelle variété il s’agit. Une étude fort instructive reste à réaliser dans ce domaine. Les véritables perles fines, produites par les huîtres, arrivaient d’Orient, de la mer Rouge et de l’Océan Indien, au port d’Aquilée : une inscription d’un negotiator margaritarius ab Roma peut être interprétée comme appartenant à un commerçant qui s’était rendu de Rome à Aquilée pour acheter des perles fines (Sena Chiesa 1966, p. 69). Ces perles devinrent d’un usage plus fréquent après la conquête d’Alexandrie (Scatozza Hôricht 1992, p. 64). L’emploi de perles plus petites, certainement d’origine fluviale, dans des bijoux simples confirme le témoignage de Pline sur la grande diffusion de perles auprès des Romaines, même modestes. Précisons cependant que les margaritae ne devaient pas être communes et de peu de valeur.
169L’écaille de tortue est une matière précieuse quelque peu citée par les textes, elle devait constituer un type de revêtement exceptionnel qui n’apparut à Rome qu’à la fin de la République.
IV Matières d’origine animale
1. Ecaille de tortue
170Cette matière est considérée comme luxueuse par les auteurs315. Chez Lucain, le palais de Cléopâtre possède des portes incrustées d’écailles de tortues et d’émeraudes : Et suffixa manu foribus testudinis Indae / Terga cedant, crebro maculas distincta smaragdo316. Si l’on en croit Pline l’Ancien, l’utilisation de l’écaille de tortue, découpée en lames, serait l’invention d’un chevalier de l’époque de Sylla317. Ces écailles provenaient de tortues de terre de la Libye, ou de tortue de mer de Phénicie, mais les plus prisées, selon l’auteur, étaient celles de la mer Rouge et de la mer des Indes318. Les tortues de l’Océan Indien, Chelonia imbricata, sont encore aujourd’hui les plus convoitées. Ce commerce, qui s’effectuait par voie maritime, augmenta fortement après la découverte d’Hippalos, comme en témoignent les références littéraires de l’époque de Néron. Le Périple de la Mer Erythrée rapporte que ces tortues étaient importées de la Péninsule de Chryse par Muziris et Nelcynda (Warmington 1974, p. 167). Elles étaient employées à la décoration des lits et des meubles de salle à manger319. Nous remarquons donc que les portes du palais de Cléopâtre sont incrustées de la plus noble des écailles. Pline (H.N. XXXVII, 65 et 69) rapporte que la plus réputée est celle qui provient de Scythie, mais celle d’Égypte, ornant les portes du Palais de Cléopâtre, est également très estimée.
171Or, les peintures des murs est et ouest du cubiculum (M) de la Villa de Publius Fannius Synistor à Boscoreale, conservées au Metropolitan Muséum de New-York, montrent deux portes d’entrée d’un palais imaginaire : des nuances traitées en marron foncé et clair sur les panneaux inférieurs des deux battants et les pilastres, constituant les jambages, imitent peut-être des incrustations d’écailles de tortue (Anderson 1987, p. 21). Une peinture, conservée dans ce même musée, et provenant de la pièce (F) de cette même villa, présente également un pilastre incrusté de la même manière320. De même, la peinture du triclinium (G) de cette même villa, conservée au Musée Archéologique de Naples (sans numéro d’inventaire), représente l’entrée d’un édifice à portiques : au centre, une porte blanche est incrustée d’une matière similaire. Nous pouvons songer à des marqueteries de bois précieux, tel que le thuya, bois très recherché que les Romains faisaient venir de Maurétanie. Pline (H.N. XIV, 233) rapporte d’ailleurs que l’on imitait ce bois avec de l’écaille de tortue. Nous devons noter que les peintures de la pièce (16) et du mur nord de la pièce (6) de la Villa des Mystères représentent ce même type de porte incrustée de thuya ou d’écailles de tortue.
2. Ivoire321
172Dans la description du Palais de Cléopâtre, l’ivoire apparaît également comme un élément du décor précieux : Ebur atria vestit...322. Le pluriel atria évoque les salles d’entrée dans la demeure des dieux ou le portique d’un temple. Ebur semble évoquer la massivité ou en tout cas l’état brut, non sculpté de cet ivoire. Dès le IIème siècle avant J.-C., l’ivoire suscite des polémiques : dans le discours de Caton, les meubles d’ivoire dans les villas sont fortement répréhensibles323 La condamnation du luxe que représente l’ivoire, mise sur le marché par Carthage, est naturellement liée à la polémique anti-carthaginoise. Son utilisation se développe à la suite des conquêtes romaines en Asie et en Afrique, par le biais des contacts avec le monde grec. Dès la fin du Ier siècle avant J.-C., les demeures et les tombes hellénistiques fascinent les riches Romains qui sont fortement demandeurs d’objets en ivoire. Des statues originales chryséléphantines sont importées de Grèce telle que celle d'Athèna Parthénos sculptée par Phidias (Pausanias, VIII, 46, 4) ; d’autres statues en ivoire sont réalisées pour des occasions particulières telle que la statue de César portée en procession lors de jeux de cirque (Dion Cassius, LXIII, 45, 2-4 ; Bonacasa Carra 2000, p. 353). L’ivoire provenait aussi bien d’Afrique que d’Inde, mais dans des proportions variables suivant les époques : la première provenance semble avoir prédominé sous la République et à l’extrême fin de l’Antiquité, la seconde du début de l’Empire au IVème siècle au moins, le Ier siècle ayant vu, avec notamment la connaissance de plus en plus approfondie des moussons dans la navigation, l’intensification du commerce entre la Méditerannée et l’Inde. Le Périple de la Mer Érythrée donne une description des régions où Rome se procurait l’ivoire ainsi que l’or et les cornes de rhinocéros, et plus que l’Inde distingue l'Afrique orientale, où les Romains entretiennent des relations avec le royaume de Méroé, au Sud jusqu’à la hauteur de l’île de Zanzibar. Toujours concernant l’Afrique, l’ivoire semble encore provenir des montagnes de l’Atlas à l’époque de Pline qui considère l’ivoire comme une matière luxueuse324 faisant partie du décor des demeures royales de l’époque d’Homère325. Chez Sénèque également, l’ivoire est une matière luxueuse326 ornant les étagères des bibliothèques327. La Domus Aurea, d’après Suétone, possédait des Cenationes laqueatae tabulis eburneis versatilibus328. Les plaques d’ivoire pivotaient et permettaient une mise en scène lors des banquets (aspersion de parfum et de fleurs) ; elles composaient certainement un décor démontable.
173Cicéron décrit ainsi les battants de porte du temple de Minerve à Syracuse :...valvas magnificentiores, ex auro atque ebore perfectiores, nullas umquam templo fuisse.329. Il est également question de bullae aureae, « de têtes de clous en or » nombreux et lourds, que Verrès dérobe. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un décor démontable. La même association de l’or et de l’ivoire se retrouve chez Horace : Non ebur neque aurum/mea renidet in domo lacunar330. S'il est clair que l’or apparaissait sur les caissons, ces quelques vers ne permettent pas de comprendre l’utilisation de l’ivoire dans ce type de décor : des plaques d’ivoire recouvraientelles les parois, tandis que l’or illuminait le plafond, ou bien recouvraient-elles les poutres du plafond et l’or les caissons formés par elles, ou encore des reliefs en ivoire rehaussaient-ils les caissons d’or ? Horace s’adressait certainement à des lecteurs qui connaissaient visuellement ce type de décor, et ces matériaux sont cités afin de stigmatiser une forme de luxe ostentatoire plutôt que pour décrire une réalité décorative. Le festin organisé par Tigellin pour Néron331, à Rome, se déroule sur des naves auro et ebore distinctae, « des vaisseaux réhaussés d’or et d’ivoire » qui naviguent sur l’étang aménagé par Agrippa au Champ de Mars. L’adjectif distinctus (participe passé de distinguo), « orné, nuancé », vient de tingere, « teindre », et signifie donc littéralement « qui n’est pas teint entièrement ». Ce terme évoque donc un décor parsemé plutôt que des dorures parsemées d’éléments d’ivoire, nous pouvons nous représenter des reliefs en or et en ivoire ou encore des plaques ou reliefs d’ivoire enchâssés dans de l’or. Dans le Satiricon, un passage semble faire référence à un tel décor mural (puisque l’auteur décrit ensuite le pavement de marbre) : Non Indum fulgebat ebur, quod inhaeserat auro...332. Il convient de noter que c’est « parce qu’il est enchâssé dans de l’or » que l’ivoire brille, les reliefs ou plaques d’ivoire sont mises en valeur par leur cadre d’or.
174Chez Martial, les pieds de table en ivoire font partie des richesses333. Ces tables ont un plateau en bois précieux : en citrus, c’est-à-dire en thuya articulé334. Pline fournit quelques ordres de prix pour ces tables en thuya335 : Cicéron posséda une table d’une valeur de 500 000 sesterces. L’autre exemple de prix exorbitant (1 million de sesterces) payé pour une telle table concerne un personnage de l’époque d’Auguste, C. Asinius Gallus336, fils de C. Asinius Pollion, célèbre orateur. Les prix vont en augmentant pour des tables ayant appartenu au roi Juba II, roi de Maurétanie et celle appartenant à la vieille famille des Cethegi, dont le plus connu est le sénateur C. Cornélius Cethegus, complice de Catilina, condamné à mort en 63 avant J.-C. Pline ne manque pas de souligner que cette table a brûlé dans un incendie pour illustrer la folie du luxe qui entraîne à acheter des objets très chers qui peuvent disparaître si facilement. Gaspillage d’autant plus incroyable que le prix d’une telle table correspond à la valeur d’un grand domaine, cette remarque est liée à la tradition romaine qui considère la terre comme le bien par excellence pour les membres de la nobilitas337. Pline (H.N. XIII, 95) cite des exemples de table extraordinaires en raison de leur taille : celle du fils et successeur de Juba II mesurait 1,332 m de diamètre et 7,4 cm d’épaisseur. Son plateau rond était composé de deux parties si exactement jointes que la nature n'aurait pu mieux faire. Ceci signifie également qu’il était impossible de se procurer un tronc ou une racine d'un tel diamètre. Les deux parties en demi-cercle ont peut-être été ainsi taillées verticalement dans le tronc et ouvertes, comme on le faisait pour les plaques de marbre, afin de former un motif en miroir. La taille de la table entre donc dans l’estimation de son prix338 ainsi que l’esthétique du bois : Pline cite les différentes teintes que l’on pouvait obtenir des coupes et des broussins339. Les loupes veinées de la racine fournissaient les plus beaux bois selon Martial (Epigr. XIV, 90, 1) et Pline (H.N. XIII, 95). On utilisait également les excroissances du tronc et des rameaux, mais celles des racines devaient être les plus recherchées et les plus chères340. Ce bois venait de Maurétanie341, il était en voie de disparition à l'époque de Pline. Si cette information est exacte, une telle rareté devait faire augmenter considérablement le prix des tables. C’est peut-être pour cette raison également que l’on imitait ce bois avec de l’écaille de tortue, selon Pline (H.N. XIV, 233), sans doute plus abondante. Or, des objets en bois exotique tel que le thuya d’Afrique (Tetraclinis articulata Mast.) ont été retrouvés à Pompéi (Fioravanti et Caramiello 2001, p. 85). La vogue de ces tables fut telle que les ébénistes qui les travaillaient formèrent avec les ouvriers en ivoire de véritables corporations à Rome : Negotiatores eborarii et citrarii (CIL VI, 33885 =1LS 7214).
175Or, si la possession de tables aux pieds d’ivoire devaient représenter un grand luxe, les sources littéraires semblent nous révéler que cela n’était pas le cas de la possession d’un petit objet en ivoire342.
176Les épaves de navires appartenant à Caligula, découvertes dans les années 1890, au fond du lac de Nemi, ont révélé des éléments de marqueterie en bois et en ivoire appartenant peut-être à un décor pariétal (Ucelli 1950, p. 199). Sur le Palatin, sur le site de la Vigna Barberini, lors des fouilles d’une domus d’époque julio-claudienne, fut mise au jour une plaquette en ivoire en forme de châpiteau de pilastre de style corinthien, datant du début de l’Empire343, qui devait constituer l’ornement d’un meuble ou d’un panneau décoratif. À la base du châpiteau, deux palmettes sont percées chacune de quatre trous qui devaient accueillir des gemmes en pierre semi-précieuse ou pâte de verre. Les cités du Vésuve fournissent une documentation large et variée quant au mobilier domestique : des plaquettes de revêtement en relief ou ajouré et des appliques figurées en haut relief entrant dans la décoration des lits. Certaines pièces pompéiennes témoignent d’un commerce précoce de l’ivoire : telle une petite plaque, du Ier siècle avant J.-C., de forme ovale, portant, en haut relief, une tête de type bacchique344 ; une autre, d’époque tardo-hellénistique, de forme curviligne, marquée, en bas-relief, d’une tête de Silène345. Deux autres plaquettes, du même type, l'une représentant Dionysos, l’autre une tête de héron, sont datées cette fois de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C.346. Une tête de bacchante et une tête de Ménade, en haut relief, du Ier siècle après J.-C.347, devaient appartenir à la décoration d’un meuble. Un fragment d’une mince lame d’ivoire porte, en bas relief, un rinceau d’acanthe délimité par une petite moulure348. Un disque en ivoire provenant d’Herculanum, du Ier siècle avant ou du Ier siècle après J.-C., représentant peut-être Apollon médecin et Igea, présente deux couples de trous dans ses parties inférieure et supérieure, montrant que l’objet était une applique349. La découverte dans la Casa di Lucius Elvius Severus (I, 13, 2), à Pompéi, d’un camée réalisé en pâte de verre pour le fond et en ivoire pour la figure350 atteste l’utilisation de l’ivoire en relief avec un autre matériau brillant susceptible de le mettre en valeur. Mais nous pouvons envisager avec vraisemblance l’utilisation de ce type de reliefs en ivoire enchâssés dans de l’or ou du bois précieux pour orner les meubles des demeures les plus riches.
177Dans la pièce (F) de la Casa (VI, 16, 15) ont été découverts quatre fragments de pieds de lit ou d’un meuble en ivoire, consistant en ornements circulaires en ivoire exécutés au tour et enfilés sur des barres de fer (Sogliano 1908a, p.71). Malheureusement, nous ne connaissons pas les dimensions de ces fragments351. C’est une maison de niveau assez élevée mais elle ne semble pas présenter d’éléments de décor luxueux. Dans la pièce (40) de la Villa del Pastore à Stabies furent mis au jour des pieds en ivoire d’un meuble (Camardo et Ferrara 2001, p. 94). Cette villa devait se déployer sur plus de 10 000 m2 et a livré des éléments de décor luxueux.
178L’utilisation de l’ivoire, qui depuis le début de l’époque hellénistique, était limitée à la réalisation de statues de culte ou au riche mobilier accompagnant les cérémonies officielles, se répandit à la suite des conquêtes romaines en Asie et en Afrique grâce aux contacts commerciaux avec le monde grec. Ainsi, une petite statue d’Hercule, d’époque hellénistique tardive, provenant de Campanie reproduit l’iconographie d’une des oeuvres les plus célèbres de Lysippe352. Or, a-t-elle été achetée à cette époque et conservée comme un objet précieux et ancien ou a-t-elle été acquise plus tard par un collectionneur d’objets antiques ? Elle révèle en tout cas la volonté de reproduire une oeuvre célèbre. La découverte exceptionnelle, dans la Casa délia Statuetta indiana (I, 8, 5), d’une statuette représentant la déesse indienne Lasksmi, d’époque tibérienne, constitue un témoignage important sur les relations commerciales entre Pompéi et l’Inde dès le début du Ier siècle après J.-C. Elle avait une fonction de soutien comme le laisse supposer le trou antique situé au centre de la tête353. Elle provient d’une maison354 qui n’a révélé aucun décor luxueux. Cette statue était peut-être destinée à la vente par le propriétaire, un commerçant comme le laissent penser divers graffiti représentant des navires à voile et autres instruments de navigation. Dans le cas où elle appartenait aux habitants de cette demeure nous pourrions conclure qu’une statuette en ivoire n’était que le signe d’une certaine richesse. La Casa di Lucius Elvius Severus (I, 13, 2) a restitué une statuette en ivoire représentant Héraclès enfant355, oeuvre d’un artisan local connaissant la petite plastique hellénistique. Cette maison de 358 m2 est caractéristique d’une "bourgeoisie” municipale aisée. Dans la Casa degli Epigrammi (V, I, 18), fut mise au jour une petite statue de Vénus Anadyomène356 datée du Ier siècle après J.-C. ; son iconographie s’apparente à celle de l’Aphrodite de Cyrène du IIème siècle avant J.-C. La maison ne possède aucun élément de décor luxueux mais semble d’un niveau aisé357.
179Beaucoup d’autres menus objets en relation avec la toilette étaient exécutés en ivoire : une grande variété d’épingles à chignon à tête figurée, de peignes, de petits (laçons à onguents et parfums358, de spatules et petites cuillères pour cosmétiques. L’ivoire était utilisé également pour les manches de couteau359 ou de miroir, pour les fuseaux retrouvés en grand nombre dans les maisons de Pompéi. Des tessères en ivoire ont également été retrouvées, certaines portant un nom et un numéro, d’autres seulement un numéro : elles étaient utilisées pour l’entrée au théâtre ou à l’amphithéâtre. Ces petits objets pourraient avoir été façonnés dans des chutes d'ivoire provenant de la réalisation de statuettes par exemple. Les Praedia di Iulia Félix (II, 4, 1-12) auraient livré, dans un sacrarium situé au fond de la partie Sud du viridarium, de petits objets en ivoire360 malheureusement perdus. De même, dans la Casa (V, 2, 10), qui ne conserve aucun décor luxueux, ont été trouvés un fuseau ainsi que quatre petites cuillères pour cosmétiques en ivoire361. Dans la riche Casa del Fauno (VI, 12, 2), fut découvert un petit couteau à manche d’ivoire travaillé au tour362 et dans la Casa (VI, 16, 15), d’un niveau assez élevé, un dé en ivoire (Sogliano 1908a, p. 63-64).
180Par conséquent, les découvertes d’objets en ivoire se sont produites dans des maisons de niveau aisé, attestant du caractère apparemment précieux de cette matière mais ne permettant pas d’établir son degré de luxe. On peut cependant avancer l’idée que les décors en ivoire, les pieds de lit ou de table et les statues de grandes dimensions, requérant davantage de matériau, devaient représenter un plus grand luxe. L’os apparaît comme son succédané pour les milieux modestes, il permet d’obtenir des objets similaires par la forme et la fonction aux ouvrages d’ivoire mais à des prix inférieurs dus au coût réduit de la matière première. Les os de mammifères permettent de réaliser les montants de lits à section cylindrique tandis que les omoplates des bovins sont utilisées pour les plaquettes de revêtement. Les oeuvres en os et en ivoire étaient certainement façonnées par les mêmes artisans (Bonacasa Carra 2000, p. 353).
181La Casa di Pinarius Cerialis (III, 4, 4) a livré, d’après les rapports de fouilles, un morceau d’ivoire représentant, en haut-relief, Bacchus appuyé à un faune363. Le grand nombre de gemmes mises au jour dans cette maison, en même temps que plusieurs outils de travail, atteste que le propriétaire était probablement un gemmarius. Il est fort probable que le haut-relief fût aussi l’oeuvre de cet artisan. Il faut également reconnaître dans la maison (VII, 7, 11) une boutique ou un atelier travaillant l’os et l’ivoire, car de nombreuses crustae en os et ivoire sculptéés, incisées ou même peintes y ont été retrouvées (Mustilli 1950, p. 215).
182À côté des objets de luxe que chacun peut contempler et même toucher lors des invitations à dîner, le vêtement renvoie encore plus directement au statut social364. La quantité de vêtements possédés, la couleur et la qualité du tissu permettent d’assigner aux personnes un rang plus ou moins élevé dans la hiérarchie sociale365.
V Tissus luxueux
1. Soie
183La loi somptuaire de 16 après J.-C. interdit366 le port de soieries aux hommes en raison de leur transparence. Mais pourquoi cette loi, à caractère moral, ne concernait-elle pas aussi les femmes ? D’autres raisons ont dû pousser à la promulgation d’une telle loi, notamment la volonté de limiter le luxe tapageur des sénateurs367. C’est sans doute encore ces vêtements qu’évoque Tibère dans son discours de 22 après J.-C. sur la nécessité d’une nouvelle loi somptuaire368. Nous remarquons donc que le senatus-consulte de 16 après J.-C. n’est déjà plus respecté et, moins d'un demi-siècle plus tard, les sources littéraires mentionnent ces vêtements transparents que la loi somptuaire cherchait à réprimer369. Ainsi, Sénèque le Père370 et Sénèque le Philosophe371 critiquent les soieries transparentes, luxe féminin d’autant plus condamnable que de tels vêtements ne peuvent pas être confectionnés à la maison372. Le vêtement de soie apparaît comme un élément du faste nécessaire aux nobiles chez Martial373.
184Les sources littéraires distinguent les bombycinae vestes et les sericae vestes. Nous savons par Pline que les premières étaient surtout fabriquées en Assyrie374. Les coae vestes sont aussi des vêtements de soie uniquement façonnés dans l’île de Cos (Pline, H.N. XI, 76). Nous ignorons si l’on utilisait dans ces derniers ateliers une matière brute importée d’Asie ou une production locale. La soie de Cos était une soie sauvage fabriquée à partir du cocon cardé, filé (Boulnois 1963, p. 50). Elle était appréciée à cause de son extrême transparence, qui précisément indignait les moralistes375. Mais elles semblent disparaître à la fin du Ier siècle après J.-C., aucun auteur ne les mentionne après Pline. En fait, une autre qualité de soie s’impose à cette époque, celle de Chine et les sericae vestes376. Seule la soie "sérique” était filée à partir d’un cocon dévidé dont la chrysalide avait été étouffée. D’après l’historien Florus, c’est lors de la bataille de Carrhes (53 avant J.-C.) que les Romains virent pour la première fois de la soie, sur les bannières des Partîtes, brodées d’or. Ils apprirent en s’infiltrant dans le camp ennemi que ces tissus venaient « du peuple de la soie, les Sères, de l’autre côté de l’Asie centrale ». Dion Cassius, près de trois siècles après cette bataille, soutient que déjà au triomphe de César, on avait tapissé la tribune impériale et son théâtre de soieries originaires du pays des Sères. C’est sous le règne d’Auguste que se développa l’usage de cette soie (Anquetil 1992, p. 77). Mais les sources littéraires révèlent que les Romains ne confectionnaient pas de vêtements avec les soieries chinoises : ils les effilaient et les mélangeaient avec du lin ou du coton pour obtenir un tissu plus léger ; la chaîne était en soie et la trame en lin (subserica) ou l’inverse (transerica), les rares tissus en soie pure étaient appelés holoserica. Les raisons de ce procédé sont inconnues : les étoffes chinoises étaient soit trop lourdes, soit trop coûteuses, et le mélange avec le lin abaissait le prix du tissu fini ; les deux facteurs ne s’excluent d'ailleurs pas377.
185Dans les ports de l’Inde, on pouvait acheter, avec le secours de nombreux interprètes, la soie qui arrivait de Chine par trois voies distinctes : la première est celle de l’Asie centrale, c’est-à-dire la route de Bactriane, qui franchit l’Himalaya - passage dangereux et praticable seulement une partie de l’année ; la deuxième est la route qui menait du Sechouan en Inde pour les toiles et les bambous, également très difficile car elle franchit des montagnes et des fleuves, des brousses inextricables peuplées de fauves et de tribus guerrières ; enfin, la troisième voie pratiquée, surtout depuis la fin du Ier siècle, serait une ligne maritime qui part de la côte méridionale de la Chine, contourne la péninsule indochinoise, franchit le détroit de Malacca et remonte jusqu’à l’embouchure du Gange (Boulnois 1963, p. 63). Cette ligne aurait été desservie uniquement par des vaisseaux indiens ; de la côte du golfe de Bengale, les marchands remontaient le fleuve jusqu’aux « portes du Gange », puis, la navigabilité cessant, les marchandises étaient acheminées par voie de terre jusqu’aux ports de la côte occidentale, où les commerçants persans, arabes et bientôt romains allaient les acquérir. À la fin du Ier siècle après J.-C. la plus grande partie de la soie importée dans les pays méditerranéens était transportée par voie maritime et non par la route qui traversait la Perse. Le Périple de la Mer Erythrée indique de façon nette que les soies “sériques” étaient embarquées dans les ports indiens. De Palmyre, les caravanes acheminaient les marchandises jusqu’à Antioche, dont le port, Séleucie de Syrie, les réexportait par bateaux jusqu’à Rome. Antioche était l’aboutissement de la route de caravanes et, comme Alexandrie, un grand centre textile. On y fabriquait des étoffes de lin, de lin et de soie, originaire de Chine, donc, souvent teinte de pourpre à Palmyre.
2. Tissus d’or
186Ovide et Virgile témoignent de l'existence de tissus dont la trame est de fils d’or378 et Pline attribue l’origine de tissus entièrement tissés de fils d’or379 au roi de Pergame, Attale Ier siècle380. Quoique Sénèque (Ep. XIV, 90, 36 et 44) soit le seul à en parler en termes de luxe, on ne peut pour autant exclure qu’ils en fussent une manifestation.
187Dans l'Officina quactiliaria de Verecundus (IX, 7, 5-7) à Pompéi, une peinture montre une scène de magasin : Verecundus présente aux clients un drap marron avec une bande verticale rouge (les clavi indiquant naturellement le status). Les vêtements vendus dans ce type de magasins étaient sans doute luxueux : en effet, à droite de l’entrée du no 5, un graffiti mentionne une tunica lintea aur(ata), c’est-à-dire une tunique de lin ornée de fils d’or. Ainsi, un ruban de fils d’or a été retrouvé à Herculanum, à l’endroit des thermes suburbains (arcade n°5) près du squelette (no 133) d’une femme parée de ses bijoux381. La Casa del Bicentenario (V, 17-21) a livré382 dans un coffret de bois un même objet. Cette maison est l’une de celles qui présentent un décor luxueux383. À Pompéi, les Casa de M. Epidius Primus (I, 8, 14)384 et di Stephanus (I, 8, 2)385, de dimensions moyennes, dépourvues de toute décoration luxueuse, ont également livré des morceaux de dentelle d’or. La Casa (VI, 16, 32), annexe au thermopolium (no 33), a fourni un ruban tissé de fils d’or386 et le tablinum de la Casa (VI, 16, 28), d’un niveau moyen, un petit écheveau de fils d’or387. Les sources archéologiques attestent donc la présence de rubans ou morceaux de tissu en or dans des maisons de niveau moyen. Les trames en or, constituées de fils très fins, étaient probablement employées pour la finition et l’ourlet des bords de tissus ou d’accessoires vestimentaires. En fait, une résille faite de fils d’or ou quelques fils d’or tissés avec d’autres sortes de fils, ne devaient pas représenter un poids important, une livre d’or brut devait coûter environ 3600 sesterces, au Ier siècle après J.-C. (Nicolet 1971, p. 1226).
188À l’opposé les tissus entièrement tissés de fils d’or devaient être particulièrement précieux, mais l’une des exubérances vestimentaires la plus stigmatisée par les auteurs latins reste le port de la pourpre.
3. Pourpre
189Pour Pline, la pourpre est l’une des manifestations principales du luxe388. Substance tinctoriale tirée d’un coquillage (bucinum ou pelagium), elle est d’autant plus luxueuse qu’elle s’altère avec le temps : c’est donc gaspiller son patrimoine pour un objet éphémère contrairement aux perles fines389. Ce raisonnement est représentatif de l’esprit conservateur de l’auteur. Nous sommes ici aux racines du mos maiorum immanquablement contraire au luxe dans ses manifestations éphémères. La pourpre apparaît à la fois comme la cause et la conséquence d’un luxe fugace, qui par là même choque encore plus l’auteur. Chez Properce, elle représente le luxe lié à l'aviditas et à l’immoralité, qui conduit à la ruine des moeurs et donc de Rome390. Pour Sénèque, son utilisation constitua un thème moral de prédilection en tant que symbole majeur de la dérive des moeurs contemporaines vers la richesse et la consommation ostentatoire391. Quintilien (Inst. or. I, 2, 6 ; XI, 1,31) considère la pourpre comme inconvenante pour les personnes âgées ou les bébés. Chez Stace392, Martial et Juvénal, la pourpre participe, au même titre que les pierres précieuses, au faste nécessaire aux nobiles393, aux chevaliers394 et aux avocats395 Chez les riches parvenus, les vêtements de pourpre symbolisent la réussite396. Pline rapporte en effet que « la pourpre la plus estimée est, en Asie, celle de Tyr, en Afrique celle de Méninx et de la côte de Gétulie de l’Océan, en Europe celle de la Laconie »397. Plutarque souligne la valeur de la toge d’Antoine lorsque celui-ci « jeta son manteau de pourpre, qui était d’un grand prix, sur son corps [de Brutus] »398. Ce manteau se dit ϕοινικ ἰς, suggérant à quel point la pourpre tyrienne est la teinture la plus raffinée. Pline ne précise pas si la teinture définitive était utilisée sur les lieux de fabrication de la pourpre ou si elle était expédiée à Rome. En tout cas, la laine trempait cinq heures durant ; après avoir été cardée, elle subissait un second bain jusqu'à ce qu'elle soit saturée. On peut donc conclure qu'elle n'était filée et tissée que ultérieurement (Jodin 1967, p. 255). Au Ier siècle après J.-C., presque tous les tissus en pourpre, recherchés, étaient teints avec de la tyriane dibapha (mot directement emprunté du grec : teint deux fois)399.
190À titre indicatif, la laine pourpre coûte sous Auguste400 4000 sesterces la livre alors que, dans sa teinte naturelle, elle ne dépasse pas 100 sesterces la livre (Robert 1988, p. 203). Pline apporte des précisions sur le marché de la pourpre et ces considérations économiques sont des plus précieuses401. Ces coquillages durent se raréfier en Méditerranée au cours des siècles, depuis que Phéniciens et Grecs commencèrent à procéder à leur collecte systématique. Une des raisons qui firent le succès de la pourpre gétule, est que les rives atlantiques étaient fécondes en coquillages et fournissaient donc un produit à bon marché, malgré les nécessités du transport (Jodin 1967, p. 255). Mais Pline suggère que la pourpre gétule se vendait plus de 50 et 100 sesterces le quintal à Rome, tandis que la pourpre de Tyr devait atteindre des prix bien supérieurs402. Plusieurs facteurs expliquent le prix élevé du tissu teint de pourpre :
la pêche de ces coquillages ne pouvait être réalisée qu’en automne ou en hiver, car durant la période de reproduction, le jus colorant perd toutes ses propriétés (Ponsich 1988, p. 55).
la faible quantité de pourpre recueillie : chaque coquillage ne produisait que quelques gouttes de liquide.
le long travail réalisé par des artisans obligatoirement qualifiés : le liquide macérait pendant trois jours avec du sel avant de bouillir doucement pendant dix jours, un deuxième bain, avec la substance du buccin, devait être réalisé pour fixer la couleur (Robert 1988, p. 203).
des installations spéciales sont nécessaires, telles que des grandes cuves pour la macération. De plus, les coquillages devant être capturés vivants, les fabriques devaient obligatoirement s’installer près des bancs de coquillages.
191Lorsque P. Lentulus Spinther fit, le premier, teindre sa toge prétexte en 63 avant J.-C., cela fit scandale car la livre de pourpre coûtait à cette époque plus de 1000 deniers la livre403. Suétone relate que la pourpre fut l’objet d’interdictions somptuaires ; la Lex Julia promulguée par César lors de sa censure (46 avant J.-C.) prohiba entre autres le port de vêtements de pourpre, sauf pour certaines personnes et certains jours404. Auguste semble l’avoir interdite à toute autre personne que les magistrats405, mais nous n’avons pas connaissance d’une législation sur l’usage de la pourpre sous son principat ; quelle qu’ait été la véritable nature de ces restrictions, elles furent apparemment difficiles à appliquer. Macrobe (II, 4, 14) relate qu’Auguste avait acheté une pourpre tyrienne à titre privé, et non comme insignia impériales. Dans la littérature de l’époque augustéenne, comme plus généralement dans l’histoire de Rome, voire de la Grèce hellénistique, les vêtements de pourpre et les autres utilisations de cette couleur sont symboliques de la royauté, des héros mythologiques et des dieux406. Horace l’associe aux rois parthes407 avec toutes les connotations négatives attachées au tyrannus. À l’époque d’Auguste, à Ephèse, les descendants d’Androchus, supposé fondateur de la cité, étaient appelés “rois” et avaient entre autres privilèges celui de porter la pourpre « comme insigna de la descendance royale » selon Strabon (Geogr : XIV, 1, 3). Ce n’est donc pas par simplicité et rejet du luxe qu’Auguste ne fit qu’un usage privé et modéré de la pourpre mais pour des raisons politiques. Il évita son utilisation en tant que symbole des monarques hellénistiques, du tyran408. D’après Suétone (Tib. LVII, 13), Tibère ne punit pas les infractions à la législation sur la pourpre, il méprisa le port de la couleur et chercha à créer par son exemple une contrevogue en portant un manteau gris en public, ce qui ainsi réduisit les usages non autorisés de la pourpre. Il encouragea ainsi l’attitude traditionnelle d’époque républicaine de méfiance envers la pourpre, portée par un non-magistrat. Suétone rapporte que lorsque le roi client Juba III de Maurétanie apparut à Rome, sa pourpre royale attira tellement l’attention que Caligula ordonna de le mettre à mort409, manifestant ainsi la volonté de restreindre son usage à l’Empereur, pur symbole du pouvoir impérial. Claude, d’après Dion Cassius (LX, 6, 2), porta un manteau de pourpre, à la manière grecque, durant des jeux athlétiques. Suétone (Nér. XXXII, 4-5) relate que Néron interdit la vente et l’usage des deux plus hautes qualités de pourpre : l'amethystina et la Tyria. Il fit fermer les magasins (sans doute seulement ceux de Rome) qui les vendaient et punit une matrone pour avoir porté la pourpre défendue en lui confisquant ses biens. Cette anecdote est significative en ce quelle montre bien le but de cet édit : il s’agit bien moins des moeurs que du fisc, l’objectif est surtout de restaurer les finances impériales. Il réservait sans doute ainsi l’usage de ces deux pourpres à la cour et à des fins officielles410. Ainsi, c’est vêtu d’une toge de pourpre que Domitien assista au concours quinquennal de musique, d’équitation et de gymnastique qu’il avait institué411.
192Mais, en dépit des efforts de Caligula et de Néron pour monopoliser cette couleur-statut à des fins officielles, son exhibition à Rome et dans l’Empire fut un phénomène toujours croissant. La législation ne semble pas avoir été appliquée puisqu’il est fait mention de la pourpre de Tyr dans le Satiricon412 et dans les Épigrammes de Martial413. Les vêtements teints avec les plus hautes qualités de teintures (tyriane et améthystine) sont portés par les nobiles pour étaler leur faste414. Pline (H.N. IX, 137), résumant les divers emplois officiels et privés de la pourpre à Rome, conclut qu’elle omnem vestem inluminat. Il convient de remarquer que le Nouveau Testament (Évangile selon saint Luc, XVI, 19) reflète la valeur contemporaine de la pourpre en tant que couleur-statut dans la parabole de Jésus mentionnant un homme riche vêtu de pourpre, ainsi qu’une femme dénommée Lydia, de Thyatira, marchande de pourpre (Actes des apôtres, XVI, 14) ; les soldats romains revêtirent Jésus d'un vêtement de pourpre en parodie de sa royauté sur les Juifs415 ; et le statut impérial de Babylone est symbolisé par la couleur pourpre416.
193Des amoncellements caractéristiques de murex Brandaris, de murex Trunculus et de purpura Haemastoma ont été retrouvés dans les environs de Tyr, Sidon, Tarente et sur les côtes de Laconie, sur la côte atlantique de l’Espagne, attestant l’existence d’une industrie de la pourpre en ces divers endroits417 Pline (H.N. VI, 201 ; 36, 4) révèle également la part prépondérante prise par le roi Juba II dans le développement de cette industrie sur les côtes de Gétulie, autrement dit le littoral atlantique du Maroc, par la fondation d’établissements tels que ceux des Iles Purpuraires. Ainsi, la présence de monceaux de coquilles de purpura Haemastoma et de murex traités, à l’embouchure de l’Oued Massa et en de nombreux points de la côte, montre l’ampleur des récoltes que seule peut justifier une industrie active et florissante. Nous pouvons aussi accepter, avec la plus grande vraisemblance, l’identification des Iles Purpuraires avec l’île de Mogador. Des vestiges de bâtiments sur la côte Sud-Est de cette île furent repérés : des bassins aménagés dans la roche, comparables à ceux reconnus en grand nombre à Lixus, à Cotta, et sur la côte espagnole, ont été découverts sur l’île, où macéraient dans le sel les glandes de murex. Le traitement du liquide ainsi obtenu se poursuivait par la chauffe dans des bassins de plomb, suivie d’une évaporation par chaleur modérée. Précisément, de véritables salles de chauffe ont été exhumées parmi les pièces annexes d’une villa. Si le détail exact du fonctionnement nous échappe, étant donné la disparition de nombreux murs, les amas de cendres, le plan des fondations et la complexité des structures évoquent une installation industrielle418. Certaines découvertes attestent que ces bâtiments furent construits sous Juba II (Jodin 1967, p. 12).
194L’archéologie semble ainsi confirmer que, en dépit des différentes mesures impériales destinées à réfréner l’usage de la pourpre, la mode adopta de plus en plus les vêtements ornés de pourpre ou de pourpre même : Rome et les principales villes de l’Italie virent s’ouvrir de nombreux magasins de marchands de pourpre. Des purpurarii sont attestés à Rome, Capoue, Pouzzoles et Aquilée (CIL VI, 9843-9848 ; X, 3973 ; 540 ; V, 1044). Un papyrus et un ostmkon égyptiens des années 42-46 après J.-C.419 témoignent d'une utilisation très répandue de la pourpre. Or, beaucoup d’articles de pourpre n’étaient pas réalisés avec des teintures de la plus haute qualité. Il y avait en effet des industries florissantes qui imitaient la vraie et coûteuse pourpre, et produisaient des qualités inférieures, selon beaucoup de nuances, par différents mélanges de pourpre de mer, par l’utilisation de teintures animales et de teintures végétales et minérales beaucoup moins onéreuses, comme le montrent de nombreux passages420. On ne pourrait douter que la pourpre, en raison de sa valeur, fut falsifiée parfois, même si Pline n’a pas pris soin de nous en avertir ; il existait en effet une teinture appelée hysginum, qui, de notoriété publique, n'était pas une pourpre véritable : les substances végétales y tenaient, paraît-il, une trop grande place, et les étoffes ainsi abusivement appelées pourprées pouvaient être en effet teintes avec l’orseille, la garance ou encore le Kermès ou le Sandix (David et Herber 1938, p. 97-99). Des recettes de teintures végétales et minérales, moins coûteuses, permettaient d’obtenir différents tons de la pourpre, comme l’atteste le Papyrus Graecus Holmiensis par exemple421. Seules de telles imitations de pourpre rendirent possible l’accès à la couleur normalement réservée à l’élite aux classes moyennes et basses. Si l’accès à la couleur-statut fut sans doute relativement ouvert, la pourpre de mer, provenant du coquillage lui-même, resta extraordinairement coûteuse en raison du nombre important de coquillages nécessaires pour récolter une petite quantité de teinture de pourpre. Seule une minorité réduite devait avoir les moyens d’acheter de la pourpre de mer.
195Pline oppose les parfums aux tissus dont on fait usage assez longtemps422. Ils représentent les objets de luxe les plus condamnables en raison de leur caractère superflu et surtout éphémère, contrairement aux perles fines et aux pierres précieuses qui se transmettent par héritage et constituent un patrimoine. Observons d’ailleurs avec quelle désinvolture Pline contredit ce qu’il critiquait, c’est-à-dire le caractère éphémère de la pourpre par rapport aux pierres précieuses : l’argument est ici retourné contre les parfums, alors que la pourpre fait figure de luxe durable ; naturellement tout est ici question de degré dans l’éphémère : moins une manifestation de luxe est durable, plus elle porte Pline au blâme. Le parfum est donc encore plus censurable que les autres biens de luxe.
VI. Essences et parfums
196Pline désapprouve les parfums comme résultats de la domination du luxe sur la nature423 puisqu’ils ne sont que des mélanges d’odeurs déjà existants. L’auteur montre la futilité des femmes qui désirent attirer l’attention des hommes. Futilité d’autant plus grande que la femme n’en a pas la jouissance : qui porte un parfum ne le sent pas lui-même. Ceci renforce encore son caractère superflu. L’auteur montre le gaspillage que l’on pouvait faire des parfums par leur utilisation vile424. Les “mauvais” Empereurs sont cités en exemple ainsi que les esclaves impériaux. Dans ce cas, ces esclaves sont encore plus critiquables car ils se permettent de copier l’Empereur en souhaitant le surpasser.
197Il n’est pas facile de dire à quelle date l’usage des parfums fut introduit à Rome. Il est certain qu’après la défaite d’Antiochus III de Syrie, et la conquête de l’Asie Mineure en 189-188 avant J.-C., les censeurs P. Licinius Crassus et L. Julius Caesar interdirent la vente des parfums "exotiques”425. Pour les moralistes, le parfum provient de la Grèce conquise et jusqu’à la fin de la République, seuls les jeunes gens riches et touchés par l’hellénisme, osaient se parfumer à Rome (Faure 1987, p. 213 et p. 217-218), Nous sommes frappés lorsque nous parcourons la littérature de l’époque républicaine, par la réprobation générale des Romains pour les parfums “étrangers”. Le nationalisme a pu jouer là son rôle aussi bien que la simple avarice ou le sens de l’économie bien entendue. Les parfums furent un des luxes de Capoue qui perdirent Hannibal (Valère Maxime, Facta et mentor. IX, 1, 1). Et Lucius Plotius fut trahi dans sa cachette de Salerne par l’odeur de son parfum426. Cicéron (De natura deorum, II, 146) déplore les excès auxquels furent portés la composition des parfums, l’assaisonnement des mets et la débauche des corps. Il condamne les amis de Catilina « tout reluisants d’onguents et étincelants de pourpre » et les partisans de Pison « aux boucles humides de parfums ». L’utilisation de parfums sert d’argument de diffamation politique (Catil. II, 5 ; Pis. 24). Les boutiques de parfumerie apparaissent dans la littérature comme le rendez-vous des flâneurs, des désoeuvrés et des homosexuels427. Les fards et les parfums sont les artifices des courtisanes, signes d’une Rome conquise par la Grèce : les parfums orientaux stigmatisent le luxe dont se parent les femmes impudiques, qui cherchent à plaire à plusieurs amants en même temps par ces moyens artificiels428. Pline, héritier des auteurs de l’époque républicaine, déplore que l’usage des parfums ait envahi les plus hautes sphères du gouvernement et même de l’armée429, signe indéniable que la corruption causée par le luxe est irrémédiable. Néron dilapida des millions de sesterces aux funérailles de Poppée, en brûlant de l’encens (Pline l’Ancien, H N. XII, 83) : geste de destruction ostentatoire de richesses qui pouvaient appartenir aux réserves du trésor impérial430. Stace confirme le caractère luxueux de certains onguents et parfums utilisés lors de funérailles, un luxe légitime431. Et Martial (Epigr : II, 29, 1-3 et 5) révèle que le parfum participe, au même titre que les pierres précieuses ou les vêtements luxueux, au faste nécessaire aux nobiles.
198Pline fournit le prix des parfums de son temps, au livre XII de son Histoire Naturelle, vingt aromates sur les soixante connus sont ainsi tarifés. Les plus chers contiennent du baume de Judée que les revendeurs font payer jusqu’à 592 deniers la livre, plus du triple de ce qu’ils l’ont acheté au fisc impérial, « car on vend 1 000 deniers le setier (0,54 1) acheté au fisc 300 deniers. On voit l’avantage qu’il y a d’allonger la liqueur ! »432. L’État romain détenait donc le contrôle de la culture du baumier de Judée : les parfumeurs achetaient le baume au fisc, l’utilisaient pour en faire du parfum et vendait ce dernier avec un fort bénéfice par rapport à la matière première. En nulle autre matière la fraude n’était plus courante et on falsifiait le baume avec toutes sortes d’huiles, avec de la gomme, de la résine, du miel ou de la cire. Les parfums élaborés à partir des diverses variétés de cannelle (cinnamome, cassia, malobrathe et serichatum) atteignaient des prix élevés : 35 à 300 deniers pour une livre de parfum au cinnamone comprenant, entre autres produits exotiques, du baume de Judée433. Les Romains croyaient que la cannelle poussait en Arabie434 ; les transitaires arabes se gardaient bien de dire où ils se procuraient la cannelle. On n’a jamais retrouvé la moindre trace de cannelier en Arabie, où climat et sol sont peu favorables à cette culture (Boulnois 1963, p. 64). Cette plante est originaire de l’Inde, de la Birmanie, de la Chine. Le Périple de la Mer Érythrée atteste qu’une grande quantité de malobrathe était importée de Muziris et Nelkynda435. Le foliatum ou parfum au nard devait également atteindre des prix élevés puisqu’il comprenait entre autres, du nard, du baume, de la myrhe et de l’amome (H.N. XIII, 15). Le flacon versé par Madeleine, sur les pieds de Jésus, contenait de l’essence de nard, obtenue par distillation, et non une huile ordinaire436. Trimalcion (Satir. LXXVIII, 3) débouche « une fiole de nard » et en frotte ses invités. Les diverses variétés de nard (valériane, citronnelle, lavande, etc...) ne montent que jusqu’à 75 deniers la livre437. Le nard indien à épis coûte 100 deniers la livre438 ; les régions de Minnagar et de Barygaza exportaient effectivement du nard d’après le Périple de la Mer Érythrée (LVI, p. 18, 16-17 ; De Romanis 1982-1987, p. 158). Les passages de l'Évangile439 confirment le prix élevé du nard : 300 deniers la livre, prix encore plus élevé que chez Pline. Ensuite, l’amome valait 60 deniers la livre et la myrrhe fluide (staktè) jusqu’à 50 deniers (H.N. XII, 70). Le corps de Jésus a été oint de 100 livres de myrrhe selon YÉvangile selon saint Jean (XIX, 39 ; Virgili 1990, p. 38). Properce (Elég. I, II, 3-4) stigmatise le luxe que représente la myrrhe, et le riche parvenu Crispinus s’inonde d’amome chez Juvénal440. Ce parfum permet au parvenu d’étaler sa richesse et son faste, mais il s’en parfume à outrance, cette faute de goût le ridiculise.
199Il y a une coupure très marquée entre ces parfums de prix élevé, essentiellement épicés, qui étaient les seuls qu’une grande dame achetait pour plaire (Pline, H.N. XIII, 20), et ceux d’un prix plus modéré obtenus à partir d’aromates variant de 17 à 1 denier la livre441. Ce ne sont là que des maxima, et les falsifications, les qualités inférieures devaient mettre les quinze derniers aromates à la portée de bourses plus modestes. Il manque à la liste de Pline le parfum à la rose, le rhodinum, et le parfum safrané, le crocinum (Faure 1987, p. 252). C’est que le premier était le plus répandu de tous et qu’après avoir fait la fortune de Rhodes, de Phaeselis en Lycie et de la baie de Naples, il avait cessé de plaire aux raffinés. Tout au plus laissait-on entrer les roses dans les compositions plus savantes, dans les colliers et les couronnes, dans les vins aromatisés et les patinae442. Les Romains du Ier siècle après J.-C. préféraient les eaux et les huiles safranées lorsqu’ils fréquentaient les gymnases et les thermes. Dans les théâtres, on allait jusqu’à vaporiser sur les spectateurs du vin doux auquel on avait mêlé de la poudre de safran, ou, sous forme concentrée, de l’essence de safran443. Le safran apparaît dans le banquet de Trimalcion (Pétrone, Satir. LXVIII, 1) : les esclaves répandent sur le sol de la poudre de safran et du minium, ce qui rappelle les sparsiones des cirques et des amphithéâtres, mais celles du banquet contiennent également de la poudre de pierre spéculaire444. Le safran fait son apparition aussi mêlé à des fruits et des gâteaux (Pétrone, Satir. LX, 6). Cette poudre provient des trois étamines d’une iridacée à bulbe, florissant au début de l’automne, le crocus sativus. Il fallait de 80 000 à 85 000 fleurs pour obtenir un seul kilogramme de safran sec. Aussi le falsifiait-on avec toutes sortes de produits destinés à l’alourdir et à le rendre plus gras (Faure 1987, p. 253). Les grandes dames qui passaient des heures à leur toilette ne sentaient pas le safran ou la rose comme leurs amants sortant des thermes, massés et pomponnés, ni, à plus forte raison, comme les femmes des lupanars, dont se moquaient Martial et Juvénal, et qui empestaient les parfums verts et mauves de l'Orient de pacotille (Faure 1987, p. 244). Le parfum est bien un des révélateurs du status.
200Pline mentionne un parfum luxueux, le parfum royal445, composé de vingt-quatre aromates et de trois excipients, dont sept ou huit de ces ingrédients étaient censés venir de l’Inde, de l’Insulinde et de la Chine446, pour aboutir à Ctésiphon, la capitale parthe, non loin de l’actuelle Bagdad, par l'Océan Indien et le golfe Persique.
201Nous pouvons penser cependant que les parfumeurs devaient réaliser des profits intéressants même sur les produits vendus à bas prix : le transport de l’encens par caravane, depuis l’Arabie méridionale, jusqu’à Gaza ou Petra, ne revenait pas à plus d’un denier par livre, selon des calculs effectués par un spécialiste sur la base des textes de Pline ; le profit n’était pas mince (Boulnois 1963, p. 67). Les bénéfices retirés de la vente de l’encens et des parfums étaient sans doute considérables et devaient inciter les investissements de capitaux sénatoriaux (Pavis d’Escurac 1977, p. 349). Ainsi, une inscription funéraire (CIL VI, 9993) d’époque républicaine met en présence Gaius et Publius Trebonius et sept de leurs affranchis et affranchies, aux cognomina grecs et orientaux, qui tous faisaient métier de thurarii, vendeurs d’encens. G. et P. Trebonius sont certainement parents de C. Trebonius, consul suffect en 45 avant J.-C. et proconsul d’Asie en 44-43. De même, parmi les unguentarii du début de l’empire reviennent fréquemment les noms de Popilius (C/L VI, 845, 10001, 10003) et de Cornélius (C/L VI, 9930, 9931), ces unguentarii étaient donc affranchis de membres des deux grandes gentes sénatoriales Popilia et Cornelia447.
202L’usage des parfums a été favorisé par la nouvelle route commerciale : Auguste donna l’ordre au préfet d’Égypte, Aelius Gallus, d’étendre l'imperium Romanum jusqu’à l’Arabie heureuse et de soumettre au fisc tout ce qui transitait par la mer Rouge. Le pays de la reine de Saba était un paradis d’or, d’azur et de pourpre, où coulaient éternellement le baume, l’encens et la myrrhe. L’Égypte disposait de plusieurs ports ou mouillages sur la mer Rouge : Arsinoè, Ptolémaïs qui drainaient les gommes, les ivoires et la poudre d’or du désert Arabique et de la Nubie. Mais l’extrémité méridionale de la mer Rouge restait aux mains des mukarrib de l’Arabie heureuse ou des ras de l’Éthiopie, de l’Érythrée et du mystérieux pays des Troglodytes. L’essentiel du commerce des épices se faisait par voie de terre, 1850 km depuis Sanaa jusqu’à Petra, tant la mer Rouge était incertaine (Faure 1987, p. 233). En 24 avant J.-C., Aelius Gallus réunit vers Suez une flotte et cingla vers l’actuel Yémen du Nord. Or, la majeure partie de l’armée y périt et les barbares chassèrent les Romains survivants du pays448. Mais les membres de l’expédition avaient établi des relations directes entre le golfe d’Aden et la Méditerranée, amorces de futures escales pour une voie maritime des épices ; d’autre part, ils avaient appris des indigènes ce qu’était le régime des moussons permettant de gagner les côtes de l’Inde, via Sokotra, en été, et d’en revenir en hiver, sans passer par le golfe Persique et par la Mésopotamie aux mains des Parthes et des Perses. Les routes caravanières se trouvaient allégées de plusieurs milliers de kilomètres... et de péages (Faure 1987, p. 236). Au début de notre ère, Strabon (Geogr ; XVI, 781), vingt-cinq ans seulement après l’expédition d’Aelius Gallus, signale qu’une flotte de 120 navires marchands cingle, chaque année, de Myos Hormos, sur la mer Rouge, vers l’Inde. Cent ans plus tard, le Périple de la Mer Érythrée (LVI, p. 18, 16-17) énumère les escales où l’on peut se procurer les épices et les aromates indispensables à la vie de Rome et, parmi eux, la myrrhe, la cannelle, le nard, le gingembre, le poivre, le curcuma, le vrai benjoin.
203Une fabrique de parfums fut découverte, sur les rives de la mer Morte, dans la région de l’Idumée, près d’un lac, à 30 km au Sud de l’oasis de En Ghedi (Virgili 1993, p. 193). Située dans une région qui appartenait à Hérode le Grand, elle fut sans doute cédée à Cléopâtre en 33 avant J.-C., au moment où le roi de Judée lui accorda le contrôle des districts de la mer Morte. La reine était une experte dans les cosmétiques, l’auteur d’un traité sur l’art du maquillage et, sous son règne, Alexandrie devint le marché le plus important du monde antique pour les épices et les substances odoriférantes. La fabrique comprenait neuf pièces, dont l’une était une salle d’attente pour les clients avec des bancs en pierre. Dans les autres pièces, furent découverts deux moulins pour broyer les végétaux, deux vasques pour leur macération, un foyer et deux fours pour réchauffer les huiles et extraire les parfums et les onguents. De plus, une remarquable quantité de pollens résiduels, provenant des substances végétales utilisées dans la préparation des parfums, fut recueillie et analysée. Parmi ces pollens, certains appartenaient au baumier de Judée, avec lequel on fabriquait le plus cher des parfums, nous l’avons vu (Pline, H.N. XII, 123).
204Dès la fin de la République, la Campanie tenait sa place dans la fabrication des parfums, elle produisait une huile d’olive appréciée qui servait de base aux parfums. Les fleurs y croissaient en abondance et la présence de ports en relation constante avec l’Orient était une condition essentielle pour l'importation de spécialistes, surtout des esclaves, de recettes et d'aromates. La fabrication des parfums atteignait un niveau presque industriel à Capoue mais des parfumeries existaient aussi à Paestum et à Pompéi où deux fabricants sont nommément désignés par des inscriptions. Dans la Via degli Augustali à Pompéi, au nord du forum, une boutique, dégagée vers 1820, a livré un pressoir dont l’huile était probablement destinée à la fabrication des parfums. Deux cuves ont récemment été fouillées, ainsi qu’une chaudière qui devait servir à chauffer de l’eau ou peut-être à “enfleurer” les parfums (Brun 2007, p. 153).
205Il existait donc toute une gamme de parfums, du plus cher réservé aux plus riches au plus modique, de qualité inférieure, plus largement accessible comme le roseau odorant à un denier la livre. Mais l’attitude des auteurs du début de l’Empire est sans nuance à leur égard, en lien avec le topos du luxe féminin et leur utilisation par les hommes efféminés, les parfums sont assimilés à un signe de décadence, voire de dépravation morale. Naturellement, leur provenance généralement orientale contribue aussi significativement à cette raideur des sources littéraires. Mais à l’époque de Stace et de Martial, le parfum apparaît désormais comme un faste nécessaire au status des nobiles, comme il en est de même de la possession d’esclaves.
206Nous avons réservé pour la fin de cette partie l’étude des esclaves en tant qu’“objets” de luxe ; en effet, et quelles que fussent les conceptions des Romains sur les esclaves, objet ou personne, ce qui importe ici, c’est que les caractéristiques des esclaves de luxe sont à maints égards similaires à celle des objets de luxe en général, les facteurs de provenance lointaine, de rareté, et de prix étant communs à ceux-ci et à ceux-là.
VII Esclaves
207Nous aborderons d’abord le point de vue quantitatif du nombre d’esclaves nécessaires à un genre de vie luxueux. Nous nous intéresserons naturellement surtout aux esclaves qui composent la domesticité449. Au-delà de l’analyse quantitative, dont nous verrons que la rareté des sources la rend difficile, il s’agit de distinguer dans les sources littéraires, les esclaves agricoles de la domesticité.
I. Nombre d’esclaves nécessaires aux luxueux
208C’est au cours du IIème siècle avant J.-C., à la suite des grandes guerres contre l’Orient méditerranéen, que l’esclavage connut son expansion maximale (Morabito 1981, p. 50-51). Il n’en était pas moins encore bien vivant au Ier siècle après J.-C., peut-être en déclin quantitatif, mais avec, éventuellement, une insistance croissante sur la diversité et l’originalité de la provenance des esclaves. Il faut admettre qu’au Haut-Empire, lorsque s’arrêta l’afflux massif d’esclaves, l’importation d’esclaves situés au-delà des frontières de l’Empire a pris de l’importance. Le Périple de la Mer Érythrée cite des esclaves parmi les marchandises importées de l’Orient (13, 31, 36). Il existe aussi certaines informations concernant les esclaves originaires de l’Orient notamment du territoire des Parthes (C/L XI137 (Ravenne) ; Kolendo 2001, p. 47). Une stèle funéraire, datée du Ier avant - Ier après J.-C., d’un marchand d’esclaves découverte à Amphiopolis en Macédoine, grand centre de commerce situé à l’embouchure du Strymon, unique chemin qui reliait la Thrace occidentale à la Méditerranée, atteste de l’importation d’esclaves de Thrace (Kolendo 2001, p. 43-44).
209Or, le nombre d’esclaves apparaît bien comme un signe de luxe. La lex Fufia Caninia (Gaius, Inst. I, 43) de 2 avant J.-C. fixait à 100 le nombre maximum des affranchissements testamentaires autorisés au propriétaire de plus de 500 esclaves. Auguste justifia cette loi par la volonté impériale de préserver le corps des citoyens romains d’une infiltration trop massive d’anciens esclaves (Suétone, Aug. XL, 3). Elle confirme donc bien qu’un riche Romain pouvait posséder un total de plusieurs centaines d’esclaves. Pline (H.N. XXXIII, 135) rapporte que l’affranchi C. Caelius Isidorus, en 8 après J.-C., inscrivit sur son testament qu’« il laissait 4116 esclaves, ainsi que 60 millions de sesterces, outre un million cent mille sesterces qu’il ordonna de dépenser pour ses funérailles. ». Ainsi, Tibère se demande dans quelle mesure, une nouvelle loi somptuaire ne devrait pas restreindre le nombre d esclaves (Tacite, Ann. III, 53, 5). Nous savons par Tacite (Ann. XIV, 43, 3) que Pedanius Secundus, préfet de la ville en 61 après J.-C., possédait 400 esclaves. De manière très caricaturale, Trimalcion possède tellement d’esclaves qu’il ne les connaît pas tous, et réciproquement moins d’un esclave sur dix connaît son maître de vue. Ils sont tellement nombreux qu’ils sont répartis en décuries, et il y en aurait au moins quarante450. De plus, trente garçons et quarante filles naissent en un seul jour dans la familia d’un seul de ses domaines (Satir. LUI). Naturellement, beaucoup de ces chiffres sont sans doute exagérés, mais ils révèlent toute la signification du nombre d’esclaves pour un tel personnage. À l’extrême opposé, huit esclaves est le nombre que se doit d’employer un modeste propriétaire (Martial, Epigr. VII, 53). Pour Martial, la possession d’esclaves est un fait indiscutable, un élément essentiel du statut d’homme libre (Garrido-Hory 1981, p. 128). Il évoque à plusieurs endroits des hommes au comble de la pauvreté mais qui possèdent au moins un esclave, même petit, même maigre, qui les accompagne dans leur vie misérable (Epigr. : XII, 70 ; VIII, 75). De même, chez Juvénal, Névolus, qui a au moins un esclave, se juge indigent451 et il pourra se dire pauvre quand il en aura quatre. Cette possession est tellement essentielle que les hommes libres n’hésitent pas à se dépouiller de biens plus considérables encore, comme les terres452, pour se procurer des esclaves qui entrent comme éléments de base dans la détermination des besoins sociaux.
210Mais quel sera le nombre d’esclaves attachés au service personnel du maître adonné au luxe ? Les données quantitatives sont relativement rares. Tite-Live (XXXIX, 11, 2) précise que, au début du IIème siècle avant J.-C., la maison d’Aebutius comptait quatre esclaves. Dix domestiques accompagnèrent Crassus en Espagne alors que Caton le Jeune, tribun militaire en Macédoine avait une suite de quinze personnes453, autant étaient affectés à la maison. Auguste, en 12 après J.-C., réduisit la suite des sénateurs exilés à vingt personnes, esclaves et affranchis confondus, nombre considéré comme encore suffisant à la sauvegarde de la dignitas d’un personnage de haut rang, même en disgrâce, d’après Dion Cassius (LVI, 27, 3). Ces esclaves doivent sans doute assurer le seul service personnel de l’exilé, ce qui montre bien que les cinq esclaves de l’avare d’Horace n’étaient effectivement pas en nombre suffisant pour assurer sa dignitas454. Mais ne s’agit-il pas seulement des esclaves qui l’accompagnent dans sa villa pour son service immédiat ; cet avare aurait donc d’autres esclaves restés dans sa domus et d’autres peut-être attachés à sa villa455 ? La troupe d’esclaves accompagnant le maître dans ses déplacements participe au même titre que les pierres précieuses, à l’ostentation d’un faste nécessaire aux chevaliers (Martial, Epigr. II, 57, 1-3 et 5-8). Chez Juvénal, le nombre d’esclaves nécessaires à l’apparat d’un avocat, s’il veut s’attirer de la clientèle, est de huit, mais il doit s’agir du nombre nécessaire à ses déplacements, y compris les esclaves portant sa litière456.
211Les restes archéologiques d’un étage enterré d’une maison située face à l’arc de Titus à Rome comportent une série de cellae servant de chambres aux esclaves de la maison457. Leur nombre devait atteindre une cinquantaine de personnes nécessaires à la protection du patron et au service du millier de visiteurs et de clients, qui devaient fréquenter la maison d’un homme politique. Cet essai de quantification se heurte à l’impossibilité d’identifier les cellae dans les grandes demeures de Pompéi par exemple, telles la Casa del Labirinto (VI, 11, 8-10) et la Casa del Fauno (VI, 12, 2)458.
212Un grand nombre d’esclaves apparaît indispensable pour exécuter des fonctions qui, dès le Ier siècle avant J.-C., avaient commencé à se multiplier. Le "standing” sénatorial est évoqué par Cicéron459 : confier à un même esclave plusieurs fonctions disparates est l’indice d’un homme de peu ; on observe donc une spécialisation assez poussée dans la familia des grands Romains (Pavis D’Escurac 1985, p. 394). Cette spécialisation est abordée dans le traité de Varron au sujet des esclaves dans les villas : Scrofa, l’un des interlocuteurs du livre I, après avoir souligné qu’il n’est pas utile pour un exploitant agricole d’entretenir en permanence sur son domaine des esclaves non spécifiquement ruraux, tels que médecins, forgerons, foulons, ajoute cette phrase significative : Quam partem lati fundi divites domesticae copiae mandare soient460. Réfléchissant sur les opportunités d’acheter une villa aux alentours de Rome, Pline le Jeune (Epist. II, 19) juge importante la somme que l’on doit ménager pour les atrienses, la domesticité de maison, et les topiari, les jardiniers. À cet égard, les sources juridiques fournissent des renseignements intéressants. D’après les juristes, dans l'instrumentum d’une villa luxueuse doivent figurer avec les jardiniers, les atrienses et les scopari, les balayeurs (Dig. XXXIII, 7, 8 ; Mielsch 1990, p. 126-127).
213La possession d’esclaves est un signe de richesse et leur abondance renforce le statut du maître, et, dans le cas de certains esclaves bien précis, un signe de luxe461.
2. Esclaves de luxe
214Suétone (Caes. XLVI, 2-XLVII) nous rapporte, à propos de César, qu’un esclave acheté cher fait partie du luxe au même titre que tel ou tel objet. Un tableau sur les thèmes d’information concernant la richesse dans les Épigrammes de Martial révèle que dans cet ensemble de signes, ce sont les esclaves qui constituent la plus grande partie, esclaves de luxe, pueri, ministri, danseuses, joueurs de flûte, porteurs de litière, cochers achetés à prix d’or et qui tous relèvent du service personnel du maître, vu essentiellement dans sa pratique sociale : chez lui, lors de scènes de banquets, au bain ou dans la rue à l’occasion de déplacement vers les lieux publics ou à la campagne462. Mais ce sont plusieurs jeunes esclaves entourant le maître qui sont le signe de tantae opes, de « tant de richesses »463.
215Le nombre certes, mais aussi l’origine ethnique des esclaves, sont des critères de luxe464. Lors de son discours sur la nécessité d’une nouvelle loi somptuaire, Tibère se demande ce qu’elle devrait interdire : Quid enim primum prohibere et priscum ad morem redidere adgrediar ?... familiarum numerum et nationes ? Nous consi dérons que le terme nationes fait référence aux différentes origines ethniques des esclaves plutôt que, suivant une interprétation métaphorique, à leur grand nombre465. Ainsi, chez Sénèque (Ep. XV, 95, 24), les mignons de la cena sont classés par nation et par couleur de peau. Comme nous avons eu l’occasion de l’observer en traitant du luxe de la table, le vin luxueux est servi à Virron par un esclave précis466 ; il vient d’Asie et son apparence physique n’est pas sans compter. Tandis que ses clients auront pour leur servir du mauvais vin, un tout autre genre d’esclaves467 : un esclave venant d’Afrique qui n’est habituellement pas attaché au service des banquets. On peut supposer que les esclaves noirs employés comme domestiques dans les riches foyers en raison de leur caractère exotique, parvenaient sur le territoire de l’Empire par le biais d’échanges commerciaux (Kolendo 2001, p. 48). Des esclaves mèdes de Thrace apparaissent comme un des biens nécessaires à l’apparat de l’avocat468.
216C’est en Égypte et principalement en Grèce que l’on allait chercher les pueri si appréciés dans les milieux riches. D’après Martial, les Égyptiens étaient aussi recherchés lorsqu’ils présentaient les mêmes caractéristiques physiques que les Grecs, tel Amazonicus au teint blanc comme la neige et aux boucles souples469. Il y aurait une origine géographique spécifique et donc une prédominance des esclaves orientaux et grecs dans la catégorie des esclaves de luxe. Le fait que les esclaves grecs ou assimilés soient des esclaves de luxe illustre peut-être la raréfaction à cette époque de la maind’oeuvre en provenance de Grèce et d’Orient, régions d’ancien recrutement (Garrido-Hory 1981, p. 118). Surtout la documentation papyrologique nous révèle que l’exportation des esclaves nés en Égypte était interdite470. Ce n’est donc que par la fraude qu'ils parvenaient sur le marché extérieur entraînant une augmentation de leur prix et acérant l’intérêt des plus raffinés. Ce qui explique que seul un nombre limité d’esclaves égyptiens se retrouve dans les autres provinces de l’Empire. A l’opposé, Juvénal n’oublie pas de faire remarquer l’origine géographique de ses esclaves qui serviront un modeste repas471 : ses esclaves sont romains, ils n’ont pas été achetés à un marchand spécialisé. Les esclaves d'une villa rustique sont nés dans la villa (Martial, Epigr. III, 58, 22). La blancheur de leur peau est sans doute indiquée dans le but de montrer qu'ils ont les mêmes caractéristiques physiques que les esclaves de luxe. Dans cette villa, ne se trouve pas d’esclave gymnaste ni d’esclave sommelier : tous les esclaves sont occupés aux travaux de la villa. Ils ne sont pas vraiment spécialisés, c’est-à-dire que malgré une fonction particulière, ils exécutent d’autres travaux, contrairement à la spécialisation totale mentionnée par Cicéron.
217Sénèque (Ep. XV, 95, 24 ; XIX, 123, 7 ; Brev. vit. I, 4-8 et 17, 2) montre les mignons de la cena classés suivant la longueur et la frisure de leurs cheveux et les cortèges de jeunes esclaves à la peau délicate et pommadée. Les esclaves de luxe chez Martial (Epigr. X, 80,1-2 ; II, 57) sont effectivement de jeunes adolescents qui forment le groupe le plus remarqué de la domesticité : ils sont jeunes, efféminés, favoris du maître et associés aux objets les plus rares et les plus précieux. Leur jeunesse est leur première qualité et leur beauté, semblable à celle de Ganymède ou d’Hylas, repose sur un certain nombre de caractéristiques où la chevelure occupe la première place : en effet, les Romains adultes portaient les cheveux courts, seuls les enfants et adolescents avaient les cheveux longs qu’ils coupaient en arrivant à l’âge adulte (Garrido-Hory 1981, p. 147). De plus, il semble que l’esclave qui était affranchi se coupait les cheveux (Plaute, Amph. I, 2, 306 et Servius, Ad Aen. VIII, 564). Par conséquent, la chevelure longue est donc à la fois signe de jeunesse et de servilité. Ces esclaves sont tellement déterminés et codés que l’adjectif capillatus ou comatus est employé substantivement par Martial pour qualifier un emploi472. Les esclaves du chevalier étalant son faste sont capillati, et un personnage, Linus, au service de la riche Postumilla, est pédagogue d’une troupe aux longs cheveux473. Nous savons par ailleurs qu’auprès des pueri pensionnaires du paedagogium impérial étaient affectés divers domestiques, comme l'ornator glabrorum chargé de veiller à ce que leur aspect fasse honneur au prince474. Cette spécialisation d’esclaves impériaux montre toute l’importance de l’aspect physique des esclaves de luxe. Ces jeunes enfants (pueri) considérés comme un luxe par Martial parce qu’ils ont coûté cher475 sont destinés à l’agrément ou à la débauche du maître. Que veut dire Martial avec l’affirmation que c’est un « plus grand luxe de les vendre » ? En fait, il serait totalement déraisonnable de vendre ces esclaves qui portent les stigmates de la débauche de leur maître et qui pourraient donc être vus par les éventuels acheteurs.
3. Coût des esclaves de luxe
218Sénèque rapporte476 qu’un esclave instruit, capable de souffler à son maître des vers que ce dernier répétait pour paraître érudit devant ses convives coûtait 100 000 sesterces. Pline mentionne des prix encore plus impressionnants477 : 700 000 sesterces pour un grammairien et 500 000 pour un acteur. Le premier prix avancé reste encore dans l’ordre de prix fourni par Martial, quoique double du maximum donné par celui-ci. Ensuite, il rapporte que ces prix ont été dépassés, mais fournit des montants extraordinairement élevés (ce sont des prix d’affranchissement, peut-être supérieurs au prix d’achat d’un esclave ?). Puis, il mentionne un prix encore plus élevé qu’il explique par un fait de guerre. Enfin le dernier chiffre de 50 000 000 sesterces semble justifié par la passion d’un acheteur. Tous ces prix ne sont pas représentatifs de la valeur de l’individu. Tl est donc difficile de les prendre en compte, ils sont apparemment aberrants ou, en tout cas, exceptionnels. Y avait-il d’ailleurs de telles fortunes pour payer 50 000 000 de sesterces, alors que les plus considérables, en dehors de la famille impériale, ne dépassent pas quelques centaines de millions ? N’est-ce pas plutôt des prix grossis par l’auteur pour manifester son indignation (iniuria). Quoi qu’il en soit, nous pouvons conclure que certains types d’esclaves étaient recherchés : les érudits comme les grammairiens, les acteurs ou les eunuques. Martial (Epigr. I, 58, 1 ; III, 62, 1) relate ainsi qu’un jeune esclave, un puer, a été acheté 100 000 sesterces, et d’autres cent mille et même 200 000 sesterces par un nommé Quintus, bien que l’auteur ne précise pas si ce prix est global ou individuel. Un autre passage (X, 31, 1) met en scène un personnage vendant un esclave 300 000 sesterces pour dîner d’un surmulet, il n’est pas fait mention du type d’esclave. Les esclaves de luxe atteignent donc, dans la littérature, des sommes considérables : 100 à 200 000 sesterces pour les plus beaux et les plus raffinés et certains même échappent au circuit commercial habituel pour être gardés en réserve à la disposition d’une élite richissime, comme le laisse entendre Martial (Epigr. IX, 59, 4-6). Le prix moyen d’un puer reste donc celui de 100 000 sesterces, somme considérable si l’on estime au double le prix d’une maison (100 000 sesterces en III, 59 et 200 000 en XII, 66). L’esclave venant d’Asie de Virron, la flos Asiae, a coûté des milliers de sesterces478.
219Il convient aussi de rappeler que ces esclaves de luxe sont des adolescents déjà grands mais imberbes, ce qui ne laisse que peu de temps pour l’exercice de leurs fonctions et ajoute encore à leur coût.
220Or, on estime généralement que la fin des captures massives a dû provoquer une augmentation du prix des esclaves (Morabito 1981, p. 59).
221Mais aucune hausse des prix ne ressort des textes, que ce soit entre la fin de la République et le début de l’Empire ou entre le Ier et le IIème siècle après J.-C. On peut estimer comme assez justes les prix approximatifs suivants des esclaves aux deux premiers siècles de l’Empire, bien en ligne avec les données fournies par les juristes (en sesterces) (Balil 1975, p. 59, n. 146) : de 10 000 à 12 000 pour des esclaves hautement qualifiés ; de 8 000 à y 10 000 pour des esclaves bien instruits479 ; de 3 000 à 8 000 pour des esclaves qualifiés, capables de travailler de manière autonome480 ; environ 2 000 pour des esclaves robustes, utilisables pour des travaux simples ; enfin les esclaves moins utiles, les enfants : 1 000481. Les prix pour un esclave ordinaire, “banalisé”, devaient varier entre 1 000 et 5 000 sesterces482. L’irruption massive d’esclaves suite aux conquêtes ou aux répressions de révoltes faisaient chuter les cours483. On peut remarquer que le prix d’un esclave dépend de nombreux facteurs (santé, qualifications, âge, qualités spéciales).
222Mais quels étaient les prix des esclaves de luxe ? Nous avons observé quels prix extraordinaires atteignaient certains d’entre eux, selon les sources littéraires. Cependant certains pueri n’atteignaient pas ces prix excessifs car ils ne présentaient pas les mêmes qualités : Martial en achète un dont il ne mentionne pas le prix mais qu’il juxtapose à une toge à la longue laine et à trois ou quatre livres d’argenterie. Comme il précise plus loin que 5000 sesterces est un prix excessif pour une livre d’argenterie, on peut en déduire que l’on pouvait acheter un puer pour 10 ou 20000 sesterces (Epigr : II, 44, 1-2 ; III, 62, 4). Prix très élevé par rapport aux prix moyens donnés par les papyrus, mais dix à cent fois inférieur aux chiffres extravagants donnés pour des pueri de grand luxe, dans les sources littéraires. Il pouvait donc y avoir une différence énorme entre le prix d’un esclave “commun” et celui d’un esclave de “luxe”, et entre les pueri. Certains prix devaient être exceptionnels en raison de la particularité de l’esclave. Tel un fou acheté et un muletier, mulio, valent 20 000 sesterces chacun (Martial, Epigr. VIII, 13 et XI, 38). Le prix de 20 000 sesterces paraît donc élevé pour un muletier mais sa surdité l’empêche de surprendre les secrets de son maître et de le dénoncer. Nous remarquons que ces prix diffèrent en fonction de l’âge, de l’expérience, du degré d’instruction mais surtout, pour les esclaves de luxe, de la beauté et de l’origine ethnique (Straus 2004, p. 294).
223La possession d’un esclave spécialisé est, pour le maître, le signe d’un niveau de vie élevé reposant sur une fortune considérable et qui rehausse son status484. D’où la nécessité pour l’homme de condition moyenne d’acquérir ces esclaves dans un processus d’assimilation idéologique et d’intégration au mode de vie des classes dominantes. Martial (Epigr. : II, 44) n’hésite pas à s’endetter pour se procurer des esclaves rares et de haut prix. Son cas n’est pas isolé et l’on retrouve tout au long de son oeuvre des individus qui comme lui désirent se procurer des pueri sans toutefois en posséder les moyens485.
Conclusion générale sur les objets de luxe
224Il nous reste, avant de dresser la synthèse des caractéristiques des objets luxueux, à traiter de certains aspects liés au commerce des produits luxueux.
Conséquences économiques du luxe d’après les sources littéraires
225D’après un passage célèbre de Pline l’Ancien, à son époque 100 millions de sesterces, sous forme d’aurei (près de huit tonnes), étaient drainés annuellement vers l’Orient, dont cinquante vers l’Inde seule486 ; ces chiffres sont très fiables pour P. Veyne : Pline est informé et a l’habitude des grands nombres. Ces chiffres ne sont pas si élevés par comparaison avec les patrimoines de l’époque tels celui de Sénèque qui s’élevait à 300 millions de sesterces (De Romanis 1982-1987, p. 202). Les Romains appliquèrent très probablement sur toute leur frontière orientale une taxe d’importation forte élevée de 25 %, peut-être pas uniforme, mais destinée à endiguer leur déficit commercial avec l’Orient et ses conséquences monétaires parfois désastreuses. Déjà César avait établi certains portoria à caractère somptuaire. La taxe d’importation avait-elle le même but que les lois somptuaires que nous avons étudiées, c’est-à-dire réfréner le luxe ? Combinée avec les péages très lourds perçus également par les Arabes, elle explique sans doute l’assertion de Pline (H.N. VI, 23, 101 ; XI, 14, 51) que le prix de vente de certains produits indiens était cent fois plus élevé à Rome qu’aux Indes, rendant ceux-ci moins concurrentiels que les produits analogues d’Occident, quand ils existaient. Or, ces produits indiens étaient également soumis au coût élevé du transport, aux risques et enfin aux spéculations des vendeurs de biens de prestige qu’ils savaient destinés à une clientèle aisée. Le portorium enrichissait l'Etat romain et éventuellement certaines sociétés de publicains, aux dépens des consommateurs de l’Empire et des marchands, ressortissants ou non de l’Empire ; et endiguait le déficit commercial en freinant la consommation des biens importés ainsi renchéris. P. Veyne a suggéré que l’État romain avait besoin de liquidité et qu’il tenta de bloquer non seulement la thésaurisation mais également les exportations. D’autres historiens pensent au contraire, qu’Auguste aurait tenté d’encourager le commerce entre l’Inde et Rome. Les raisons auraient été d’accroître les revenus, et aussi, simplement parce que le commerce lui semblait une bonne chose (Crawford 1980, p. 208). Rien ne permet d’affirmer quelle opinion est la plus exacte. Suivant Strabon (Geogr : II, 5, 12), à partir d’Auguste le commerce entre l’Egypte et l’Inde augmenta, comme l’illustre le nombre des bateaux se dirigeant annuellement vers celle-ci, passé de vingt à l’époque des Ptolémées à cent vingt en 26 avant J.-C. ; l'information doit être fiable, car Strabon accompagnait à cette date le préfet d’Égypte et son ami Aelius Gallus jusqu’à Syène. L’entourage d’Auguste trouva des relations commerciales déjà établies depuis les Ptolémées mais il prit conscience des perspectives que la possession de ports sur la Mer Rouge ouvrait. Strabon (Geogr : II, 5, 12 ; XVII, 1, 13) décrit ensuite la considérable augmentation des ressources fiscales induites, les navires étant imposés à l’entrée comme à la sortie de l’Égypte. Dans les années qui suivirent la prise d’Alexandrie, la conquête romaine sut imprimer un tournant décisif au commerce avec l’Inde favorisé par une demande sans précédent et par l’arrivée à Rome des trésors égyptiens ainsi que d’une quantité énorme de métal précieux487. Tacite (Ann. III, 55, 1) date d’ailleurs le début du luxe de la table de la fin de la bataille d’Actium, la prise d’Alexandrie favorisa le commerce des épices indiennes. LÉgypte devint « le port de l’Inde » selon une expression de Flavius Josèphe (Bel. lud. Il, 16, 4 ; De Romanis 1982-1987, p. 151). La présence de marchands occidentaux le long des côtes indiennes amena quelques monarques indiens à envoyer leurs ambassadeurs à Auguste488. Les côtes indiennes furent explorées jusqu’au Gange, comme l’atteste Strabon (Geogr. XV, 1, 4), mais l’intérêt des marchands occidentaux se concentra sur les ports de la côte sud occidentale. Le contraste entre la rareté des monnaies romaines républicaines retrouvées en Inde et l’abondance des deniers de l’époque de Tibère renforce bien les propos de Strabon sur l’accroissement du commerce entre l’Inde et Rome. Même si les monnaies de Tibère ont été diffusées après son règne, l’importance de son règne pour les trafics commerciaux avec l'Inde n’en reste pas moins attestée. Selon De Romanis (1982-1987, p. 201), elle doit être mise en relation avec le passage de Tacite qui considère que le luxus augmenta dans les années 16-22 après J.-C. Parmi les facteurs qui favorisèrent l’augmentation du commerce entre l’Empire et l’Orient figurent : à l’époque de Pline l’Ancien, la découverte par un pilote romain de la mousson et de la route directe de l’Inde par l’Océan Indien ; la conquête de la Syrie et le coup porté à la piraterie par Pompée fournirent à Rome la maîtrise de la Méditerranée entière et des moyens de pression sur Palmyre et Pétra, les têtes de pistes caravanières drainant le commerce des produits exotiques (Boulnois 1963, p. 58). Palmyre commandait les pistes caravanières qui menaient via le pays parthe vers l’Inde septentrionale, l’Asie Centrale, la Chine, ou par la vallée de l’Euphrate et Séleucie à l’embouchure du Tigre et de là aux ports indiens. Les Romains, avec qui les Parthes refusaient de commercer directement, devaient passer par Palmyre. Pétra, reliée à celle-ci, était l'aboutissement d’une filière maritime, du commerce de l’Océan Indien et de la mer Rouge, où arrivaient les produits : précisément à Leuké Komé, face à Bérénice, à environ vingt-quatre jours, selon Pline (H.N. VI, 103), d’Alexandrie. On embarquait à Bérénice au milieu de l’été pour bénéficier de la mousson, après un mois de descente de la mer Rouge, en convoi et sagittariorum cohortibus inpositis ; etenim piratae maxime infestabant489. Les navigateurs faisaient escale à Ocelis (Cella), port sur la côte arabe à la sortie de la Mer Rouge au-delà duquel les navigateurs indiens n’avaient pas le droit d’aller, et en quarante jours environ rejoignaient les ports du Nord-Ouest de l’Inde. Au total, en incluant une quinzaine de jours de Rome à Alexandrie, il fallait compter, avec les arrêts et les escales pour le ravitaillement, le chargement et le rechargement, les avaries ou d’autres retards, une bonne moyenne de trois mois et demi de Rome en Inde (Boulnois 1963, p. 63).
226Pline ignore les exportations de l’Empire vers l’Orient, considérant quelles vont de soi, tandis que les importations, elles, sont contre nature et constituent un manque à gagner et un scandale. Son attitude ressemble à celle d’un propriétaire foncier ou de Caton l’Ancien pour qui le meilleur moyen de s’enrichir est de ne rien acheter ; sa pensée est tendue vers l’autarcie, attitude politique et non seulement économique. Or, l’Empire n’était pas seulement importateur, et le Périple de la Mer Érythrée ou les fouilles (comme à Arikamedu) reflètent l’exportation en Orient de vins, de cuivre, d’étain, de plomb, de textiles490, de verre (exporté à Barbarikon dans le Delta de l’Indus, port où arrivait également le verre de Begram), de cristal de roche, d’or et d’argent ; jusqu’à Taxila, les fouilles ont révélé des objets de luxe romains, tels que de la vaisselle en argent de l’époque augustéenne et julio-claudienne (Whitehouse 1990, p. 490 et fig. 1, p. 491).
227Le témoignage de Pline ne prouve donc pas une hémorragie d’or au rythme annuel de 100 millions d’importations nettes d’exportation, d’autant que des échanges ont pu être effectués en troc ou par simple compensation. Or, l’Inde n’avait pas beaucoup d’espèces internationales, frappait surtout des pièces de plomb ou d’étain et devait payer les marchandises romaines en marchandises indigènes : « Ceux qui naviguent vers l’Inde disent que les Indiens donnent d’autres marchandises en échange des nôtres, car ils ne connaissent pas la monnaie, bien qu’il y ait chez eux beaucoup d’or et de bronze » (Pausanias, III, 12, 4). Les espèces romaines elles-mêmes n’étaient qu’une marchandise parmi les autres exportations romaines en Inde, non l’instrument qui servait à payer les 100 millions d'importations (Périple de la Mer Érythrée, 6, 8, 39, 47, 49). Enfin, il devait arriver que l’Inde paie les marchandises romaines en or non monnayé : pour Pline (H.N. XXXIII, 21, 66 ; cf. Périple de la Mer Érythrée, 63), l’Inde gangétique était un des fournisseurs d’or de l’Empire. On peut supposer que dans le petit monde des navigateurs occidentaux et des marchands indiens, les rôles d’importateur et d’exportateur n’était pas distincts : le même Indien achetait des marchandises au Romain et lui proposait des produits locaux, l’or ne servant qu’à acquitter le solde éventuel. La fuite d’or a donc dû au total être modérée, si tant est qu’elle ait existé (Veyne 1979, p. 218-219).
228Enfin, un autre trait économique important des produits de luxe tient à ce que certains étaient des monopoles d'État. Ainsi, dès Auguste ou Tibère, les carrières de basalte et les mines d’émeraude et de topaze du Désert Oriental égyptien, plus généralement, les principales carrières de pierres précieuses, et, comme nous l’avons vu, de marbre, relevèrent rapidement de la juridiction impériale (Belli Pasqua 1995, p. 32). L’étendue du contrôle impérial sur la production, la fabrication, le transport d’un produit donné ou la surveillance de l’approvisionnement de la capitale en ce produit, pourraient constituer de bons indicateurs des produits sensibles, comme le blé ou l’huile, pour des raisons politiques, ou comme l’objet de notre étude, pour des raisons tenant à leur luxe. Dans ce dernier cas, pour autant que ces monopoles fussent rentables, le luxe des riches Romains aidait les finances impériales, ce qui a pu inciter l’administration impériale à modérer la lutte contre le luxe.
229De cette étude des objets luxueux pour les Romains du Ier siècle après J.-C., nous pouvons définir certaines caractéristiques qui leur sont propres :
ils sont faits dans un matériau ou une matière considérés comme précieux parce que rares ou d’origine lointaine. C’est ainsi qu’un des éléments constants du luxe romain est le rappel systématique, dans les sources littéraires, de l’origine géographique de ses produits qui détermine des niveaux différents de luxe au sein d’une même matière, une sorte de palmarès des objets de luxe est ainsi établi.
le caractère précieux, la rareté de ce matériau ou de cette matière ainsi que le coût de transport entraînent une valeur marchande généralement très élevée.
le coût du travail, lié à la difficulté et au temps de fabrication de l’objet luxueux n’est apparemment jamais pris en compte par les sources littéraires.
l'objet luxueux n’est objet d’art que lorsqu’il a été exécuté par un artiste grec : l’importance et la valeur du travail d’exécution sont alors prises en compte.
l’objet luxueux est parfois un objet antique.
230Les produits de luxe sont tous des signes extérieurs de richesse. Ils s’exhibent et témoignent du status de l’individu, donc de sa place élevée dans la société. Les signes extérieurs de richesse apparaissent comme garants de l’insertion de l’individu dans la société impériale, à tel point qu’il est plus important de paraître riche que de l’être réellement491. La richesse et le luxe constituent le moyen de domination d’un individu privilégié sur sa familia et sur la masse des citoyens pauvres, développant ainsi un sentiment de puissance qui suscite à la fois admiration et envie.
231La description précise et constante de la provenance de ces produits souvent rares et chers, que la société romaine toute entière convoite, montre, en même temps que l’importance du commerce et le goût de l’exotisme, l’assimilation entre la puissance impérialiste de Rome et la possession de produits de luxe. C’est la puissance de Rome sur l’Empire et, au-delà, sur l’ensemble du monde connu, qui est implicite dans les manteaux tyriens, les tables en cédratier de Libye, les émeraudes de Scythie, les jeunes esclaves grecs et égyptiens, les soieries de Cos ou de Chine, les tables de Maurétanie aux pieds d’ivoire492... pour ne citer que quelques exemples. Le riche, en acquérant les productions de l’Empire, s’approprie en même temps une partie de la puissance politique de Rome et renforce ainsi sa position au sommet de la hiérarchie sociale, dans la société impériale fortement hiérarchisée (Garrido-Hory 1985, p. 224 et 226).
232Nous concluons de cette étude qu’il se forma, au Ier siècle après J.-C., une sorte de généralisation de l’apparence du luxe, de "popularisation” du luxe par le biais de ces industries d’imitations des matières et objets luxueux : ainsi, la pâte de verre imite les pierres précieuses, la céramique imite le verre ou le bronze, etc... Par des substituts, peu coûteux, d’objets chers, il devient possible d’imiter les couches sociales plus fortunées493. Ces procédés illustrent en fait la volonté de certains membres des couches sociales les plus basses de s’approprier les symboles extérieurs des couches plus élevées, pour ainsi réduire les distances sociales. Ce phénomène est dû à une mobilité sociale très réduite, au fait que l’élite protège par la législation les symboles de son statut, au grand poids de la tradition (Reinhold 1969, p. 301). Martial montre ainsi des affranchis qui déploient sournoisement les symboles du statut de l’ordre équestre ou du moins certains des objets dont s’entourent avec prédilection les membres des deux ordines les plus élevés494. Il est en effet intéressant de constater que, pour détourner l’exclusivité d’un des symboles de l’ordre équestre, le droit au port de l’anneau d’or, les affranchis portèrent des anneaux plaqués or (Pline l’Ancien, H.N. XXXIII, 6, 23 ; Pétrone, Satir. XXXII). De nombreux anneaux en bronze doré sont parvenus jusqu’à nous (Marshall 1907 ; Reinhold 1969, p. 303).
233Faut-il penser, comme M. Reinhold, que cette tendance résulta de la politique d’Auguste ? Selon lui, sa réorganisation de la structure sociale de l’Empire, qui introduisit une plus large stratification sociale basée principalement sur la possession de biens, provoqua des efforts pour usurper le statut social et les symboles montrant ce statut par des moyens frauduleux et illicites.
Notes de bas de page
1 Ignoscetis mihi, quod dixero : ego malo mihi vitrea, certe non olunt. Quod si non frangerentur, mallem mihi quam aurum ; nunc autem vilia sunt. « Pardonnez-moi ce que je vais dire : pour mon compte, j’aime mieux le verre ; au moins n’a t-il pas d’odeur. Et même s’il n’était pas si fragile, pour mon compte je le préférerais à l’or. Mais, tel qu’il est, il est sans valeur. » (Satir. L, 7).
2 Si elles ne se rompaient pas, Trimalcion préféreraient les coupes en verre aux coupes en or, mais vilia sunt. Suit l’anecdote du verrier qui avait inventé le verre flexible (Satir : L-LI et aussi Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 66).
3 Epigr. XIV, 96, 1. Martial (Epigr. XIV, 94) mentionne des coupes en verre destinées aux plus pauvres et aux clients, qui contrairement au cristal de roche résistent probablement à la chaleur, et sont donc plus économiques que celui-ci ; mais elles imitent les coupes en cristal de roche parce que «ciselées»«ciselées» (toreumata) et appelées gemma, ce qui signifie « une pierre formant une coupe ». Dans la Satire V de Juvénal qui décrit le banquet de Virron, ce dernier boit son vin luxueux dans des coupes d’ambre ou des coupes incrustées de pierres précieuses, tandis que ses clients dégustent leur mauvais vin dans des coupes de verre ébréchées (vers 46-48).
4 De la même manière que de nos jours en français le mot « verre » désigne aussi un verre à boire. Stern 1989, p. 121.
5 Malgré la mauvaise foi évidente de l’orateur, qui affirme que ces cargaisons sont fallaces et fucosae (Pro Rab. Post. XIV, 40). Comme le souligne Rougé 1966, p. 278-279.
6 Stace dévoile, comme une scène populaire, tout un petit peuple qui troque des morceaux de verre contre des allumettes. Il apparaît donc que les débris de verre avaient une valeur commerciale, limitée mais réelle (Silv. I, 6, 73-74 ; cf. aussi Martial, Epigr. I, 41, 3-5 et Dion Cassius, LX, 17, 6). Pline l’Ancien (H.N. XXXVI, 199) ne semble pas être au courant de cette particularité du verre (Stern 2006, p. 46).
7 Taborelli 1982, p. 144, note 21. Près du site de Jublains dans la Mayenne, au lieu-dit Fontaine des Cuves, a été retrouvé, dans un atelier de verrier, du groisil, c’est-à-dire du verre destiné à être refondu, datant de la fin du I'r ou le début du IIème siècle après J.-C.
8 Cette demeure est une maison aulique de type pré-romain, dont la décoration date duIer style, les pavements sont en cocciopesto, avec des tesselles blanches, et datent du IIème siècle avant J.-C.. De Vos 1988, p. 287.
9 Cette maison était divisée en plusieurs appartements ; dans celui du premier étage où furent découverts les vases, se trouvaient deux pièces, dont un cubiculum (1) et un biclinium (2), décorés de peintures du IVème style (De Vos 1988, p. 270).
10 De Tommaso 1990, p. 20. Il est normal que les balsamaires se soient d’abord répandus car la réalisation de bouteilles de petites dimensions et de forme globulaire ou ovoïde est techniquement plus simple que des formes fermées de dimensions plus importantes ou des formes ouvertes.
11 Date confirmée par la stratigraphie, ce qui est en parfait accord avec les découvertes de la Regia du Forum romain et de la maison de Livie sur le Palatin. Bonghi Jovino 1984, p. 259.
12 Dans la collection du musée de Cagliari, sont conservées quelques formes de claire dérivation métallique : un modiolus de grandes dimensions, réemployé comme urne cinéraire (Inv. n°5119), datant du Ier siècle après J.-C. ; un rhyton à simple corne (Inv. no 101974) de la même époque.
13 Deux coupes en verre millefori, conservées au MANN, imitent vraiment les veines du marbre (Inv. 13586, Ziviello, 1986, p. 218, no ll et 12 du catalogue).
14 Epigr. VIII, 68, 3-10 : l’auteur insiste sur la transparence du verre et ce passage révèle aussi peut-être que la serre permettait de faire des vendanges tardives en hiver ?
15 Sénèque, Ep. LXXXVI, 8 ; 11 ; Pline le Jeune, Ep. I, 3, 1 ; II, 17, 11 ; V, 6, 26 ; Stace, Silv. I, 5, 45. L’.Édit de Dioclétien (XVI, 5-6) distingue deux qualités de verre pour les fenêtres : la meilleure, qui valait 8 deniers la livre, et une seconde qualité qui en valait 6. Ceci peut paraître modeste par rapport aux salaires mentionnés par l'Édit (24 deniers par jour pour un ouvrier non qualifié), mais il s'agit de prix de 301 après J.-C. ; l’offre de verre, en particulier, a donc pu fortement changer entre l’époque que nous étudions et celle de Dioclétien, particulièrement pour un matériau comme le verre qui se prête à l’“industrialisation” et dont la diffusion a notablement augmenté aux cours des trois premiers siècles de l’Empire.
16 Grant 1972, p. 121. D'une épaisseur de 6 mm environ, des panneaux vitrés étaient insérés dans un châssis de bronze ou de bois qui tournait verticalement autour d’un pivot. En raison de leur prix élevé, on jugea nécessaire de protéger ces panneaux par des rideaux, des jalousies, des volets de bois ou des filets.
17 Repertorio fotografico, p. 537.
18 Jashemski 1979, p. 38. Portique représenté en (a) de Jashemski, plan 10. Dell’Acqua 2006, p. 119.
19 Elle est actuellement conservée dans les réserves de Pompéi (SAP, inv. 22298), elle mesure 51 cm de haut et 45,5 cm de large. Ciarallo et De Carolis 2001, p. 209, no 275 ; Beretta et Di Pasquale 2006, no 3.3 p. 282. De plus, dans la paroi septentrionale de la pièce sud, un trou circulaire, un "oeil” destiné à donner plus de lumière, devait avoir une vitre de verre (De Franciscis 1988, p. 21). Selon nous, il est peut-être téméraire de qualifier cette maison de luxueuse, car elle semble simplement riche, elle est la demeure agréable d’une famille aisée. Nous ne relevons pas la présence de pavements en opus sectile, entier ou même seulement un emblema.
20 Deiss 1989, p. 49 ; Tram Tan Tinh 1988, p. 26 ; Fontaine et Foy 2005b, p. 35.
21 La Casa di M. Lucretius Fronto ne peut aussi aisément être classée.
22 Inv. n°GR 1772-3-17-21, Collection Hamilton. Un fragment de vitre de verre d’environ 35 cm de long est exposé au Musée du Vatican à Rome, sans numéro d’inventaire ni élément de datation. Nous pouvons compléter notre liste des vitres de verre dans les provinces romaines par deux exemples gaulois. D’une part, nous avons remarqué, au Musée Carnavalet à Paris, trois fragments de vitre en verre datés du Haut-Empire et découverts dans la ville (Inv. n°AV 2045 et AV 2052). Ces trois fragments proviennent des bords des fenêtres car ils ont chacun un des côtés arrondi, ils ont des épaisseurs non uniformes d’environ 4 à 5 mm et, de couleur verdâtre, sont translucides mais non transparents. D'autre part, Troadec (1996, p. 18) révèle que des fragments de verre à vitre ont été découverts dans un caldarium appartenant à un ensemble thermal de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C., dégagé en 1983 sous l’ancien hôtel de Blosset, rue Edouard-Branly, à Bourges.
23 21 pouces par 12 ; Inv. Greek and Roman Dept. 1958, 2.28.1.
24 5,75 pouces par 3,5 ; Greek and Roman Dept. 1958, 10.24, 1-2.
25 Ep. I, 3, I ; V, 6, 26. Nous estimons important que Martial décrive la serre de verre abritant les vignes comme transparente et qu’il l’a compare à « une eau limpide » (Epigr ; VIII, 68, 5 8).
26 Sed quid refert, Neronis principatu reperta vitri arte quae modicos calices duos, quos appellabant petrotos, HS VI venderet ? « De reste qu’importe, puisque, sous le principat de Néron, l’on découvrit une technique du travail du verre qui fit vendre au prix de six mille sesterces deux modestes coupes de verre que l’on appelait « coupes pétrifiées ». » (H.N. XXXVI, 195).
27 Ibi fit massa quae vocatur hammonitrum, atque haec recoquitur et fit vitrum purum ac massa vitri candidi. « On le recuit et on obtient du verre pur et une masse de verre blanc. » (H.N. XXXVI, 194). Martial confirme l'existence d’une telle matière ; Et turbata brevi questus crystallina vitro… « Et il se plaint qu’on ait gâté par le mélange d’un peu de verre la pureté des cristaux… » {Epigr. IX, 59, 13). D’après nos recherches, nous nous sommes rendue compte qu’il ne pouvait s’agir ici que de vases en verrecristal, qui dans ce passage de Martial, sont énumérés avec d’autres objets précieux (tels que les vases murrhins, les coupes d’or enchâssées d’émeraudes, les meubles en ivoire…) qu’un personnage pauvre, faisant semblant d’être riche, convoite. C’est ce que pense également Trowbridge (1930, p. 83), qui considère que les vases cristallins de Martial contenaient des impuretés, des taches. « Le verre clair comme du cristal » de Strabon est également du verre-cristal ainsi que « le verre clair qui ressemble au cristal » mentionné par Scribonius Largus (Forbes 1966, Vol. V, p. 168). Le verre-cristal inspira le passage dl'Apocalypse selon saint Jean (IV, 6) :… in conspectu throni tamquam mare vitreum simile crystallo. « Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal ». D’autres passages se référeraient au verre-cristal, notamment chez Properce (IV, 3, 52) et Quinte Curce (III, 3, 8). Il a été suggéré qu’il s’agissait d'une balle en or enfermée dans du cristal de roche, mais la difficulté d’y inclure quoi que ce soit et la facilité avec laquelle on pourrait le faire avec du verre, font pencher l’auteur vers l’idée qu’il s’agit de verre-cristal. Forbes 1966, p. 168.
28 Ce sont respectivement les suivants :… manibusque ministrat/Niliacas crystallos aquas. « … le cristal verse sur les mains l’onde pure du Nil, » (Phars. X, 159-160)…dum tibi Niliacus portât crystalla cataplus !accipe de circo pocula Flaminio. « Tandis qu’une flotte partie du Nil t’apporte des vases de cristal, reçois des coupes qui viennent du cirque de Flaminius. » (Epigr. XII, 74, 1-2).
29 Mire his ad similitudinem accessere vitrea, sed prodigii modo, ut suum pretium auxerint, crystalli non deminuerint. « Des vases de verre ont imité merveilleusement le cristal, mais, prodigieux résultat, ils ont augmenté de prix et ceux de cristal n’ont pas diminué. » {H.N. XXXVII, 29).
30 … maximus tamen honos in candido tralucentibus, quam proxima crystalli similitudine. Usus vero ad potandum argenti metalla et auri pepulit. « Cependant la plus grande faveur va au verre blanc et transparent, rien ne rappelant de plus près le cristal de roche. Mais son usage pour boire a éliminé celui des métaux d’argent et d’or. » (H.N. XXXVI, 198).
31 Trowbridge 1930, p. 80. Martin-Bueno et Ortiz Palomar (1995, p. 11) considèrent que l’existence du verre transparent d’une très grande pureté, pouvant se confondre avec du cristal de roche, est attestée non seulement par les textes littéraires mais également par les fouilles archéologiques.
32 Outre les objets mentionnés ci-dessus, nous avons bien sûr fréquemment découvert, au cours de nos recherches, des fragments de millefiori, mais trop restreints pour une analyse fructueuse, ou même des objets relativement bien préservés, mais de provenance trop équivoque pour une analyse approfondie. Lorsque le contexte d’une découverte est trop mal défini, nous avons été obligé de l’écarter (cf. von Saldern 1964, p. 42-46) présente un ensemble intéressant de flacons et de coupes millefiori conservés à Split, l’ancienne Spalato, mais découverts pour la plupart « au XIXème siècle à Salona ».
33 Inv. 53049. Le nom de M. Granius Marcellus est observé sur des cachets en argile découverts dans le campo di S. Fiora (Monachi 1983, p. 18-21). Cette villa a au moins un pavement en opus sectile et un socle de marbre vu le nombre de crustae retrouvées, datant de la fin du Ier siècle avant J.-C. ou du début Ier siècle après J.-C..
34 Scatozza Hôricht 1986, p. 25. Inv. no E 475, hauteur : 5 cm, diamètre : 17, 3 cm.
35 Scatozza Höricht 1986, p. 151. Inv. no E 911 ; hauteur : 2,5 cm.
36 Morel 1979, p. 257. Les toreumata, mentionnés par Martial (Epigr. XI, 11 ; XII, 74), pourraient être des coupes en verre sculpté en relief comme le verre-camée (Trowbridge 1930, p. 109). Elles sont dites plebeia toreumata vitri, « coupes plébéiennes travaillées en verre » (Epigr. XIV, 94) destinées aux plus pauvres. Mais rien ne permet de certifier que Martial fasse référence au verre-camée.
37 Hauteur : 0,245 m ; diamètre maximal : 0,175 m. Painter 1988, p. 192.
38 Actuellement au British Muséum (hauteur : 0,228 m ; diamètre maximum : 0,143 m ; diamètre de la base : 0,078 m ; bleu foncé translucide et blanc opaque). Elle contient 23 % de plomb contre 12 % pour le vase de Portland, ce qui le rend plus malléable et plus facile à graver. Painter et Whitehouse 1990, p. 149-150.
39 Actuellement conservés au MANN (Inv. 153652 et 153651). Le premier représente Dionysos et Ariane, le second fait pendant au premier et représente une scène dionysiaque, probablement l'initiation d’Ariane aux mystères. Painter et Whitehouse 1990, p. 154-157, donnent respectivement 25-25,3 x 39,9-40 cm et 25,2 x 39-39,4 cm, pour une épaisseur respectivement de 0,7-1 cm et 0,6-0,7 cm.
40 Maiuri (1961, p. 19) écarte ainsi les hypothèses, émises avant et après son article, d’emploi comme décoration murale, car ils ne présentent aucune trace de plâtre au revers et devaient être trop délicats pour être fixés au mur (de même que Painter et Whitehouse 1990, p. 157 ; Ziviello 1986, p. 226, no 50 et 51 du catalogue).
41 D’après Maiuri (1961, p. 19), ils auraient été réalisés en appliquant les parties figurées faites à partir d’un moule, sur la plaque de verre bleu au moyen d’une pâte adhésive.
42 Conservé aujourd’hui au MANN (Inv. 13521). Il s’agit d’une sorte d’amphore de 32 x 6 cm, quoique Painter et Whitehouse (1990, p. 138-141) donnent 31,7 cm.
43 Cependant, ce jour coïncidant avec la visite du Roi Ferdinand II de Bourbon, il semblerait tout à fait probable que cet objet ait été découvert à un autre endroit et placé volontairement dans la tombe à cette occasion pour simuler une découverte. Ziviello 1986, p. 226, no 49 du catalogue ; de même que Painter et Whitehouse 1990, p. 140-141.
44 Un oinochoe en verre-camée est également conservé au British Muséum et présente une décoration de sarments de vignes et de feuilles de lierres. Il provient de Pompéi mais nous ne connaissons pas son contexte de découverte. Une trulla, présentant un masque de Silène entouré de feuilles de vigne (diamètre 0,244 m ; hauteur : 0,061 m ; poignée (actuelle) 0,14 m ; blanc opaque sur bleu foncé translucide), est conservée au MANN (sans numéro d’inventaire) et mentionnée par Painter et Whitehouse 1990, p. 153-154. Mise au jour à Pompéi vers 1834 ; aucune datation précise n’a été avancée. Le lieu précis de découverte n'est pas mentionné par la description du Museo Real Borbonico de 1835. Painter et Whitehouse considèrent qu’elle servait probablement « au mélange des vins » et que, en tant que telle, elle devait appartenir à « un luxueux service à boire ». Le Vase des Saisons du Cabinet des Médailles et Antiques de la Bibliothèque Nationale de Paris, retrouvé à Rome, serait d’époque augustéenne [Painter et Whitehouse 1990, p. 158-160. Hauteur (restaurée) : 0,165 m ; blanc opaque sur fond bleu foncé]. Un vase à parfum avec une scène d’initiation de Bacchus enfant, provient d’une tombe découverte dans le Val di Chiana en Toscane (Conservé au Musée de Florence (Inv. 70811), dimensions non disponibles, Maiuri 1955, p. 22). D’après Painter et Whitehouse (1990, p. 145-146), la datation est incertaine : ils ne se décident pas entre l’hypothèse des années 20-50 après J.-C. par rapprochement avec un balsamaire de même forme retrouvé à Locarno en Suisse, et celle d’une fabrication à Rome sous Auguste formulée par Simon (1957, p. 79 et 1964, p. 29) qui estime que le même atelier a produit ce balsamaire et le vase de Portland, d’après notamment la ressemblance stylistique. Le vase du Musée des Beaux-Arts de Besançon, venu au jour dans la ville en 1886 (Inv. 886, 1-1 ; dimensions : hauteur (actuelle) : 0,209 m ; diamètre : 0,115 m) présente l’intéressante particularité d’être blanc opaque sur un fond translucide pourpre foncé et non l’habituel bleu foncé. La frise, dionysiaque, représente des satyres dans un sanctuaire rural, avec décor d’arbres et de méduses. Painter et Whitehouse (1990, p. 146-149) et Simon (1964, p. 26 et 29) suggèrent comme datation le règne de Claude. Aucun lieu de fabrication n’est avancé, quoique Simon suggère la région de Besançon.
45 Ep. XI, 86,11. Ces speculares semblent être une nouveauté : Quaedam nostra demum prodisse memoria scimus, ut speculiorum usum perlucente testa clarum transmittentium lumen… « Il en est, nous le savons, (des découvertes) qui datent tout juste de notre temps, tel l'agencement de ces carreaux de fenêtres dont la plaque diaphane transmet la lumière dans sa pureté… » (Sénèque, Ep. XIV, 90, 25 ; cf. aussi De prov. IV, 9 ; specularia).
46 H.N. XXXVI, 102. Provenance préférée à Chypre, à la Cappadoce, à la Sicile ou à l’Afrique.
47 Une plaque provient de Carrascosa del Campo (environ 21 x 15 cm par 2 cm d’épaisseur), l’autre d’une fabrique découverte à Cerro de la Muela (environ 25 x 15 cm par 2 cm d’épaisseur). Les carrières se situaient le long de la voie Segobriga-Ercavica.
48 Webster 1959, p. 10-11. Inv. 3154 (Fontaine et Foy 2005c, p. 159, fig. 201 et p. 161, fig. 203). Trois feuilles de pierre spéculaire, provenant de Pompéi ( ?), mesurent 21,4 x 11,5 cm et 22,3 x 10,8 cm (SANC inv. 11791, 11792 et 11793 ; Beretta et Di Pasquale 2006, no 3.4 p. 283). Ces dimensions se rapprochent de celles des plaques conservées au Musée Archéologique de Cuenca.
49 La maison est de type samnite avec un atrium toscan. De Vos 1988, p. 112.
50 In genere vitri et ohsiana numerantur ad similitudinem lapidis quem in Aethiopia invenit Obsius, nigerrimi coloris, aliquando et tralucidi, crassiore visu atque in speculis parietum pro imagine umbras reddente. « Dans la même catégorie que le verre, on peut ranger les produits obsiens nommés d’après leur ressemblance avec la pierre qu’Obsius découvrit en Éthiopie. C’est un minéral d’une couleur très noire, quelquefois aussi translucide, qui donne une vision plus mate que le verre, et, dans les miroirs accrochés aux cloisons, ne rend en guise d’images que des ombres. » (H.N. XXXVI, 196-198). (cf. aussi H.N. XXXVII, 177).
51 L’un, situé au Sud, présente à peu près la forme d’un losange de 29 cm par 43 ; l’autre, situé au Nord affecte la forme irrégulière d’un haricot ; la forme ne semble pas avoir eu d'importance.
52 Elia 1957a, p. 98. Or, selon De Romanis (1996, p. 238), ces miroirs sont en opsianum, c’est-à-dire en verre imitant l’obsidienne naturelle. Si tel est le cas, ceci n’en témoigne pas moins de la grande valeur de l’obsidienne dans la mesure où elle est imitée à partir d’un matériau qui devait être moins coûteux, le verre, et que ces "faux” miroirs sont mis en évidence par le propriétaire comme nous l’avons déjà souligné.
53 H.N. XXXVII, 157. Solin, 37, 18 ; Isidore, Orig. XVI, 4, 7 ; 11, 8.
54 PPM V, p. 761, fig. 88-89 ; le péristyle (F) de cette maison a d'ailleurs livré des reliefs, des hermès, des masques et bustes de divinités dionysiaques (PPM V, p. 716).
55 Notons que des miroirs en obsidienne aztèques servaient principalement à des fins divinatoires, la surface noire révélant au devin les choses cachées. Au XVIème siècle, des magiciens européens, dont l’Anglais John Dee, en firent un usage similaire. Lahogue et De Corte 1995, p. 98.
56 Conservés au MANN (inv. 2994471, haut. 12,5 cm ; diam. 18,2 cm). Huit pattes léonines en argent, qui sans doute appartenaient à une table ou à un repositorium, furent d’ailleurs découvertes avec ces pièces.
57 Deux des skyphoi ont pour motif des scènes d'adoration de divinités égyptiennes, alors que le troisième présente des rameaux d’acanthe entre lesquels volent des oiseaux et que la phiale, d’après ce que l’on a pu reconstituer à partir des quelques fragments, devait représenter un paysage nilotique avec cheval et crocodile (d’après la reconstitution d'O. Elia 1957a, p. 101) ; Leospo 1999, p. 333.
58 Sans numéro d'inventaire, d’environ 20 cm de diamètre et 5 de profondeur.
59 Inv. no 1917. 17. 194. 2359 et 2360.
60 La Casa del Frutteto a un emblema en opus sectile dans l'oecus (13), la Casa degli Amorini dorati un emblema dans le triclinium (O) et la Casa del Efebo un pavement entier en opus sectile dans son triclinium (17) (fig. 39).
61 Nous constatons, effectivement, que Pline l’Ancien ne mentionne le bronze à aucun moment, dans le livre XXXIV de son Histoire Naturelle, en terme de luxuria. Chez Ovide (Met. VIII, 645), deux personnes âgées et pauvres préparent leur repas dans « un petit chaudron de bronze ». Stace (Silv. I, 3, 50) traite du bronze en ces termes :… et argento primum, vel in aere minori… « … dans l’argent ou dans le bronze moins noble… ». Morel 1963-1964, p. 330.
62 Elle est rangée par Horace (Sat. I, 6, 116-118) parmi la vaisselle vilis. Le bronze de Campanie était utilisé dans la fabrication des ustensiles de ménage (Pline, H.N. XXXIV, 95). Enfin, un dernier élément semble confirmer que la vaisselle de bronze n'était pas une vaisselle de luxe : un vase en bronze coûtait, au Ier siècle après J.-C., 12 drachmes, c’est-à-dire 48 sesterces (P. Ryl. 124 ; Balil 1975, p. 69).
63 Ils sont dits parvis et vile chez Juvénal (Sat. XI, 90-92 et 96-98).
64 En dépit du fait que la matière soit considérée comme minor (Stace, Silv. I, 3, 50-51).
65 Polyclitus Sicyonius, Hageladae discipulus, diadumenum fecit molliter iuuenem, centum talentis nobilitatum… « Polyclète de Sicyone, élève d'Hagéladas, a fait le Diadoumène, figure efféminée de jeune homme, qu'a rendue célèbre son prix de cent talents… » (H.N. XXXIV, 55). Hagéladas, sans doute en activité dès la fin du VIème siècle, devait être bien vieux quand Polyclète, né vers 480, commença son apprentissage de sculpteur. Il mentionne également une statue d'Alexandre enfant, probablement l’une des premières oeuvres de Lysippe qui fit ses débuts vers 364 avant J.-C. : Nobilitatur Lvsippus et temulenta tibicina… Fecit et Alexandnan Magnum multis operibus, a pueritia eius orstis. Quam statuant inaurari iussit Nero princeps delectatus admodunt ilia ; dein, cum pretio perisset gratia artis, detractum est aurum pretiosiorque talis existimabatur, etiam cicatricibus operis atque concisuris in quibus aurum haeserat remanentibus. « Lysippe est célèbre par sa joueuse de flûte ivre… 11 a fait aussi beaucoup de statues d’Alexandre le grand, à commencer par l’Alexandre enfant, statue que l’empereur Néron fit recouvrir d’or car il l’aimait beaucoup ; puis, comme cet ornement avait fait perdre à l’oeuvre son charme, on enleva l’or, et, telle quelle, cette statue était jugée plus précieuse, même avec les cicatrices laissées par les entailles qui avaient servi à fixer l’or. » (H.N. XXXIV, 63). Il critique le fait d’avoir voulu recouvrir avec un matériau coûteux cette statue comme pour le Janus Pater (H.N. XXXVI, 28).Cette dorure cache et empêche une claire lecture de la statue à tel point qu’il est impossible d’en reconnaître le sculpteur. Il voit dans les interventions de ce type une action capricieuse tendant à diminuer la suprématie de l’art, les qualités formelles, qui ne doivent pas dépendre selon lui des embellissements extérieurs. Gualandi 1982, p. 274.
66 Oles quippe excogitatas videmus statuarum, quas colosseas vocant, turribus pares. Talis est in Capitolio Apollo, tralatus a M. Lucullo ex Apollonia Ponti urbe, XXX cubitorum, D talentis factits. « Nous voyons en effet qu’on a conçu d'énormes statues, dites "colossales", qui sont pareilles à des tours. Tel est l’Apollon du Capitole rapporté par M. Lucullus, d’Apollonie, ville du Pont : il a trente coudées et a coûté cinq cents talents… » (H.N. XXXIV, 39). Strabon, Geogr. VII, 6. 1. Appien (Illyr. 30) rapporte une tradition un peu différente. C'est à Mesembria ou à Callatis, villes du Pont-Euxin, que Lucullus aurait pris l’Apollon de Calamis pour le transférer à Rome sur le Palatin.
67 Lahusen 1999, p. 40. Les yeux par exemple se sont plus réalisés dans un matériau différent insérés par la suite mais fondus avec la statue et les pupilles et iris sont dessinés sans grand soin.
68 Ainsi, Sénèque confirme la grande valeur des vases de Corinthe à deux reprises (De tranq. an. IX, 6 et De brev. vit. XII, 2). Les vases de Corinthe font partie des pretiosae supellectilis chez Suétone (Aug. LXX, 3). Proxime dicantur aeris metalla, cui et in usu proximum est pretium, immo vero ante argentum ac paene etiam ante aurum Corinthio, stipis quoque auctoritas, ut diximus. « Aussitôt après (sc. l’or et l’argent), nous traiterons des mines de cuivre, métal que son utilité classe immédiatement après ces métaux pour la valeur, ou plutôt qui vient avant l’argent, et presque même avant l’or, du moins pour le bronze de Corinthe. » (Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 1). « … ce bronze précieux… » (H.N. XXXIV, 5).
69 Corinthiorum vasorum pretia in immensum exarsisse… adhibendum supellectili modum censuit… « S’étant plaint avec sévérité que le prix des vases de Corinthe fût devenu exorbitant… il demanda que l’on mît des bornes au luxe du mobimobilier…» (Tib. XXXIV, 2).
70 Sunt ergo vasa tantum Corinthia quae isti elegantiores modo ad esculenta transferunt, modo in lucernas aut trulleos, nullo munditiarum dispectu. « Les seuls vases Corinthiens authentiques sont donc ceux que nos délicats utilisent tantôt comme plats, tantôt comme lampes ou comme cuvettes, sans se soucier de leur valeur artistique. » (H.N. XXXIV, 7).
71 Celle de Néron (H.N. XXXIV, 48). Pline prétend que, si Antoine se décida à bannir Verrès, attaqué par Cicéron, c’est parce qu’il n’avait pas obtenu de l'accusé qu’il lui abandonnât ses bronzes de Corinthe (H.N. XXXIV, 6).
72 Trimalcion explique cette invention à ses invités et renchérit de façon bouffonne (Pétrone, Satir. L). Plutarque se fait l’écho de deux versions légèrement différentes (De Pythie, oracul. 2 et Pline l’Ancien, H.N. XXXIV, 6).
73 Giumlia-Mair 2002, p. 317. Zosimos est l’auteur d’une encyclopédie de 28 volumes sur l’alchimie, il vivait en Égypte au IIIème siècle après J.-C.
74 D’après Giumlia-Mair (2002, p. 319), le vert-de-gris est utilisé pour la fabrication des bronzes japonais réalisés à partir d'un alliage, contenant de l’or, appelé shakudo ; le sulphure et les sels d’amoniaque n’avaient aucune fonction métallurgique.
75 Respectivement CIL VI, 8756, en 2 après J.-C. ; CIL VI, 33768 et CIL VI, 8757.
76 Pline ne critique pas cette victoire du faste de la table des Romains, par l’intermédiaire de la vaisselle d’argent, sur Carthage. Il constitue peut-être, pour l’auteur, une revanche sur les ambassadeurs carthaginois qui se moquaient des Romains démunis d’argenterie (H.N. XXXIII, 141-143). Il n’est pas sûr que l’on puisse prendre cette remarque des ambassadeurs carthaginois comme la preuve de la simplicité des Romains, d’autant plus que Pline semble contester leurs dires, en prouvant qu’un chevalier romain possédait à cette époque 12 000 livres d'argenterie.
77 Un esclave de Claude, dispensator en Espagne citérieure, possédait un plateau de 500 livres et huit plats qui pesaient 250 livres chacun (d’après Pline, H.N. XXXIII, 145). Dans le banquet de Trimalcion, un veau est apporté sur une lanx ducenaria, c'est-à-dire un plat en argent pesant 200 livres, soit 64,4 kg (Pétrone, Satir. LIX, 6 ; Maiuri 1945, p. 193-194).
78 Ainsi Martial critique l'un de ses amis, devenu avare en même temps que riche, qui dépense seulement l’équivalent d’une demi-livre d’argent pour offrir à ses amis un repas (Epigr. I, 99, 14-15). 11 faut cependant noter qu’il s’agit d’un argent de mauvais aloi, impur. La demi-livre d’argent apparaît une somme modeste à une autre reprise chez le même auteur (Epigr. XI, 105). Enfin, le quart d’une demi-livre d’argent brut (soit environ 41 gr) est le misérable cadeau d’un avare à l’occasion des Saturnales. Le client Névolus, chez Juvénal, ne reçoit de son opulent et avare protecteur, Virron, que des cadeaux de peu de valeur dont des chapes grossières ou :… tenue argentum venaeque secundae. « … quelque objet d’argent mince et de second titre. » (Sat. IX, 31). Pour ces fêtes, Martial s’attendait à recevoir cinq livres d’argenterie, cadeau sans doute alors normal (Epigr. VII, 53, 11-12). Dans un autre passage, quatre livres d’argenterie apparaissent de nouveau comme un cadeau habituel, un don moindre dénote une certaine pingrerie (Epigr. VIII, 71, 1-6 et 11-12 ; et II, 44, 2).
79 Vix enim credibile est intra idem pomerium decem pondo argenti et invidiosum fuisse censum et inopiam haberi contemptissimam. « Car il est bien difficile de croire qu’à l’intérieur de la même enceinte dix livres d’argenterie ont constitué un niveau de fortune révoltant et sont considérées comme la plus méprisable des pauvretés. » (Facta et memor. Il, 8, 4).
80 Pubertatis ac primae adulescentiae tempus tanta inopia tantaque infamia gessisse fertur, ut nullum argenteum vas in usu haberet. « À ce qu’on rapporte, il passa le temps de sa puberté et le début de son adolescence plongé dans le dénûment et dans l’opprobre, car il ne possédait même pas pour son usage un seul vase d’argent. » (Suétone, Dom. I, 2).
81 Quid enim primum prohibere et priscum ad morem recidere adgrediar ?… argenti et auri pondus ? « En effet que tenterais-je d’abord d’interdire et que faut-il ramener aux antiques usages ?… ces masses pesantes d’or ? » (Tacite, Ann. III, 53, 5).
82 Un esclave de Claude, dispensator ad fiscum Gallicum, avait une suite de vicarii dont deux ab argento (CIL VI 5197).
83 Dans le banquet de Trimalcion, le poids de l’argenterie a une grande importance : il est spécifié qu’un veau est apporté sur un lance ducenaria et des cochlearia en argent pèsent une demi-livre chacune (163,63 gr) (Pétrone, Satir. XXXIII, 6 ; LIX, 6 et XXXI, 10). Les cochlearia sont de petites cuillères qui ne dépassaient pas un poids de 28-30 gr (Maiuri 1945, p. 164). Le poids de celles de Trimalcion est exagéré, mais adapté aux faux oeufs de paon servis aux invités. Pétrone nomme avec malice des cuillères cochlearia alors quelles correspondent plutôt à des ligulae.
84 … argenti vascula puri,/sed quae Fabricius censor notet… « … des petits vases d’argent tout uni, mais qui se fissent noter du censeur Fabricius… » (Sat. IX, 141-142).
85 Quatuor argenti libras mihi tempore brumae/ Misisti, ente annos, Postumiane, decem. / Speranti plures (nam stare aut crescere debant/Munera) venerunt plusve minusve duae. /Tertius et quartus multo inferiora tulerunt. / Libra fuit quinto Septitiana. Quid est ?/ Bessalemn ad scutulam sexto pervenimus anno. /Post hune in cotula rasa selibra data est. /Octavus ligulam misit sextante minorem. /Nonus acu levius vix cochleare tulit. /Quod mittat nobis decimus jam non habet annus. / Quatuor ad libras, Postumiane, redi. « Il y a dix ans, Postumianus, tu m’envoyas, en décembre, quatre livres d’argent. L'année suivante, malgré mon désir d’être mieux traité (car les présents doivent rester les mêmes ou augmenter) m’arrivèrent, à peu près, deux livres. La troisième et la quatrième m’apportèrent moins encore. La cinquième me réduisit à la livre septicienne. Ce n’est encore rien : la sixième me donna, dans la forme d’un cotyle poli, une demi-livre d’argent. La huitième me valut une cuillère qui ne pesait pas un sextant. La neuvième, enfin, me porta une petite cuiller presque plus légère qu’une aiguille. Je ne vois pas ce que peut bien me réserver la dixième année. Reviens en donc, Postumianus, aux quatre livres. » (Martial, Epigr. VIII, 71).
86 Si l’on considère qu’un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour de travail, une trulla ne représentait que quelques jours de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et S. Mrozek, 1974, p. 54).
87 Heu prodiga ingenia, quot modis auximus pretia rerum ! Accessit ars picturae, et aurum argentumque caelando carius fecimus. « Hélas, que nos esprits sont pleins de prodigalité, et combien de façon avons-nous augmenté le prix des choses ! L’art du dessin est venu par surcroît, et nous avons rendu l'or et l’argent plus précieux en les ciselant. » (H.N. XXXIII, 4).
88 Cette évolution se décèle effectivement dans les propos de Verrès rapportés par Cicéron : Superbum est enim, iudices, et non ferendum dicere praetorem in provincia homini honesto, locupleti, splendido : Vende mihi vasa caelata. Hoc est enim dicere : non es dignus tu qui habeas quae tam bene facta sunt ; meae dignitatis ista sunt. « C’est en effet, juges, un coup insupportable de tyrannie de la part d’un préteur en sa province de dire à un homme honorable, riche et en vue : vends-moi des vases ciselés ; car c’est lui dire : tu n'es pas digne de posséder des objets d’un travail si achevé ; ils sont pour un homme de ma dignité. » (Verr. II, 4, 45). Morel 1963-1964, p. 331.
89 Consol. Helv. XI ; 3 ; De tranq. an. I, 7 ; cf aussi pour Mentor : Pline l’Ancien, H.N. XXXIII 154 et Juvénal, Sat. VIII, 104.
90 Epigr. IV, 39, 6 ; H. Izaac le lie à l’artiste mentionné par Pline, H. N. XXXIII, 189.
91 Nous ignorons à quoi correspondait la production de l’atelier clodiana mentionné par Pline, H. N. XXXIII, 189, mais Pirzio Birolli Stefanelli (1991, p. 74) mentionne cette inscription (CIL VI, 922).
92 Comme le confirme ce passage de Pline : Nec copia argenti tantum furit vita, sed valdius paene manipretiis, idque iam pridem, ut ignoscamus nobis. Delphinos quinis milibus sestertium in libras emptos C. Gracchus habuit, L. vero Crassus orator duos scyphos Mentoris articificis manu caelatos HS , confessas tamen est nunquam iis uti propter verecundiam ausum. Scimus eundem HS in singulas libras vasa empta habuisse. « Et ce n’est pas seulement la quantité de métal argent qui déchaîne les passions, mais presque plus encore le prix de la main d’oeuvre : il y a longtemps que cela dure, et nous pouvons être indulgents envers nous-mêmes. C. Gracchus avait des dauphins (d’argent) qu’il avait achetés cinq mille sesterces la livre, tandis que L. Crassus l’orateur paya 100 000 sesterces deux coupes de Mentor ciselées par la main de l’artiste ; il avait avoué cependant que par honte il n’avait jamais osé s’en servir. Je sais que ce même Crassus avait des vases qu’il avait achetés 6000 sesterces la livre. » (H.N. XXXIII, 147). Ī
93 Ces passages méritent d'être cités. Celui de Cicéron est le suivant : De hoc (sc. Melitense Diodoro) Verri dicitur habere eum perbona toreumata ; in his pocula quaedam quae Thericlia nominantur, Mentoris manu summo artifcio facta. Quod iste ubi audivit, sic cupiditate inflammatus est non solum inspiciendi verum etiam auferendi. « À son propos Verrès entend dire qu’il possède des vases exquis, entre autres deux coupes, de celles qu’on appelle coupes de Thériclès, oeuvres de Mentor, exécutés avec un art parfait. À cette nouvelle, il brûle d’une telle passion de les voir et même de les emporter… » (Verr. II, 4, 38), et suit la description de la rapine de Verres presque aliéné par le désir de ces coupes ; Cicéron utilise les expressions optime factum argentum… vasa optime facta (« cette argenterie si bien ciselée… ces vases d’un travail achevé… », paragraphe 39), également laudatives, comme perbona toreumata et, appliquée à l’artiste, celle de summus artifex - beaucoup de superlatifs, donc.
94 Cf. Juvénal, Sat. VIII, 104 (déjà cité) et Toile, puer, calices tepidique toreumata Nili… /Te potare decet gemma qui Mentora frangis/in scaphium moechae, Sardanapalle, tuae. « Enlève de là, esclave, ces gobelets et ces vases ciselés venus du Nil… C’est à toi qu’il convient de boire dans la pierre précieuse, à toi qui brises un vase ciselé par Mentor pour en faire, Sardanapale, un ustensile nocturne à l’usage de ta maîtresse. » (Martial, Epigr. XI, 11, 1 et 4-5). Un riche personnage possède des oeuvres de cet artiste : Argenti genus omne conparasti,/et solus vetes Myronos artesjsolus Praxitelus manum Scopaeque,/solus Phidiaci toreuma caeli,/solus Mentoreos habes labores. « Tu t’es procuré tous les genres possibles d’argenterie. Tu es seul à posséder les antiques chefs-d’oeuvre de Myron, le travail de Praxitèle et de Scopas, les productions du burin de Phidias ou les ouvrages de Mentor. » (Martial, Epigr. IV, 39, 1-5 ; III, 40).
95 Un personnage pauvre mais se faisant passer pour riche, recherche des coupes anciennes chez Martial : Expendit veteres calathos et, si qua fuerunt,/ Pocula Mentorea nobilitata manu. « Il marchande des corbeilles antiques et, s'il y en a, des coupes illustrées par la main de Mentor. » (Epigr. IX, 59, 16).
96 Un passage de Martial est entièrement consacré à une coupe de Mentor, et met en valeur le caractère presque naturaliste de ce travail : Inserta Pliialae Mentoris manu ducta/lacerta vivit et timetur argentum. « Ciselé sur la coupe où la main de Mentor l’a représenté, un lézard si vivant que l’on craint de toucher l’argenterie. » (Epigr. III, 40, 1-2).
97 L’argenterie ancienne est ce que Martial désire que soit donné en cadeau à son ami (Epigr. VII, 72, 1-2 ; 4-5). Nous avons vu que, lorsqu’il énumère l’argenterie que possède un riche collectionneur, l’argenterie Gratiana, ciselée par un artisan à la mode du nom de Gratius, tient sa place au côté de la vaisselle ancienne (Epigr. IV, 39, 6).
98 Libra quod argenti milia quinque rapit. « … une livre d’argenterie appauvrit ta bourse de cinq mille sesterces… » (Epigr. III, 62, 4). Il est même curieux que ces prix se rapprochent si fortement.
99 Si l’on considère qu’un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek, 1974, p. 54).
100 Mais pour l’auteur ce type d’objet fait évidemment partie de la luxuria puisqu’il a supplanté la peinture de chevalet, art suprême :… artes desidia perdidit… « … la mollesse a causé la perte des arts… » (H.N. XXXV, 5).
101 H.N. XXXV, 4-5. Le fait que les voleurs recherchent de tels objets en argent travaillé confirme bien sûr leur prix élevé.
102 Afin que le propriétaire venu chercher son argenterie la retrouve aussi complète qu’au départ, d’après Oliver et Shelton 1979, p. 24. Ce document est fragmentaire puisqu’il y manque la fin de la liste.
103 Colonne 1 : premier service : 4 assiettes à champignons (qualifiées de « exécutées suivant l’ancien style »), avec autant de petits plats ; deuxième service : 4 assiettes rondes ; - colonne 1 : troisième service, dans un coffre séparé des deux précédents : 4 petits plats ; dans le même service, il est d'ailleurs précisé que deux bols à vinaigre ne sont pas gravés, ce qui est donc révélateur de la valeur attribuée à la gravure ; - colonne 2 : en tout 24 bols à vinaigre ; - colonne 3 : certains bols à vinaigre, à l’exclusion de quatre ; - colonnes 4 et 5 : la plupart des autres petits plats.
104 4 petits plats avec une ornementation en écailles, 4 autres pièces ont ce décor dans la colonne 2. Une autre décoration peut être constituée de fruits (bols à vinaigre, col. 3) ou de têtes de lion (assiettes à champignons, col. 3), ou des deux (assiettes à champignons, col. 3) ou encore de petites rosettes dorées.
105 4 assiettes pour champignons et 2 coupes à vinaigre dans la colonne 1 sont dit de style ancien ainsi que 4 autres pièces dans la colonne 4. À l’opposé 4 assiettes sont dites de style plus moderne dans la colonne 3 et 4 autres dans la colonne 4. Oliver et Shelton 1979, tableau p. 23.
106 Pline l’Ancien, H.N. XXXIII, 155 ; Martial, Epigr. IV, 39, 1-5 ; VIII, 34, 1 ; 51, 1 ; XIV, 95.
107 Pline, H.N. XXXIII, 78. On ne connaît pas la date et les causes exactes de cette mesure ; Pirzio Biroli Stefanelli 1991, p. 23.
108 Une petite coupe en argent avec manche, simpulum (Inv. P7483 ; d’une hauteur totale de 10,4 cm, d’un diamètre de 6,0 et d’un poids de 57,8 gr) avec un décor incisé sur le manche ; deux coupes à deux anses (Inv. P7486, P7484 et P7485 ; pesant respectivement 170,5, 211,7 et 197 gr, et dont les dimensions respectives sont, en hauteur 5,6, 6,2 et 6,2 cm, pour le diamètre 9,9, 10,5 et 10,7 cm) avec un décor incisé sur la panse ; une coupe à une seule anse (Inv. P 7487 ; d'une hauteur de 5,7 cm, d’un diamètre de 9,7 et d’un poids de 149,8 gr) avec un décor incisé ; deux aiguières identiques (Inv. 7477 ; de 16,8 cm de haut, d’un diamètre maximal de 11,0 cm et d’un poids de 359 gr) avec un décor incisé ; une coupe à deux anses, deux passoires, et un miroir en argent (Pompéi, Inv. 7480 ; longueur : 22 cm, diamètre : 13,4 cm). Stéfani 2006, p. 146-150 ; Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 203 ; D’Ambrosio et Stefani 1992a, p. 127, no 1. Cf. Ciarallo, De Carolis, Barbet 2001 no 332 p. 259. Dans cette étude de la vaisselle d’argent, seules les découvertes de la Campanie peuvent nous aider. D’une part, en effet, les études systématiques sur la vaisselle d'argent découverte dans la plupart des régions d’Italie n’ont jamais été faites et les catalogues des découvertes n’existent quasiment pas. D’autre part, nous constatons, lorsque nous le pouvons, l’absence de découvertes archéologiques dans ce domaine dans certaines régions de l’Italie. Cette dernière peut être attribuée, soit au contexte historique et économique local, les habitants n’ayant aucune raison de cacher des objets précieux, soit au fait que la coutume romaine excluait désormais le dépôt d’objets précieux dans les tombes, soit encore à l’usure du tissu archéologique (Affieri, Arias, Bermond Montanari, Degani, Mansuelli, Pincelli 1958, p. 18). Nous écarterons aussi les découvertes effectuées en dehors de tout contexte socio-édilitaire, qui ne peuvent réellement nous aider : telles les découvertes du port d’Herculanum lors des fouilles de la seconde et de la cinquième pièce voûtée appartenant aux substructions de l'area sacra suburbana. Dans la pièce (5), furent découvertes, près des squelettes no 14 et 15, trois cuillères en argent de même dimension, disposées les unes sur les autres (De 14 cm de hauteur et de 2,5 de diamètre pour le rond (Inv. no 3281) ; Pagano 1989a, p. 274). Ces squelettes sont ceux d’habitants qui fuyaient vers la mer ; aucune donnée sociale ne peut nous renseigner sur la valeur des objets qu’ils emportaient avec eux.
109 Spano 1915, p. 340. Cette découverte, dans la pièce (b), à droite des fauces, comprenait : une louche en argent, haute de 0,09 m, avec un manche plat décoré en haut d'une pelte, une cuillère en argent, longue de 0,155 m, avec un manche droit à corps circulaire terminant en une petite sphère, une cuillère en argent longue de 0,13 m, une épingle à cheveux en argent, cassée, terminant en pied de cochon, longue de 0,10 m, la partie extrême d’une épingle à cheveux en argent terminant en forme de main, le fragment d’une épingle à cheveux.
110 Le canthare représente des Tritons et Néréides, avec une anse ajourée (de 12,7 cm par 12,7) même musée (Inv. 144802) ; pour les deux coupes et les deux patères (Inv. 144804 à 144807)(De Carolis 2006, p. 140-141 et Pappalardo 1986, p. 92).
111 Elle présentait un pavement en cocciopesto avec tesselles dans le cubiculum (1) duIer style, dans le cubiculum (4) et dans le cubiculum (5) du IIIème style, et dans le péristyle (12) de la même époque (cf. PPM I, p. 37-38).
112 Varone 1989, p. 235. Cette découverte aurait été faite dans la Bottega di Crescens (IX, 12, 6) ou dans la Caupona di Purpurio (IX, 12, 7)(PPM III, p. 558).
113 La maison possédait un étage, comme l’attestent les traces d'un escalier de bois, et comprend au total quatre pièces sans l'atrium ni les fauces ni le thennopolium (dimensions : 9 m par 13, soit 117 m2, outre les 20 du thermopolium). Les parois de l’atrium sont rustiques avec pour unique décoration un haut socle de brique. La pièce (E) présente un pavement en cocciopesto et les parois avec un socle à fond noir, et des grands panneaux à fond rouge avec tableau central (Sogliano 1908b, p. 296).
114 Ces bustes représentent peut-être des Bacchantes, Hercule et un homme (MANN, Inv. 25 802, 25 803, 25 804, 25 805 et 25 806).
115 D’une hauteur de 13 cm (même musée, Inv. 119 677).
116 D’une longueur de 4 cm (même musée, Inv. 119 680). Elia n’a pas pu le localiser (1938, p. 106).
117 Elle a pourtant livré des bijoux, comme nous le verrons.
118 Les deux canthares mesurent 12,2 cm par 11,3 (même musée, Inv. 25376 et 23577), les deux scyphoi 11,8 et 12 cm de haut (Inv. 25378 et 25379) (Giove 2006, p. 122).
119 Ainsi que 29 monnaies en or, trente monnaies en argent, 173 monnaies de bronze selon Quaranta 1837, p. 6-8. Étant donné que l’auteur spécifie toutes les mesures de longueur en onces, peut-être napolitaines, dont nous n’avons pas l’équivalence avec le système métrique, nous omettons toutes les données relatives aux dimensions de ces objets.
120 Deux sont historiés et pèsent chacun 646 gr ; les deux autres, à décors de lierre, pèsent chacun 498 gr. Ces derniers conservent des traces de dorure sur les feuilles.
121 Ils pèsent chacun 303 gr.
122 Respectivement 57 gr chacun, 289 gr, 464 gr, 182 gr, 337 gr ; Quaranta 1837, p. 11-12.
123 Miroir : 20 cm de hauteur, 12 de diamètre et poids 290 gr. Le manche est en forme de massue d’Hercule entourée de la peau du lion (cava Ranieri, Inv. SAP 30796). Cf. Ménotti 1988, p. 172. Amphore : Inv. SAP 30798. Situle : Inv. SAP 33473 ; Ménotti 1987, p. 173, note 1 ; Ciarallo, De Carolis, Barbet (éd. fr.) 2001, no 205, p. 178. Skyphos : No Inv. SAP 33474 ; Guzzo 2004, fig. 5 p. 89.
124 Elles n’ont révélé de structures que sur une hauteur de 1 m, et n’ont livré que quelques pièces probablement en restauration lors de l'éruption, dont un péristyle mis à jour sur la moitié de sa surface et composé d’une série de quatre pilastres et deux colonnes en briques (cf. Ménotti 1987, p. 167).
125 Quatre colonnes en briques appartenant à un portique et une pièce destinée au prelum ont été mises au jour, d’après Miniero 1988, p. 254, no 71 du catalogue.
126 Ce sont de telles coupes avec figures en relief que Verrès déroba à Pompée (Cicéron, Verr. II, 4, 48, cf. 49). Verrès réutilisa ces emblemata (le mot est employé par Cicéron) pour orner des coupes et des vases en or, ce qui témoigne de la haute valeur de ces reliefs (Cicéron, Verr. II, 4, 54). Pline fait référence à de telles coupes à emblema, lorsqu’il disserte sur la disparition des portraits véristes réalisés en peinture, désormais remplacés par des argenteae facies, surdo fgurarum discrimine « des effigies d’argent, où la distinction entre les traits individuels est ignorée » (H.N. XXXV, 4). Il semble inclure ces effigies dans le domaine de la luxuria, avec le marbre qui a remplacé la peinture dans le décor des maisons. Baratte 1986, p. 37.
127 Probablement Auguste et Tibère, Baratte 1986, p. 77.
128 Un tablinum, trois chambres à coucher, une grande cuisine, mais aussi un ensemble complet de salles thermales : quatre pièces d’habitation au total.
129 Ce type de péristyle est fréquent en ville, à Pompéi notamment où l’espace est compté, et devait coûter cher, mais il est plus rare à la campagne.
130 Le trésor d’argenterie de la Casa del Menandro n’était complété que par 13 aurei et 33 deniers, soit 1432 sesterces. Baratte 1986, p. 15.
131 Lanx : Inv. 145539 ; 0,035 x 0,30 m. Ce sont les no 28-43, dont les no 28 à 31 sont de grandes dimensions (de 238 à 261 gr) ; les no 32 à 35 de petits plateaux (108-128 gr) ; les no 36 à 39, de petits plats hauts (78-84 gr), les no 40-43, de très petits plats (46 gr). Les no 17 à 19 sont des patères datant du Ier siècle après J.-C. (no 17 : hauteur : 0,074 m ; diamètre : 0,08 m ; poids : 1080 gr ; no 18 : 0,05 m, 0,125 m, et 360 gr ; no 19 : mêmes hauteur et diamètre que la précédente ; poids : 309 gr) ; Maiuri 1933, p. 354.
132 Comme les deux coupes avec les travaux d’Hercule (no 3 : Inv. 145505 ; diamètre : 0,11 5 m, hauteur : 0,08 m, poids : 505 gr et no 4 : Inv. 145506 que 145505 ; mêmes dimensions, poids : 545 gr) ; celles représentant les Noces de Vénus et de Mars (no 5 et 6 : hauteur : 0,125 m ; largeur avec les anses : 0,17 m ; poids : 528 et 517 gr respectivement ; Maiuri 1933, p. 323-324 ; Inv. 145516 et 145515) ; celles à corps ovoïdal avec un décor végétal (no 7 et 8 : hauteur : 0,12 m ; diamètre avec anses : 0,166 m ; poids : 445 gr ; Maiuri 1933, p. 331) ; ainsi que les deux verres avec les Amours au cirque (Maiuri 1933, p. 343 ; no l 1 et 12 : hauteur : 0,08 m ; diamètre : 0,095 m ; poids : 355 et 392 gr respectivement).
133 Coupe no l (inv. 145504) : diamètre de 0,125 m ; largeur, anses comprises : 0,197 m ; hauteur : 0,082 m ; poids : 571 gr. Coupe n°2 (inv. 145505) : diamètre identique, hauteur : 0,085 m ; poids : 508 gr ; Coupe no 3 (inv. 145507) : 0,08 x 0,115 m ; Coupe no 4 (inv. 145506) : 0,08 x 0,115 m. Maiuri 1933. p. 266 et 273 et Sefani 2003, no 1-4 p. 103.
134 No 27 : diamètre : 0,37 m ; poids : 947 gr ; Maiuri 1933, p. 250.
135 Il a un diamètre de 0,21 m, le diamètre de l'emblema étant de 0,12 ; son poids est de 757 gr (inv. no 145524). Maiuri 1933, p. 350 et p. 258 et Stefani 2003, no 15 p. 105.
136 La phiale a une hauteur de 0,053 m, un diamètre de 0,225, le diamètre de l'emblema étant de 0,048 ; elle pèse 492 gr (inv. no 145544). Cf. Maiuri 1933, p. 348 et Stefani 2003, no 14 p. 105.
137 Ce qui paraît impossible si elles portent des signatures modernes ; Pappalardo 1986, p. 98.
138 Seuls les deux skyphoi de Hoby peuvent avoir été possédés par le sénateur et gouverneur Caius Silius avant de tomber en possession d'une tribu germanique. Dans d'autres cas, la possibilité d’attribuer l'objet à une famille sénatoriale reste purement hypothétique, comme dans le cas du calathus augustéen de Bonn.
139 Pompéi, Inv. 6131 ; diamètre maximal : 11,1 cm, datant du Ier siècle avant au Ier siècle après J.-C., D’Ambrosio et Cantilena 1992b, p.69, no 3.
140 Inv. OP 3009 ; diamètre : 8,2 cm ; D’Ambrosio 1987, p. 44, no 17.
141 Inv. OP 3006 et 3007 ; de respectivement 1,5 et 1,6 cm de diamètre, avec le même type de châton (0,5 par 0,35 cm et 0,5 par 0,36) ; cf. D’Ambrosio 1987, p. 51, no 33 et 34.
142 Castiglione Morelli de ! Franco et Vitale (1989, p. 194) estiment que ses peintures sont de qualité moyenne à haute.
143 D’après Castiglione Morelli et Vitale 1989, p. 192. Avec atrium, tablinum et un péristyle avec 10 colonnes.
144 II s’agit de l’habitation annexe au thermopolium no 33, de 117 m2. La maison avait un étage supérieur comme l’attestent les traces d’un escalier de bois. Au total quatre pièces sans l’atrium ni les fauces ni le thermopolium. Sogliano 1908b, p. 287 et 296.
145 Une épingle à cheveux terminant en bouton, longue de 0,13 m ; deux bracelets à facettes ornée tout autour de reliefs longitudinaux, et au milieu d’un disque avec en son centre un phallus en relief (diamètre : 0,05 m), un troisième, encore à verge ronde (diamètre : 0,057 m), un quatrième, en forme de serpent s’enroulant en trois volutes, brisé en deux fragments (diamètre maximal : 0,040 m), et enfin un anneau, à verge ronde, dont les extrémités se terminent en deux petites têtes de couleuvre opposées (diamètre : 0,012 m).
146 3 000 sesterces sous César, 6000 à l’époque de C. Gracchus, d’après Pline, H.N. XXXIII, 147.
147 Si l’on considère toujours qu'un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54).
148 Ainsi Pline, qui consacre les cinq derniers livres de son Histoire Naturelle aux matières précieuses, débute le livre XXXIII par l’étude de l’or. Et aux sept premiers paragraphes, l'annonce du contenu des cinq derniers livres y est suivie d’un long développement sur le luxe, qui empiète même sur la première section du livre XXXIII, ce qui trahit d'emblée les préoccupations de l’auteur. Ce dernier utilise le mot luxuria trois fois à propos de l’or dans ce même livre : au chapitre 5 (en lien, également, avec l’argent, les vases murrhins et le cristal) ; au chapitre 22, suite au chapitre 21 sur la progressive diffusion de l’or dans la société romaine, et au chapitre 39, sur la dorure des victimes de sacrifices, les agrafes d’or répandues même dans l’armée, les anneaux en or pour les chevilles des femmes. L’or symbolise très clairement le luxe dans le Satiricon (CXX, 85-87). Il est même situé à l’origine de sa naissance par les poètes (Satir. CXIX, 5 comme dans Octavie de Sénèque (426-428)).
149 D'après le poème « La guerre civile » du Satiricon, aux vers 27-30 :… Ecce Afris eruta terris/citrea mensa greges servorum ostrumque renidensjponitur ac maculis imitatur vilius aurum/quae sensum trahat. « Voici qu’on dresse, arrachée à la terre africaine, et imitant dans ses mouchetures l’or quelle surpasse en prix, une table de cédratier, qui reflète les troupes d’esclaves et la pourpre des convives : seule elle peut exciter les sens ». Mais ce n’est peut-être qu’une image poétique destinée à grossir le prix d’une table de cédratier, l’or étant la matière précieuse de référence par excellence ?
150 Pline écrit aussi : Acessit ars picturae, et aurum argentumque caelando carius fecimus… Auxere et artem vitiorum inriinritamenta ; in pocumis libidines caelare iuuit ac per obscenitates bibere. Abiecta deinde sunt haec ac sordere coepere, et auri argentique nimium fuit. « L’art du dessin est venu par surcroît, et nous avons rendu l’or et l’argent plus précieux en les ciselant… Le stimulant de nos vices fit également progresser l'art ; on s’est plu à graver des scènes licencieuses sur les coupes et à boire dans des obscénités. Puis on rejeta cette mode qui tomba dans le mépris, et il y eut une abondance excessive d’or et d’argent. » (H.N. XXXIII, 4-5). Doit-on voir ici une critique de Pline envers le goût des Romains pour l’or ou l’argent ciselé par rapport à la tradition étrusque tardive d’une orfèvrerie simple qui préfère les superficies lisses ? Ne critique-t-il pas en fait l’orfèvrerie grecque ?
151 H.N. XXXIII, 53-56. Nicolet 1971, p. 1226. Les riches mines d’Hispania se situaient effectivement dans les régions de Leon, Galice, Asturie et le Nord du Portugal. Les mines du Sud-Est de l’Espagne et du Portugal produisaient peut-être aussi de l’or (Guisado et Bernardez 2004, p. 8).
152 Suétone fournit aussi un renseignement sur le prix de l’or : In Gallia fana templaque deum donis referta expilavit (Caesar), urbes diruit saepius ob praedam quam ob delictum ; unde factum, ut auro abundaret, ternisque milibus nummum in libras promercale per italiam provinciasque divenderet. « En Gaule, il pilla les sanctuaires et les temples, remplis d’offrandes, et il détruisit des villes, plus souvent par cupidité que pour les punir d’une faute. Cela lui procura beaucoup d’or, qu’il put faire vendre en Italie et dans les provinces pour trois mille sesterces la livre. » (Caes. LIV, 2).
153 Car : Nam et invecta Urbi Alexandrino triumpho regia gaza tantam copiam nummariae rei effecit… « Après le triomphe sur l’Égypte, le transfert à Rome du trésor royal amena une telle abondance d’espèces monétaires… » (Suétone, Aug. XLI, 2).
154 Valeur donnée par Cl. Nicolet. Ratti 1966, p. 189.
155 50 % après la prise de Jérusalem en 70 après J.-C. comme le prétend Flavius Josèphe dans un passage maintes fois interprété : « Les troupes étaient inondées de butin à un tel point, que à travers toute la Syrie l’or fut déprécié de la moitié de son ancienne valeur. » (Bell. Jud. VI, 6, 1 ; notre traduction).
156 Polybe (XXXIV, 10, 10) atteste que “de son temps’’, soit dans le dernier tiers du IIème siècle avant J.-C., on découvrit dans le Norique, chez les Scordisques, une mine qui, immédiatement exploitée, fit baisser le prix de l’or d’un tiers dans toute l’Italie ; les Scordisques chassèrent les mineurs italiens et s’assurèrent le monopole de la mine. Il faut ajouter que d’après Strabon, l’exploitation de cet or était facile : « … une mine d’or offrant des conditions d’exploitation si avantageuses qu’il avait suffi d’enlever au plus deux pieds de terre pour rencontrer immédiatement le minerai, et que la profondeur totale de l’excavation ne dépassait pas quinze pieds. Une partie de l’or extrait à cet endroit était du métal pur en pépites de la taille d’une fève ou d’une cosse de lupin, qui perdait seulement le huitième de son poids à la fonte. Le reste demandait à la fonte un affinage plus poussé, mais rapportait encore un gros profit. » (Geogr. IV, 6, 12).
157 Son vote est relaté par Tacite : Proximo senatus die multa in luxum civitatis… decretumque ne vasa auro solida ministrandis cibis fierent. « À la séance suivante, on entendit contre le luxe de la cité… on décida qu’on n’utiliserait plus de vaisselle d’or massif pour le service de la table. » (Ann. II, 33, 1).
158 L’éclat du métal précieux réservé au prince excita les convoitises des invités ; Tacite rapporte ainsi que T. Vinius Rufinus, le futur consul et confident de Galba, dînant chez Claude, lui avait dérobé une coupe d’or, si bien que, au dîner suivant, on l’avait servi dans de la vaisselle de terre (Hist. I, 48, 6).
159 Quis posuit secretam in auro dapem ? quis… luxuriae suae pompam solus explicuit ? « … Où est l’homme qui a fait servir dans de la vaisselle d’or son repas solitaire ? Qui… a étalé s’il est tout seul la montre de tout son luxe ? » (Sénèque, Ep. XV, 94, 70).
160 Dans un autre passage de Sénèque, la vaisselle d’or est un signe de richesse : Divitem ilium putas, quia aurea supellex etiam in via sequitur. « Cet homme est à tes yeux un riche, parce qu’il a une vaisselle d’or qui le suit même en voyage… » (Ep. XI, 87, 7). De même, chez Tacite, elle est un signe de richesse et de luxe ; Ego autem oratorem, sicut locupletem ac lautum patrem familiae,… non ea supellectile quae necessariis usibus sufficiat, sed sit in apparatu eius et aurum et gemmae… « Or, pour moi, l’orateur, tel un père de famille riche et somptueux,… il doit, à côté d’un mobilier qui suffise aux besoins courants, avoir aussi, sur des meubles, de l’or et des pierreries… » (Dial. orat. XXII, 4).
161 Pallia Filus habet, digitos circumligat auro,/ Sed tamen est Filus paupere pauperior… /Esurit atque sitit, gemmis instructus et auro,…/Sed ne sit servus, aurea bulla facit. « Filus porte des manteaux, il ceinture d’or ses doigts, et pourtant Filus est plus pauvre qu’un pauvre… Il a faim et il a soif, encombré de coupes d'or et de pierres précieuses… Ainsi le malheureux se placerait comme esclave, sa bulle d’or l’interdit. » (Epigr. attribuée à Martial, IV, vers 1-2, 7 et 12). Un certain Calpetianus se fait accompagner de sa vaisselle ornée de ciselure en or afin de toujours manger dans celle-ci, que ce soit chez lui, à l’auberge ou à la campagne ; mais cette vaisselle ne lui appartient pas, il la loue pour paraître fastueux (Epigr. VI, 94). La vaisselle d’or fait partie des richesses proverbiales que l’amant rêve de recevoir de son maître complaisant (Epigr. XI, 29, 5-8).
162 Pudet intuentem nomina ista, quae subinde nova Graeco sermone excogitantur insperso argenteis vasis auro et incluso, quibus deliciis pluris veneunt inaurata quam aura. « On a honte quand on voit ces noms nouveaux, tirés du grec, qu’on invente à tout moment pour des vases d’argent plaqués ou incrustés d’or - car le luxe fait vendre la vaisselle dorée plus cher que la vaisselle d’or… » (H.N. XXXIII, 49). Ainsi Les chrysendeta sont révélateurs des tantae opes, “tant de richesses” d’un personnage de Martial (Epigr. II, 43, 11 et 15 ; H. Izaac explique, dans la note ad loc. de son édition des Belles Lettres, qu’il s’agit de "plats d’argent rehaussés d’or” ; et aussi Epigr. XI, 29, 7, déjà étudié et où les chrysendeta sont cités parmi d’autres richesses : vina, domum, pueros, chrysendeta, mensas, « des vins fins, une maison de ville, de jeunes esclaves, des plats ciselés, des tables » ; les « plats rehaussés d'or de Galice » (quae Callaico linuntur auro) de Epigr. IV, 39, 7 relèvent aussi de la catégorie des chrysendeta).
163 Phiala aurea caelata : / Quamvis Gallaico rubeam generosa métallo,/Glorior arte magis : nam Myos iste labor. « La coupe d’or ciselée : Toute noble que je suis du métal rouge de la Galice, je suis plus fière encore de l’art qui m'a formée : je suis l’oeuvre de Mys. » (Martial, Epigr. XIV, 95).
164 En admettant que le salaire d’un travailleur non qualifié était de 12 as, soit 3 sesterces, par jour, une livre d’or représente au moins 1 000 jours de travail, et un plat d’or massif de 160 gr bien plus de 500 jours en comptant le travail, à l’époque de César (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54). Ces chiffres sont considérables. Si l’on considère que le prix de la livre d'or a baissé de moitié par la suite, il faudra quant même que l’ouvrier sans qualification travaille 250 jours pour s’offrir un plat de 160 gr.
165 Quid enim primum prohibere et priscum ad morem recidere adgrediar ?… auripondus ? «Que tenterais-je d’abord d’interdire et que faut-il ramener aux antiques usages ?… ces masses pesantes d’or?» (Tacite, Ann. III, 53, 5).
166 Argentum succedit aliquando et auro luxu feminarum plebis compedes sibi facientum, quas induere auras mos tristior vetet. « Il arrive que l’argent supplante même l'or, à cause du luxe des femmes de la plèbe qui s’en font faire des bracelets aux chevilles, la mode est alors trop commune et ne permet pas qu’on les porte en or. » (H.N. XXXIII, 152). De même, les objets dorés ne sont peut-être pas absolument inaccessibles aux plus pauvres ; un passage de Martial mentionne « dans une coquille dorée, la pommade à cheveux d’une misérable prostituée » (Epigr. III, 82) - mais il s’agit d'un personnage bien particulier.
167 À ce propos, Pline écrit aussi : aurumque millis lapillorum vilius fecit. « … le “luxe” a rendu l’or moins précieux que des laisses endiamentées. » (H.N. XXXIII, 23) ; et ailleurs : Nec non et servitia iam ferrum auro cingunt - alia per ses mero auro decorant - « Et il n’est pas jusqu’aux esclaves aujourd’hui qui ne cerclent d’or le fer de leurs bagues - d’autres, de leur propre chef, se parent avec de l’or massif… » (H.N. XXXIII, 23).
168 Un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54).
169 Zoile, quid tota gemmam praecingere libra/Te juvat et miserum perdere sardonycha ? « Pourquoi te plais-tu, Zoïle, à employer toute une livre d’or pour monter une pierre et noyer ainsi cette pauvre sardoine ? » (Martial, Epigr. XI, 37, 1-2). Audelà de l’anecdote, ce passage nous montre l'importance du poids de l’or dans le bijou et aussi de la volonté d’étaler cette richesse chez ce personnage.
170 Celui des princes de Syrie fascina Verrès (Cicéron, Verr. II, 4, 62-63). Il est intéressant de noter l’existence d’un verre conservé au British Muséum (GR 1870.9-1.2) et daté du second quart du Ier siècle après J.-C. : la pâte de verre bleu a été soufflée à l’intérieur d’un verre en argent, de forme ovoïdale, percé de trous créant ainsi des bulles ovales (Harden 1985, no 78 p. 156). Le but de cette oeuvre, d’ailleurs unique, était certainement d’imiter un gobelet en argent serti de pierres précieuses.
171 Le groupe le plus important d’orfèvrerie est conservé au MANN, mais il rassemble des bijoux sortis de leur contexte de découverte. Cependant, nous pouvons y reconnaître ceux que mentionnent les sources littéraires pour condamner le luxe : ainsi les bracelets en forme de serpent de dérivation hellénistique (Coarelli 1966, cat. no 51, 72-74).
172 Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 208. Or, cette maison était constituée d’un thermopolium dans la partie la plus externe et d’une teinturerie dans la partie orientale; deux pièces supplémentaires étaient sans doute destinées à la clientèle du thermopolium.
173 Pirzio Biroli Stefanelli 1992, p. 233, n°25 de son catalogue. En forme de demi-sphère, d’une hauteur de 2,7 cm (MANN, Inv. 116077).
174 À larges mailles avec au centre un croissant de lune en or, d'un diamètre de 8 cm (MANN, Inv. 109587). cf. Pirzio Biroli Stefanelli 1992, p. 237 et n°54 de son catalogue.
175 Avec à l’extrémité une tête de serpent servant d’attache ; la longueur totale de la chaîne est de 0,445 m et son poids est de 122 gr (Inv. 5413) ; Elia 1934, p. 296-297 et fig. 16, p. 296.
176 D’un poids de 6,25 gr (Inv. 5313) ; Pirzio Biroli Stefanelli 1992, p. 307.
177 Les deux bracelets sont identiques, avec les Trois Grâces en relief (SAP 23878 et 23879), boucles d’oreilles : SAP 23875. Guzzo (sous la direction de) 2004, p. 168 no 2.
178 De forme semi-circulaire et à corps semi-circulaire, brisées et écrasées, selon Spano 1915, p. 340.
179 Spano 1915, p. 337. Cette pièce (b), à droite des fauces, présente un pavement en ciment avec des fragments de marbre. Les empreintes de poutres d’un étage supérieur sont conservées dans les murs. La grande pièce (d) qui lui fait suite, était couverte d’une voûte et pavée comme la pièce (b), et avait des peintures du IIIème style à fond noir avec architectures légères, comprenant au centre des vignettes avec animaux. Le cubiculum (e), sur la droite de l’atrium a un pavement en ciment, des peintures à fond blanc, un socle à fond noir.
180 (E 386) de 11 mm par 8 et de 0,5 gr. Scatozza Höricht 1989, p. 102.
181 Si l’on considère toujours qu’un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek, 1974, p. 54).
182 D’après Parslow 1988, p. 46. Il s’agit du squelette d’une femme revenant sans doute du sacrarium contenant les objets précieux de la maison.
183 Boucles d’oreilles : SAP 8604, Guzzo (sous la direction de) 2004, p. 153 no 3. Bague en or avec double chaton : SAP 8961.
184 MANN 24833 pour ce collier à maille avec anneau en forme de petit croissant et cabochon d’où partent deux chaînettes terminées par une feuille de vigne. Guzzo (sous la direction de) 2004, p. 98 no l.
185 D'une longueur de 34,2 cm, composée de 84 maillons en forme de "8”, avec un petit pendant central en forme de croissant lunaire (Inv. Pompei 30793).
186 22 feuilles de myrthe en or de 1 cm de long, 78 petits tubes creux en or, et une petite broche en or (Inv. Pompei 30797).
187 En forme de serpent, l’un de 7,5 cm de diamètre et pesant 163 gr, et l’autre, distendu, de 22,2 cm de long et pesant 162 gr (Inv. P30795 et P30794).
188 Les structures ne sont conservées que sur une hauteur d’1 m environ, sans doute en raison de l’éruption. Les fouilles ont révélé une série de pièces, sans doute en réfection au moment de l’éruption. Un péristyle a été mis à jour sur la moitié de sa surface environ, révélant une série de quatre pilastres et deux colonnes en brique (Ménotti 1988, p. 167).
189 Respectivement d’un poids total de 325 gr, composé de deux chaînes d’une longueur de 72 et 69 cm (Louvre Bj 495) ; d’un poids de 82 gr et de diamètre respectif : 9 et 9,3 cm (Louvre Bj 976-977) ; composés de deux rangées de il sphères creuses, d’un poids respectif de 62 et 67 gr, et de longueurs respectives 22,5 et 23 cm (Louvre Bj 990-991) ; d'un poids de 7 gr et de 2,1 cm de diamètre (Louvre Bj 1095) ; d’un poids de 5 gr et de 3,7 cm de hauteur (Bj 408-409).
190 Il est en forme de corps de serpent terminé par deux têtes de reptiles affrontées ; leurs gueules tiennent un disque sur lequel figure en relief le buste de Séléné : MANN 14268. Guzzo (sous la direction de) 2004, p. 158 no 1.
191 D’après Appien (Mithr. ; 115), le questeur avait mis un mois entier à inventorier les objets précieux ayant appartenu au roi, qui furent exhibés lors du triomphe de Pompée.
192 Et encore l’adamans que l’on traduit par « diamant » n’en était peut-être pas. Forbes 1963 vol. VII, p. 233.
193 Ainsi chez Properce (Elégies, IV, 5, 26). Un passage de Suétone, concernant Auguste, confirme également qu’ils étaient des objets de luxe (Aug. LXXI, 1). De même que pour Sénèque (De benef. VII, 9, 3) et Lucain (Phars. IV, 373-376 ; 378-380). Pline l’Ancien tout particulièrement (H.N. XXXIII, 5 ; XXXV, 158 ; XXXVI, 1 et 198 (murrina)-, XXXVII, 18-22 ; 30 ; 204). Juvénal (Sut.VI, 155 : maxima/murrhina ; VII, 133) et Martial (Epigr. III, 26, 2 ; IX, 59, 14 ; X, 80, 1 ; XI, 70, 8 ; XIII, 110, 1 ; XIV, 113).
194 H.N. XXXVII, 18. Pline ne condamne pas Pompée en tant qu’introducteur de ces nouveaux objets de luxe, car il les offre aux dieux ; c’est donc un luxe qui relève du domaine religieux et public, et il n’emploie d’ailleurs pas de mot latin désignant le "luxe” à ce moment. En revanche, ce qui relève de la luxuria pour lui, c'est l’utilisation profane qui en est faite : l’utilisation privée de la murrina pour fabriquer un service de table. En dehors de ces considérations moralisantes, on remarque, si l’on en croit l’auteur, que l’objet passe d’abord par le domaine religieux et public avant de s’insérer dans un contexte privé.
195 Un ancien consul acheta un vase murrhin 70 000 sesterces (H.N. XXXVII, 18) : prix d’autant plus scandaleux, qu’il était de modestes dimensions, d’après sa contenance de 1,62 1.
196 Ce que d’ailleurs Pline ne comprend absolument pas car pour lui c’est un objet abîmé qui ne peut avoir de valeur :… ob amorem adroso margine eius, ut tamen iniuria illa pretium augeauge-ret ; neque est hodie myrrhini alterius praestantior indicatura. « … il en était épris au point qu’il en rongea le bord ; néanmoins ce dommage n’a fait qu’en augmenter le prix, et il n’y a pas aujourd’hui de vase murrhin qui soit côté plus cher. » (H.N. XXXVI, 1). Il ajoute à propos de ce personnage : Idem in reliquis generis eius quantum voraverit, licet aestimare ex multitudine, quae tanta fuit, ut auferente liberis eius Nerone exposita occuparent theatrum peculiare trans Tiberim in hortis, quod a populo impleri canente sen dum Pompeiano proludit, etiam Neroni satis erat. « Combien d'argent ce même personnage a mangé en d'autres acquisitions de ce genre ? On peut l’évaluer d’après leur nombre, si grand que, lorsque Néron les enleva à ses enfants, elles remplirent un théâtre particulier où elles furent exposées, dans les jardins, au-delà du Tibre ; et lorsque ce théâtre était plein de spectateurs, Néron même s’en contentait, quand il y chantait avant de jouer au théâtre de Pompée. » (H.N. XXXVII, 19). Néron a confisqué pour lui les vases murrhins ayant appartenu à ce personnage, mais il les montre au peuple romain. Pline révèle également qu’un certain T. Petronius brisa une louche murrhine de la valeur de 300 000 sesterces pour que Néron n'en héritât pas. Celui-ci aurait acheté une seule coupe pour un million de sesterces, ce qui équivaut au cens sénatorial (H.N. XXXVII, 21 pour tout ceci).
197 Properce, Elégies, IV, 5, 26, cité plus haut ; H.N. XXXVII, 21.
198 Chapitre 6. Whitehouse (1990, p. 489) considère comme Casson (1989) que le Périple de la Mer Erythrée a dû être écrit par un grec d’Égypte entre 40 et 70 après J.-C. et qu’il s’agit d’une sorte de manuel destiné aux marchands qui naviguaient depuis les ports de la Mer Rouge vers les côtes orientales de l’Afrique, les côtes Sud de l’Arabie et les côtes Ouest de l’Inde.
199 Pline l’Ancien, H.N. XXXVI, 198 déjà cité ; Cf. Loewental et Harden 1949, p. 31.
200 Pline l’Ancien, H.N. XXXIII, 5 ; XXXV, 158; XXXVI, 1 déjà cités; Sénèque, Ep. XIX-XX, 119, 3; 123, 7; Stace, Silv. III, 4, 58; Martial, Epigr. III, 82, 25; Juvénal, Sat. VI, 155-156 : grandia tolluntur crystallina, maxima rursus / myrrhina-, Pausanias, VIII, 18, 5.
201 D’une hauteur de 5,5 cm et d’un diamètre de 5 cm : Inv. E 3672. De Carolis 1993-1994, p. 175. Ciarallo, De Carolis, Barbet (pour l’édition française) 2001, p. 163, no 177. Un exemplaire similaire serait conservé au Museo degli Argenti à Florence.
202 D’une hauteur de 0,14 m : Inv. 5281 ; Elia 1934, p. 307.
203 Inv. 5564; Elia 1934, p. 308. À un étage, cette maison comprend au rez-de-chaussée 17 pièces, un atrium et un péristyle à 14 colonnes. PPM II, p. 479-498.
204 Aujourd'hui conservé au MANN : Inv. no 138102. Gaspari 1975, p. 370. Et Spano 1915, p. 340. Haut de 4,4 cm, de forme cylindrique légèrement rétrécie en haut et en bas, avec un haut col cylindrique quelque peu élargi vers l’épaule et la bouche.
205 … proximum locum in deliciis… « Le rang suivant dans le domaine du luxe… ». (H.N. XXXVII, 30 et 49-50). Pline évoque de nouveau du cristal de roche en terme de luxe, au début du livre XXXVI (1 et 2) consacré aux pierres et marbres : il fait référence au vase en cristal de roche, assimilé par les Romains à de la glace, et condamne également l’emploi excessif de la vraie glace consommée dans des vases en cristal de roche. D’après ce passage, le cristal de roche fait partie, au même titre que le marbre, des matières luxueuses ; mais Pline considère que la recherche du premier est moins condamnable que celle du cristal de roche, sans avancer de raisons précises. Le texte suggère que ce peut être parce qu’il sert aux constructions alors que le cristal de roche ne sert qu’à faire des vases dont l’usage est limité aux boissons fraîches, la fragilité de la matière empêchant même d’y boire des boissons chaudes (H.N. XXXVII, 30). Sénèque condamne également le luxe que représente les coupes en cristal de roche (De benef. VII, 9, 3). Martial oppose richesses et biens des pauvres (Epigr. I, 53, 4-6).
206 Nascitur et in Asia, vilissima circa Alabanda et Orthosiam fnitimisque, item in Cypro… « Il en vient aussi en Asie, mais de très peu de prix, aux environs d’Alabandes et d’Orthosie et dans les régions voisines, ainsi qu’à Chypre… » (H.N. XXXVII, 23). Vilissimus signifie « à très vil prix », « à très bon marché », ce qui surprend, car Pline condamne cette matière comme un luxe.
207 Infestantur plurimus vitiis, scabro ferumine, maculosa nube, occulta aliquando vomica, praeduro fragilique centro, item sale appellato. Est et rufa aliquis robigo, aliis capillamentum rimae simile ; hoc artifices caelatura occultant. « De nombreux défauts gâtent le cristal : rugosités d’une manière de soudure, tache en forme de nébulosité, dépôt qui parfois se cache à l’intérieur, noyau très dur et cassant, et aussi ce qu’on appelle grain de sel. Certains cristaux sont atteints d’une rouille roussâtre ; d’autres de rayures qui ont l’air de fêlures ; les artistes cachent ce défaut par la ciselure. » (H.N. XXXVII, 28).
208 Quae vero sine vitio sint, para esse malunt, acenteta appellantes, nec spumei coloris, sed limpidae aquae. « Les cristaux sans défaut, on les préfère sans ciselure ; on les nomme accenteta, ils n’ont pas la couleur de l’écume, mais celle d’une eau limpide. » (H.N. XXXVII, 28). C’est semble-t-il d’ailleurs un bloc de cristal non travaillé que Livie consacra aux dieux, la matière était en elle-même suffisamment précieuse.
209 Postrema auctoritas in pondere est. « Enfin le poids entre aussi en ligne de compte. » (H.N. XXXVII, 28). Pline révèle que le plus gros bloc de cristal jamais vu « est celui que Livie, femme d’Auguste, avait consacré dans le Capitole : il pèse environ 150 livres » (H.N. XXXVII, 27). Ce chiffre apparaît encore une fois extraordinaire, car un tel bloc aurait pesé 49,5 kg. Remarquons que l’auteur ne condamne pas Livie, sans doute parce que l’objet luxueux fut consacré aux dieux. Pline cite d’autres exemples extraordinaires, dont un vase pouvant contenir quatre setiers, c’est-à-dire un peu plus de deux litres, exécuté dans un cristal de roche venant d’Inde considéré comme le meilleur (H.N. XXXVII, 23). Or un skyphos en cristal de roche appartenant au trésor de la Basilique Saint Marc (Inv. 113, hauteur 15,7 cm, diamètre supérieure 24 cm), que l’on date du Ier siècle après J.-C., peut contenir 3,5 1 de vin, rendant la couleur de la matière semblable à celle du rubis (Slavazzi 2003, p. 449).
210 Nos liquido adfirmare possumus in cautibus Alpium nasci adeo inviis plerumque, ut fune pendentes eam extrahant. « Nous pouvons affirmer avec certitude que du cristal se forme dans des rochers des Alpes ordinairement si peu accessibles qu’on se suspend à une corde pour l'extraire. » (H.N. XXXVII, 27).
211 « … (elle fut) achetée par une mère de famille qui n’était pas riche. » (H.N. XXXVII, 27). Cette femme est encore plus critiquable en tant que mère de famille, ce que Pline ne mentionne certes pas par hasard. De plus, ce luxe féminin a dû appauvrir, sinon ruiner, la famille, cette femme ne possédant pas la richesse nécessaire à l’achat de la louche.
212 On se souvient des « messages d’amour sur des tablettes d’onyx ou de cristal » cités par Plutarque, Ant. LVIII, 1 1 : δελτάρια τôν έρωτικῶν ὀνύχινα καὶ κρυστάλλια ; nous préférons naturellement traduire par « d’onyx et de cristal ».
213 524 Des perles en cristal de roche ont été mises au jour à Herculanum, mais en-dehors de tout contexte. Ainsi, 21 perles de collier proviennent du vestibule de la palestre d’Herculanum (Ins. or. II, 4) : elles sont en cristal incolore, et leur longueur varie de 8 à 25 mm (Scatozza Hôricht 1989, p. 68 ; no 129 de son catalogue, Inv. E770). De même, 36 perles de collier en cristal de roche ont été découvertes dans un coffret de bois, entre deux squelettes (numéros 61 et 62), devant l’entrée (12) des Thermes suburbains d’Herculanum. Elles sont en cristal incolore avec des impuretés et quelques bulles d’air (Scatozza Höricht 1989, p.70, no 130 de son catalogue ; Inv. E 3098). Et 8 breloques de collier en cristal de roche incolore et limpide ; elles mesurent de 17 à 38 mm en longueur et de 12 à 27 en largeur (Scatozza Hôricht 1989, p. 71-72, no 131-138 de son catalogue, Inv. E 3102 A à E).
214 Castiglione Morelli del Franco et Vitale (1989, p. 194) ne précisent pas de quel type de bijou il s'agit.
215 C’est une maison à atrium comportant 9 pièces plus un viridarium. Elle était en restauration au moment de l’éruption, le propriétaire devant être assez riche pour acheter certaines parties de la maison adjacente (I, 8, 8). Au fond de l'atrium, le tablinum (4) conserve des peintures dont le socle noir représente des plantes, dont la zone médiane est à panneau central noir et panneaux latéraux rouges avec vignettes d’animaux et un pavement en cocciopesto avec incrustations de marbres polychromes. Les petites pièces (5) et (6) conservent des restes de peintures du Ier style. La pièce (3) conserve les restes d’un escalier (PPM I, p.798). Dans le cubiculum (5), des graffiti représentant des bateaux ont suggéré la qualité de marchand oriental pour l’occupant, qui aurait rapporté avec lui la fameuse statuette en ivoire conservée ; il aurait d’ailleurs pu payer cette statue nettement moins cher que s’il l’avait achetée à Rome.
216 Castiglione Morelli del Franco et Vitale ne précisent pas le type exact, p. 208-209.
217 L’un mesure 4 cm de long et l’autre 3,5 : Inv. 11613 et 11301. Gallo 1994, p. 173.
218 Elle mesure 358 m2. Gallo 1994, p. 191.
219 MANN, Inv. no 138101 (Gaspari 1975, p. 371). Elle mesure 5 cm, cassée dans sa partie antérieure et munie d’un bouchon également en cristal (Spano 1915, p. 340).
220 D’une surface de 117 m2, nous avons déjà souligné combien elle est d’apparence modeste : elle ne compte que quatre pièces (plus l'atrium, les fauces et le thermopolium), c’est l'habitation annexe au thermopolium no 33. Sogliano 1908b, p. 296.
221 Seuls 24 des 28 fragments sont aujourd’hui conservés, certains sont exposés au Musée Monte Martini à Rome (sans numéro d’inventaire).
222 Les éléments fusiformes devaient mesurer entre 6,2 et 9,2 cm de diamètre pour une hauteur maximale de 8,6. Cima 1986c, p. 109 et 142-143. Les sources littéraires attestent du goût des Romains pour l’or vu par transparence à travers du cristal de roche : ainsi, Quinte-Curce (III, 3, 8), rappelant les coutumes perses, mentionne peut-être une balle en or enfermée dans du cristal de roche, mais la difficulté d’inclure quoi que ce soit dans du cristal de roche et la facilité avec laquelle on pourrait le faire avec du verre fait pencher vers l’idée qu’il s’agit de verre-cristal (Trowbridge 1930, p. 81). Quoi qu’il en soit, cela atteste l'usage de l’or par transparence.
223 Cima 1986c, p. 142 et pl. 48 et 49 p. 141. Les fragments conservés mesurent respectivement 2,5 cm de hauteur, 5,3 de large pour une épaisseur de 0,7 et 2,8 cm de hauteur, 4,3 de large et 0,7 d'épaisseur.
224 … donec luxuria nostra dedit nomen… « … quand notre luxe lui a fait une réputation… » (Tacite, Germ. XLV).
225 Prohibitae lecticis margaritisque uti quae nec viras nec liberos haberent et minores essent annis XLV. (Hieron. Chro.). Strong suggère que ce passage d’Eusèbe pourrait concerner l’ambre : il serait possible que lecticis soit en fait electris (1966, p. 34 note 1).
226 Proximum locum in deliciis, feminarum tamen adhuc tantum, sucina optinent, eandemque omnia haec quant genimae auctoritatem. Sane propria illa aliquis de causis, crystallina frigido potu, myrrhina utroque ; in sucinis causam ne deliciae quidem adhuc excogitare potuerunt. « Le rang suivant dans le domaine du luxe appartient ensuite au succin, qui n’intéresse toutefois jusqu’à présent que les femmes. Tous ces produits jouissent de la même faveur que les gemmes ; les deux premiers, à coup sûr, pour certaines raisons : le cristal sert pour les boissons fraîches, le murrhin pour les boissons fraîches ou chauchaudes ; quant au succin, le luxe même n’a pas été capable jusqu a présent d’imaginer pourquoi il a été employé. » (H.N. XXXVII, 30). Cf. aussi H.N. XXXVII, 49-50.
227 Le riche patron, Virron, déguste du vin luxueux dans des coupes en ambre (Sat. V, 37-39). En fait, la version de Pline nous paraît contradictoire, car il révèle que cette matière servait à réaliser des manches de couteaux (H.N. XXII, 99).
228 H.N. XXXVII, 46. Le passage de Juvénal mentionné ci-dessus insiste d’ailleurs sur la taille de ces coupes capaces c’est-à-dire « amples », « capables de contenir » ; il fallait en effet se procurer des morceaux d’ambre d’assez grandes dimensions pour y sculpter des coupes, ce qui devait être rare comme pour d'autres matières naturelles précieuses, le cristal de roche par exemple.
229 Remarquons que, contrairement au cristal de roche, le caractère luxueux de l’ambre ne dépend pas de son origine géographique, car de toute façon, la seule source sans doute connue des Romains était la Baltique. La Sicile fournissait également de l’ambre provenant de la vallée de Simeto, près d'Agrigente, Aquilée a restitué des objets en ambre sicilien (Nava 2007, p. 15-16). Cet ambre a des couleurs extraordinaires qui vont du rouge-violet au rouge-brun et rouge-orange et est transparent. L’ambre de la Baltique est rarement complètement transparent, en raison de la présence de bulles gazeuses, et présente des colorations jaunes, orange-brun, rouge-brun et rarement jaune-vert (Nava 2007, p. 14). Pline rapporte que, d’après ses sources, il en existe aussi en Inde et que la Cappadoce en importe de ce pays (H.N. XXXVII, 46).
230 Martial a en effet composé trois épigrammes à ce sujet : IV, 32 et 59 ; VI, 15.
231 XX, 9… qualitas materiae istius summatim antea Germanico autem Caesare omnes Germaniae oras scrutanta comperta.
232 Pline écrit : Certum est gigni in insulis septentrionalis oceani… « Il est certain que le succin est un produit des îles de la mer du Nord… » (H.N. XXXVII, 42).
233 Pline en fournit des témoignages : Adfertur a Germanis in Pannoniam maxime provinciam… « Il est apporté par les Germains principalement dans la province de Pannonie… » (H.N. XXXVII, 43).
234 Tacite indique aussi que (Suebi) mare scrutantur, ac soli omnium sucinum, quod ipsi glaesum vocant, inter vada atque in ipso litore legunt. « … ils fouillent aussi la mer et, seuls de tous les peuples, ils recueillent, dans les bas-fonds et sur le rivage même, le succin, qu’eux-mêmes appelent glesum. » (Germ. XLV).
235 D’après Pline, H.N. XXXVII, 44. Ce commerce a dû passer par le Royaume des Marcomans, situé le long de l’Elbe, au Nord de la Bohême. Tacite indique d’ailleurs que des commerçants romains étaient installés sur le territoire des Marcomans (Ann. II, 62, 4).
236 DCM p. fere a Camunto Pannoniae abesse litus id Germaniae, ex quo invehitur, percognitum nuper, vivitque eques R. ad id comparandum missus ab Iuliano curante gladiatorium munus Neronis principis. Qui et commercia ea et litora peragravit, tanta copia invecta, ut retia coercendis feris podium protegentia sucinis nodarentur, arma vero et libidina totusque unius diei apparatus in varatione pompae singulorum dierum esset e sucino. Maximum pondus is glaebae attulit XIII librarum. « Quelques 600 milles séparent Carnuntum en Pannonie du rivage de Germanie, d’où l’on importe le succin ; cela n’est bien connu que depuis peu, et encore vivant est le chevalier romain qui fut envoyé pour s’en procurer par Julianus, entrepreneur des jeux de gladiateurs donnés par l’Empereur Néron. Il parcourut les places de commerce et les côtes, et il en rapporta une telle quantité de succin que les filets protecteurs qui écartaient les bêtes féroces du podium étaient fixés par des cabochons de succin, et que les armes, les civières, et tout l’appareil employé en un seul jour (car il changeait chaque jour au cours des cérémonies) était incrusté de succin. Le plus gros bloc qu’il apporta pesait 13 livres. » (H.N. XXXVII, 45).
237 C’est la route de Carnuntum mentionnée par Pline (H.N. XXXVII, 45) à propos de l'importation massive d’ambre organisée par Néron.
238 On n’avait en effet pas mis au jour d’ambre sculpté à l’Ouest de l’Adda, la zone de grande diffusion de ces objets restant donc l’actuelle Vénétie, secondairement l’Istrie et la Dalmatie. Carducci 1961, P-466.
239 Même si certains morceaux pouvaient atteindre un poids exceptionnel : les plus gros morceaux d’ambre découverts jusqu a ce jour pesaient jusqu’à 10,5 kg, tel celui mis au jour en 1967 dans l’Oresund (Kolendo 1981, note 19 p. 70).
240 Ces collections sont en général le fruit de fouilles désordonnées, et seules quelques pièces ont pu être classées chronologiquement grâce aux comptes-rendus de fouilles. Une catégorie précise d’objets en ambre fournit cependant d’elle-même les éléments permettant une classification chronologique : ce sont les anneaux en ambre dont le chaton représente un buste ou une tête de femme, la coiffure permettant une datation satisfaisante. Ces bijoux d’Aquilée s’étendent de l’époque augustéenne à l’époque hadrianique, mais les coiffures flaviennes et trajaniennes dominent.
241 On doit noter qu’à Aquilée la coutume était répandue de placer des objets en ambre sculpté dans les tombes, mais elle est rarement pratiquée ailleurs ; soit nous attribuons cette caractéristique à la plus grande abondance d’ambre localement, ou au fait que les objets une fois sculptés ne pouvaient être réutilisés, soit l’ambre avait une valeur suffisamment basse pour que l'on pût laisser au mort un objet que Ton ne récupérerait plus, et qui était considéré comme partie accessoire du patrimoine familial. Mais ce sont là nos hypothèses, et rien ne nous permet de privilégier l’une d'entre elles, ni d’en exclure d’autres. Un objet particulièrement intéressant est un anneau avec chaton mobile retrouvé dans la zone archéologique de l’antique Libarna, adjacente au théâtre. Si le chaton est mobile, c’est en effet que Ton pouvait en changer. Actuellement conservé au Musée des Antiquités de Turin (Carducci 1968, p. 73).
242 Une statuette de Vénus, et un relief avec un Amour et un chien, découverts à Aquileia, sont conservés aux Civici Musei di Storia e Arte de Trieste (respectivement Inv. no 1358 ; 14 cm de haut et 3,9 cm de large ; Inv. no 168 ; 10 x 5,8 cm). Buora et Jobst 2002, p. 221 no IIIo.l8 et p. 223 no IIIo.27.
243 Ce bâton, fait d’un seul morceau d’ambre de 18,7 cm de long, pourrait aussi être une quenouille (Kolendo 1993, p. 58 et Nava 2007, p. 24) ; son utilisation pour la laine filée s’expliquerait par les propriétés électrostatiques de l’ambre. Cf. par exemple l'alabastron avec petits Amours conservé au Staatliche Museen zu Berlin (Inv. 1938), d’époque augustéenne (Nava et Salerno (dir.) 2007, p. 57).
244 Le Catalogue du Musée de Rouen de 1875 mentionne la découverte « de quelques débris d'un admirable vase d’ambre d’assez grandes dimensions », mais nulle trace n’en a été conservée et aucune datation précise n’en est possible, d’après Strong 1966, p. 34.
245 Strong 1966, p. 12. Un petit vase à parfum décoré de feuilles d’acanthe, découvert à Aquileia, est actuellement conservé aux Civici Musei d’Udine (Inv. no 1366 ; 6,2 cm de haut par 4 de large) ; cf. Buora et Jobst 2002, p. 222 no IIIo.23. Peut-on vraiment établir une correspondance entre un petit vase à parfum et un vase à boire ?
246 Une feuille avec au revers la représentation de trois têtes féminines et trois instruments et une autre avec à son revers trois têtes masculines sont conservées au Musée d’Aquilée (respectivement Inv. 53099 (dimensions : 7,2 cm par 10,5) et Inv 53101 (dimensions : 9,5 cm par 4)) ; Bertacchi 1964, p. 52-53 et Buora et Jobst 2002, no IIIo.14 et 15, p. 221.
247 Scatozza Höricht 1989, p. 64-68 et n°97-128 du catalogue. Des perles ont été retrouvées soit auprès de squelettes dans la région des Thermes Suburbains, devant les arcades (Scatozza Höricht 1989, no 122-128 : six perles en ambre), soit dans la Palestre des Thermes (VI, l-10)(Scatozza Höricht 1989, no 97, une perle en ambre, p. 64). Aucune donnée sur le lieu de découverte n'a été conservée, même pour une autre perle (Scatozza Hôricht 1989, no 121 du catalogue, p. 67).
248 Un dépôt comprenant 23 perles de différentes formes, ainsi qu’un grand nombre de gemmes, mis au jour dans la maison (Ins. or. XI, 10), suggère l’activité d’un gemmarius (Scatozza Hôricht 1989, no 98-120 du catalogue, p. 64-67).
249 Dans l'insula 12 de la regio VI, dans le jardin débouchant sur la troisième entrée depuis le vicolo occidental, a été retrouvée l’empreinte d’une armoire et, autour, plusieurs objets, dont une statuette en ambre représentant un acteur de 4,7 cm de haut (Notizie degli scavi 1896, p. 474). Cette description nous semble correspondre à la Casa del Fauno (VI, 12, 2) qui occupe entièrement l'insula 12. On peut penser que cette statuette en ambre provient de la pièce (47), donnant effectivement sur le jardin et adossée au vicolo occidental. Cette petite pièce fut transformée (PPM V, p. 137) en niche pour statues et, dans la dernière période de la maison, en garde-robe, à laquelle il faut lier l'enduit de la zone supérieure de la paroi et les cannelures pour les tablettes des étagères. Cette description pourrait aussi correspondre à la pièce (49), comportant également une niche pour statues (PPM V, p. 135).
250 D’après Pasquinucci 1975, p. 265. Cette statue mesure 5 cm de haut. La maison atteint 175 m2. (Sogliano 1908a, p. 63 et 71). Les pièces (F), (G) et (I) présentent au centre de leur pavement des espaces (circulaire en (F) et rectangulaires pour les deux autres) remplis de mortier qui devaient être destinés à recevoir des emblemata en mosaïque ou en opus sectile, la maison étant en réfection au moment de l’éruption.
251 Sogliano 1908b, p. 277. Cette maison est de dimensions restreintes (de 144 m2), quoiqu’elle possédât sans aucun doute un second étage, comme l'attestent, dans l’angle Nord-Ouest de l’atrium, les traces d’un escalier de bois. Elle est de plan italique sans péristyle avec un atrium compluvium, et possède au total 7 pièces sans compter l'atrium et les fauces, mais y compris un cubiculum et deux pièces rustiques. L'atrium est pavé de cocciopesto avec des fragments de marbre de même que les fauces (Sogliano 1908b, p. 271). Le tablinum, au fond de l'atrium, avait la fonction de triclinium et présente une décoration simple du IIIème style à panneaux jaunes et rouges avec un seul petit tableau central (40 cm par 45).
252 Ils ont été mis au jour en même temps que des fragments de cristal de roche, d’agate, de lames en bronze doré et une quantité impressionnante de pierres précieuses. Cima n’en précise pas le nombre (1986c, p. 144, pl. 50). D’après le dessin que l’auteur exécute de quelques éléments, le petit élément carré mesure environ 1 cm de côté, l’hexagone 2 cm de diamètre maximal, l’octogone 3 cm de diamètre maximal, et la feuille environ 3 cm de long et 2,8 de large.
253 Les constructions de ces jardins impériaux, datant pour la plupart de l’époque de Caligula, présentaient des pavements en opus sectile et des revêtements pariétaux en marbre.
254 « Tous ces produits jouissent de la même faveur que les gemmes… » (H.N. XXXVII, 30).
255 « … dans le domaine du luxe… » : H.N. XXXVII, 30. Nos contra rationes depredenti falsas demonstrabimus, quando etiam luxuriant adversus fraudes minimi deceat. « Par contre nous révèlerons le moyen de déceler les pierres fausses, car il convient de prémunir même le luxe contre les supercheries. » (H.N. XXXVII, 198). Dès le livre II de son Histoire Naturelle, Pline l’Ancien stigmatise le luxe que représente les pierres précieuses mais surtout la dévastation de la Mère Nature qu’il entraînne (H.N. II, 158).
256 Sa préoccupation est identique lorsqu’il traite des anneaux d’or (H.N. XXXIII, 22).
257 Tacite, Ann. III, 53, 5. L’Empereur évalue la nécessité de la promulgation d’une nouvelle loi somptuaire : les lapides font donc partie des objets qu’il serait peut-être nécessaire d'interdire si l’on veut lutter contre le luxe. Lapis a d'ailleurs aussi le sens de "pierre précieuse”. Nous remarquons quelles font partie du luxe proprement féminin.
258 Hactenus de principatu convenit mulierum maxime senatusconsulto. Minus certa sunt de quibus et viri iudicant ; singulorum enim libido pretia singulis facit praecipueque aemulatio, velut cum Claudius Caesar smargdos induebat vel sardonyches. « Sur la primauté des pierres citées jusqu’ici l’accord est fait largement, suivant un senatus-consulte des femmes ; il y a moins de certitude pour celles sur lesquelles les hommes ont aussi leur verdict à rendre ; en effet, le prix de chacune est fonction du caprice et de la surenchère, comme par exemple, lorsque l’empereur Claude portait des émeraudes et des sardoines. » (H.N. XXXVII, 85).
259 Maximum in rebus humanis, non solum inter gemmas, pretium habet adamans… « Le plus grand prix parmi les biens des hommes, et pas seulement parmi les pierreries est attribué aux diamants… » (H.N. XXXVII, 55).
260 H.N. XXXVII, 65. Dans le Satiricon de Pétrone, l’émeraude est une pierre précieuse (LXV, vers 12).
261 Miratur Scythicas auri/Flammas Jupiter et stupet superbi/Regis delicias gravesque luxus. « Jupiter admire le feu des émerau des scythes enchâssées d’or, il s’étonne devant ces trésors des rois superbes, ce luxe si important (onéreux ?) » (Epigr. : XII, 15, 3-5). L’émeraude de Scythie fait incontestablement partie, d’après le contexte, des symboles de la richesse chez Martial (Epigr. IV, 28, 4).
262 … gemmae sunt perlucidae materiae,… lapilli autem contrariae naturae. « les gemmes sont des matières translucides… les lapilli en revanche sont contraires à la nature » (Ulp. Dig. XXXVII, II, 19, 17, notre traduction). G. Sena Chiesa (2003, p. 393) confirme, à partir de l’étude d’un échantillonnage de pierres provenant d’Altino, en Vénétie, que les pierres opaques, en particulier les diaspres, étaient moins appréciées de la riche clientèle municipale.
263 H.N. XXXVII, 8. Il rapporte que le prix de l’art s’ajoutait aussi à la valeur de la pierre précieuse (H.N. XXXIII, 22).
264 Saturnales, VIII, 12. Pline rapporte par ailleurs le prix de 2 millions de sesterces atteint par une opale détenue par un sénateur à l’époque de Marc-Antoine (H.N. XXXVII, 82). Et il rapporte :… censuque opimo digitos onerando… « … et (on a) chargé les doigts de l’équivalent d’une grosse fortune… » (H.N. XXXIII, 22).
265 … auro clusit aurumque millis lapillorum vilius fecit. « … et on a rendu l’or moins précieux que des laisses endiamantées. » (H.N. XXXIII, 23).
266 Nam et invecta Urbi Alexandrina triumho regia gaza tantam copiam nummariae rei effecit, ut faenore deminuto plurimum agrorum pretiis accesserit. « Après le triomphe sur l’Égypte, le transfert à Rome du trésor royal amena une telle abondance d’espèces monétaires, que le taux de l’intérêt baissa et que le prix des terres augmenta dans une proportion encore plus grande. » (Suétone, Aug. XLI, 2).
267 Rufe, vides ilium subsellia prima terentemj cuius et hinc lucet sardonychata manus… « Tu vois, Rufus, cet individu qui se prélasse au premier rang des sièges : même à cette distance, on voit briller sa main parée de sardoines… » (Epigr : II, 29, 1-3 et Epigr. attribuée à Martial, IV, vers 1-2, 7 et 12).
268 En revanche, il y avait à Aquilée une coutume spécifique de déposer des objets en ambre sculpté dans les tombes. Sena Chiesa 1966, p. 379 ; Affieri et alii, 1958, p. 18. On peut déplorer le fait que le très riche ensemble de gemmes découvertes à Aquilée ne puisse être relié à une strate précise.
269 Pannuti 1989, p. 91. Aucune intaille en diamant d’époque romaine n’a jamais été trouvée en raison de la difficulté d’un tel travail.
270 Inv. OP 2996-3011. Également un ensemble de pièces, quelques balsamaires en verre pour les parfums et d’autres objets pour mélanger les cosmétiques.
271 Le premier fait 2,22 cm de diamètre dans lequel est enchâssée une émeraude de forme ovale à superficie convexe de 0,9 cm par 0,7, Inv. OP 2998 ; D’Ambrosio 1987, p. 58, no 50. Le second anneau en or fait 2,2 cm de diamètre dans lequel est enchâssé un grenat de forme ovale à superficie plate portant incisé un satyre : Inv. OP 3000 ; D’Ambrosio 1987, p. 59, no 52.
272 D’une hauteur de 3,1 cm et d’une largeur de 2,2-2,5, le corps étant composé de 26 petits chatons en quartz à superficie plate, Inv. OP 3326 ; D’Ambrosio 1987, p. 38, no 3.
273 De 1,9 cm de diamètre, Inv. OP 3321 ou SAP 73321 ; D’Ambrosio 1987, p. 43, no 14 ; Guzzo 2004, fig. 5 p. 81.
274 D’une longueur de 58 cm, composé de 20 émeraudes en forme de prisme hexagonal, alternant avec 24 perles fuselées en or. Les émeraudes sont de dimensions différentes (longueur : 0,9 à 1,4 cm de longueur environ) et les perles en or : longueur : 1,3 cm environ ; diamètre : 0,8 cm environ. Inv. OP 3412 a ; D’Ambrosio 1987, p. 41, no 9.
275 Diamètre : 9,6 cm et 9,35 respectivement, dimensions du châton : 0,9 cm par 0,9 et 1,3 par 1 : Inv. OP 3312 et 3341 ; D’Ambrosio 1987, p. 48, no 23 et 24.
276 De 1,9 cm chacun, les pierres font respectivement 0,9 cm par 0,6 et de 0,8 par 0,7. L’un porte une buste de Mercure incisé et l’autre un bovin : Inv. OP 3314 et 3315 ; D’Ambrosio 1987, p. 60, no 54 et 55. Le troisième fait 2 cm de diamètre. Inv. OP 3313 ; D'Ambrosio, p. 58, no 51.
277 De 34,9 cm de long, constitué de 16 sphères en or alternés avec autant d’émeraudes de formes variées et d’un pendant en or en forme de croissant lunaire (lumda). Les sphères en or font 0,45 cm de diamètre, les émeraudes de 0,4 à 0,8 cm de diamètre. Inv. OP 3307 ou SAP 73307 ; D’Ambrosio 1987, no 8, p. 40. Guzzo 2004, fig. 6 p. 81.
278 D’une longueur de 34,5 cm : Inv. Pompei 30792 ; Guzzo 2004, p. 87, fig. 1.
279 Menotti 1988, p. 167. Un péristyle a été mis au jour sur la moitié de sa surface environ, révélant une série de quatre pilastres et deux colonnes en brique.
280 Aujourd’hui conservés au Cabinet des Médailles du MANN. Conticello De Spagnolis 1991-1992, p. 85.
281 De même qu’une chaîne en or avec pendentif et deux autres bracelets en or. Conticello De Spagnolis (1991-1992), p. 86.
282 Conticello De Spagnolis (1991-1992), p. 82. Une schola labri avec un socle de marbre blanc ainsi que de nombreux fragments de marbre jaune qui devaient recouvrir d’autres murs ont été découverts à l’époque.
283 Au revers desquelles les analyses ont décelé des restes de fibres de bois.
284 Cima 1986c, p. 117-118. Seules 415 des 441 gemmes découvertes, au moment des fouilles du XIXème siècle, sont aujourd’hui conservées.
285 Respectivement 4,4 mm par 3,8 et 1,8 ; et 3,8 par 2,5. Martini 1986, p. 145.
286 Cf. fig. Un saphir, provenant d’Inde, a été trouvé dans la Casa (II, 9, 2), certainement celle d’un gemmarius (Inv. SAP 39597 ; cf. Ciarallo, De Carolis, Barbet (éd. fr.) 2001, n. 36 p. 74).
287 L’échantillonnage de pierres, provenant d’Altino en Vénétie, étudié par G. Sena Chiesa, a également révélé la prédominance de la cornaline (28 sur 72 pierres) (Sena Chiesa 2003, p. 393 et 1966, p. 70).
288 Les analyses chimiques effectuées sur des échantillons d’Aquilée n’ont pas permis d'en déterminer la provenance. Aquilée entretenait des rapports commerciaux très étroits avec le Norique.
289 CIL V, 9433, 8434, 9435, 9436, 9437. Sena Chiesa 1978, p. 17 n. 26.
290 Par exemple, un diaspre jaune (Pompéi, Inv. no 39585), non incisé, venant de l’île de Chypre, une calcédoine cornaline incisée (Pompéi, Inv. no 39586), une cornaline incisée (Pompéi, Inv. no 39587) etc. ont été retrouvés. Malheureusement, la partie centrale de la maison a été fortement endommagée par l'explosion d’un obus au cours de la seconde guerre mondiale, alors que l’équipement de la maison aurait pu nous fournir des nouveaux éléments sur la technique du travail des gemmes, au sujet duquel nous avons des renseignements peu précis. Sodo 1992, n. 1-3, p. 89.
291 D’après les rapports de fouilles réétudiés par Pannuti 1975, p. 188.
292 Quelquefois les artisans choisissaient des combinaisons de couleurs créant ainsi des imitations improbables de gemmes telles celles qui sont zébrées de couleurs vives, vert, bleu et blanc, très à la mode à l’époque augustéenne. Cf. l’exemple de la gemme montrant une Fortune conservée au Museo di Castelvecchio à Vérone ; Sena Chiesa 2003, p. 393 et 1965, p. 387.
293 Caes. XLIII. Le port des perles fines était autorisé pour les femmes de plus de quarante-cinq ans, un passage du Hieronymi Chronicon donnant : Prohibitae lecticis margaritisque uti quae nec viros nec liberos haberent et minores essent annis XLV. D'autant que Suétone rapporte au sujet de celui-ci que munditiarum lautitiarumque studiosissimum multi prodiderunt… Britanniam petisse spe margaritarum, quarum amplitudinem conferentem interdum sua manu exegisse pondus… « Bien des témoignages le montrent passionné pour le luxe et la somptuosité… On prétend qu’il attaqua la Bretagne dans l’espoir d’y trouver des perles, et que, pour reconnaître les plus grosses, il en soupesait parfois dans sa propre main… » (Caes. XLVI, 2-XLVII). D’après Sénèque le Rhéteur, le port des perles fines est l’objet d’un luxe ostentatoire de la part des femmes (Controv. Il, 5, 7) ainsi que pour Sénèque le Philosophe… luxuria… Video uniones non singulos singulis auribus comparatos ; iam enim exercitatae aures oneri ferundo sunt ; iunguntur inter se et insuper alii binis superponuntur. Non satis muliebris insania viros superiecerat, nisi bina ac tema patrimonia auribus singulis pependissent. « … le luxe… Je vois des perles acquises à raison de plus d’une pour chaque oreille (à présent en effet les oreilles sont entraînées à porter fardeau) ; on en forme des paires, et, par-dessus chaque paire, on en met une autre. La folie des femmes n’avait pas suffisamment surpassé celle des maris, il fallait encore que deux et même trois patrimoines fussent suspendus à chacune de leurs oreilles ! » (De Benef. VII, 9, 3-4). À l’opposé, la femme qui suit les coutumes des ancêtres est chaste et ne possède pas de perles fines (Sénèque, Cons. ad Helv. XVI, 3).
294 … unde nomen unionum Romanae scilicet inposuere deliciae… « … d’où le nom à'unio que le luxe romain leur a sans doute donné… » (H.N. IX, 112) ;… subeuntque luxuriae eius nomina externa… « … on importe, pour désigner ce luxe, des noms étrangers… » (H.N. IX, 114). Nec haec summa luxuriae exempla sunt… « Mais ces exemples de luxe sont dépassés… » (H.N. IX, 119) ; spoliabunturque etiam luxuriae gloria… « … ils seront même dépouillés de cette gloire tirée du luxe… » (H.N. IX, 122). Duo fuere maximi uniones per omne aevum ; utrumque possedit Cleopatra, Aegypti reginarum novissima, per manus orientis regum sibi traditos… « Il y avait deux perles, les plus grosses qui eussent jamais existé, l’une et l’autre propriété de Cléopâtre, dernière reine d’Égypte ; elle les avait héritées des rois de l’Orient. » (H.N. IX, 119). Cléopâtre entend una se cena centiens HS absupturam, « … en un seul dîner engloutir dix millions de sesterces… ».
295 XXXVI, p. 12, 9-10 ; selon le PME (LIX, p. 19, 22-23 fr), la pêche des perles se pratiquait le long de la côte qui va du Cap Comorin à Kolchoi, des fouilles effectuées à Korkai ont révélé des amas de coquilles d’huîtres perlières. De Romanis 1982-1987, p. 158 et 190. Le Sri Lanka fournissait beaucoup de perles (Thapar 1997, p. 26).
296 Hos digitis suspendere et binos ac temos auribus feminarum gloria est, subeuntque luxuriae eius nomina externa exquisita perdito nepotatu, si quidem, cum id fecere, crotalia appellant… cupiuntque iam et pauperes, lictorem feminae in publico unionem esse dictitantes. Quin et pedibus, nec crepidarum tantum obstragulis, sed totis socculis addunt. Neque enim gestare iam margaritas, nisi calcent ac per uniones etiam ambulent, satis est. « Les femmes s’enorgueillissent d’en suspendre à leurs doigts, et deux ou même trois à chaque oreille ; on importe, pour désigner ce luxe, des noms étrangers, recherches d’une prodigalité décadente, puisque cette parure s’appelle crotalia… voici que les pauvres en désirent aussi : « La perle, répètent-elles, est, sur la voie publique, l’appariteur de la femme. » Bien plus, elles en attachent à leurs pieds, et non seulement aux courroies de leurs sandales, mais à toutes la chaussure. En effet, il ne suffit plus de porter des perles, il faut encore marcher sur des perles et parmi des perles. » (H.N. IX, 114).
297 Romae in promiscuum ac frequentem usum venisse Alexandria in dicionem redacta, primum autem coepisse circa Sullana tempora minutas et viles Fenestella tradit, manifesto errore, cum Aelius Stilo Iugurthino bello unionum nomen imponi cum maxime grandibus margaritis prodat. « D’après Fenestella, les perles seraient devenues à Rome d’un usage commun et fréquent après la soumission d’Alexandrie, mais des perles de menue grosseur et de vil prix auraient fait déjà leur apparition vers le temps de Sylla ; erreur manifeste, car Aelius Stilon signale que le nom d'uniones fut précisément donné aux grosses perles lors de la guerre de Jugurtha. » (H.N. IX, 123).
298 At in Arcanania quae vocatur pina gignit, quo apparet non in uno conchae genere nasci… Nec in Arcanania ante laudati reperiuntur, enormes et feri colorisque marmorei. « D’autre part en Arcananie, le coquillage appelé pinne produit des perles, ce qui prouve qu’elles ne se forment pas dans une seule espèce de coquille… On n’apprécie pas non plus les perles trouvées en Arcananie ; elles sont irrégulières, grossières et marbrées. » (H.N. IX, 115). Barbieri et Griletto 1982, p. 780. La pinne marine est un grand mollusque à coquille triangulaire, appelé communément « jambonneau ».
299 Ainsi par exemple, deux boucles d'oreilles provenant de Pompéi (MANN, Inv. no 125273-125274) (n. 217 dans Pompéi 1973). Nous tenons à préciser qu’un collier, provenant de Pompéi et daté du Ier siècle avant, ou du Ier siècle après, J.-C., est composé d’un ruban d’or ponctué de neuf émeraudes quadrangulaires et de huit perles ovales, ces dernières sont notées comme étant des perles fines alors qu’il s'agit de nacre (n. 60 du catalogue de Coarelli 1966).
300 SAP 8608, Guzzo 2004, p. 154 n. 8 ; Parslow 1988, p. 46.
301 1,7 cm de diamètre, l’auteur n’a pas pu localiser ce bijou : Elia 1938, p. 98. MANN, Inv. 25221.
302 SAP Inv. 11071, hauteur : 2,7 cm, diamètre : 2,5 ; Ciarallo, De Carolis, Barbet (édition française) 2001, p. 57, n. 4.
303 Chacune est constituée d’un crochet de suspension auquel est fixée une boule formée de petites perles fines, créant un effet floral. MANN Inv. no 145482 ; longueur : 3,3 cm ; D’Ambrosio et Cantilena 1992b, p. 71, n. 7.
304 SAP Inv. 7561, Ciarallo, de Carolis, Barbet (édition française) 2001, p. 57, no 3. Il s’agit d’un lamellibranche d’eau douce, de la famille des unionidés, pratiquement disparu de nos jours. Capaldo 2001 p. 50.
305 Pirzio Biroli Stefanelli 1992, p. 238. La maison, à l’origine englobée dans la Casa del Criptoportico (I, 6, 2), était en réfection au moment de l’éruption. Elle comprend 13 pièces plus deux atria mais ne présente aucun élément de décoration luxueux ; les pavements sont pour la plupart du IIème style, voire du Ier, le propriétaire ayant conservé les pavements de l’époque où elle faisait partie de celle de la Casa del Criptoportico (I, 6, 2).
306 D’un poids de 7 gr. La chaîne en or est d’un poids de 122 gr : Inv. 5413. Inv. 5414 ; Elia 1934 p. 296-297 et fig. 16 p. 296.
307 Conticello De Spagnolis 1991-1992, p. 82. Aujourd’hui conservés au Cabinet des Médailles du MANN.
308 Inv. OP 3407. Deux fils rigides en or pendent depuis une barette en or horizontale. À chaque fil est enfilée une perle fine (de 10,5-11 mm de diamètre, les boucles ont une hauteur de 3,8 cm et une largeur de 1,6 cm).
309 Grâce à D’Ambrosio 1987, p. 38, no 4 et 1990, p. 215 et no 150 du catalogue.
310 L’anneau fait 2,1 cm de diamètre et la perle 0,63. Inv. OP 3320 ; D’Ambrosio 1990, p. 218, no 156 du catalogue, et 1987, p. 50, n. 28.
311 E 3094 A-3094 B. Scatozza Höricht 1989, p. 38, no 24-25 du catalogue.
312 Inv. OP 3407. Ces découvertes de la pièce (10) de la villa ne peuvent nous aider dans la détermination de la valeur réelle des perles fines au Ier siècle après J.-C., car soixante-quatorze squelettes y gisaient, sans doute ceux de fugitifs extérieurs à la villa.
313 Inv. OP 3320. D’Ambrosio 1987, p. 50, n°28.
314 Walker et Bierbrier 1997, p. 166, no 195 du catalogue.
315 D’après Pline (H.N. IX, 13). Dans la Satire XI (vers 90-95) de Juvenal, la cena luxuriosa est opposée au repas frugal des ancêtres dont les lits n’étaient pas recouverts de telles écailles
316 « Sur les portes, la main de l’ouvrier avait appliqué en relief l’écaille de tortue de l’Inde : dans chacune de ses taches étincelait une émeraude. » (Phars.X, 120-121).
317 Testudinum putamina secare in laminas lectosque et repositaria his vestire Carvilius Pollio instituit, prodigi et sagacis ad luxuriae instrumenta ingenii. « Le découpage en lames des écailles de tortues pour en revêtir les lits et les plateaux fut une innovation de Carvilius Pollion, de nature prodigue et délicate pour les meubles de luxe. » (H.N. IX, 13).
318 H.N. IX, 36 ; VI, 172. Nous pensons que ce passage de Juvénal fait peut-être allusion à ce raffinement :…nemo inter curas et deria duxit habendum,/qualis in Oceani fluctu testudo nataret,/clarum Troiugenis factura et nobile fulcrum. « … personne ne considérait comme chose sérieuse et d’importance de savoir quelle tortue, nageant dans les flots de l’Océan décorerait un lit superbe et prestigieux pour les descendants des Troyens. » (Sat. XI, 94).
319 Cf. Pline l’Ancien, H.N. IX, 39 ; Martial, Epigr. IX, 60, 9 ; XII, 66, 5 ; XIV, 87, 1 (Accipe lunata scriptum testudine sigma : « une couche incrustée d’écaille de tortue ») ; 88, 1 (Gustatorium - Femineam nobis cherson si credis inesse/deciperis : pelagi mascula praeda sumus).
320 Nous devons peut-être également voir des pilastres incrustés d’écaille de tortue sur la peinture de l’alcôve du cubiculum (46) de la Casa del Labirinto (VI, 11, 8-10) à Pompéi (cf. Strocka 1991, fig. 354-358).
321 À l’opposé, un passage de Martial révèle que la corne n'était pas à son époque une matière luxueuse (Epigr. XII, 32, 12 et 25). Les sources littéraires rapportent que Capoue était réputée pour ses produits de beauté auxquels la fabrication d'objets en os devait être liée, comme contenants ou comme accessoires (Pline l’Ancien, H.N. XVIII, 11 ; Varron, Sat. Men. VIII, 3).
322 « L’ivoire recouvre les salles d’entrée… » (Lucain, Phars. X, 119).
323 Dicere possum quibus villae atque aedes aedificatae atque expolitae maximo opere citro atque ebore atque pavimentis Poenic(i)is <s>tent (sient ?) Fest.-Paul. 348 P-L.
324 … quam luxuriae, cuius efficacissima vis sentibus atque maxima, cum ebori… « … d’en constater dans l’univers du luxe dont la puissance se fait sentir dans toute son efficacité et sa plénitude, puisqu’on prospecte les forêts pour en tirer l’ivoire… » (H.N. V, 12).
325 … regias quoque domus, cum lautissime praeter aes, aurum, electrum, argentum, ebore tantum adomans. « … et même les demeures royales, outre le bronze, l’or, l’électron, l'argent, il ne les peint ornées alors, somptueusement il est vrai, que d’ivoire. » (H.N. XXXVI, 46).
326 Aut si videtur alicui magnum animum ira producere, videatur et luxuria : ebore sustineri uult, purpura vestiri, auro tegi, terras transferre, maria concludere, flumina praecipitare, nemora suspendere. » Ou si l’on pense que la colère produit de la magnanimité, qu’on en pense autant de l’amour du luxe ; car il veut s'appuyer sur l'ivoire, se vêtir de pourpre, s’abriter sous l’or, déplacer les terres, fermer les mers, jeter les fleuves dans les abîmes, suspendre les bois. » (De ira, I, 21, 1-2).
327 Discamus continentiam augere, luxuriam coercere, gloriam temperare, iracundiam lenire, paupertatem aequis oculis aspicere, frugalitatem colere… « Honestius », inquit, « hoc se impensae quam in Corinthia pictasque tabulas effuderit. » Vitiosum est ubique, quod nimium est. Quid habes, cur ignoscas homini armaria e citro atque ebore captanti… ? « Apprenons à cultiver en nous la tempérance, à réfréner notre amour du faste, à réprimer notre vanité, à maîtriser nos colères, à considérer la pauvreté d’un oeil calme, à pratiquer la frugalité… – Il est plus moral, me distu, de faire passer son argent là que de le gaspiller en vases de Corinthe et en tableaux. – Il y a vice dès qu’il y a excès. Pourquoi cette indulgence pour un homme qui fait la chasse aux casiers de citre et d’ivoire… » (De tranquilitate animi, IX, 2 ; 6).
328 Suétone, Nér. XXXI, 1-4 : « Les salles à manger étaient lambrissées de plaques d’ivoire mobiles… ».
329 Cicéron, Seconde Action contre Verrès, IV, 56, 124 : « …jamais en aucun temple, il n’y eut battants de portes plus luxueux, travail plus parfait d’or et d’ivoire… »
330 « Ni ivoire ni caissons d’or ne resplendit dans ma maison. » (Od. II, 18, 1-2). Même association chez Pline l’Ancien (H.N. XXXIII, 81) au sujet du palais de Ménélas décrit par Homère.
331 Tacite, Ann. XV, 37, 1 :… celeberrimae luxu famaque epulae… ; « … le plus fameux de ces banquets par le luxe… ».
332 « On n'y voyait point briller l’ivoire indien, enchâssé dans de l’or… » (Pétrone, Satir.CXXXV, 8, 1-3).
333 Tu Libycos Indis suspendis dentibus orbis :/fulcitur testa fagina mensa mihi. « Tu as des tables en cédratier de Libye que soutiennent des pieds d'ivoire : ma table de hêtre repose sur des briques. » (Epigr. II, 43, 9-10) : l’opposition est soulignée entre le nombre indéfini de tables que possèdent le riche et celle, unique, du pauvre, puis entre les pieds en ivoire et les plateaux de table en cédratier, et les pieds en briques soutenant un plateau de bois commum, de la table du pauvre. Le nombre de ces tables, par son importance, suggère que la possession d’une seule table de ce type n’est pas un signe de grande richesse mais qu’il faut en posséder un grand nombre pour se dire très riche. Credis ob hoc me, Pastor, opes fortasse rogare, / Propter quod vulgus crassaque turba rogat ;… /Ut Mauri Libycis centum stent dentibus orbes… « Tu te figures peut-être, Pastor, que je désire la richesse pour ce qui la fait désirer vulgairement à la foule grossière,… pour voir se dresser cent tables de Maurétanie sur des pieds d’ivoire libyens… » (Epigr : IX, 23, 1-2 et 5).
334 Pline l’Ancien, H. N. XIII, texte établi, traduit et commenté par Ernout, Paris, « Les Belles Lettres », 1956, p. 99, note 1 du paragraphe 91. Ce bois était précieux aux yeux de Pline :… nec aliunde pretiosiora opera. « … celui dont on fait les ouvrages les plus précieux. »
335 Exstat hodie M. Ciceroni in illa paupertate et, quod magis mirum est, illo aevo empta HS . Memorantur et Galli Asini HS II. Venumdatae sunt et duae eb Iuba rege pendentes, quarum alteri pretium fuit HS II, alteri paulo minus. Interiit nuper incendio a Cethegis descendens, HS I I permutata a, latifundii taxatione, si quis praedia tanti mercari malit. Magnitudo amplissimis adhuc fuit uni commissae ex orbibus dimidiatis duobus a rege Mauretaniae Ptolemaeo quattuor pedes et semipedem per medium ambitum, crassitudine quadrantali, maiusque miraculum in ea est artis latente iunctura quam potuisset esse maturae ; solidae autem a Nomio Caesaris liberto cognomem trahenti tribus sicilicis infra quattuor pedes totidemque infra pedem crassitudinis. Qua in re non omittendum videtur Tiberio principi mensam quattuor pedes sextante et sicilico excedentem, tota vero crassitudine sescunciali, operimento lamnae vestitam fuisse, cum tam opima Nomio liberto eius esset. « Il existe encore aujourd’hui une table de citre payée par Cicéron 500 000 sesterces, et cela, malgré sa fortune médiocre, et, fait plus étonnant encore, dans un temps comme le sien ! On mentionne aussi celle de Gallus Asinius, qui lui coûta un million de sesterces. Deux de ces tables dépendant de la succession du roi Juba furent vendues, l'une un million deux cent mille sesterces, et l’autre, un peu moins. Récemment, il s’en est perdu dans un incendie une venant des Céthégus, qui avait coûté un million trois cent mille sesterces, la valeur d’un grand domaine, si tant est qu’on voulût mettre une pareille somme dans une propriété. Les plus grandes qu’on ait jamais vues furent l’une, celle commandée par Ptolémée, roi de Maurétanie : elle était faite de deux demi-cercles, mesurait quatre pieds et demi de diamètre et un quart de pied d’épaisseur, et l'art, en cachant la jointure, avait fait un miracle plus grand que n’aurait pu le faire la nature ; l’autre, d’une seule pièce, est la table de l’affranchi de Tibère, Nomius, dont elle a reçu le nom : elle a, en largeur, quatre pieds moins trois quarts de pouce, et un pied moins la même fraction en épaisseur. À ce sujet je ne dois omettre de mentionner que la table de l’empereur Tibère, large de quatre pieds deux pouces et trois lignes, mais épaisse seulement d’un pouce et demi, était revêtue d’un placage fait d’une lame de citre, alors que son affranchi Nomius en possédait une si riche. » (H.N. XIII, 92-94). Cicéron est d’autant plus l’objet de critique, en raison de la possession d’une table valant 500 000 sesterces, qu’il était in illa paupertate, « dans la pauvreté » (pauvreté sans doute glorieuse, d’ailleurs, d’après l’emphatique illa) : il n’avait pas une fortune comparable sans doute aux fortunes colossales des sénateurs. L’auteur lui reproche donc son train de vie qui dépassait ses ressources. La remarque de Pline (illo aevo, « dans un temps comme le sien »), semble encore plus condamné l’achat de Cicéron du fait de l’austérité qui régnait à son époque. Plutarque s’intéresse à plusieurs reprises dans sa biographie de Cicéron, à la fortune de celui-ci : Cicéron, I, 6 (il dédia aux dieux « un ex-voto en argent », ἀνάθηµα. ἀργυροῦv ne prouve naturellement pas grand’chose ; mais il est dit ailleurs qu’il n’en a pas moins une petite fortune (VII, 3), y compris une résidence à Arpinum, une ferme près de Naples et une autre près de Pompéi, toutes deux petites (VIII, 2).
336 Né en 40 avant J.-C., consul en 8 avant J.-C., et mort en 33 après J.-C.
337 Alors même qu’il est rare qu'une personne investisse une telle somme dans un domaine agricole, d’après ce que laisse entendre l’auteur. Pétrone confirme ces prix exorbitants laissant entendre que le bois coûte plus cher que l'or (Satir. CXIX, 27-30).
338 Post haec amplitudo est : iam toti caudices iuuant, pluresque in una. « La taille vient ensuite : et ce qu’on aime ce sont les tables faites dans un tronc entier et celles de plusieurs tronçons soudés en une seule table. » (H.N. XIII, 97). Dans ce sens, un autre exemple extraordinaire est la table que possédait un affranchi de Tibère, d'un diamètre légèrement inférieur à la précédente. Pline est surtout scandalisé par le fait que Tibère possédât une table plaquée de thuya alors que son affranchi possédait une table massive, sans doute beaucoup plus chère.
339 Summa vero omnium in colore : hic maxime mulsi placet, vinis suis refulgens. « Chez toutes ces sortes, la qualité essentielle est dans la teinte ; la préférée est celle du vin miellé, où se reflètent les vins dont elles s’abreuvent. » (H.N. XIII, 96-97). Pour obtenir une telle couleur de bois, il fallait tailler le plateau dans le coeur du tronc (cf. Ernout (traduction), 1956, p. 100, note 1 du § 97).
340 Car… rarius quam quae supeme gignuntur etiam in ramis…, « … elles sont plus rares que les broussins du tronc et des rameaux… » (H.N. XIII, 95). Pline comprend d'autant moins cet intérêt pour ce bois, que proprieque quod tanti emitur arborum vitium est… « à vrai dire, ce que l’on paie si cher est donc un défaut de l’arbre… » (H.N. XIII, 95).
341 Ancorarius mons vocatur citerions Mauretaniae, qui laudatissimum dédit citrum, iam exhaustus. « C’est le mont Ancorarius, dans la Maurétanie intérieure, qui produisait le citre le plus estimé ; il est déjà épuisé. » (H.N. XIII, 95 et Martial, Epigr. IX, 23 ; XII, 66 ; XIV, 90 ; Pétrone, Satir. 119, 27-30).
342 L’absence du moindre petit objet d’ivoire, dés ou jetons, semble être le signe d’une "modeste fortune’’même s’il s’agit plutôt chez Juvénal d’une volonté de modestie (Sat. XI, 129-134).
343 Rossi 2001, p. 56 et 2007, p. 66 no 1.27. SAR inv. 473303, largeur 5 cm, hauteur 3 cm, épaisseur 0,6 cm. Cf. Villedieu 2007, p. 58-59.
344 Conservée au MANN, Inv. 109887, 5,9 x 5,4 x 2,5 cm.
345 Conservée au MANN, Inv. 121700, 9 x 0,4 x 3,8 cm.
346 Conservées au MANN, respectivement : Inv. 109888, 9 x 1 x 3,3 cm et Inv. 109890, 8 x 0,4 x 1,6 cm.
347 Conservées au MANN, respectivement Inv. 119991, 7,6 x 5,3 x 3,7 cm et Inv. 9786 de dimensions réduites (8,3 x 8 x 4,3 cm) ; elle possède au revers cinq petits trous.
348 Conservée au MANN : Inv. 109900, 12 x 4,5 cm.
349 De 11,8 cm de diamètre, sans no d’inventaire, n°4 du catalogue de Rosario Borriello 1986.
350 Inv. 158817 ; Gallo 1994, p. 172.
351 Sogliano 1908a, p. 84. Les pièces (F), (G) et (I) présentent au centre de leur pavement des espaces (circulaire en (F) et rectangulaires pour les deux autres) remplis de mortier qui devaient être destinés à recevoir des emblemata en mosaïque ou en opus sectile, cette maison de 175 m2 était en réfection au moment de l’éruption.
352 De 10,5 cm par 4,8, sans numéro d’inventaire.
353 Mesurant 24,5 cm par 6.
354 Inv. 149425 ; Rosario Borriello 1986, p. 112. C’est une grande demeure à atrium dont les peintures murales seraient d'un niveau moyen (Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 194).
355 D’une hauteur de 6,5 cm et d’une largeur de 4 : Inv. 11594. Gallo 1994, p. 9 et 148.
356 Dimensions : 11 cm par 4,7 et 4,8 ; Inv. 110924. Rosario Borriello 1986, p. 230, no 2.
357 PPM III, p. 559-573. Au total, la maison ne comptait pas moins de 19 pièces (y compris la cuisine, les latrines, mais sans les fauces, le péristyle ni l'atrium). L’exèdre (o) présente cependant un emblema en opus sectile marquant l’emplacement de la table.
358 Inv. 136644 ; no 10 du catalogue de Rosario Borriello 1986.
359 Inv. 78410 et 120935 ; Rosario Borriello 1986, no 21 du catalogue.
360 D’après les rapports de fouilles datant de 1755 : Parslow 1988, p. 40.
361 Un oecus (u), quatre cubicula (g, i, k, q), un tablinum (1), deux triclinia (n et v), avec des pavements en cocciopesto : PPM II, p. 63-64. Hauteur du fuseau ; 20 cm, longueur moyenne des cuillères : 10 cm ; X, Pompei, Giomale degli scavi, p. 242-247 ; ici p. 242.
362 De 12,7 cm de long. Notizie degli scavi 1896, p. 474.
363 D'une hauteur de 9 cm. Aucune trace de ce haut-relief n'est aujourd’hui conservée, d’après Pannuti 1975, p. 188. Dans l’angle Sud-Est de son oecus, sur le pavement au fond de l’ambulacre, elle a livré 114 gemmes.
364 Le riche et orgueilleux Zoïlus se vautre sur des serici pulvilli (coussins de soie) lors de son banquet (Martial, Epigr. III, 82, 7). Garrido-Hory 1985, p. 224.
365 Trimalcion change plusieurs fois de vêtements durant le dîner, et le riche affranchi Zoïlus change « onze fois de robe de dîner ». (Martial, Epigr. V, 79).
366 Proximo senatus die multa in luxtim civitatis dicta a Q. Haterio consulari, Octavio Frontone praetura functo ; decretumque ne vasa auro solida ministrandis cibis fierent, ne vestis serica viros foedaret. « À la séance suivante, on entendit contre le luxe de la cité les longs discours du consulaire Q. Hatérius et de l’ancien préteur Octavius Fronto. On décida qu’on ne fabriquerait plus de vaisselle d’or massif pour le service de la table et qu’il serait interdit aux hommes de se dégrader en portant de la soie. » (Tacite, Ann. II, 33, 1).
367 L’autre restriction concerne en effet la vaisselle en or massif et Octavius Fronton souhaite des restrictions pour le mobilier, l’argenterie, la domesticité, donc tout un ensemble de manifestations ostentatoires du luxe, de signes extérieurs de richesse. Ce que reflète bien d’ailleurs l’épigramme de Martial (IV, 1-2 ; 12-14).
368 Quid enim primum prohibere et priscum ad morem recidere adgrediar ?… promiscas viris et feminis vestis… ? « En effet que tenterais-je d’abord d’interdire et que faut-il ramener aux antiques usages ?… les vêtements communs aux hommes et aux femmes ? » (Tacite, Ann. III, 53, 5).
369 Sénèque, Ep. XIV, 90, 20. Lucain doit sans doute faire allusion à ces mêmes vêtements transparents que les hommes osent porter, symboles de l’apparition du luxe et de la décadence des moeurs romaines (Phars.X, 162-165).
370 Quid est quare uxoremdimiseris ? Numquid premit censum onerosa sumptibus ? Et, ut saeculi mos est, in deterius luxu fluente muliebris ambitio certamine mutuo usque in publica damna privatis insanit. Numquid gemmas et ex alieno litore petitos lapillos et aurem vestemque nihil in matrona tecturam concupivit ? « Quel motif as-tu de renvoyer ta femme ? Est-ce que par ses dépenses, elle grève lourdement tes ressources ? Elle suivait donc la mode de ce siècle, où le luxe, qui s’est répandu pour notre perte, amène les femmes, par orgueil et par amour-propre, à l’étaler avec une ostentation qui est une folie chez des particuliers et qui fait tort même à l’État ? A-t-elle montré un désir passionné de posséder des pierres précieuses, des perles venues de rivages étrangers, de l'or et ces vêtements qui ne devraient pas couvrir une matrone. » (Controv. II, 5, 7).
371 … luxuria… Non satis muliebris insania viros superiecerat…Video sericas vestes, si vestes vocandae sunt, in quibus nihil est, quo defendi aut corpus aut denique pudor possit, quibus sumptis parum liquido nudam se non esse iurabit. Hae ingenti summa ab ignotis etiam ad commercium gentibus accersuntur, ut matronae nostrae ne adulteris quidem plus sui in cubiculo, quam in publico ostendant. « … le luxe… La folie des femmes n’avait pas suffisamment surpassé celle des maris… Je vois des vêtements de soie, s’il faut appeler vêtements des tissus où il n’y aucun abri possible pour le corps ou seulement pour la pudeur ; devant lesquels nous aurons des doutes, si celle qui les a mis nous jure qu’elle n’est pas nue. Voilà ce que, pour de sommes fabuleuses, on fait venir de pays inconnus même au commerce, afin que les dames de chez nous ne montrent de leur personne, à leurs amants eux-mêmes, rien de plus au boudoir qu'en public. » [De Ben. VII, 9, 3-5).
372 Le topos de la femme lanifica avait beaucoup de force : Auguste prétendait endosser les habits que lui avaient confectionné sa femme (Suétone, Aug. XXIII). Après une description des premiers temps de l’homme où le luxe n’existait pas, où régnait la concorde entre les époux, Columelle s’en prend aux femmes qui en raison du luxus et de l'inertia ne tissent plus mais achètent à l'extérieur les vêtements totibus censibus… » coûtent presque une fortune… » (De re rust. XII, praef. 9).
373 Pallia Filus habet, digitos circumligat auro,/Sed tamen est Filus paupere pauperior./Sed ne sit servus, aurea bulla facit. /Si vero quemquam pulsabit supplice voto/Ut non exoret, serica vestis adest. « Filus porte des manteaux, il ceinture d’or ses doigts, et pourtant Filus est plus pauvre qu'un pauvre… Ainsi le malheureux se placerait comme esclave pour avoir du pain, sa bulle d’or l'interdit. S’il presse quelqu'un de ses prières, de ses désirs, son vêtement de soie est là pour empêcher qu’on l’exhausse. » (Epigr : attribuée à Martial, IV, vers 1-2 et 12-14). Ce personnage ne peut se déclarer pauvre, même si c’est le cas : son vêtement de soie est là pour prouver le contraire.
374 H.N. IX, 75-76. Juvénal les cite (Sat. VI, 260 : panniculus bombycinus), Martial vante leur légèreté et leur transparence (Epigr. VIII, 33, 15 :… nec vaga tam tenui discwrit aranea tela… « … elle n’est pas aussi ténue, la toile que l’araignée tisse en tous sens… » ; 68,7 :… femineum lucet sic per bombycina corpus… « … ainsi luit un corps de femme à travers la soie… » ; cf. XI, 49, 5 ; XIV, 24).
375 Pline l’Ancien, H.N. XI, 76 ; Sénèque le Rhéteur, Controv. II, 7, 10 ; II, 13, 7 ; 15, 7 ; Sénèque le Philosophe, De Benef. VII, 9, 5 ; Cons. ad Helv. XVI, 4 ; Ep. XIV, 90, 20. Une peinture provenant d’Herculanum (MANN Inv. 9024) montre une scène de banquet où une courtisane est assise devant un jeune homme à demi allongé sur un lit tricliniaire. Cette courtisane porte sur les cheveux une résille d’or et sur son buste nu un voile transparent qui pourrait représenter une étoffe de Cos.
376 Nec nisi prima velit de Tusco serica vico… « … si elle ne veut que des soieries de première qualité de la rue de Toscane… » (Martial, Epigr. XI, 27, 11). Brizzolara 1990, p. 174.
377 Un passage de Lucain suggère cette transformation à laquelle étaient soumis les tissus en soie pure trop lourds : Candida Sidonioperlucentpectora filo,/Quod Nilotis acus compressum pectine Serum/Solvit, et extenso laxavit stamina velo. « La blancheur de son sein éclate à travers une gaze de Sidon, léger tissu, l’ouvrage des peuples d’Orient, et que l’aiguille égyptienne a su rendre plus clair, plus souple encore. » (Phars. X, 142-144).
378 Les picturatae auri subtemine vestes de Virgile (Aen. III, 483) : « des étoffes brodées sur trame d’or », qualifiées de dona textilia au vers 485, « tissus précieux », et le lentum aureum qu’Arachné insère dans sa trame (Ovide, Met. VI, 68)
379 Tunica aurea triumphasse Tarquinium Priscum Vetrius docet ; nos vidimus Agrippinam… indutam paludamento aureo textili sine alia materia. Attalicis vero iam pridem intexitur, invento regum Asiae. « Verrius nous apprend que Tarquin l’Ancien triompha vêtu d’une tunique d’or ; quant à nous, nous avons vu Agrippine… revêtue d'un manteau militaire en or, tissé sans aucune autre matière. Quant aux étoffes attaliques, il y a longtemps qu'on y tisse des fils d’or ; c’est une invention des rois de l’Asie. » (H.N. XXXIII, 63).
380 Aurum intexere in eadem Asia invenit Attalus rex, unde nomen Attalicis. « C’est dans cette même Asie que le roi Attale inventa l’art de broder avec de l’or, d'où nous vient le nom d’Attaliques donné à ces étoffes. » (H.N. VIII, 196). De même, Vitruve témoigne de l’existence de tels tissus dans De architectura (VII, 8, 4).
381 Pompéi, SAP, inv. E 3074 ; 13 cm de long (Ciarallo, De Carolis, Barbet (édition française) 2001, p. 177, no 202).
382 Scatozza Horicht 1989, p. 66. E 1753. De même qu’une statuette de Vénus, et un grand nombre de gemmes incisées (E 1755 sur un anneau et seules E 1755, E 1762 et E 1768 et actuellement au MANN, Inv. 158853 a 158861 ; Scatozza Höricht 1989, p. 102).
383 En effet, elle comporte, dans son tablinum, un pavement en opus sectile d’après Guidobaldi 1985, p. 221.
384 Castiglione Morelli del Franco et Vitale 1989, p. 203 ; il n’est pas précisé s’il était uniquement tissé de fils d’or.
385 Avec un atrium, un tablinum et un péristyle avec 10 colonnes. Castiglione Morelli et Vitale 1989, p. 192.
386 Long de 75 cm et large de 1,5 et terminant en deux anneaux. Sogliano 1908b, p. 287.
387 Sogliano 1908b. p. 276-277. De même qu’un fragment de statue en albâtre recouvert de feuilles d’or. PPM V, p. 930.
388 Sed quid haec tam parva commemoro, cum populatio morum atque luxuria non aliunde maior quam e concharum genere proveniat ? « Mais pourquoi citer de si petits détails, alors que la dévastation des moeurs et le luxe n’ont pas de cause plus agissante que ces coquillages ? » (H.N. IX, 104).
389 Et hoc tamen aetemae prope possessionis est (sc. les perles fines) ; sequitur heredem, in mancipatum venit ut praedium aliquod ; conchylia et purpuras omnis hora atterit, quibus eadem mater luxuria paria paene et margaritis pretia fecit. « Au reste, c’est un avoir presque perpétuel ; il passe à l’héritier ; on l’aliène comme une propriété foncière ; tandis que chaque heure altère les teintures conchyliennes et la pourpre, qui sont filles du même luxe, et qui ont pris presque autant de valeur que les perles. » (H.N. IX, 124). Observons combien la référence à la mentalité paysanne est explicite : ut praedium aliquod.
390 Certa quidem tantis causa et manifesta ruinis : /luxuriae nimium libera facta via est./… et Tyros ostrinos praebet Cadmea colores. « La cause certaine et manifeste de pareilles ruines, c’est qu’on a laissé par trop le chemin libre au luxe… le pays de Cadmos, Tyr, nous offre la pourpre de ses coquillages… » (Élégies, III, XIII, vers 2-4 et 7).
391 Dans le De ira : Aut si videtur alicui magnum animum ira producere, videatur et luxuria : ebore sustineri uult, purpura vestiri… « Ou si l’on pense que la colère produit de la magnanimité, qu’on en pense autant de l’amour du luxe ; car il veut s’appuyer sur l’ivoire, se vêtir de pourpre… » (I, 21, 1-2). Lorsqu’il veut critiquer l’ostentation de symboles de richesse, il choisit l’étalage de la pourpre (Ep. Il, 16, 8 ; 76, 31 ; XIV, 90, 41 ; XV, 94, 70 ; XIX-XX, 114, 21 ; Dial. Il, 13, 2 ; De Ir. 1,21, 1 ; Vit. Beat. XXV, 2 ; Thyestes, 343-344).
392 Or elle fait partie du luxus des funérailles chez Stace (Silv. II, 1, 158-160).
393 Comme le montrent plusieurs passages : Epigr. VIII, 48, 5-6 ; II, 29, 1-3 ; Epigr. att. à Martial, IV, vers 1-3 et 12.
394 Hic quem videtis gressibus vagis lentum,/ amethystinatus… /quem non lacernis Publias meus vincit,/oppigneravit modo modo ad Cladi mensam/vix octo nummis anulum, unde cenaret. « Cet individu que vous voyez marcher à pas languissants et indécis ; qui vêtu de violet… que mon ami Publius ne pourrait surpasser par l’éclat de son manteau,… il a mis tout à l'heure en gage au comptoir de Cladus, pour huit deniers obtenus à grand’peine, son anneau de chevalier afin d’avoir à dîner. » (Epigr. II, 57, 1-3 ; 7-8)…non nisi vel cocco madida vel murice tincta/veste nites et te sic dare verba putas./ Quadringentorum nullae sunt, Basse, lacemae,/aut meus ante omnis Cordus haberet equum. « … tu ne fais que resplendir dans des vêtements trempés dans l’écarlate ou saturés de pourpre, et tu espères ainsi donner le change ! Il n’y a pas, Bassus, de manteau de quatre cent mille sesterces, ou bien mon ami Cordus obtiendra son cheval avant tout le monde. » (Epigr : V, 23, 5-8).
395 La pourpre Tyria leur apporte des clients et un salaire plus élevé (Juvénal, Sat. IX, vers 134-138).
396 Ce sont des stultae opes… « des richesses extravagantes… » (Epigr. II, 16, 4 ; I, 96, 7 ; V, 8 ; VI, 11 ; VIII, 10 ; X, 10, 12 ; X, 41 ; XIV, 154 ; XIV, 156). Ce sont des richesses que désirent les plus pauvres (Epigr : IX, 23, 1-2 et 13), et que l’auteur oppose aux biens des pauvres ; Sic interpositus villo contaminat uncto/urbica Lingonicus Tyrianthina bardocucullus, /sic Arretinae violant crystallina testae… « C’est ainsi que, mêlant à elle son grossier tissu, la cape graisseuse du Lingon souille par son contact les robes de ville au violet pourpre ; ainsi les vases de terre d’Arretium insultent aux coupes de cristal,… » (Epigr. ; I, 53, 4-6).
397 H.N. IX, 127. Les références à la pourpre sont extrêmement nombreuses dans les sources littéraires : cf Pline l’Ancien, H.N. XXXV, 45 ; pourpres de Tyr, de Gétulie et de Laconie ; V, 12 et VI, 201 : de Gétulie ; Ovide, Ars. Am. III, 170 : sur le grand prix de la pourpre de Tyr ; R.A. 708 ; Virgile (Georg. III, 306) témoigne de la cherté de la laine teinte de pourpre tyrienne ; Aen. IV, 262 ; Tibulle, II, 4, 28 ; IV, 2, 18 ; Properce, III, 13, 7 : pour la pourpre de Tyr ; Athen. Deipnosoph. 198c ; Horace, Od. II, 18, 7-8 : la pourpre de Laconie est opposée à la pauvreté ; Pausanias, III, 21,6 : pour la pourpre de Laconie ; Horace, Epist. II, 2, 181 : les étoffes teintes de la pourpre de Gétulie font partie des objets superflus dont la vanité fait étalage mais dont on peut ne pas se soucier le moins du monde selon l’auteur ; Juvénal, Sat. VIII, 101 : conchylia Coa ; IX, 19 : pour la pourpre de Gétulie. Autres villes productrices de pourpre : Cos, Leucé, Phocée, Mélibée, Milet, Sardes, Sidon, Sybaris, Tarente ; Jodin 1967, p. 254.
398 τὴν αὑτo θoινικδα πλλ ν χρημάτων αξίαν δυσαν (Ant. XXII, 7).
399 Horace atteste la plus grande somptuosité du vêtement lorsque ce dernier a été teint deux fois avec de la pourpre tyrienne (Epod. XII, 21-22). Martial précise bien que le manteau de son personnage « a bien des fois absorbé la pourpre de Tyr » (Epigr. II, 29, 1-3). La gamme des usages de la pourpre était étendue (Pline l'Ancien, H.N. XIX, 22 ; XXXI, 123).
400 D’après Pline l’Ancien, H.N. IX, 137. Soit plus de 1300 jours du salaire d’un ouvrier non qualifié un siècle auparavant, à l’époque de Cicéron.
401 Pretia medicamento sunt quidem pro fertilitate litorum viliora, non tamen usquam pelagii centenas libras quinquagenos nummos excedere et bucini centenos sciant qui ista mercantur inmenso… « Les prix du produit sont d'autant plus bas que les rivages sont les plus féconds en coquillages ; cependant le quintal de pourpre pélagienne ne coûte nulle part plus de 50 sesterces, ni le quintal de buccin plus de 100, avis à ceux qui les paient des prix exorbitants… » (H.N. IX, 138).
402 Ainsi, des manteaux de pourpre atteignent des prix élevés : Emit lacernas millibus decem Bassus / Tyrias coloris optimi… « Bassus a acheté dix mille sesterces des manteaux de pourpre tyrienne surfine… » (Martial, Epigr. VIII, 10, 1-2). Sans indication de prix, Virgile qualifie la pourpre tyrienne de précieuse, il s’agit d’un don de « l’opulente Didon » (Aen. IV, 261-264).
403 Nepos Cornelius, qui Divi Augusti principatu obiit : « Me, inquit, iuuene violacea purpura vigebat, cuius libra denariiq centum vinebat, nec multo post rubra Tarentina. Huic successit dibapha Tyria, quae in libras denariis mille non poterat emi. Hac P. Lentulus Spinther aedilis curulis primas in praetexta usus inprobabatur. Qua purpura quis non iam, inquit, triclinaria facit ? » Spinther aedilis fuit urbis conditae anno QCXCI Cicerone consule. Dibapha tunc dicebatur quae bis tincta esset, veluti magnifico inpendio, qualiter nunc omnes paene commodiores purpurae tinguontur. « Cornelius Nepos, qui mourut sous le principat du divin Auguste, dit : « Au temps de ma jeunesse, la pourpre violette était en vogue et se vendait cent deniers la livre ; peu de temps après, ce fut la pourpre écarlate de Tarente ; elle fit place à la Tyrienne double-bain, qui coûtait plus de mille deniers la livre ; on blâmait P. Lentulus Spinther, édile curule, de l’avoir employée le premier pour la prétexte ; cette pourpre, dit Cornélius Népos, qui ne l’emploie aujourd’hui pour les lits de table ? » Spinther fut édile en l’an de Rome 691, sous le consulat de Cicéron. On appelait alors double-bain cette pourpre teinte deux fois (dépense qui paraissait fastueuse), comme le sont aujourd’hui presque toutes les pourpres choisies. » (Pline l’Ancien, H.N. IX, 137).
404 … item conchyliatae vestis et margaritarum nisi certis personis et aetatibus perque certos dies ademit. Legem praecipue sumpturiam exercuit, dispositis circa macellum custodibus, qui obsonia contra vetitum retinerent deportarentque ad se… « Il ne permit l’usage des vêtements de pourpre et des perles qu’à certaines personnes, à certains âges, et pendant certains jours. Particulièrement strict dans l’exécution de la loi somptuaire, il aposta autour du marché des gardes chargés de saisir et d’apporter chez lui les denrées interdites… » (Caes. XLIII, 2-3).
405 Selon Dion Cassius, XLIX, 16, 1. D’après Suétone (Aug. XL), Octave prohiba le port de vêtements de pourpre.
406 Virgile Aen. IV, 262 ; Enée occupé à la construction de Carthage, dont le manteau de pourpre est associé à « l’épée constellée de jaspe fauve » ; Horace Carm. II, 16, 36 ; Tibulle 2, 4, 28.
407 purpurei tyranni : Carm. I, 35, 12 ; II, 18, 8 ; III, 1, 42.
408 D’après Dion Cassius (LVI, 34), son cercueil en fut recouvert, mais l’auteur transpose peut-être une pratique du début du IIIème siècle après J.-C.
409 Ce qui paraît difficile à croire (Suétone dans ce passage montre cependant la jalousie de Caligula envers des personnes ayant une belle chevelure et envers un jeune homme beau qu’il fait mettre à mort). Seul Caligula peut porter la poupre. Le cheval de course favori de Caligula, Incitatus, était paré de couvertures pourpres (Cal. XXXV).
410 Néron se montra à Rome sur le char triomphal d’Auguste vêtu de pourpre (Suétone, Nér. XXV) : il parodie le cortège triomphal dans les concours de chants et aux jeux olympiques. Le texte ne précise pas de quelle pourpre il s’agit.
411 Suétone, Dom. IV, 10 :…crepidatus purpuraeque amictus toga Graecanica, capite gestans coronam auream cum effigie Iovis ac lunonis Minervaeque… « …chaussé de sandales, vêtu d’une toge de pourpre de façon grecque, la tête ceinte d’une couronne d’or portant les effigies de Jupiter, de Junon et de Minerve… » (amictus : « enveloppé », c’est la toge de pourpre qui est de façon grecque et pas la manière de la porter, donc à noter le rapport établi entre la pourpre et la Grèce et entre Jupiter et la couleur pourpre). De plus, les crepidae, sandales grecques à lacets, ne se portaient normalement à Rome qu'à la maison, quand on prenait ses aises, ou dans un dîner privé, où l’on ôte ses chaussures : il est plus aisé de poser ses sandales que de défaire des souliers assujettis de noeuds compliqués (Aul.-Gell. Noct. Att. XIII, 21, 5 ; Suétone, Cal. LII). Les auteurs reprochent au premier Africain (Tite-Live, XXIX, 19, 12), de même qu’à Verrès (Cicéron, in Verr. II, 33, 86), à Tibère à Rhodes (Suétone, Tib. XIII), à Germanicus (Tacite, Ann. II, 59), à Caligula (Suétone, Cal. LU), de s’être montrés publiquement en pallium et en sandasandales ; et sous Hadrien encore, alors que tout le monde circulait en sandales, cette tenue était réputée inconvenante aux personnes de rang sénatorial (Aul.-Gell. Noct. Att. XIII, 22, 1 ; Marquardt 1892, p. 241).
412 Pétrone, Satir. XXX, 11. Soit ce récit a été écrit avant la promulgation de la loi, soit celle-ci ne fut appliquée qu’à Rome, le récit semble, en effet, se passer en Campanie, soit il s’agit d’une exhibition privée et là la loi ne peut intervenir ?
413 Epigr. I, 96, 7 ; I, 53, 5 ; II, 29 ; 43 ; II, 57, 2 ; IV, 28, 2 ; VI, 10 ; VIII, 10, 1 et 2 ; IX, 23, 13 ; X, 16, 3 ; 87,10 ; XIV, 133 ; 156 ; Epigr. att. à Martial, IV, vers 3.
414 Rufe, vides ilium subsellia prima terentem, / …quaeque Tyron totiens epotavere lacernas. « Tu vois, Rufus, cet individu qui se prélasse au premier rang des sièges… Son manteau a bien des fois absorbé la pourpre de Tyr… » (Epigr. II, 29, 1 et 3). Un manteau de pourpre tyriane peut valoir 10 000 sesterces, comme nous venons de l'observer (Epigr. VIII, 10, 1-2).
415 Évangile selon saint Jean, XIX, 2-3 ; selon saint Marc, XV, 17 et selon saint Mathieu, XXVII, 28, où apparaît l’expression chlamys coccinea, « d’écarlate » peut-être plus que de vraie pourpre ; nous ne savons pas s’il faut distinguer.
416 Rev. XVII, 41 ; XVIII, 16 ; Reinhold 1970, p. 52.
417 Deux deniers à l’effigie du roi Juba II et datant de 18-19 après J.-C., des tessons de vases d’Arezzo. Jodin 1967, p. 236 ; Ponsich 1988, p. 54.
418 Des débris de plomb ont pu être recueillis par dizaine de kg, Jodin 1967, p. 257.
419 Petrie Vol. I, 1930, no 264 ; P. Mich. 127, II, 23-24. Dans les papyri d’Égypte, pour la fabrication d’une robe, « la pourpre locale » fut utilisée ; un autre document, de 40 après J.-C., contient une plainte faite au chef de police d’une petite ville Euhemeria en Égypte pour une voie de fait sur une femme dont la tunique de pourpre fut déchirée (P. Oxy. 298, 11 ; 739 ; 1153, 14 ; P. Mich. 201, 5 ; P. Ryl. 151, 14. ; Reinhold 1970, p. 51).
420 Pline l’Ancien, H.N. XVI, 77 ; XXXV, 44-45 ; XXII, 3-4 ; Strabon, Geogr. XIII, 4, 14 ; Théophraste, Hist. Plant. IV, 6, 5.
421 Wilson 1938, p. 9. Martial oppose, en effet, la pourpre de Tyr au vêtement du pauvre que l’on fait passer pour un vêtement de pourpre : Misit Agenoreas Cadmi tibi terra lacernas :/non vendes nummis coccina nostra tribus « Le pays de Cadmus t’a envoyé des manteaux tyriens : on ne donnera jamais trois sesterces de ma robe d’écarlate. » (Epigr. II, 43, 7-8).
422 H.N. XIII, 17 et 20. Il faut remarquer combien le fond, avec l’importance de la notion de transmissibilité du patrimoine, comme la forme (heredem sequi/ ad heredem transire) de ce passage, le rapprochent de H.N. IX, 124, étudié plus haut.
423 Et de odoratis floribus satis dictum. In quibus unguento vicisse naturam luxuria… « C'en est assez sur les fleurs odorantes. En ce domaine, le luxe, qui se glorifie d’avoir vaincu la nature en créant les parfums… » (H.N. XXI, 44-45). Nous avons encore l’idée du désordre que crée le luxe dans la nature puisqu’il mélange des odeurs naturelles qui ne l’étaient pas à l’origine (H.N. XIII, 1 et 3).
424 H.N. XIII, 22 : en parfumant toutes les parties du corps ou les murs des maisons.
425 Quando id primum ad Romanos penetraverit, non facile dixerim. Certum est Antiocho rege Asiaque devictis, Urbis anno DLXV, P. Licinium Crassum L. Iulium Caesarem censores edixisse ne quis venderet unguenta exotica ; sic enim appellavere. « En quel temps s’introduisirent chez nous les parfums, il est difficile de le dire. C’est un fait certain qu’après la défaite d’Antiochus et la conquête de l’Asie Mineure, l’an de Rome 565, les censeurs Pulbius Licinius Crassus et Lucius Julius César interdirent par un édit la vente des parfums "exotiques” : c’est le terme dont ils se servirent. » (H.N. XIII, 24).
426 Frère de Lucius Plancus, deux fois consul et censeur, il fut proscrit par les triumvirs en 43 avant J.-C. (Pline, H.N. XIII, 24). On peut d'ailleurs se demander quels rapports il pouvait y avoir entre ce personnage et un certain Plotius unguentarius que Cicéron mentionne comme étant à Puteoli (Ad Att. XIII, 46, 3) ou avec l’affranchi L. Plotius Philippus, qui avait des intérêts dans l’Est mais qui venait de Capoue, centre important de production de cosmétiques (CIL X, 4291 : L. Plotius L. L.. Philippus/Sibi. et/ sTaiaI. C. F. RufaI, D’Arms 1981, p. 81).
427 Varron, Ling. lat. VIII, 55 ; Suétone, Aug. IV, du moins suivant l’interprétation de Faure, qui probablement excède un peu la lettre du texte, effectivement critique à l’égard de cette profession.
428 Cf. Properce (Elégies, I, II, vers 3-4 et 31-32 ; XIII, III, vers 4 et 8), par exemple. Chez Juvénal, le parfum est le signe de la débauche puisqu’il est un instrument de la femme courtisane ou adultère (Sat. VI, 164 et II, 40-42).
Sénèque le Rhéteur associe les parfums à une vie luxueuse mais surtout débauchée Controv. IV, 7. De la même façon, le soin excessif porté à son propre corps est une des premières manifestations du luxe chez Sénèque (Ep. XIX-XX, 114, 9). Chez Valère Maxime (Facta et memor. II, 6, 1), les parfums sont des habitudes de luxe qui viennent d’Asie.
429 Puisqu’on enduit d’onguents les aigles et les enseignes aux jours de fête (H.N. XIII, 23). Elles étaient associées à la divinité impériale et c’était là une manière de célébrer son culte (Commentaire de Ernout 1956, p. 74).
430 Des horrea Piperataria furent construites par Domitien en 92 après J.-C. pour accueillir les réserves des produits d’Orient (Dion Cass. LXXII, 24, 2-3). Corbier 1987, p. 438.
431 Quid ego exequias et prodiga flammis/dona loquor maestosque ardentia funera luxu ?… /quod Cilicum flores, quod munera graminis Indi/quodque Arabes Phariique Palaestinique liquores/arsuram lavere comamv ? « Pourquoi commencé-je à parler des funérailles, des présents prodigués aux flammes et de cet embrasement funéraire auquel le deuil sacrifiait une fortune ?… des fleurs de Cilicie, des produits de la plante indienne, des essences de l’Arabie, de Pharos et de la Palestine qui imprégnèrent la chevelure avant quelle brûlât ? » (Silv. II, 1, 158-159 et 160-162).
432 Pline, H.N. XII, 123. L’auteur précise :… quondam in duobus tantum hortis, utroque regio, altero iugerum viginti non amplius, altero pauciorum. Ostendere arbutum hanc urbi Imperatores Vespasiani… Saeviore in eam Iudaei sicut in vitam quoque suam ; contra defendere Romani, et dimicatum pro frutice est ; seritque nunc eum fiscus, nec umquam fuit numerosior. « Il ne s'y trouvait autrefois que dans deux jardins, l’un et l’autre royaux, l’un de vingt arpents sans plus, l’autre un peu plus petit. Les empereurs Vespasien et Titus ont montré cet arbuste à Rome… Il est maintenant esclave, il paie tribut avec sa nation… Les Juifs se sont acharnés contre lui comme contre leur propre vie. Mais les Romains l’ont défendu et l'on s’est battu pour un arbrisseau. Maintenant, c’est le fisc qui le cultive et jamais il n’y eût davandavantage…» (H.N. XII, 111-113). Et ailleurs : Et sarmenta quoque in merce sunt, HS amputatio ipsa surculusque venire intra quintum devictae <Judaeae> annum ; xilobalsamum vocatur et coquitur in unguentis. « Même les rameaux se vendent aussi (à 6 deniers la livre). Les tailles seules et les rejets se sont vendus 800 000 sesterces cinq ans après la conquête. C’est ce que l’on appelle le baume du bois. On en fait une décoction dans la parfumerie. » (H.N. XII, 118). Si l’on considère qu’un travailleur manuel gagnait 3-4 sesterces par jour de travail, un demi-litre de ce parfum équivalait à au moins un an de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54).
433 Faure 1987, p. 251. Externa omnia, et prodigiosa cinnamomino pretia : adicitur cinnamo balaninum oleum, xylobalsamum, calamus, iunci, balsami semina, murra, mel odoratum ; unguentorum hoc crassissimum. Pretia ei a XXXV ad CCC. « Le parfum au cinnamome ne contient que des produits exotiques et atteint des prix prodigieux. À la cannelle cinname on ajoute de l’huile de ben, du xylobalsame, de l’acore, du jonc odorant, des graines de baumier, de la myrrhe, du miel parfumé ; c’est le plus épais de tous les parfums. Il se vend de 35 à 300 deniers. » (H.N. XIII, 15). L’équivalent de dix mois de travail du travailleur manuel (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54).
434 Périple de la Mer Erythrée et Properce, comme nous l’avons vu, Elég. III, XIII, 8.
435 LVI, p. 18, 16-17 ; De Romanis, 1982-1987, p. 158. Les quantités étaient telles qu’elles nécessitaient de grandes embarcations. Les feuilles de malobrathe flottent sur l’eau des marécages dans le nord de l’Inde ou sur les contreforts de l’Himalava, leur odeur tenace les fait ressembler au nard ; Robert 1993, p. 295.
436 « Marie, prenant une livre d’un parfum de vrai nard, très coûteux, en oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s’emplit de la senteur du parfum. Judas l’Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors ; "Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?” « (Évangile selon Saint Jean, XII, 3-5). Faure 1987, p. 251.
437 nardum microspherum, nard avec les petites feuilles = 75 deniers = 300 sesterces ; H.N. XII, 44.
438 L’équivalent de 75 à 100 jours d’un ouvrier non qualifié (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54). Les couronnes de feuilles de nard venant d’Inde sont un luxe pour Pline ; ces couronnes sont de plus parfumées. Il porte un jugement essentiellement moral et condamne ce qu’il considère comme un luxe privé spécifiquement féminin (H.N. XXI, 11).
439 « Comme Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux, alors qu’il était à table, une femme vint, avec un flacon d’albâtre contenant un nard pur, de grand prix. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or il y en eut qui s’indignèrent entre eux : "À quoi bon ce gaspillage de parfum ? Ce parfum pouvait être vendu plus de trois cents deniers et donné aux pauvres." » (Évangile selon Saint Marc, XIV, 3-5).
440 … et matutino sudans Crispinus amomo/quantum vix redolent duo funera… « Voici Crispinus qui, dès le matin, dégoutte d’amome, plus que n’en exhalent deux cadavres. » (Sat. IV, vers 108-109).
441 Le styrax à 17 deniers la livre ; le mastic de Chio (gomme de térébinthe) à 10 deniers ; l’encens à 6 deniers ; le costus à 5,5 deniers ; le henné, le galbanum, le genêt et le jonc odorant à 5 deniers ; le cardamome à 3 deniers ; le suc de comaque, le ladanum et le métopon des sables africains à 2,5 deniers ; le myrobalan à 2 deniers et le roseau odorant à 1 denier (H.N. XII, 125 ; 72 ; 65 ; 41 ; 126). Si l’on considère qu’un travailleur manuel gagnait quatre sesterces par jour, il lui fallait de 17 à 2 jours de travail (Cicéron, Pro Rose. Com. X, 28 et Mrozek 1974, p. 54).
442 Sed divulgata maxime unguenta crederim rosa, quae plurima ubique gignitur. Itaque simplicissima rhodini mixtura diu fuit additis omphacio, flore rosae, crocino, cinnabari, calamo, mette, iunco, salis flore aut anchusa, vino. « Mais je croirais volontiers que le plus répandu des parfums est celui de la rose, fleur qui croît partout en abondance. C’est pourquoi le parfum à la rose fut longtemps de composition très simple, comprenant de l’omphacium, des pétales de roses, du safran, du cinabre, de l’acore, du miel, du jonc odorant, du sel fin ou de l’orcanette, et du vin. » (Pline l’Ancien, Apicius, IV, 136 ; H.N. XIII, 9).
443 Comme le traduit Izaac, 1969 : Martial, Epigr. V, 25, 7-8 : rubro pulpita nimbo/spargere et effuso permaduisse croco, « faire flotter sur la scène une brume empourprée et asperger les spectateurs d’essence de safran ». Et Lucrèce (De nat. rer. II, 416), comme Properce (Elég. IV, 1, 16 : dans l’ancien temps, nec… pulpita sollemnis non oluere crocos, « pas de scène exhalant une solennelle odeur de safran. ») et Horace (Epist. II, 79), condamnent l'habitude ou plutôt la mode qui consiste à répandre à profusion de la poudre de safran sur les scènes de théâtre, aux jours de fête.
444 specularis pulver. Les vitres de fenêtre étaient réalisées dans cette matière à l’époque de Néron (Sénèque, Ep. XIV, 90).
445 Nunc dicetur cumulus ipse deliciarum et summa auctoritas rei. Ergo regale unguentum, appellatum quoniam Parthorum regibus ita temperatur, constat myrobalano, costo, amomo, cinnamo comaco, cardamomo, nardi spica, maro, murra, cassia, styrace, ladano, opobalsamo, calamo iuncoque Syriis, oenanthe, malobathro, serichato, cypro, aspalatho, panace, croco, cypiro, amaraco, loto, mette, vino. Nihilque eius rei causa in Italia victrice omnium, in Europa vero tota praeter irim Illyricam et nardum Gallicum gignitur. « Je vais parler maintenant de celui qui est le comble du luxe, et possède la plus grande réputation de tous. C’est le parfum dit royal, parce qu’il est composé pour les rois des Parthes. Il comporte huile de ben, costus, amome, cinname, comaque, cardamome, épi de nard, marum, myrrhe, casse, styrax, ladanum, baume, acore et jonc odorant de Syrie, oenanthe, malobathre, serichatum, henné, aspalathe, panax, safran, souchet, dictame, lotos, miel et vin. Aucun ingrédient à ces parfums n’est produit en Italie, pourtant victorieuse de toutes les nations, ni même en Europe, à l’exception de l’iris d'Illyrie et du nard celtique de Gaule. » (H.N. XIII, 17-18). Pline ajoute une touche moralisatrice, en constatant que l’Italie a beau être « victorieuse de toutes les nations », elle dépend des autres pays dans l’approvisionnement des parfums de luxe, ce qui ne peut paraître que condamnable et dangereux. Faure 1987, p. 249.
446 Le costus vient de l’Inde, l’amone du Népal, la cannelle de Ceylan, le suc de noix comaque des Somalis, le cardamone du Malabar, d'Inde encore le nard à épis (citronnelle), d'Arabie ou de Birmanie, le cassia et de Chine le serichatum. Robert 1993, p. 284.
447 À propos de P. Annius Plocamus dans le commerce des parfums, cf. Camodeca 1979, p. 24-25.
448 Strabon, Geogr. XVI, 781 ; Pline l’Ancien, H.N. VI, 28 ; Dion Cass. LUI, 29.
449 Nous excluons la main-d’oeuvre agricole, qui fausserait considérablement l'analyse : tel propriétaire foncier, ménager de ses ressources, pourrait se refuser tout luxe, tout en possédant des milliers d’esclaves latifundiaires ; tel courtisan en revanche pourra consacrer une part nettement supérieure de ses ressources à l’achat et à l'entretien d’une domesticité nombreuse, car celle-ci, nettement visible, concourt de façon immédiate à un genre de vie luxueux.
450 Ainsi, Trimalcion demande à son esclave cuisinier : Ex quota decuria es ? Cum ille se ex quadrangesima respondisset : Empticius an, inquit, domi natus ? « « De quelle brigade es-tu ? » – De la quarantième, lui répond l’autre. Acheté en vente, lui dit-il, ou né à la maison ? » (Pétrone, Satir. XLVII, 11). Il élève la voix pour poser cette question au cuisinier, sans doute, selon notre interprétation, afin que les convives entendent la conversation et sachent que leur hôte possède de nombreux esclaves.
451 Un pauvre possède un esclave (Sat. III, 167). Névolus souhaite en avoir au moins deux, et finalement demande deux robustes Mésiens et deux esclaves ouvriers (IX, 64 et 142-147).
452 Epigr. IX, 21 ; XII, 16 ; XII, 33. Le plus pauvre donc possède au moins un esclave et le personnage évoqué dans l'épigramme 32, du livre XI, qui ne possède pas d'esclave, si bon marché soit-il, n’a même pas droit au statut de pauvre qui, lui, suscite encore de la considération. Il n'appartient plus à la communauté des libres. Sa misère extrême le relègue à un niveau inférieur de non-existence sociale.
453 Plutarque, Crass. 4 ; Valerius Maximus, Memor. IV, 3, 12.
454 Horace qualifie un sénateur, se faisant accompagner de cinq esclaves dans sa villa, d’avare (Sat. I, 6, 104-109).
455 D’après Martial, une partie de la familia urbana suivait le maître dans sa villa (Epigr. III, 58 ; X, 30).
456 Sat. VII, vers 141-142. Le riche affranchi Zoilus possède une litière à six porteurs, mais qui ne suffit pas à lui donner une allure d’authenticité (Martial, Epigr. II, 81) : ce n’est d’ailleurs qu'une civière de pauvre hère, sandapila désignant la civière mortuaire du pauvre. Cf. Garrido-Hory 1985, p. 234.
457 Il devait servir de base à la maison de M. Aemilius Scaurus (74-58 avant J.-C.). Carandini 1986, p. 264.
458 La Casa del Menandro (I, 10, 4) dispose quant à elle d’un quartier servil avec six cellae (35-40) et des latrines. D’après George (1997, p. 22), il n’existait pas forcément un quartier servile même dans les grandes maisons, les esclaves dormaient où ils pouvaient.
459 Nihil apud hunc lautum, nihil elegans servi sorditati ministrant, nonnulli etiam senes, idem coquus, idem atriensis. (In Pison. XXVII, 67).
460 « Seuls les riches, qui possèdent de très vastes domaines, peuvent se permettre de faire exécuter par leurs propres esclaves ces travaux particuliers. » (R. R. I, 16, 4).
461 Luxuria est emere hos (quis enim dubitatve negatve ?)./Sed multo major vendere luxuria est. « C’était du luxe que de les acheter (qui en doute ou le nie ?). Mais c’est un plus grand luxe que de les vendre. » (Epigr. XI, 70, 11-12). George 1997, p. 20.
462 Les innombrables esclaves travaillant aux champs de leur maître, mais aussi le jeune esclave, sont certes des signes de richesse (Martial, Epigr. IX, 23, 1-2, 4, et 11-12). GarridoHory 1985, p. 224.
463 Martial, Epigr. II, 43, 13-15. Les pueri font également partie des richesses que promet le maître à son amant complaisant chez Martial, mais l’acquisition d'une seule jeune esclave ne semble pas être d’une valeur importante (Epigr. XI, 29, 7 ; II, 44, 1).
464 « En effet que tenterais-je d’interdire et que faut-il ramener aux antiques usages ?… Le nombre ou plutôt le peuple d’esclaves ?… » (Tacite, Ann. III, 53, 5).
465 En effet, ce même terme nationes est de nouveau employé par Tacite dans le passage se rapportant au meurtre de Pedanius Secundus par un de ses esclaves : Postquam vero nationes in familiis habemus, quibus, diversi ritus, extema sacra aut nulla sunt, conluviem istam non nisi metu coercueris. « Or, depuis que nous comptons dans nos domesticités des peuplades, qui ont des coutumes différentes, des cultes étrangers ou inexistants, cette pègre ne saurait être contenue que par la crainte. » (Ann. XIV, 44, 3). Ce passage confirme donc bien que nationes se rapporte aux différentes origines ethniques des esclaves. Nous remarquons également que l’esclave étranger fait peur, et nous pouvons peut-être considérer que le luxe représenté par l’origine géographique de l’esclave est en réalité critiqué et condamné pour cette raison.
466 … flos Asiae ante ipsum… /… set forma, set aetas/digna supercilio. « Devant lui (Virron) se tient la fleur d’Asie….sa beauté, son âge justifient ses grands airs. » (Juvénal, Sat. V, vers 56 et 61-62).
467 Tibi pocula cursor/Gaetulus dabit aut nigri manus ossea Mauri/et cui per mediam nolis occurrere noctem,/ clivosae veheris dum per monumenta Latinae. « C’est un coureur de Gétulie qui vous présentera la coupe, ou la main osseuse et noire d’un Maure qu’on ne voudrait pas rencontrer vers minuit quand on circule en voiture, le long des tombeaux, sur les pentes de la voie Latine… » (Juvénal, Sat. V, vers 52-55). Le cursor est l’esclave qui précède la litière du maître. Ce sont de plus des esclaves dont l’apparence physique fait peur, ils sont soit chétifs soit âgés : manus ossea….
468 Juvénal, Sat. VII, 132. Ils semblent être opposés aux esclaves maures de l’avocat pauvre (vers 120) : chez Martial, nous retrouvons également un esclave maure dans les cuisines, aux cheveux crépus et aux lèvres lippues, cela montre à la fois le mépris dans lequel cet emploi était tenu et le “racisme” profond des Romains envers des êtres dont l’aspect physique était signe de leur origine barbare et de leur condition servile. GarridoHory 1981, p. 117.
469 L’auteur décrit sous tous ces aspects le puer idéal : né sur les bords du Nil, le teint plus blanc que la neige, ses yeux rivalisent avec les étoiles, la chevelure souple, la courbe du nez pas trop accentuée, les lèvres rouges (Epigr. IV, 42). Cf. également Stace, Silv. II, 1, 72-75 ; V, 5, 66-69 ; Tacite, Ann. XIV, 60.
470 Gnomon de l'idiologue (BGU V 1210, 65-67 ; 69). Nous ne savons pas si cette interdiction a eu cours durant toute la période romaine. Straus 2004, p. 305.
471 Non Phryx aut Lycius, non a mangone petitus/quisquam erit. Id magnum : cum posces, posce latine. « Pas de Phrygien, ni de Lycien, ni de sujet acheté au marchand d'esclaves. Un point important : quand tu demanderas quelque chose, demande-le en latin. » (Sat. XI, vers 147-148).
472 Capillatus : Epigr. II, 57, 6 ; III, 58, 31 ; X, 62, 2 et comatus : XII, 70, 9 et 97,4.
473 Infelicis luxuriae ista tormenta sunt… Egregie itaque Horatius negat ad sitim pertinere quo poculo (aqua) aut quam eleganti manu ministretur. Nam si pertinere ad te iudicas quam crinitus puer…non sitis. « Bien à plaindre le luxe, dont c'est là le tourment… Horace a grandement raison de dire que la soif ne regarde pas dans quelle coupe, avec quelle jolie main on lui sert à boire. Pour toi si tu crois intéressante la longueur des boucles de l’échanson… » (Sénèque, Ep. XIX, 119,14). Juvénal, invitant Persicus, spécifie que ses esclaves qui leur serviront ce repas frugal portent les cheveux courts (Sat. XI, vers 149-150). Il n’y aura pas de mignon épilé qui se fasse remarquer par la dimension de ses attributs virils (vers 156-158). Et Martial, devant la méfiance de son hôte Publius, demande à être servi « par des esclaves en cheveux courts, négligés, grossiers, tout rabougris, fils d’un porcher à l’odeur de bouc. » (Epigr. X, 98, 8-10). D'autres serviteurs aux cheveux courts apparaissent au service de la table, mis « non dans le premier rang » (Epigr. XI, 11 et II, 57, 5 ; XII, 49).
474 Diopanthus Ti. Caesaris omator glabr(orum)). Il s’agit d’un omator d’esclaves de luxe, épilés, selon Boulvert 1970, p. 82 et n. 472.
475 Epigr. XI, 70. Vendere, Tucca, potes centenis millibus emptos ? « Peux-tu vendre, Tucca, ces garçonnets que tu as achetés cent mille sesterces ? » Martial ne dit pas combien ils sont, mais le prix n’en reste pas moins extrêmement élevé.
476 cum dixisset Sabinus centenis millibus sibi constare singulos servos… « Sabinus dit que chacun de ses gens lui coûtait cent mille sesterces… » (Epigr. III, 27, 7).
477 Pretium hominis in servitio geniti maximum ad hanc diem, quod equidem conpererim, fuit grammaticae artis, Daphnin Attio Pisaurense vendente et M. Scauro principe civitatis III licente. Excessere hoc in nostro aevo, nec modice, histriones, sed hi libertatem suam mercati, quippe cum iam apud maiores Roscius histrio III annua meritasse prodatur, nisi ni quis in hoc loco desiderat Armeniaci belli paulo ante propter Tiridatem gesti dispensatorem, quem Nero III II manumisit. Sed hoc pretium belli, non hominis, fuit tam Hercules quam libidinis, non formae, Paezontem e spadonihus Seiani III I I mercante Clutorio Prisco. Quam quidem iniuriam lucri fecit ille mercatus in luctu civitatis, quoniam arguere nulli vacabat. « Le prix le plus fort, qui ait été payé jusqu’à ce jour, à ma connaissance, pour un homme né dans l’esclavage, l’a été pour un grammairien : Daphnis, qui fut vendu par Attius de Pisaure à M. Aemilius Scaurus, premier magistrat de la cité, pour sept cent mille sesterces. Ce prix a été dépassé à notre époque et de beaucoup par les acteurs, mais, eux, achetaient leur liberté : déjà au temps de nos ancêtres, l’acteur Roscius gagnait, dit-on, cinq cent mille sesterces par an ; peut-être attend-on ici que je mentionne l’intendant de la guerre qui a eu lieu récemment en Arménie à cause de Tiridate : Néron l’affranchit contre treize millions de sesterces. Mais cette somme cotait les bénéfices de guerre et non la valeur personnelle de l’homme ; c’est de même, parbleu, la passion de l’acheteur et non la beauté de Paezon, qui explique le prix de cinquante millions payé pour cet eunuque de Séjan par Clutorius Priscus. Ce scandaleux marché bénéficia du deuil de l’État : personne n’avait le loisir d’engager des poursuites. » (H.N. VII, 128-129).
478 … pretio maiore paratus/quam fuit et Tutti census pugnacis et Anci/et, ne te temeam, Romanorum omnia regum/frivola. « … qui lui a coûté plus cher que tout le revenu du belliqueux Tullus et d’Ancus, bref, que tout le pauvre mobilier des rois de Rome. » (Juvénal, Sat. N, vers 55-58 et 60) ; il grossit la dépense qu’il a représentée.
479 8000 pour un puer connaissant un peu de grec, à Tivoli ou Gabies (Horace, Ep. II, 5).
480 Chez Columelle, un vigneron qualifié coûte 6-8000 sesterces, le prix total du vignoble et du vigneron ne sera pas exagéré. Il s’agit donc d’une estimation ‘‘haute’’ du prix d’un vigneron, qui puisse fournir un travail de qualité (De re rust. III, 3, 8).
481 Un garçon pour 1000 sesterces dans Pétrone, Satir. LXVIII ; LVII ; XCVII.
482 Pétrone mentionne également 4000 sesterces comme un prix d’affranchissement courant (Satir. LVIII). Chez Martial (Epigr. X, 31, 1-2), un esclave est vendu 1200 sesterces pour financer l’achat d’un poisson cher, ce prix lui paraît un solde ridicule. Selon Pline l’Ancien (H.N. IX, 9, 67), 8000 sesterces suffiraient à acheter trois cuisiniers. Garrido-Hory 1981, p. 114.
483 Les révoltes juives de 66-70 après J.-C. permettent d’injecter ainsi sur le marché 97 000 prisonniers (Flavius Josèphe, Bel. Iud. VI, 420) ; la conquête de la Bretagne par exemple, celle de la Dacie permit de ramener près de 500 000 prisonniers (Lyd. De mag. 2, 28). Gonzales 2002, p. 75.
484 Une statue-lampadaire en bronze conservée au Museu Nacional Arqueologic de Tarragone, en Espagne, représentant un petit enfant noir, nous a amenée à nous demander si ce n’est pas là l’image des petits esclaves éthiopiens de luxe si coûteux ; la statue-lampadaire aurait en quelque sorte remplacé auprès de son possesseur l’esclave noir qu’il n’avait pas à son service. Les esclaves noirs sont une particularité qu’il nous faut étudier. Ainsi, dans la Casa degli Amanti à Pompéi (I, 10, 11), un petit tableau représente une scène de banquet ; l’un des petits esclaves a curieusement la figure peinte en noir, et les bras en blanc. Nous ignorons s’il s’agit d’une erreur du peintre, mais pouvons nous demander si ce petit esclave n’était pas maquillé afin de donner à son maître l’illusion d’être servi par un esclave de luxe.
485 Epigr. I, 58 ; I, 92 : Martial dénie à Mamurianus le droit de désirer un puer parce qu’il est pauvre et affamé ; IX, 59 : Mamurra symbolise ici le type du pauvre envieux de toutes les richesses des Saepta en tête desquelles figure un puer.
486 … nullo anno minus HS II imperii nostri exhauriente India et merces remittente, quae apud nos centiplicato veneant. « Chaque année, l’Inde enlève à notre empire pas moins de 50 millions de sesterces, pour nous livrer en échange des marchandises qui se vendent chez nous au centuple. » (H.N. VI, 101) et plus loin ;… minimaque computatione milies centena milia sestertium annis omnibus India et Seres et paeninsula illa imperio nostro adimunt : tanti nobis deliciae et feminae constat. « Chaque année l’Inde, la Chine et l’Arabie enlèvent à notre empire selon le calcul le plus bas, cent millions de sesterces, tant est grande la valeur que nous attachons aux objets de luxe et à nos femmes. » (H.N. XII, 84). Egalement : « Les Arabes vendent tout aux Romains et aux Parthes, leur prennent leur or et ne leur achètent rien en échange. » (H. N. VI, 32, 162)
487 Suétone, Aug. 41,1 ; Dion Cassius, LI, 21.
488 Res Gestae, 31 ; Strabon, Geogr. XV, 1, 4 ; Suétone, Aug. 21, 3 ; Dion Cassius, LIV, 9, 8.
489 « …avec des cohortes d’archers pour écarter les pirates qui infestent ces mers. » (H.N.. VI, 101).
490 Pline écrit ainsi : Ignoscat tamen aliquis aliquis Aegypto serenti, ut Arabiae Indiaeque merces importet. « L’Égypte sème le lin, afin de pouvoir importer des marchandises arabes et indiennes. » (H.N. XIX, 2, 7).
491 Comme en témoignent ces individus qui affectent d’être riches (Martial, Epigr. VI, 77 ; 84 ; 94 et IX, 59 : Mamurra qui a passé sa journée à convoiter les objets de luxe les plus rares et les plus chers, et a finalement acheté deux gobelets pour un as). Mais à tel point aussi que se couvrent de ridicules ceux qui veulent montrer leur pauvreté : Pauper videri Cinna vult ; et est pauper. « Cinna veut passer pour pauvre et il l'est en effet. » (Martial, Epigr. VIII, 19).
492 Respectivement : Epigr. Il, 43 ; ibid. ; IV, 28 ; XII, 15 ; IV, 66 ; V, 13, IX, 22.
493 Pline l’Ancien, H.N. XXXVII, 75-76, 197-200 ; il convient de remarquer que ce dernier passage est exclusivement consacré aux imitations de produits de luxe ; Martial, Epigr. IV, 61 ; V, 39 ; VIII, 6 ; IX, 59 ; X, 87 ; XII, 69.
494 Epigr. II, 29 (vêtements de pourpre et premiers rangs au théâtre) ; III, 95 ; IV, 61 ; V, 8 (mêmes symboles) ; XIV, 23 ; 25 ; 27 ; 35 ; 39 ; VIII, 6 ; IX, 59 ; X, 87 ; XII, 69.
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