La céramique proto-apulienne de Tarente : problèmes et perspectives d’une recontextualisation
p. 125-142
Texte intégral
1À l’occasion de cette table ronde, j’aimerais présenter quelques réflexions sur ma thèse consacrée à la céramique proto-italiote de Tarente1. La visée du projet est la suivante : étudier systématiquement les ensembles archéologiques du site où apparaît ce matériel pour mieux saisir les origines de cette céramique figurée, sa production, sa diffusion et sa réception. Je voudrais soulever ici quelques questions suscitées par cette recherche, la démarche qu’on pourrait envisager et les perspectives de ce travail, qui se concentre plus particulièrement sur la céramique proto-apulienne. L’espace offert par cette table ronde ne me permet pas de présenter de véritables résultats, puisque les données sont encore en cours d’élaboration, mais plutôt des directions de recherche. J’aimerais montrer ici que les perspectives de l’étude de la céramique italiote résident avant tout dans la variété des approches adoptées combinées à sa “recontextualisation”2. Plusieurs exemples seront tirés de mon mémoire de licence sur l’atelier du Peintre de la Naissance de Dionysos, point de départ de ma réflexion3.
Introduction
2Une grande partie des ensembles funéraires de la colonie de Tarente ont récemment été publiés et étudiés de manière exemplaire par la Surintendance (sous la direction d’Enzo Lippolis), ainsi que par Daniel Graepler et Andreas Hoffmann de Heidelberg dans leur thèse de doctorat4. Ces derniers travaux tentent, à travers des méthodes tout à fait nouvelles pour l’archéologie classique, de restituer un cadre chronologique et de rendre à chaque catégorie d’objets sa place dans le système de signification du rituel funéraire, plus particulièrement les terres cuites et la céramique apulienne à figures rouges. La chronologie relative des vases italiotes, dans ces travaux, se fonde sur une sériation des tombes grâce à une analyse de correspondance basée sur la typologie des différentes catégories céramiques associées dans le même ensemble funéraire “clos”5.
3Cette méthode originale tente de briser le cercle vicieux de la datation par le style, qu’impose depuis longtemps la céramique à figures rouges. Les résultats ainsi obtenus proposent une base de comparaison avec les datations de Trendall pour l’ensemble du IVe siècle6. Autant que l’utilisation de la méthode de sériation, c’est l’attention prêtée à une situation culturelle homogène qui est remarquable7. Chaque site devrait en effet être analysé dans ses spécificités et sa complexité (mobilier funéraire, matériel de l’habitat) pour qu’on puisse comprendre la place qu’y tient la céramique figurée.
4La céramique proto-italiote n’a pas été étudiée de manière systématique à Tarente. Dans les travaux cités, seul le contenu des tombes a été considéré pour résoudre des problèmes de chronologie et comprendre le rituel funéraire8. L’émergence de cette production, dans la deuxième moitié du Ve siècle, coïncide avec une reprise progressive des offrandes funéraires après une interruption, due certainement à des lois somptuaires9. Alors que certaines sépultures contiennent des vases proto-lucaniens du Peintre de Pisticci10, aucun vase proto-apulien n’y semble attesté avant le Groupe de Tarporley11. Des témoignages aussi rares, sur un site considéré traditionnellement comme un centre de production et d’“école”, sont largement dus à l’absence de recherche systématique sur les ensembles archéologiques inédits et au manque de publications qui tend cependant à être comblé ces dernières années.
5Le type de conjoncture où l’on retrouve le plus souvent la céramique proto-italiote, est le remplissage de puits disséminés dans la nécropole. L’analyse de ces dépotoirs, qui comportent un matériel très abondant et couvrent de larges périodes chronologiques, révèle que les objets qu’ils contiennent ont des origines diverses : dépôt votif, activité de production ou encore nettoyages de zones de nécropole (liés au développement urbanistique particulier de la cité12). Malgré l’inégale qualité de la documentation des fouilles, souvent anciennes13, et le caractère perturbé de la stratigraphie de ces structures, cet examen peut révéler certaines cohérences : par exemple, vases à figures rouges du même atelier dans un même contexte archéologique ou encore groupes de vases de même forme (en majorité des cratères en calice ou en cloche, et des skyphoi), souvent dans le même état fragmentaire et suggérant une fonction identique14. Quelques exemples encore préservés de vases à figures rouges placés sur la couverture des tombes (et de formes caractérisées, comme les cratères en calice) incitent à penser qu’un certain nombre ont dû fonctionner à l’origine comme sêmata15. De même, certains skyphoi percés, comparables à des exemplaires de la nécropole de la chôra métapontine très bien publiés, ont sans doute servi à des libations funéraires16. Des vérifications sur les similitudes entre les contenus de ces puits, sur leur rôle et leur rapport avec les tombes apparaissent nécessaires. Des fouilles inédites ont en effet montré que certaines concessions de la nécropole classique étaient regroupées autour de telles structures17.
6Mon travail de collecte de données sur la base de l’inventaire de la Surintendance de Tarente, qui ne couvre actuellement que le secteur de la nécropole, porte provisoirement à environ 300 le nombre de vases et fragments proto-italiotes attestés (dont seulement une centaine sont publiés) et de récupérer des contextes de fouilles susceptibles d’élargir la discussion sur la production, la chronologie, la fonction et l’iconographie des vases.
7Dans la recherche d’ensembles archéologiques, il n’est cependant pas toujours possible de récupérer les objets associés aux vases figurés. Le cas des fouilles de l’Arsenal militaire, qui se sont principalement déroulées entre 1909 et 1913, est à cet égard symptomatique. Une masse de vases figurés inédits, résultant d’un tri du matériel au moment de la fouille de la nécropole, vient largement enrichir les attestations de céramique proto-italiote – et plus tardive –, modifiant sensiblement les données quantitatives des ateliers, des formes, des thèmes et schèmes attestés sur le site. Cependant, aucune documentation de fouilles précise n’a pu encore être récupérée18. L’exploitation de ce matériel reste donc limitée et son intégration au reste des résultats est problématique, mais indispensable. L’inégalité des données, principal problème de la recherche, requiert ainsi des solutions méthodologiques adaptées.
8C’est justement dans un souci méthodologique particulier que les travaux récents sur les nécropoles de la colonie ont évité la recherche purement stylistique, en lui assignant un caractère trop subjectif pour les problèmes de chronologie, considérant, à juste titre souvent, la méthode bien peu fiable dans une production très standardisée19. Pour l’étude des phases précédentes, de la fin du Ve aux débuts du IVe siècle, il me semble impossible de faire abstraction de l’approche stylistique. Dans une analyse de production et en l’absence de certaines données de découverte, le regroupement par le style, aussi intuitif qu’il puisse paraître aux yeux de l’archéologue d’aujourd’hui20, représente le seul instrument méthodologique dont nous disposons, mais qu’il faut sans cesse affiner et remettre en discussion. Après la disparition d’A.D. Trendall, une des étapes importantes de l’étude de la céramique italiote est en effet la compréhension de son œuvre, la poursuite de sa réflexion, mais aussi l’évaluation de son importante influence.
Terminologie et méthode d’attribution
9Dans ce cadre, il me paraît important de questionner une terminologie un peu banalisée par l’usage, mais qui conditionne fortement notre manière de concevoir et d’étudier la céramique italiote.
10Par exemple, que comprend le terme céramique “proto-italiote”21 ? Il peut paraître curieux de poser une telle question aujourd’hui, mais la réponse n’est pas évidente. C’est un terme qui caractérise un style, mais qui est souvent compris dans le sens d’une “production”. Il englobe deux autres sous-groupes : les travaux précédant ceux de Trendall ont toujours montré que l’étude de la céramique “proto-apulienne” ne pouvait être séparée de celle dite “protolucanienne”, puisque cette division ne s’est cristallisée que parce que l’usage en a fait des catégories très normatives, dans lesquelles, cependant, on ne peut réduire tous les vases. Ce rapport très étroit est confirmé par les nombreuses similitudes de style et de forme mais surtout par leur association dans certains ensembles archéologiques. La coïncidence de ces deux catégories stylistiques avec deux centres de production n’est cependant pas assurée. On continue à multiplier les hypothèses à ce sujet, sans véritablement intégrer des vases et des ensembles archéologiques nouveaux dans la discussion.
11Les limites chronologiques du “proto-apulien” ne sont pas claires. Les grandes phases de la céramique apulienne – on a relevé plus d’une fois l’aspect inapproprié de cet adjectif du point de vue géographique22 – doivent être envisagées suivant des critères plus nombreux. Leur répartition en trois phases chronologiques a déjà été réadaptée dans un sens plus proche des réalités de la production23 : le terme “Early Apulian”, traduit alternativement par “Protoapulien” et par “Apulien Ancien”, correspondrait en fait à deux phases successives. L’une – comprenant le Peintre de la Danseuse de Berlin –, d’expérimentation à proprement parler, très proche des ateliers attiques et encore “mécanique” dans sa manière de reproduire des schémas iconographiques attiques, à l’instar du Peintre de Pisticci pour la céramique protolucanienne24, et l’autre – dès le cercle du Peintre de la Naissance de Dionysos –, où les ateliers seraient déjà bien articulés, précédant l’émergence d’un style et d’une “école” appelée traditionnellement “apulienne”. Ces limites un peu arbitraires dépendent surtout des critères que l’on adopte : l’Apulien commence-t-il lorsqu’on peut constater une organisation complexe au sein de la production, ou lorsqu’on devine le début d’un style, de formes et d’une iconographie plus “standardisés” ou “homogènes” ?
12Le caractère fragmentaire et le nombre peu élevé des témoignages rendent les travaux d’attribution et de regroupement, mais aussi de définition de “styles”, très difficiles. Ainsi, le tableau de la céramique proto-apulienne que nous propose Trendall paraît hétérogène, parfois discutable, en particulier dans l’articulation entre le Groupe de Sisyphe et le début du “style orné”. Le chapitre 2 de RVAp I (p. 28-43), présente en effet une mosaïque de vases et fragments de différentes mains, variant beaucoup du point de vue qualitatif.
13Notre réexamen des attributions, à partir des vases eux-mêmes, révèle parfois un manque de systématique et de cohérence dans la classification, ce qui est bien compréhensible, si l’on considère l’étendue d’une entreprise aussi colossale que celle de Trendall. L’examen des groupes qu’il propose, pour les premières générations de peintres, suscite de nombreuses remarques. J’en prendrai quelques exemples dans RVAp I, chapitre 2 :
14– Certains vases de peintres bien caractérisés sont mal regroupés. Si l’on compare les visages sur plusieurs vases censés être représentatifs du “début” ou de la “fin” du Peintre de la Naissance de Dionysos, l’appartenance à une même main et une même phase semble contestable (fig. 1-4)25. Inversement on peut retrouver entre certains groupes de fragments une cohérence qui n’est pas explicite dans le corpus (voir annexe, p. 142s).
Certains peintres classés comme apuliens sont plus proches des groupes lucaniens, ou du moins ont des caractéristiques qu’il faudrait mieux cerner. Ainsi, certains fragments du chapitre 2 sont clairement apparentés au Peintre de Policoro (fig. 5-6)26, qui mériterait à lui seul une étude spécifique, car son appartenance à un atelier apulien ou lucanien reste très discutée27. Les vases du Peintre de Gravina possèdent eux aussi des caractéristiques très particulières. La riche tombe à demi-chambre de la dite localité, dans laquelle se trouvaient trois vases attribués par Trendall à ce même peintre, est capitale. Même si cette attribution est discutable (sur la base des mains), ce précieux contexte archéologique fournit sans doute les pièces d’un seul atelier28.
La terminologie utilisée ne permet pas toujours de prendre en considération l’ensemble des vases qu’elle détermine. La division “style simple-style orné”, comme l’a rappelé M. Denoyelle, ne correspond pas à un critère de production29. De même, les vases “phlyaques” ont été, pour un certain temps, étudiés comme une catégorie à part entière30.
Certains vases très restaurés ont tout de même été pris en considération31.
15La critique opposée à la gigantesque entreprise de classement de Trendall ne doit cependant pas négliger l’apport véritable de l’approche stylistique qui offre des perspectives qui sont loin d’avoir été systématiquement exploitées.
16Tl est vrai que la disparition d’une autorité – rappelons ici l’“après-Beazley”32 – entraîne souvent l’“éclatement” de son œuvre. Les problèmes liés à la connaissance, à la compréhension et à la continuation du travail de Trendall affleurent dans presque toutes les publications récentes : les erreurs grossières d’attribution, les incohérences ou les corrections douteuses prolifèrent33. Un état des questions sur chaque atelier est urgent, pour assurer un nouveau point de référence.
17Le réexamen des vases, dans le but de vérifier ou approfondir certaines propositions de Trendall, doit passer tout d’abord par l’établissement d’une documentation photographique de détail, plus systématique, fournissant aussi au lecteur la possibilité de vérifier l’argumentation stylistique proposée. Il conviendrait, en outre, de revoir la cohérence des groupes en tenant compte de l’ensemble des variations qualitatives perceptibles sur chaque vase. Des collaborations encore insoupçonnées, reflétant l’organisation des ateliers, pourraient être décelées : plutôt que de considérer la face B d’un vase comme une facture rapide par le peintre de la face A, ne peut-on pas parfois la rattacher à d’autres peintres ?34 Une telle entreprise ne peut avoir lieu sans l’intégration du matériel inédit, même fragmentaire, et une mise en commun des résultats.
18Les fragments de Tarente mal contextualisés nécessiteront ainsi une attention particulière sur le moindre détail, en particulier pour définir des mains – en l’absence de traits de composition –, pour les intégrer au mieux dans une nouvelle articulation de groupes stylistiques. L’état fragmentaire du matériel en question signale aussi les limites de l’attribution : il faut parfois avoir l’honnêteté de reconnaître qu’il est impossible d’assigner certaines pièces à des peintres précis, et qu’il est donc impossible de les attribuer à une phase particulière35. De même, dans le travail de première sélection des fragments, la tentation de se limiter uniquement aux mains reconnues par Trendall est grande.
19Dans le cadre de notre travail sur le Peintre de la Naissance de Dionysos, une tentative d’analyse stylistique par le biais des esquisses, pour différencier le partage des tâches sur un même vase, n’a pas vraiment porté ses fruits : la main de l’“esquisseur” est-elle différente parfois de celle du “finisseur” ? Y a-t-il plusieurs peintres ? Relever les traces infimes laissées par les esquisses est un exercice difficile qui ne fournit que peu de résultats : la seule caractérisation que l’on peut déceler est la différence de concentration de traits d’un peintre à l’autre. Cependant, l’observation attentive de la différenciation des mains et des variations qualitatives sur tous ses vases a pu montrer que l’atelier possédait une organisation déjà très articulée. Par exemple, sur le vase éponyme36, nous serions enclin à reconnaître plusieurs mains. Nous croyons avoir décelé une répartition des tâches entre les représentations principales et celles du col, ainsi qu’entre les ornementations accessoires et les principales. Certains visages pourraient même avoir été terminés par une autre main que celle du Peintre de la Naissance de Dionysos37.
20Dans le cadre de l’organisation des ateliers, nous nous bornerons à relever le peu d’intérêt porté aux questions relatives aux potiers : l’absence de signatures et la rareté des dessins de profils dans les publications expliquent peut-être cette situation.
Contexte et chronologie
21Si le style peut paraître un bon moyen d’effectuer des regroupements autour de noyaux relativement cohérents, il est ensuite plus difficile de les situer dans le temps, les uns par rapport aux autres, ou dans une chronologie absolue. L’association du matériel figuré avec d’autres catégories d’objets, dans des ensembles clos comme les tombes, pourrait constituer la solution en vue d’une datation plus précise. Dans les ensembles archéologiques, la confrontation, pour certains vases figurés, des dates données par le style, révèlent des écarts chronologiques qui peuvent atteindre près d’un siècle : c’est le cas de tombes de Gravina in Puglia38, dans des contextes dont l’intégrité semble pourtant assurée. Ce qui frappe, c’est l’écart chronologique non entre vases attiques et italiotes, mais entre vases italiotes datés selon la méthode stylistique de Trendall39. La présence de dépôts funéraires successifs ne peut chaque fois être invoquée pour expliquer un tel écart : ne s’agit-il pas là d’un problème dû à la datation stylistique ?
22Si la classification de Trendall reflète effectivement une certaine “hétérogénéité” des manifestations artisanales initiales, qui, petit à petit, ont abouti à la formation d’un style “homogène”, le style, à notre avis, ne peut être utilisé comme critère chronologique fiable, puisqu’il n’est pas “linéaire”40. Il caractérise la diversité du début d’une production, dont la diffusion se fait progressivement et ne se manifeste pas partout de la même manière. Par contre, si cette hétérogénéité stylistique qu’on lit dans la classification est plutôt le résultat d’un manque de cohérence dans l’application de la méthode stylistique, il faut la vérifier par d’autres biais. Dans les deux cas, la contemporanéité ou postériorité/antériorité des groupes définis (peintres, ateliers) doit être vérifiée par une comparaison d’ensembles clos.
23L’hypothèse la plus probable est que les débuts de la production présentent en effet des variations qualitatives et quantitatives remarquables. À tel point que le terme largement répandu d’“école” – encore un problème de terminologie – a contribué à légitimer une notion qui semble très claire, mais qui n’est pas adaptée.
24Si, entre 450 et 370, les ensembles clos de Tarente ne sont pour l’instant pas en nombre suffisant pour établir une chronologie relative entre des groupes bien définis stylistiquement, il faut tenir compte des données venant des sites indigènes pour en préciser la datation.
25La démarche envisagée pour la chronologie est la suivante : une fois contrôlée et redéfinie l’homogénéité des regroupements du matériel italiote figuré de Tarente, grâce à un réexamen des attributions, il faut soumettre, dans le cas où les contextes sont connus, leur datation stylistique à une vérification basée sur le matériel associé. Dans les cas où aucune association n’est conservée, il faut prendre appui sur des contextes archéologiques clos d’autres sites contenant des vases figurés du même atelier, ou mieux, du même peintre, et vérifier la datation, toujours grâce au matériel associé. Dans ce cadre, il faut cependant encore tenir compte de plusieurs paramètres.
26Tout d’abord, ne considérer la céramique “proto-italiote” que si elle est associée à de la céramique attique dans un ensemble clos est trop limitatif, puisque cette dernière n’est pas toujours attestée et comporte parfois des décalages chronologiques par rapport à la première. La nature même du rapport, dans un contexte, entre vase attique et proto-italiote n’est pas facile à préciser : modèle, complément, élément thésaurisé ? Les éléments tirés des considérations stylistiques, dans la comparaison des deux (même sans être associés dans un même ensemble), ne sont pas toujours significatifs non plus pour la datation (et créent une double dépendance), mais restent des indices appréciables. Dans certaines tombes indigènes ou tarentines, on constate la présence de lots entiers de vases italiotes provenant du même atelier, ou du même peintre. L’association, dans un même ensemble clos, entre des vases italiotes provenant d’ateliers différents devrait également être confrontée attentivement : outre un rapport chronologique, n’indique-t-elle pas parfois un certain “rapport de production” (même lieu de fabrication), que ne peut indiquer une comparaison stylistique ? On ne rencontre, par exemple, que très rarement des vases de dimensions moyennes de céramique proto-apulienne associés avec de la céramique proto-lucanienne de même type, mais plus souvent des petits vases du très large “Groupe Intermédiaire” (dont on situe parfois le centre de production à Tarente)41. Ce rapport est d’autant plus intéressant s’il coïncide effectivement avec les mêmes aires de diffusion.
27En outre, et j’insiste sur ce point, une sériation de tombes des nécropoles indigènes suffisamment riches en céramique proto-italiote pourrait fournir une chronologie relative à ces groupes stylistiques bien définis à Tarente, mais mal datés. Ce travail comparatif nécessiterait cependant l’établissement d’une typologie du mobilier associé et l’application d’une analyse de correspondance telle que la propose D. Graepler pour Tarente. La confrontation, ensuite, avec les résultats déjà obtenus pour la colonie, recoupant le IVe siècle, pourrait être décisive. L’état des publications et des connaissances sur ces catégories associées (souvent déjà datées par la céramique figurée), reste cependant un obstacle majeur pour le traitement des données des sites indigènes. Une analyse de correspondance est, de plus, difficile à réaliser sur le sites indigènes, puisque les conditions nécessaires pour de bons résultats ne sont pas entièrement réunies : il faut notamment que le rituel funéraire soit codifié sur une longue période. On pourrait cependant imaginer une alternative à telle application, tout en gardant l’idée directrice d’une analyse croisée de chronotypes. Dans tous les cas, un examen, par site, du développement et de la combinaison du mobilier funéraire reste indispensable. Dans cette perspective, la qualité de la documentation de fouilles joue un rôle essentiel, notamment dans la détermination d’éventuels dépôts successifs42. En outre, la mise en relation avec la datation d’autres contextes d’habitat (par ex. Thourioi ou Monte Sannace) permettrait de définir, pour autant qu’une méthode de quantification adaptée ait été utilisée, des éléments de véritables horizons chronologiques43.
28Dans la perspective de ma recherche, mon intention est, premièrement, de réexaminer les problèmes chronologiques en créant un grand complexe (théorique il est vrai), composé de tous les ensembles archéologiques comportant du matériel figuré de même groupe stylistique et dont la typologie des ensembles associés permettrait d’établir une relation chronologique : la modalité de cette comparaison pourrait être effectuée grâce à une sorte d’analyse de correspondance. Deuxièmement, dans la perspective de l’étude du rituel funéraire, tous les ensembles de chaque nécropole – et les autres ensembles archéologiques – devraient être pris en compte par site pour résoudre les problèmes liés à leur signification.
29En l’absence d’un réexamen systématique intégrant les nouvelles données (fouilles, publications, marché), il paraît prématuré de reconsidérer les dates proposées par Trendall, qui, peut-être, seront même confirmées par cette analyse.
Contextes, ateliers et centres de production
30Après une première enquête centrée sur les attestations d’ateliers et la chronologie, l’examen des ensembles archéologiques de Tarente contribue à repérer le matériel lié à la production. La question de Tarente comme centre de production de la céramique figurée est en effet fondamentale dans la tentative de définition de la céramique “apulienne”.
31La céramique “proto-apulienne” est-elle donc “tarentine”44 ? Nous ne disposons encore aujourd’hui, d’aucune preuve sur le terrain. Les critères stylistiques et iconographiques, quant à eux, ne sont pas décisifs. Seule une enquête sur les provenances exactes et une analyse d’argile pourront élargir une problématique qui s’est cristallisée autour de critères peu scientifiques. Les premières analyses chimiques effectuées par E.G.D. Robinson ont, dans une certaine mesure, confirmé la proximité stylistique du “proto-lucanien” et “proto-apulien” par leurs affinités techniques – caractéristiques importantes pour la localisation des ateliers –, mais ont aussi révélé des différences au sein des premiers ateliers apuliens situés traditionnellement à Tarente. Si la quantité d’échantillons recueillis pour ce premier projet n’est pas encore suffisante, des différences sont apparues entre le Peintre de Tarporley et le Peintre de Sydney 71, associés dans le chapitre 3 de RVAp I, ou encore avec le Peintre de Sarpédon45. L’interprétation de tels résultats est délicate et peut impliquer toutes sortes de considérations (différences de techniques, mélange d’argile au sein d’un même atelier). L’élargissement de ce programme d’analyse à du matériel dont les provenances sont connues, permettra peut-être de fournir certains indices supplémentaires sur les lieux de production.
32Si l’on tient compte de l’hétérogénéité de style que propose Trendall pour les premières phases, il faudrait admettre que l’on n’est pas en présence d’une “école”, mais bien de différents petits ateliers et de différents petits centres de production. Si certains vases, par ex. du Groupe Intermédiaire ou du Peintre de la Naissance de Dionysos, ont effectivement été produits au même moment et sur le même site, le style et la typologie des formes ne sont d’aucun recours, puisqu’il n’y a aucun point de comparaison possible : l’association de vases des deux groupes dans des ensembles archéologiques et leur affinités techniques sont donc déterminantes.
33Dans cette perspective, un examen des contextes de fouilles liés à la production et de leur localisation sur le site peut apporter des éléments de réponses. On a cru repérer, récemment, certains ratés de cuisson de céramique à figures rouges dans le complexe productif de la via Leonida 5246. Après un premier examen du matériel, aucun argument en faveur de cette hypothèse ne s’avère décisif. Ce complexe artisanal, dont l’occupation dure du Ve au IIIe siècle, atteste clairement une production de céramique à vernis noir et de céramique commune. Mais il a également restitué une série de skyphoi à figures rouges italiotes en quantité réduite. Ce matériel, en cours d’étude, n’est pas comparable à celui du Céramique de Métaponte. Nous sommes en présence d’une centaine de fragments, dont un petit nombre seulement est assignable à des mains toutes différentes : indice qu’un seul potier fournissait plusieurs peintres ? On ne dispose que de quelques spécimens fissurés (fig. 7-8)47, d’autres mal cuits48. On trouve deux exemples d’éventuels testeurs (fig. 9-10)49, qui ne portent cependant, sur la partie brisée, aucun vernis, contrairement aux exemples de Métaponte. L’attribution de ces fragments n’est pas encore définie avec précision et l’énorme unité stratigraphique dans laquelle se trouvait le matériel demande une analyse de détail. Un seul fragment, provenant de l’Arsenal militaire, difficile à attribuer (mais en apparence plus tardif), pourrait fournir la preuve d’une activité de peintres dans cette zone (fig. 11)50. Quelques autres ensembles ont révélé des supports de cuisson associés à du matériel figuré, dont certains types sont comparables à ceux retrouvés au Céramique de Métaponte : il s’agit d’une série de différentes dimensions comportant l’inscription AY- ou ΛϒKΩNOΣ – encore très discutée, mais qui pourrait être le nom du propriétaire d’un atelier –, associés notamment avec un fragment du Cercle du Peintre de la Naissance de Dionysos, mais qui, après une analyse attentive, n’est clairement pas un raté de cuisson51.
34La localisation des ateliers à Tarente reste hypothétique : ils pourraient se situer là où a été découverte la majeure partie des structures de production et les fours52. Les ensembles inédits provenant des zones à caractère artisanal de piazza Marconi et de l’Ospedale Civile mériteraient ainsi une recherche plus systématique et détaillée. Certains contextes de ce type sont en revanche excentrés, à l’intérieur de la nécropole53. A l’instar de la production de terres cuites, on pourrait être en présence de plusieurs noyaux productifs, situés en des endroits différents de la cité, et non d’un quartier artisanal “fermé”, type Céramique (ce que reflète l’homogénéité des styles de tradition lucanienne ou athénienne). Certains seulement constitueraient une véritable “tradition tarentine” (par hypothèse, du Peintre de la Danseuse de Berlin au Peintre de la Naissance de Dionysos), produisant des vases de moyennes et grandes dimensions, destinés en partie, mais pas exclusivement, aux indigènes et ayant une structure d’organisation complexe ; les autres, liés à des besoins locaux relatifs à l’usage quotidien ou au culte des morts, constituant une production de vases de moyennes et petites dimensions, en rapport, pour une certaine période, avec la tradition "lucanienne” (Groupe Intermédiaire ?). Cette hypothèse un peu schématique dépend d’une analyse stylistique et morphologique qui ne peut, comme je l’ai déjà dit, établir concrètement un lien entre les deux groupes. Les complexes de productions connus, comme le Céramique de Métaponte ou la via Leonida 52 à Tarente, montrent cependant que plusieurs catégories de vases de toutes dimensions y étaient produites conjointement.
35On peut relever que la recherche sur l’inventaire de Tarente révèle quantitativement de plus en plus de matériel proto-lucanien ; lorsqu’il est proto-apulien, il appartient à ce qu’on appelle traditionnellement le “Style Simple”. Les toutes premières générations apuliennes sont donc toujours peu représentées, en particulier le Peintre de Sisyphe : c’est seulement la troisième génération de peintres apuliens (des fragments assignables aux Peintres de Truro et Hoppin sont toujours plus nombreux) qui semble avoir supplanté les peintres lucaniens.
36La question de la tradition technique de Tarente par rapport à celle d’Athènes est difficile à formuler. Quel est le rapport entre peintres attiques et “apuliens”, et, sur le même site, entre vases attiques et italiotes54 ? Les premiers sont-ils remplacés systématiquement par les seconds ? L’influence attique est perceptible dans la composition et le répertoire, mais aussi du point de vue technique. Un fragment du Groupe des Argonautes illustre cette ambivalence très concrètement dans la comparaison de deux figures : l’une très ‘‘attique” dans le rendu des muscles et des cheveux (fig. 12), l’autre, plus proche de l’esprit italiote (fig. 13)55. La question reste posée : qui étaient les premiers peintres apuliens ? M. Denoyelle a relevé que les inscriptions sont en dorien sur certains vases du Peintre de la Danseuse de Berlin. Ce dernier n’était probablement pas attique56. L’utilisation d’inscriptions semble avoir été plus courante initialement dans la céramique apulienne que dans la lucanienne. Elles nécessiteraient une attention plus systématique puisqu’elles amènent des informations de nature très diverse : une amphore inscrite du Peintre de Hearst semble avoir été consacrée dans un sanctuaire57.
Contexte/diffusion et forme/fonction
37Toujours dans le but de définir les débuts de cette céramique, les aires de diffusion nécessitent une recherche approfondie, par peintres, par formes, pour permettre de comprendre les différences entre la colonie, sa chôra et les sites indigènes58. Dans l’évaluation des diffusions, il faut être aussi attentif au déséquilibre que créent des sites mieux documentés et particulièrement riches, comme Rutigliano ; la provenance n’est pas le seul argument déterminant dans la localisation des ateliers.
38D’une large diffusion qui a suivi les importations attiques (accompagnant les vases dont ils s’inspirent ?), la céramique proto-apulienne s’est, semble-t-il, limitée à une aire correspondant à la Peucétie et à Tarente, sans jamais perturber le marché “lucanien” du territoire de Métaponte. D’un peintre à l’autre, les données de découverte sont très inégales : en ce qui concerne le Peintre de Tarporley, on ne connaît que très peu de provenances par rapport à la quantité de vases répertoriés. On s’étonnera, par comparaison, du nombre important de vases du Peintre de Hearst qui ont gardé un contexte archéologique précis, en particulier dans des zones d’habitat. Certains sont attestés dans la stratigraphie de Thourioi59, dans l’habitat d’Himère60, mais aussi en Messapie61 et peut-être en Campanie62. La majorité de ses vases provient cependant de Tarente63. Il a peint presque uniquement des cratères en cloche ou en calice et seules quelques amphores lui sont attribuées.
39La céramique proto-apulienne se caractérise dès les premières générations par sa clientèle grecque et indigène, cette dernière semblant être le principal moteur de son développement. Les différences dans le choix des formes se révèle dans la comparaison entre Tarente et les sites indigènes. Dans la colonie, on constate la nette prédominance du cratère, notamment en calice ou en cloche, dont la fonction de sêma n’est pas exclusive64 : la monumentalisation rapide du cratère en calice et la concentration importante de représentations mythologiques sur un tel support sont frappantes. Les skyphoi à fond percé sont parfois nombreux dans certains contextes : leur utilisation pour des libations ne fait que peu de doute65. La rareté du cratère à volutes à Tarente mérite d’être soulignée. Un exemplaire fameux, qui montre le rapt du Palladion, découvert dans la zone où était concentrée une bonne partie des fours et associé avec des séparateurs de cuisson, est peut-être un résidu de production66.
40Les vases les plus élaborés sont, semble-t-il, destinés aux sites indigènes, avec une prédilection pour les scènes mythologiques67. La diversité des formes sur ces mêmes sites est significative de l’importance du débouché de ce marché, dès les premiers ateliers italiotes. Dans les ensembles funéraires, le rapport entre formes et sexe ou statut social du défunt doit faire l’objet d’une attention particulière, en milieu indigène surtout. A ce jour, très peu d’analyses anthropologiques ont été effectuées et les spéculations sur l’identité du défunt à partir des offrandes funéraires ou l’iconographie prêtent souvent à confusion68.
Contexte, iconographie, iconologie
41Parallèlement à la récupération et à la vérification systématique des provenances des vases69, un travail de synthèse sur l’iconographie doit être mené. Bon nombre d’images restent encore énigmatiques, n’ayant fait l’objet d’aucune étude spécifique. L’identification des scènes sur des fragments demande un effort considérable, car les textes ne permettent pas toujours de les comprendre. L’importance de la tradition iconographique dans le travail des premiers artisans italiotes, que reflètent la diversité du style et une utilisation très “mécanique” des schémas70, mais d’emblée pourvus d’éléments originaux, ne fait aucun doute. L’étude du début de la production nécessite donc une approche spécifique qui ne perde pas de vue les questions du style et des contextes : se dégageront peu à peu les facteurs qui ont contribué à son orientation essentiellement – mais non exclusivement – funéraire au siècle suivant. Les changements de la deuxième moitié du IVe siècle, qui touchent les centres de productions, la clientèle, la fonction des vases, le choix des images et le statut des artisans requièrent une étude appropriée, qui s’écarte sensiblement de la problématique des origines des ateliers.
42Depuis la thèse de J.-M. Moret, la réflexion iconographique sur la céramique italiote n’a pas beaucoup avancé71. La prise en compte de la conjoncture archéologique et du cadre culturel spécifique s’avèrent aujourd’hui un élargissement méthodologique appréciable, qui permettra peut-être de résoudre certaines difficultés dans l’interprétation des images. L’étude de l’expérimentation ou des solutions iconographiques originales par rapport à la céramique attique sont importantes, comme l’ont montré E. Mugione et A. Pontrandolfo. Les mêmes auteurs ont aussi mis en évidence la nécessité de confronter strictement le répertoire iconographique à la diffusion pour mieux définir la production72.
43Il faut cependant rester prudent dans l’analyse de filiation. Dans l’étude de l’atelier du Peintre de la Naissance de Dionysos, la diffusion de certains motifs, par exemple du Centaure mordant la tête d’un Lapithe, avait mis Trendall sur la voie d’un même créateur et atelier (fig. 14) : tous les vases ne sont cependant pas de la même main et aucun des schémas iconographiques n’est strictement semblable. Un fragment provenant de l’Arsenal militaire de Tarente, proche du Peintre de Lycurgue, témoigne de la spontanéité et de l’indépendance dans la variation de ce même motif (fig. 15). Cette diffusion du motif n’indique donc pas véritablement une filiation. En outre, l’expérimentation des premiers peintres ne se résume pas seulement à un certain éclectisme en face de la tradition attique.
44H. Frielinghaus, dans un travail de thèse de Heidelberg sur la réception des scènes avec indigènes, propose une clé de lecture des images liée strictement au statut social du défunt, ce qui en soi n’est pas nouveau. Elle remarque cependant que cette fonction de l’image tend à limiter l’étendue du langage iconographique, les objets se bornant à caractériser les défunts73. Qu’en est-il ? Pour approfondir certaines questions iconographiques, la réflexion sur le fonctionnement des images semble essentielle. Au vu de l’hétérogénéité stylistique des premières manifestations de cette céramique, peut-on véritablement dégager une “iconologique”, telle qu’elle a pu être définie pour la céramique attique, dans un cadre culturel très bien défini74 ? Cette réflexion doit, dans tous les cas, inclure les scènes non-mythologiques, tenir compte des dynamiques internes de formation des images et prendre en considération les influences externes non-attiques75.
45L’interprétation dite “contextuelle” de l’image – contexte doit être entendu non dans ce seul sens de “provenance”, mais aussi dans l’acception plus étroite d’“ensemble archéologique” – doit être nuancée. La diversité de la conjoncture archéologique incite à la prudence : on possède aujourd’hui des ensembles d’habitats et de sanctuaires contenant de la céramique proto-italiote76, ce qui remet en question l’interprétation même des images dans un sens exclusivement funéraire. Dans le même souci de tenir compte de la conjoncture, peut-on vraiment donner une signification univoque à un épisode mythologique représenté respectivement sur de la céramique proto-apulienne et de l’Apulien tardif ? Certainement pas.
46Au sein de la céramique proto-italiote, la différence et la distribution observée dans la diffusion des formes sont soulignées par la spécificité de l’iconographie. En ce qui concerne les cratères, sur le site de Tarente, seuls les cratères en cloche et en calice portent des scènes mythologiques. Sur les sites indigènes (ex. Rutigliano), ces dernières apparaissent presque exclusivement sur les cratères à volutes, révélant des scènes aussi extraordinaires que celles des vases éponymes du Peintre de Gravina et de la Naissance de Dionysos. Dans le rituel funéraire, les formes italiotes semblent avoir remplacé celles des vases attiques et avoir assumé, pour une période en tout cas, la même fonction77.
47Dans une cité grecque comme Tarente, peut-on concrètement rendre compte de l’existence d’un répertoire et d’une "imagerie” propres à ce milieu78 ? Le choix des images se démarque-t-il par rapport aux sites indigènes, comme la spécificité des formes tendrait à nous l’indiquer ? La diffusion et la quantification des thèmes et schèmes pourraient apporter des éléments intéressants pour caractériser les spécificités de l’“imagerie” de chaque milieu, et, pourquoi pas, nous informer sur leur valeur idéologique (pour autant que les contextes soient comparables). L’hypothèse de la fonction de sêma d’une partie du matériel, bien que séduisante, ne doit pas amener une généralisation de cette interprétation. Et même si la conjoncture archéologique du support est connue, quelle est la portée de la représentation ? La clé de lecture est-elle sociale, généalogique, voire ethnique ? La lecture eschatologique est-elle complètement exclue ? A nouveau, le rapport entre le choix de la scène et le sexe du défunt est peut-être déterminant. Le problème de réception est donc primordial, pour autant que l’on ne se limite pas à des modèles interprétatifs trop rigides. Raccrocher les représentations à de maigres témoignages littéraires, dans une tradition d’interprétation “théâtralisante” ou encore “politisante”79, réduirait considérablement la perspective. Il faut procéder au cas par cas.
48Dans le jeu des contrastes entre colonies et sites hellénisés, certaines tombes indigènes de la fin du Ve siècle comportant de nombreux vases figurés ont été insuffisamment exploitées du point de vue iconographique : la recherche sur la cohérence des images – parler de programmatique au sens strict ne me paraît pas tout à fait adapté – me semble importante, à condition que l’intégrité de l’ensemble archéologique soit prouvée. De ce point de vue, aucune tentative d’interprétation n’a été effectuée, ou seulement dans des cas discutables. On peut rappeler la présentation ici-même d’A. Ciancio, qui propose de voir “un programme” dans la tombe de Gravina80, ce que semblent confirmer la présence de plusieurs vases du même atelier et certaines correspondances entre formes et représentations figurées.
49La tombe 24/1976 de Rutigliano peut illustrer l’ensemble des questions que j’ai évoquées81. L’impressionnante quantité de vases provenant du même atelier, et du même peintre, semble indiquer qu’il s’agit là d’une commande. Les huit vases attribués au Peintre de la Danseuse de Berlin (avec un cas douteux), dont trois comportent des scènes mythologiques insolites, semblent tous converger vers la caractérisation du défunt. L’armement très riche retrouvé dans la tombe confirme qu’il devait s’agir d’un guerrier. Sur une amphore, le départ pour l’expédition contre Thèbes d’Adraste (inscrit), sur un char, est unique dans la céramique italiote82 ; il tient une poignée de cheveux dans la main droite et une cuirasse dans l’autre, motifs déjà attestés au début du Ve siècle sur les vases attiques représentant le même épisode83. La mèche de cheveux pourrait préfigurer la mort des autres guerriers : Parthénopée, que l’on voit sur la céramique attique se couper des cheveux avant le départ de l’expédition, confie avant sa mort, dans la Thébaïde de Stace, une mèche qui sera portée à sa mère « à la place de son corps »84. Le combat lui-même est évoqué sur plusieurs vases montrant l’affrontement entre Grecs et Amazones85 ; Pélée (inscrit) combattant une Amazone est un unicum86. L’allusion culminante se trouve naturellement sur la pièce la plus imposante de l’ensemble, un cratère à volutes (le premier de la céramique apulienne !)87 : c’est l’évocation de la mort au combat, traitée de manière exceptionnelle au travers de la personnification de Thanatos qui vient couper une mèche de cheveux de Memnon – rappel évident du motif de l’amphore avec le départ d’Adraste, mais surtout la victoire d’Achille triomphant, auquel Niké apporte une couronne. Sur une oenochoé, le choix d’Héraclès aux Enfers n’est pas non plus innocent88. Le schéma du combat entre Guerrier et Amazone, utilisé très souvent par le Peintre de la Danseuse de Berlin89, semble créer le lien visuel entre trois vases du contexte. L’inscription vient d’ailleurs souvent compenser la difficulté de varier les schémas. L’Amazone Andromaque, nom fréquent sur les vases attiques, affronte sur les vases du peintre une fois Télamon et une fois Thésée. Le reste des vases du même ensemble comporte des “scènes de genre” (qu’il soient proto-apuliens ou - lucaniens), qui, juxtaposées avec les images mythologiques, semblent souligner la réalité du lien entre l’exemplarité du mythe et le statut du défunt : une Niké apporte une bandelette de la victoire à un homme nu sur une hydrie90, ou une femme fait face à un jeune homme qui tient un thyrse sur une autre hydrie91. Un cratère, dont l’interprétation semble ambiguë, permet d’effectuer le passage entre les deux sphères : Hermès lui-même assiste à une scène d’armement de guerrier92. La signification allégorique ou l’actualisation produite par la juxtaposition de scènes mythologiques et de scènes “à la tombe” sur le même support vasculaire, proposée récemment par L. Giuliani pour la céramique apulienne plus tardive (ex. du mythe de Niobé), ne prendrait-elle pas naissance dans ces grands complexes funéraires aristocratiques indigènes, où les images de divers vases sont combinées pour créer un ensemble cohérent du point de vue de leur signification93 ?
50Cette tentative de lecture de la tombe de Rutigliano permet-elle de dire que les premiers vases apuliens étaient destinés à un usage exclusivement funéraire pour les indigènes, alors qu’ils assumaient, dans la colonie, des fonctions bien diversifiées ? Ce serait là schématiser une situation bien plus complexe, qui nécessite une confrontation stricte avec les données fournies par l’habitat et les nécropoles des sites coloniaux et indigènes.
Conclusion
51Ce tour d’horizon suffit à montrer l’étendue des questions que soulève mon projet de recherche et les grandes lignes d’un travail qui ne pourra probablement développer qu’une partie de cette vaste problématique. Le retour à un examen concret des objets et de leur contexte, leur publication restent une étape incontournable vers une nouvelle construction “post-trendallienne”. La lenteur de la diffusion des informations reste malheureusement un obstacle majeur qu’il faut à tout prix écarter. A l’instar de l’éclectisme des premiers peintres italiotes, la recherche sur la céramique figurée doit intégrer toutes les méthodes possibles, et, dans ce but, dépasser les barrières académiques traditionnelles au profit d’un échange scientifique plus actif. Cette collaboration est le plus bel hommage qu’on puisse faire à deux chercheurs aujourd’hui disparus qui font figure d’exemple par leur ouverture d’esprit, Arthur Dale Trendall et Christian Aellen.
Bibliographie
Abréviations bibliographiques
Ciancio 1997 : Silbíon. Una città fra Greci e indigeni, Bari, 1997.
Graepler 1997 : D. Graepler, Tonfiguren im Grab. Fundkontexte hellenistischer Terrakotten aus der Nekropole von Tarent, Munich, 1997.
Annexe
Annexe
Proposition de regroupement provisoire de “mains” d’une partie du chapitre 2 de RVAp I, p. 28-43 + Suppl. 1 et II. Par commodité, nous avons “baptisé” les noyaux stylistiques (entre “”) et nous faisons également figurer les contextes de fouilles exacts.
ND Peintre de la Naissance de Dionysos
GND Groupe du Peintre de la Naissance de Dionysos
GR Peintre de Gravina (= Peintre d’Ariane ?)
AR “Peintre des Argonautes de Tarente”
KY “Peintre de Cycnos”
HE “Peintre d’Hélios”
GO “Peintre du Gorgôneion de Tarente”
CE “Peintre du Cerf” (= Gr. du Peintre de Policoro)
FN Peintre de la Furie Noire
SA Peintre de Sarpédon
GSA Groupe de Sarpédon
Notes de bas de page
1 J’aimerais remercier ici Martine Denoyelle, Claude Pouzadoux et Jean-Marc Moret pour leur lecture attentive et leurs remarques. Toute ma gratitude va également à G. Andreassi, A. Dell’Aglio et E. Lippolis, sans qui cette recherche ne serait pas possible.
2 Dans ce terme, “contexte” englobe ses acceptions les plus diverses (ensemble archéologique mais aussi cadre culturel).
3 D. Fontannaz, Le Peintre de la Naissance de Dionysos : recherches sur un atelier de céramique proto-apulienne, mémoire de licence, Lausanne, 1996. Nous espérons pouvoir prochainement publier ce travail et la documentation dont nous donnons ici un aperçu.
4 Nous renvoyons ici aux nombreux catalogues du musée archéologique de Tarente, en particulier celui qui contient une partie des ensembles de céramique proto-italiote : Atleti e guerrieri 1997. Sur les travaux de l’Université de Heidelberg : Graepler 1997. Encore inédit : A. Hoffmann, Tod in Tarent, diss. Heidelberg, 2000. N’ayant pas pu consulter ce dernier travail nous renvoyons à la contribution de l’auteur dans ce même volume.
5 Cette méthode combinant analyse des types et analyse de correspondance a été utilisée pour sérier les tombes contenant des terres cuites : Graepler 1997, p. 67-104.
6 Les résultats sur la chronologie s’avèrent sans appel pour la céramique de Gnathia. Les auteurs constatent un siècle de différence par rapport aux propositions stylistiques : S. Fozzer, La ceramica sovraddipinta e la documentazione della necropoli di Taranto, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 325-334 ; Graepler 1997, p. 53-60.
7 Rappelons l’attention portée déjà depuis plusieurs années à la céramique italiote dans une situation culturelle spécifique par A. Pontrandolfo et A. Rouveret : Tombe dipinte 1992.
8 Sur le projet TARAPLAN, lancé dans la fin des années 80 : Graepler 1997, p. 30.
9 E. Lippolis, Il problema topografico, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 52.
10 Tombe de via Dante angle via Mezzocapo (actuelle via Minniti), août 1934. Atleti e guerrieri 1997, ensemble no 125.
11 Tombe la, Contr. Carceri Vecchie, février 1943, qui contenait une péliké du Peintre de Tarporley (I.G. 54958, RVAp I, 3/50, p. 52) ; Tombe 2, Rione Italia, via Giovine, 22.12.1955 (Atleti e guerrieri 1997, no 158), qui contenait une péliké du Peintre de Klejman (RVAp I, 3/66, p. 56).
12 Sur une synthèse du développement urbanistique : E. Lippolis, Il problema topografico, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 41-66.
13 Sur le problème de la documentation de Tarente, voir A. Dell’Aglio, La documentazione d’archivio e la bibliografia, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 15-17. Voir aussi Graepler 1997, p. 23-30.
14 On citera comme exemple le puits 111, 4.08.1952, via G. Giovine, propr. De Zullio, qui contenait, associés aux fragments du “Peintre des Argonautes de Tarente” (cf. annexe), de nombreux fragments proto-italiotes ne dépassant apparemment pas le deuxième quart du IVe siècle : on relèvera parmi d’autres le cratère I.G. 52230 (RVAp I, 2/25, p. 39) ainsi que huit autres fragments de cratères apuliens ou lucaniens (I.G. 54944, 54947, 54948, 54951, 54952, 54953, 54954, 54955) et un skyphos de grandes dimensions du Peintre de Palerme (I.G. 52229), LCS, no 276, p. 53.
15 Voir Atleti e guerrieri 1997, ensemble 125, et vase no 125.8, p. 352. Il s’agit d’un cratère en calice posé sur une tombe à chambre.
16 On citera le contexte inédit de Corso Italia, fouilles SIP, puits 2, 3.02.1992, contenant un nombre important de skyphoi percés de la même manière. A. Dell’Aglio, dans Notiziario, 1991-92, p. 308-309. Sur les différents types de dépôts de céramique observés hors de la tombe dans la nécropole de Pizzica-Pantanello (notamment les sêmata et les skyphoi percés) : J. C. Carter, The chora of Metaponto. The necropoleis I, Austin, 1998, p. 115-142.
17 Voir l’exemple cité par E. Lippolis des fouilles du Tribunal, Corso Italia, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 55-58.
18 Quelques fragments de l’Arsenal ont été publiés par V. Macchioro et G. Bendinelli, Spigolature vascolari nel museo di Taranto, Neapolis, 1, fasc. 2, 1912, p. 132-141. Un fragment en particulier, publié par G. Bendinelli peu après sa découverte (Un frammento di cratere da Taranto con rappresentazione degli Inferi, dans Ausonia, 7, 1912, p. 109-1 15), se trouve aujourd’hui à l’Allard Pierson Museum d’Amsterdam. Une bonne partie de cette collection néerlandaise de vases apuliens doit provenir de l’Arsenal militaire (peut-être même le fameux fragment représentant Apollon dans son temple par le Peintre de la Naissance de Dionysos : Amsterdam 2579, RVAp. I, 2/10, p. 35). Une étude du matériel inédit de l’Arsenal est en cours. Un plan et quelques photos de la zone sont conservés, mais on ne trouve aucune indication précise dans les journaux de fouilles conservés au musée de Tarente : cf. E. Lippolis, dans Taras, I, 1, 1981, tav. XXXIV, p. 100-101 et note 126.
19 Graepler 1997, p. 55-58.
20 Les critiques d’un attributionnisme trop strict sont de plus en plus nombreuses : E. Lippolis, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 11-12 ; A. Pontrandolfo, dans Céramique et peinture grecques 1999, p. 269-271.
21 Pour les premières apparitions du terme : A. Furtwängler, Meisterwerke der griechischen Plastik, Berlin-Leipzig, 1 893, qui utilise le terme « frühunteritalisch », p. 150. Ou encore l’article fondateur de N. Moon, Sonie Early South Italian Vase Painters, dans PBSR, 11, 1929, p. 30-49. Sur cette définition de A. D. Trendall, Early South Italian Vase-Painting, Mayence, 1974 ; et RVAp I, p. 3-4. En contraste, la récente mise au point d’E. Lippolis, Lo stile proto-apulo e apulo antico e medio, dans Arte e artigianato 1996, p. 377-393.
22 E. M. De Juins, Gli Iapigi, Milan, 1988, p. 103. Sur l’historique du développement du terme “apulien” : E. Lippolis, La ceramica a figure rosse italiota, dans Arte e artigianato 1996, p. 357-361.
23 Pour les phases chronologiques déterminées par Trendall : RVAp I et II. Revisité par E. Lippolis, Lo stile proto-apulo e apulo antico e medio, dans Arte e artigianato 1996, p. 377-393. L’auteur indique qu’il suit une tradition de quatre phases de la production (p. 377), alors que trois phases seulement sont en général reconnues.
24 Le parallélisme est proposé par M. Denovelle, Attic or non-Attic ? : The Case of the Pisticci Painter, dans Athenian Potters and Painters. The Conference Proceedings (International Conference held at the Amercian School of Classical Studies at Athens, December 1-4, 1994), Oxford, 1997, p. 402-403.
25 Les visages du cratère à volutes éponyme de Tarente (I.G. 8264, RVAp I, 2/6, p. 35 ; ici, fig. 2) sont très proches de ceux du cratère en calice d’Amsterdam (inv. 2579, RVAp I, 2/10, p. 35 ; ici, fig. 1). En comparaison, les détails du cratère à volutes de Bruxelles (A 1018, RVAp I, 2/9, p.35-36 ; ici, fig. 4) et du cratère de Naples (H 2411, inv. 82922, RVAp I, 2/8, p. 35 ; ici fig. 3), censés être d’une même main “tardive”, sont tous deux d’auteur différent. L’historique de la recherche confirme qu’ils ont toujours été séparés. La documentation de détail montre que seuls 5 vases sur 9 sont certainement de la main du Peintre de la Naissance de Dionysos (voir annexe, sous ND1-5). L’unité de cette attribution a déjà été remise en question : A. D’Amicis, dans Vecchi scavi. Nuovi restauri, Tarente, 1991, p. 145.
26 Ces deux fragments d’amphore, l’un à Tarente (fig. 5, inv. 12566), l’autre à Amsterdam (fig. 6, inv. 3525b), recollent, comme l’avait remarqué Madelon Vitterholt dans un travail de mémoire sur le matériel de l’Allard Pierson d’Amsterdam : vroeg-Apulische Ornate-vazen, diss. Amsterdam, 1988.
27 E. Mugione, Pluralità di tradizioni nella ceramica italiota, dans Céramique et peinture grecques 1999, p. 316-317. M. Denoyelle, Iconographie et personnalité artistique dans la céramique proto-italiote, dans Modi e funzioni del racconto mitico nella ceramica greca italiota ed etrusca, dal VI al IV sec. a.C., Atti del convegno internazionale di Raito di Vietri sul Mare, 29-31 maggio 1994, Salerne, 1995, p. 87-101, plus particulièrement la note 3.
28 Sur ce peintre, voir E. Mugione, dans Céramique et peinture grecques 1999, p. 318. Nous rappelons ici les problèmes liés au Peintre d’Ariane, qui présente de fortes analogies avec le Peintre de Gravina. Il faut comparer les profils des personnages du stamnos de Boston 00.349 (RVAp I, 1/104, p. 23-24) avec ceux du cratère à volutes de Gravina (RVAp I 2/1, p. 32 ; Ciancio 1997, p. 94-100).
29 Citons le cratère en cloche du Peintre de Truro (A. D. Trendall, Two vases by the Truro Painter in a Melbourne Private Collection, dans Travaux du Centre d’Archéologie Méditerranéenne de l’Académie polonaise des Sciences (Etudes et Travaux, XV), Varsovie, 1990, p. 428-435, plus particulièrement p. 428), comportant une scène avec Thésée dans une composition complexe et des ajouts de rehaut blanc qu’on placerait volontiers dans le “Style Orné” : on ne peut donc pas catégoriser ainsi.
30 Un cratère de Milan (coll. Moretti), en particulier, qui comporte une scène phlyaque sur une face et une scène de “drame satyrique” sur l’autre, n’avait été pris en considération que dans le Phlyax Vases (Londres, 19672, no 42), puis réintégré seulement beaucoup plus tard dans RVAp Suppl. II (1/123, p. 7), sous le Peintre du Chorège. Le visage d’Héraclès sur la face “satyrique” rappelle pourtant fortement la main du Peintre de la Naissance de Dionysos.
31 Par ex., le cratère en calice de Tarente I.G. 106581 (RVAp I, 2/19, p. 38), découvert dans la fonction de sêma, a été complètement restauré : toute attribution s’avère impossible. Le petit lécythe de la tombe associée suggère une datation plus tardive : Atleti e guerrieri 1997, ensemble no 162, p. 387-389.
32 Sur les perspectives d’ouverture de la recherche après Beazley : Vasenforschung nach Beazley. Bericht vom Symposion des Deutschen Archäologen-Verbandes, Tübingen 24-26.11. 1978, Mayence, 1979.
33 On relèvera ainsi un nombre important d’attributions inexactes au Peintre de la Naissance de Dionysos ou à son cercle, signe de la difficulté du regroupement. Attribué par erreur au peintre lui-même : H.C. 1319 dans le catalogue des fragments Cahn (A. Cambitoglou et J. Chamay Céramique de Grande-Grèce. La collection de fragments Herbert A. Cahn, Genève/Kilchberg, 1997, no 24, p. 70-71). Attribués à son cercle : cratère de la collection Cahn H.C. 1339A (ibidem, no 28, p. 80-81) qui appartient pourtant clairement au Groupe de Hoppin et Truro. L’attribution du cratère en cloche de Gravina MA 6236 à ce même cercle semble également bien improbable (Ciancio 1997, p. 235-236 et 114-115, fig. 144-145).
34 La face B du cratère à volutes de Genève HR 193 (RVAp Suppl. II, 2/9a, p. 10) semble d’une main différente de la face A (ce que souligne aussi la différence de l’ornementation secondaire sous les scènes de la panse) et pourrait correspondre à celle de la face B du cratère en calice de Tarente I.G. 4600 (RVAp I, 2/11, p. 36). Le nombre limité d’exemples ne permet pas d’identifier avec certitude ce peintre : on remarque cependant des similitudes dans le profil des visages avec le cratère à volutes de Ruvo J 1499 (GND6 dans notre annexe), mais placé par Trendall dans le chapitre 7 de RVAp I, no 33, p. 169.
35 Exemple de classification “à tout prix” chez A. Cambitoglou et J. Chamay, op. cit. à la note 33, no 63, p. 59 où un pied sur un fragment est attribué au Peintre de Felton.
36 Tarente I.G. 8264. RVAp I, 2/6, p. 35.
37 On peut ainsi comparer les visages de trois quarts de la face principale avec celui d’une Amazone à cheval sur la face secondaire : comparer chez A. D’Amicis, dans Vecchi scavi. Nuovi restauri, Tarente, 1991, les fig. de la page 141 avec celle de la p. 145.
38 Tombe 1, propriété Femmte, 1.5-10.6.1974 (Ciancio 1997, p. 181-186) ; tombe 1, propriété Angelotti 1.07.1975 (F. G. Lo Porto, Atti Taranto 1975, Naples, 1976, p. 641).
39 Dans la tombe 1 de Gravina, propr. Angelotti, 1.07.1975, on constate l’association de deux hydries : la première est attribuée au Peintre de Sisyphe (dont Trendall situe l’activité entre 420 et 390) et l’autre au Peintre d’Eton Nika (entre 380 et 365). L’écart chronologique maximal entre ces vases pourrait être de plus de 60 ans.
40 Sur la difficulté d’établir le développement des changements stylistiques : Graepler 1997, p. 69 et n. 116.
41 On citera par exemple la tombe 11/1976 de Rutigliano, comportant un lécythe du Peintre d’Amykos reconnu par K. Mannino, un cratère du Peintre de la Danseuse de Berlin et un cratère à volutes du Peintre de Pélée : publié dans Arte e artigianato 1996, ensemble no 348, p. 408-411.
42 On citera la tombe 102/1979 de Rutigliano, où se côtoient un cratère du Peintre de la Danseuse de Berlin et du matériel plus tardif : le journal de fouilles indique que le cratère vient d’un premier dépôt funéraire. Voir E. M. De Juliis, dans AttiTaranto 1979, Tarente, 1980, p. 437-439, pl. 33, 1.
43 Pour une tentative de quantification sur les céramiques figurées dans l’habitat de Pomarico : D. Elia, dans Marcelin Barra Bagnasco (éd.), Pomarico Vecchio I. Ahilato mura necropoli materiali), Galatina, 1997, p. 111-125. Sur le problème de comptage de la céramique figurée : P. Arcelin, Le vase attique, un individu dans un contexte céramique, dans Céramique et peinture grecques 1999, p. 337-343.
44 Cette question a été posée récemment par A. Pontrandolfo dans Céramique et peinture grecques 1999, p. 267-277.
45 Sur les résultats des premières analyses chimiques : E. G. D. Robinson et alii, Analysis of South Italian Pottery by PIXEPIGME, dans Mediterranean Archaeology, 9/10, 1995/1996, p. 113-125.
46 A. Dell’Aglio, L’argilla. Taranto, dans Arte e artigianato 1996, p. 57. Je remercie ici A. Dell’Aglio et G. Andreassi pour m’avoir permis de consulter et publier une partie de ces données inédites.
47 Ces fragments appartenant au même skyphos, difficilement attribuables, rappellent, dans les mêmes motifs de bandelettes attachées aux bras, certains exemples proto-apuliens (p. ex. Peintre de Hearst : RVAp I, 1/34, p. 12).
48 Quelques fragments de skyphoi inédits renvoient clairement au Groupe intermédiaire (Tarente I.G. 198570 comporte un décor réticulé comparable à LCS 69/352 et 353).
49 Fragments de cratères I.G. 199436a (fig. 9) et I.G. 199439 (fig. 10). Le premier doit être assigné certainement au Groupe de Sarpédon, comme l’indiquent clairement d’autres fragments associés que nous ne pouvons faire figurer ici, ainsi que le traitement des cheveux et la présence de rehaut rougeâtre.
50 Fragment de cratère, Tarente, Arsenal militaire, sans numéro d’inventaire, difficilement assignable à un peintre. Des traces de rehaut indiquent peut-être une phase plus tardive.
51 Pour les supports de cuisson liés au complexe de via Leonida : Arte e artigianato 1996, p. 68-69. Ensemble archéologique contenant les supports de cuisson avec inscription : puits n° 1, via Umbria angle Medaglie d’Oro, 13-16 juillet 1965. Associés à ces supports, dans le même puits : fragments de cratère en cloche du Groupe PKP (I.G. 124008 ; LCS Suppl. I, 283a, pl. II, 2), deux fragments du même cratère en calice attribués au Cercle du Peintre de la Naissance de Dionysos : I.G. 124007 et 124040 (RVAp I, 2/18, le deuxième n’étant pas mentionné par Trendall) et d’autres petits fragments de céramique à figures rouges. On relève aussi la provenance d’un cratère à volutes, acquis plus tard (A.I. 691, I.G. 127081). Sur l’hypothèse d’E. Lippolis sur ce contexte : Ostraka, 1997, p. 371.
52 A. Dell’Aglio, L’argilla. Taranto, dans Arte e artigianato 1996, p. 51-67, en particulier les planches p. 50.
53 Voir l’ensemble cité à la note 51.
54 Sur ce problème et les “prédécesseurs” attiques, voir E. Lippolis, dans Ostraka, 1997, p. 359-378.
55 Groupe de fragments de cratère de Tarente avec les Argonautes, RVAp I, 2/15-17, p. 36-37. Voir annexe, AR2a et AR2b.
56 M. Denoyelle, Attic or non-Attic?: The Case of the Pisticci Painter, dans Potters and Painters, op. cit. à la note 24, p. 402-404. Les inscriptions à ce propos restent peu exploitées à ce sujet.
57 Voir Chr. Aellen et alii, Le peintre de Darius et son milieu, Genève, 1986, p. 37-42. Une autre amphore du même peintre porte le nom d’un personnage (A. Stenico, Un’anfora panatenaica del pittore di Hearst, Pavia, 1960). Il s’agit de deux graffiti après cuisson, dont l’authenticité serait à vérifier.
58 Pour une première approche de diffusion sur les bases de RVAp I : E. G. D. Robinson, Workshops of Apulian Red-figure outside Taranto, dans J.-P. Descoeudres (éd.), EUMOUSIA, Ceramic and iconographic Studies in honour of A. Cambitoglou, Sydney, 1990, p. 183-188.
59 RVAp I, 1/29, p. 12, avec référence précise au contexte.
60 Plusieurs vases proto-italiotes publiés n’ont pas été intégrés dans les corpus de Trendall : attribué au Peintre de Hearst (à vérifier), des fragments de cratère en calice provenant de la zone VI, pièce 14 (inv. H72.505), dans Himera II, Rome, 1976, p. 284, no 8 et Tav. XLV, 6.
61 RVAp I, 1/21, p. 10 ; 1/26, p. 11 ; 1/36, p. 12.
62 RVAp I, 1/23, p. 11, qui, selon la fiche du musée de Saint-Pétersbourg, viendrait de Nola.
63 Deux fragments inédits de l’Arsenal viennent s’ajouter aux quatre exemplaires ayant la même provenance, sans cependant posséder de données de découvertes complètes : I.G. 4551, RVAp I, 1/37, p. 12 ; I.G. 4626, RVAp I, 1/33, p. 12 et sans numéro d’inventaire, RVAp I, t/38, p. 13, auxquels on peut ajouter encore un fragment d’Amsterdam 2534, provenant assurément de Tarente, RVAp I, 1/45, p. 13.
64 Voir E. Lippolis, I semata funerari, dans Taranto, la necropoli 1994, p. 112.
65 Voir note 16.
66 D’après l’atto d’immissione no 691 du musée de Tarente, le cratère à volutes I.G. 127081 (Moret, Ilioupersis 1975, pl. 36-37 et 64,1) acquis seulement en 1967, provenait du même contexte que les supports de cuisson avec le nom ΛϒKΩNOΣ, voir note 1.
67 Peintre de la Danseuse de Berlin : tombe 24/1976 de Rutigliano : F. G. Lo Porto, Atti Taranto 1976, Naples, 1977, p. 741-742, tav. CXII-CXIV.
68 L’iconographie révèle des scènes déroutantes sur des vases qui semblent plutôt destinés aux hommes, par. ex., sur un cratère en cloche du Peintre d’Amykos (inv. TA 76083) avec, sur la face principale, une scène de femme au louterion, entourée de satyres et Pan, et, sur la face secondaire, une femme tenant un strigile. Ciancio 1997, tombe 2/1994, p. 204-215 et sur le cratère, fig. 131-136.
69 Cette vérification permet aussi d’éviter des erreurs d’interprétation : on relèvera par exemple l’inexactitude de l’identification d’Héra sur un fragment de Tarente (I.G. 54946, à l’envers dans la publication), grâce à un autre fragment qui, contrairement à la légende de la figure, ne provient pas du même contexte archéologique (il s’agit en réalité d’un fragment de Kiel, coll. privée, RVAp I. 1/69, p. 17) : A. Pontrandolfo et E. Mugione, La saga degli Argonauti, dans Le Mythe grec 1999, p. 345, fig. 10. Un autre fragment de cratère de la même main et provenant effectivement du même contexte (I.G. 54943, RVAp I 2/17 ; puits 111, via G. Giovine, 4 août 1 952) montre qu’il s’agit plutôt d’Aphrodite et Eros. Heureusement pour l’ensemble de l’argumentation, Héra figure à droite du groupe !
70 On peut relever par exemple, chez le Peintre de la Danseuse de Berlin, l’utilisation de schèmes très typés : le groupe guerrier grec + Amazone, avec des variantes minimes, apparaît sur le cratère en cloche de Saint-Pétersbourg (RVAp I, 1/5, p. 6), un cratère en calice de Boston (RVAp I, 1/7, p.7), ainsi que sur trois vases de Rutigliano (col du cratère à volutes RVAp I, 1/12a, p. 435, deux pelikai pratiquement identiques RVAp l/15a, p. 435 et 1/15b, p. 435 ou encore réparti sur deux faces de la petite amphore RVAp I, l/9a, p. 434). Le passage du schème au thème ne s’effectue que par l’inscription (péliké de Melbourne, RVAp I, 1/15, p. 8 : Télamon ; 1/15a, p. 435 : Pelée).
71 On citera tout de même deux ouvrages de synthèse inconincontournables : Chr. Aellen, A la recherche de l’ordre cosmique. Forme et fonction des personnifications dans la céramique italiote, Kilchberg, 1994 ; L. Giuliani, Tragik, Trauer und Trost. Bildervasen für eine apulische Totenfeier, Berlin, 1994.
72 Un exemple particulièrement frappant : A. Pontrandolfo, La ceramica lucana a figure rosse, dans Greci, Enotri e Lucani 1996, p. 206-212.
73 H. Frielinghaus, Das Einheimische in der apulischen VasenVasen-malerei: Ikonographie im Spannungsfeld zwischen Produzenten und Rezipienten, Berlin, 1995.
74 Voir Cl. Bérard, Iconographie-iconologie-iconologique, dans Etudes de Lettres, 4, 1983, p. 5-37.
75 Les liens entre les premiers peintres italiotes et étrusques ont été peu approfondis : M. Denoyelle, Sur la personnalité du Peintre d’Arnò. Un point de jonction entre Grande-Grèce et Etrurie, dans RA, 1993, p. 53-70.
76 M. Mazzei, Lo stile apulo tardo, dans Arte e artigianato 1996, p. 403.
77 K. Mannino, Gli ateliers attici e la nascita della produzione figurata, dans Arte e artigianato 1996, p. 363-370.
78 Pour la définition du terme “imagerie” pour la céramique attique : voir l’article de CI. Bérard, op. cit. à la note 74.
79 On citera ici deux schémas interprétatifs différents appliqués à certains vases de l’“ensemble” du P. de Policoro (N. Degrassi, Il Pittore di Policoro e l’officina di ceramica protoitaliota di Eraclea Lucana, dans BA, 50, 1965, 5-37) : pour l’interprétation théâtrale, O. Taplin, Narrative Variation in Vase-painting and Tragedy : the Example of Dirke, dans AK 41, 1998, p. 33-39 ; pour l’interprétation politique, G. Pianu, Eraclea Lucana, dans Ostraka VI, 1, 1997, p. 161-165.
80 Où sont d’ailleurs les vases indigènes ? La présence de Grecs dans ces sites est-elle totalement exclue ?
81 Sur cet ensemble, Voir F. G. Lo Porto, dans Atti Taranto 1976, Naples 1977, p. 741-742, pl. CXII-CXIV.
82 Amphore, Tarente I. G. 140638, RVAp I, 1/12b, p. 435.
83 Voir LIMC, I, 1981, p. 238, Adrastos, (I. Krauskopf) ; également M. Tiverios, dans MDAI(A), 96, 1981, p. 145 ss.
84 Stace, Thébaïde, IX, 900-902.
85 Amphore, Tarente I.G. 140602, RVAp I, l/9a, p. 434.
86 Péliké, Tarente I.G. 140637, RVAp I, 1/15a, p. 435.
87 Cratère à volutes, Tarente I.G. 140639, RVAp I, 1/12a, p. 435.
88 Oenochoé (de type 3), Tarente I.G. 140601, RVAp I, 1/11 b, p. 434.
89 Voir note 70.
90 Hydrie, Tarente I.G. 140230, RVAp I, l/10a, p. 434.
91 Hydrie, Tarente I.G. 140218.
92 Cratère en cloche, Tarente I.G. 140198, LCS Suppl. III, C6, p. 43.
93 Voir L. Giuliani, Contenuto narrativo e significato allegorico nell’iconografia della ceramica apula, dans Lo specchio del mito. Immaginario e realtà. Symposion, Rom 19-20 Februar 1998 (Palilia, Band 6), Wiesbaden, 1999, p. 43-51.
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