La place de la céramique attique dans une cité grecque de l’Extrême-Occident au IVe s. : l’exemple de Marseille
p. 131-144
Texte intégral
Les découvertes de Marseille
1.1. La distribution des vases attiques du IVe s. à Marseille
1Dans le cadre de la publication des actes du colloque sur la céramique attique du IVe siècle nous nous proposons de dresser un bilan sur la vaisselle à vernis noir et à figures du site de Marseille. L’analyse des tessons issus de fouilles d’habitat représentatives (en particulier celles des Pistoles) permet aujourd’hui de mieux cerner la place des importations attiques dans l’ensemble du mobilier pendant un siècle (le IVe s.) et de la ramener à de justes proportions en tenant compte du total des vases fins. Pour cette période, l’essentiel des informations disponibles émane, d’une manière générale, de découvertes provenant des fouilles de sauvetage qui se sont déroulées dans la ville grecque à partir de 19461. Les sites concernés se répartissent sur toute l’étendue de la ville du IVe s., dont le contour Nord et Nord-Est est encore flou, et en dehors d’elle dans les grands espaces funéraires connus (le Pharo sur la rive méridionale du port, les enclos funéraires de la Bourse et le Triangle Sainte-Barbe en contrebas de la butte des Carmes).
1.2. La documentation : les anciennes fouilles et les recherches récentes
1.2.1. L’inventaire des découvertes anciennes (fig. 1, 1-5 et 15)
1.2.1.a. Le Pharo
2Dès le XIXe s., il faut signaler la découverte de fragments du IVe s. dans le jardin du Pharo (cf. infra 3.1).
1.2.1.b. Les fouilles de l’immédiat après-guerre
3Ce sont les sondages archéologiques entrepris par la Direction des Antiquités après la guerre dans le quartier détruit du Vieux-Port (Gantès 1992a, 78, fig. 6) qui ont permis de constituer le premier tessonnier de Marseille grecque.
4Sur la partie Nord de la butte Saint-Laurent appartenant à la ville haute (secteur XV sous le square Protis : fig. 1, 1), la présence de nombreux fragments du IVe s. laisse supposer une occupation importante à l’époque classique (IVe s.) arasée lors de la reconstruction de la ville romaine au Ier s. de notre ère.
5Les nombreux sondages effectués en bordure de la rive Nord du Lacydon, au pied de la place de Lenche, ont apporté en trois points vers le port des remplissages stratigraphiques contenant des vestiges des Ve et IVe s. (secteurs XI, XVI et XVII anciennes rues Servian-de-la-Figuière, de Nuit, des Martégales et Moïse : fig. 1, 2-4). Dans cette région entre la butte Saint-Laurent et la butte des Moulins située immédiatement au sud des “caves dites de Saint-Sauveur”, les couches profondes sont riches en céramique attique.
1.2.1.c. La Vieille Poissonnerie (secteur II : fig. 1, 5)
6A l’est de l’Hôtel de Ville sous l’actuelle place Victor-Gelu au bord du Lacydon, les fouilles d’urgence opérées par F. Benoit en 1947 sur l’emplacement de l’ancienne Poissonnerie (secteur codé II des fouilles du Vieux-Port) ont restitué de nombreuses couches de l’époque classique d’un grand intérêt quant à l’étude de la céramique attique du IVe s. Bien que limité, le sondage 3 implanté sous l’ancienne halle ou Poissonnerie Vieille présentait une importante accumulation de sept couches d’origine détritique (ruisseau ?) qui colmatait un envasement (?) du port grec archaïque (couches I et J). Les épais niveaux C, D, E, F et G, fouillés sous un sol de béton du Ier s. de n. è., contenaient des formes caractéristiques du IVe s.
7La dispersion intéressante des importations attiques d’époque classique recueillies sur une partie de la ville basse permet d’affirmer que, malgré sa faiblesse relative (Villard 1960, 33, tableau des importations attiques), le IVe s. est souvent représenté à l’échelle de l’habitat antique. Le réexamen en 1995 du matériel trouvé dans les fouilles anciennes a donné un nombre plus important de tessons attiques du IVe s. : 127 fragments d’individus différents dont la plupart (104 pièces) viennent de la Vieille Poissonnerie, de la butte Saint-Laurent et des secteurs XI, XVI et XVII au pied de la place de Lenche.
1.2.2. L’apport des fouilles récentes
1.2.2.a. Les enclos funéraires de la Bourse (fig. 1, 6 et 7)
8Au nord-est du “mur de Crinas” un ensemble de deux enclos funéraires à incinérations du IVe s. a été mis au jour (Bertucchi 1992, 132-134) : l’un – enclos funéraire Nord ou B1 dégagé dès 1967 – a été détruit en 1973, l’autre – le monument à triglyphes bas ou enclos B2 exploré partiellement par G. Bertucchi en 1975 et en 1984 – a été conservé à l’intérieur du Jardin des Vestiges. Réduite à l’état de simples tessons, la céramique attique mise au jour provient pour l’essentiel du remplissage du monument à triglyphes. En outre, on a retrouvé dans l’enclos nord les restes d’une pélikè et une hydrie entière à figures rouges du style de Kertch ayant servi d’urne cinéraire. Ces importations attiques, importantes pour la datation, n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucune attribution stylistique.
1.2.2.b. La zone de l’abbaye Saint-Victor (fig. 1, 8 et 9)
9La présence de matériel ancien a depuis longtemps été remarquée dans les zones méridionales, en particulier à l’extérieur des bâtiments monastiques (Démians d’Archimbaud 1971, 89 ; Démians d’Archimbaud 1974, 316). Dans la zone Sud, les couches de remblai sur le replat rocheux sont relativement fournies en tessons anciens dont l’origine n’est vraisemblablement pas lointaine. Dans la cour Sud à l’emplacement de l’ancienne salle capitulaire dite du Temple, ces remblais contiennent un matériel résiduel dont la datation remonte au IVe s. av. J.-C. Il comprend des importations attiques à figures rouges et à vernis noir et d’autres types de mobilier également du IVe s. (urnes rhodaniennes non tournées, pâte claire massaliète, pseudo-attique et commune tournée). Il est manifeste que le secteur de l’abbaye Saint-Victor correspond à une occupation ancienne distincte des zones funéraires largement explorées au XIXe s.
10A peu de distance de cette zone, il faut signaler le chantier archéologique AFAN du 96-100 rue Sainte qui a confirmé en février 1992 la présence d’un matériel ancien du IVe s. dans les niveaux de remblais antiques (fig. 1, 9).
1.2.2.c. L’avenue Vaudoyer (fig. 1, 10)
11En limite occidentale de la cité, près de l’anse de l’Ourse et au sud de la Vieille Major, une séquence stratigraphique organisée autour d’une aire de circulation longeait à l’est un mur d’orientation nord-sud conservé en fondation (enceinte ?). Cette séquence d’époque classique composée de recharges très bien stratifiées a permis de reconnaître une succession de niveaux jusqu’à la fin du Ve s. (De Luca/Bouiron 1991, 117-118). Les couches de cette période (Us 415, 416, 427, 429, 500, 502, 504, 511, 513-515, 266, 286, 377-395, 490, 496 et 498) étaient recouvertes par un remblai du IIIe s. (Us 486), mais on note l’absence totale d’unités stratigraphiques en place du IVe s. néanmoins attesté par du matériel résiduel.
1.2.2.d. Les Pistoles (fig. 1, 11)
12Situées sur le versant nord-ouest de la butte des Moulins dans le secteur de la Vieille Charité, les fouilles des Pistoles en 1987-88 concernent un espace urbain important à l’intérieur des remparts de la cité classique (Gantès/Moliner 1990, 25-26). Occupé dès le deuxième quart du VIe s. mais malheureusement très mal conservé, cet espace semble dater du IVe s. Les témoins archéologiques mis au jour sous l’ancien îlot 62N correspondent à des niveaux d’habitat dont seules subsistaient de nombreuses fosses (zone 3, Us 358, 359, 389 et 417) ou des aires artisanales (zone 3, Us 222, 224, 338 et 339) et des remblais recouvrant une aire de circulation dallée est-ouest (zone 2, Us 284, 330, 359 et 361) (Gantès 1990, 18-21). La fouille nous a permis de découvrir des couches homogènes de la première moitié et de la fin du IVe s. qui indiquent une occupation substantielle à l’époque classique.
1.2.2.e. La nécropole de Sainte-Barbe (fig. 1, 12).
13Parmi la centaine de tombes conservées de la nécropole grecque, une seule sépulture à inhumation (n° 47) a livré de la céramique attique du IVe s. déposée en offrande (Moliner 1994, 77-79). Il s’agit d’une coupe Lamb. 22 portant sur le fond interne un décor complexe de palmettes en creux reliées et d’un petit lécythe aryballisque à vernis noir.
1.2.2.f. La place Général de Gaulle (fig. 1, 13)
14Les niveaux les plus profonds du site ont restitué un aménagement volontaire composé d’environ deux cents amphores massaliètes de type Bertucchi 3 et 4 destiné à combler une zone marécageuse hors les murs d’époque classique (Bouiron 1995, 64). Dans l’angle nord-est de la fouille, une couche compacte qui recouvrait cette installation mise en relation avec la création d’une hypothétique voie de la rive Sud (couche 1131 de la zone 2) date sans doute de fin Ve s.-début IVe s.
1.3. L’échantillonnage
15La monographie de François Villard sur Marseille mentionne seulement une vingtaine de pièces à figures rouges et à vernis noir du IVe s., une dizaine appartenant au style de Kertch. Aujourd’hui le nombre des pièces trouvées à Marseille est heureusement plus important et dépasse sensiblement celui du rapide catalogue dressé par François Villard au Musée Borély entre 1947 et 1957 (Villard 1960, 31-32 et pl. 18, 9-16). La révision de ce matériel a permis d’ajouter 95 tessons de céramique attique à cet inventaire ; depuis le commencement des fouilles de la Bourse jusqu’en 1995, ce sont plus de 74 pièces qui ont été retrouvées. Seules, les céramiques de la place Jules Verne (fig. 1, 14) ne sont pas prises en compte ici2.
2. Les grandes tendances des importations attiques à Marseille au IVe s. Analyse des formes
2.1. Les anciennes fouilles
16Conscient de la modestie de notre base statistique, nous avons opté avec prudence pour une présentation globale des tessons du IVe s. identifiables (limités à une centaine) issus des fouilles de F. Benoit. Nous ne retenons ici que la répartition détaillée des vases par types de formes individualisées. L’échantillonnage porte sur 43 vases à figures rouges et 52 à vernis noir provenant de l’habitat.
2.1.1. Les vases à figures rouges
17Cratère en cloche : 11 ; coupe sans tige et skyphos : 18 ; coupe-skyphos : 2 ; lékanis ou pyxis : 1 ; couvercle : 8 ; lécythe aryballisque : 1 ; pélikè : 2.
18On peut déduire que la céramique à figures rouges fournit les principales formes du service à boire. Les formes les plus attestées au cours de la période 400/350 av. J.-C. sont le vase à boire (coupe, skyphos, coupe-skyphos : 20) et le cratère (11), soit 72 % des vases.
2.1.2. Les vases à vernis noir
19Plat Lamb. 23 : 6 ; coupe/écuelle Lamb. 21 : 3 ; coupe/écuelle Lamb. 22 : 5 ; coupe/écuelle Lamb. 21/25 : 5 ; bol Lamb. 24 : 5 ; cratérisque Lamb. 40 : 2 ; coupe Lamb. 42A : 3 ; coupe Lamb. 42B : 6 ; skyphos Lamb. 43 : 9 ; coupe-skyphos : 4 ; coupe sans tige : 2 ; couvercle de pyxis : 2.
20Les principales formes de céramique à vernis noir qui correspondent aux fonctions du “boire” (Lamb. 40, Lamb. 42A, Lamb. 42B, Lamb. 43, coupe-skyphos et coupe sans tige) représentent 50 % du total (26 sur 52). Les formes pour manger (coupes/écuelles larges sans anses Lamb. 21, 21/25 et 22, plats Lamb. 23 et bols Lamb. 24) comportent 24 exemplaires (46 % des réceptacles).
21Globalement (figures rouges + vernis noir) les vases du service à vin ou assimilés (du genre bol) correspondent à 31 vases (il s’agit principalement de vases ouverts à anses) tandis que les récipients pour le manger (constitués de plats et de coupes/écuelles) ne représentent que 19 vases.
22Pour la période allant du début à la fin du IVe s. et en nous contentant ici de la répartition des céramiques attiques, on voit que les contenants les plus répandus à Marseille (60 %) appartiennent justement à la consommation du vin dont l’usage populaire est une caractéristique des milieux grecs.
2.2. L’apport des recherches récentes (fouilles des Pistoles)
2.2.1. Les vases à figures rouges (première moitié du IVe s.)
23Cratère en cloche : 5 ; coupe sans tige et skyphos : 8 ; coupe-skyphos : 1 ; couvercle : 3 ; pélikè : 2.
24Les céramiques attiques à figures rouges des Pistoles comprennent les formes du service à boire des habitats grecs : coupes et cratères (14/19 vases). On constate qu’on retrouve toujours le même répertoire.
2.2.2. Les vases à vernis noir
25Plat Lamb. 23 : 2 ; coupe/écuelle Lamb. 21 : 9 ; coupe/écuelle Lamb. 22 : 6 ; petit bol Lamb. 24 : 1 ; coupe Lamb. 42Ba : 3 ; cratérisque Lamb. 40 : 4 ; lagynos Cuadrado 70 : 1.
26Dans la fouille des Pistoles, les deux formes majoritaires à la fin du IVe s. dans cette catégorie sont les coupes/écuelles sans anses à bord nettement rentrant (Lamb. 21) et celles à bord redressé (Lamb. 22) : 15 vases sur 26. Ces vases représentent, avec le plat à poisson Lamb. 23, les formes pour manger. Les vases à boire utilisés (7 vases) sont représentés par deux formes principales : la coupe Lamb. 42Ba à deux anses horizontales (Boisai) et le cratérisque Lamb. 40. On notera cependant que la forme pour boire la plus courante sur le site est le bol à bord rentrant (Lamb. 27ab) : 29 vases. Ainsi les Grecs de Marseille, à la fin du IVe s., utilisent plus les bols Lamb. 27ab originaires des ateliers de Rome (atelier des petites estampilles) que les productions attiques.
27A titre de comparaison, dans les fouilles de Saint-Victor (cour Sud + ancienne sacristie), les vases à vernis noir (19 individus) sont plus nombreux que les vases à figures rouges (2 individus). Le répertoire des formes de vases à vernis noir bien que réduit est le suivant :
28Plat Lamb. 23 : 5 ; coupe/écuelle Lamb. 21 : 4 ; coupe/écuelle Lamb. 22 : 6 ; coupe/écuelle Lamb. 21/25 : 1 ; skyphos Lamb. 43 : 1 ; lékanis ou pyxis : 2.
29Les formes pour manger (plats et coupes/écuelles) représentent 16 vases sur 19. On relèvera l’absence des produits romains de l’atelier des petites estampilles. Ce fait vient confirmer la fourchette chronologique fournie par les importations attiques comme par les autres séries céramiques retrouvées et qui concerne les trois premiers quarts du IVe s.
2.3. Eléments d’évolution du matériel attique à Marseille
30Pour la fin du Ve et le IVe s., on ne dispose que d’un échantillon faible : les fouilles entreprises depuis 1975 ont fourni plus de 414 tessons et 83 bords trouvés en stratigraphie. Les importations attiques occupent une place modeste dans le vaisselier massaliète à partir de 400 (entre 12 et 4 % des individus non amphoriques contre 19,7 à 30 % au dernier quart du Ve s.). A partir de cette date, les importations de vases attiques décroissent progressivement, mais elles restent attestées jusqu’à la fin du siècle qui voit l’apparition de nouveaux fournisseurs, comme l’atelier romain des petites estampilles (7,7 %).
31Voici les données quantitatives sur la céramique attique recueillie :
Avenue Vaudoyer (21.89.R. et 21.90) : dernier quart du Ve s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 1211 fragments = 142 individus minimum.
Céramique attique : 239 fragments (19,7 % de la vaisselle fine) = 28 individus minimum (19,7 % de la vaisselle fine).Place Général de Gaulle (31.92) : dernier quart du Ve s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 392 fragments = 56 individus minimum.
Céramique attique : 81 fragments (20,6 % de la vaisselle fine) = 17 individus minimum (30,3 % de la vaisselle fine).Bourse-Triglyphe : premier quart du IVe s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 433 fragments = 82 individus minimum.
Céramique attique : 57 fragments (13,1 % de la vaisselle fine) = 10 individus minimum (12,1 % de la vaisselle fine).Pistoles (11.89) : deuxième quart du IVe s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 819 fragments =120 individus minimum.
Céramique attique : 39 fragments (4,7 % de la vaisselle fine) = 7 individus minimum (5,8 % de la vaisselle fine).Bourse-A 202 : troisième quart du IVe s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 256 fragments = 62 individus minimum.
Céramique attique : 5 fragments (1,9 % de la vaisselle fine) = 1 individu minimum (1,6 % de la vaisselle fine).Pistoles (11.89) : dernier quart du IVe s. av. J.-C.
Total général de la vaisselle : 1803 fragments = 374 individus minimum.
32Céramique attique : 112 fragments (6,2 % de la vaisselle fine) = 18 individus minimum (4,8 % de la vaisselle fine).
3. Les représentations figurées sur les vases attiques à figures rouges
3.1. Les vases à figures rouges des espaces funéraires
33Parmi les importations de céramique à figures rouges trouvées à Marseille, quelques pièces méritent d’être mentionnées. Ces trouvailles proviennent toutes des espaces funéraires (secteur du Pharo et terrasses de la Bourse : fig. 1, 15 et 6-7).
3.1.1. Le Pharo
34Pour les céramiques figurées du style de Kertch découvertes probablement dans le jardin du Pharo en 1876 et publiées par M. Clerc (Clerc 1927, 307-307-311 ; Inventaire Borély n° 3579 à 3588), on dispose des déterminations de K. Schefold (Schefold 1934, 156, n° 520-524) et de Fr. Villard (Villard 1960, 31-32). D’après Schefold, une pélikè (n° 3580 ?) est décorée d’une scène dionysiaque et une autre (n° 3581-3581-3582 ?) d’une représentation du jugement de Pâris. Deux autres pélikès comportent une scène de combat d’un Arimaspe contre un griffon.
35Les quatre fragments dont les dessins sont reproduits par M. Clerc (Clerc 1927, 308, fig. 77, 1-3 et 5) n’ont pas été retrouvés au Musée d’Histoire de la Ville de Marseille3. En revanche les objets conservés sous le numéro d’inventaire Borély 3583, 3584 et 3588 ont pu être réétudiés. Fr. Villard se fondant sur les dessins publiés par M. Clerc estimait à cinq le nombre des vases recueillis au Pharo (Villard 1960, 32). En réalité les fragments conservés se rapportent à trois pélikès. En nous fondant sur l’étude du décor des fragments 3580-3582( ?), têtes féminines tournées de face, très proches du style de la tête de la femme assise tenant une loutrophore ou de celle portant un coffre du couvercle de la lékanis AE 4880 du Musée de Thessalonique (Pandou 1989, 103-105), nous proposons de dater notre vase du deuxième ou du troisième quart du IVe s. Les fragments n°3580-3582 présentent une identité stylistique (traitement des têtes de face et dessin du plissé de l’étoffe) avec la pélikè de Léningrad St 1795 publiée par K. Schefold (Schefold 1970, pl. 18ab).
36On peut recoller le grand col n° 3584 du Musée d’Histoire de Marseille (Clerc 1927, 309, fig. 78, 1) au fragment 3583 (Clerc 1927, 308, fig. 77, 4) décoré d’une tête féminine, un amour volant et une figure féminine debout se présentant de face et portant une torche enflammée (fig. 2.3). Par le style et par le thème, le traitement des représentations est très proche de celui de la pélikè de Léningrad St 1795 qui représente Apollon et Marsyas et nous porte à attribuer notre vase au Peintre de Marsyas (vers 370-350). On peut même penser que les trois fragments n° 3580-3582 appartiennent en fait à ce même vase.
37La pélikè du Pharo n° 3588 (fig. 2.1-2 ; Clerc 1927, 309, fig. 78, 2) se rapproche par le rendu en blanc de la tête du griffon de la pélikè du Cabinet des Médailles publiée par H. Metzger (Metzger 1951, pl. XLII, 2).
3.1.2. La Bourse
38Deux vases proviennent de l’enclos funéraire nord de la Bourse et ont été signalés par Fr. Salviat : une pélikè fragmentaire trouvée dans le voisinage de la terrasse funéraire n° 1 (Euzennat 1969, 129, fig. 12) et une hydrie avec combats de Grecs et d’Amazones (Salviat 1974, 516, fig. 20) ; ils n’ont pas été attribués jusqu’à présent.
39La pélikè du style de Kertch était utilisée comme vase cinéraire (?). Elle est recomposée en partie (fig. 2.4). Le rebord mouluré est orné sur la lèvre d’une frise d’oves entre filets et séparés par des points. Sur l’anse le décor est limité par une palmette à 15 branches (fig. 2.5). Sous l’anse, une palmette à 17 branches. La face A présente une scène d’Amazonomachie (fig. 2.6) : une Amazone à cheval, habillée d’un costume phrygien (pantalon, chiton ceinturé et bonnet brodés), brandit deux lances ; un guerrier muni d’un bouclier (peltaste ?) est en train de se défendre. Ses cheveux traités en boucles sont ceints d’une bandelette. Le bras droit replié tient une lance. Sous le guerrier tenant de son bras gauche un bouclier, restes d’un drapé. Dans le champ, branches de lauriers. A droite de l’Amazone, un guerrier muni d’un bouclier brandit dans sa main droite un objet indéfini. Un troisième personnage devant l’Amazone, un jeune homme nu, les jambes à demi fléchies, a le dos tourné. L’animation du combat à la lance est rendu par le mouvement des bras. L’Amazone de la pélikè de la Bourse se rapproche (trait épais sous la lèvre inférieure des personnages, dessin du costume brodé) du style des Amazones d’une pélikè du Peintre de Munich 2365 (Boardman 1989, 198, fig. 380) ou des Orientaux en lutte avec trois griffons de la pélikè du British Museum Ε 434 (Metzger 1951, pl. XLII). Le tableau est limité en haut par une frise de deux filets horizontaux de points. Sur la face B, trois jeunes gens, drapés dans leur long manteau, sont en train de converser (fig. 2.7). La scène est limitée en haut et en bas par une frise d’oves (rédigé d’après les clichés CNRS, Chéné-Réveillac). Vers 390. Proche du Peintre de Munich 2365.
40L’hydrie qui contenait des restes humains incinérés a pu être recomposée (fig. 3.8-9). Elle est exposée au Musée d’Histoire de Marseille. L’épaule et la panse sont ornées d’une Amazonomachie (fig. 3.10) : au centre de la zone figurée, une Amazone à cheval dessiné en blanc vers la droite, habillée du costume phrygien (pantalon, chiton et bonnet), brandit une lance contre un jeune homme (Thésée ?) lui faisant face, vêtu à la manière d’un voyageur d’une chlamyde fixée sur une épaule. Le jeune homme drapé vers la gauche tient probablement la lance de l’Amazone pour se défendre. Il est coiffé d’un chapeau plat (pétase) et n’est pas armé. A gauche, un second personnage masculin habillé d’un chiton brandit un javelot contre l’Amazone à cheval (jambe droite lacunaire). Une deuxième Amazone, tournée vers la droite, tient de son bras gauche un arc à double arceau. A droite, derrière le personnage coiffé du pétase, se tient une troisième Amazone tournée vers la gauche et le bras droit levé au dessus de sa tête. Le tableau est délimité en haut par une frise d’oves alternant avec des points entre des filets horizontaux et en bas par une bande d’oves simples entre des lignes horizontales. Sous les deux anses horizontales, une palmette à 15 branches sans volutes délimite le tableau sur les côtés (fig. 3.9). L’anse verticale de l’hydrie est décorée d’une palmette sans volutes. Au dessous de la base de l’anse une palmette à 13 branches renversée est reliée aux deux autres palmettes sur l’épaule du vase par des tiges en volutes. La composition de la décoration de ce vase met l’accent sur l’affrontement de l’Amazone à cheval et du personnage portant le pétase. Le traitement rapide des plis du chiton et le rendu des traits du visage des personnages est proche de l’œnochoé du Musée de Léningrad publiée par K. Schefold (Schefold 1934, pl. 4a et 5) qui appartient à la première phase du style de Kertch vers 370. Le dessin des visages ressemble au traitement du visage du fragment inv. 5301c de Kition attribué au Retorted Painter par M. Robertson (Robertson 1981, pl. XLIV n° 80 III, vers 375-350). L’hydrie de la Bourse se rattache étroitement par le style et par le thème à l’hydrie du British Museum Ε 233 (Boardman 1989, 212, fig. 415) rapprochée du Groupe G par Beazley et datée du premier quart du IVe s. La représentation du personnage qui tient un arc à double arceau rappelle en particulier celle de l’Amazone de l’hydrie de la Bourse.
41Dans l’espace funéraire de la Bourse, on a trouvé au moment des travaux un skyphos attique à figures rouges fragmentaire décoré d’un éphèbe drapé du Groupe du “Fat Boy” (fig. 3.11).
3.1.3. La nécropole de Sainte-Barbe
42La nécropole grecque de Sainte-Barbe fouillée en 1991 a livré, recueillis hors stratigraphie dans les remblais ultérieurs, un fragment de paroi de cratère portant le buste nu d’un homme couché sur un lit de banquet, le bas du corps enveloppé dans un himation (fig. 3.12), et un bord de skyphos décoré d’un éphèbe en himation de profil vers la gauche devant un cercle réservé avec un ove grossier (fig. 3.13).
3.2. Les vases à figures rouges de la ville grecque
43On ajoutera à ces pièces le matériel fragmentaire des fouilles urbaines de Marseille qui comporte un décor figuré déterminable.
3.2.1. Les fouilles anciennes du quartier du Vieux-Port
44Ces fouilles ont fourni des petits fragments du style à figures rouges tardif se rapportant surtout à des coupes sans tige et à des cratères.
Secteur I : un fragment de cratère décoré d’un griffon recueilli rue Négrel est reproduit par Villard (Villard 1960, pl. 18, 13) (fig. 3.14) ; un autre appartenant à une coupe a conservé une palmette autour de l’anse (fig. 3.15).
Secteur II (Vieille-Poissonnerie), sondage 3, couche C :
une coupe profonde sans tige est décorée à l’extérieur d’un jeune homme nu, tourné à gauche, avec les restes d’une palmette (fig. 3.16). Le dos du personnage est très cambré et les traits des détails anatomiques sont très visibles. Le style est proche de celui de la coupe 16-243 du Musée de Jaén en Andalousie publiée par P. Rouillard (Rouillard 1975, 23-25).
un fragment de lèvre pendante semblant se rattacher à un vase de grande dimension (couvercle ?) est orné d’une frise d’oves (fig. 3.17)
un fragment de bord qui pourrait appartenir à un plat à poisson porte une frise de postes courant vers la droite (fig. 3.18)
un fragment de la vasque d’une coupe porte à l’intérieur une tête de femme à gauche et à l’extérieur les restes d’une femme drapée courant vers la gauche (fig. 3.19).
Secteur XV : un bord de coupe avec les restes d’un éphèbe drapé à droite (fig. 3.20).
3.2.2. Les fouilles récentes
Des fouilles municipales de la rue de la Cathédrale (1987), mentionnons un fragment de pélikè avec les restes de deux jeunes hommes drapés tournés à droite vers un autre personnage qui leur fait face (fig. 4.21 : Jacob 1987-1988, 248 fig. 61 n° 7) ; l’un deux (le second) a le bras droit fléchi. Ce fragment est placé par Fr. Villard vers 375-3504.Le rendu des lèvres est presque identique à celui du fragment inv. 4021 de Kition publié par M. Robertson (Robertson 1971, pl. XLV n° 109, vers 350).
Aux fouilles des Pistoles (1989 et 1995) se rapportent :
un fragment de couvercle de lékanis décoré extérieurement d’un personnage féminin assis vers la gauche, drapé et tenant un alabastre ; dans le champ, restes d’une tête ; début du IVe s. (fig. 4.22)
un fragment de panse de cratère en cloche décoré d’une femme dansant à droite ; première moitié du IVe s. (fig. 4.23)
un rebord de skyphos décoré d’un jeune homme en chiton vers la gauche du Groupe du “Fat Boy” ; vers 375-350 (fig. 4.24)
un fragment de coupe sans tige décorée à l’intérieur d’un personnage à droite ; première moitié du IVe s. (fig. 4.25)
un fragment de vasque de coupe sans tige : médaillon central à l’intérieur : personnage féminin assis vers la gauche, coiffé du sakkos ; vers 400-375 (fig. 4.26)
un fragment de vasque de coupe sans tige : médaillon central à l’intérieur : pattes d’un félin (griffon accroupie ?) sur le méandre bordant le médaillon attribué par Fr. Villard au Peintre de Méléagre ; vers 400-375 (fig. 4.27)
un fragment de vasque et de pied d’une coupe sans tige décorée à l’intérieur d’un personnage féminin (ménade ?) ; vers 375 (fig. 4.28).
L’opération AFAN menée en 1994 rue Jean-François Leca a permis de découvrir un couvercle de lékanis fragmentaire décoré d’un personnage féminin assis vers la gauche, habillée d’un chiton et tenant dans la main gauche un coffret ; vers 375-350 (fig. 4.29). Attribué au Groupe Otchet de Sir John Beazley.
3.3. La place de Marseille en Extrême-Occident (fin Ve s.-milieu IVe s.)
3.3.1. La courbe des importations à Marseille, Arles, Agde et Ampurias
45On prendra seulement en compte les dernières indications chiffrées de quelques villes de l’Extrême-Occident pour lesquelles les grandes tendances des importations attiques sont connues. L’Arles protohistorique (Theline) correspond à une agglomération urbanisée de 30 ha. Ce n’est pas, comme Agde, une colonie de Marseille grecque même si, d’après P. Arcelin, des Grecs ont pu l’occuper dès 520/500 av. J.-C. (Arcelin 1995, 325-338, et infra Arcelin/Rouillard). Jusque vers 350, le faciès du mobilier céramique du centre de l’agglomération est proche de celui de Marseille et d’Agde. Pour Agde, la seule chose sûre est qu’à partir de la fin du Ve s. il s’agit d’une fondation de Marseille. Les ressemblances avec le matériel de la cité-mère massaliète après 400 sont en effet la conséquence possible de la fondation d’Agathé, comme le montre la première publication de l’habitat et du faciès céramique par le regretté A. Nickels (Nickels 1995, 59-98). Pour Emporion, les fouilles menées depuis 1985 sous la direction d’E. Sanmarti Grego dans le secteur méridional de la cité ont permis d’apporter de nouvelles données quantitatives, surtout pour le IVe s. qui nous intéresse ici. Ces dernières mettent bien en évidence les convergences et les divergences avec Massalia. Toutefois il semble que le mobilier récupéré sur le secteur d’un sanctuaire suburbain - fouille de la muraille sud en 1985 (Sanmarti Grego 1988, 99-137) et de l’Asklepieion en 1988 (Sanmarti Grego 1995, 31-47) - ne puisse pas être comparé à celui de l’habitat massaliète. En revanche, les données statistiques publiées par P. Rouillard à partir des importations attiques présentent, entre 425 et 325, un faciès voisin de celui de Marseille (Rouillard 1991, 112, tableau 4 à gauche, et 113, graphique de gauche). Pour Marseille, les temps forts des importations attiques ont été récemment publiés (Gantès 1992b, 174-175 et fig. 3) : entre 400 et 300, la quantité de céramiques attiques décroît après une augmentation assez nette, de 20 à 30 % (pourcentage en NMI par rapport à la vaisselle), à la fin du Ve s. Les fouilles récentes de l’Equipe archéologique municipale ont confirmé ces fluctuations, globalement moins brutales (cf. supra 2.3 et fig. 5).
46Pour Arles, nous disposons des pourcentages du matériel du “sondage test” effectué par P. Arcelin lors des fouilles du Jardin d’Hiver (2500 m2). Le matériel grec de ce site, toujours inédit, a été étudié par P. Rouillard et les résultats préliminaires de son enquête ont été publiés dans les Actes du Colloque sur Marseille grecque et la Gaule (Rouillard 1992, 183). Malheureusement les pourcentages pris en compte n’ont pas été évalués par rapport à l’ensemble des autres céramiques de table et de cuisson, mais par rapport à l’ensemble des importations attiques. Toutefois cette répartition provisoire vaut d’être présentée parce que les calculs montrent, comme à Marseille, le déclin de ces importations entre 425 et 350 av. n.è. (15,8 % de l’ensemble des importations à la fin du Ve s. à 2,8 % au milieu du IVe s.).
47Le site d’Agde (fouilles de la rue Perben) semble connaître dans le rythme de ses importations attiques entre 425 et 300 av. J.-C. un ralentissement moins brutal (de 12 à 10 % des fragments de vaisselle) (Garcia 1995, 99-103).
48Le flux des vases attiques de la Neapolis d’Ampurias est connu. La prépondérance des importations attiques parmi la vaisselle fine (plus de 50 % au IVe s.) doit être considérée avec une certaine prudence dans l’état actuel des fouilles, même si le monnayage, en particulier la série des oboles à la chouette d’Athènes émises dans le premier quart du IVe s. (Campo/Sanmartí Grego 1994, 164), est le signe qu’il existait des relations privilégiées entre Ampurias et Athènes au IVe s. Ainsi, entre 400 et 375 dans la fouille de la muraille (Sanmartí Grego 1988), on note que la céramique attique est presque exclusivement présente (73,8 % des fragments de vaisselle !) et, entre 375 et 350 dans le dépôt du secteur nord de l’Asklépieion (Sanmartí Grego 1995), les fragments attiques représentent 48,8 % des fragments de céramique fine. Bien qu’Ampurias présente un cas particulier, les calculs de P. Rouillard pour l’ensemble des productions attiques indiquent toutefois le fléchissement des importations à partir de 400, comme pour Marseille (Rouillard 1991, 112, tableau 4 à gauche, et 113, graphique 3 à gauche).
49Les importations attiques à Marseille s’étendent sur tout le IVe s. La céramique à vernis noir qu’il ne faut pas sous-estimer est représentée jusqu’aux alentours de 300. Au dernier quart du Ve s., les vernis noirs constituent 20 vases sur 28. Au premier quart du IVe s., ils représentent 8 vases sur 9 ; au deuxième quart 7 récipients sur 10 ; enfin au dernier quart du IVe s., 11 vases sur 12 sont à vernis noir. Le matériel à figures rouges accompagne les produits à vernis noir avant et un peu après le début du style de Kertch vers 375. Il occupe toujours une part très modeste de la vaisselle attique et est attesté jusqu’à la fin du IVe s.
3.3.2. La distribution des formes de vases à Marseille et à Ampurias au IVe s. av. J.-C.
50Si on se reporte aux formes des vases attiques à figures rouges découverts à Marseille et à Ampurias, on note avec intérêt que la part des vases ouverts (surtout des coupes, des skyphos et des cratères en cloche) est majoritaire à Marseille dans la première moitié du IVe s. (45/52 vases = 86,5 % des vases à figures rouges) et à Ampurias entre 400 et 375 (fouille de la muraille grecque : 63/76 vases = 82,8 %). En revanche, semblant surtout utilisés à Marseille comme vases cinéraires dans les tombes de la première moitié du IVe s. même si ils sont présents de façon épisodique dans l’habitat (4/52 vases), les vases fermés (hydries et pélikès) paraissent plus rares dans la mesure où peu de sépultures de cette période ont été trouvées (Pharo et Bourse). Cependant, à Ampurias, on constate dans les nécropoles du IVe s. la rareté des hydries et pélikès (Almagro Basch 1953).
51Pour la vaisselle à vernis noir des fouilles anciennes et récentes de Marseille, les comptages des individus (97) révèlent les formes les plus courantes au IVe s. : 17 coupes/écuelles Lamb. 22 ; 16 coupes/écuelles Lamb. 21 ; 13 plats Lamb. 23 ; 10 skyphos Lamb. 43 ; 9 coupes Lamb. 42B ; 6 cratérisques Lamb. 40. On note que les vases pour manger, c’est-à-dire les plats à poisson (Lamb. 23) et les coupes-écuelles (Lamb. 21, Lamb. 22 et Lamb. 21/25), sont les deux formes majoritaires (52 pièces sur 97 = 53,6 %). Les vases à boire (coupe Lamb 42A et 42B, coupe sans tige, coupe-skyphos, skyphos Lamb. 43 et cratérisque Lamb. 40) représentent 34 vases sur 97 (35 %). La faiblesse relative des vases à boire parait traduire une modestie dans les effectifs statistiquement insuffisants.
52Dans les fouilles de l’Asklépieion d’Ampurias, les vase à boire représentent 39 individus sur 103, soit 37,8 % (Sanmarti Grego 1995, 40-41). Il correspond surtout à des skyphos de type A, des coupes et des cratères en cloche à figures rouges, à des skyphos Lamb. 43, des coupes/écuelles Lamb. 21 et Lamb. 22, des coupes-canthares.
3.3.3. La céramique attique et les céramiques fines locales
53Les fouilles récentes de Marseille (chantiers de l’avenue Vaudoyer et des Pistoles, 1989) fournissent les données principales même si l’échantillonnage utilisé est encore assez faible. Ainsi vers 425-400, les céramiques fines concernent 142 vases différents. Les vases dédiés à la boisson (coupes, coupes du type Boisai, coupes-skyphos et skyphos) comptent 27,4 % des bords (39 sur 142). C’est pour l’essentiel de la céramique claire massaliète (21 vases sur 39 = 53,8 %). Les apports attiques sont attestés par un total plus modeste de 18 exemplaires (46,1 %). Entre 375 et 350, la vaisselle étudiée représente 121 individus dont 37 vases à boire (30,5 % : bols, coupes à une anse, coupes, coupes-skyphos et coupes carénées). Parmi ces derniers, la vaisselle attique ne fournit qu’une coupe-skyphos contre 31 exemplaires de céramiques locales claires massaliètes, 3 exemplaires de pseudo-attiques et un exemplaire de grise monochrome. Enfin à la fin du IVe s., sur un effectif de 374 bords, on relève 134 vases à boire (35,8 % : bols, coupes à une anse, coupes et cratérisques), en quasi-totalité des productions à pâte claire (97 exemplaires, soit 72,3 % des vases à boire). Les bols qui servaient aussi, selon M. Bats, à la consommation de mets liquides ou semi-liquides occupent une place importante (44 exemplaires) surtout si l’on ajoute les produits de l’atelier des petites estampilles (29 bols Lamb. 27ab) : 73 exemplaires, soit 54,4 % des vases à boire. La céramique attique (12 vases sur 374 = 3,2 %) concerne surtout les récipients à manger : les écuelles Lamb. 21 et 22 (10/12 vases). Ainsi, à Marseille, quand la forme 27 de l’atelier des petites estampilles devient dominante à partir de 300, la céramique d’Athènes a pratiquement disparu du marché de consommation et la céramique locale est désormais la catégorie la plus utilisée dans la vaisselle.
4. Pour conclure : la place des exportations attiques à Massalia au IVe s.
54Au terme de ce travail sur le rôle de la céramique attique à Marseille au IVe s. il nous faut mettre l’accent sur la quantité relativement faible des vases athéniens utilisée dans la vaisselle de table entre 400 et 300. Les formes les plus largement consommées concernent essentiellement le répertoire des vases à boire (vases à figures rouges mais aussi à vernis noir) mais aussi des vases pour le manger (vaisselle à vernis noir). Les vases ouverts prédominent comme partout dans les régions les plus occidentales de la Méditerranée. Comme à Ampurias au IVe s. il s’agit encore du même éventail des formes. Par comparaison avec Emporion, on note des différences de rythme et de volume qui traduisent en filigrane un des caractères particuliers de l’économie massaliète pour le commerce extérieur. La périodicité de l’économie massaliète montre en effet qu’à cette époque ce sont les produits locaux notamment la céramique à pâte claire et les amphores qui restent majoritaires.
55Il s’agit d’un faciès global mis en place dès les alentours de 550/500 av. J.-C. Au Tunnel de la Joliette, entre 425 et 400, la céramique fine de table et les amphores massaliètes représentent 69,8 % du total des individus recueillis (156) et l’attique 16,0 %. A la Bourse (triglyphe), entre 400 et 375, la poterie de fabrication massaliète passe à 71,2 % des vases (94) et l’attique à 10,6 %. Aux Pistoles, entre 375 et 350, elles correspondent à 80,5 % du total des bords (154) et l’attique à 4,5 %. Et entre 325 et 300, la production massaliète concerne 60,2 % du volume des découvertes mobilières (423) et l’attique 4,2 %.
56L’amenuisement progressif (fig. 6) des proportions de céramique attique au IVe s. est accompagné jusque vers 350-325( ?) par une forte progression des productions massaliètes (vases fins et amphores). A noter que les taux d’attique aux alentours de 4,5 % vers 375-350 persisteront jusque vers 300 (4,2 %) en dépit du rapide accroissement des vases massaliètes (60,2 %) et des productions du Latium (atelier des petites estampilles) (9,2 %). La baisse graduelle des achats des vases attiques après 400 apparaît plutôt liée à des facteurs externes d’ordre international et en particulier à un amenuisement du volume des céramiques exportées par Athènes au début du IVe s. On remarquera toutefois qu’à Ampurias la baisse relative se situe au même moment. A Ampurias la céramique attique commence vraiment à décliner après 400 comme l’a déjà noté P. Rouillard toutefois après 350 on constate que cette diminution est plus sensible. Comme à Marseille les importations de vases attiques cessent à peu près totalement entre 350 et 325.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Fouilles du Vieux-Port de la Direction des Antiquités (F. Benoit), de la Bourse de la Direction des Antiquités avec l’IAM (M. Euzennat et F. Salviat) et du Centre Camille Jullian-CNRS, de l’abbaye de Saint-Victor du LAMM-CNRS (G. Démians d’Archimbaud) et de 1985 : fouilles des Pistoles, de l’avenue Vaudoyer, de Sainte-Barbe et de la place Général-de-Gaulle (EAM, Atelier du Patrimoine) et de l’AFAN (fouilles de l’avenue Vaudoyer, de la rue Sainte et de la rue Jean-François Leca). Pour la rédaction de ce travail l’auteur remercie les collègues qui lui ont confié l’étude de leurs céramiques, tout particulièrement G. Bertucchi (terrasses funéraires de La Bourse), M. Bouiron (fouilles de l’avenue Vaudoyer et de la place Général-de-Gaulle), Br. De Luca (fouille de l’avenue Vaudoyer en 1990), G. Demians d’Archimbaud, M. Fixot et L. Vallauri (fouilles de l’abbaye de Saint-Victor), M. Moliner (nécropole de Sainte-Barbe et fouille des Pistoles en 1995), H. Tréziny (fouille des remparts de La Bourse) et Ph. Mellinand (fouilles de la rue Sainte en 1992 et de la rue J.-Fr. Leca en 1994).
2 Nous n’avons pas pris en considération les importations attiques du chantier de la place Jules Verne confié en 1992 à Mme A. Hesnard (CNRS-Centre Camille Jullian) avec l’assistance de M. Pasqualini (SRA) et de P. Pomey (CNRS-Centre Camille Jullian). M.-Cl. Delassalle a étudié l’ensemble des céramiques figurées de la fouille. Cette étude préliminaire a fait l’objet d’un D.E.A. sous la direction d’A. Hermary qui a été présenté en juin 1994. Dans l’optique de ce colloque, comme la majorité du matériel est inédite, il est encore impossible de mesurer l’importance (la surface de la fouille était de 37 000 m2 pour un volume archéologique total de 28 000 m3) des découvertes mobilières de l’époque grecque classique (IVe s. av. n.è.). Il aurait été intéressant de pouvoir disposer d’une première analyse quantitative du faciès céramique de la phase du IVe s. av. n.è. Rappelons que cette phase est attestée archéologiquement sur la fouille par des aménagements portuaires (chantier naval).
3 Nous remercions vivement Myriame Morel-Deledalle, Conservateur du Musée d’Histoire de Marseille, de nous avoir permis de prendre connaissance de ce matériel qui était conservé au Musée Borély et qui se trouve aujourd’hui au Musée d’Histoire.
4 Nous remercions tout particulièrement François Villard pour ses précieuses déterminations.
Auteur
Archéologue municipal à l’Atelier du Patrimoine de la ville de Marseille.
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